WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les organisations de soirées techno. Le loisir dans l'institutionnalisation du mouvement

( Télécharger le fichier original )
par Fabrice JALLET
Université Paris VII Denis Diderot - Master sociologie des politiques culturelles 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion : le loisir dans l'institutionnalisation, le point de

départ de recherches sur les cultures

Les fêtes techno sont dans le cadre de l'analyse maffésolienne des fêtes où les individus expriment leur besoin d'extase, leur besoin de croire qu'ils forment une communauté. J'ai volontairement utilisé le terme "soirée" pour marquer les différences que j'ai pu observées lors de mon enquête. En effet, ici "fête" et "soirée" ne sont pas synonymes. La "soirée" marque le moment entre la durée de temps entre le coucher du soleil et le moment où l'on se couche. Elle désigne aussi la sortie extérieure que les individus font dans le cadre de leur loisir, le soir. La soirée techno désigne donc plus un spectacle que les organisateurs ont participé à créer et auquel le public vient assister. Le public est un élément de la soirée, une des conditions de la fête, mais il est aussi le destinataire du spectacle. À ce titre, on peut relever dans les entretiens de nombreuses références au public et non plus uniquement aux participants de la fête, comme Stéphane : "en début de soirée, tu sais jamais combien tu vas faire. Tu penses faire 500 personnes, tu vas en avoir 200. Tu penses en avoir 300, tu vas en avoir 800. Tu sais pas. Une soirée, c'est aléatoire". De plus, ce public est constamment mesuré car toute soirée nécessite un minimum d'entrées et un minimum de recette au bar pour pouvoir combler les frais engagés par l'organisation. D'ailleurs, les organisateurs échangent des informations sur les soirées qu'ils n'organisent pas et la question du nombre d'entrées est récurrente et centrale pour juger du succès d'une soirée.

Après, ces spectacles sont particuliers. Ils sont différents de la sortie au cinéma ou à un concert. "C'est un concert, c'est pas une rave party. C'est un concept : venez voir tel dj. Les amateurs de musique sont pas obligés d'aimer certains styles de soirées ou certains styles de vie. Nous, notre style de vie c'est écouter de la musique et danser jusqu'à épuisement", m'a répondu Anthony après que lui ait demandé ce qu'il pensait d'une soirée techno à la Casa Musicale. Dans cette réponse, cet organisateur prend la position du participant. Les organisateurs militent en effet pour cette forme de spectacle. Ce temps peut être central dans la vie d'un individu qu'il n'en reste pas moins un loisir. Le temps de travail est alors mis au second plan dans ce choix. Alors le goût pour la musique techno, l'expression artistique subversive, faire primer le loisir sur le travail, est interprétable comme une critique du système économique orienter vers la production et la croissance. Celle-ci peut apparaitre pour beaucoup comme une illusion. Pourtant les médias de masse et particulièrement la télévision, ne cesse d'en décliner les exemples. À propos de la déviance de ce loisir et de la fête, je citais Philippe Muray car je pense que son ouvrage dénonce ce choix des individus d'orienter leur priorité dans la fête. La fête techno pourrait s'expliquer par une forme de consommation de l'instant, même

s'il s'agit de "bonheur artificiel".

Lorsque l'individu participe à l'organisation de soirée techno, il ajoute à sa vie une activité de loisir dont l'organisation peut rappeler celle de l'entreprise. Cette évolution du mouvement techno est un signe fort de son institutionnalisation et de sa structuration, le loisir ne disparait pas dans la professionnalisation. Ce temps de loisir n'est donc pas en ce sens dysfonctionnel. Le loisir est un temps de délassement, de divertissement ou de développement personnel. Il remplit donc des fonctions nécessaires dans la société industrielle moderne. Le loisir est de ce point de vue une soupape de sûreté nécessaire à la non explosion de la machine productiviste. Organiser une soirée est un investissement plus important que faire uniquement la fête. Il faut parfois plusieurs mois de préparation d'une soirée avant que l'accès soit ouvert au public : chercher le lieu, préparer le flyer, fabriquer la décoration, etc. On peut comparer ce temps de préparation à celui des sportifs qui s'entrainent avant de jouer un match en public. Toutes ces tâches, aussi ingrâtes soit-elles sont librement accomplies par les organisateurs pendant leur loisir. En effet, la particularité de ces activités pour les organisateurs est qu'elles sont effectuées pendant le temps libre et non pendant le temps contraint du travail. Les organisateurs rencontrés ont parfois le sentiment que le public ne comprend pas cette différence de temporalité. Ceux-ci ont cette exigence envers les participants et aimeraient que ces derniers ne se comportent pas uniquement en consommateurs de la fête. Stéphane Hampartzoumian accuse la sociologie de laisser le "temps", objet de science, à la physique et à la philosophie130. Norbert Elias est d'ailleurs cité comme l'auteur qui pensa le temps en sociologie dans son ouvrage. Pourtant le GREMES n'a toujours pas penser la fête techno en dehors de la fête, dans sa préparation. Cette temporalité sociale est celle qui a été mise en avant pas les organisateurs au cours de l'enquête. C'est la raison pour laquelle il convient de ne pas résumer la fête techno au culte du présent et à la peur dans les incertitudes de l'avenir. La fête techno n'est pas seulement vécu, elle est aussi prévue.

S'adonner à une pratique de loisir dans un mouvement culturel ou promouvoir un mouvement culturel identificatoire pendant son temps de loisir, voilà ce que j'ai pu analyser au cours de mon enquête de terrain auprès d'organisateurs de soirées techno. On retrouve les liens entre le loisir et la culture dans les musiques populaires, ce qui conduit à une réflexion plus large sur la participation des individus au développement des cultures populaires dans le monde du spectacle. Le paradigme du loisir fournit une bonne grille d'explication des fêtes techno mais cette approche est loin d'être parfaite et gagnerait à être encore réfléchie.

Ce mémoire est construit à partir d'une enquête sur un pan du réel. À défaut de l'avoir analysé
complètement, j 'ai tenté de le décrire au mieux en utilisant la méthode compréhensive de l'idéal-

130 Hampartzoumian S., op. cit. p.138

typification. De nombreuses questions sont apparues au cours de la réflexion et de l'écriture de ce mémoire sans que je puisse y répondre à cause du manque de temps et de données de terrain. Les conditions d'un mémoire sont ses propres limites : enquête de terrain trop courte, délai imparti trop bref et mobilisation de références théoriques difficiles pour l'étudiant.

La dernière partie a été rédigée un an après en raison de la prolongation de ce travail. Même si elle s'insère différemment que les autres grâce aux citations d'entretien par exemple, elle élargit la réflexion sur la techno que l'on a souvent tendance à isoler. Pour la construire, j'ai reccueilli des données provenant de divers médias constituant ma "veille informative" et me suis inspiré de mes réflexions nourries pendant cinq mois de stage à l'Irma. Cette expérience a été l'occasion de prendre du recul sur le "monde" de la techno et de le placer dans le champ des musiques actuelles. La techno et les musiques populaires ne doivent pas être penser séparément vis-à-vis du politique car même si certaines particularités sont traitées différemment, la techno est une musique populaire qui modifie la catégorie.

J'aurais aimé traité du rapport qu'entretiennent les organisations avec l'Espagne, c'est-à-dire avec des acteurs de terrains et les institutions, pourquoi certains choisissent de s'y installer pour continuer l'organisation de soirées, etc. La situation transfontalière dans laquelle j'ai effectué mon enquête était favorable à ces questionnement, mais tous les aspects du réel ne peuvent être envisagés dans le même sujet

Pour finir je souhaite revenir sur le rapport parlementaire que j 'ai présenté, dirigé par le député Jean- Louis Dumont. Les terminologies construites dans ce rapport sur les acteurs et les fêtes sont trop figées. En effet, l'étude sociologique présentée ne fournit aucun élément de méthodologie et se risque dans des typologies excluantes. La sociologie ne consiste pas à mettre les individus et leurs pratiques dans des catégories mal pensées pour leur appliquer je ne sais quelle politique, mais est un formidable outil de compréhension du monde lequel commande de l'observer pour l'analyser. La construction des idéaux-types est une méthode d'analyse dont l'efficacité repose à mon sens dans l'explicitation de la réflexion, des choix opérés pour découper conceptuellement une réalité et la comparer finalement avec cette abstraction. Pour répondre à la demande de l'institution, ce rapport a fait le choix de la mythification des fêtes techno. De plus, la majeure partie de cette étude est focalisée sur l'altérité du mode de vie choisi par les acteurs de la free party. Au contraire dans mon propos, je me suis efforcé de montrer ses liens avec les différents modes de vie et même déclinés de différentes manières, les fondements ne sont pas si éloignés. Néanmoins, neuf propositions émanent de ce rapport "pour favoriser l'acceptation de cette culture musicale dans notre pays", selon l'association Techno+. Ces recommandations concernent en priorité les grands rassemblements techno, néanmoins on peut retenir en particulier trois propositions qui touchent l'activité des

organisateurs de soirées techno : créer un cadre souple de musicien amateur, favoriser la circulation et la rencontre entre musiciens amateurs et professionnels, renforcer les structures de dialogue entre les organisateurs et les institutions. Le rapport fait l'analogie entre le sport et la musique, deux activités du temps libre où se distinguent les pratiques amateurs et les pratiques professionnelles. Or, aucun statut de musicien amateur n'existe si bien que l'on présume la professionnalisation du musicien. Ce statut de mucisien amateur, outre qu'il reconnaisse la non-lucrativité de l'activité d'un spectacle de musique créerait "une passerelle" entre les deux statuts au bénéfice de l'amateur désirant faire de son loisir une profession ou du moins faciliter les spectacles mixtes. Enfin, le rapport préconise de renforcer le dialogue entre les organisateurs et les institutions au niveau départemental en confiant cette mission à la Direction de la Jeunesse et des Sports du fait des similitudes existant entre le sport et la musique amateur : pratiques des amateurs, âge des personnes concernées et vie associative. Par conséquent, le courant culturel techno pourrait s'institutionnaliser davantage.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon