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La métamorphose de l'état de droit comme processus de consolidation de la paix chez Emmanuel Kant. Une lecture du projet de paix perpétuelle

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par Michel Kakule Kabunga
Université de Kinshasa - Licence 2009
  

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I.5.2. Le droit public

Le droit public recouvre les relations avec l'État ou l'Administration, et les relations des institutions publiques entre elles. Il comprend le ius civitatis, le ius gentium et le ius cosmopoliticum33(*), autrement dit le droit politique ou civil, le droit des gens et le droit cosmopolitique.

Par droit public, il faut entendre un système des lois destinées à un peuple ou à une pluralité de peuples, c'est-à-dire à des êtres humains et à des sociétés en interaction. Autrement dit, le droit public est « l'ensemble des lois qui ont besoin d'être proclamées universellement pour produire un état juridique est le droit public »34(*).

Dans la note « c » de son Projet de paix perpétuelle (1795), Emmanuel Kant rappelle ce qui constitue pour lui les principales divisions du droit public. Ces divisions sont au nombre de trois. Il y a d'abord le ius civitatis, défini comme « la constitution selon le droit civil des hommes dans une même nation ». Il y a ensuite le ius gentium, défini comme la constitution « selon le droit internationale des Etats dans leurs rapports les uns avec les autres ». Et il y a enfin, le ius cosmopoliticum, défini quant à lui comme la constitution « selon le droit cosmopolitique pour autant que les hommes et des Etats entretiennent des rapports extérieurs d'influence réciproque peuvent être considérés comme les citoyens d'un Etat humain universel »35(*).

Parlant du droit de l'Etat ou ius civitatis, la raison du droit commence par s'accomplir dans un monde où la violence existe. Il est ainsi convenu que la formation de l'Etat est le résultat de la confrontation entre la loi et la violence. C'est ce qu'atteste Kant lorsqu'il définit l'Etat comme « l'unification d'une multiplicité d'hommes sous les lois juridiques »36(*). Kant borne le droit dans la réparation des différends entre les individus au sein de la société. L'Etat a donc le droit de veiller sur le « mien extérieur », de punir et de gracier.

Le droit de punir est une exclusivité du chef suprême. Ce droit pénal est le droit du gouvernement d'infliger une souffrance au sujet coupable d'une infraction, d'un crime. Kant distingue les infractions contre les biens et les infractions contre les personnes. Mais alors, quel est le mode et quel est le degré de châtiment que la justice publique doit adopter comme principe et comme mesure ? La réponse que nous propose Kant se fonde sur la loi du talion : oeil pour oeil, dent pour dent. C'est ce qui est manifeste dans cette déclaration : « Le mal immérité que tu infliges à une autre dans le peuple, tu le fais à toi-même. Si tu outrages, c'est toi-même que tu outrages ; si tu le vole, tu te voles toi-même ; si tu le tues, tu te tues toi-même ».37(*)

Cependant, Kant reconnaît à l'Etat le droit de gracier le criminel, en adoucissant sa peine. Mais, à ce niveau, Kant prévient le souverain d'un danger qu'il qualifie de « la plus grande injustice ».38(*) En fait, comme le droit de gracier revient au souverain, il est l'expression de sa grandeur. Ainsi, puisque cette injustice est la manifestation des sentiments subjectifs, il est nécessaire d'avoir toujours pour référence le contenu de la loi pour ne pas céder à la tendance naturelle d'injustice.

Par ailleurs, tout autant que les différends entre les individus au sein de la société astreignent l'intervention de la loi et du droit pour le maintient de l'ordre, de même le voisinage des Etats est aussi source de séditions réciproques et exige, à son tour, les droits qui maintiennent la sureté de chaque Etat. La résolution de cette préoccupation, appelée souvent « rêve kantien », est l'objet de l'Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolite d'une part et du Projet de paix perpétuelle, d'autre part. Pour en rester ici à ce qui touche directement cette préoccupation, nous pouvons lire cette affirmation sous la plume de Kant :

« La même insociabilité qui contraignait les hommes à s'unir est à son tour la cause d'où résulte que chaque communauté dans les relations extérieures, c'est-à-dire dans ses rapports avec les autres Etats, jouit d'une liberté sans contrainte ; par la suite, chaque Etat doit s'attendre à subir de la part des autres exactement les mêmes maux qui pesaient sur les hommes et les contraignaient à entrer dans un Etat civil régit par des lois »39(*).

Cette exigence est le fondement même du droit cosmopolitique qui réalise une situation de paix universelle telle que postulée par Grotius à travers la communauté des mers, par Campanella et Bacon dans la cité des sciences, par l'abbé de Saint-Pierre dans son projet de « corps européen »40(*).

Dans l'optique kantienne, « le droit cosmopolitique doit se borner aux conditions d'une hospitalité universelle »41(*). C'est sur cette base, et sur cette base seulement, que chacun peut enfin s'identifier au « citoyen du monde ».

Du reste, Kant précise que les trois divisions du domaine du droit public doivent être conçues comme relevant elles-mêmes du ius cosmopoliticum. Ainsi, faire la part des choses entre ius civitatis, iuis gentium et ius comopoliticum est, écrit-il, « nécessaire relativement entre à l'idée de paix perpétuelle »42(*). Dès lors, qu'il s'agit, en concevant un ius cosmopoliticum, de s'extraire de l'état de guerre présumé par le ius gentium tel qu'il est exercé en pratique, c'est la considération de paix qui doit gouverner la division même de la matière qui en est l'objet. Pour le dire de manière plus directe, on pourrait soutenir que la division kantienne des trois domaines relève d'un voeu de pacification, celui-là même dont le iuis cosmopoliticum constitue le projet philosophique.

Eu égard à ce qui précède, que le Projet de paix perpétuelle ne s'intéresse qu'à la division du droit en ius civitatis, ius gentium et ius cosmopoliticum se comprend mieux. Cependant, la nécessité qui ordonne ces trois formes de droit public à l'exigence de la paix n'existe pas dans le droit privé. D'une certaine manière, on pourrait même dire que le droit privé est strictement contingent parce qu'il n'est soumis à aucune nécessité. Et, parce qu'il n'est soumis à aucune nécessité, le droit privé se trouve donc déconnecté du concept du Droit dont le ius cosmopoliticum forme l'horizon rationnel. A l'inverse, le droit public se trouve racheté par l'exigence de ius cosmopoliticum qui se réduit à l'idée a priori de ce concept pur de Droit. Même si ses deux premières divisions -le ius civitatis et le ius gentium-, appartiennent encore au domaine du droit pratiqué, leur collaboration possible à la perpétuation de la guerre se trouve rachetée par leur ordonnance au ius cosmopoliticum, qui, pour sa part, ne l'est ni ne le sera jamais. Mais cela signifie aussi que, sans ius cosmopoliticum, le droit public, au fond, serait tout aussi contingent que le droit privé.

* 33 Ibid., p. 131.

* 34 Ibid.., p. 193.

* 35 E. KANT, Pour la paix perpétuelle. Projet philosophique, p. 92.

* 36 E. KANT, Métaphysique des moeurs. Première partie. Doctrine du droit, p. 195.

* 37 Ibid., p. 215.

* 38 Ibid., p. 220.

* 39 E. KANT, La philosophie de l'histoire, pp. 35-36.

* 40 A. MATTELART, Histoire de l'utopie planétaire. De la cité prophétique à la cité globale, p. 34-60.

* 41 E. KANT, Le projet de paix perpétuelle, p. 29.

* 42 Ibidem.

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