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La métamorphose de l'état de droit comme processus de consolidation de la paix chez Emmanuel Kant. Une lecture du projet de paix perpétuelle

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par Michel Kakule Kabunga
Université de Kinshasa - Licence 2009
  

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Chapitre troisième :

L'ETAT COSMOPOLITIQUE : HORIZON D'ACCOMPLISSEMENT DE LA PAIX

III.0. Introduction

Dans ce chapitre, il est question de donner la substance de l'idée du cosmopolitisme. En effet, de même que le citoyen est sujet d'un Etat souverain, de même les Etats peuvent être considérés comme des sujets d'un ordre international, de même, enfin, chaque être humain peut être considéré comme citoyen du monde de n'importe quelle partie du globe, mais disposant des droits politiques inférieurs à ceux des autochtones. Telle est l'idée kantienne d'un Etat cosmopolitique, instaurateur d'une paix durable entre les hommes.

Kant est préoccupé par la question de savoir quelles sont les conditions de possibilité d'un ordre politique à l'échelle mondiale. Il y répond qu'il faut élever l'hospitalité au rang d'un droit inaliénable, promouvoir l'avènement des républiques au niveau interne et international, rendre possible une optimale interconnexion des hommes à travers le monde, à l'instar de ce que les anglo-saxons appellent de nos jours la globalisation ou la mondialisation. Fort de cette similitude, nous allons d'une part établir un parallélisme entre cosmopolitisme et mondialisation. D'autre part, nous parlerons de la promotion de l'Etat de droit au niveau international.

III.1. Du cosmopolitisme à la mondialisation

L'hypothèse qui est au centre de ce point est que la mondialisation comme sentiment, comme perception de notre présent, est intimement liée au dissentiment et au dérèglement - hypothèse aussi que ce sentiment ne date pas d'aujourd'hui mais qu'il est constitutif de la conscience moderne, historique du monde qui émerge au plus tard avec l'ère des révolutions. La mondialisation est ainsi conçue comme un processus porteur d'espoir, porteur de la promesse d'un monde sans guerre et d'une croissance économique qui mettra un terme à la misère de masse dans les pays en voie de développement et établir une « bonne gouvernance » qui, comme le postule Ngoma Binda, doit être fondée sur les principes de rationalité, d'éthique, d'esprit démocratique, de civisme, de responsabilité ainsi que de sens du droit, de la justice, du travail acharné et de l'organisation intelligente144(*).

III.1.1. Le droit d'hospitalité face à la mondialisation

La conception du droit cosmopolitique présentée dans le troisième article définitif du Projet de paix perpétuelle entretient avec la théorie de la mondialisation un rapport de causalité. Pour rappel, le droit cosmopolitique d'hospitalité est le droit de tout homme venant d'ailleurs -avec sa culture, sa langue, sa religion, son mode de vie-, d'être accueilli -respecté dans sa singularité et dans son altérité-. Le droit d'hospitalité, que Kant précise qu'il ne relève pas de la philanthropie, c'est-à-dire de l'humanitaire, mais bien du droit, repose sur l'hypothèse que, puisque notre monde est un monde fini, puisque les vaisseaux et les chameaux permettent de rapprocher les hommes à travers les contrées sans possesseur, puisque donc, les hommes ne peuvent se disperser à l'infini et qu'il faut donc qu'ils se supportent les uns à côté des autres, personne n'ayant originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu'à un autre : « tout homme a le droit de se proposer comme membre de la société »145(*).

Le droit d'hospitalité a une portée philosophique immense car l'exigence d'ouverture, de réciprocité, étant donné que « personne n'a originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu'à un autre », n'est pas contingente pour Kant : elle est constitutive de la condition humaine. Le monde vécu est réel parce qu'il est commun. C'est la leçon politique qu'Arendt tire de Kant. Pour cette dernière, en effet, quand s'effacent la religion, la tradition et l'autorité comme modalités de notre rapport au monde, le politique est ramené à la condition élémentaire de la perception, la pluralité. Et la démocratie ne fait rien d'autre qu'ériger en valeur, en exigence, cette condition même de pluralité146(*).

Le cosmopolitisme est donc une tentative de sortir de cette impasse et d'offrir une alternative éthique et politique à la mondialisation en cours.

De cette manière, le cosmopolitisme se présente comme le contraire du globalisme. Le globalisme étant l'idéologie qui légitime la mondialisation en nous imposant cette « évidence » -aujourd'hui discréditée-, selon laquelle les interactions spontanées et dérégulées de l'économie hyperindustrielle sont fondamentalement bonnes pour l'humanité. Cette idéologie, il faut le rappeler, est parfaitement compatible avec un esprit provincial, et même facilement convertible en nationalisme, comme on le voit avec ces « global citizens » qui se sentent à l'aise partout dans le monde, qui plaident pour une dérégulation du marché, mais qui, une fois rentrés chez eux, n'hésitent pas à réclamer un contrôle strict de l'immigration.

Le cosmopolitisme, s'oppose à la fois au globalisme et au nationalisme. C'est une erreur fondamentale de croire que l'optique cosmopolitique veut abolir les frontières et éliminer la souveraineté étatique. Ce qu'il récuse dans le point de vue national, c'est l'essentialisation politique de l'ethnicité à laquelle il se livre, « l'identité nationale », et son refus de construire des niveaux de pouvoir supra-étatiques aujourd'hui indispensables. Mais l'optique cosmopolitique n'entend nullement supprimer les institutions étatiques. Au contraire, elle préconise des Etats forts qui préservent les deux grands acquis de la modernité : les droits politiques attachés à la condition de citoyen et les protections sociales liées au statut de salarié. Car ce n'est qu'en préservant et en renforçant ces deux acquis de l'Etat national qu'on pourra affronter les problèmes posés par la mondialisation, comme par exemple celui de la migration et de son corollaire, l'interculturalité.

Dans l'optique cosmopolitique, le problème n'est pas de savoir combien de migrants pouvons-nous accepter, ni jusqu'où pouvons-nous tolérer leurs particularismes culturels -c'est là un point de vue nationaliste qui reste centré sur les identités. Le véritable problème est dans les conditions d'émergence des subjectivités en devenir des migrants, chez leurs enfants et finalement chez leurs petits-enfants.

Si l'on mène des politiques d'action positive en faveur des étrangers ou des personnes d'origine étrangère, et que l'on appuie cette politique sur des données officielles et anonymes, l'on ne touche pas à la question de l'identité, mais à celle de la subjectivité. Car la question de fond est celle de l'intégration culturelle, sociale et politique des immigrés.

Lorsque l'on plaide pour un assouplissement des jours fériés, pour une valorisation des langues et des cultures d'origine, pour des aménagements raisonnables en matière alimentaire ou vestimentaire, l'on n'enferme pas les « allochtones » dans leur identité, mais au contraire on les sort des ghettos dans lesquels ils ont été mis, on leur ouvre l'espace commun, on brouille cette frontière invisible entre « eux » et « nous », comme s'ils n'étaient pas partie prenante à ce nous, alors que la plupart sont nés sur notre sol et que leur langue maternelle est le français. Tel est, à en croire Édouard Delruelle, un point de vue cosmopolitique sur un problème territorial.147(*)

De même, poursuit Édouard Delruelle, s'il s'agit de traiter de la question migratoire, l'optique cosmopolitique consistera à prendre la perspective la plus large, celle qui inclut à la fois les intérêts du pays d'accueil (de ses entreprises, mais aussi de ses travailleurs et de ses franges de la population les plus fragilisées), les intérêts des pays d'origine (pour éviter par exemple un « brain drain » catastrophique pour eux), et enfin les intérêts et les droits des migrants eux-mêmes.148(*)

* 144 NGOMA Binda, Principes de Gouvernance Politique et Ethique ... Et le Congo sera sauvé, 220 p.

* 145 E. Kant, Projet de paix perpétuelle, p.30.

* 146 H. ARENT, cité par E. DELRUELLE, «Cosmopolitisme et dissensus communis», Dissensus, N° 1 (décembre 2008)  http://popups.ulg.ac.be/dissensus/document.php?id=262

* 147 E. DELRUELLE, art. cit, http://popups.ulg.ac.be/dissensus/document.php?id=262

* 148 Ibidem.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984