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Solidarité, famille et développement socio-économique en ville de Butembo

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par Muyisa LUSENGE
Université catholique du Graben - Licence 2008
  

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3.3. FORMES DE SOLIDARITE EN VILLE DE BUTEMBO

En remontant dans l'histoire de la culture nande, un peuple qui habite en majorité dans la ville de Butembo, on se rend compte que l'apparition de solidarité ou de mutuelle n'est pas un récit fictif. Comme le dit Jean Pierre Olivier de SARDAN78(*), « les sociétés paysannes ont toutes une histoire de l'animation rurale, de la vulgarisation agricole des coopératives, du parti unique, des micro-projets, des macro-projets, des groupements des producteurs, de la création des mutuelles, associations de ressortissants, etc. ».

En Afrique, il existe beaucoup d'expressions populaires qui révèlent que, face aux difficultés de la vie, l'individu seul .est bien faible, mais qu'en s'engageant dans une forme de coopération, il devient puissant pour les affronter. On connaît par exemple les difficultés de construction des habitats ; ces travaux ne se réalisent qu'en groupe de travail solidaire, véritable association dont le but est d'aider, à tour de rôle, les membres de la famille ou des communautés79(*).

Pour ce qui concerne la R.D. Congo et plus précisément la ville de Butembo, habitée en majorité par les Nande, on peut distinguer les formes des solidarités ou mutuelles traditionnelles et modernes.

3.3.1. Les formes des solidarités, mutuelles traditionnelles80(*)

Avant la colonisation, il existait déjà des mutuelles (solidarités) primitives : c'est au cours de cette période qu'on peut énumérer certaines pratiques qui ont existé chez le peuple NANDE.

- Le Kirimba et le Lusumba sont des solidarités dont l'origine est la pratique de regroupements des jeunes en initiation à la vie communautaire.

La première pratique était appropriée aux filles, alors que la seconde était un rite d'initiation des jeunes garçons. Au départ, cette initiation renforçait les liens de solidarité, car grâce à elle, l'individu sortait de la lignée familiale pour créer d'autres liens avec les jeunes de sa génération. Elle s'est transformée aujourd'hui en ressource monétaire et non monétaire. Dans le cadre de la solidarité, la pratique va ainsi se transposer même chez les garçons. On rencontre actuellement les mêmes types de tontine, les Kirimba. Il s'agit d'une association ou encore mieux une mutuelle de solidarité basée sur les affinités et sur la confiance entre les membres du groupe. Les membres s'entraident et s'octroient des crédits mutuels, tour de rôle.

- Le Kirimba ou Kirimya est une pratique d'exécution de grands et lourds travaux champêtres ainsi que de construction observée encore aujourd'hui en milieu rural. Ces travaux se font en commun, à tour de rôle, entre les membres qui ont souscrit à la même pratique. Cette pratique présente l'avantage également de renforcer les liens entre les membres du groupe. Cependant, elle recèle également des limites. En effet, c'est une mutuelle ou firme de solidarité souvent ouverte à tous sans précisions sur le nombre et la qualité des membres qui la composent. L'expérience démontre que lorsque le nombre augmente, la mutuelle devient inefficace pour satisfaire tous les membres dans la satisfaction des membres. Sur le plan agricole, par exemple, étant donné que le groupe consacre toute la journée à travailler dans un seul champ d'un membre, plus on est nombreux, plus il va falloir des jours pour boucler le cercle alors que le calendrier agricole a aussi ses exigences. Par ailleurs, l'homme étant un facteur de production avec des moyens et capacités limités (sa force est limitée), il n'est pas sûr de cultiver de cultiver toutes de manière identique les étendues des champs tour à tour.

Du point de vue météorologique, les membres sont obligés d'obéir aux aléas du climat. Quand il pleut, le travail doit être interrompu. Une autre limite qui peut être évoqué est l'acheminement d'un membre (malade ou autres) qui bouleverse énormément le calendrier des travaux. Bien entendu, les membres peuvent prendre des compromis pour éviter ces désagréments. Malheureusement, ces compromis n'ont pas souvent des bases solides.

- Le KIGHONA ou grainier en français a été dans le temps une pratique par laquelle la communauté constitue une banque agricole de la récolte obtenue dans le but d'utiliser la quantité collectionnée à des fins circonstancielles, mariage, deuil, disette, prévoyance de semence81(*).

La Banque Agricole est souvent constituée des céréales.

- Le O'VURUMA et le O'VUTSURA sont de véritables associations des consommateurs. Les membres s'offrent tour à tour de la bière ou autre chose suivant une périodicité et un rythme de verre en fonction des participants. Ces deux types des mutuelles de solidarité se composent des membres « fondateurs » et « non-fondateurs ». Les membres fondateurs peuvent inviter un ami (appelé omuhekwa) et lui offrir sa part pendant la consommation et ce dernier n'est pas automatiquement redevable étant donné qu'il n'a pas qualité. Ces pratiques témoignent des formes traditionnelles de mutuelle et solidarité. C'est pour cette raison que Christian KAPARAY di « l'exécution commune et à tour de rôle des travaux.... Constitue une des formes primitives de la coopérative »82(*)

Dans l'analyse de KAKULE MUWIRI et KAMBALUME KAHINDO83(*), on a constaté que la conception de l'association chez les NANDE part du principe que l'individu est au service non seulement de la communauté parentale mais aussi au service de la communauté tout entière. La communauté parentale est celle ou existe le lien de consanguinité. Dès lors, les membres ou individus qui la composent vivent sous la même loi, celle de la prohibition des rapports sexuels. La communauté villageoise, comporte nécessairement deux dimensions sociales. Cette caractéristique lui confère un double statut ; il est membre d'un groupe familial qui la détermine et en même temps membre ou citoyen de l'entité politico-administrative où il habite.

Le premier statut le présente comme membre d'une mutuelle, communauté familiale donnée et le second comme membre d'une mutuelle, communauté de territoire.

Chaque adulte suivant les obligations liées à son sexe, est tenu de prendre part au combat, aux rites agraires et aux travaux collectifs. Il est convié à assister aux séances de la justice (palabre traditionnelle) surtout si un membre de la communauté est concerné.

Il doit aussi prendre activement part aux activités nécessaires lors de la célébration d'un mariage du membre Kyaghanda.

En outre, au niveau des activités d'entraide, un individu ou membre de la communauté bénéficie du concours des autres, notamment dans le Kyaghanda familial : c'est un objectif culturel qui donne de sérieux indices d'être un support de sa vision sociale de la famille.

Avant d'épiloguer sur ses caractéristiques qui donnent à croire qu'il est chez les Nande le support de cette autre vision, il convient d'abord de présenter le Kyaghanda de façon générale, afin de mieux distinguer celui qui est dit « familial ».

Il existe chez les Nande cinq types de maisons de forme circulaire, à deux entrées opposées et sans portes, réservées aux seuls hommes. Pour toutes ces maisons, on s'y repose, on échange, on mange, on fume et on y boit de la bière traditionnelle. Mais leurs différences résident notamment dans leurs caractères (sacré ou non sacré), la qualité des personnes conviées à les fréquenter ainsi que leurs fonctions. Chacune de ces « maisons » est appelée Kyaghanda. Il en existe pour la communauté du village, pour le chef politique, pour certains groupes familiaux ou lignées, pour les pourvoyeurs de nourritures et pour l'individu si les quatre personnes ont un caractère sacré. Néanmoins, ils diffèrent également sur beaucoup de points qui soulignent leurs spécificités

Le Kyaghanda familial, objet, institution

Comme le Kyaghanda qui nous intéresse est celui qui est attribué à un groupe familial ou lignée, nous voulons déjà, à présent, en résumer les caractéristiques qui ressortirent dans sa présentation.

Le Kyaghanda familial est une « maison » attribuée à un groupe familial, plus exactement à une lignée déterminée. Cette maison répond aux caractéristiques suivantes :

- Elle est une maison obligée, c'est-à-dire, une maison dont la construction tient d'une obligation.

- Son emplacement est révélé

- Le matériau est obligé

- La durée de construction est soumise à un délai.

- La conduite des travaux est soumise à un rite

- Les personnes habilitées à le fréquenter sont les hommes de la lignée, les membres de la communauté villageoise, des personnes connues et inconnues

- Ses fonctions : se reposer, échanger, manger, boire, s'abriter, fumer, conduire certains rites.

- Elle est sacrée car sujette à certains interdits tels que :

Ne pas s'y disputer, ne pas y échanger des paroles aigre-douces, ne pas s'y livrer à des injures où à des bagarres, ne pas y trancher des palabres, ne pas y pisser.

Les femmes n'y sont pas acceptées à cause des même raisons qui font qu'on doit périodiquement les oublier : les règles en dehors de ces moments, elles y entrent pour y chercher du feu à la cuisine, y apporter de la nourriture, saluer les visiteurs. Les tout petits enfants n'y sont pas également acceptés pour leur épargner les désagréments liés au fait d'y pisser.

La consommation de la viande de porc et du poisson frais y est interdite. Pour les fumeurs, il est contre-indiqué d'y sécher au feu les feuilles vertes du tabac fraîchement cueillies, on ne peut y prendre comme boisson que de la boisson traditionnelle, en respectant certaines conditions.

Le Kyaghanda familial est un objet culturel du fait qu'il « in-firme » le comportement des membres du groupe culturel. Il est en même temps un objet, institution puisqu'il s'impose dans l'existence de la lignée à travers les âges.

Après l'exposé sommaire de ces caractéristiques, nous allons à présent passer à sa description. C'est cette description bien menée qui pourra mettre à découvert les indices révélateurs de la vision familiale que nous cherchons à appréhender.

Origine et Objet

Le Kyaghanda familial date des premiers ancêtres, Sokulu NGURU ; il leur fut révélé par les envoyés de l'Etre suprême, avalindi ou avalemberi les Esprits tutélaires, comme lieu de rencontre ovuvananiro. Il est le lieu de rencontre entre les êtres surnaturels et les hommes, entre les membres du groupe familial, et entre ces derniers et les autres indistinctement.

Ce substantif ovuvananiro, mot dérivé, comporte une connotation révélatrice que ne rend malheureusement pas le terme « rencontre ». Aussi pour mieux faire ressortir son sens, nous allons confronter le sens du verbe erivanana d'où il dérive avec les sens des trois autres verbes impliqués dans le même champ lexical, celui de la « rencontre ».

Voici ces verbes :

- erivandana : se rencontrer de façon fortuite.

- erihindana : se rencontrer de façon fortuite, se retrouver au lieu de rendez-vous.

- erisungana : se rencontrer délibérément avec des intentions pacifiques.

Ainsi, cette rencontre implique-t-elle deux choses : une action délibérée et ensuite une action mue par des intentions pacifiques. A la lumière de ces données, cet endroit se veut-il être un « lieu de rencontre délibéré entre les personnes aux intentions pacifiques », entre les êtres surnaturels et les naturels, entre les membres du groupe familial et les autres indistinctement.

Le Kyaghanda familial appartient d'abord à l'Etre Suprême Nyamuhanga, car c'est lui qui décida de son institution. Dans sa volonté de subvenir aux besoins des hommes, il confia aux ancêtres de certaines familles, des missions à accomplir en faveur de la nourriture. C'est à ces ancêtres choisis qu'il fut révélé d'ériger des Vyaghanda, lieux de rencontre, les tâches liées à ces missions étant héréditaires, c'est pourquoi certaines familles ont des rites à accomplir au bénéfice de la communauté et possèdent des Vyaghanda familiaux.

Bref sur le Kyaghanda ; il est un lieu de communication totale et lieu de rencontre entre les descendants d'un même ancêtre paternel.

Il reste le lieu où les familiaux se retrouvent plus facilement pour échanger sur la marche du groupe de la famille.

Enfin, voici d'autres pratiques traditionnelles qui montrent les vrais lienx de solidarité dans les anciens temps chez les Nande. On peut citer ici :

- Le pacte de sang : le pacte de sang rend unifie les contractants. Ceux-ci deviennent non comme des frères mais comme une seule personne. Leurs rapports sont soumis à des interdits : par exemple ne pas médire du mal de l'autre, ne pas le courtiser. Le pacte ne peut se pratiquer qu'entre les membres des groupes non apparentés ;

- L'union matrimoniale sans contraintes d'appartenance ou de rang social. Se considèrent comme « un », les groupes familiaux unis par des alliances matrimoniales ;

- Culture de la communauté villageoise : appartenance de l'individu d'abord à la communauté villageoise, organisation des travaux et des loisirs par sexe et classe d'âges, participation obligatoire à certains travaux et événements importants survenus dans la vie d'un membre de la communauté villageoise, vengeance collective, climat familial exigé de tous ;

- Différents types d'échanges : il existe certains types d'échange qui stimulent l'esprit de camaraderie, de vraie solidarité, en invitant les gens qui s'y engagent à faire preuve de loyauté. Il s'agit de :

- Erihukulirana : s'échanger de la nourriture qu'on a préparé : les mères de famille qui ont eu à apprêter assez tôt le repas familial du soir en apportent aux autres familles voisines. Les bénéficiaires se font le devoir de ne pas retourner les récipients vides.

- Eriheker'embene : « transporter pour une chèvre » pratique consistant à apporter à une famille de son choix une quantité réglementaire de paniers de vivres ou de calebasses de bière. A la fin de l'opération, le bénéficiaire donne en contrepartie une chèvre.

- Erikokya avagheni : « accueillir des hôtes » : tous les amis et voisins du visité participent à la réception des hôtes. Ils s'entretiennent avec ceux-ci et leur apportent de la nourriture.

- Erilira'haghuma : « manger ensemble » : les hommes du village prennent leur repas ensemble dans le « Kyaghanda » du village. Certains soirs, les enfants du village, au rythme de leur chanson : « ebengele », passent de porte à porte pour recueillir de la nourriture. Ils se la partagent à la fin du jeu.

- Eriyawanako : « apporter les uns aux autres du réconfort moral » : toute famille éprouvée reçoit le réconfort moral de la part de la communauté. A cette occasion elle reçoit un soutien matériel en bois de chauffage, nourriture et en animaux. Il y a en plus, pour le village, suspension de tous les travaux lourds et champêtres pour deux jours.

- Eriyalembera : « rendre visite au nouveau-né » : tout nouveau-né est objet de sollicitude de la part de la communauté. Lui rendre visite est un devoir social. A l'occasion, sa mère a droit à des congratulations, appuyées des dons. L'annonce de la naissance du nouveau-né à ses grand-parents maternels de même que leurs visites obéissent à un cérémonial couvert par ces deux verbes : « eriyaghembya » et « erisumbukya ».

- Eriyaghembya : « annoncer aux beaux-parents la naissance du nouveau-né » : l'annonce se fait en apportant un cadeau aux grand-parents maternels de l'enfant. A cette occasion, ceux-ci se font couper quelques touffes de cheveux dans la partie frontale. C'est cet acte de couper les cheveux que traduit le sens étymologique du verbe, car il signifie « aller faire couper les cheveux ».

- Erisumbukya : « rendre visite au nouveau-né ». Après l'annonce ritualisée de la naissance du bébé, sa grand-mère maternelle lui rend alors visite. Le cadeau offert au grand-parent maternel est la condition pour celui-ci de bercer le bébé.

- Eriya mbululi : « aller à la quête des informations ». Aller s'enquérir de nouvelles sur les événements malheureux survenus chez les autres. Le mot mbululi vient du verbe erivalinya qui veut dire « demander des informations au sujet de ».

- Eritwala o'ghundi : « accompagner l'autre » : lorsqu'un membre du village est convoqué ou se déplace pour une affaire d'une certaine importance sociale, il est toujours accompagné de quelques personnes (=des hommes surtout) qui seront témoins de ce qui se passera.

Après ces formes de la solidarité dans la tradition, on peut dire un mot sur les formes de la solidarité moderne.

* 78 OLIVIER DE SARDAN, J.M., Anthropologie et Développement Essaie en Socio-anthropologie du changement social.

* 79 MONDJANAGNI, A., « Structures sociales et Développement rural participatif en Afrique » in Mondjanangi, A.C., Participation populaire ou développement en Afrique noire, Institut panafricaine pour le développement, APD-KARTHALA, Paris, 1984, pp. 21-22.

* 80 KAKULE MUWIRI et KAMBALUME KAHINDO, Identité culturelle dans la dynamique du développement, Academia, Bruyalant/Presses de l'Université, UCL, Louvain-La-Neuve, 2002, 332 p.

* 81 MUSONGORA SYASAKA, E., (2007-2008), Mouvement associatif et dynamique de développement au Nord-Kivu. Cas des associations de tendance religieuse en territoires de Beni-Lubero, UCL, Bruxelles.

* 82 KAKULE KAPARY, C., Finance populaire et Développement durable en Afrique au Sud du Sahara, application à la région Nord-Est de la R.D.C., thèse de doctorat en Sciences Sociales : Développement, Population et Environnement, UCL, PI CIACO, Louvain-La-Neuve, 2006.

* 83 KAMBALE MUWIRI et KAMBALUME KAHINDO, Identité culturelle dans la dynamique du Développement, Academia, Bruyalant/Presses de l'Université, UCL, Louvain-La-Neuve, 2002, p. 332.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus