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Pratiquer la psychologie clinique en institution hospitalière selon l'approche Lacanienne. Un à  un: cultiver la relation duelle pour favoriser l'expression de la singularité

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par Françoise Gady
Université Paris 8 - Master 2 professionnel psychologie clinique psychopathologie et psychothérapie 2007
  

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5. ELEMENTS D'ANALYSE INSTITUTIONNELLE

Si, comme nous l'avons montré dans les chapitres précédents, le psychologue en institution hospitalière a une fonction psychothérapeutique directe auprès des enfants, il a aussi des fonctions plus indirectes au niveau de l'équipe soignante et de l'institution elle-même.

Le code de déontologie des psychologues23 mentionne d'ailleurs dans le titre II concernant l'exercice professionnel : «La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître

21 (conférer un exemple de prise de notes Annexe 1 page x )

22 (conférer Remarques sur la troisième séance Annexe 1 page x)

23 Code de Déontologie des psychologues entériné par l'Association des enseignants de psychologie des Universités ; l'Association nationale des organisations de psychologues ; la Société française de psychologie le 22 juin 1996

et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus considérés isolément ou collectivement »

L'article 2 du Décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction publique hospitalière24ajoute: « le psychologue en institution hospitalière contribue à la détermination, à l'indication et à la réalisation d'actions préventives et curatives assurées par les établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs sur le plan individuel qu'institutionnel ».

Le psychologue en institution, tout en faisant partie intégrante de celle-ci se doit pourtant de veiller à garder une distance suffisante pour lui permettre d'analyser ce qui se joue au niveau institutionnel. Il est important de prendre en comte les difficultés et les ressources de l'institution dans la mesure où il y en aura toujours un retentissement, des effets sur la prise en charge des bénéficiaires de l'institution...

Il importe que les effets induits par la vie de l'institution n'aillent pas à l'encontre des objectifs même qu'elle s'est fixé.

L'unité U3 a démarré son activité après les vacances de Toussaint.

Ma période de stage s'est donc déroulée au coeur d'une intense période de réorganisation de l'institution qui a particulièrement suscité le besoin de réaliser une analyse institutionnelle et qui illustre bien aussi comment la théorie psychanalytique du psychologue peut orienter son travail d'analyse institutionnelle.

Dans un contexte de rationalisation de l'offre de soins par rapport à la demande de santé de la population infanto-juvénile, les objectifs médicaux pour la répartition des moyens hospitaliers au sein des structures 33I04 sont de parvenir pour l'année 2007 à une prise en charge au sein des trois structures (Dominos, Pomme Bleue et Unité U3) de 50% de pathologies Troubles Envahissant du Développement (TED) et 50% de pathologies non-TED.

Actuellement il y a plus d'enfants atteints de troubles envahissant du développement dans ces hôpitaux de jour.

La réorganisation va donc accroître la prise en charge d'enfants atteints de troubles non envahissant du développement.

La nouvelle organisation prévoit donc 3 demis -journées sur 10 de prise en charge des enfants aux pathologies non-TED dans l'unité Unité3 qui vient d'être créée et 7,5 demi-journées sur 10 de prise en charge des enfants aux pathologies TED à la pomme Bleue et aux Dominos.

La population de l'unité 3 se compose de 3 groupes d'enfants :

· Les moins de 4 ans

· Les 4 à 12 ans

· Les adolescents de 12 à 18 ans

Ceci demande un partage des moyens hospitaliers du secteur 33I04 et une définition des responsabilités en fonction des filières de soin et des pathologies de l'enfant de 0 à 18 ans.

En effet ce sont les mêmes soignants de la Pomme bleue et des Dominos qui composent depuis octobre 2006 Unité 3 sous l'autorité du nouveau médecin assistant : Mme Tchamgoue.

Une note de service précise que « Toute l'équipe infirmière, psychologique et paramédicale
est au service des objectifs de soin prescrits par les médecins responsables des structures
considérées.../...Des réunions institutionnelles sont fixées aux dominos pour la partie TED le

24 Le statut du Psychologue dans la Fonction Publique Hospitalière figure en Annexe x page x

mardi après- midi, à la Pomme Bleue pour la partie TED le jeudi martin et à l'Unité U3 de 12h30 à 14h »

Ce projet de réorganisation a produit au niveau de l'institution des difficultés qui ont pu s'exprimer pour certaines au cours des réunions institutionnelles ; d'autres à des moments, de façon plus informelle (temps de pause ou à l'occasion des bilans de synthèse...) ; d'autres enfin ont trouvé à s'exprimer dans des agir, à défaut de parole et ce de façon plus ou moins inconsciente avec un effet parfois de « parasitage » des ateliers.

> Analyse de difficultés verbalisées :

- Les décisions médicales sont annoncées à l'équipe par le cadre de santé sans concertation préalable des différents acteurs de santé avec la direction..

- La réorganisation est effective dans ses moyens avant que les projets de prise en charge thérapeutique des nouveaux groupes d'enfants ne soient élaborés. Les logiques médicales et économiques semblent primer sur la logique soignante.

La composante organisationnelle de la restructuration semble primer sur sa composante clinique : il semblerait que le «Comment Faire? » ait devancé le «Quoi faire? » !

-Aucun document écrit ne formalise le projet de réorganisation : les pages du projet d'établissement du CHS Charles Perrens relatives à cette réorganisation n'étaient pas encore écrites au moment de sa dernière parution. Sur ce document que j'ai pu consulter figurait alors en gros caractères la mention « En projet ».

Depuis, aucun document écrit concernant cette réorganisation n'a pu être fourni aux soignants.

- Le cadre de santé s'efforce de jouer un rôle de « tampon ». On le sent pris dans des injonctions paradoxales entre les logiques médicales, administratives économiques et soignantes. Il assiste à toutes les réunions et est censé informer ses équipes. Le fait qu'il travaille à temps partiel sur les 2 hôpitaux de jour l'amène à comparer les réactions des équipes et les prises en charge thérapeutiques. Des difficultés passées avec le chef de service actuel de l'hôpital de jour « les Dominos » semblent se réactiver. On ressent parfois de sa part une disqualification de ce médecin dont le projet médical est jugé obsolète du fait de l'évolution des connaissances sur l'autisme qui ne devraient plus permettre de se centrer uniquement sur le psychisme des enfants.

Le cadre répète à chaque réunion que son rôle est de défendre les équipes. Par-là même il laisse entendre que les équipes sont attaquées...

Ceci semble de nature à renforcer le clivage médecins / soignants, voire le clivage entre les deux équipes des deux hôpitaux de jour

-Le médecin psychiatre des Dominos parle de « chaos ».Elle dit : « Je suis dans l'incapacité de réfléchir, je ne vois plus rien pour personne ».On note ici son incapacité momentanée à penser la situation. Lorsqu'on sait à quel point un établissement qui accueille des patients psychotiques produit aussi chez l soignant cette difficulté à penser, on peut poser l'hypothèse que l'éclatement actuel de la structure de soin, sa déstructuration vienne probablement faire écho et renforcer des sentiments d'éclatement, de morcellement de type psychotique qu'induit le travail auprès de ces enfants !

La psychiatre dirigeait seule « Les Dominos ».Désormais, elle doit partager son espace de soin et son temps de soin avec une jeune consoeur psychiatre qui débute et qui n'a ni son expérience, ni son orientation théorique.

En fait la nouvelle organisation invite à un travail d'intégration auquel personne ne semble psychologiquement prêt...

Dans l'équipe infirmière : pour les plus anciens, on note une loyauté au chef de service et à ses options théoriques tandis que les plus récents dans l'institution sont perdus et reconnaissent manquer d'arguments théoriques solides pour défendre une quelconque position :

Lors d'une discussion avec une jeune infirmière, je me rends compte qu'elle ne prononcent jamais le prénom des enfants. Ainsi, lorsqu'elle s'adresse à un enfant qui tend son verre vers l'évier, ses propos sont à peu prés de cette nature : « Et qu'est ce qu'il veut cet enfant, il veut boire un verre d'eau ? ».Ou bien : «il est bien énervé cet enfant ce matin !»

J'ai remarqué que d'autres soignants ont cette façon très particulière de s'adresser aux enfants. L'infirmière m'explique qu'ici, on ne doit pas s'adresser directement aux enfants. Une jeune collègue à elle qui a travaillé ici à ses débuts et qui travaille désormais à « La Pomme Bleue » confirme et dit qu'à La Pomme Bleue, on peut s'adresser directement aux enfants tandis qu'ici « on » lui avait bien dit aussi de ne pas le faire.

Je me rends compte qu'aucune des deux ne parvient à m'expliquer l'étayage théorique de l'attitude professionnelle qui leur est semble t'il demandé d'adopter.

Je profite de mon statut de stagiaire psychologue pour faire du lien et discute de ce thème en réunion.

Nous convenons en équipe qu'effectivement il peut être très intrusif pour un enfant psychotique de se faire appeler par son prénom et plus particulièrement dans certaines situations. Il peut donc être intéressant, parfois de ne pas aborder l'enfant de manière trop directe pour lui mais en aucun cette attitude ne doit être stéréotypée...

Il semble que certaines pratiques soient devenues très dogmatiques.

De part sa complexité, la théorie lacanienne peut en effet entraîner cet écueil : chacun peut être tenté de renoncer à faire les coûteux efforts de discernement que demande cette approche théorique.

D'autre part le savoir est aussi un pouvoir : certains peuvent avoir aussi le désir de conserver...

Je pense que toute attitude psychothérapique doit particulièrement se méfier des adverbes « toujours « et « jamais » qui gardent d'une précieuse réflexion !

Or toute réflexion psychothérapique a des vertus thérapeutiques : en effet, la façon dont nous pensons l'autre influe sur la relation que nous instaurons.

-Les dossiers des enfants de l'Unité 3 n'ont pas été présentés aux soignants qui les découvrent à leur arrivée. Ce jour là, les soignants ont du mal à faire face et l'organisation du travail nonpensée ne fait qu'accroître les difficultés : certains enfants très jeunes pleurent, d'autres s'accrochent à n'importe quels bras; le niveau sonore est élevé; les plus anciens sont déstabilisés à leur tour par toute cette agitation et manifestent aussi leur propre angoisse par

de l'agitation...Dés la petite réunion du matin on sent la désorganisation : le nouveau médecin décide de dire bonjour à chaque enfant au moyen d'une petite chanson comme cela se fait à la « Pomme Bleue » mais cela n'a pas été parlé en équipe.

Le manque de parole sur ce point apparemment de détail est à l'image du manque de parole autour de cette réorganisation qui n'a pu être travaillé au préalable.

Ce manque de parole va avoir des répercussions sur l'accueil qui ne va plus pouvoir remplir sa fonction de contenance psychique des enfants :

Des soignants des deux hôpitaux de jour sont assis sur les fauteuils du salon et les enfants de l'Unité 3 et des Dominos sont assis aussi intercalés entre eux.

Les soignants de « La Pomme Bleue » chantent : « Bonjour Noah, Bonjour Noah, Bonjour » puis passent à un autre enfant : « Bonjour Dylan, Bonjour Dylan, Bonjour » tandis que ceux des Dominos restent mutiques. Ils diront ensuite : « Nous on ne fait pas comme ça, on dit bonjour aux enfants mais on ne chante pas de chanson. Il n'y a pas de raison qu'on change comme ça, aujourd'hui !»

Comme l'écrit KAES : «Tout processus de pensée et de travail dans le lien intersubjectif s'étaye sur un cadre qui le définit, le soutient et le contient. C'est pourquoi le fonctionnement institutionnel spécifie l'appareil psychique groupal et son fonctionnement et que le sujet est à son tour déterminé par le lien intersubjectif qui le porte et lui donne une place.../...c'est toujours le dernier maillon de la chaîne qui supporte les conséquences les plus dramatiques du fonctionnement d'une équipe institutionnelle ou du dispositif organisationnel. Lorsque le cadre est attaqué à quelque niveau que ce soit, les effets se répercutent dans les différents éléments que le cadre relie.../...Attaquer le cadre, c'est attaquer immédiatement et radicalement les conditions nécessaires pour penser dans le groupe. »(KAES, 2005)

Les soignants se rendent compte que précipités par des contraintes organisationnelles, ils en viennent à programmer les ateliers et groupes thérapeutiques dans un souci prioritaire d'organisation alors qu'auparavant, ils sont toujours partis des besoins des enfants.

En quelque sorte, dans cette programmation à la hâte, ils se centrent plus sur la tâche plus que sur l'individu au risque d'y perdre en termes de qualité de projet de soin individualisé...

Les soignants participant à l'Unité 3 sont amenés à se déplacer d'un hôpital de jour à l'autre. Ces déplacements amènent un stress lié aux aléas de la circulation et obligent à une grande rigueur dans les horaires parfois incompatible avec la disponibilité psychique que requiert le travail auprès des enfants ou des familles...

En effet, si la charge mentale est trop importante, il devient difficile par manque de disponibilité psychique de penser le soin. Or la manière dont nous pensons l'autre et dont nous pensons le soin influe sur la thérapie...

L'Unité 3 crée aussi des problèmes de cadre car les mêmes locaux doivent accueillir plus d'activité et des problèmes de collaboration par manque de temps de préparation pour penser les objectifs et le fonctionnement des ateliers mais paradoxalement ces difficultés semblent pouvoir réactiver aussi la créativité des acteurs de soin :

Le psychomotricien et l'infirmier le plus ancien des « Dominos » vont désormais faire équipe dans l'animation de l'atelier Percussions dans le cadre de la nouvelle prise en charge des touts petits de l'Unité 3.

Aucun temps de travail préparatoire n'a pu être dégagé et les deux hommes se livrent à un travail très expérimental auprès des 3 petits qui leur sont confiés. Le psychomotricien a apporté le jumbé de « La Pomme Bleue » et l'infirmier de petits instruments de percussion : maracas, tambourin. Nous remarquons que les enfants sont capables d'attention aux séquences rythmiques jouées au jumbé. Les trois enfants prennent les petits instruments, les secouent vivement et immanquablement les lancent avec violence, manifestement débordés par leurs émotions. Face au danger que représentent ces instruments-projectiles, les deux hommes décident de ne plus les proposer à la séance suivante. Ils souhaitent profiter du budget pour acheter des instruments plus gros...

Ce nouvel atelier du vendredi matin se heurte aussi d'emblée à un problème de cadre.

Comme nous l'avons vu la petite pièce prévue pour cet atelier a de multiples fonctions .

Les enfants le savent et ont du mal à comprendre et accepter le nouveau cadre de cet atelier : par exemple, les tapis de sol sont installés et un enfant veut alors travailler avec la balle qui est dans le coffre comme il le fait dans ce même lieu avec le psychomotricien à un autre moment. Ce dernier lui répète de ne pas ouvrir le coffre et lui explique pourquoi mais tout ceci est effectivement bien compliqué !

> Analyse de difficultés non verbalisées :

Rappelons que l'hôpital de jour « Les Dominos » a ouvert en 1990.Ce nouvel établissement a alors été placé sous la responsabilité de Mme Beaussier, pédopsychiatre et psychanalyste qui travaillait auparavant à la pomme Bleue, avec le médecin fondateur de cette institution : le docteur Lafforgue.

Pour René KAES: « Toute institution naît d'un désir de différenciation. Pour que le mouvement créateur s'institue, pour que le désir des fondateurs prenne forme et réalité, il est souvent nécessaire que cette différenciation s'affirme de manière radicale, c'est à dire que la séparation s'énonce comme une coupure. Cette rupture s'affirme comme un rejet des institutions anciennes qui d'institution d'affiliation acquièrent le statut de mauvais objet violemment répudié.../...La fondation s'accompagne donc fréquemment d'un rejet ou d'un clivage associé à un déni originaire. »(KAES, 2005)

Effectivement les deux médecins chefs de service des deux hôpitaux de jour ne collaborent pas ensemble. Au fil du temps, il semble que « Les Dominos » ont adopté un mode de fonctionnement plutôt autarcique et que chacun des deux chefs de service se soit « radicalisé » dans une approche théorique spécifique : lacanienne pour « Les Dominos » et kleinienne25 pour « La Pomme Bleue ».

La situation fait naître un paradoxe : alors que la création des deux hôpitaux de jour s'est faite
dans une certaine opposition, la création de l'Unité 3 prévoit aujourd'hui une mutualité de

25 L'approche kleinienne fait référence à Mélanie KLEIN qui a donné naissance à l'un des grands courants du freudisme et a contribué à l'essor de l'école psychanalytique anglaise. Le présupposé fondamental de la théorie kleinienne est qu'il n'existe pas de pulsions sans objet. Ces objets associés à des phantasmes inconscients sont répartis par Klein selon les dichotomies total/partiel ; interne/externe ; bon/mauvais ; idéal/persécuteur. Selon elle, les mots résultent d'une modification des phantasmes. L'interprétation s'attache à atteindre chez l'analysé, au-delà des mots, le phantasme et dans une certaine mesure l'organisation corporelle sans laquelle les mots n'existeraient pas.

moyens entre les deux structures qui appelle à des échanges et même à une collaboration inter-structures !

Les échanges sont difficiles : chacun, se sentant menacé par le changement ayant tendance à renforcer son identité et donc ce qui fait sa différence au détriment de ce que les deux structures ont en commun et qui pourrait les réunir!

Dans ce contexte, les affrontements théoriques des soignants des deux structures pourraient s'apparenter à des conflits identitaires. En effet, ils semblent souvent d'accord sur la clinique et c'est plutôt sur la manière de traduire cette clinique dans leur vocabulaire théorique respectif qu'ils s'affrontent :

Deux soignants observent le même enfant : tandis que l'un dit de l'enfant qu'il « est en proie à une agitation psychomotrice »; l'autre reprend sur le ton de l'évidence teinté d'un peu de mépris : « Nous, on appelle cela la jouissance »...

Les clivages n'existent pas uniquement entre les deux structures.

A l'intérieur d'une même structure, il semble aussi qu'il y ait un clivage entre les soignants qui ont fait une analyse et ceux qui ne l'ont pas faite. Le chef de service m'explique un jour la notion lacanienne de « trou » que j'ai du mal à comprendre.

Elle me dit alors que « ce n'est que dans une analyse que ces notions peuvent prendre sens ». Certainement. Mais à un niveau cognitif d'appréhension du concept il me semble pourtant que le recours à l'analyse ne soit pas inéluctable.

Le recours fréquent à cet argument ne fait-il pas de lui un argument tautologique ?

La nouvelle gestion des effectifs des enfants prévoit le départ de Justin à « La Pomme Bleue » Très peu d'enfants sont dans ce cas : les effectifs ont pu été gérés en ne renouvelant pas les places d'accueil des enfants en situation d'être réorientés du fait de leur âge.

Lors de la réunion de synthèse l'équipe s'inquiète de l'adaptation de cet enfant psychotique à « La Pomme Bleue ». Mme Beaussier rappelle qu'elle suit cet enfant de 11 ans depuis qu'il est tout petit et craint l'effondrement de cet enfant à cause de cette rupture.

Quelques temps après nous apprendrons que Justin comme ses parents sont ravis de ce changement et qu'il va bien.

En fait, il y a aussi pour les soignants et la psychiatre un difficile travail de deuil à mener vis à vis de ces enfants qui s'en vont et on peut interpréter sa crainte de l'effondrement de l'enfant comme un mécanisme de défense : la projection de leur propre angoisse de perte et de séparation...

Les difficultés liées à la réorganisation ont peu d'espace formel pour s'exprimer, les réunions de régulation existent mais sont semble t'ils trop peu nombreuses.

Ainsi ces difficultés, peurs et ressentis viennent parfois à s'exprimer au cours des ateliers ou du groupe thérapeutique où elles ont très probablement des effets au niveau de la poursuite des objectifs thérapeutiques.

> Analyse de ressources :

Le psychologue est une ressource dans le travail d'analyse institutionnel et dans la gestion des conflits. Il s'emploie à favoriser l'expression des uns et des autres et à temporiser les conflits. Pourtant ce travail est particulièrement difficile en institution : étant lui-même concernée par la situation, puisque faisant partie aussi de l'équipe et de l'institution il ne peut être neutre.

Il est important qu'il puisse en prendre conscience de façon à conserver son rôle de modérateur et de lien entre les différents membres de l'équipe.

Dans cet objectif et afin de prendre une distance nécessaire vis à vis de l'institution dont il fait lui-même partie, le psychologue a tout intérêt à s'inscrire dans un travail de supervision à l'extérieur de l'institution.

Le groupe de parole organisé pour les soignants les aide à exprimer leur émotions et représente aussi une ressource institutionnelle mais les réunions paraissent trop rares à tous les acteurs de soins...

D'autres ressources se dégagent de l'équipe : que d'énergie chez tous ces intervenants; personne n'est indifférent, tous se sentant responsables dans leur mission auprès des enfants et des familles. Les soignants sont au travail ! Les difficultés n'ont pas altéré leur présentéisme.

Les prises de notes et les transmissions sont étoffées ; plus le temps passe, plus les soignants ont des projets d'activité et les ateliers démarrés de façon quasi expérimentale commencent à se structurer même si le partage de l'analyse de la clinique se heurte aux limites du modèle intégratif, à savoir qu'il ne s'agit pas simplement de traduire la clinique dans un autre vocabulaire.

Comme nous l'ont appris les auteurs du tournant épistémologique constitué par la seconde cybernétique (VON FOERSTER,1973) ; (MATURANA et VARELA,1994),ce que nous percevons apparaît à l'intersection de ce qui nous parvient et de ce qui nous constitue.

Ainsi, l'observation même de la clinique est sous tendue par la théorie de l'observateur qui agit en véritable filtre de l'information...

La réalité n'est pas une entité préexistante : elle est construite. « De l'efficacité ou de la réussite de l'intervention d'un thérapeute, on ne peut plus inférer qu'il a eu raison , ou qu'il était dans la vrai, mais que sa construction du réel a pu s'articuler à celle des membres de la famille d'une manière telle que de cette co-construction a surgi un possible nouveau ,plus riche et asymptomatique »(ELKAÏM,2006).

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire