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La métamorphose de l'état de droit comme processus de consolidation de la paix chez Emmanuel Kant. Une lecture du projet de paix perpétuelle

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par Michel Kakule Kabunga
Université de Kinshasa - Licence 2009
  

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I.3. La Révolution française

Selon Ernest Cassirer, la Révolution française fut un « événement ... assez important pour que Kant, en apprenant la prise de la Bastille, renonçât à sa promenade quotidienne afin de lire les journaux. Fichte crut qu'une nouvelle époque de l'histoire du monde venait de commencer (...) Hegel salua dans l'événement sans pareil un merveilleux "lever de soleil" »14(*).

Emmanuel Kant est contemporain de la Révolution française et de Jean Jacques Rousseau. En sus, la Révolution française se déclenche quand Emmanuel Kant a soixante-cinq ans. Elle est, à ses yeux, une guerre où des rois et des princes se battent contre la liberté. Et la barbarie guerrière exige, sans ambages, la nécessité de passer de l'état de nature15(*) à l'Etat civil dont le point culminant est l'instauration de la paix perpétuelle. Seul le droit fournit une telle garantie, car il se définit par le respect de la liberté d'autrui sous des lois communes. Il substitue donc la loi à la violence.

Le moment qui déclenche la Révolution française est décisif non seulement pour l'histoire événementielle de l'Europe, mais aussi pour le cours des idées politiques. Mais, qu'est-ce qui s'est, au juste, passé ? Tout est chambardé et émietté. Des monarchies féodales sont impuissantes à imposer quelque autorité. Cette douloureuse réalité historique dictera la réflexion des idéalistes allemands, dont Kant.

Kant opère une révolution similaire. D'une part, au niveau de la connaissance, Kant cesse de croire que la connaissance humaine se règle sur les objets, mais il la fait dépendre de la structure du sujet. D'autre part, au niveau politique, Kant ne se contente pas de faire dépendre la connaissance du sujet connaissant à la réalité politique. Au contraire, il tente de régler le monde politique sur l'action volontaire des citoyens en projetant un Etat cosmopolitique reposant sur la cohésion internationale les droits et l'hospitalité universelle.

Subséquemment, la Révolution Française est une rupture majeure : de vieux Etats magnifiques, dit-il, ont disparu comme par enchantement pour faire place à d'autres qui semblent surgir des profondeurs de la terre16(*). Par conséquent, écrit-il, « Ce qui avait été grand parmi les hommes est devenu petit et ce qui avait été petit est devenu grand »17(*).

Kant, méditant Rousseau, s'aperçut très tôt de ce penchant révolutionnaire qu'il tentera de contourner en introduisant l'idée de réforme qui supplée à celle de révolution. Pour Kant, la révolution est le propre du peuple tandis que la réforme est de l'autorité du souverain. Rousseau ne l'avait guère remarqué. Il écrit à ce sujet: « Un changement de la constitution (vicieuse) de l'Etat peut bien être parfois nécessaire -mais il ne peut être accompli que par le souverain lui-même par une réforme, et non par le peuple, c'est-à-dire par révolution- et si cette révolution a lieu, elle ne peut atteindre que le pouvoir exécutif, non le pouvoir législatif »18(*).

Au demeurant, Kant se montre extrêmement circonspect. Il conteste le droit de « faire une révolution ». Et, lorsqu'il déclare que « les acteurs en cas de défaite, en paieront les frais »19(*), il ne fait que contester ce que les révolutionnaires savent bien : s'ils échouent, ils meurent car ils se sont eux-mêmes exclus du droit établi ; droit nouveau dont ils rêvent, contre droit ancien qu'ils réprouvent.

A ce propos, la sévérité de Kant, son pessimisme si souvent soulignés ne dépendent pas vraiment d'un passé monstrueux et gigantesque des forfaits commis par l'humanité, mais plutôt des craintes pour l'avenir. L'histoire est pour ainsi dire une adolescence. En ce sens, Kant lit dans la Révolution Française une crise d'adolescence mal supportée. Ce drame s'étend sur toute l'humanité car il est une « croisade de liberté universelle ». Ce n'est pas une guerre conclue entre prince et prince pour la conquête d'une province mais bien au contraire une guerre politique : des rois et des princes se battent contre la liberté.

Enfin, Kant n'est pas le philosophe de la Révolution Française. Il ne l'avait même pas prévue dans ses idées d'avant 1789, tout comme il n'a pas eu la possibilité de la considérer dans son développement. Pour tout le moins, la Révolution Française l'inspira sur les constitutions politiques. Et à en croire Aulard, « plus d'un orateur, dans le langage de Rousseau, y exprima les voeux que les nations passent le plus tôt possible de l'état de nature à l'état civil, c'est-à-dire de l'état sauvage à l'état raisonnable, de l'état de guerre à l'état de paix »20(*).

Après avoir cerné les origines de la pensée politique de Kant, voyons comment cette pensée s'est construite autour des concepts de droit et de liberté.

* 14 E. CASSIRER, cité par S. GOYARD-FABRE, Philosophie politique. XVIè-XXè Siècles, p. 347.

* 15 L'état de nature désigne, chez Kant, une simple hypothèse qui doit permettre de le distinguer du droit. Il montre la nécessité morale d'instituer le droit.

* 16 J. D'HONDT, Kant et la Révolution Française, in Philosophie politique 2. Kant. R.I.Ph.P., p. 43.

* 17E. KANT, Le conflit des facultés. En trois sections, p.100.

* 18 E. KANT, Métaphysique des moeurs. Première partie : Doctrine du droit, p. 204.

* 19 E. KANT, cité par J. D'HONDT, op. cit., p. 49.

* 20 A. AULARD, cité par A. PHILONENKO, Théorie et praxis dans la pensée morale et politique de Kant et de Fichte en 1793, p. 59.

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