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Déterminants de l'avortement provoqué au Gabon

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par Wilfried MENDAME MVE
Institut de Formation et de Recherche Démographique-Yaoundé - DESS Démographie 2005
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERAL 5

Problématique 5

Justification et intérêt du sujet 8

Objectif général 10

Objectifs spécifiques 10

CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE L'ETUDE 11

1.1. Environnement socioéconomique 11

1. 2. Situation sanitaire 12

1-2-1. Espérance de vie à la naissance 12

1-2-2. Niveau de mortalité maternelle 13

1-2-3. Couverture des prestations sanitaires de base 13

1-2-4. Un taux élevé de grossesses précoces 13

1-2-5. Offre de services de santé 14

1. 3. Données sur la fécondité et la nuptialité 14

1-3-1. Niveau de fécondité et fécondité différentielle 14

1-3-2. Intervalle intergénésique 14

1-3-3. Age à la première naissance. 15

1-3-4. Age à la première union. 15

1-3-5. Age aux premiers rapports sexuels 16

1-3-6. Le problème de l'infécondité pathologique 16

1. 4. Culture, traditions et comportements 17

1. 5. Cadre institutionnel et juridique de l'avortement 18

1-5-1- Dispositions politiques de l'avortement. 18

1-5-2- Dispositions juridiques. 19

CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE 21

2.1. Les Approches explicatives du recours à l'avortement 21

2-1-2. Approche sociodémographique 21

2-1-2. Approche socioculturel 23

2-1-3. Approche socio-économique 25

2-1-4. Approche institutionnelle 26

2-1-5. Approche sanitaire 28

2-1-6. Approche sociologique 28

2. 2. Les déterminants de l'avortement provoqué 29

2-2-1. Les variables socioculturelles 29

2-2-2. Les variables sociodémographiques 30

2-2-3. Les variables socio-économiques 31

2-2-4. Les caractéristiques institutionnelles 32

2. 3. Hypotheses et cadre conceptuel 33

2-3-1. Les Hypothèses 33

2-3-2. Le cadre conceptuel 34

2. 4. Définitions et approches des concepts fondamentaux : 35

2-4-1. L'avortement provoqué 35

2-4-2. Les facteurs socioculturels 35

2-4-3. Les facteurs sociodémographiques 36

2-4-4. Facteurs socio-économiques de la femme 36

2-4-5. La pratique contraceptive 36

2. 5. Variables opérationnelles 36

2-5-1. Schéma d'analyse 37

2-5-2. Variable dépendante 37

2-5-3. Variables indépendantes 37

2-5-4. La variable intermédiaire : 39

CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE ET EVALUATION DES

DONNEES 40

3. 1. Présentation des données 40

3-1-1. Source des données. 40

3-1-2. Les objectifs de l'EDS 2000 40

3-1-3. Echantillonnage. 41

3-1-4. Questionnaires de l'enquête. 42

3. 2. Evaluation des données 43

3-2-1. Détermination du taux de non réponses. 43

3-2-2. Evaluation de la qualité des données sur l'âge. 46

3. 3. Méthodes statistiques d'analyse 49

3-3-1. Justification du choix du modèle 49

3-3-2. Présentation du Modèle de régression logistique 49

3. 4. Construction de l'indicateur de Niveau de vie 50
CHAPITRE 4 : RECHERCHE DES DETERMINANTS DE L'AVORTEMENT 51

4. 1. Aspects différentiels de l'avortement provoqué selon les facteurs socioéconomiques, démographiques, socioculturels et les variables intermédiaires. 51

4-1-1. Variation selon les facteurs socioculturels. 51

4-1-2. Variation selon les facteurs socioéconomiques. 55

4-1-3. Variation selon les facteurs sociodémographiques. 58

4-1-4. Variation selon la variable intermédiaire. 60

4. 2. Facteurs de l'avortement provoqué au Gabon 61

4-2-1. Effets Bruts 61

4-2-2. Effets Nets 63

CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATION 70

LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES

1 - liste des tableaux

Tableau 1 : Présentation des variables de l'étude et détermination des taux de non-réponses

Tableau 2 : Effets Brut et Net des variables d'étude sur l'avortement

2- Liste des graphiques

Graphique 1 : Evaluation graphique de la qualité des données sur l'âge de la femme au moment de l'enquête (proportion des femmes enquêtées par âge) Graphique 2 : Evaluation graphique de la qualité des données sur l'âge de la femme au premier avortement

Graphique 3 : Association entre l'avortement et l'ethnie

Graphique 4 : Association entre l'avortement et la religion

Graphique 5 : Association entre l'avortement et le milieu de résidence

Graphique 6 : Association entre l'avortement et le niveau d'instruction

Graphique 7 : Association entre l'avortement et l'occupation de la femme Graphique 8 : Association entre l'avortement et le niveau de vie du ménage Graphique 9 : Association entre l'avortement et le statut matrimonial

Graphique 10 : Association entre l'avortement et l'âge de la femme au moment de l'enquête

Graphique 11 : Association entre l'avortement et l'utilisation des méthodes contraceptive.

Annexes

Tableau 3 : Variation différentielle de l'avortement selon les variables

d'étude.

INTRODUCTION GENERALE

Problématique

L'avortement est une méthode ancienne de régulation de la fécondité, utilisée bien avant l'apparition des méthodes de contraception (MC LAREN A., 1990, GUILLAUME 2004). Il est pratiqué, dans tous les pays quels que soient le niveau de développement, la vigueur des programmes de planification familiale mises en place le cadre juridique appliqué. Tout laisse donc croire que cette pratique ne trouvera jamais de remède comme souligne la déclaration de TBILISSI (1990) (GBETOGLO, 2003) qui stipule que «s'il est possible de faire reculer sensiblement le nombre d'avortements grâce à des programmes de planification familiale mis à la disposition de tous, l'interruption de grossesses continuera d'être pratiquée pour diverses raisons dont notamment l'acceptation limitée de la planification et les échecs de la contraception.».

Les organisations internationales à travers des conférences, forums et colloques, ont reconnu et admis que l'avortement était un sérieux problème de santé publique. Déjà, en 1967, l'assemblée mondiale de la Santé déclara dans une de ses résolutions que l'avortement posait un sérieux problème de santé (W.H.A. 20.41). La Conférence sur la maternité sans risque organisée à Nairobi en 1987 devait conscientiser l'opinion internationale sur le problème de l'avortement en attirant l'attention sur la nécessité de réduire la mortalité et la morbidité maternelles.1

A la conférence internationale sur la population et le développement organisée au Caire en 1994, les gouvernements ont reconnu que l'avortement était un problème de santé publique important et qu'il ne devait en aucun cas être promu comme méthode de planification familiale (Guillaume, 2004).

La pratique de l'avortement provoqué est en nette croissance de nos jours dans le Monde. En
effet, dans une étude menée en Amérique latine sur l'avortement clandestin, The Allan

1 Axes de recherche-chapitre1.

Guttmacher Institute estime a 44 millions le nombre d'avortements provoqués par an dans le monde. Cela correspond entre 20 et 32 avortements pour 100 grossesses connues (The Allan Guttmacher Institute, 1999). La pratique de l'avortement est illégale dans la plupart des pays en développement, ce qui explique le recours fréquent a l'avortement clandestin ou a risque, c'est a dire, faits dans des conditions d'hygiène et de sécurité insuffisante. Près de 15 millions d'avortements de ce type sont pratiqués chaque année dans ces pays, soit 97% du nombre total dans le monde (Guillaume A, 2004).

L'Organisation mondiale de la santé estime que 4,2 millions d'avortements a risque (WHO, 2004 ; Guillaume A, 2004) se sont produits en Afrique en 2000, la majeure partie étant enregistrée en Afrique de l'Est (1 700 000) et en Afrique de l'Ouest (1 200 000 avortements). Ces différences régionales s'expliquent d'après l'OMS (2004) par la variété des cadres juridiques. Par exemple, la Tunisie et l'Afrique du Sud autorisent l'avortement a la demande, ce qui explique le niveau élevé de la prévalence contraceptive. En outre, les femmes recourent beaucoup plus a l'avortement pour mettre fin aux grossesses non planifiées. The Guttmacher Institute (1999) estime que dans les pays en développement parmi les 182 millions de grossesses qui surviennent chaque année, 36% ne sont pas désirées et environ 20% se terminent par un avortement. En Afrique, c'est autour de 30% des 40 millions de grossesses qui ne sont pas désirées et 12% qui sont interrompues par un avortement. (Guillaume, 2004). Les conséquences liées aux avortements clandestins ou a risque sont nombreuses, et souvent «mal appréhendées » par celles qui y ont recours. La conférence sur «les avortements a risque et la planification post-abortum en Afrique » tenue a l'Île Maurice en 1994 a fait le constat que chaque année 10000 femmes en Afrique font un avortement a risque et chaque jour de nombreuses femmes en meurent ou souffrent de douleurs chroniques, de maladies et de stérilité (IPPF, 1994. Guillaume 2004). En effet, de nombreuses femmes a travers le monde risquent leur vie et leur santé pour mettre un terme a une grossesse non désirée. Chaque jour dans le monde on enregistre 55000 avortements a risque dont 95% d'entre eux surviennent dans les pays en voie de développement, entraînant la mort de plus de 200 femmes (O.M.S., 1994). D'après l'OMS (1998), 20 millions d'avortements a risque se produisent chaque année (soit un avortement pour 10 grossesses), dont 95% dans les pays en développement, 80000 femmes environ décèdent chaque année des suites de complications liées a ces avortements. En Afrique, on estime a 5 millions le nombre d'avortements a risque avec une mortalité due a ces avortements variant de 24 pour 100000 naissances vivantes en Afrique du Nord a 121 pour l'Afrique de l'Ouest et 153 pour l'Afrique de l'Est. (Guillaume A., 2004). L'avortement

cause une part importante de ces décès maternels (7 à 19%) et ce poids est sous-estimé car cet acte est illégal, et certains décès peuvent être classés sous d'autres rubriques : infections, hémorragies etc. (Guillaume A., 2004).

Outre les décès qu'occasionnent ces avortements à risque, on peut également relever les problèmes de santé chronique allant jusqu'aux incapacités permanentes ou à la stérilité. Les femmes qui avortent clandestinement souffrent des complications obstétricales tels que les hémorragies, les infections, les troubles d'hypertension, l'irrégularité de la menstruation, les perforations utérines, la stérilité, le tétanos, les troubles psychologiques, etc.

Au Gabon, peu d'études ont été réalisées sur la pratique de l'avortement en raison de son caractère illégal2, de sa perception sociale et de son interdiction par plusieurs religions. Pourtant, on reconnaît que l'avortement n'est pas un phénomène marginal au Gabon, ce qui n'est peut-être pas surprenant lorsqu'on sait que près d'une femme sur cinq a des besoins non satisfaits en matière de contraception (Barrère, 2000). L'enquête réalisée sur les conditions de la maternité sans risque et les avortements dans la province de l'estuaire en 1995 a permis d'estimer à 19% la proportion des femmes de cette province qui ont eu recours à au moins un avortement provoqué (Barrère, 2000). L'enquête démographique et de santé réalisée en 2000 a évalué à 15% la proportion des femmes de 15 à 49 ans qui ont avorté au moins une fois au cours de leur vie et à 8% celle qui ont avorté au moins une fois depuis 1995 (Barrère, 2000).

Selon une étude réalisée par le Ministère gabonais de la Santé Publique en 2001 sur la santé maternelle et infantile, un quart des décès maternels (28.8%) enregistrés à cette période était dû à un avortement clandestin notamment chez les adolescentes. Aussi, sur 407 complications survenues au cours de la grossesse, 110 étaient liées au même motif. Pour E. Makagha, Directrice de la santé maternelle et infantile, l'avortement provoqué serait la première cause de mortalité maternelle dans le pays (S.A.M, 2004).

L'enquête réalisée en 2000 par l'Association gabonaise des sages-femmes a révélé que sur 14325 grossesses, 27% étaient précoces. Par ailleurs, cette proportion et celle des avortements provoqués chez les adolescentes (28.8% des décès maternelles) sont révélatrices de la gravité du fléau. La précocité des rapports sexuels peut expliquer cet état de faits, étant donné qu'elle expose la jeune fille aux grossesses non désirées. Ainsi, au Gabon d'après la même enquête,

2 loi 64/69 du 04 octobre1969 remplacé par la loi 01/2000 ; Code Pénal : chapitre 4, article244 ; Code Civil : article 245.

28,8% des filles de 15 à 19 ans ont eu leur premier rapport sexuel à 15 ans contre 48.1% chez les garçons du même âge, le manque d'informations semble être la principale cause de cette situation précise le rapport d'enquête (S.A.M, 2004).

Les informations issues de ces quelques enquêtes et études montrent clairement l'existence d'un recours de plus en plus fréquent à l'avortement provoqué au Gabon. Il importe donc d'en rechercher les facteurs explicatifs. La présente étude s'inscrit dans cette perspective, la question principale à laquelle elle voudrait répondre est la suivante : quels facteurs peuvent expliquer le recours à l'avortement provoqué au Gabon ?

Justification et intérêt de l'étude

La recherche des déterminants de l'avortement provoqué au Gabon se justifie à la fois au niveau international et au niveau national ; elle présente un intérêt politique, socioéconomique et sanitaire.

Au niveau international, plusieurs conférences, colloques et sommets ont été organisés sous l'égide des Nations Unis ou de ses organes spécialisés (O.M.S.) à l'intention des gouvernements et ONG en vue de promouvoir la prise de conscience du problème de l'avortement à l'échelon international, en attirant l'attention sur la nécessité de réduire la mortalité et la morbidité maternelles.

Sur le plan politique, la présente étude s'inscrit dans le cadre de l'un des huit principaux Objectifs du Millénaire pour le Développement. Il s'agit de « Réduire le nombre des grossesses non désirées, des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et donc, les décès maternels, la planification familiale sauve la vie des femmes. De plus, en affranchissant ainsi les femmes, on leur donne la possibilité de s'attaquer à tout ce qui met en danger leur santé et leur vie ».

Ainsi, les efforts des organisations internationales et des gouvernements doivent converger vers la limitation, voire l'éradication de l'avortement provoqué. Lors de la conférence du Caire en 1994, les pays se sont engagés à améliorer l'accès des femmes aux programmes de santé de la reproduction. Le programme d'action du Caire souligne que l'avortement ne doit pas être promu comme une méthode de contraception. L'avortement y a été reconnu comme une cause importante de décès maternels et dans le cadre de la réduction de cette mortalité, « les gouvernements, organisations intergouvernementales et non gouvernementales sont vivement invités à renforcer leurs engagements en faveur de la santé des femmes, à traiter les

conséquences des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité en tant que problème majeur de santé publique » (Nations unies, 1994 ; Guillaume A., 2004).

Les gouvernements qui ont adopté ce programme d'action du Caire devaient en principe assouplir leurs législations sur l'avortement pour limiter le recours aux pratiques illégales et clandestines, préjudiciables à la santé des femmes. Malheureusement, dans plus de la moitié des pays africains (29pays sur 53), aucun changement législatif n'est intervenu. Seulement 20 sur les 53 pays ont connu une amélioration de leur législation, qui ne représente parfois que de timides progrès. Dans 4 des 53 pays, la législation s'est plutôt dégradée (Guillaume A., 2004).

Sur le plan socio-économique, la pratique de l'avortement a un coût pour les femmes et pour la société (Gebreselassie H. et fetters T., 2002. Guillaume 2004). Les raisons évoquées par celles-ci pour avorter font clairement les risques encourus en poursuivant une grossesse non acceptée par la famille ou la société.

Les avortements provoqués engendrent également des coûts importants pour les systèmes de santé affectant ainsi leurs ressources financières et humaines déjà insuffisantes. Le coût de l'avortement pour les systèmes de santé se mesure essentiellement au niveau de la prise en charge de leurs complications puisque, dans la majorité des pays africains, cet acte est illégal. Ce taux peut se décliner en terme de taux d'occupation de lits, de temps consacré par le personnel de santé, mais aussi de ressources allouées aux traitements de ces avortements. Le coût de l'avortement supporté par les femmes et les familles dépend largement de la méthode utilisée, de l'assistance dont la femme va bénéficier et du lieu où il sera pratiqué. (Guillaume A., 2004).

A ces coûts économiques de l'avortement supportés par les femmes et les familles s'ajoutent les coûts sociaux. L'avortement peut entraîner des troubles psychologiques, la stérilité et des problèmes familiaux (Leke R.J, 1998). Les conséquences sanitaires des avortements peuvent parfois apparaître sur le long terme, mais elles se manifestent souvent sur le court terme. Ainsi les femmes peuvent souffrir de douleurs chroniques qui sont invalidantes et peuvent perturber leur vie, notamment leur activité économique en entraînant une baisse de la productivité. Parmi les séquelles invalidantes on peut citer l'incontinence et la stérilité, deux problèmes qui peuvent contribuer à l'exclusion sociale des victimes. (Guillaume A., 2004). Cette stérilité peut poser des problèmes conjugaux et familiaux, en particulier aux très jeunes femmes qui n'ont jamais eu d'enfant.

Au Gabon, peu d'études ont porté sur l'avortement, compte tenu du manque de données liées à son caractère illégal. Parmi les études disponibles, aucune ne s'est encore intéressée aux facteurs susceptibles d'expliquer le recours à cette pratique. Conscient des problèmes posés par l'avortement clandestin, le gouvernement, avec l'aide des partenaires sociaux lutte tant bien que mal contre la propension du fléau à travers l'application de certaines mesures législatives et institutionnelles. L'adoption de la politique nationale de santé de la reproduction qui court de 2003 à 2015 a amené le Gabon par l'entremise du Ministère de la santé publique à respecter les recommandations de la Conférence internationale sur la population et le développement de 1994 (CIPD94), et à appliquer le concept de santé de la reproduction (S.A.M, 2004). La présente étude cadre avec les objectifs de cette politique relatifs à la réduction de la mortalité maternelle, la prévention des grossesses non désirées et à la diminution des avortements provoqués, d'ici 2015.

Objectif général :

Cette étude se fixe comme objectif général de mettre à la disposition des acteurs publics ou privés qui interviennent dans la lutte contre l'avortement provoqué des indicateurs fiables et objectifs permettant d'améliorer des stratégies actuelles.

Objectifs spécifiques :

Pour y parvenir, l'étude se fixe objectif spécifique suivant :

Mettre en exergue les facteurs susceptibles d'expliquer le recours à l'avortement provoqué au Gabon et leurs mécanismes d'action.

Chapitre 1
Contexte général de l'étude

Le présent chapitre décrit le contexte de l'étude sur le plan national. Nous présentons d'abord l'environnement socio-économique et sanitaire du pays, ensuite, les principaux traits de la fécondité. Enfin, nous examinerons le cadre institutionnel et juridique de l'avortement.

1.1. Environnement socio-économique

La crise économique internationale combinée avec les Programmes d'ajustement Structurel (PAS) et la dévaluation du FCFA que les pays africains au Sud du Sahara en général, le Gabon en particulier subissent de plein fouet depuis un peu plus deux décennies, a eu des conséquences sociales certaines, notamment celles liées à la détérioration des conditions de vie de la population. Au Gabon, les niveaux de pauvreté et de fécondité sont devenus alarmants quoique le produit intérieur brut par tête (estimé en 2000 à 5880 dollars américains) soit élevé et que la position gouvernementale soit populationniste. Les tendances observées montrent que la proportion des personnes vivant en dessous du salaire minimum est passée de 87% en 1960 à 83% en 1994. La dégradation de la situation est telle que près de 20% de la population des plus grandes villes, Libreville et Port-gentil, vivent en dessous du seuil de pauvreté absolue (estimé à environ 29000 FCFA par mois et par personne), tandis que 25% vivent en dessous du seuil de pauvreté relative (fixé au quart du revenu moyen, soit à peu près 65000fcfa). Malgré l'absence de données sur les revenus des ménages en milieu rural, il apparaît que ces populations vivent dans un grand dénuement puisqu'elles sont isolées et n'ont qu'un accès limité à l'eau potable et aux services d'éducation et de santé (Banque mondiale, citée par UNICEF, 1999). Cette pauvreté croissante a entraîné une modification des comportements des populations en matière de procréation. Le manque de ressources financières a amené plusieurs femmes à limiter les naissances ou à ne pas en avoir, tant que ces moyens ne sont pas réunis ; l'une des méthodes les plus fréquemment utilisées par les femmes est l'interruption volontaire de grossesses (IVG).

En ce qui concerne l'emploi, la population gabonaise en âge d'activité est estimée à environ
600 000 personnes avec un taux de croissance de l'ordre de 2,3% par an. Elle représente près
de 53% de la population totale de plus de 10 ans. La population active était de 375 944

personnes au RGPH 1993, soit 37% de la population totale du pays. Le nombre des actifs occupés s'élevait à 308 322 personnes.

Le Gabon traverse, entre 1985 et 1990, un cycle défavorable à l'emploi qui se traduit par une baisse continue des effectifs. L'emploi salarié total a connu, entre 1986 et 1993, une diminution de 25%. Le taux de chômage était estimé à 18% en 1993. En 1996, il était de 21,6% à Libreville et de 30,7% à Port-Gentil. Cette situation est inquiétante puisque selon l'Office National de l'emploi, la demande d'emploi croît chaque année de 2,8% (12 600 personnes en 1998) alors que le marché de l'emploi formel absorbe moins de 4 000 demandes.

Outre la faible croissance économique enregistrée ces dernières années, le déséquilibre entre l'offre et la demande d'emploi est imputable à l'inadéquation des systèmes d'enseignement et de formation, à l'absence d'une main d'oeuvre nationale qualifiée, ainsi qu'à l'absence d'une tradition d'entrepreneurs. Le manque de qualification constitue un problème majeur car 60% des demandeurs d'emploi sont sans qualification.

1.2. Situation sanitaire

Avec un taux d'accessibilité au système de santé de 76% en 1995, le Gabon a réalisé un progrès important dans le domaine des soins sanitaires ces dernières années, même si la qualité des services pose souvent problème (MSPP, 1997 ; EDJO, 2003).

1-2-1. Espérance de vie à la naissance

L'espérance de vie à la naissance au Gabon demeure faible, si on se réfère au niveau de richesses du pays. En effet cet indicateur est passé de 51,2 années en 1993 (50,9 ans pour les hommes et 52 pour les femmes) à 54,5 ans en 1994 (52,1 pour les hommes et 55,3 pour les femmes). Selon le rapport annuel O.M.S. 2000, l'espérance de vie à la naissance est de 51,4 années pour les hommes et 53,8 années pour les femmes, ces données restent comparables à celles du Cameroun (50,0 années pour les hommes et 52,0 années pour les femmes) et moins performantes que celles du Cap-Vert (66,0 années pour les hommes et 71,8 années pour les femmes), deux pays ayant un revenu par tête d'habitant moins élevé que celui du Gabon.

1-2-2. Niveau de mortalité maternelle.

La mortalité maternelle demeure élevée au Gabon, même si la couverture des soins prénataux est assurée à 78%, et 88% des femmes en âge de procréer ont suivi au moins une consultation prénatale (données de 1995). Le taux de mortalité maternelle, qui était de 600 pour cent mille naissances vivantes en 1988, se situe à 519 décès pour cent mille naissances vivants en 1993- 2000. (EDS 2000).

1-2-3. Couverture des prestations sanitaires de base

Le taux de couverture vaccinale est faible (17% en 2000), d'où la persistance des épidémies de rougeole et des maladies évitables par la vaccination.

L'analyse des données de routine de certains départements sanitaires fait ressortir des taux de couverture relativement bas en ce qui concerne aussi bien les consultations prénatales (CPN1: 34%) que les accouchements par le personnel qualifié (19%). Ces données, qui contrastent avec celles fournies par l'EDSG, bien que partielles, illustrent la situation des populations de certaines zones rurales où l'accès aux services de santé de base est encore faible. Ces mêmes sources font ressortir que pour les soins curatifs, le niveau d'utilisation des dispensaires et même des centres médicaux est relativement faible respectivement.

1-2-4. Un taux élevé de grossesses précoces

Longtemps interdite, la contraception moderne vient d'être libéralisée par la loi 001/2000. Selon l'Enquête Démographique et de Santé, environ 57% des femmes âgées entre15 et 49 ans auraient utilisé au moins une fois une méthode moderne de contraception (dont 49% le condom). Cependant, suite aux longues interdictions de la contraception et au manque d'accès à l'information et aux conseils sur l'espacement des naissances, l'avortement pratiqué dans de mauvaises conditions est resté pour bon nombre de femmes la seule méthode de planification familiale.

Des études effectuées dans certaines régions illustrent ce phénomène des grossesses précoces (environ un tiers des femmes dans le Ngounié avaient entre 15 et 19 ans), souvent non désirées et trop rapprochées (32% des femmes âgées de moins de 20 ans ont eu au moins 2 grossesses dont une partie s'est soldée par un avortement) ;

1-2-5 Offre de services de santé

Malgré le bas niveau des principaux indicateurs de santé maternelle et infantile, les indicateurs de la couverture des soins maternels apparaissent plus satisfaisants que dans les pays de la sous-région. Les résultats de l'Enquête Démographique et de Santé du Gabon (EDSG) montrent que le taux d'accouchements assistés par le personnel formé serait de 88% alors que la moyenne pour la région est d'environ 50%. Selon la même EDSG, 95% des femmes enceintes auraient été au moins une fois en consultation prénatale pendant leur grossesse. Cependant, ce taux global ne reflète pas la qualité des services de soins prénataux et ne permet pas d'identifier la couverture prénatale selon les normes standard de l'OMS (4 consultations prénatales).

1. 3. Données sur la fécondité et la nuptialité

1. 3. 1. Niveau de fécondité et fécondité différentielle

Le niveau de la fécondité au Gabon est fonction de l'âge. Les femmes se caractérisent par une fécondité précoce élevé (144 pour mille à 15-19ans) qui atteint son maximum à 20-24 ans (193 pour mille), avant de baisser de façon régulière avec l'âge. Le taux global de fécondité générale (TGFG) et le taux Brut de natalité (TBN) sont respectivement de153 pour mille et 33 pour mille en 2000 (EDSG-2000). Les femmes au Gabon donnent naissance en moyenne à 4.3 enfants par femme durant leur vie féconde (EDSG-2000), ce qui est relativement faible par rapport aux autres pays africains et aux ambitions affichées par l'Etat pour asseoir une réelle dynamique de développement.

1. 3. 2. Intervalle inter génésique

L'intervalle inter génésique est relativement élevé au Gabon. En effet, près de la moitié des enfants (45%) sont nés trois (3) ans après leur aîné et 34% entre 24 et 36 mois contre 13% entre 18 et 24mois et seulement 9% avant 18mois. Au total, dans 1cas sur 5 environ (22%), l'intervalle intergénésique est inférieur à 2ans. La durée médiane de l'intervalle intergénésique est supérieure à deux ans et demi (33,9 mois). Autrement dit, au Gabon, la moitié des naissances interviennent dans un intervalle supérieur à 33mois après la naissance précédente. L'avortement provoqué pourrait être un facteur explicatif de l'élévation de l'intervalle intergénésique au Gabon. En effet, les femmes y recours fréquemment à la suite

d'une grossesse non désirée pour espacer leurs naissances. L'avortement est souvent utilisé comme méthode de régulation de la fécondité.

1. 3. 3. Age à la première naissance.

L'âge des femmes à la première naissance influence généralement leur descendance finale, et peut avoir des répercussions importantes sur la santé de la mère et celle de l'enfant. Les données de l'EDS révèlent qu'au Gabon, les femmes ont généralement leur premier enfant entre 18 et 19 ans, ce qui est relativement élevé comparativement à d'autres pays au sud de Sahara. Parmi les femmes de 20-24 ans, 28% étaient encore sans enfants au moment de l'enquête, mais 35% avaient leur premier enfant avant d'atteindre 18 ans et 58% avant d'atteindre leur vingtième anniversaire. L'âge médian à la première maternité varie assez peu d'une génération à l'autre. Cependant, pour les générations de moins de 35 ans, on observe un léger vieillissement de l'âge à la naissance, passant de 18,5 à19,2 ans, autrement dit, une élévation de l'âge des jeunes générations à la naissance de leur premier enfant. Si nous excluons le simple effet de calendrier, ceci pourrait expliquer, en partie, la baisse de la fécondité constatée précédemment.

1. 3. 4. Age à la première union.

La relation observée entre l'âge à la première union et le début de la vie féconde est importante quant à l'étude des déterminants de l'avortement provoqué. En effet, l'entrée tardive en union due à un recul de l'âge au mariage, peut contribuer à l'allongement de la période d'activité sexuelle avant le mariage exposant ainsi la femme aux risques de grossesse non désirées en l'absence de prévention et à l'avortement provoqué.

Depuis quelques années, on assiste en Afrique sub-saharienne, surtout dans les villes, à une « transition de la nuptialité », marquée par un recul de l'âge au mariage et le développement des unions informelles. Au Gabon, ces changements ont également lieu : entre le recensement de 1960 et celui de 1993, on assiste à un recul important des âges moyens à la première union (de 17,7 ans à 24,3 ans pour les femmes et de 25,5 ans à 28 ans pour les hommes) et au premier mariage (de 18,2 ans à 27,8 pour les femmes et de 26 ans à 31 ans pour les hommes). (Myriam MOUVAGHA-SOW, 2000).

D'après les données de L'EDS 2000, parmi les femmes âgées de 25-49ans, seulement 14%
étaient déjà en union à 15ans exact, ce qui est une proportion relativement faible. A 22ans

exacts, 63%de femmes ; à 25ans exacts, cette proportion est de 76%. L'âge médian d'entrée en première union pour les femmes de 25-49 ans est estimé à 19,7 ans dans ce pays. Cet âge médian est plus élevé en milieu urbain (25 ans) qu'en milieu rural (23 ans).

1. 3. 5. Age aux premiers rapports sexuels

En tant que déterminant de la fécondité, l'âge aux premiers rapports sexuels est tout aussi important que l'âge à la première union, car, il est un facteur de risque de grossesse non désirées et donc d'avortement.

D'après les données de l'EDS, en atteignant 15 ans, plus d'une femme de 25-49 ans sur quatre (29%) a déjà eu des rapports sexuels. Cette proportion est de 76% à 18 ans et, à 25 ans, la quasi-totalité des femmes de 25-49 ans (94%) ont déjà eu leurs premiers rapports sexuels. L'âge médian aux premiers rapports sexuels, estimé à 16,1 ans chez les femmes de 25-49 ans est inférieur de 3,6 ans à l'âge médian d'entrée en première union (19,7 ans) ; ce qui signifie que les premiers rapports sexuels des femmes ont fréquemment lieu en dehors de l'union.

1-3-6. Le problème de l'infécondité pathologique

L'Afrique est le continent où l'accroissement démographique est le plus élevé de la planète, du fait de sa forte fécondité. On y observe également, particulièrement en Afrique centrale, des proportions relativement importantes de femmes sans enfants. Pourtant la majorité d'entre-elles se marient tôt et souhaitent avoir une progéniture nombreuse (Sala Diakanda, 1988).

En Afrique subsaharienne, la stérilité et la sous fécondité constituent des phénomènes pathologiques assez récents et évoluent à l'intérieur de limites ethniques bien définies (Sala Diakanda, 1988).

Au Gabon, la démographie a longtemps été un sujet politiquement sensible à cause de la faible taille de sa population (444 264 habitants en 1960-61 et 1 014 976 en 1993) et de son accroissement naturel jugé aussi bas (0,5 % en 1960-61). Depuis les années 60, le Gabon n'a disposé d'aucune information sur la fécondité et ses variables intermédiaires. Le premier recensement, comportant des questions sur la fécondité, a eu lieu en 1993 (Bétoué et Bengobsame, 1997). Lors de l'enquête démographique et de santé réalisée en 2000, des données intéressantes sur la fécondité ont été recueillies. Ces différentes sources de données

ont révélé une baisse notable l'infécondité qui demeure cependant encore assez élevée dans le pays (32% de femmes sans enfants à 50 ans en 1960 ; 20% en 1993 et 7% 2000).

Cette situation peut s'expliquer par « la forte permissivité de la société gabonaise sur le plan sexuel ». Les relations sexuelles préconjugales et précoces sont fréquentes ; on observe par ailleurs le phénomène des unions consensuelles avec ou sans co-résidence («ami » ou «deuxième bureau »). Ces pratiques favorisent, en effet, la diffusion des maladies sexuellement transmissibles qui, non soignées, provoquent des stérilité (primaire ou secondaire) (Mouvagha-sow, 2000). Par ailleurs, l'interruption volontaire de grossesse (I.V.G.) apparaît comme un des principaux facteurs de la stérilité secondaire au Gabon. Plus que les MST, les avortements clandestins contribuent au maintien voire à l'accroissement des taux de stérilité au Gabon. (Mouvagha-sow, 2000).

1.4. Culture, traditions et comportements

Comme beaucoup d'autres pays africains, le Gabon a une culture riche et diversifiée. Celle-ci influence les comportements des individus et des communautés en matière de sexualité, de fécondité, de mariage et de santé à travers le respect de normes établies.

Les normes et valeurs en matière de fécondité et de sexualité sont un facteur explicatif des avortements provoqués en Afrique de façon général, au Gabon en particulier.

Chaque groupe social à sa manière de penser et de vivre la procréation. Pour certains groupes, la fonction de reproduction ne peut s'assurer que dans un contexte social précis. Ainsi, le cadre général de la procréation en Afrique est la famille, fondée par le mariage. Les naissances hors mariages sont considérées comme des déviances et ces enfants qualifiés d' « enfants bâtard » tant en famille, dans la communauté qu'à l'école. En conséquence, ils ne peuvent avoir les mêmes droits que les enfants légitimes. Cette perception confère à ces derniers un certain statut qui limite leurs prérogatives et leurs droits. Les enfants bâtards ne peuvent par exemple pas hériter. Cette perception pousse les filles à avorter lorsqu'elles sont enceintes. Le recours à un avortement peut donc être motivé soit par cette pression sociale liée aux normes et valeurs relatives à la fécondité/sexualité soit par la peur de voir par l'avenir des enfants issues de grossesses non désirés compromis par la discrimination, la stigmatisation ou la marginalisation simplement parce que ces enfants sont illégitimes.

Il est aussi à noter que les adolescentes qui connaissent une entrée précoce dans l'activité
sexuelle sont souvent vulnérables aux grossesses et au risque de procréer (NGWE et Al,
2004).
La fécondité précoce à laquelle elles s'exposent leur confère souvent de nouveaux

statuts. Elles deviennent ainsi involontairement et parfois en dehors des unions légales des jeunes mères. Ce statut social est la plupart du temps mal apprécié dans les milieux où elles sont appelées à vivre. En milieu scolaire, dans le voisinage ou dans la communauté, les filles mères sont toujours l'objet de stigmatisation entraînant leur discrimination. Il pèse sur elles un ensemble de préjugés tendant à montrer qu'elles ont une mauvaise conduite du fait de la précocité de leur activité sexuelle. La fille mère dans ces conditions est parfois assimilée à une prostituée et le fait d'avoir eu tôt cet enfant devient « une honte pour ses parents, un déshonneur pour sa famille ». C'est face à toute cette pression que certaines filles préfèrent avorter au lieu de conduire à terme leur grossesse. Dans d'autres groupes sociaux, le fait que la jeune fille soit enceinte pouvait déjà constituer un atout pour le mariage parce qu'elle aurait déjà prouvé sa fertilité.

1.5. Cadre institutionnel et juridique de l'avortement

Le gouvernement, avec l'aide des partenaires sociaux, a pris des mesures faisant face aux problèmes que pose l'avortement provoqué au Gabon.

Nous verrons d'abord les dispositions politiques ensuite législatifs et juridiques.

1. 5.1. Dispositions politiques de l'avortement.

Le Gabon s'est engagé à respecter les recommandations de la conférence internationale sur la population et le développement de 1994 (CIPD) et à appliquer le nouveau concept de santé de la reproduction. Dans cette optique, une politique nationale de santé de la reproduction a été élaborée pour la période 2003-2015. Cette politique définit les axes prioritaires d'intervention dans le domaine de la santé de la reproduction en tenant compte de l'environnement social, culturel et juridique. Elle précise les types de services qui devront être offerts aux populations à travers des composantes essentielles définies lors du symposium national sur la santé de la reproduction tenu à Libreville du 28 juin au 02 juillet 1999 (S.A.M, 2004). Le but de cette politique est de promouvoir la santé de la reproduction (SR) par la mise en place d'un environnement politique, économique et social favorable et le développement de services de SR appropriés et accessibles à tous. Les objectifs poursuivis sont la réduction de la mortalité maternelle, néonatal et infantile, la prévention des grossesses non désirées et des avortements provoqués.

1. 5. 2. Dispositions juridiques.

La promulgation de la loi 64/69 du 04 octobre 1969 qui interdit l'usage des contraceptifs et l'avortement nécessitait de la part de l'Etat, la mise en place d'un arsenal répressif. Son remplacement par la loi 01/2000 relative au planning familial ne changera rien à la donne. L'avortement est toujours considéré comme un acte criminel et, par conséquent, puni par les textes en vigueur. Le code pénal ne fait aucune distinction entre les avorteuses et les personnes qui les font avorter. Dans son chapitre 4, portant sur <<l'avortement », en son article 244, il stipule que << quiconque, par aliments, breuvages ,médicaments, manoeuvres, violences ou par tout autre moyen ,aura provoqué ou tenté de provoquer l'avortement d'une femme enceinte ou supposée enceinte, qu'elle y ait consenti ou non ,sera puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans et l'amende de 10 000 à 1 000 000 de franc CFA s'il est établi que le coupable s'est livré habituellement aux actes précédemment cités.

Seront punis des même peines les médecins, officiers de santé, sages-femmes, chirurgiens, dentistes, pharmaciens, ainsi que les étudiants en médecine, les étudiants ou employés en pharmacie, herboristes, bandagistes, marchands d'instrument de chirurgie, infirmiers, masseurs, masseuses qui auront indiqué, favorisé ou pratiqué les moyens de procurer l'avortement. La suspension, pendant cinq ans au moins, ou l'incapacité absolue de l'exercice de leur profession pourront, en outre, être prononcées contre les coupables ».

Le code civil poursuit, dans son article 245, que, <<sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 24 000 à 500 000 francs CFA ou de l'une de ces deux peines seulement, la femme qui se sera procuré l'avortement à elle-même ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet. »

D'après Hélène Ona Ondo (S.A.M, 2004), la seule <<interruption volontaire de grossesse (I.V.G.) qui est autorisée est l'avortement thérapeutique. Si pour certaines raisons, la vie de la mère est en danger, le médecin peut décider de mettre un terme à sa grossesse. Une malformation du foetus peut également conduire à pratiquer l'avortement thérapeutique. Ce geste ne se fait, cependant que sous le contrôle d'un collège de médecins qui l'avalise comme traitement. ».

Ce premier chapitre montre les conditions dans lesquels évolue le phénomène avortement au
gabon. Celles-ci ne sont guère favorables à une diminution du taux d'avortement dans ce
pays. En effet, sur le plan économique, avec la montée du chômage, la pauvreté et les

inégalités sociales, certaines femmes ne pouvant subvenir à la charge d'un enfant préfèrent souvent avorter et parfois dangereusement.

Notons par ailleurs que malgré une situation sanitaire en nette amélioration, le taux de mortalité maternel reste assez élevé au Gabon dont la première cause est l'avortement. L'âge à la première union a augmenté pour les deux sexes. Alors que l'âge aux premiers rapports sexuels a diminué chez la jeune fille et augmenté chez l'homme.

Sur les plans institutionnels et juridiques, des mesures sont prises pour lutter contre l'avortement, mais celles-ci ne sont pas totalement respectées ou appliquées puisque cette pratique est croissante dans le pays. Pour mieux cerner les déterminants du recours à l'avortement provoqué, il est important de faire une revue de la littérature sur la question, objet de notre prochain chapitre.

Chapitre 2
Cadre théorique de l'étude

Dans la plupart des pays en voie de développement, on dispose de très peu d'informations sur les avortements provoqués ou non, légaux ou clandestins. Ce manque d'informations explique d'ailleurs l'insuffisance des études sur l'avortement au Gabon. Ce deuxième chapitre poursuit un double objectif ; passer en revue la littérature sur les différentes approches explicatives de l'avortement provoqué en Afrique d'une part ; examiner l'évolution de la législation sur l'avortement et les débats idéologiques y afférents d'autre part.

2.1. Les approches explicatives du recours à l'avortement

La recherche sur la pratique de l'avortement en Afrique a été pendant longtemps axée sur l'exploitation des statistiques hospitalières concernant les femmes victimes des complications abortives. Bien que non représentatives, ces données ont permis d'avoir des informations importantes sur cette pratique dans bon nombre de pays. D'après certaines enquêtes et études, le recours à l'avortement provoqué en Afrique s'expliquerait par des facteurs d'ordre démographique, socioculturel, socio-économique et institutionnel.

2.1. 1. Approche Sociodémographique

A. Une pratique de tous âges

Le retard dans l'entrée en vie sexuelle des femmes en Afrique est dans la plupart des cas dû à un recul de l'âge au mariage. Pour les hommes la situation est différente puisque les rapports sexuels sont de plus en plus précoces. Ces conditions d'entrée dans la sexualité contribuent à l'allongement de la période d'activité sexuelle avant le mariage avec pour conséquence une exposition de plus en plus marquée aux risques de grossesses non désirées (Delaunay et Guillaume, 2004).

Dans leur ouvrage sur l'avortement dans les pays en développement, Mundigo A.I. et Shah I.H (1999) cités par Guillaume. A. (2004) montrent que l'avortement concerne les femmes à différents âges et moments de leur vie. Elles y recourent aussi bien en fin de vie féconde pour limiter leur descendance qu'au tout début pour retarder leur entrée en parenté.

Au Gabon, la prévalence de l'avortement qui varie entre 15 et 23% chez les femmes de plus de 20 ans est faible chez les femmes les plus jeunes (4%). Lorsqu'on analyse rétrospectivement l'âge des femmes à leur premier avortement, il apparaît que 44% d'entre eux se sont produits avant l'âge de 20 ans (Barrère, 2001). A Yaoundé et Douala, une enquête menée auprès de 1638 femmes a révélé que c'est à 25-30 ans que les femmes avortent le plus (30,3%), suivi de celles âgées de 45-49ans (29,7%). Peu de femmes ont été rencontrées avant 25 ans ayant déjà subi un avortement (12%) dans ces deux localités (Ngwé et al. 2005). En Tunisie, l'âge moyen à l'avortement est d'environ 30 ans, mais il semble que cette pratique soit fréquente chez les jeunes femmes célibataires, «les relations sexuelles prénuptiales étant socialement prohibées et condamnées ».(Gastineau B., 2002 ;Guillaume A., 2004). A Bamako et à Abidjan, des enquêtes auprès des femmes en consultation dans les centres de santé montrent que l'avortement concerne surtout les femmes de moins de 25 ans et célibataires. (Konaté M.K et 1993 ; Guillaume A. et Desgrées du LOÛ A., 1999). L'avortement est fréquemment pratiqué par des jeunes femmes en début de vie féconde qui,

par cette pratique, interrompent leur (s) première (s) grossesse (s) par un avortement (Okpaniet Okpani, 2000 ; Guillaume 2003). Deux enquêtes menées au Cameroun soulignent la forte

prévalence de l'avortement chez les jeunes adolescentes sans enfants et instruites ou en cours de scolarisation (Leke, 1998). Les études auprès des femmes qui ont eu des complications d'avortement aboutissent à des conclusions quelque peu différentes. Au Mozambique et en Zambie, les femmes hospitalisées pour des avortements clandestins sont des femmes jeunes, célibataires, peu instruites ou encore scolarisées, sans enfants et de milieux sociaux défavorisées (Hardy et al. 1997; Guillaume 2004).

A Accra au Ghana, selon une étude réalisée en milieu hospitalier, un quart des femmes de moins de 20 ans venus accoucher pour la deuxième grossesse avait interrompu clandestinement leur première grossesse.

A. L'Avortement, comme moyen d'espacement ou de limitation des naissances ?

Par ailleurs, une catégorie de femmes avorte pour espacer les naissances lorsque l'intervalle inter génésique est court ou quand la parité a été atteinte.

Au Gabon, une femme sur huit a décidé d'avorter parce que ses naissances étaient trop rapprochées. En outre, 19% de l'ensemble des femmes ont des besoins non satisfaits en matière de contraception, dont la plupart (14%) pour espacer les naissances (Barrère, 2001).

L'importance du recours à l'avortement dans de nombreux pays africains et la nature des motivations amènent à s'interroger sur son rôle de cette pratique dans le contrôle des naissances.

Selon les enquêtes démographiques de Côte d'Ivoire en 1994 et 1999, l'indice synthétique de fécondité est passé de 5,7 enfants par femmes lors de la 1ere enquête (1994) à 5,2 enfants par femme lors de la seconde (1999). Au cours de cette même période, la pratique contraceptive a légèrement augmenté mais reste faible: seulement 6% de femmes en 1994 et 10% en 1999 utilisaient une méthode moderne de contraception (Guillaume, 2000). D'après l'enquête d'Abidjan auprès des consultantes, la diminution de la descendance des femmes imputable à l'avortement est estimée à 10% et cette proportion atteint 15% chez les jeunes femmes. Les femmes qui ont utilisé la contraception par le passé ont une probabilité trois fois plus élevée d'avoir déjà avorté que celles qui n'ont jamais eu recours à la contraception. Elles utilisent donc conjointement les deux méthodes pour réguler leur fécondité (Guillaume, 2000).

Cependant, la plupart des enquêtes et études ont montré que l'expérience d'un avortement amène les femmes à chercher à maîtriser leur fécondité en pratiquant la contraception.

2. 1. 2. Approche socioculturel

A. La crainte d'un rejet social ou familial

Les rapports sexuels sont partout un des aspects du comportement social le plus entouré d'interdits culturels, du moins en Afrique. Du point de vue de la morale religieuse, les rapports sexuels ne devraient par exemple intervenir que dans le cadre d'une union socialement reconnue et devraient exclusivement être réservés pour la procréation.

Dans les faits, la morale sociale est de plus en plus remise en question, comme l'atteste des pourcentages non négligeables de naissances hors mariage dans certains pays, notamment chez les adolescentes.

La grossesse de la jeune fille reste cependant perçue, à tort ou à raison, comme une fatalité dans les sociétés africaines parce que non désirée. Elle conduit, très souvent, à des avortements pratiqués dans la clandestinité. La crainte de la réaction des parents ou de la famille face à une grossesse considérée comme inacceptable (jeunes femmes, célibataires ou censées ne pas avoir de relations sexuelles) et les problèmes de couples (mésententes, grossesses pré maritales, refus de paternité, partenaires occasionnelles, grossesses adultérines) expliquent certaines interruptions de grossesses (Kasolo, 2000, Guillaume 2004). Ces motifs sont d'une importance variable selon l'âge des femmes et leur situation matrimoniale.

La décision d'avorter est pour les jeunes femmes largement dépendante de la réaction du partenaire et de sa capacité à accepter la paternité (Webb, 2000).

Les études menées en Côte-d'Ivoire, mettent l'accent sur le poids des raisons familiales dans les décisions de pratiquer l'avortement : unions instables, refus de reconnaître l'enfant par le père, demande du partenaire, problèmes de couples, crainte d'un scandale ou de réaction des parents (Guillaume et al. 1999).

A Douala et Yaoundé, « la peur d'être rejetée par les parents ou la famille » a été cité comme premier motif d'avortement chez les jeunes filles (52,8%). (Ngwé et al. 2005).

A Bamako au Mali, dans trois centres de santé, les raisons principales du recours à l'avortement mentionnées par les femmes sont le célibat (38 à 64% des réponses), la pression familiale (31 à 45%) et la rupture avec leur partenaire

(1,7 à 14,6%) (Konaté et al. 1999).

La crainte des parents a aussi été mentionnée comme motif d'avortement, particulièrement par les jeunes femmes : 16,4% des femmes de moins de 20 ans ont avorté pour cette raison au Gabon (Barrère, 2001), 22% au Bénin 7,1% au Togo 17% en 1996 au Nigeria et 26% en Ouganda (Alihou, et al. 1996; Renne, 1997; Bazira, 1992). Au Sénégal, 21% des femmes ont mentionnée la crainte des parents et 20% la peur des critiques de l'entourage (Diadhiou et al. 1995).

A. Des raisons scolaires expliquent l'avortement

La pratique de l'avortement est aussi fréquente chez les jeunes femmes scolarisées, et même en progression chez celles scolarisées dans le secondaire qui veulent terminer leur scolarité (Renne, 1997 ; Guillaume 2004). Ainsi, en Afrique subsaharienne, Zabin et Kiragu (1998) déclarent que, dans beaucoup de pays, la majorité des femmes qui avortent sont des adolescentes. Car celles ci veulent continuer leurs études ou leur travail et attendent pour avoir un enfant, de pouvoir l'assurer économiquement.

Poursuivre ses études est l'un des principaux motifs d'avortement cité par les femmes; en Côte d'ivoire, cette raison est mentionnée par près de 55% des femmes de différentes régions du pays dont 19% d'entre elles à Abidjan. La majorité est scolarisée dans le deuxième cycle du secondaire ou au supérieur et 36% du premier cycle (Barrère, 2004). A Bamako au Mali, "les contraintes scolaires" font partie des trois principales raisons justifiant l'avortement (Konaté et al. 1999). Au Togo, La scolarisation est mentionnée par près d'un tiers de femmes de moins de 20 ans comme motif d'avortement. (URD, 2001 ; Djoke, 2004). Cette raison est aussi évoquée par plus de 22% des femmes de 15 à 24 ans au Mozambique (Agadjanian V., 1998). Par 26% à 38% des femmes dans deux régions du Nigeria (Mahler K., 1999).

2. 1. 3. Approche Socio-économique

A. Les raisons économiques expliquent l'avortement

Des difficultés économiques peuvent conduire certaines de femmes à pratiquer l'avortement provoqué. Ces femmes soulignent des difficultés matérielles à assumer la charge d'un enfant, l'incompatibilité chez les femmes, à gérer simultanément l'activité économique et la charge d'un enfant, etc.

Ces difficultés économiques sont fréquemment citées parmi les motifs qui justifient l'avortement dans la plupart des pays tels qu'au Nigeria (Renne, 1996), en Tanzanie (Mpangile et al. 1999), l'Ethiopie (Getahun et Berhane, 2000). Au Mozambique, 41% des femmes évoquent leurs problèmes économiques comme motifs d'avortement (Agadjanian, 1998) ; 22,5% en Ethiopie (Kebede et al. 2000) ; 13.5% au Sénégal (Koly, 1991). Au Gabon, un tiers des femmes dit être confrontée à des difficultés économiques ou vouloir poursuivre l'activité professionnelle (Barrère, 2001).

A Douala et Yaoundé, le deuxième motif cité par les femmes pour justifier l'avortement est le manque de moyens financiers (39,6%) (Ngwé et al. 2005). En Ouganda, les femmes recourent à l'avortement pour pouvoir poursuivre leurs activités si leur partenaire ne veut pas reconnaître la grossesse (Kasolo, 2000).

Les grossesses non désirées et l'avortement sont les conséquences en Afrique des rapports sexuels à but lucratif ou matériel. En effet, certains hommes riches qui promettent de l'argent, des cadeaux à de jeunes femmes en échange de relations sexuelles non protégées, abandonnent celles-ci lorsque survient une grossesse. Ne pouvant subvenir aux besoins du nouveau né, par crainte des parents ou sous pression de ces hommes, elles sont obligées d'interrompre de telles grossesses, souvent de manière clandestine et dangereuse.

En outre, la pauvreté et la misère contraignent certaines femmes à adopter des comportements sexuels à risque, notamment les rapports sexuels non protégés. Ces dernières s'exposent ainsi aux infections sexuellement transmissibles et aux grossesses non désirées qu'elles expulsent le plus souvent.

2. 1. 4. Approche Institutionnelle

A. Un Cadre juridique restrictif au recours à l'avortement.

Bien que le cadre juridique se soit amélioré ces dernières années dans plusieurs pays, l'avortement fait encore l'objet de mesures très restrictives notamment dans la majorité des pays africains, au Proche-orient et en Amérique Latine.

De nos jours, l'avortement n'est totalement interdit que dans 15 pays (sur 190). Dans les autres pays, la situation varie d'une limitation très stricte à une politique très libérale : dans 55 pays (44% de la population), l'avortement est possible sur demande ou pour des raisons économiques et sociales (United Nations, 1994 b).

En Afrique francophone, les législations sur l'avortement sont encore souvent des réminiscences de la loi française de 1920, qui condamnait l'avortement et réprimait toute personne le pratiquant ; dans les pays anglophone, elles s'inspirent de la loi britannique de 1861 sur les délits contre la personne. ; puis de la loi britannique de 1861 sur les délits contre la personne.

En 1999, sur les 54 pays africains, l'avortement n'est autorisé sans restriction que dans trois pays : Tunisie, Afrique du Sud et Cap Vert. Dans 26 pays, il peut être autorisé uniquement

pour la survie de la mère ; tel est le cas du Gabon. Dans 24 autres pays, les femmes peuvent y recourir seulement si leur santé physique et/ou morale est menacée (Guillaume, 2000).

Dans les pays où le recours à l'avortement est libéralisé, quelques restrictions limitent toujours sa pratique : en Tunisie par exemple, les centres de santé où ces actes peuvent être pratiqués légalement sont peu nombreux, notamment en milieu rural

(Gastineau, 2000). En Afrique du Sud, la loi prévoit un âge légal de la grossesse pour avorter (The Alan Guttmacher Institute, 1999). Au Soudan et en Zambie, l'autorisation de 2 ou 3 médecins est nécessaire pour avorter (Gautier, 2002). Toutes ces restrictions pénalisent les femmes. Au lieu d'empêcher les avortements, elles contribuent plutôt à des pratiques clandestines et dangereuses. La fréquence de celles-ci s'explique par les nombreuses consultations médicales observées dans les centres de santé consécutives à des complications d'avortements. En Afrique de l'Ouest, on estime à un million par an le nombre d'avortements clandestins faits en dehors de toute surveillance médicale officielle par an, mais la région du continent la plus touchée est l'Afrique de l'Est avec 1,34 million d'avortements clandestins par an. (The Alan Guttmacher Institute, 1999).

B. L'avortement en l'absence de contraception ou en cas d'échec d'une méthode.

L'avortement a été longtemps utilisé comme méthode de régulation de naissance bien avant l'apparition des méthodes contraceptives. Le développement des programmes de planification familiale a contribué à une plus grande utilisation de la contraception, même s'il n'a pas toujours eu l'effet escompté d'une réduction, voire d'une disparition du recours à l'avortement.

Dans les pays où l'usage des méthodes contraceptives est élevé, les échecs de la contraception restent très fréquents, comme en atteste la persistance des grossesses non désirées qui se concluent par une interruption de grossesse (Bajos N. et Al. 2002.). Dans ce cas, le recours à l'avortement peut intervenir après un échec de la contraception, consécutif à une mauvaise utilisation d'une méthode ou à son inefficacité.

Dans les pays en voie de développement et particulièrement en Afrique, les individus utilisent très peu les méthodes contraceptives modernes, l'intensité et la fréquence de l'activité sexuelle fait croître le risque de grossesse non désirée, et partant, le recours sans cesse à l'avortement clandestin.

A l'île Maurice, pays réputé pour l'efficacité de son programme de planification familiale, avec une prévalence est de 75%, le recours aux avortements clandestins persiste pour différentes raisons dont la plus fréquente est l'entrée en sexualité précoce sans usage de contraception. (N'yong' o D. et Oodit G., 1996, Djoke 2004).

En Ethiopie, Madebo T. et Tadiè GT (1993) ont constaté que 83% des femmes n'utilisaient pas de contraception avant la grossesse qu'elles ont interrompue, 11% en utilisaient une, mais sans respecter les normes d'usage et 6% ne s'expliquent pas les raisons de cet échec.

Les contraceptions post-abortum peuvent contribuer à la réduction du recours à l'avortement, mais dans bon nombre de pays africains la qualité et l'existence du counselling post-abortum constitue un problème. Par contre, l'amélioration de la prise en charge des complications d'avortements est de plus en plus fréquente dans ces pays.

Hormis les facteurs précités à savoir, socio-économiques, démographiques socioculturels et le cadre institutionnel, d'autres facteurs expliquent le recours à l'avortement provoqué. Il s'agit notamment des facteurs sanitaires et sociologiques.

2.1. 5. Approche Sanitaire

A. Interrompre une grossesse pour préserver sa santé

Dans de nombreux pays africains, l'avortement est autorisé si la santé physique ou mentale de la femme est menacée. Ce motif n'est pas très cité par les femmes interrogées lors des enquêtes et études déjà réalisées. Au Gabon, 6% des femmes ont déclaré avoir eu recours au moins une fois à un avortement pour raisons de santé lors l'enquête démographique et de santé de 2000. (Barrère, 2001). Ce motif a été cité par 20% de femmes au Kenya (Rogo K.O., 1993), 15% des femmes au Togo (U.R.D et al. 2001, Djoke, 2004), entre 2 et 4% au Mali (Konaté M.K.et al. 1996) et 3,2% à Douala et Yaoundé (Ngwé et al. 2005).

2. 1. 6. Approche Sociologique

Les législations autorisent l'avortement en cas de violence sexuelle (viol ou inceste) dans plusieurs pays ou encore de violence sexuelle. Cette raison n'apparaît presque pas dans les enquêtes et études sur l'avortement provoqué parmi celles évoquées par les femmes qui ont déjà avorté.

Les différentes approches passées en revue par la littérature nous permettront de dégager les facteurs susceptibles d'expliquer le recours à l'avortement provoqué au Gabon.

2. 2. Les déterminants de l'avortement provoqué

Un certain nombre de variables se rapportant aux facteurs socioculturels, socio-économiques, sociodémographiques et institutionnel influencent davantage la pratique de l'avortement. Ces variables sont les suivantes :

2. 2. 1. Les variables socioculturelles.

La pratique de l'avortement est déterminée par des normes et valeurs propres à chaque société qui influencent l'individu dans la décision de recourir ou non à cette pratique. Les variables socioculturelles qui influencent l'avortement sont :

- la religion,

- l'ethnie,

- le milieu de résidence

2-2-1-1. La religion

Selon Akoto E. (1985, cité par Djoke, 2004), << la religion véhicule un certain nombre de valeurs et normes qui régissent la vie des fidèles sur le plan comportemental et psychique ». La majorité des religions interdisent l'avortement considéré comme un pêché grave. C'est le cas des religions chrétienne, juive et musulmane ; toutefois les deux dernières citées peuvent l'autoriser pour sauver la vie de la mère (Guillaume A., 2004). La religion catholique affirme d'ailleurs que <<la vie humaine commence au moment de la conception, (...) et qu'elle doit être défendue et protégée ». (Nations unies, 1994 : 154). Mais de l'avis de beaucoup d'auteurs, certaines religions offrent plus de liberté sur le plan sexuel que d'autres (Meekers et al. 1997).

2-2-1-2. L'Ethnie

Bien que l'effet de l'ethnie sur le risque d'avortement soit une question empirique qui
demeure ouverte, de nombreuses études ont documenté des différences dans les
comportements de fécondité selon les groupes ethniques en Afrique. Au Cameroun par

exemple, certaines sources ont décrit les Béti-Fang comme traditionnellement plus tolérants vis-à-vis des relations sexuelles et de la procréation prénuptiale que les autres ethnies (Laburthe-Tolra, 1981 ; Yana, 1995 ; Calvès 2004).

2-2-1-3. Le milieu de Résidence.

Le milieu de résidence est un indicateur de différentiation important pour expliquer le comportement sexuel des femmes selon qu'elles utilisent ou non des méthodes de prévention de grossesses. Plusieurs études ont montré que les citadines étaient plus précoces sexuellement que celles qui vivent en milieu rural. Cela peut s'expliquer comme une aspiration des femmes à jouir plus librement de leur corps en ville qu'au village.

2. 2. 2. Les variables sociodémographiques.

2-2-2-1. L'âge

Plusieurs études ont montré la corrélation entre l'âge de la femme et le recours à l'avortement. La majorité d'entre elles rapportent des taux d'avortement élevés chez les jeunes célibataires de moins de 25ans et particulièrement élevés avant l'âge de 20ans (Nichols et al. 1986 ; Desgrées du Loll et al. Alan Guttmacher, 1999 ; Calvès 2004). La prédominance de cette tranche d'âge dans la pratique de l'avortement renseigne également sur la précocité des relations sexuelles.

2-2-2-2. Le statut matrimonial.

Le statut matrimonial de la femme est un déterminant important de l'avortement provoqué. En effet, d'après la littérature les femmes célibataires avortent plus que celles qui sont mariées, divorcées ou veuves. Cela s'explique davantage par le fait qu'elles ne veulent pas encore d'enfants car les grossesses hors mariages sont parfois mal acceptées dans certaines familles et sociétés ; ou parcequ'elles sont encore à l'école et ne veulent pas interrompre les études. (Guillaume A., 2004). Les mariées quant à elle avortent soit parce qu'elles ne veulent pour d'enfants ou pour espacer leurs naissances. Cette pratique peut en outre intervenir chez ces dernières à la suite d'une grossesse extraconjugale. A Douala et à Yaoundé, Les femmes mariées ont déclaré dans leur majorité avoir avorté par besoin de planning familial (55%),

puis pour des raisons économiques dont le manque de moyens financiers (33,3%) et par contraintes professionnelles (4,5%). (Ngwé et al. 2005). Les divorcées et les veuves le pratiquent, parce qu'elles ne se sont pas remariées ou qu'elles ne disposent pas de moyens financiers pour assumer la charge d'un enfant supplémentaire.

2-2-2-3. La parité atteinte.

La parité des femmes influence aussi le recours à l'avortement. Certaines enquêtes effectuées dans des hôpitaux suggèrent qu'une majorité de femmes admises suite à des complications post-abortum sont jeunes et en sont à leur première grossesse (Bikin et al. 1984 ; Calvès, 2004). D'autres études cependant ont trouvé une plus grande diversité dans l'âge et la parité des patientes. Dans une recherche menée dans un hôpital du Kenya, par exemple, la majorité des patientes admises suite à un avortement provoqué avait déjà un (33%),deux (15%) ou plus de deux (23%) enfants (Solo et al., 1999 ; Calvès 2004). De même, une étude menée à Abidjan auprès de femmes enceintes conclut que si l'avortement est utilisé par la jeune génération pour retarder le début de la procréation il l'est aussi par les femmes plus âgées pour espacer les naissances (Guillaume A., Desgrées du Lôu et al. 1999).

2. 2. 3. Les variables socio-économiques. 2-2-3-1. Le niveau de vie des ménages.

Plusieurs études ont montré la corrélation qui existe entre le recours à l'avortement et le niveau de vie des ménages dans lesquels vivent les femmes. La pratique abortive évolue avec le niveau de vie ; plus le niveau de vie est élevé, plus la pratique l'est aussi. En Egypte, les femmes en zone urbaine issue des classes sociales élevées font plus fréquemment des avortements que celles des classes sociales inférieures (Lane, Jok, et al. 1998; Guillaume, 2004).

2-2-3-2. Occupation de la femme.

L'occupation de la femme au moment de la grossesse renseigne ici sur sa capacité à supporter
la charge d'un enfant ou non : deux catégories d'occupation sont souvent évoqués lors de
certaines enquêtes : fréquentation de l'école, type d'activité économique exercé (à l'intérieur

ou à l'extérieur du ménage). Des études ont montré que le taux d'avortement est particulièrement élevé chez les filles qui fréquentent l'école et le désir de rester à l'école est l'une des principales raisons mentionnées par les femmes africaines pour justifier les avortements provoqués (Nichols et al. 1986 ; Bankole et al. 1998 ; Calvès 2004). D'autres études ont également démontré un lien positif entre le statut d'emploi et la probabilité de recourir à l'avortement (Shapiro et Tambashe, 1997).

2-2-3-3. Le niveau d'instruction.

D'après la littérature, il existe une relation positive entre la pratique contraceptive et le niveau d'instruction de la femme. Cette relation devrait se traduire par un moindre recours à l'avortement parmi les femmes instruites. Certaines études démontrent plutôt le contraire, au Gabon, la proportion des femmes qui recourent à l'avortement augmente plutôt avec le niveau d'instruction : près de trois fois plus de femmes de niveau secondaire (19%) ont eu au moins un avortement, comparées à celles sans instruction (7%).

2. 2. 4. Les caractéristiques institutionnelles. 2-2-4-1. Utilisation des méthodes contraceptives.

Une étude a montré que les femmes qui n'utilisaient pas de méthodes contraceptives modernes avaient souvent eu recours à des méthodes traditionnelles ou les avaient utilisées en discontinue (Anonymous, 1994 ; Djoke, 2004). En Ethiopie, 83% des femmes n'utilisaient pas la contraception avant la grossesse (Guillaume A. 2004). Au Togo, seulement 19% des femmes utilisaient une méthode contraceptive avant la grossesse (URD, 2001 ; Djoke, 2004). Au Mali, la survenue de la grossesse non désirée chez les femmes qui utilisaient une méthode de contraception avant l'avortement s'explique dans 39% des cas par un échec (Guillaume A. 2004).

2. 3. Hypothèses et Cadre conceptuel.

2. 3. 1. Les Hypothèses :

La présente étude se propose de rechercher les facteurs explicatifs du recours à l'avortement provoqué au Gabon. Elle pose comme hypothèse principale que L'avortement provoqué au Gabon dépend des facteurs socioculturels, de la pratique contraceptive et des caractéristiques individuelles de la femme.

De cette hypothèse principale découlent les hypothèses spécifiques suivantes :

H1 : Le milieu socioculturel dans lequel vivent les femmes gabonaises explique leur recours aux pratiques abortives.

H2 : L'âge de la femme, son statut matrimonial et sa parité expliquent le recours à l'avortement provoqué au Gabon.

H3: L'occupation de la femme et le niveau d'instruction ainsi que le niveau de vie du ménage expliquent le recours à l'avortement provoqué au Gabon.

H4 : L'utilisation des méthodes contraceptives influence le recours à l'avortement.

2. 3. 2. Le cadre conceptuel.

Les relations formulées dans les hypothèses ci-dessus peuvent être schématisées comme l'indique la figure ci-contre :

Facteurs
Socioculturels

Facteurs
Démographiques

Facteurs
Socio-économiques

Comportement sexuel

Risque de Grossesse

Avortement provoqué

Le schéma conceptuel ci-dessus montre comment sont reliés les différentes variables conceptuelles de notre étude. Ainsi, la décision de mettre fin ou non à une grossesse non désirée dépend des facteurs socioculturels, socioéconomiques et démographiques. Les facteurs socioculturels influencent non seulement les facteurs démographiques liés à la procréation tel que l'état matrimonial, mais aussi le comportement sexuel de la femme. En effet, la plupart des comportements des individus sont déterminés par des croyances et des valeurs inhérentes à leur de leur culture à travers les perceptions qu'elles induisent. Les facteurs socioéconomiques ont également un effet sur les facteurs démographiques et le comportement sexuel de la femme. Car, d'après la littérature, l'occupation de la femme, son niveau d'instruction et le niveau de vie dont son ménage est issue ont souvent eu un effet positif sur la parité de la femme, voire son statut matrimonial. A travers la capacité de se procurer et d'utiliser ou non des méthodes contraceptives modernes, ces facteurs ont aussi un effet sur la pratique contraceptive. Les facteurs démographiques ont également un effet sur le comportement sexuel de la femme. Ainsi, le nombre d'enfants nés vivants ou survivants peut

amener la femme à limiter, espacer ou non les grossesses à travers l'utilisation ou non des méthodes contraceptives. Aussi, dans certaines tribus et ethnies du Gabon, on tolère difficilement les enfants hors mariage ou adultérins d'autres peu importe, ce qui peut conduire les unes et les autres à adopter un certain comportement sexuel (pratique de la contraception ou non) pouvant exposer la femme à une grossesse désirée ou non désirée, déterminant ainsi l'issue de cette dernière (avortement provoqué ou non).

2. 4. Définitions et approches des concepts fondamentaux :

2-4-1. L'avortement provoqué :

L'avortement provoqué est l'expulsion du foetus avant sa viabilité dont la durée est de 28 semaines (Vekemans. M., 1988, Djoke 2004). Il se définit également comme une opération visant à mettre fin à une grossesse par n'importe quel moyen avant que le foetus ne soit suffisamment développé pour survivre (Cunningham, F. G., et al. 1989, Guillaume, 2004). Dans le cadre de notre étude, on entend par avortement provoqué, le processus qui consiste à interrompre volontairement une grossesse non désirée pour diverses raisons.

Ce terme peut aussi prendre d'autres dénominations telles que avortement à risque, avortement dangereux, avortement illégal. Sont exclus du champ de l'étude les avortements spontanés ou fausses couches.

2. 4. 2. Les facteurs socioculturels :

C'est un ensemble de facteurs combinant moeurs, attitudes, croyances, valeurs, et perceptions qui déterminent les comportements des individus dans la société. Toute société a ses normes et valeurs en matière de sexualité, c'est le cas des Béti Fang qui sont d'après certaines sources plus tolérants vis-à-vis des relations sexuelles et de la procréation prénuptiale que les autres ethnies du Cameroun (Laburthe-Tolra,1981 ; Yana,1995 ; Calvès 2004).

Dans le cadre de notre étude, nous entendons par facteurs socioculturels, un ensemble de facteurs véhiculant normes et valeurs en matière de pratique contraceptive ayant un effet direct ou indirect sur l'avortement provoqué. Ce concept est opérationnalisé ici par des variables comme le milieu de résidence, la religion et de l'ethnie.

2. 4. 3. Les facteurs sociodémographiques

Il s'agit essentiellement de l'âge de la femme, de l'état matrimonial et de la parité atteinte. En effet, il faudrait attendre que la femme atteigne un certain âge de procréation pour espérer être exposée au risque de procréer, dans le cadre de cette étude cet âge sera de 15ans. D'après la littérature, l'état matrimonial influence la pratique abortive de plusieurs manières : Les femmes célibataires ont tendance à recourir plus à l'avortement provoqué que les femmes mariées. Aussi, certaines études ont trouvé une relation entre l'âge et la parité des femmes. De même que l'avortement est utilisé par la jeune génération pour retarder le début de la procréation il l'est aussi par les femmes plus âgées pour espacer les naissances (Calvès. A, 2004).

2. 4. 4. Facteurs socio-économiques de la femme

Elles se réfèrent indirectement, à la capacité qu'a une femme, de disposer ou non des moyens financiers lui permettant d'acquérir et d'utiliser des méthodes modernes de prévention des grossesses. Directement, à la capacité matérielle qu'a une femme à assumer la charge d'un enfant, de gérer l'activité économique ou la scolarité et la charge d'un enfant. Les indicateurs de ces caractéristiques sont l'occupation de la femme, le niveau de vie des ménages et le niveau d'instruction.

2. 4. 5. La pratique contraceptive

Dans le cadre de notre étude, nous entendons par pratique contraceptive l'utilisation de l'une des méthodes contraceptives modernes pour éviter ou non une grossesse non désirée.

2. 5. Variables opérationnelles

2. 5. 1. Schéma d'analyse

Le présent schéma d'analyse traduit les hypothèses de recherche dérivées de l'hypothèse centrale. Il prend en compte uniquement les variables opérationnelles construites à partir des variables de base définies dans le cadre conceptuel.

·

M
· ilieu de résidence

· Ethnie

S Religion

Statut Matrimonial

· Parité atteinte

· Occupation de la femme

· Instruction de la femme

· Niveau de vie du ménage

Utilisation des méthodes
Contraceptives

Occurrence de grossesse

Issue de la Grossesse

2-5-2. Variable dépendante

L'unité d'analyse de notre étude est la grossesse et la variable dépendante est l'issue de cette grossesse : avortement ou préservation de la grossesse.

2-5-3. Variables indépendantes

Les variables indépendantes ici sont celles qui ont été retenues comme pouvant expliquer le recours à l'avortement provoqué. Il s'agit des variables issues des facteurs socioculturels, socio-économiques et démographiques.

2-5-3-1. Les facteurs socio-économiques

- Le niveau de vie des ménages

Cette variable sera appréhendée à travers un indicateur composite de niveau de vie que nous allons construire. Cette variables comprendra trois modalités qui sont : Les pauvres, le niveau de vie moyen et les riches.

- L'occupation de la femme

Cette variable identifiera les catégories d'occupation des femmes au moment de la grossesse. Trois catégories d'occupation ont été prises en compte à savoir : A l'école ; Travaille ; Sans emploi/au foyer.

- Le niveau d'instruction de la femme.

Nous nous intéressons uniquement ici au niveau d'étude dans le secteur éducatif formel. Cette variable comprendra quatre modalités : Sans niveau ; Primaire ; secondaire, supérieur.

2-5-3-2. Les facteurs socioculturels

- La religion

Cette variable comprend les modalités suivantes : catholiques, protestants, musulmans, autres religions.

- L'ethnie

Le Gabon compte au total 40 ethnies pour l'ensemble du territoire. Nous tenterons de les classer en 8 grands groupes en fonction des affinités et des similitudes en matière de comportements sexuels et reproducteurs. Nous distinguons ainsi : les fang, les Kota-kélé, les Mbédé-téké, les Myénés, les Nzébi-duma, les Okandé-tsogo, les Shira-punu-vili et les Pygmées.

- Le milieu de résidence

C'est le secteur d'habitat des femmes. Il comprendra deux modalités : le milieu rural et le milieu urbain.

2-5-3-3. Les facteurs sociodémographiques

- L'âge de la femme.

Nous aurons ici quatre tranche d'âge de femmes à savoir : les 15-24 ans «adolescentes>> ; les 25-34 ans «jeunes >> les 35-44 ans «adultes >> et les 45ans et plus «âgées>>.

- Le statut matrimonial

Cette variable comprend trois modalités qui sont : « célibataire >>, «mariées >>, «divorcées/séparées >>, «veuves >>.

- Le nombre d'enfants nés vivants

Cette variable a quatre modalités qui sont : « aucun enfant >> ; de 1 à 5 enfants «parité moyenne >> ; 6 ou plus «parité forte >>.

2-5-4. La variable intermédiaire

- L'utilisation des méthodes contraceptives.

Cette variable comprend deux modalités à savoir : Utilise une méthode contraceptive ou n'utilise pas.

Chapitre 3 : Méthodologie et évaluation des données

3-1. Présentation des données

3-1-1. Source des données

La présente étude sur les déterminants de l'avortement provoqué au Gabon se fera partir à partir des données de la première enquête démographique et de santé du Gabon réalisée en 2000 (EDSG2000).

3-1-2. Les objectifs de l'EDS 2000

L'EDSG 2000 avait pour objectifs spécifiques de :

- fournir des données fiables et détaillées sur les facteurs démographiques, sanitaires et socioéconomiques susceptibles d'influencer la situation sanitaire et démographique du pays

- recueillir des données à l'échelle nationale permettant de calculer les taux de fécondité et de mortalité infanto juvénile ;

- analyser les facteurs directs et indirects qui déterminent le niveau et les tendances de la fécondité et de la mortalité ;

- mesurer les taux de connaissance et de pratique contraceptive des femmes et des hommes par méthode et par milieu de résidence ;

- recueillir des données sur la connaissance, les attitudes et opinions des femmes et des hommes au sujet des IST et du sida ;

- recueillir des données de qualité sur la santé familiale : vaccination, prévalence et traitement de la diarrhée et d'autres maladies chez les enfants de moins de cinq ans, visites prénatales, assistance à l'accouchement, allaitement au sein et pratiques nutritionnelles des enfants ; mesurer la teneur en iode du sel consommé dans les ménages ;

- mesurer l'état nutritionnel des mères et des enfants de moins de cinq ans par la prise de mesures anthropométriques ;

- recueillir des données sur la pratique de l'avortement ;

- mesurer le niveau de la mortalité maternelle.

Cette enquête avait également pour objectif de renforcer les capacités de la DGSEE à réaliser de façon périodique des EDS et de fournir au pays une base de données fiables et actualisées.

3-1-3. Echantillonnage

L'EDSG couvre un échantillon cible de 6 500 femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) et de2 500 hommes âgés de 15 à 59 ans. Pour répondre aux besoins de l'enquête, l'échantillon a été conçu de façon à fournir des résultats représentatifs au niveau de l'ensemble des villes de Libreville et de Port-Gentil, des autres villes et du milieu rural. Du point de vue régional, la taille de l'échantillon cible ne permettant pas de fournir des résultats significatifs pour chacune des neuf provinces prises indépendamment, les groupes de provinces suivants ont été constitués : Ogooué-Ivindo et Woleu-Ntem (région Nord), Ogooué-Lolo et Haut Ogooué (région Est), Estuaire, Moyen Ogooué et Ogooué Maritime (région Ouest, Libreville et PortGentil exclues), et Ngounié et Nyanga (région Sud). Pour pouvoir disposer de suffisamment de cas dans chaque domaine d'études, les Autres Villes et le milieu rural ont été sur échantillonnés alors que Libreville et Port-Gentil ont été sous échantillonnées. Il s'agit donc d'un échantillon pondéré, par grappes à deux degrés de tirage :

- Au premier degré, un échantillon de 249 grappes a été tiré à partir de la liste des secteurs de dénombrement du RGPH de 1993, de façon indépendante à l'intérieur de chaque strate et proportionnelle à leur taille en terme de ménages.

- Au second degré, les ménages ont été sélectionnés à partir de la liste établie lors de l'opération d'énumération des ménages dans chacune des 249 grappes sélectionnées. Le nombre de ménages sélectionnés dans chaque grappe variait de 10 à 40 selon la taille des grappes.

- Au total, 6 761 ménages ont été sélectionnés et, parmi eux, 6 353 ménages ont été identifiés au moment de l'enquête. Parmi ces 6 353 ménages, 6 203 ont pu être enquêtés avec succès, soit un taux de réponse de 97,6 %.

Dans les 6 203 ménages enquêtés, 6 604 femmes âgées de 15 à 49 ans ont été identifiées pour l'enquête individuelle dont 6 183 ont été enquêtées avec succès, soit un taux de réponse de 93,6 %.

L'enquête homme a porté sur un sous échantillon de 2 242 ménages (le tiers des ménages tirés
pour l'enquête individuelle femme) dont 2 106 ménages ont été identifiés et 2 057 ménages
enquêtés (soit un taux de réponse de 97,7 %). Dans ces 2 057 ménages enquêtés, 2 004

hommes âgés de 15 à 59 ans ont été enquêtés avec succès parmi 2 277 hommes éligibles, soit un taux de réponse de 88,0 %.

3-1-4. Questionnaires de l'enquête.

Afin d'atteindre les objectifs de l'enquête, quatre types de questionnaires ont été utilisés par l'EDS Gabon, parmi lesquels : le questionnaire ménage, le questionnaire individuel femme,le questionnaire individuel homme et le questionnaire communautaire.

Questionnaire ménage : Il permet de collecter des informations sur le ménage, telles que le nombre de personnes y résidant, par sexe, âge, niveau d'instruction, la survie des parents, etc. Par ailleurs, il permet de collecter les informations sur les caractéristiques du logement (approvisionnement en eau, types de toilettes etc.), et des ménages. Ces informations sont recueillies afin d'apprécier les conditions dans lesquelles vivent les personnes enquêtées. Enfin le questionnaire ménage permet d'établir l'éligibilité des personnes à interviewer individuellement. Il permet aussi de déterminer les populations de référence pour le calcul de certains taux démographiques.

Questionnaire individuel femme : Il permet d'enregistrer toutes les informations démographiques concernant les femmes âgées de 15 à 49 ans.

Ce questionnaire comprend dix sections :

Section 1 : caractéristiques sociodémographiques des enquêtées : cette section couvre le lieu de résidence, l'âge et la date de naissance, la scolarisation, l'alphabétisation, la nationalité et la religion.

Section2 : reproduction ; c'est dans cette section que des questions ont été posées aux femmes sur les grossesses non arrivées à terme et, en particulier, sur les avortements.

Section3 : contraception ;

Section 4 : grossesse, soins prénatals et allaitement, vaccination et santé des enfants ; Section 5 : mariage et activité sexuelle ;

Section 6 : préférence en matière de fécondité ;

Section 7 : caractéristiques du conjoint et activité professionnelle de la femme ; Section 8 : VIH/sida et autres Infections Sexuellement Transmissibles (IST) ;

Section 9 : mortalité maternelle ;

Section 10 : état nutritionnel des mères et des enfants de moins de 5 ans ;

Questionnaire individuel homme : Ce questionnaire est une forme réduite du questionnaire individuel femme, il comprend six sections à savoir : Les caractéristiques sociodémographiques des enquêtés, la reproduction, la contraception, le mariage et l'activité sexuelle, préférence en matière de fécondité, VIH/sida et autres IST.

Questionnaire communautaire : Il s'agit d'un questionnaire portant sur la disponibilité des services, c'est-à-dire sur les infrastructures socio-économiques et sanitaires du pays.

Il faut noter en définitive que ces questionnaires ont été développés à partir des questionnaires de base du programme DHS, adaptés au contexte du Gabon et en tenant compte des objectifs de l'enquête.

3-2. Evaluation des données

L'évaluation de la qualité des données est une étape importante dans le processus de recherche en sciences sociales. Elle l'est encore plus dans les pays en voie de développement où le système d'état civil fonctionne mal. Par ailleurs, la collecte des informations lors des enquêtes ou des recensements donne lieu à trois type d'erreurs : les fausses déclarations d'âges, les pertes de mémoire lorsque les événements datent d'une période assez lointaine, les tabous de tous genres liés essentiellement aux pesanteurs socioculturelles. Cette évaluation permet donc de s'assurer de la fiabilité des données afin de rendre compte de la qualité des réponses données par les enquêtées lors de la collecte.

3-2-1. Détermination du taux de non réponses.

La détermination des taux de non réponse est un indicateur couramment utilisé pour apprécier la qualité des données, avant de procéder à tout autre méthode qu'elle soit graphique ou numérique. Nous avons choisi chaque variable utilisée dans le fichier d'analyse. Pour l'ensemble des variables, le taux de non réponse est de 7,70. Ce taux est fortement influencé par la variable « grossesse terminée par un avortement provoqué » (83,3%) qui est la variable dépendante de notre étude. Cela s'explique par le fait que l'avortement provoqué est un sujet tabou, suite aux nombreux interdits dont il fait l'objet si bien que certaines femmes ont peur ou honte de souvent en parler même si elles en ont été victimes. La variable ethnie influence également ce taux, soit 14,59 % de non-réponse. En dehors de ces deux variables, les autres peuvent être considérées comme étant de bonne qualité car leur taux de non réponse est

inférieur à 10 % (niveau en dessous duquel on considère les variables comme étant de bonne qualité). Mais étant donné que les effectifs des variables dont les taux de non réponses sont supérieurs à 10% restent relativement élevés, nous avons jugés utile de les considérer dans les analyses. Notre variable dépendante a un taux élevé de non réponse (grossesse terminée par un avortement provoqué) et qu'il y a manifestement eu forte sous déclaration du phénomène étudié. Pourtant, il est généralement admis qu'au Gabon l'avortement n'est pas un phénomène marginal (15%), malgré les restrictions de nature juridique, sociale et religieuse de cette pratique, il est donc important d'en rechercher les déterminants. Aussi, qu'il s'agisse des statistiques sanitaires sur l'avortement ou des enquêtes, la complétude des données n'a pas toujours été bonne. Cette situation n'est pas spécifique à l'Afrique puisqu'en France où l'avortement est légal, les enquêtes sont également affectées de cette sous déclaration évaluée à environ 40% (Guillaume 2004).

Tableau 1 : présentation des variables de l'étude et détermination des taux de non-réponse

Variables

Réponses
valides

Valeurs
manquantes

Taux de
non-réponse

Milieu de résidence

6183

0

0.00

Religion

6183

16

0,26

Niveau d'instruction de la femme

6183

0

0.00

Ethnie

5281

902

14,6

Occupation de la femme

6175

8

0.13

Source d'approvisionnement en eau

5874

309

5,00

Possession de la télévision

5871

312

5,05

Possession de la radio

5875

308

4,98

Possession de l'électricité

5873

310

5,01

Type de plancher

5873

310

5,01

Type de mur

5876

307

4,97

Type de toit

5862

321

5,19

Type d'aisance (toilette)

6166

317

5,13

Age de la femme

6183

0

0,00

Statut matrimonial

6182

1

0.02

Parité atteinte

6183

0

0.00

Utilisation de la contraception

6183

0

0.00

Grossesse terminée par un avortement

1034

5149

83.3

3-2-2. Evaluation de la qualité des données sur l'âge

3-2-2-1. Age des femmes à l'enquête

Il apparaît sur la figure ci-dessous que la courbe de la répartition des femmes enquêtées selon l'âge au moment de l'enquête (figure 2) a une allure irrégulière avec par des pics et des creux. Cette irrégularité peut-être liée à une mauvaise déclaration des âges par les enquêtées ou à une mauvaise estimation des âges des femmes par les enquêteurs. Ces mauvaises déclarations ou estimations des âges sont matérialisées ici par une attraction ou répulsion pour certains

Proportions

6

5

4

3

2

0

1

Graphique1 : Proportions de femmes enquêtées par âge.

Age

chiffres, notamment 0 et 5. L'irrégularité de la courbe commence à se ressentir au niveau de la tranche d'âge 20-24ans ans. Cela peut s'expliquer par le fait que, c'est à ces âges que l'on limite les recrutements dans les corps d'armée, l'obtention de la bourse d'étude d'entrée dans les facultés (21 ans au plus), etc., si bien que certains sont le plus souvent contraint de réduire leur âge pour être en conformité avec ces lois. Lors des enquêtes, ces personnes se trompent le plus souvent d'âge ne sachant lequel donner, « le vrai ou le faux âge ». Les mesures draconiennes instaurées par l'Etat pour l'entrée dans la fonction publique (34ans au plus), l'âge à la retraite (55ans), ainsi que les défaillances peuvent justifier les déclarations erronées aux âges avancés.

En définitive, la courbe de l'évaluation des données sur l'âge des femmes montre la persistance des pics et des creux, surtout aux âges adultes, ce qui traduit une mauvaise déclaration et estimation des âges. Ce constat est récurrent dans la plupart des pays africains au sud du sahara.

3-2-2-2. Evaluation de l'âge des femmes au premier avortement.

Le graphique 2 montre la courbe des effectifs des femmes selon leur âge au premier avortement. Cette courbe, comme celle de leur âge à l'enquête, présente des irrégularités dues certainement à des âges mal déclarés. Il se pourrait que certaines femmes aient oublié l'âge qu'elles avaient lors de leur premier avortement ou refuse tout simplement de le déclarer pour une raison ou une autre.

Toutes les irrégularités constatées aux niveaux de ces deux courbes suscitent des interrogations quant à la qualité de ces données.

Proportion des fem m es

12

10

8

6

4

2

0

Graphique 2: Proportions des femmes par âge au premier
avortement

Age au premier avortement

Ces deux graphiques montrent à travers les creux et les pics que c'est effectivement aux âges jeunes que les âges sont mal déclarés, de 17 à 19 ans et chez les personnes atteignant la 40e année de vie. (39-41ans) en passant par les âges se situant entre 29 et 33 ans.

Pour allons approfondir notre évaluation en recourant à l'indice de Whipple

Présentation de l'indice de Whipple

L'indice de Whipple est l'indice le plus simple à calculer. Il vise à mesurer le degré de préférence pour le 0 et le 5.

Nous considérons ici les femmes de 15 à 49 ans.

Le calcul de cet indice consiste à prendre l'effectif total des personnes âgées de 15 à 49 ans, et à calculer la somme des effectifs de cet intervalle dont les âges se terminent par 0 et par 5.Puis on fait le rapport de cette dernière somme au 1 /5 de l'effectif total.

Interprétation.

L'indice de Whipple (W) varie entre 0 et 5 :

- Si W=0, il y a répulsion totale du 0 et du 5,

- Si W< 1, il y a répulsion pour le 0 et le 5,

- Si W = 1, il n'y a aucune préférence,

- Si 1 < W = 5, il y a attraction, d'autant plus forte que W est voisin de 5,

- Si W = 5, tous les âges enregistrés se terminent par 0 et par 5,

- Si W= 5, tous les âges enregistrés se terminent par 0 et par 5.

Par ailleurs, on peut trouver dans l'annuaire démographique des Nations-Unies 1955 une grille permettant de classer les données selon leur qualité :

- W < 1 ,05 : données très exactes,

- 1,05 ~ W ~ 1,099 : données relativement exactes,

- 1,10 ~ W~ 1,249 : données approximatives,

- 1,25 ~ W ~ 1,749 : données grossières,

- 1 ,75 ~ W : données très grossières.

Les calculs sur les âges des femmes à l'enquête donnent un indice de Whipple de 1,16. L'indice ainsi obtenu montre qu'il y a attraction pour le 0 et le 5, et que celle-ci est plus accentuée pour le 0.

Ces erreurs de déclarations des âges chez les femmes n'affectent pas significativement notre étude car, elles seront amoindries par la répartition des âges en groupes d'âges quinquennaux. L'indice de Whipple calculé sur les âges des femmes au premier avortement donne 1,64. Cela montre comme les âges des femmes à l'enquête que les données sont approximatives et qu'il y a attraction pour les chiffres 0 et 5.

En somme, l'évaluation de la qualité des données sur l'âge des femmes à l'enquête et au
premier avortement nous a permis de relever quelques insuffisances, que l'on peut imputer à

la mauvaise déclaration des femmes, due soit à l'oublie ou à une réticence particulière à cause du caractère illégal de l'avortement.

3-3. Méthodes statistiques d'analyse

La présente étude recherche les facteurs explicatifs du recours à l'avortement provoqué au Gabon. Pour atteindre cet objectif, il est indispensable d'examiner le lien existant entre le recours à l'avortement provoqué et les caractéristiques des femmes.

A partir des données disponibles, nous procéderons d'abord à une analyse bivariée afin de déterminer les corrélations éventuelles existant entre ces facteurs et le phénomène étudié. Pour ce faire, nous ferrons des croisements entre variables. Ensuite Nous passerons à une analyse multivariée, en vue de dégager la contribution nette de chaque facteur à l'explication de l'avortement provoqué au Gabon ; le modèle d'analyse statistique choisie ici est la régression logistique.

3-3-1. Justification du choix du modèle

Le choix de la régression logistique a été fait en tenant compte de la nature des données disponibles, de nos variables et des objectifs que nous nous sommes fixés. En effet, compte de la nature de la variable dépendante (issue de la grossesse : avortement ou non) qui est qualitative et dichotomique, notre analyse répond au principe de la régression logistique.

3-3-2. Présentation du Modèle de régression logistique

Dans la régression logistique, on estime directement la probabilité d'occurrence d'un événement (ici, le recours à l'avortement provoqué). Le modèle de régression logistique s'écrit :

Prob (événement) = 1 /1+e-z que l'on peut écrire encore : Proba (événement) = ez / 1 + ez avec

Z = P0 +P1X1 +P2X 2 +. . + PkX k

P0 est le terme indépendant exprimant le niveau moyen Z pour toutes les observations ; Bj (j=1,. .k) sont des coefficients de régression estimés à partir des données ;

Xj (j=1,. .k) désignent les variables indépendants ou les variables explicatives.

Le signe de X1 indique le sens de relation qui existe entre la variable j et la variable
dépendante, mais l'interprétation de ces coefficients se base sur les « odd ratio »

(rapport du risque relatif) est défini comme le rapport du risque relatif d'une modalité donnée par le rapport du risque de la modalité de référence.

On a : Proba (événement) = 1 - Proba (non-événement). Ce qui donne l'équation suivante : odds = Proba (événement)/ Proba (non-événement), donc

Odds = ez = P0 +I31X1 +?2X 2 +... + PkX k = e?0 e?1X1 e?2X2... e?kXk

Ainsi, si la jème variable indépendante augmente d'une unité, le << odds ratio >> change d'un facteur de e?j. Dans le cas où la variable indépendante est catégorielle, il faut avant de la dichotomiser selon les modalités qui seront toutes introduites dans le modèle (sauf une seule qui sera choisie comme modalité de référence).

La statistique << Modèle chi-square >> est supérieure au seuil critique retenu (5% dans notre cas), on accepte le modèle.

Les variables intermédiaires introduites dans le modèle sont celles qui ont un effet significatif sur la pratique abortive.

En ce qui concerne l'explication du recours à l'avortement, 9 variables sont retenues. Il s'agit de l'âge des femmes, leur statut matrimonial, la parité atteinte, le milieu de résidence, l'ethnie, la religion, le niveau d'instruction, le niveau de vie des ménages et l'occupation.

3-4. Construction de l'indicateur de Niveau de vie

L'indicateur de niveau de vie ici a été construit à partir des caractéristiques de logement et de confort. Les caractéristiques de logement choisis sont : le principal matériau du sol, du toit et des murs, la source d'approvisionnement en eau et le type de toilette utilisée. Les variables de confort ici sont : la possession d'un téléviseur, d'un poste radio pour les informations, l'usage de l'électricité comme source d'énergie.

Après avoir identifier ces variables dans notre base, nous les avons recodé et << binéarisé >> ensuite nous avons utilisé la méthode d'ACP (analyse en composante principale). Après exécution de ce programme, nous avons dégagé les scores factoriels à partir de la matrice des centiles. Ce sont ces centiles qui nous ont permis de définir les niveaux de l'indicateur de niveau de vie à savoir : Niveau faible, Niveau moyen et Niveau élevé.

Chapitre 4
Recherche des déterminants de l'avortement provoqué

Ce chapitre portera sur l'analyse des données. Dans un premier temps, nous allons décrire les variations de l'avortement provoqué au Gabon en fonction des facteurs socioéconomiques, démographiques et socioculturelles des femmes ainsi que des variables intermédiaires. Dans un second temps, nous évaluerons les effets de la variation de ces facteurs sur la pratique de l'avortement en recourant à l'analyse de la régression logistique.

4-1- Aspects différentiels de l'avortement provoqué selon les facteurs socioéconomiques, démographiques, socioculturels et les variables intermédiaires.

Dans cette partie, nous tenterons de mettre en évidence les différentes relations existantes entre la variable dépendante (avortement provoqué) et les autres variables utilisées (variables indépendantes et les variables intermédiaires). Pour ce faire, nous croiserons chacune des variables de l'étude avec la variable dépendante, en précisant la probabilité du Khi-deux associée.

4-1-1. Variation selon les facteurs socioculturels.

Rappelons que les variables socioculturelles retenues pour notre analyse sont l'ethnie, la religion et le milieu de résidence.

Variation selon l'ethnie.

La variable ethnie est significativement associée à l'avortement (5%). Ainsi, nous constatons que parmi les femmes qui ont pratiqués au moins une fois l'avortement provoqué au Gabon (15%), la proportion des femmes du groupe ethnique Tsogo-okandé est la plus élevé (86,4%), ensuite viennent les femmes d'ethnies Shira-punu (61,6%), Kota-kélé (60,2%), Mbédé-Téké (58,9%), Nzabi-duma (58,5%), Fang (53,2%), Myene (43,8%) et pygmée (40%).

Okandé-tsogo

Nzabi-duma

Mbede-téké

Shira-punu

Kota-kélé

Pygmées

Myene

Fang

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Association entre l'avortement et l'ethnie de la femme

13,6

38,4

40

Oui Non

41,1

39,8

41,5

43,8

46,8

53,2

56,3

58,5

58,9

60

60,2

61,6

86,4

L'ethnie Tsogo-okandé est beaucoup plus présente dans les grands centres urbains (Libreville et Port-gentil), ce qui pourrait expliquer le fait que ce soient elles qui recourent le plus à l'avortement. En effet, celles-ci vivent la modernité qui est un facteur de changement de mentalité et de comportement à l'égard de la sexualité. Plusieurs auteurs ont d'ailleurs montré que l'avortement se pratiquait plus en milieu urbain que rural.

Graphique 3 :

Variation selon la religion.

La religion est significativement associée à l'avortement provoqué (5%). Les femmes musulmanes sont celles qui pratiquent le plus l'avortement, avec une proportion de 82,4%. Par contre les femmes issues d'autres religions chrétiennes (« églises de réveil ») occupent le second rang avec 66,4%, les femmes sans religion viennent à la troisième position avec 64,7%. Celles issues des religions protestantes et catholiques viennent respectivement en avant et dernière position avec des proportions de 61,5 et 55,7%. Quant aux femmes sans religion, elles affichent la proportion la plus basse, 13,8%. La proportion des femmes musulmanes ayant déjà avorté au moins une fois est relativement importante (82,4%) et suscite des interrogations. Ces femmes, très attachées à leurs valeurs socio-culturelles rejettent sûrement l'usage des méthodes contraceptives, préférant utiliser l'avortement comme moyen de régulation de la fécondité.

Graphique 4 :

Autres chrétiennes

Sans religion

Musulmanes

Protestantes

Catholiques

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

17,6

Oui Non

33,6

35,3

38,5

44,3

61,5

55,7

64,7

66,4

82,4

Association entre l'avortement et la religion de la femme

Urbain

Rural

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Association entre l'avortement et le milieu de
résidence

28,1

Oui Non

44,8

55,2

71,9

Variation selon le milieu de résidence.

Le milieu de résidence est significativement associé à la pratique de l'avortement au seuil de 1 %. Les femmes qui résident en milieu rural pratiquent plus l'avortement (71,9%) que leurs congénères du milieu urbain (55,2 %).

Cette répartition différentielle du recours à l'avortement entre le milieu rural et urbain s'explique. L'avortement a souvent été utilisé par certaines femmes comme moyen d'espacement ou de limitation des naissances en l'absence de méthodes contraceptives. Hors, la pratique contraceptive est généralement plus élevée en milieu urbain qu'en milieu rural souvent lié, soit à l'information et à l'offre contraceptive mieux diffusées en ville, soit à la perception qu'ont parfois les femmes de ces différentes méthodes. Ces inégalités dans l'accès et l'utilisation des méthodes contraceptives amènent les femmes qui vivent en milieu rural à pratiquer l'avortement pour réguler leur fécondité.

Graphique 5 :

Secondaire et plus

Sans niveau

Association entre l'avortement et le niveau d'instruction
de la femme

Primaire

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

22

27,4

Oui Non

49,1

50,9

72,6

78

4-1-2. Variation selon les facteurs socioéconomiques.

Les variables socioéconomiques retenues pour notre analyse sont le niveau d'instruction, l'occupation et le niveau de vie des ménages.

Variation selon le niveau d'instruction de la femme.

En ce qui concerne l'instruction, nous remarquons que la proportion des femmes qui pratiquent l'avortement diminue avec le niveau d'instruction. Ainsi, on passe de 78% pour les femmes sans niveau à 72,6 % pour celles du niveau primaire et à 50,9 pour le secondaire ou plus. Ce résultat pourrait s'expliquer par le fait que les femmes d'instruction élevée ont plus accès à la contraception qui leur permet d'éviter les grossesses. Par ailleurs, cette proportion élevée peut être l'effet de la liberté d'expression dont jouissent les femmes instruites (du fait de la scolarisation) pour qui il n'y a plus de sujet tabou, par rapport aux femmes analphabètes plus réservées sur certaines questions. En définitive, il y aurait un lien étroit entre la pratique de l'avortement et le niveau d'instruction des femmes, comme le montre du reste le test de khi-deux significatif au seuil de 1 %.

Graphique 6 :

Sans emploi/au foyer

Association entre l'avortement et l'occupation de la
femme

Travaille

A l'école

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Oui Non

31,6

35,9

47,2

52,8

64,1

68,4

Variation selon l'occupation de la femme.

La distribution par rapport à l'occupation révèle que celles qui travaillent sont proportionnellement les plus nombreuses à pratiquer l'avortement, avec un pourcentage de 68,4%. Elles sont suivies de celles qui sont encore à l'école, les femmes sans emploi ou au foyer présentent la proportion la plus faible (52,8). Il existerait donc un lien étroit entre l'occupation de la femme et l'avortement, comme confirme d'ailleurs le test du khi-deux significatif au seuil de 1 %.

D'après ces résultats, les femmes qui travaillent ont plus recours à l'avortement au Gabon que toutes les autres (68,4%). Ce résultat s'explique par le fait que ces dernières éprouvent d'énormes difficultés à gérer l'activité économique et la charge d'un enfant, ce qui les amène le plus souvent à avorter. Elles sont suivies de celles encore à l'école qui préfèrent souvent avorter pour ne pas interrompre leurs études. Les femmes sans emplois viennent en dernière position, qui elles pratiquent l'avortement par fautes de moyens matérielles permettant d'assumer la charge d'un enfant.

Graphique 7 :

Niveau moyen

Niveau faible

Niveau élevé

Association entre l'avortement et le niveau de vie du
ménage

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Oui Non

29,8

42,7

46,7

53,3

57,3

70,2

Variation selon le niveau de vie du ménage.

La variable niveau de vie est significativement associée à la pratique de l'avortement au seuil de 1 %. Les femmes de niveau de vie faible pratiquent plus l'avortement (70,2%) que celles de niveau moyen (57,3%) et élevé (53,3). Nous constatons ici que, la pratique de l'avortement est fonction du niveau de vie ; plus une femme est pauvre plus elle a tendance à avorter.

L'une des raisons fréquemment citée d'après Monique BARRERE (EDS Gabon 2000) pour justifier l'avortement provoqué au Gabon été le manque de moyens matériels et financiers pour assumer la charge d'un enfant (32,5%). Ces analyses confortent ce point de vue, car les femmes dont les ménages sont pauvres avortent le plus (36,2%). Aussi, les femmes de niveau de vie faible, par manque de moyens financiers, éprouvent d'énormes difficultés à se procurer une méthode fiable de contraception pouvant leur permettre d'éviter les grossesses imprévues.

Graphique 8 :

4-1-3. Variation selon les facteurs sociodémographiques.

Les variables socioéconomiques qui ont été retenues pour notre analyse sont le statut matrimonial de la femme, son âge au moment de l'enquête et sa parité atteinte de vie.

Variation selon le statut matrimonial.

La distribution par rapport à l'état matrimonial montre que c'est parmi les femmes mariées que la proportion des femmes ayant déjà avorter est la plus élevée (66,4%). Viennent ensuite les femmes célibataires (57,7 %) et les divorcées ou veuves (43,7). Ce résultat me paraît surprenant, car on se serait attendu que les femmes célibataires enregistrent la proportion la plus élevée, si on pouvait vérifier l'antériorité des faits, on aurait sûrement remarqué que celles-ci ont avorté (âge moyen au premier avortement est de 22,83 ans) avant de se marier (âge moyen à la première union est de 25,5 ans). Il est également à noter que les femmes mariées ont tendance à recourir à l'avortement pour espacer les naissances ou limiter la taille de leur famille (Mundigo and Shah, 1999). Les femmes célibataires (57,7%) quant à elles, préfèrent souvent avorter pour ne pas être soumises aux contraintes sociales d'une grossesse prénuptiale et aux difficultés financières d'assumer seule la charge d'un enfant.

Le test de khi-deux est significatif au seuil de 1 %.

Le fait que ce soit les femmes mariées qui recourent le plus à l'avortement (71,7%) peut s'expliquer par le fait qu'étant mariées, elles ne prennent plus de précautions quant à l'utilisation de la contraception, s'exposant ainsi aux grossesses non désirées qu'elles sont parfois obligées d'expulser. Les femmes divorcées ou veuves préfèrent souvent limiter leurs naissances fautes d'être rejetées par leurs familles (société) parce qu'elles auraient fait des enfants ayant différents pères.

Graphique 9 :

divorcées/veuves

Célibataires

Mariées

Association entre l'avortement et le statut
matrimonial de la femme

0 10 20 30 40 50 60 70

Oui Non

33,6

42,3

43,7

56,3

57,7

66,4

Variation selon la parité de la femme.

Cette variable n'est pas significativement associée à l'avortement. En d'autres termes, il n'existe pas de comportement différentiel de l'avortement entre les femmes de parités différentes. Cela pourrait s'expliquer par la faible fécondité des gabonaises, dû pour la plupart à la stérilité pathologique.

Variation selon l'âge de la femme au moment de l'enquête.

La répartition des femmes selon l'avortement et l'âge montre que la proportion des femmes qui ont déjà pratiqué l'avortement est la plus élevée entre 35-49 ans (75,1%), ensuite viennent respectivement celles de 25-34 (59,2%) et de 15- 24 ans (53%).

Les femmes en fin de vie féconde (35-49 ans) avortent le plus souvent pour limiter leur
descendance ou pour des problèmes de santé, car à cet âge des problèmes gynécologiques sont

assez récurrentes. L'âge de la femme est significativement associé la pratique de l'avortement au seuil de 1 %.

Graphique 10 :

25- 34 ans

35-49 ans

15-24 ans

Association entre l'avortement et l'âge de la femme
au moment de l'enquête

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Oui Non

24,9

40,8

47

53

59,2

75,

Les variables socioéconomiques retenues pour notre analyse sont le niveau d'instruction, l'occupation et le niveau de vie des ménages.

4-1-4. Variation selon la variable intermédiaire. Variation selon l'utilisation des méthodes contraceptives.

La variable utilisation des méthodes contraceptives est significativement associée à la pratique de l'avortement au seuil de 1%. 28,8% de femmes ayant recouru à l'avortement n'ont pas utilisé les méthodes contraceptives contre 52 % de celles qui ont utilisée. Ce résultat apparaît surprenant dans la mesure où les femmes devraient utiliser les méthodes contraceptives pour éviter les grossesses imprévues et partant des avortements. On pourrait donc affirmer que les méthodes utilisées ne sont pas fiables ou sont mal utilisées d'où leurs échecs.

Graphique 11 :

n'utilise pas

Utilise

Association entre l'avortement et l'utilisation des
méthodes contraceptives

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Oui Non

28,8

43

57

71,2

4-2-2. Facteurs de l'avortement provoqué au Gabon

Dans cette section, nous allons, à l'aide de la régression logistique tester un modèle progressif qui consiste à introduire les variables selon la logique de notre cadre d'analyse. Nous allons d'une part, prendre séparément chaque variable de notre étude dans le modèle pour identifier celles qui ont un effet brut sur l'avortement, ensuite nous introduirons pas à pas chacun des groupes de variables pour voir les effets nets et déterminer les facteurs susceptibles d'expliquer ce phénomène.

Effets Bruts

Nous avons introduit une à une les variables pour mieux voir les effets bruts, nous remarquons que les résultats obtenus sont proches de ceux des tableaux croisés.

Parmi les variables sociodémographiques, seules les variables âge de la femme à l'enquête et statut matrimonial de la femme ont des probabilités significativement associées au khi-deux, ce, au seuil de 1%.

Au Gabon, les femmes pratiquent certes l'avortement à tous âges, mais ce sont celles âgées de
35-49 ans et 25-34 ans qui le pratiquent le plus. En effet, ces dernières courent
respectivement 2,673 et 1,28 fois plus de risques à pratiquer l'avortement que celles de 15-24

ans. Ces résultats confirment ceux des tableaux croisés et montrent bien que l'avortement au Gabon se pratique plus en fin de vie féconde (35-49ans) pour limiter la descendance ou la taille de la famille.

Le recours à l'avortement est également lié au statut matrimonial, ainsi, les femmes célibataires et veuves/divorcées courent respectivement 37% et 65% fois moins de risques d'avorter que celles qui sont mariées. Ce résultat confirme également celui de l'analyse descriptive. Les femmes célibataires quant à elles, sont soumises à une contrainte sociale, les grossesses hors mariages sont parfois mal acceptées par la famille et la société, l'accès à la contraception reste difficile pour celles-ci en particulier lorsqu'elles sont jeunes. La seule issue pour elles devient l'expulsion du foetus.

Les variables socioculturelles influencent aussi l'avortement provoqué au Gabon. L'ethnie prise seule dans le modèle a une probabilité associée au khi-deux significative au seuil de 1%. Cette variable comporte seulement quatre modalités significatives, les femmes issues des groupes ethniques Myènè, Fang, Pygmée et Tsogo-okandé. Les trois premiers groupes courent respectivement 49%, 71% et 42% fois moins de risques de recourir à l'avortement que les femmes Shira-punu-vili. Les femmes Tsogo-okandé courent elles 3,95 fois plus de risques d'avorter que celles d'ethnie Shira-punu-vili.

La religion dans le modèle a un effet brut significatif au seuil de 1%. Les femmes musulmanes courent 3,706 fois plus de risques de recourir à l'avortement provoqué que leurs homologues catholiques. Celles d'autres religions chrétiennes et sans religions en courent quant à elles 1,57 et 1,45 fois plus.

Le milieu de résidence a une probabilité associée au khi-deux significative au seuil de 1%. Les femmes résidantes en milieu rural courent 2,075 fois plus le risque d'avorter que celles qui résident en milieu urbain. Ces résultats confirment celles de l'analyse descriptive.

Les facteurs socioéconomiques pris une à une dans le modèle expliquent le recours à l'avortement au seuil de 1%.

Les femmes du niveau primaire courent 2,553 fois plus le risque d'avorter que les femmes du niveau secondaire/supérieur, celles sans niveau en courent 3,43 fois plus.

Les femmes de niveau de vie faible courent 0,568 fois moins le risque de recourir à l'avortement que celles de niveau moyen. La modalité niveau de vie élevé est non significative.

Les femmes qui travaillent courent 52% fois moins de risque de recourir à l'avortement que celles sans emploi et au foyer.

La variable intermédiaire utilisation de méthodes contraceptives prise seule dans le modèle a une probabilité associée au khi-deux significative au seuil de 1%.

Les femmes qui utilisent ces méthodes courent 3,28 fois plus de risques d'avorter que celles qui n'en utilisent pas.

Effets Nets

Il s'agira ici d'introduire nos trois groupes de variables utilisées (variables sociodémographiques, socioculturelles et socioéconomiques) ainsi que la variable intermédiaire (utilisation des méthodes contraceptives) conformément à notre schéma d'analyse pour mettre en évidence les effets nets de nos quatre modèles et d'identifier celles qui peuvent expliquer le phénomène étudié.

Modèle 1 :

Le premier groupe de variables introduites dans le modèle est constitué du groupe d'âge des femmes à l'enquête, de la parité atteinte et du statut matrimonial. Il ressort des résultats que seules deux variables parmi les trois agissent intégralement sur le recours à l'avortement provoqué au Gabon, la parité n'a que deux modalités significatives. Le pouvoir prédictif dans le modèle est de 64,0% et le test de khi-deux associé est significatif au seuil de 1%.

En ce qui concerne l'âge de la femme au moment de l'enquête, nous remarquons d'après le modèle que les femmes âgées de 35-49 ans et 25-34ans courent respectivement 1,36 et 3,32 fois plus de risques de pratiquer l'avortement que celles qui en ont 15-24 ans.

Les femmes célibataires et divorcées/veuves/séparées ont respectivement 0,384 et 0,599 fois moins de risques de recourir à l'avortement que celles qui sont mariées. Ce qui confirme non seulement le résultat au niveau descriptif mais aussi l'effet brut.

Les femmes sans enfants courent 1,95 fois plus de risque de recourir à l'avortement que celles qui en ont 1 à 4. Alors que les femmes de parité moyenne (5-9 enfants) courent elles 701% des risques d'en recourir.

Modèle 2 :

Dans le second modèle, nous avons introduit le groupe d'âge des femmes à l'enquête, la parité atteinte, le statut matrimonial de la femme, son ethnie, sa religion, et son milieu de résidence. Le test de khi deux associé reste significatif au seuil de 1% et le pouvoir prédictif du modèle est de 63,2%. L'introduction des variables socioculturels (ethnie, religion, milieu de résidence) n'influence pas la significativité des variables sociodémographiques (variables de contrôle). Seule la variable milieu de résidence est significative parmi celles nouvellement introduites dans le modèle. Il a donc été constaté que les femmes du milieu rural curent 1,759 fois plus de risques d'avorter que celles résidants en milieu urbain.

Deux modalités seulement de la variable ethnie sont significatives, à savoir les ethnies Tsogookandé et Pygmée, les femmes d'ethnie Tsogo-okandé courent 2,81 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles d'ethnies Shira-punu-vili, celles issues d'ethnie pygmée en courent quant à elles 44 % fois moins.

Les femmes qui résident en milieu rural courent 1,76 fois plus de risques d'en recourir que celles résidants en milieu urbain

Modèle 3 :

Dans ce troisième modèle, on a ajouté aux variables sociodémographiques et socioculturelles, les variables socioéconomiques (niveau d'instruction de la femme, son occupation et le niveau de vie du ménage dont elle est issue). Le test de khi deux associé reste significatif au seuil de 1% et le pouvoir prédictif augmente de 3,4 %.

Les variables groupes d'âges et statut matrimonial de la femme sont seules significatives ici. Les femmes âgées de 35-49 ans et 25-34 ans courent respectivement 1,42 et 2,26 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles âgées de 15-24 ans. Selon la parité, les femmes sans enfants courent 2,41 fois plus de risques d'avorter que celles ayant 1-4 enfants.

Les femmes célibataires et divorcées/veuves/séparées courent quant à elles, respectivement 0,59 et 0,62 fois moins que celles qui sont mariées.

Le milieu de résidence comme variable socioculturel perd sa « significativité ».

Parmi les variables socioéconomiques introduites, seules le niveau d'instruction et l'occupation de la femme ont chacune une modalité significative.

Ainsi, les femmes de niveau primaire courent 2,34 fois plus de risques d'avorter que celles du niveau secondaire/supérieur. Elles ont plus accès aux méthodes de contraception, car ayant plus de moyens de s'en informer et de s'en procurer pour éviter les grossesses non désirées et l'avortement.

S'en est de même pour celles qui ont un emploi. Elles courent 65% fois moins de risques de pratiquer l'avortement que celles qui n'en ont pas.

Modèle 4 :

Le dernier modèle montre l'image générale du modèle de régression que nous avons choisi pour expliquer le phénomène étudié. Les variables introduites dans le modèle sont : le groupe d'âge des femmes à l'enquête, la parité de la femme, son statut matrimonial (variables sociodémographiques), l'ethnie dont elle issue, sa religion, le milieu de résidence (variables socioculturelles), le niveau d'instruction, l'occupation de la femme, le niveau de vie du ménage (variables socioéconomiques) dont elle est issue et l'utilisation des méthodes contraceptives (variable intermédiaire). Ces variables ont un pouvoir prédictif de 68,2 % dans le modèle et la probabilité du khi-deux est significative au seuil de 1%. Les modalités des variables suivantes ne sont pas significatives : la religion, le milieu de résidence et le niveau de vie des ménages.

Parmi celles qui sont significatives, nous remarquons que les femmes de 25-34ans courent 1,97 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles âgées de 15-24 ans.

Les femmes sans enfants courent 2,24 fois plus de risques d'avorter que celles ayant 1 à 4 enfants.

Les femmes célibataires et veuves/divorcées/séparées courent respectivement 62% et 69% fois plus de risques de pratiquer l'avortement que celles qui sont mariées.

En ce qui concerne de l'ethnie, seule la modalité ethnique OKandé-Tsogo est significative et les femmes qui en sont issues courent 2,47 fois plus de risques de recourir à l'avortement que les femmes d'ethnies Shira-punu-vili.

Selon le niveau d'instruction, les femmes du niveau primaire courent 1,97 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles de niveau secondaire et plus. Les gabonaises cétéris paribus qui ont un emploi courent 0,629 fois moins de risques de pratiquer l'avortement que celles qui n'en ont pas.

En ce qui concerne l'utilisation des méthodes contraceptives, les femmes qui en utilisent courent 2,28 fois plus de chances d'avorter que celles qui n'en utilisent pas. Ce résultat cadre avec celui d'Edwige OYE NDONG (EDS 2000) que 19% de l'ensemble des femmes gabonaises ont des besoins non satisfaits en matière de contraception, dont la plupart (14%) pour espacer les naissances. Ainsi, les gabonaises recourent à l'avortement en cas d'échec d'une des méthodes contraceptives utilisée.

Tableau 3 : effets Brut et Net des variables d'étude sur l'avortement.

Variables

Effets Bruts

Modèle 1

Modèle 2

Modèle 3

Modèle 4

Groupes d'âge des femmes

 
 
 
 
 

15-24

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

25-34

1,287*

1,363*

1,553*

1,421*

1,973*

35-49

2,673***

3,319***

3,061***

2,260***

1,371 ns

Probabilité de khi deux

0.000

 
 
 
 

Parité de la femme

 
 
 
 
 

Pas d'enfant

1,299 ns

1,958***

2,418***

2,405***

2,240***

1-4 enfants

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

5-9 enfants

1,398*

0,700*

0,534 ns

0,771

0,786 ns

10 enfants et plus

1,111

0,396 ns

0,838 ns

0,589 ns

0,654 ns

Probabilité de khi deux

ns

 
 
 
 

Statut matrimonial

 
 
 
 
 

Célibataire

0,370 ***

0,384***

0,525 **

0,586 *

0,620 *

Mariée

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Divorcé/veuve/séparée

0,651*

0,599***

0,679*

0,641*

0,692*

Probabilité de khi deux

0.000

 
 
 
 

Ethnie

 
 
 
 
 

Fang

0,709*

 

0,870 ns

0,818 ns

0,775 ns

Kota-kélé

0,945 ns

 

1,017 ns

0,817 ns

0,747 ns

Mbédé-Téké

0,893 ns

 

1,050 ns

0,956 ns

0,868 ns

Myenè

0,485*

 

0,691 ns

0,725 ns

0,802 ns

Nziébi-Duma

0,878 ns

 

0,913 ns

0,795 ns

0,767 ns

Tsogo-Okandé

3,945***

 

2,807*

2,517*

2,469*

Shira-punu-vili

Réf.

 

Réf.

Réf.

Réf.

Pygmées.

0,416*

 

0,435*

0,403 ns

0,402 ns

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Religion

 
 
 
 
 

Catholique

Réf.

 

0,503 ns

Réf.

Réf.

Protestant

1,271 ns

 

1,185 ns

1,107 ns

1,043 ns

Musulman

3,706**

 

1,990 ns

0,505 ns

1,827 ns

Autres chrétiens

1,571*

 

1,353 ns

1,202 ns

1,164 ns

Sans religion

1,453*

 

1,177 ns

0,954 ns

0,933 ns

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Milieu de résidence

 
 
 
 
 

Urbain

Réf.

 

Réf.

Réf.

Réf.

Rural

2,075***

 

1,759***

1,108 ns

1,078 ns

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Niveau d'instruction

Sans niveau

Primaire Secondaire/supérieur

Probabilité au khi deux

3,427** 2,553*** Réf.

0.000

 
 

1,543 ns 2,342*** Réf.

1,100 ns 1,975*** Réf.

Occupation de la femme

0,625 ns

 
 

0,659 ns

0,651 ns

A l'école

0,515***

 
 

0,649*

0,629***

Travaille

Réf.

 
 

Réf.

Réf.

Sans emploi/au foyer

 
 
 
 
 
 

0.000

 
 
 
 

Probabilité au khi deux

 
 
 
 
 

Niveau de vie

 
 
 
 
 

Faible

0,568***

 
 

0,727 ns

0,821 ns

Moyen

Réf.

 
 

Réf.

Réf.

Elevé

1,174 ns

 
 

1,002 ns

1,063 ns

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Utilisation des méthodes

contraceptives

 
 
 
 
 

Utilise

3,273***

 
 
 
 

N'utilise pas

Réf.

 
 
 

2,283***

 
 
 
 
 

Réf.

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Probabilité associée au khi deux

 

0,000

0,000

0,000

0,000

Pouvoir prédictif

 

64,0

63,4

66,8

68,2

***= Significatif au seuil de 1%

**= Significatif au seuil de 5%

*= Significatif au seuil de 10% ns= Non significatif

Réf= Modalité de référence

VUE D'ENSEMBLE

Les résultats enregistrés montrent que les facteurs sociodémographiques ont une influence beaucoup plus importante sur l'avortement que les facteurs socioculturels et socioéconomiques au Gabon. Cet état de choses s'explique, car en Afrique, l'avortement touche toutes les femmes quel que soit leur âge, leur parité, ou leur situation matrimoniale (Gastineau, 2002). Au Gabon, d'après cette étude, la pratique de l'avortement s'avère plus fréquente chez les femmes de 25-34 ans qui ont une parité nulle, qui sont mariées, d'ethnie Tsogo-okandé, qui ont un niveau d'instruction primaire, qui sont sans emploi/au foyer et qui utilisent les méthodes contraceptives. Un constat se dégage à partir de ces résultats ; au Gabon, l'âge moyen au premier mariage chez la femme se situe bel et bien entre 25 et 34 ans, il est de 27,8 ans (Mouvagha-Sow M.). Ce qui confirme le résultat selon lequel qu'au Gabon ce sont les femmes mariées qui avortent le plus. En effet, ces dernières ont d'énormes besoins en planification familiale soit pour espacer les naissances ou alors pour les limiter. D'après l'EDS 2000, 7% des naissances survenues au moment de l'enquête n'était pas souhaitées et que près d'une femme sur cinq a des besoins non satisfaits en matière de contraception. Ce motif a d'ailleurs été évoqué par 55% de femmes à Yaoundé et Douala (Ngwé et al. 2005). Il a aussi été fréquemment cité par les femmes dans un article sur les raisons de l'avortement dans différents pays d'Asie, d'Afrique sub-saharienne, d'Amérique latine et dans quatre pays développés (A. Bankole et al. 1998). Les résultats multivariées montrent également sur le plan sociodémographique que ce sont les gabonaises qui ont une parité nulle qui avortent le plus. Les raisons économiques (manque d'argent pour subvenir aux besoin d'un enfant) peuvent être évoqués pour justifier cet état de fait, nous pouvons également mentionner la condamnation sociale d'une grossesse prénuptiale si celle-ci n'est pas mariée, une relation instable avec un partenaire, un échec de contraception, être trop jeune pour en avoir, enfin ne pas aimer le père de l'enfant.

Sur le plan socioculturel, les femmes d'ethnie Tsogo-okandé sont celles qui recours le plus aux avortements au Gabon. Ce groupe ethnique que l'on retrouve pour la plupart dans les grandes villes (Port-gentil, Libreville) vit la modernité qui est un facteur de changement de mentalité et de comportement à l'égard de la sexualité. Avoir un enfant pour certaines d'entre elles est un motif de vieillissement, pour préserver leur jeunesse et leur beauté elles préfèrent souvent en cas d'échec ou de méconnaissance d'une méthode contraceptive recourir à l'avortement.

Sur le plan socioéconomique, ce sont les femmes qui ont un niveau d'instruction primaire et celles sans emplois qui recourent le plus à l'avortement. Les femmes de niveau d'instruction primaire ont des difficultés de connaissance et d'utilisation des méthodes contraceptives et même de leurs accès, vu leur faible niveau d'étude. Pour pallier à ces manquement elles recourent sans hésitations à l'avortement en cas de grossesse non désirée et ce dans leur majorité de façon clandestine. Celles sans emploi, fautes de moyens financiers ou d'instabilité avec le conjoint pratiquent l'avortement en cas de grossesse non désirée.

Conclusion générale et recommandations

L'avortement provoqué est un sérieux problème de santé publique que les gouvernements des pays en voie de développement veulent combattre avec l'appui des organismes internationaux.

L'enquête démographique et de santé de 2000 a montré que ce phénomène n'est pas marginal au Gabon, elle a estimé à 15% la proportion des femmes de 15 à 49 ans qui ont avorté au moins une fois au cours de leur vie et à 8% celle qui ont avorté au moins une fois depuis 1995 (Barrère, 2000).

Peu d'études ont porté sur le phénomène, en raison du manque de données lié sûrement à son caractère illégal. Parmi celles disponibles, très peu se sont véritablement intéressées aux facteurs susceptibles d'expliquer le recours à cette pratique. En entreprenant cette étude, notre objectif était de chercher à identifier ces facteurs.

Le premier chapitre a décrit le contexte général de l'étude, permettant ainsi de présenter l'environnement socioéconomique et sanitaire du pays d'étude ainsi que certaines caractéristiques démographiques importantes. Ce chapitre a également permis d'examiner le cadre institutionnel et juridique de l'avortement au Gabon.

L'objet du chapitre 2 était de passer en revue la littérature sur le sujet. Nous nous sommes intéressé aux différentes approches explicatives de l'avortement en Afrique, à l'évolution de la législation en la matière et aux débats idéologiques y afférents. Cette revue de la littérature nous a permis d'identifier les différentes variables susceptibles d'expliquer l'avortement. Nous avons pu dégager par la suite notre hypothèse centrale, et les hypothèses spécifiques en découlant. Ainsi, cette étude repose de façon générale sur l'hypothèse selon laquelle l'avortement dépend des facteurs socioculturels, de la pratique contraceptive et des caractéristiques individuelles de la femme.

Le troisième chapitre était consacré à la présentation des sources de données utilisées, à l'évaluation de la qualité des données utilisées pour notre étude et à la présentation de la méthode d'analyse appliquée.

Les données utilisées pour notre étude sont issues de la première Enquête Démographique et de Santé du Gabon réalisée en l'an 2000.

Le quatrième chapitre était réservé à l'analyse des données, Celle-ci a été effectuée en deux phases : d'abord une analyse descriptive et ensuite une analyse explicative.

Les principaux résultats issus des analyses bivariées descriptives sont les suivants :

- Au Gabon, environ une femme sur cinq (15 %) a au moins recouru une fois à l'avortement provoqué.

- Sur le plan sociodémographique, les femmes qui pratiquent l'IVG sont celles qui ont entre 35-49 ans (adultes) et mariées.

- Sur le plan socioculturel, les résultats montrent que ce sont les femmes de religion musulmane, issues du groupe ethnique Tsogo-okandé, résidant en milieu rural qui ont beaucoup plus recourues à l'avortement.

- Sur le plan socioéconomique, il apparaît que les femmes qui recourent le plus à l'avortement au Gabon font parties des ménages de niveau de vie faible, elles sont sans niveau d'instruction ; leur principale occupation est le travail salarial.

- Sur le plan institutionnel, les femmes qui recourent le plus à l'avortement sont celles qui utilisent les méthodes contraceptives. Cet état de choses peut s'expliquer. En effet, ces femmes peuvent mal utiliser ces méthodes ou encore que ces méthodes peuvent s'avérer inefficaces.

En ce qui concerne l'analyse explicative, nous avons eu recours à la régression logistique, qui nous a permis de dégager l'influence des facteurs qui influencent l'avortement provoqué au Gabon.

Au terme de cette analyse, il apparaît que les influences des facteurs sociodémographiques et sociéconomiques sont plus importantes sur l'avortement que celle des facteurs socioculturels. Cela pourrait s'expliquer par le fait que la population gabonaise est fortement urbanisée (environs quatre personnes sur cinq vivent en ville) et la ville étant un facteur de changement de comportement et d'attitudes vis-à-vis de la culture traditionnel, certaines femmes ont tendance délaisser « la coutume ancestrale» pour se tourner vers la modernité.

Les hypothèses suivantes ont été vérifiées :

- L'âge de la femme, son statut matrimonial et sa parité expliquent l'avortement

provoqué au Gabon.

- Le niveau d'instruction et l'occupation de la femme expliquent l'avortement au Gabon.

- La pratique contraceptive explique l'avortement chez les femmes gabonaises.

Celles relatives aux variables socioculturelles et à la variable socioéconomique niveau de vie du ménage ont été infirmées. Il est apparu en effet que le niveau de vie du ménage n'explique pas l'avortement au Gabon, ainsi que l'ethnie, la religion et le milieu de résidence. Par contre l'âge de la femme, son statut matrimonial, sa parité, son niveau d'instruction, son occupation et la pratique contraceptive sont les déterminants de l'avortement provoqué au Gabon.

Ce travail a donc permis d'identifier les facteurs qui expliquent l'avortement provoqué au Gabon.

Les résultats auxquels cette étude aboutit permettent de formuler les recommandations suivantes :

1 ° pour réduire la prévalence de l'avortement et ses effets néfastes, les pouvoirs publics devront renforcer les activités et programmes dans le domaine de la santé de la reproduction en mettant un accent sur les risques associés aux avortements clandestins, ainsi que sur la prise en charge des avortements.

2° Etant donné la faible prise de conscience de la population quant aux conséquences néfastes de l'avortement, les pouvoirs publics et les ONG doivent intensifier les campagnes de sensibilisation sur les normes et les valeurs de la sexualité et de la procréation, en particulier sur les aspects sanitaires et juridiques de l'avortement.

3° Il faudrait par ailleurs renforcer l'offre de services en santé de la reproduction, notamment les services obstétricaux et les services de la contraception. A cet effet, il faudrait renforcer le plateau technique des centres de santé pour améliorer leur capacité de prise en charge des cas d'avortement, aussi bien en ville que dans les zones rurales.

4° Pour atténuer les conséquences liées à la prise en charge insuffisante des complications des
suites d'un avortement, le ministère de la santé publique devrait accroître le nombre des
personnels médicaux qualifiés pour la prise en charge des avortements et renforcer les

capacités du personnel existant. Pour la prise en charge, le diagnostic des avortements clandestins afin de réduire l'aggravation des complications chez les patientes déclarées.

5° Il convient de renforcer les activités de plaidoyer en direction des autorités en vue de l'amélioration des conditions de prise en charge des cas d'avortement. Il faut aussi intensifier l'information et l'éducation de la population, femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, sur les dangers liés à l'avortement et en particulier à l'avortement clandestin.

Les recherches sur les problèmes d'avortement doivent s'intensifier, les études sur la question ont été le plus souvent menées dans les villes (en milieu hospitalier) et ne sont pour la plupart du temps que le reflet de la situation réelle.

Pour fournir une meilleure estimation des niveaux d'avortement lors des prochaines études, nous suggérons :

Qu'il soit réaliser auprès d'une même population, plusieurs enquêtes reposant sur différentes méthodologies (enquêtes qualitatives, quantitatives, sur les complications...) utilisant différentes terminologies, abordant cette question dans différentes parties du questionnaire... et en utilisant aussi des statistiques sanitaires.

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ANNEXES

Tableau 2 : Variation différentielle de l'avortement selon les variables de l'étude.

Variables

AVORTEMENT PROVOQUE

Ethnie Fang

Myenè Kota-kélé

Tsogo-0kandé Shira-punu-vili Nziébi-Duma

Mbédé-Téké Pygmées-autres

OUI

NON

Effectifs

Probabilité

Associée
au Khi 2

53,2 43,8 60,2 86,4 61,6 58,5 58,9 40,0

46,8 56,3 39,8 13,6 25,5 41,5 41,1 60,0

280

32 83 44 250

106

90
20

0,001

Religion

Catholique Protestant Musulman Autres chrétiens

Sans religion

55,7 61,5 82,4 66,4 64,7

44,3 38,5 17,6 33,6 35,3

549 182 34

134
133

0.005

Niveau d'instruction Sans niveau

Primaire Secondaire-superieur

78,0
72,6
50,9

22,0

27,4

49,1

41

394
599

0.000

Milieu de résidence Urbain

Rural

55,2
71,9

44,8
28,1

721
313

0.000

Occupation de la femme A l'école

Travaille

Sans emploi/au foyer

64,1 68,4 52,8

35,9
31,6
47,2

39

469
525

0.000

Niveau de vie Faible

Moyen

élevé

70,2
57,3
53,3

29,8
42,7
46,7

299
337
332

0.000

Statut matrimonial Célibataire

Mariée Divorcé/veuve/mariée

42,3
66,4
56,3

57,7
33,6
43,7

194
673
167

0.000

Variables

AVORTEMENT PROVOQUE

Utilisation des méthodes contraceptives

Utilise N'utilise pas

OUI

NON

Effectifs

Statistique de Khi 2

71,2
43,0

28,8
55,7

632
402

0.000

Parité de la femme

Pas d'enfant 1-4 enfants 5-9 enfants 10 enfants et plus

63,7 57,4 65,4 60,0

36,3 42,6 34,6 40,0

201 618 205 10

0.154

Groupes d'âge
des femmes

15-24
25-34
35-49

53,0
59,2
75,1

47,0
40,8
24,9

396
417
221

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