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La justice aristocratique dans la généalogie de la morale de Nietzsche

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par Pierre Morien MOYO KABEYA
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 0000
  

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IV. 2. Apport de Nietzsche à la conception moderne de la justice

La société moderne consacre l'égalité entre les hommes comme haute aspiration. Tous sont encouragés à proclamer leur foi dans cet idéal commun à défendre. Idéal qui, selon la conception contemporaine, garantit l'harmonie entre les individus et les communautés. C'est dans ce climat de prétention égalitariste moderne que Nietzsche opère sa rupture totale avec les « valeurs » de la société moderne. Il promeut des valeurs d'inégalités, d'hiérarchie, d'aristocratie. Un tel propos est plus facile à balayer d'un revers de main pour deux raisons. D'abord, il sort du canon de ce qui doit être dit sur le sujet. Ensuite, il peut être simplement considéré comme une pure perversion qui ne mérite pas notre attention.

La société moderne a besoin de laisser éduquer sa volonté au goût et au sens de la distinction. Le noble se caractérise par le combat pour la vie. C'est la supériorité de sa puissance qui nomme l'aristocrate. Il est puissant, maître, chef. Il n'a pas de détour dans sa vie, c'est l'homme vrai. Il vit et fait vivre en vérité. C'est le trait typique de son caractère. L'aristocrate est un fruit qui a laissé au temps la responsabilité de le mûrir. Il est le vaillant guerrier qui bâtit sur les ruines de ses adversaires. Par contre, le plébéien se caractérise par sa lâcheté, la précipitation, il veut tout renverser sans se soucier d'instaurer un ordre nouveau. Mais ce n'est pas ce qui nous occupe directement.

Nous avons dit que la justice n'est pas le fruit du ressentiment, mais que c'est le noble qui l'a créée en instituant le rapport contractuel dans la société. Dans cette optique on doit comprendre que la justice n'est pas une vengeance au service de celui qui a subi le dommage immédiat. Lorsque l'on dit si souvent et très facilement : « il faut que justice soit faite ! » Qu'est-ce qui préoccupe avant tout ; n'est-ce pas que l'autre souffre comme vous avez souffert ou plutôt le souci de restaurer le contrat rompu ? On peut dire que l'un ne va pas sans l'autre  parce que c'est moi qui suis concerné par ce contrat. Alors qu'est-ce qui arriverait si l'Etat n'existait pas, que deviendra votre bourreau ? Il appert que dans la sphère de celui qui est directement victime, il n'y pas beaucoup de possibilités d'instaurer une quelconque justice. On dit souvent « si l'Etat n'existait pas je me serais rendu justice à moi-même ! » La justice comme le propre des nobles est promotrice d'une instance qui doit l'emporter toujours sur la vengeance dans l'appareil judiciaire.

D'autre part, il n'y a pas de justice absolu, ni de transcendance de la justice. (En d'autres termes, il n'y a pas de droit naturel) Car cela suppose qu'elle a été mise en chacun comme une goûte d'essence qui ensuite s'est répandu en lui. On peut se demander comment cela peut être un plus à la conception de la justice. En effet, concevoir une quelconque droit naturel, c'est sanctifier la haine dont parle Nietzsche.

`Nous autres bons - nous sommes justes'- ce qu'ils demandent, ils ne l'appellent pas représailles, mais bien `triomphe de la justice' ; ce qu'ils haïssent, ce n'est pas leur ennemi, non ! ils haïssent l' `injustice', `l' `impiété' ; il croient et espèrent, non pas en la vengeance, en l'ivresse de la douce vengeance(- `plus douce que le miel', disait déjà Homère), mais bien `en la victoire de Dieu, du Dieu de justice sur les impies' ; ce qu'il leur reste à aimer sur terre, ce ne sont pas leurs frères dans la haine, mais, à ce qu'ils disent, ` leurs frères en amour', tous les bons et les justes de la terre. 102(*)

Une pareille justice annule l'exigence du combat qu'impose la vie et l'aspect de l'homme créateur des valeurs. La justice est tributaire d'un contexte, d'une situation bien précise. Il n'y a pas de formalisation de la loi qui ne tienne compte d'un contexte. Même lorsqu'il s'agit des lois au bénéfice de la religion (liberté de culte, etc.), c'est toujours par rapport à une société ayant en son sein plusieurs orientations religieuses.

Dans la même optique, il y a un jeu qui remonte à l'origine pour savoir entre la subjectivité du droit et son objectivité ce qui est premier. Cet exercice est biaisé dès que l'on place l'origine dans un droit naturel. Cette conception est tronquée parce qu'elle cache le fait que des hommes sont à l'origine de la société. De toute évidence, « l'esprit historique leur fait défaut »103(*), dira Nietzsche. On fait appel à un sens de la justice qui est présent en tout homme du fait de son humanité. Cela veut dire que cette société première a jailli d'une « génération spontanée » ; à moins que l'on soit dans la logique du mythe de la création. Dieu a créé et a posé cette société toute faite, finie, les hommes ayant déjà tout le nécessaire spirituel et humain. Pour en arriver là où nous sommes une perversion serait venue, on ne sait d'où pour pervertir les hommes et les rendre méchant. Le retour à la norme est facile : il suffit de demander au délinquant de contempler la justice pure qu'il y a en lui. Nietzsche nous dira à chacun de se rendre compte des résultats d'une telle pratique. Mais ce qui est vrai : tout est tributaire de l'éducation reçue d'une société à une autre.

Lorsque l'on évoque la question d'un enfant qui grandirait dans la forêt et on pose la question de savoir quel peut être son sens de la justice, de la morale ? L'argument est que c'est dans la société que l'homme éveille ce qu'il y a déjà en lui. C'est le même argument que donne Nietzsche. La société humaine n'a pas été inventée un jour de la même manière qu'on construit un immeuble moderne dans lequel tout est prévu d'avance. Elle est essentiellement fruit de l'évolution. De l'homme-animal (animalité dans l'homme), il y a eu évolution vers l'homme responsable et conscient (l'humain) intégration équilibrée et de l'animalité et de l'humanité (fruit du dressage social). Et ce résultat est obtenu après une longue marche à tâtons. L'homme a dû se chercher en prenant quelquefois des voies détournées qui n'ont pas avancé la vie. D'autres fois, il a fait des pas de géants. La justice est dynamique, elle ne tend pas vers une justice plénière, mais vers plus d'adaptation à la protection de la vie sociale.

Un dernier argument pro droit naturel : l'homme n'épuisera jamais la justice, il ne sera jamais totalement juste. Nietzsche sourira certainement de ce pléonasme vicieux. C'est encore ignorer le sens et l'importance de la justice chez ses créateurs. Qu'est-ce que l'homme cherche : la justice totale ou réguler la vie en société ? L'homme, créateur des lois en société ne s'est pas fait illusion selon laquelle, les hommes ont la justice en eux. Mais c'est parce que l'homme est injuste par essence qu'il lui fallait instaurer des lois pour un bon commerce en société.

On reproche à Nietzsche de réduire la réalité en partant du contexte. On lui reproche de ne pas transcender le contexte. Il répondrait certainement : la justice est contextuelle, transcendez le contexte et vous avez l'illusion de la justice, « la justice pure. » On peut lui reprocher aussi d'ignorer l'individu au profit de la société. C'est une illusion parce que chez Nietzsche la société est un instrument du dressage de l'individu qui après son éducation, doit se passer.

Ce que nous tirons de cette investigation ce sont donc deux choses : d'abord, il y a les notions de distance, distinction et de différence. Elles manquent gravement à notre société moderne égalitariste. Pour éviter que les conditions de créations soient voilées, il veut faire assumer au vouloir créateur les conséquences de son oui en douleurs et en souffrances104(*). Car l'acceptation de la différence dans la société est la condition de la croissance et de la vie sociale. Ensuite, la généalogie qui doit nous permettre de concevoir la justice comme une création de l'homme essentiellement au service de l'homme. Cela lui évite de croire qu'il y a un canon qui existe déjà qu'il ne faut pas dépasser. On a l'impression que l'essentiel de nos réflexions a consisté à démontrer quelque chose qui existe déjà. Ou plutôt changer la position des meubles dans une maison sans jamais créer du neuf : détruire la charpente, déplacer la maison, etc. Qu'en est-il de ce que nous pouvons considérer comme la limite de la pensée de Nietzsche sur la justice.

* 102 F. NIETZSCHE, Op. cit., I, §14, p. 71.

* 103 Ibid., I, §2, p. 29.

* 104 P. VALADIER, Op. cit., p. 171.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote