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La métamorphose de l'état de droit comme processus de consolidation de la paix chez Emmanuel Kant. Une lecture du projet de paix perpétuelle

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par Michel Kakule Kabunga
Université de Kinshasa - Licence 2009
  

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Conclusion partielle

Au terme de ce chapitre, nous comprenons que le cosmopolitisme permet de penser de nouveaux rapports de droit : la mondialisation du droit. Parmi les moteurs de la construction cosmopolitique, on retrouve trois facteurs de la mondialisation du droit, parfois contradictoires entre eux : le commerce (et/ou le développement technologique), la société civile et les États eux-mêmes. En sus, les phénomènes de mondialisation du droit et de la justice peuvent être interprétés en termes cosmopolitiques.

La mondialisation du droit consacre un éclatement des systèmes juridiques jusque là clos sur eux-mêmes, et permet en même temps l'émergence de communautés, de solidarités ou de dialogues au niveau global. La notion de cosmopolitisme permet donc de figurer cette dislocation des frontières, notamment entre droits nationaux et droit international, et la recomposition de liens au-delà de ces frontières. Les affaires de « délocalisation judiciaire » en particulier fondent la légitimité d'une lecture cosmopolitique de la mondialisation du droit, dans la mesure où elles présupposent, ou produisent, une forme de solidarité humaine et de conscience politique globale, indépendante de la nationalité et du système juridique auxquels les individus appartiennent réellement.

A défaut d'une telle mondialisation de la notion du droit et de justice, la communauté des nations ne saurait être régulée que par la violence naturelle des hommes, le droit naturel à l'autodéfense. Ce serait le retour à la dissuasion caractéristique de l'état de nature.

CONCLUSION GENERALE

Au terme de nos investigations, nous n'avons pas la prétention d'avoir balisé tous les aspects de la conception kantienne relative à l'état de droit. Certes, au-delà du Projet de paix perpétuelle, nous pourrions, peut-être, déceler suffisamment de plis et replis de la pensée kantienne dans la perspective bien définie que nous nous sommes proposée : la métamorphose de l'Etat de droit. En plus, reconnaissons que l'oeuvre philosophique de Kant n'est pas aisément abordable. Elle se veut généralement métaphysique. D'ailleurs, Kant lui même, conscient des difficultés que rencontrent ses lecteurs pour le comprendre et considérer ses ouvrages, avoue sans ambages : « Je suis venu avec mes écrits un siècle tôt. C'est dans cent ans que l'on commencera à me bien comprendre ; alors on se remettra à lire mes livres et l'on saura les faire valoir »165(*).

Nonobstant, nous nous sommes évertué de retracer l'itinéraire pacifiste de Kant en trois phases successives et évolutive. Et, à en croire Abe Pangulu, ce pacifisme se présente sur un fond de paradoxe166(*). Ainsi, poursuit-il, « aucune coexistence pacifique véritable n'est possible en dehors de toute organisation juridiquement protégée, garantissant les droits privés et publics »167(*).

Le premier chapitre était inscrit dans le truchement l'univers d'inspiration de l'oeuvre politique kantienne. Il s'est agit de retracer les origines de l'oeuvre politique d'Emmanuel Kant, les emprunts ou influences historiques ou culturelles que Kant aurait subies des Lumières, de la lecture de Jean-Jacques Rousseau et de la Révolution française. Ainsi, avons-nous pu retenir que les Lumières sont pour Kant « ce qui fait sortir l'homme de la minorité » pour accéder à un « usage public » de la raison. En plus, nous avons pu nous apercevoir de la fécondation et de l'influence de Rousseau sur Kant, d'abord et essentiellement au niveau de la méthode hypothético-déductive qui consiste de poser en idée une réalité pour enfin la jauger dans l'empirie. Aussi, la théorie kantienne sociale et politique apparaît-il comme la théorie rousseauiste renversée : si pour Rousseau, l'homme, et l'histoire qu'il crée par les mécanismes sociaux, va du mieux au pire, Kant en revanche estime que l'histoire de l'humanité va du pire au mieux, réglé sur le modèle du devoir168(*), construit sur base de la liberté et du droit, socle d'une paix durable.

Dans le deuxième chapitre, notre préoccupation était d'étayer la métamorphose de l'Etat de droit en partant de différentes formes de l'état civil. Ces formes sont, du reste, la constitution « républicaine », la fédération d'Etats libres et le droit cosmopolitique. Ainsi, Kant synthétise-t-il le débat des Lumières sur la paix et l'idée fédérale. La paix est envisagée simultanément comme une perspective politique et comme un impératif catégorique. Les six "articles préliminaires" du projet constituent une critique des rapports entre les États : la guerre de conquête, la diplomatie secrète, les armées permanentes, les violations du droit des gens, sont condamnés globalement. Viennent ensuite trois "articles définitifs" auxquels correspondent les trois "niveaux" juridiques nécessaires à la construction de la paix : le droit civil, le droit des gens et le droit cosmopolitique.

Kant donne aux hommes le devoir de réaliser la paix conformément à la raison. L'état de paix n'est pas la cessation des hostilités, mais un état juridique qui doit être construit. Pour cela, "la constitution civile de chaque État doit être républicaine", et "il faut que le droit des gens soit fondé sur une fédération d'États libres". Cet aspect a permis à Kant d'établir l'idée d'une « société des nations », chimère pour certains qui pensaient sa réalisation prochaine. Cet « Etat des Nations » ou « Etat cosmopolitique » est l'achèvement parfait de l'évolution de l'histoire humaine. C'est également la garantie de paix et des droits universels et véritables. De ce fait, Kant appréhende-t-il l'Etat cosmopolitique comme un organisme vivant n'excluant aucune partie de son ensemble.

Le droit cosmopolitique vient compléter les deux premiers niveaux. Ce droit considère les hommes et les États, dans leurs relations extérieures et dans leur influence réciproque comme citoyens d'un État universel de l'humanité. Il concerne les hommes en tant que citoyens du monde.

La clé du droit cosmopolitique réside dans le fait qu'il concerne, par delà les sujets collectifs du droit international, le statut des sujets de droit individuels, fondant une appartenance au monde sur base du principe d'hospitalité. Suivant cette idée, tout individu est à la fois citoyen du monde comme citoyen de son État. Les individus occupent donc une place juridique dans la communauté internationale.

Le troisième chapitre était un prolongement du deuxième ; il aborde la question de l'Etat cosmopolitique qui, à notre humble avis, peut être établi comme horizon d'accomplissement de la paix. Ainsi, nous avons relevé qu'il est possible de penser la globalisation et la mondialisation, et donc la gouvernance mondiale sur les mêmes bases du cosmopolitisme. Certes, la Société des Nations s'appuyait sur les Etats-nations et sur la définition classique de l'espace selon les trois principes de territorialité, de souveraineté et de sécurité. Cependant, aujourd'hui, avec l'affaiblissement relatif de l'Etat, le trans-nationalisme et l'interdépendance, nous nous acheminons peu à peu vers une société mondiale, aussi peu intégrée politiquement soit-elle.

Toutefois, face au constat qu'il n'y a pas d'union politique véritable à l'échelle humaine (l'ONU ne suffisant pas), l'objectif est d'offrir un droit commun pour ne pas laisser le monde dans un « désordre impuissant » : il faut ordonner et structurer la pluralité des normes qui définit le droit mondialisé, sans rien concéder à une toute puissance hégémonique. Il faut donc comparer les systèmes, les harmoniser, quitte à chercher un socle de principes communs, une sorte de consensus par recoupement au sens de John Rawls169(*). Delmas-Marty parle alors d'une dialectique du cosmos et de la polis qui aurait vocation à produire à terme ce qu'elle appelle un « pluralisme ordonné »170(*).

Tout compte fait, L'idéal kantien est paradigmatique de ce cosmopolitisme moderne et fonde la plupart des thèses cosmopolitiques contemporaines, à partir de deux textes de Kant qui établissent un lien durable entre le conflit, la guerre, d'une part, et le projet d'une constitution au-delà des États, d'autre part : l'Histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique et le Projet de paix perpétuelle. Au-delà des divergences d'interprétation qui animent les différentes lectures de ces textes, on peut en résumer l'apport en quelques principes. En premier lieu, le projet cosmopolitique répond à un plan de la nature. Ce plan repose sur le penchant de l'homme pour la société et, en même temps, la tendance naturelle des hommes à se faire la guerre. C'est la guerre, le conflit et la concurrence qui amènent les hommes à s'entendre et à faire société au-delà de leurs penchants particuliers. En second lieu, ce « faire société » se traduit par un projet de constitution au-delà des États nations, dont l'objectif premier est de court-circuiter la guerre en instaurant un équilibre intéressé, c'est-à-dire une paix perpétuelle. Enfin, en troisième lieu, ce projet ne se réalise que sur une grande échelle (dans l'espèce). Il est propre au développement général des sociétés mais doit s'accomplir progressivement et pourquoi pas d'abord de façon partielle.

* 165 E. KANT, Fondements de la métaphysique des moeurs, p. 16.

* 166 ABE, Pangulu, Mondialisation et sécurité collective. Réponse au paradoxe de la coexistence pacifique chez Kant, in Religions africaines et mondialisation : Enjeux identitaires et transculturalité. Actes du VIIèmeColloque International du CERA, p. 232.

* 167 Ibidem.

* 168 V. ZANETTI, op. cit.,

* 169 Le consensus par recoupement désigne le socle de principes communs issus de la confrontation des visions plurielles du monde qui composent la société. Il suppose de s'entendre sur une structure de base juste servant de cadre à l'expression des conceptions opposées. Voir J. RAWLS, Le libéralisme politique, Paris, PUF, 1993.

* 170M. DELMAS-MARTY, Le Relatif et l'universel, p. 414. Voir aussi M. DELMAS-MARTY, Le pluralisme ordonné, Paris, Seuil, 2006.

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