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De la psychanalyse du sujet connaissant à  l'objectivité scientifique dans l'épistémologie Bachelardienne

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par Merleau NSIMBA NGOMA
Université chrétienne Cardinal Malula RDC - Licence en philosophie et lettres 2009
  

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    REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

    Ministère de l'Enseignement Supérieur et Universitaire

    UCCM (Ex. ISPL)

    251657216B.P. 10 883 KINSHASA I

    251659264FACULTE DE PHILOSOPHIE ET LETTRES

    DE LA PSYCHANALYSE DU SUJET CONNAISSANT A L'OBJECTIVITE SCIENTIFIQUE DANS L'EPISTEMOLOGIE BACHELARDIENNE

    REMEDES POUR UNE MONDIALISATIHUMAIN

    « Cas de la RDC de 2006 à nos Jours »

    Merleau NSIMBA - Ngoma

    Mémoire

    Présenté et défendu en vue de l'Obtention du Grade de Licencié en Philosophie et lettres

    Option : Philosophie et Sciences Humaines

    Directeur : Prof. Sylvain KAMBALA WA KAMBALA

    Co-directeur : Ass. Rhodin MUKUNDA

    Année Académique 2008-2009

    EPIGRAPHE

    Dans la pratique philosophique, la philosophie s'efforce, par une réflexion, par une réflexion théorique critique, d'arriver à expliquer le réel de manière radicale, c'est-à-dire totalisante et ultime.

    La particularité de la philosophie, comme discipline scientifique, est de pouvoir élever cette inquiétude, (finitude historique, situation politique, économique et social de l'homme), au niveau d'un questionnement radical sur la totalité de notre existence.

    A ce titre, rien n'échappe à la philosophie. Et, un philosophe est toujours inquiet parce que son interrogation radicale sur la totalité de l'expérience humaine est une tension dialectique, sans repos...

    Discours d'ouverture des Actes de la 4e Semaine Philosophique de Kinshasa du 23 au 27 avril 1979, P.12.

    « Il suffit que nous parlions d'un objet pour nous croire objectifs. Mais par notre premier choix, l'objet nous désigne plus que nous le désignons et ce que nous croyons nos pensées fondamentales sur le monde sont souvent des confidences sur la jeunesse de notre esprit. Voilà pourquoi on ne peut se prévaloir d'un esprit scientifique tant qu'on n'est pas assuré, à tous les moments de la vie pensive, de reconstruire tout son savoir ».

    Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu, p. 11.

    DEDICACES

    A sa Sainteté le Pape,

    Aux Eminences Cardinaux,

    Aux Excellences Archevêques et Evêques,

    Aux prêtres, diacres, religieux et religieuses,

    A mes parents,

    A toutes les personnes de bonne volonté qui oeuvrent pour la dignité et la valorisation de la personne humaine,

    A tous ceux qui, pour un goût absolu aux livres, sont morts pour demeurer fidèles à un principe ou un souvenir ;

    Pour un rêve trop longtemps poursuivi ...ou par erreur,

    En témoignage de gratitude, car ils nous ont montré que ce qui importe enfin, ce n'est pas pourquoi l'on meurt mais comment l'ont meurt,

    A mes amis et frères, parce que chaque matin qui passe vous m'aidez à prendre conscience de mes responsabilités,

    Je dédie ce travail !

    REMERCIEMENTS

    C'est une gestation de longue haleine qui a nourri notre projet d'élaboration d'un mémoire sur Gaston Bachelard.

    En effet, si nos souvenirs ne nous contredisent pas, c'est depuis notre deuxième année de graduat et ce, au contact avec l'épistémologie, que nous avions manifesté le désir de rédiger un mémoire dans ce sens-là. Mais les impératifs dispositionnels ne pouvaient pas nous prêter à une telle entreprise. Voilà ce qui justifie, en ce jour et sous toutes ces lignes nos remerciements sincères à l'endroit de toutes ces personnes qui ont coopéré afin que ce vieux rêve attrape aujourd'hui la réalité.

    Etant conscient du fait que toute expérience religieuse est bipolaire, notre regard se tourne avant tout vers Dieu. La Cause Incausée, Le Premier Moteur, Lui, Maître de l'histoire et des circonstances, à qui nous attribuons par l'analogie, la perfection de bonté grâce à laquelle il nous a doté de l'énergie épistémologique en faveur de laquelle nous avons pu résister contre la famine, les fatigues, les découragements et désespoirs que nous avons enduré, en dépit des impasses et limites auxquelles nous nous étions plusieurs fois trouvé confronté, il n'a pas un seul instant permis que notre imagination s'obscurcisse.

    Nous nous tournons, cette fois-ci, vers la Très Sainte Vierge Marie ; Mère du bel Amour et Notre Dame de la Sagesse pour ses innombrables et interminables intercessions dont nous ne cessons d'être bénéficiaires auprès du Père ; et ce dans notre trajectoire existentielle...

    De manière sui generis, nous tenons à remercier, du fond de notre coeur, le Professeur Sylvain KAMBALA WA KAMBALA qui a promu et dirigé cette étude. Il est parmi ceux dont la compétence en philosophie et les conseils judicieux nous ont permis d'améliorer le texte sur quelques points essentiels. Il l'a prouvé, à travers, ses lectures critiques aussi justes qu'utiles, ses encouragements, déjà lors de la présentation et de la défense du projet de ce travail - ses admirations, ses contributions - même matérielles et financières, tout cela a particulièrement caractérisé son dévouement à la direction de nos recherches, et ce, au-delà des multiples préoccupations auxquelles il était pourtant confronté.

    A travers lui, c'est à monsieur Rhodin MUKUNDA MUKUNILUA, jusqu'alors assistant de professeur sylvain chargé des Questions approfondies de logique, que nos gratitudes s'adressent. Nous avons trouvé en lui, un maître et un guide sûr et discret, autant compréhensif que patient. Il a accepté volontiers de lire et relire nos manuscrits et le corriger de sa main si sûre.

    Nous remercions également les professeurs et les Abbés dénis KIALUTA, Marcous BINDUNGWA, Jean Chrysostome AKENDA, Michel GERARD, Adolphe MANGALA, et messieurs Crispin MAKELELE, Léon BOTOLO, Crispin NGWEY et Georges IBONGU et autres que nous ne pouvons citer les noms ici pour tous les soutiens qu'ils nous ont apportés et surtout parce que tous les échanges que nous avons eus avec eux, à propos de la transfiguration de l'objet dans les sciences contemporaines dont Bachelard porte l'étendard, nous ont suffisamment édifié. Nous réitérons, à travers eux nos voeux à tous les corps professoraux de la Faculté de Philosophie et lettres de l'Université Chrétienne Cardinal Malula, notre Alma Mater, des Facultés Catholiques de Kinshasa, des Séminaires Saint André Kaggwa et Saint Pierre Canisius et surtout de l'école primaire et secondaire, qui, de notre jeune enfance, ont particulièrement travaillé et concouru à notre maturation intellectuelle. Qu'ils trouvent ici leur compte parce que nous portons en nous la marque de leur éducation.

    Nul n'ignore que lorsqu'on écrit un travail scientifique, on est sujet qui a réussi à atteindre l'objet de sa quête. Mais cela on y arrive qu'après un long procès au cours duquel on a eu plusieurs obstacles à surmonter. On a réussi à le faire grâce à l'aide qu'on a reçu de part et d'autres. C'est donc avec un sentiment de vive reconnaissance que nous pensons à tous ceux qui nous ont spirituellement et matériellement soutenus. Ce travail n'aurait été possible, dans sa forme actuelle que grâce à l'aide que nous avons reçue tant de nos amis que de certaines familles, pour ne citer que ces deux catégories. Puissent-ils nous pardonner de blesser leur modestie en les citant. Nous pensons spécialement aux familles DOKOLO - NGOMA, NKANU et MUKUALA : notre merci peut paraître minime, mais traduira certainement aussi tout notre intérieur pour reconnaître tout ce qu'ils ont fait pour nous, et particulièrement pour nous avoir fourni, non seulement le logis mais aussi ce avec quoi nous avons réalisé cette étude. Le sens de leur disponibilité et leur sens d'aide restera tellement irremplaçable et indélébile en nous que nous ne cesserons de prier le Père qui voit dans le secret afin qu'il leur rende au centuple.

    Nous remercions, par cette même occasion, les missionnaires de la joie, l'Association des amis de Gaston Bachelard, Michel Pichon, Jean-dédé Kabwe, Maurice Matata, Sabin Mbelo, Jean de Dieu Mukoko, Edouard Kongolo, Didier Kassombo, Antoine Mutombo, Magloire Nafuka, Thierry Kitiaka, Léon Kadima, Ghislain Luabeya Crispin Mumbanda, Simon-Pierre Mabanza, Trésor Muteba, Sébastien Sedeke, Bernard Eliwo, Robert Otaba, Francis Madinda, Alain Luka, Hervé Nkulu, Grâce Tsoukou, Forley Bouleke, Klauss Mboro, Duval Mboro et Joël Bega qui ne se sont jamais montrés indifférents chaque fois qu'ils pouvaient ni même devraient nous venir en aide.

    Nos sentiments de gratitude, nous les adressons aussi à la communauté de la paroisse Saint Martin pour toutes fois que leurs encouragements ont pu nous remonter le moral ainsi que pour toutes les fois qu'ils ont pu nous jeter la perche alors que les vagues des angoisses nous submergeaient. Merci aussi au Révérend Père Gaetano Gazzola qui nous a aidé pendant des moments durs.

    Nous aimerons, enfin, exprimer nos congratulations et gratitudes envers tous les oncles et tantes, envers toutes les familles amies, spécialement les familles Muwayi et Tekilazaya et envers tous les cousins et cousines. Nous ne cesserons certainement pas de porter dans notre conscience les amitiés que nous avons nouées avec Tito Bakebongo, Eric Tondo, Papy Bitomene, Daddy Lutonadio, Eric Kisoka, Charly Yamba-Yamba, Christian Mahwa, Refred Ngunda, Edgar Matondo, David Mukadi, Marcellin Makasi, Alphonse Kande, Claver Mpia, Thierry Kimbungu, Nestor Salumu, Clément Matand, Eric Luyenga et Davienne...

    Nous rassurons à toutes nos connaissances et amis qui nous sont particulièrement liées que les traces indestructibles de notre attachement inconditionnel pour elles sont pour nous l'étendard et le flambeau de leur amitié.

    Malgré ces nombreuses contributions citées supra, le document que nous présentons aujourd'hui à nos lecteurs, n'est sûrement pas à la hauteur des espoirs qu'il peut soulever, ceci d'autant plus que nous sommes conscients des erreurs et omissions qui ont pu se glisser dedans, tandis que nous avons pensé, d'une autre part, orienter nos investigations dans une direction qui aurait aussi pour rôle d'indiquer, dans quel sens, le présent travail, nous laisse sur une question, qui appelle une réflexion ultérieure étant donné que les impératifs économiques nous ont fait sacrifier certains textes et thèmes, que nous espérons pouvoir publier sous une autre forme.

    Il nous est impossible, compte tenu de notre finitude ontologique par rapport à laquelle nous sommes limité dans l'espace et dans le temps ; sur ce, nous sommes des êtres voués à l'oubli, de citer toute personne ayant concouru à la réalisation de notre dissertation.

    Nous implorons, à cet effet, à tous ceux dont les noms, au lieu d'être exaltés par le verbe, sont par contre, glorifiés par le très profond silence de notre être, mais envers qui nous sommes très reconnaissant, puissent trouver ici nos sincères remerciements.

    Jean-Pierre Merleau NSIMBA NGOMA, L'Auteur !

    0. INTRODUCTION GENERALE

    Il est, universellement, admis que l'homme est essentiellement un homo sapiens. En tant que tel, il dispose d'un savoir et d'une sagesse grâce auxquelles il comprend les phénomènes de la nature et devient par conséquent maître de tout ce qui l'entoure.

    Il est celui, qui, trouvant dans cette maîtrise à la fois une connaissance de l'ordre du monde et un mobile d'y adhérer. Ainsi son esprit s'associe aux phénomènes qui l'entourent et forme-t-il l'objet de sa connaissance.

    C'est alors, dans cette perspective, que nous pouvons soutenir la thèse selon laquelle le problème de la connaissance a toujours été, à travers l'histoire de l'humanité, au centre des multiples préoccupations de l'homme. Car c'est bel et bien par elle que l'homme se détermine et atteste excellemment son être supérieur au sein d'un monde immense et peuplé de multiples êtres.

    En effet, de l'Antiquité à nos jours, en passant bien sûr par les médiévaux et les modernes, de nombreux penseurs ont fait preuve d'efforts louables mais parfois et souvent inachevés dans leurs recherches d'une meilleure compréhension de l'homme dans les différentes dimensions et acceptions de son être. « Méditations sur... », « Contribuons à ..., « Critiques de ... ». Voilà, à notre avis, autant de principales conceptualités qui concrétisent ce désir constant, ardent et brûlant de l'esprit humain à atteindre toujours davantage un niveau de rationalité plus perfectionné.

    Karl Raimond Popper pense d'ailleurs, à ce sujet, qu' « on devait se rappeler, dans ce contexte, que presque tous les problèmes de l'épistémologie rationnelle sont liés au problème de la croissance mais aussi celui de la formation de cette connaissance. Je suis même tenté d'aller plus loin ; de Platon à Descartes, Leibniz, Kant, Duhem et Poincaré, de Bacon, Hobbes et Locke à Hume, Mill et Russel, la théorie de la connaissance a été animée par le désir de nous rendre aptes non seulement à en connaître davantage au sujet de la connaissance, mais encore à contribuer au progrès de celle-ci, c'est-à-dire de la connaissance scientifique »1(*).

    C'est dans le contexte de cette contribution et de cette quête d'une connaissance toujours plus perfectionnée qu'a pris place et qu'il faut comprendre la philosophie de Gaston Bachelard.

    En effet, Gaston Bachelard cherche les motivations philosophiques des concepts scientifiques, qu'il considère comme obstacles sur la voie de la réalisation d'une science. Pour parvenir à une science, il faut, selon Bachelard, triompher d'un certain nombre d'obstacles. Déjà dans le plan de sa formation de l'esprit scientifique, il précise que « quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance. Et il ne s'agit pas de considérer les obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d'incriminer la faiblesse des sens et de l'esprit humain : c'est dans l'acte même de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles ».2(*) Et ces obstacles, l'auteur les définit comme des préjugés métaphysiques implicites qui organisent, régissent et entachent l'inconscient du chercheur ; tout esprit qui commence la culture scientifique porte la marque et l'âge de ses préjugés3(*) ; et toute première objectivité qu'il atteint est tout aussi la première erreur qu'il enregistre. D'où, pour Bachelard, « en revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation »4(*).

    L'accès à la culture scientifique, donc l'effacement des préjugés et des mythes requièrent une véritable psychanalyse - autant que l'explique le sous-titre de la formation de l'esprit scientifique - de nos illusions, de manière à remonter jusqu'à l'inconscient collectif producteur de nos erreurs. C'est pourquoi il convient de mettre à jour les thèmes inconscients facteurs de blocage afin de les exorciser et de les rendre inoffensifs à la libération de la connaissance objective.

    L'esprit scientifique est ainsi, pour Bachelard, le résultat d'une soustraction d'autant plus qu'il se débarrasse de ses adhésions à l'immédiat et de ses entraînements naturels. Le progrès de la science ne suit pas la ligne cumulative d'une addition des connaissances mais une ligne réductrice, c'est-à-dire une ligne de soustraction d'images et de préjugés encombrants et non valorisants. La science n'est pas le prolongement de la connaissance commune, elle la contredit. Le réel de la connaissance scientifique n'est pas ce donné immédiat, il est le construit5(*).

    Bachelard démontre de cette manière-là l'idée de la discontinuité qui, selon lui, préside aux progrès des sciences. Il démontre que « le progrès scientifique manifeste toujours une rupture, de perpétuelles ruptures entre connaissance commune et connaissance scientifique, dès qu'on aborde une science évoluée, une science qui, du fait même de ces ruptures, porte la marque de la modernité »6(*). L'idée de ruptures est, en fait, au coeur de l'épistémologie bachelardienne qui professe que des configurations nouvelles apparaissent et la connaissance objective se développe, non pas parce que des problèmes propres à l'objet d'étude ont été résolus, mais grâce à des victoires sur les obstacles épistémologiques : la connaissance s'élabore contre une connaissance antérieure, en détruisant des notions, en reconstruisant, à chaque étape, de nouvelles fondations. Il faut, conseille l'auteur, mettre en évidence des coupures épistémologiques, des ruptures méthodologiques, des changements de concepts et des déplacements de méthodes à l'intérieur d'une discipline afin de découvrir le socle discontinu et brisé sur lequel se bâtit le discours scientifique. Il légitime ainsi sa démarche essentiellement comme une réponse, mieux comme une contribution, à l'histoire des sciences telle qu'il l'a observée jusqu'à son époque.

    En effet, l'épistémologie française des XIXème et XXème siècles était fortement dominée par la montée du positivisme d'Auguste Comte. A l'encontre d'un mouvement de pensée qui professait « que la science incarne la totalité du savoir possible et rigoureux, et qui pense que la structure de la connaissance se forme par une sorte de sédimentation progressive et évolutive des théories »7(*), Gaston Bachelard démontre la discontinuité : il y a discontinuité entre la théorie physicienne d'Isaac Newton et celle d'Albert Einstein sur l'univers8(*).

    D'autre part, Bachelard diffère des autres historiens des sciences sur la nature de la croissance de la connaissance, non seulement par son grand apport de la découverte de la notion d'obstacles épistémologiques, mais encore par sa fameuse notion des dialectiques enveloppantes.

    En effet, ce n'est pas par un cumul des connaissances, tel que David Hume l'avait professé, que la science fait ses preuves de croissance ; elle ne croît pas non plus par le principe de falsifiabilité ou de réfutabilité comme le comprend Karl POPPER ; ni moins encore par des révolutions paradigmatiques, des programmes des recherches ou l'anarchisme méthodologique comme le soutiennent respectivement Thomas KUHN, Imre Lakatos et Paul Feyerabend.

    Pour Gaston Bachelard, par contre, la croissance scientifique est essentiellement fonction des dialectiques enveloppantes9(*) ; c'est-à-dire par des négations dynamisantes dont la vitalité productrice réside dans une tension essentielle entre la tradition et le changement dans les sciences selon une expression de Kuhn10(*), entre connaissances périmées et connaissances sanctionnées. Ce sont des négations dynamisantes qui insèrent l'acquis scientifique passé dans l'acquis scientifique présent considéré comme matrice numérale amplifiée qui fait de la science une mémoire rationnelle.

    Finalement, le sens de cette philosophie du non dessine, chez Bachelard, une épistémologie non cartésienne, qui récuse la perspective d'une approche se fondant sur des idées ou des natures simples au profit d'une doctrine de la complexité.

    Contre les épistémologies traditionnelles, en effet, affirmant l'existence d'éléments absolus et simples, il considère que la science contemporaine obéit à un idéal de complexités, où les notions ne se donnent jamais comme distinctes et séparées. Le simple est toujours du complexe, il est une « contexture d'attributs »11(*). Il défend un rationalisme dynamique, car la raison doit, selon lui, s'assouplir et s'ouvrir au complexe, au divers, aux aléas. Il n'y a plus de raison absolue, mais une ratio touchée par la relativité, dialoguant désormais avec les configurations mobiles et des noeuds de relations. C'est la synthèse du réalisme et du rationalisme classiques, qui baigne, chez Bachelard, dans un certain surnationalisme12(*).

    Quant à notre étude, elle s'attellera surtout à montrer quelle est l'idée de la science qu'il va s'agir de protéger, d'améliorer ou de nuancer par nos propositions. Ce sera certainement l'idée de la croissance de la connaissance scientifique dans le dynamisme de son processus. Mais nous nous demanderons alors comment se fait-il que, malgré la pertinente question des obstacles épistémologiques, nous puissions toujours acquérir des connaissances ? Mieux, comment l'esprit accède-t-il à la science ? Cette question nous plonge inéluctablement dans celle d'objectivité de nos connaissances : n'arrive-t-il toujours pas que l'intérêt de la subjectivité spirituelle du chercheur régisse tout le résultat de son entreprise et toute sa connaissance ?

    Une telle étude s'avérera pertinente pour nous tant il est vrai qu'elle ouvre et soumet l'esprit qui s'accrochent encore au monde du sens commun, doit devenir, finalement, un purgatoire incontournable et indépassable qui doit ainsi creuser cette psychologie des profondeurs de tout chercheur. Même si la science reste l'expression la plus juteuse de la liberté inconditionnelle de l'esprit humain, nous osons prendre le risque d'affirmer, à la suite de Bachelard, que le monde de la science n'obéit pas toujours à toutes les manipulations de la liberté de l'esprit du scientifique, et qu'il faut devoir y distinguer « l'esprit scientifique régulier qui anime le laboratoire de recherches et l'esprit scientifique séculier qui trouve ses disciples dans le monde des philosophes ». Et laissons à Pierre Quillet la tâche de préciser que « la cité scientifique est fermée et réglée comme par une clôture et une constitution monastique. La vocation scientifique exige un complet renoncement à tout attachement humain »13(*).

    Finalement, il devient impérieux « que chacun détruise plus encore que ses phobies, ses `'philies'' ses complaisances pour les intuitions premières »14(*).

    Quand on se méfie du monde des complaisances et des intuitions premières, on peut bien accéder à un monde d'objectivité, à un monde du réel tel qu'on doit ou tel qu'il doit se laisser étudier et non pas tel que nous voudrions le rythmer, tel que nous voudrions le voir être, s'accordant et répondant ainsi aux intérêts et aux exigences de notre subjectivité.

    Ceci constituera pour nous la nécessité et l'actualité du parcours de l'histoire des sciences, nécessité pourtant à nous montrer que les hommes du passé ont aussi rencontré des obstacles dans leur démarche scientifique, et à nous renseigner de la manière dont ils ont su tirer épingle du jeu. Quant à son actualité, l'étude de l'histoire des sciences nous montre, à nous philosophes et surtout en tant que chercheurs, la manière dont nous pouvons aussi surmonter les mêmes difficultés ou des obstacles similaires, au lieu de vouloir toujours s'accommoder ou se contenter à une science qui plait. « La science est ennuyeuse, il est dangereux de se l'intéresser »15(*).

    C'est pourquoi, pour bien visiter les creux des profondeurs de la pensée bachelardienne, nous voudrions, autant qu'il nous sera possible, procéder par une étude analytique. L'analyse de la pensée de cet auteur nous semble être une entreprise à perspectives multiples. C'est ce que démontre d'ailleurs Marly Bulcao lorsqu'il préface à l'oeuvre de Jean-Luc Pouliquen où il montre que « l'oeuvre de Gaston Bachelard est d'une telle richesse et d'une telle ampleur qu'elle peut être abordée par des chemins divers. Mais tous nous mènent au même noyau d'une pensé simultante que nous appelle à une rénovation constante des idées et nous entraîne vers la formation d'attitudes nouvelles »16(*).

    Nous marcherons donc à la suite de Gaston Bachelard dans une approche de l'analyse du texte lui-même, ce qui nous permettra, nous l'espérons, de bien répondre à toutes les exigences porteuses du sens de nos recherches. Mais nous devons tout de même dire que, en réalité, la méthode analytique est celle que toute la rédaction de la dissertation comportera dans son ensemble. A côté d'elle, nous aurons à spécifier, dans chacune des sections constitutives du texte, une tactique particulière aux impératifs qui s'offriront et qui s'indiqueront à la recherche.

    Mais le sens de toutes ces remarques et démarches émises en place ressortira mieux lorsque nous aurons décliné la démarche que nous emprunterons. Voici alors la structuration de notre travail.

    Immédiatement après cette longue introduction générale, nous aurons un premier chapitre qui se préoccupera de la démarche scientifique de l'auteur. En tant que relecture du nouvel esprit scientifique, il examinera des questions ou théories épistémologiques relatives à la croissance de la connaissance scientifique. Autant d'ailleurs qu'il sera intitulé, ce chapitre inaugural se chargera de retracer les étapes par lesquelles la nouvelle science serait passée. Mais surtout pour culminer à la conception bachelardienne de l'esprit scientifique.

    Dans le souci, cette fois-ci, de repréciser la conception de l'esprit scientifique chez Bachelard, nous analyserons, dans un deuxième chapitre de notre travail, la notion d'obstacles épistémologiques. à traiter de la croissance de la connaissance scientifique autour de la démarche qu'emprunte Baston Bachelard. Nous y détaillerons l'un après l'autre les obstacles épistémologiques que doit franchir tout esprit désireux d'entrer dans la culture scientifique et nous y ferons suivre la morale que prescrit Bachelard pour l'exercice de la science avant de nous occuper de la notion qui lui est chère, celle de la catharsis.

    CHAPITRE PREMIER : DE LA CONCEPTION BACHELARDIENNE DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE

    0. Mise en place

    « L'être se prend en plusieurs acceptions, il se dit de plusieurs manières », disait Aristote. Ce qui est dit de l'être est aussi vrai de la science, car jusque-là, il n'y a jamais eu et il n'y aurait peut-être pas une formule unique pour exprimer une théorie ou une vérité scientifique.

    S'il y a, en effet, une histoire et un progrès de cette théorie ou vérité, c'est parce qu'à chaque époque, dans la mesure où elle peut se démarquer des autres, a eu sa façon sinon sa manière de penser ainsi que de dire le réel.

    Cependant les rapports entre la théorie que l'on veut exprimer et la vérité qu'elle exprime constituent une question fondamentale en philosophie des sciences. Cette question qui se situe au coeur des débats épistémologiques du XXe siècle, renvoie finalement aux rapports entre discours scientifique et réalité. 

    Notre regard sur la démarche scientifique se veut être de rendre compte de la formation de l'esprit scientifique et de son développement progressif. Il nous semble que ceci est apparu comme une matrice importante du discours scientifique il y a quelques décennies. En ce sens, il s'agira pour nous de prendre acte des règles de prégnance d'intelligibilité et de rationalité qui président, régissent et définissent la formation et le progrès scientifiques dans la validité et l'interprétation de ses théories.

    C'est donc l'auteur comme Karl Popper, Thomas Kuhn, René Descartes, Emmanuel Kant, Jürgen Habermas et surtout Emile Meyerson que nous avons convoqués dans ce chapitre inaugural. Ils ont voulu montrer la pertinence de cette formation et de ce progrès de l'esprit scientifique en proposant à leur manière une conception de ce progrès.

    Le cadre de ce chapitre est donc celui de la relecture des théories épistémologiques relatives au progrès de la science. Nous y développerons l'idée, d'après Bachelard, que « c'est par une démarche d'abstraction enracinée dans le visuel et dont le but est descriptif que l'esprit accède à la science »17(*).

    Nous avons choisi de traiter ces auteurs dans ce chapitre introductif afin de montrer les liens qu'il entretien avec Gaston Bachelard qui nous concerne directement. Et cette relation, c'est l'héritage commun, pour reprendre l'expression de Jean-Claude SCHOTTE, « c'est l'anéantissement et l'ébranlement du patrimoine positiviste »18(*).

    I.1. Emile Meyerson et la conception statique de la science

    La pensée d'Emile Meyerson19(*) voit le jour et émerge dans un cadre absolument polémiquant.

    En effet, Meyerson est en trains de naître scientifiquement dans un environnement scientifique assez dogmatique. Il s'agit, pour être plus exact, de l'épistémologie du néo-positivisme on ne peut plus dogmatique.

    Cependant, héritiers du positivisme d'Auguste Comte, les épistémologues du XIXième siècle promettent et soutiennent une science essentiellement descriptive, qui se limite à l'énoncé de lois scientifiques, et renonce, par conséquent, à comprendre la nature même des choses.

    Définissons de prime abord ce qu'est le `'positivisme''

    Le « positivisme » est une théorie professée par Auguste Comte20(*). Dans son « cours de philosophie positive », il développe une idée essentielle, qu'il appelle « loi des trois états » selon laquelle, l'humanité, la société traversent par trois âges dont `'théologique, métaphysique et positif''.

    Dans le premier, l'esprit humain explique les phénomènes en les attribuant à des êtres ou à des forces mystérieuses ou surnaturelles. Dans la deuxième (métaphysique) c'est à des entités abstraites comme l'idée de nature ou d'esprit qu'il recours. Dans la troisième phase, enfin, l'homme ne vise qu'à une connaissance relative, il recherche non plus les causes mais les lois que déterminent les phénomènes. L'homme arrive à ce qu'il appelle `'l'état scientifique'' `'ou positif'' puisqu'il est capable d'expliquer les phénomènes par les lois. C'est la phase des grands prêtres dont les savants et les industriels.

    Les sciences de l'esprit positif se constituent en rupture avec les deux premiers âges. Auguste Comte classe les sciences en mathématique, astronomie, physique, chimie, biologie, sociologie, chacune prenant pour base la précédente et accédant à un plus haut niveau de complexité `ainsi chimie et biologie.

    Dans cette perspective, la connaissance positive est prise pour connaissance scientifique, rationnelle et vérifiée par l'expérience.

    Elle se réduit à la recherche des lois, des phénomènes, sans que l'on en connaisse la raison d'être. C'est la connaissance que nous donnent les sciences expérimentales. Le savant ne considère que le fait, c'est-à-dire une réalité existante et constatable, donc phénoménale.

    Au dire de Comte, « il s'interdit toute considération au-delà de l'observable »21(*).

    C'est de cette manière - là qu'au XIXième siècle, certains penseurs ont estimé que la connaissance positivisme était la seule connaissance vraie. Cette attitude systématique refusait formellement à l'intelligence humaine le pouvoir de dépasser les phénomènes.

    A en croire, Comte affirme que tout ce qui n'est pas observable, constatable, mesurable est inconnaissable. Il souligne que l'état positif est la période à partir de laquelle l'homme se soucie de découvrir des explications au niveau de l'observation des phénomènes.

    La conception comtienne est désignée sous le nom `'positivisme''. Terme qui renvoie aujourd'hui dans la langue courante, à « la conception selon laquelle l'esprit humain ne saurait atteindre le fond des choses sinon se borner à la seule recherche des lois de la nature, conçues comme des relations invariables de succession et de similitude »22(*). C'est sur la loi des trois états, que nous avons déjà explicité un plus haut, que ce positivisme se repose.

    C'est ainsi que voulant, contredire cette conception des choses, Meyerson commence par étudier les sciences. Déjà à 23 ans, il entre au laboratoire de chimie minérale de Schutzenberger au collège de France, puis au secrétariat de l'institut de psychologie et se consacre aux diverses activités qui témoignent de lui d'un désir encyclopédique de connaître.

    Il part du constant selon lequel pour Auguste Comte, la connaissance ne saurait dépasser la sphère des lois scientifiques. Car d'après Auguste Comte, l'esprit humain passe d'abord par l'état théologique que n'est rien d'autre qu'un « mode d'explication par des agents détenant une volonté »23(*). Vient ensuite l'état métaphysique qui est une « croyance en des entités ou des abstractions »24(*). Viendra enfin l'état positif, « caractérisé par l'abandon total du `'pourquoi'' et le seul attachement au `' comment'', à la recherche des lois effectives gouvernante les phénomènes »24(*).

    Il conclut à propos que le positivisme chez Auguste Comte, ne signifie rien d'autre que ce qui est utile, réel et palpable, contrairement à ce qui est imaginaire ou fictif.

    Cette conclusion meyersonienne nous permet de faire autant une visite qu'un parallélisme entre la conception scientifique d'Auguste Comte et tous ceux qui ont pensé la croissance de la science dans cette perspective.

    Quant à ce, nous commençons notre démarche avec Emmanuel Kant. Pour ce qui est de la question « Que puis-je connaître ? », Kant opère un examen critique de la raison, tout en déterminant ce qu'elle peut faire et ce qu'elle ne peut pas faire.

    « La raison, au sens large, désigne, chez Kant, tout ce qui, dans la pensée, est a priori et ne vient pas de l'expérience »25(*). Elle est théorique ou spéculative lorsqu'elle concerne la connaissance, et pratique « lorsqu'elle est considérée comme contenant la règle de la moralité »26(*).

    Kant opère une critique de la raison spéculative ; non pas une critique sceptique, mais plutôt un examen concernant beaucoup plus l'usage, l'étendue et les limites de cette raison. « Il affirme que seule les phénomènes peuvent être saisis par la raison et non le noumène »27(*).

    Chez Karl Popper, cependant, le savoir implique une vérité certaine, une assurance, donc une certitude. Voilà pourquoi il critique les sciences de la nature, « ce qu'on appelle le savoir propre à la science de la nature n'est pas un savoir car il consiste seulement en conjectures ou en hypothèses »28(*).

    Avec les sciences de la nature, on ne saurait jamais prouver la certitude des hypothèses. A la différence des positivistes logiques, l'ambition de Karl Raymond Popper n'est pas celle d'anéantir les systèmes métaphysiques. Sinon de trouver un critère de démarcation entre science et non science. De ce fait, il substitue le critère de « vérification empirique » par celui de la « falsifiabilité ». « Le but de la falsifiabilité est de montrer que les principes scientifiques ne sont pas des évidences... Par voie de conséquence, la science rêve un caractère inachevé »29(*).

    Il critique également le raisonnement par induction, qui pour lui, a une valeur psychologique et non une valeur logique. A propos de l'induction, Popper pose trois principes :

    1. « On ne peut justifier par des raisons empiriques l'affirmation qu'une théorie universelle est vraie, c'est-à-dire par le fait qu'on admet la vérité de certains énoncés expérimentaux ;

    2. on ne peut justifier par des raisons empiriques l'affirmation qu'une théorie explicative est vraie ou l'affirmation qu'elle est fausse ;

    3. on ne peut justifier quelque fois des raisons empiriques une préférence, du point de vue de leur vérité ou de leur fausseté, en faveur de certaines théories universelles concurrentes »30(*).

    Pour Popper, de nombreuses observations cohérentes ne suffisent pas à prouver la véracité de a théorie qu'on cherche à démontrer, mais au contraire une seule observation suffit à falsifier une théorie.

    Il en résulte qu'une théorie ne peut être « prouvée », mais seulement considérée comme non encore réfutée par des testes intersubjectifs jusqu'à preuve du contraire. De ce fait, on peut distinguer avec Karl Popper, d'abord les théories irréfutables d'un point de vue logique : leur formulation n'admet pas l'existence d'énoncés contradictoires.

    Pour le penseur, une théorie universelle est composée d'une classe d'énoncés de base se subdivisant en deux sous classes d'énoncés dont celle des énoncés confirmant la théorie et celle des énoncés potentiellement contradictoires, qu'il appelle « falsificateurs potentiels ». C'est sur ces derniers que doivent porter les tests expérimentaux. On distinguera ensuite, les théories impossibles à réfuter d'un point de vue empirique.

    Quant il faut dire, par exemple. « Tous les hommes sont mortels », on sent, du moins, que cette théorie, pourtant logiquement falsifiable, par le fait qu'elle permet l'énoncé particulier. Voici un homme immortel, est par contre empiriquement infalsifiable, car aucun expérimentateur, répétons-le, ne vivrait assez vieux et vérifier l'immortalité qui suppose logiquement l'infini.

    Enfin, il y a les théories qui peuvent être réfutées. Seules les potentiellement réfutables font parti du domaine scientifique ; c'est le critère de démarcation des sciences dont la méthode, d'après Popper, est la même pour toutes les sciences.

    Il n'y a pas des sciences exactes, car la vraie science est selon lui, logiquement faillible et sujette à des révisions intersubjectives : « la science est une quête de la vérité. Mais la vérité n'est pas une vérité certaine »31(*). Donc il n'y a que des sciences et des pseudo-sciences.

    Voilà pourquoi il soutient qu'il est inutile de vouloir être scientifique là où on ne peut l'être, se défendant ainsi du criticisme qu'il a toujours combattu.

    Jürgen Habermas, de son côté, fait une critique du positivisme d'Auguste Comte dans lequel il trouve une crise s'expliquant par la réduction de la connaissance en science.

    Le point de départ de sa critique peut se formuler en une seule question relative à la connaissance : « comment une connaissance sûre est-elle possible ? »32(*). Ce même positivisme permet également la naissance et le développement d'une épistémologie analytique dont la connaissance évidente est la restriction du sens de « comprendre » : «comprendre, poursuit-il, c'est établir des lois sous le modèle hypothético-déductif. Dès lors la question logico-transcendantal n'a pas de sens que sous d'une méthodologie concernant les règles de structuration et vérification des théories scientifiques »33(*). Et la seule méthode susceptible est celle des sciences modernes, la méthode expérimentale.

    C'est pourquoi « la question logico-transcendatale qui, dans ses parcours visait à expliquer les sens de la connaissance, est devenue non-sens pour le positiviste du fait des sciences modernes »34(*). Pour Jürgen Habermas, c'est plutôt l'intérêt qui guide la connaissance.

    Gaston Bachelard affirme que Descartes et ses prédécesseurs ont fait de la science mais en posant des questions renvoyant à la « transphénoménologie » alors que l'objet de la science est  « phénoménal ».

    Pour lui, ils faisaient donc de la philosophie dans s'en rendre compte. Bachelard pense qu' « un discours sur la méthode scientifique sera toujours un discours de circonstance, il ne décrira pas une constitution définitive de l'esprit scientifique »35(*).

    Gaston Bachelard constate que « la méthode cartésienne est réductive, elle n'est point inductive »36(*). La réduction faussant l'analyse, elle entrave le développement extensif de la pensée objective. La nouvelle science pour Bachelard, commence avec Newton et Galilée qui ont tracé la ligne de démarcation entre la question du « pourquoi » qui est propre aux philosophes et la question du « comment » celle des scientifiques c'est donc l'avènement de l'épistémologie non cartésienne.

    A partir de laquelle la connaissance scientifique n'apparaît jamais par une illumination subite, mais au contraire, après de long tâtonnements, or « non seulement Descartes croît à l'existence d'éléments absolus dans le monde objectif, mais encore il pense que ces éléments absolus sont connus dans leur totalité et directement »37(*). Ainsi, si on prend pour base la conception traditionnelle de la science, on ne se libère pas des obstacles. Voilà pourquoi on ne sait pas également faire une démarcation dans le sens du progrès.

    Piège dans lequel s'est laissé prendre notre vieux camarade, Emile Meyerson qui, dans l'élaboration de son épistémologie, a semblé méconnaître tous les bouleversements dans les principes même des sciences.

    Il n'a pas pu, selon Bachelard, s'en apercevoir. Ainsi, passant en revue diverses épistémologies en allant d'Aristote aux récents philosophes viennois, Bachelard se rend compte que la science contemporaine est absolument incompatible à une bonne quantité d'articles de foi insoutenables. Crispin Ngwey en donne un tableau schématique pour indiquer le préalable philosophique sur laquelle repose l'épistémologue de Bachelard, surtout pour marquer la rupture qu'il y a entre lui et ses prédécesseurs.

    Parlant de la nouvelle science contemporaine, Ngwey commente que « contrairement à Aristote, elle ne se définit plus comme science du général : elle se fait rationalisme diversifié, spécialisé, régional. Supplantant la simplicité de la vérité cartésienne par la complexité elle impose une épistémologie non-cartésienne. C'est le privilège de l'analyse sur la synthèse. Elle ne reprend pas la distinction kantienne du noumène et du phénomène, qui cantonnait la science au `'phénoménal'', car cette distinction reposait sur une certaine immobilité de la raison catégoriquement structurée. Bachelard affirme que la science contemporaine exhume un véritable noumène mathématico-technique. Au lieu du déterminisme absolu et universel de Laplace, la science contemporaine met en évidence un déterminisme plutôt régional et probabiliste. Elle ne confirme pas l'ontologie vitaliste de Bergson ; elle n'est pas réductrice, mais amplificatrice ; car elle intègre des éléments partiellement définis dans des ensembles plus vastes constituant des corps des notions. Contrairement aux bases existentialistes sartriennes d'une science privilégiant l'existant individuel et immédiat, dénonçant sa structure fonctionnelle et mathématique, la science contemporaine définit son objet essentiellement par sa fonction à partir d'une formule mathématique où il entre comme un élément »38(*).

    En groupe, constate Bachelard, les épistémologies traditionnelles ont eu cette particulière erreur de « fixer » la science. Ce sont, sur un autre registre du langage, des philosophies de l'immobile.

    Et pour l'auteur, si on doit laisser tomber toutes les applications à un étendu panorama des épistémologies traditionnelles pour fixer l'attention sur un point précis de l'histoire des sciences, on pourra facilement se persuader qu'Emile Meyerson incarne, dès 1927 et pour toujours, cette philosophie prétentieuse qui se fait gloire de la pérennité de ses questions et entend soumettre à ses décrets la connaissance scientifique. Bachelard discute de cette question avec Monsieur Emile Meyerson.

    I.2. La déduction meyersonienne

    Nous venons de montrer que l'examen qu'on peut faire et la conclusion à laquelle on peut déboucher des épistémologues traditionnelles sont principalement le constat que ce sont des épistémologies qui s'attardent et s'enferment sur un certain immobilisme. Elles cachent peut-être mal un certain déterminisme de l'esprit humain ou des structures à ne pouvoir connaître que tel qu'il connaît et à ne pouvoir s'alimenter des connaissances que suivant certains procédés catégoriels préétablis. Et pour notre auteur, la logique de la déduction relativiste de Meyerson est une véritable incarnation de l'idéologie d'une philosophie non seulement de l'immobilisme, mais encore des généralités.

    Qu'en est-il plus exactement ? Pour Meyerson, en effet, dans l'élaboration des questions épistémologiques, il doit s'agir « de tirer des théories relativistes des informations sur les principes du raisonnement scientifique en général »39(*). Le relativisme de Meyerson est, pour Bachelard, un aveu de globalisation généraliste qui fait perdre aux théories épistémologiques tout cadre et degré de précision. Selon Meyerson, en fait, qu'il suffise de « conclure que le savant devra soigneusement, en cette matière, se garder de la tentation, que l'obsède constamment, de trop empiéter sur le domaine du philosophe. Car tout homme...fait de la philosophie comme il vit »40(*).

    En ce sens, démontre Meyerson, la structure de l'esprit scientifique et humain est en quelque sorte une structure de l'une fois pour toutes, une structure cloisonnée dans le fixer éternellement. Il y a expressément insisté dans l'examen du travail de la logique et de la psychologie. Dès que l'homme commence à réfléchir sur le monde et sur lui-même, Meyerson réalise qu'il a besoin, pour combattre son ignorance, de la psychologie et de la logique rudimentaire que, selon lui, sont certainement parmi les branches du savoir les plus précoces à éclore. Elles forment encore à l'heure actuelle des parties importantes de la philosophie, sans que d'ailleurs, il convient de l'avouer, leurs domaines respectifs soient entièrement circonscrits, ni surtout nettement séparés l'un de l'autre.

    L'essentiel ici est de montrer que la question à laquelle la logique et la psychologie ont trait est généralement considérée comme une question tranchée « une fois pour toutes », une sorte de procès verbal des règles d'après lesquelles notre pensée procède en fait, « tout en insistant vigoureusement sur le caractère de généralité que l'intellect imprime à tout ce qui constitue le point de départ du raisonnement »41(*).L'identité de l'épistémologie meyersonienne pour la structure de la connaissance scientifique.

    Meyerson pensera d'ailleurs que l' « on se débarrasse de ce qui est relatif aux divers observateurs pour atteindre l'absolu, représenté ici par la distance. Tous les observateurs étudieront le même espace géométrique, et c'est dans ce décor placé une fois pour toute que se dérouleront les phénomènes physiques »42(*).

    L'auteur continue en montrant que « c'est là une remarque éminemment propre à nous faire toucher du doigt à quel point le processus de pensée auquel obéissent les relativistes est conforme au canon éternel de l'intellect humain, qui a constitué non seulement la science, mais, avant elle, le monde du sens commun. En effet, ce monde d'invariants absolus, placé dans le décor éternel de l'espace, n'est pas seulement le monde de la mécanique de Galilée et de Descartes, il est encore celui de notre perception immédiate »43(*).

    Argumentant et embrayant davantage sur cette perspective, Meyerson montre que « ce qu'on désigne comme les concepts du sens commun mais par ailleurs strictement analogue au procédé à l'aide duquel nous formons les théories scientifiques ; que là encore la tendance causale, le principe de l'identité dans le temps, joue un rôle prépondérant, et qu'à ce point de vue le sens commun fait partie intégrante de la science, ou inversement la science n'étant...prolongement du sens commun »44(*).

    Autant de thèses malencontreuses, autant de thèses catégoriques et catégorisantes, autant de thèses déroulantes et ignorantes contre les quelles Bachelard ne cesse de manifester son acharnement le plus décisif.

    Elles sont catégoriques en tant que pour Meyerson, explique Lecourt, « il faut avoir posé l'existence » d'un canon éternel de l'intellect humain pour affirmer, corrélativement, qu'il y a continuité entre science et monde du sens commun, sous réserve d'une réduction de l'espace à un décor »45(*). Et ces thèses semblent aussi déroulantes en raison du fait que Meyerson lui-même semble ne pas se rendre compte de l'état de la question relativiste. Il ne peut se rendre compte du fait que la science physique a suffisamment renouvelé tout l'éventail de son vocabulaire théorique. S'il ne l'ignore pas, Meyerson fait tout au moins simplement fi de « la nouveauté de ces théories relativistes »46(*). Il ne s'imagine pas une moindre rupture entre la science et le monde du sens commun47(*) parce qu'il ne veut pas se permettre un seul instant de « douter de la continuité étroite entre cet avatar le plus récent des théories scientifiques et les phases qui l'ont précédé »48(*).

    Et aussi, parce que, sur ce point, il se fait un véritable et fervent défenseur et conciliateur de Comte et mill. La théorie de la science telle qu'élaborée par Comte fait dire à Meyerson que « même si elles sont grossières, mais ces judicieuses indications d'un bon sens vulgaire sont le véritable point de départ éternel de toute sage spéculation scientifique »49(*). Et Stuart Mill, que Meyerson cite en tant que sectateur du comtisme, trouve pour sa part que « les  lois ultimes auxquelles la science parviendrait dans l'avenir et dont, en attendant, elle se rapprochait chaque jour, se rapporteraient aux sensations qualitatives que nous éprouvons et seraient donc, tout au moins, en nombre égal à celui de ces sensations »50(*).

    C'est de cette manière-là que Bachelard va débattre, défaire et peut-être aussi dépasser et améliorer l'essentiel question de la relativité meyersonienne. C'est pour l'expliciter, une relativité des absolus de la raison ; c'est une épistémologie de l'ontologie du réel. Et dans cette épistémologie où « le réel de la théorie relativiste est, très certainement, un absolu ontologique, un véritable être-en-soi, et plus ontologique encore que les choses du sens commun et de la physique pré-einsteinienne »51(*), dans une épistémologie où « la raison doit se faire violence à elle-même pour s'adapter aux formes qui lui impose le relativisme »52(*) , Bachelard, face aux absolus de la raison qui conduit les principes de la philosophie de Meyerson, proclame le temps venu du déclin de ces absolus, constate dûment un suffisant manque des « trésors d'érudition et de patience »53(*) ; il clame, de façon quasi tranchant contre Meyerson, l'ère du nouveau mouvement de pensée, de la nouvelle mobilité, de la nouvelle articulation de l'esprit scientifique.

    L'ère des absolus de la raison est pour Bachelard l'ère du repos. Or, démontre-t-il, le repos est dominé nécessairement par psychisme « involutif »54(*). Mais, suivant un commentaire de Georges Canguilhem, « la culture épistémologique n'admet pas les revenus du repos... La science moderne fait de la discontinuité une obligation de la culture »55(*).

    Bachelard proclame finalement, autant contre Meyerson que contre les épistémologies traditionnelles, l'heure de la nouveauté et de la révolution de l'esprit et de la science contemporaine.

    Pour lui, en effet, « l'esprit a une structure variable dès l'instant où la connaissance à une histoire ».56(*)

    A cet effet, l'histoire humaine peut bien, dans ses passions, dans ses préjugés, dans tout ce que relève des impulsions immédiates, être un éternel recommencement ; mais il y a des pensées qui ne recommencent pas ; ce sont les pensées sui sont rectifiées, élargies, complétées. Elles ne retournent pas à leur aire restreinte ou chancelante. Or l'esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance. Il juge son passé historique en le condamnant. Sa structure est la conscience de ses fautes historiques.

    Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification historique d'une longue erreur, on pense l'expérience comme rectification de l'illusion commune et première. Toute la vie intellectuelle de la science joue dialectiquement sur cette différentielle de la connaissance, à la frontière de l'inconnu.

    L'essence même de la réflexion, c'est comprendre qu'on n'avait pas compris. « Les pensées non baconiennes, non euclidiennes, non cartésiennes sont résumées dans ces dialectiques historiques que présentent la rectification d'une erreur, l'extension d'un système, le complément d'une pensée »57(*).

    Cette citation nous fait ostensiblement sentir la position structurale de l'épistémologie Bachelardienne. En effet, autant qu'il l'exige pour Meyerson, Bachelard recommande aussi à tous les idéologues de la science de ne jamais renfermer la science dans des boîtes conceptuelles58(*). Pour lui, il y a un éclatement, une ouverture qui s'ouvre à l'aube de tout nouvel esprit scientifique.

    Partant, poursuit Bachelard, les philosophies de l'identité de l'esprit sont des philosophies qui trouvent leur confort, leur garantie et leur sécurité dans une parfaite permanence d'une méthode fondamentale et définitive. Philosophies stagnantes, elles sont encore, sous la plume de l'auteur, des pures philosophies « de l'immobile »59(*).

    I.3. De l'immobilisme classique au nouvel esprit scientifique

    Nous venons de montrer que les philosophies traditionnelles d'esprit d'une conscience et de l'identité de l'esprit se miroitent dans les évidences, dans l'évidence et la tranquillité du « je pense » cartésien, dans l'évidence des catégories de l'entendement kantiennes60(*)...qui se fixent comme lumières uniques, sans espèces, sans variétés.

    Leur plus grand inconvénient est justement, constate Bachelard, de s'endormir sur des apparents succès sans se donner la moindre peine « de modifier l'esprit et d'aller à la recherche des connaissances nouvelles »61(*). Mais la philosophie du nouvel esprit scientifique est véritablement et principalement une philosophie du non, une philosophie de remise en question, et en cause, une philosophie nouménale d'esprit critique.

    Ainsi, on sent que chez Bachelard la connaissance scientifique ne reçoit pas immédiatement l'objectivité, elle est plutôt conquise peu à peu par rectifications successives des erreurs. Cela le conduit à repérer trois périodes dans l'histoire de la science lesquelles périodes décrivent le trajet allant de la perception visuel à l'abstraction complète et pure. Ces périodes sont l'état préscientifique, l'état scientifique et l'ère du nouvel esprit scientifique.

    I.3.1. La période préscientifique

    Elle est le premier âge de l'esprit humain. Aussi, « la première période représentant l'état préscientifique...Elle comprendrait à la fois l'antiquité classique et les siècles de renaissance et d'efforts nouveaux avec le XVIème, le XVIIème et même le XVIIIème siècles »62(*).

    A cette étape, Bachelard, fait correspondre état concret « où l'esprit s'amuse des premières images du phénomènes et s'appuie sur une littérature philosophique glorifiant la Nature, chantant curieusement à la fois l'unité du monde et sa riche diversité »63(*).

    Toute chasse gardée, nous soulignons, avec Bachelard, que le propre de l'esprit de cette époque est « d'user d'images comme de principes explicatifs de tout phénomène »64(*). Or l'image est issue des données immédiates de l'expérience de l'expérience sensible.

    Pendant cette période, vivant l'empirisme pure, l'esprit ne cherche pas à détruire une image familière, de laquelle il tire son explication définitive, mais il l'enrichit même en substituant presque l'image choisie à la place du phénomène préalablement étudié.

    Alors que bon nombre de grands esprits furent séduits et bloqués dans l'imagerie, première, l'état préscientifique aurait encore d'autres caractéristiques c'est celle d'attribuer à des êtres inanimés des propriétés propres aux vivants. Et Bachelard d'ajouter : « l'esprit préscientifique prête à la vie un caractère universel. A la fin du XXIIIème siècle, on attribue encore des maladies aux métaux... ». La « rouillé, par exemple, est considérée comme une imperfection ou une maladie... Le mythe de la fécondité de mines et des carrières ne disparaîtra qu'au XVX ème siècle... L'esprit préscientifique attribuant au courant électrique toutes sortes de fausses qualités, notamment un goût. On prêtait en effet à cette matière subtile le pouvoir de s'imprégner des substances qu'elle traversait. En rapprochant deux électrodes sur le bout de la langue, on était donc en mesure de goûter le courant électrique modifié par son passage des diverses matières »65(*).

    C'est une période, dit Bachelard, des balbutiements de la pensée scientifique que, « nous pouvons traiter comme des curiosités amusantes,... La science de notre époque étant heureusement préservée de tels égarements, où des images ou des valeurs inconscientes résistent à la première nationalisât »66(*).

    Elle est enfin, la période de la « somnolence du savoir, « animée par la curiosité naïve, frappée d'étonnements devant le moindre phénomène instrumenté, jouant à la physique pour se distraire, pour avoir un prétexte à une attitude sérieuse, accueillant les occasions du collectionneur, passive jusque dans le bonheur de penser »67(*).

    Alors que cette dernière empêche l'esprit sa remise en question permanente de sorte que des vestiges de croyances anciennes peuvent subsister dans un esprit déjà en marche vers l'abstraction.

    Aux dires de Bachelard, « A toute époque, chaque individu doit effectuer le chemin vers l'abstraction s'il veut accéder à la science, ... Or, nul étant à l'abri des préjugés issus de l'expérience première, chacun va devoir spirituellement rajeunir pour accéder à la science.

    Sur ce, il devra donc procéder à une véritable psychanalyse de l'esprit afin d'accéder à la connaissance scientifique »68(*).

    I.3.2. La période de l'état scientifique

    Elle est le deuxième âge de l'esprit humain. Déjà en préparation à la fin du XVIII ème siècle, elle s'étendrait sur le XIX ème et le début du XX ème siècle.

    Cette période, elle représente l'état scientifique auquel Bachelard correspond l'état concret abstrait où « l'esprit adjoint à l'expérience physique des schémas géométriques et s'appuie sur une philosophie de la simplicité »69(*).

    Pendant cette période, l'esprit est encore dans une situation paradoxale : « il est d'autant plus sûr de son abstraction que cette abstraction est plus clairement représenté par une intuition sensible »70(*).

    C'est aussi le caractère hybride de la pensée qui, a toute fière de son dogmatisme, immobile dans sa première abstraction, appuyée pour la vie sur les succès scolaires de sa jeunesse, parlant chaque année de son savoir, imposant ses démonstrations, tout à l'intérêt déductif, soutient se commode de l'autorité, enseignant son domestique comme fait Descartes ou le tout venant de la Bourgeoisie comme fait l'Agrégé de l'université71(*).

    A en croire Bachelard, ce qui distingue le scientifique du préscientifique, c'est que le premier se garde bien de prendre cette explication primaire comme définitive. Tout au contraire, la seconde cherche à la dépasser. Mais il cherche à fonder son abstraction dans le sensible.

    Ce que Bachelard entreprend de nous montrer ici que l'esprit n'a pas encore atteint son paroxysme, il est encore dans son stade transitoire où « ...nous voyons bien une preuve de la somnolence du savoir, une preuve de cette avarice de l'homme cultivé ruminant sans cesse le même acquis, la même culture et devenant, comme tous les avares, victime de l'or caressé... »72(*).

    I.3.3. La période du nouvel esprit scientifique

    Elle est le troisième stade de l'esprit humain. Elle correspond à l'ère du nouvel esprit scientifique, qui, celle-ci s'ouvre en 1905, au moment où la relativité einsteinienne vient déformer des concepts primordiaux que l'on croyait à jamais immobiles.

    Avec le nouvel esprit scientifique, c'est tout le problème de l'intuition qui se trouve bouleversé, le caractère immédiat de l'évidence cartésienne sera troublé.

    C'est l'état abstrait où l'esprit entreprend des informations volontairement soustraits à l'instruction de l'espace réel, volontairement détachées de l'expérience immédiate et même en polémique ouvert avec la réalité première, toujours impure, toujours informe »73(*).

    Ce nouvel esprit scientifique a comme caractéristique la mise à distance des natures simples et absolues de Descartes et s'attache à la complexité essentielle des notions.

    C'est la période du sens doublé de l'abstraction où « l'âme en mal d'abstraire et de quintessencier, conscience scientifique douloureuse, livrée aux intérêts inductifs toujours imparfaits, jouant le jeu périlleux de la pensée sans support expérimental stable ; à tout moment dérangée par les objections de la raison, mettant sans cesse en doute un droit particulier à l'abstraction, mais se sûre que l'abstraction est un devoir, le devoir scientifique, la possession enfin épurée de pensée du monde »74(*).

    Bachelard, en effet, souligne la nouveauté essentielle de la pensée scientifique contemporaine qui se caractérise par l'abstraction, la complexification et le refus des natures simples, mais aussi par le clivage par rapport à l'expérience commune.

    Ainsi avec le nouvel esprit scientifique, la vérité est construit contre l'évidence, contre les illusions de la connaissance immédiate. C'est en ce sens que Bachelard parle d'une « philosophie du non ».

    De ce fait, la vérité scientifique ne doit plus être cherchée dans le verdict d'une expérience, ni dans la cohérence rationnelle, mais elle vient désormais de la régulation mutuelle de l'expérience et du raisonnement.

    Quel que soit le point de départ de l'activité scientifique ; Bachelard nous convainc que l'abstraction reste le moment ultime de la formation et de l'accession de l'esprit scientifique. Il voit dans l'abstraction la démarche normal et féconde de l'esprit scientifique, il dit à cet effet, « on décèle bien vite un élan qui va du géométrique plus ou moins visuel à l'abstraction complète »75(*).

    Mais, Bachelard constate qu'au cours de l'histoire, cette marche vers l'abstraction se trouve entravée par des préjugées et des modes de pensée que font obstacle à son progrès et que notre philosophe nomme « obstacles épistémologiques »76(*). Notion que forme le noyau de la pensée bachelardienne et que nous réservons dans ce deuxième chapitre.

    A cette période, le réel n'est plus ce que l'on peut montrer du doigt, mais ce que l'on démontre. C'est-à-dire que l'objet du savoir scientifique se présente comme un élément de formule mathématique.

    Cette formule définit un programme rationnel d'expérience technique. Nous assistons dans la science moderne à l'émergence d'une véritable réalité mathématico-technique. La réalité qu'étudie le physicien est un réel artificiel.

    C'est seulement à l'intérieur des coordonnées d'une expérience minutieusement préparée que le scientifique définit son objet.

    I.6. Conclusion du chapitre premier

    Toute l'épistémologie embrayée en histoire des sciences au cours du XIXième siècle que nous avons étudiée dans le premier chapitre de notre étude, est une épistémologie qui s'est chargée de la théorie cumulative dans la formation et le développement scientifiques. Les analyses de Meyerson auxquelles on peut joindre les travaux d'Auguste Comte, ainsi que ceux de Kant, de Descartes, de Habermas et autres étaient toutes porteuses de cette idéologie.

    Avec ces épistémologies traditionnelles, la structure évolutive des connaissances scientifiques accroissait par une sorte de sédimentation progressive. Et la formation de son objet se fait au contact entre la construction rationnelle et la « réalité » alors que le nouvel esprit scientifique se veut une science créatrice de formes et que rectifie les anciennes structures.

    Ces épistémologies ont perduré et ont alimenté les travaux au début du XX ième siècle. C'est principalement ce dont les épistémologues Viennois ont pu hériter et qu'ils ont développé en se basant entre autres sur la mise en oeuvre d'un principe de vérification comme critère de démarcation pour la science.

    Un des traits caractéristiques de ces épistémologies est justement, ce dont elles ont hérité du siècle avant, la nette prédominance de la théorie cumulative dans le progrès de la science, accentuant davantage le principe d'induction.

    C'est principalement dans le contexte tumultueux et presque polémiquant qu'a pris place, autour des années 30, une discussion visant le dépassement de cercle de vienne. C'est là la justification du rationalisme réaliste dont se charge Emile Meyerson pour donner le ton à une nouvelle direction de la problématique des sciences de la nature. C'est aussi tout ce autour de quoi s'est construit notre premier chapitre.

    Nous avons voulu montrer ou retracer le contexte d'émergence du nouvel esprit scientifique en partant du positivisme via le rationalisme de Meyerson. Le rationalisme de Meyerson, un rationalisme réaliste, un rationalisme statique.

    En gros, ce chapitre a voulu faire un coup de projecteur aux travaux de Gaston Bachelard. Dans son souci d'anéantissement du patrimoine positiviste et néo-positiviste, il s'est voulu être la propédeutique à l'exigence de la coupure épistémologique, de la rupture méthodologique et des déplacements philosophiques chez Gaston Bachelard telle que nous allons l'analyser dans le chapitre suivant, pour découvrir comment un nouvel esprit nécessite impérativement la catharsis afin d'accéder à la connaissance.

    CHAPITRE DEUXIEME : LES OBSTACLES EPISTEMOLOGIQUES

    II. 0. Mise en place

    Depuis le début du deuxième quart du XX ième siècle, les travaux de Karl Popper surtout les contributions de Gaston Bachelard ont donné le ton à un nouvel idéal de rationalité progressiste dans les sciences, mettant ainsi en mal les philosophies des sciences traditionnelles, en l'occurrence l'empirisme logique des épistémologues néo-positivistes.

    En effet, comme Popper et les autres qui ont épousé l'idéal de rationalité, Bachelard, par une nécessité interne et propre à son oeuvre, se montre très critique à l'endroit de la philosophie des sciences traditionnelles et ne cesse de repenser la tache du philosophe face à sa manière de penser le progrès de la science.

    Faisant une analyse des conditions de la connaissance, Bachelard a soutenu qu'elle progressait essentiellement par une victoire sur les obstacles épistémologiques qui sont conçus, à la fois comme une entrave à la connaissance scientifique et comme indispensables pour connaître la vérité. Ainsi « déceler les obstacles épistémologiques, c'est contribué à fonder les rudiments d'une psychanalyse de la raison »77(*).

    L'idée d'obstacles épistémologiques comme entrave telle que nous l'avion repris dans la formulation de l'intitulé de ce chapitre est donc toute la feuille de route avec laquelle cheminera notre chapitre. La notion d'obstacles épistémologiques contre lesquels doit se former toute pensée scientifique y sera abordée afin de montrer la discontinuité bachelardienne entre la connaissance commune et la connaissance scientifique.

    C'est cette même dimension de discontinuité bachelardienne qui régit d'ailleurs toutes les sciences contemporaines, sera particulièrement mise en exergue, d'une part parce qu'elle se situe au coeur même de l'entreprise épistémologique de Gaston Bachelard, et, d'autre part, en tant qu'elle aboutit à ce grands moments de saccades, de mutations et de conversions dans les systèmes de pensée à travers lesquelles on lit, selon notre philosophe, les dialectiques enveloppantes. C'est là, comme on peut se rendre compte, le squelette de ce chapitre.

    II.1. La notion d'obstacles épistémologiques

    Le livre de Gaston Bachelard78(*) sur la formation de l'esprit scientifique porte essentiellement sur l'édification des obstacles qu'il faut vaincre pour libérer la connaissance objective. Le sous-titre de ce manuel l'explique un peu plus clairement d'ailleurs. Il dit que «l'esprit doit passer par une thérapie psychanalytique avant d'appréhender la splendeur du réel.

    Ces obstacles sont des éléments socio-culturels, psychologiques qui comme base de notre savoir d'orientation et de notre combat avec les objets, pour reprendre l'expression du professeur Akenda79(*), sont en réalité des fausses précompréhensions communiquant une erreur. Il s'agit, en d'autres termes, des habitudes intellectuelles, des expériences premières, des connaissances fort générales, des idées dont on se sert le plus souvent, des images familières, des connaissances unitaires et pragmatiques, des routines. Ces éléments peuvent entraver non seulement la recherche, mais aussi l'apprentissage et peuvent ainsi devenir des facteurs d'inertie pour l'esprit.

    L'intention de Bachelard est donc de déceler les motivations philosophiques des concepts scientifiques qu'il considère comme des obstacles sur la voie de la réalisation d'une science. Pour parvenir à la science, il faut, pour l'auteur, triompher d'un certain nombre d'obstacles. Pour lui, « quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser les problèmes de la connaissance scientifique. Et il ne s'agit pas de considérer des obstacles externes... C'est dans l'acte même de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles »80(*).

    Avec cette notion, on perçoit quasi suffisamment la pointe de la problématique épistémologique de Bachelard. Elle commande la double orientation de sa philosophie ; « la formation de l'esprit scientifique contre les valorisations inconscientes, la connaissance sensible et toute forme d'évidence immédiate ; la réhabilitation dans l'ordre de l'imaginaire des expériences condamnées sur le plan de la rationalité »81(*).

    La pertinence et l'originalité de la problématique des obstacles épistémologiques amènent Bachelard à considérer qu'à certains moments de l'histoire, la connaissance la connaissance ne progresse pas, entravée et gênée, qu'elle l'est par les obstacles épistémologiques.

    Ils sont, pour l'auteur, des préjugés métaphysiques, implicites qui régissent, organisent et entachent l'inconscient du chercheur.  Il dit à propos : «  La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n'est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes... Le réel n'est jamais ce qu'on pourrait croire mais il est toujours ce qu'on <aurait dû penser> ».82(*)

    Selon, lui donc, l'esprit qui veut parvenir à la science doit abandonner son passé d'images, de sorcellerie, de magie, d'esprit mystique.... Et son adhésion spontanée à l'immédiat.

    Dans ce sens, écrit Bachelard, « en revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel.... En fait on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation ».83(*)

    Un obstacle épistémologique désigne ainsi, dans l'entendement bachelardien, tout ce qui empêche l'esprit de se placer dans une perspective de la pensée, c'est-à-dire de la construction rationnelle, ne lui permettant pas en même temps de parvenir à l'abstraction qui, à en croire l'auteur, non seulement elle reste la seule voie qui permet à l'esprit d'accéder à la science mais aussi « débarrasse l'esprit... allège celui-ci ... le dynamise »84(*).

    Pour Bachelard, nul n'est ignorant quant il commence son apprentissage scientifique. Malheureusement, cependant, le savoir commun que quelqu'un possède déjà le prépare très mal l'appropriation des connaissances objectives. « Quand il se présente à la culture scientifique, écrit Bachelard, l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il l'âge de ses préjugés. Accéder à la science, c'est spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé.85(*).

    Examinons, de ce fait, quelques uns de ces obstacles épistémologiques.

    II.1.1. L'expérience première

    Le premier obstacle dans la formation d'un esprit, c'est l'expérience première. Il s'agit de « l'expérience placée avant et au-dessus de la critique qui, elle, est nécessairement un élément intégrant de l'esprit scientifique »86(*)

    L'expérience première n'est jamais un appui sûr tant que la critique n'a pas opéré explicitement. Elle est sensible, immédiate et se présente avec un luxe d'images pittoresques, concrètes, naturelles et faciles.

    Ainsi, le premier obstacle de toute culture et de toute entreprise scientifiques est, pour notre philosophe, l'expérience immédiate. Cet obstacle consiste à s'attacher aux aspects pittoresques et spectaculaires d'un phénomène, ce qui éventuellement, empêche alors de voir d'autres aspects importants. « Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devait savoir »87(*)constante Bachelard, qui, s'appuyant sur une forte connaissance de l'histoire des sciences, puise dans la théorie de la Physique du XVIe siècle ses arguments et ses exemples les plus frappants.

    Il parle, par exemple, de la bouteille de Leyde, ancêtre de la pile électrique. Il démontre que dans le cas d'une décharge électrique, on ne peut retenir aucune connaissance d'une telle expérience exécutée avant tout pour obtenir le spectacle étonnant des moines alignés en file indienne et qui tressaillent en même temps.

    Nombre d'autres exemples peuvent être cités dans le cas de cette décharge électrique où généralement, pense Bachelard, l'étonnement se mêle à l'amusement. Le plus souvent, alors, « loin d'aller à l'essentiel, on augmente le pittoresque »88(*). Et pour Bachelard, la théorie de l'électricité du XVIII ième siècle s'est particulièrement a caractérisée par cet obstacle épistémologique.

    L'articulation d'un vaste règne d'images contradictoires amenait la rêverie à condenser facilement des merveilles. Elle faisait ainsi converger les possibilités les plus inattendues.

    L'esprit scientifique se bornait à avoir l'explication se fonder toute entière sur les traits parasites mis en surcharge. « Ainsi se préparent, selon notre auteur, des véritables abréviations parce que le pittoresque de l'image entraîne l'adhésion à une hypothèse non vérifiée »89(*).

    Démontrant davantage comment un détail pittoresque vient donner l'occasion d'une explication intempestive, Bachelard - qui démontre en même temps qu'on arrive par des images aussi simplistes à d'étranges synthèses - évoque un exemple pertinent du XVIIIe siècle. Il écrit ceci : « En réalité nous imaginons mal l'importance que le XVIIIe siècle attribuait aux automates. Des figurines de carton qui dansent dans un champ électrique semblaient, par leur mouvement sans cause mécanique évidente, se rapprocher de la vie. Voltaire va jusqu'à dire que le fluteur de Vaucanson est plus près de l'homme que le Polyre ne l'est de l'animal. Pour Voltaire lui-même, la représentation extérieure, imagée, pittoresque prime sur des ressemblances intimes et cachées ».90(*)

    Alors que, d'après Bachelard, le scientifique, c'est celui qui a le souci de remettre en cause les observations qu'il fait ; c'est celui qui cherche toujours à faire progresser sa science. Il n' y a pas à accepter une information ou une information, sans pourtant le critiquer.

    En fait, l'observation a besoin d'un ensemble de précautions qui amènent à réfléchir avant de regarder et qui reforment la première vision. La première observation n'est jamais bonne. Elle doit être mise à l'épreuve. Pour Bachelard, en effet, « l'observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant, elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas ».91(*)

    Avant l'avènement de la science, la nature était considérée comme une puissance mythique sur la quelle l'homme n'avait aucune emprise. Mais avec la science, l'homme commence à expliquer quelques faits. L'homme, grâce à la science et sa fille technologie, est arrivé à transcender certains faits naturels. Voilà que « les phénomènes naturels sont désarmés parce qu'ils sont expliqués »92(*) Jadis, les éclairs des tonnerres faisaient peur parce qu'ils n'étaient encore expliqués. Mais aujourd'hui ce qui est vrai, c'est que « la doctrine du tonnerre est entièrement rationalisée »93(*).

    L'homme scientifique doit être habité par une curiosité scientifique qui le poussera à tout vérifier. Le scientifique ne doit pas avoir une foi aveugle. Il ne doit pas croire pour le plaisir de croire. Bachelard précise, « En donnant une satisfaction immédiate à la curiosité, multipliant les occasions de la curiosité, loin de favoriser la culture scientifique, on l'entrave. On remplace la connaissance par l'admiration, les idées par les images »94(*). Il ne faut jamais accepter une vérité scientifique ou un fait scientifique, sans en connaître le principe fondamental.

    Il faut chercher à saisir la vraie réalité de par sa nature même. Le scientifique doit toujours à la science pour saisir la portée d'une information. « Mieux vaudrait une ignorance complète qu'une connaissance privée de son principe fondamental ».95(*)

    Toujours, dans cette perceptive, il sied de signaler que « sans la mise en forme rationnelle de l'expérience qui détermine la position d'un problème, sans ce recours constat à une construction rationnelle bien explicite, on laissera se constituer une sorte d'inconscient de l'esprit scientifique qui demandera ensuite une lente et pénible psychanalyse pour être exorcisé ».96(*) Cette psychanalyse sera lente et pénible parce que l'esprit aura déjà développé des idées incohérentes en quantité, par le fait que les connaissances s'enchaînent dans le domaine scientifique. La nouvelle connaissance ne vient que se greffer sur l'ancienne connaissance. Ainsi évolue la science.

    Il faut donc que l'esprit soit préparé à comprendre que l'expérience première n'est pas un appui stable t cohérent pour le fondement de la science. Car, le désir superficiel d'objectivité de l'esprit préscientifique est le premier obstacle contre lequel l'esprit scientifique doit lutter. La première objectivité est, aux yeux de Bachelard, la première erreur. Selon Bachelard, « au spectacle des phénomènes les plus intéressants, les plus frappants, l'homme va naturellement avec tous ses désirs, avec toutes ses passions, avec toute son âme. On ne doit pas s'étonner que la première connaissance objective soit une première erreur ».97(*)

    Que l'esprit qui veut connaître puisse être libre, sans idées préconçues. Cela le conduira à la découverte d'une réalité purement authentique.

    II.1.2. La connaissance générale

    Gaston Bachelard s'attaque aux généralisations hâtives et faciles, il estime en fait que « rien n'a plus ralenti le progrès de la connaissance scientifique que la fausse doctrine du général qui a régné d'Aristote à Bacon inclus et qui reste, pour tant d'esprit, une doctrine fondamentale du savoir ».98(*)

    Selon notre penseur, l'obstacle de la connaissance générale est celui qui consiste à généraliser trop vite un concept, à tel point que cette généralisation obscurcit d'autres perceptions de la compréhension. Il est donc clair de plus comprendre cette science du général dans le sens d'un arrêt de l'expérience, d'un échec de l'empirisme inventif.

    On n'a pas tendance à vérifier un argument qu'avance un groupe. On croit que plusieurs personnes ne peuvent pas se tromper. On croit que la vois de la majorité est toujours authentique. On se contente d'une vague induction : « Bien souvent, écrit Bachelard, afin d'indiquer d'une manière simple comment le raisonnement inductif, fondé sur une collection de faits particuliers, conduit à la loi scientifique générale, les professeurs de philosophie décrivent rapidement la chute de divers corps et concluent : tous les corps tombent ».99(*)

    Ces professeurs croient qu'avec un tel exemple, ils ont marqué le pas dans la perspective du progrès de la pensée scientifique. Par rapport à la pensée aristotélicienne, cette position se présente comme une rectification ou une amplification de la généralité. Bachelard précise : « Aristote enseignait que les corps légers, fumées et vapeurs, feu et flamme, rejoignaient à l'empyrée leur lieu naturel, tandis que les graves cherchaient naturellement la terre de philosophie qui enseignent que tous les corps tombent sans exception ».100(*)

    Et croient -ils avoir fondé la loi de gravitation, qu'ils auront à présenter comme une doctrine saine ? Nous devons alors nous poser la question de savoir si réellement de telles lois constituent des pensées authentiquement scientifiques, ou elles suggèrent une autre réalité. En effet, si on part de la mécanique, on peut affirmer que tous les corps tombent ; en optique on dira que tous les rayons lumineux se propagent en ligne droite. Le biologiste quant lui soutient que tous les êtres vivants sont mortels.

    Si nous partons de la proposition des biologistes, nous pouvons dire les faits ne sont pas toujours faciles à vérifier. En effet,, ne peut prononcer cette phrase « les vivants sont mortels » que celui qui ferait l'expérience de ne pas mourir. Puisqu'en disant un tel énoncé et que soi-même aussi, on mourait, qui alors aura à vérifier que réellement c'est vrai que tous les êtres vivants sont voués à la mort ? Et si autre chose arrivait après la mort de celui qui a prononcé la phrase ?

    Le deuxième exemple qui illustre bien cet obstacle, l'auteur le tire de l'enseignement du principe d'Archimède, qui, chez Bachelard constitue un véritable morceau d'anthologie pédagogique. Il montre qu' « un principe aussi essentiel peut complètement échapper aux élèves qui expliquent la flottaison par la seule activité des corps flottants. En quelque sorte, si des corps flottent, c'est parce que qu'ils font tout pour cela ».101(*)

    Pour Gaston Bachelard, il faut beaucoup de patience pour réfuter les fausses explications trop généralisantes. Le corps flotte parce qu'il est léger. Et les bateaux ? Les bateaux flottent parce qu'ils sont propulsés par un moteur. Et à l'arrêt ? A l'arrêt ils continuent à flotter parce qu'ils contiennent de l'air. Et quand ils sont pleins ? Etc...

    De même que la flottaison cache la poussée d'Archimède, de même la vitesse cache le concept d'accélération. A l'occasion de la loi de la chute des corps, on peut demander à l'élève de définir l'accélération. « Comme presque tout le monde, il répondra qu'accélérer consiste à aller plus vite, faisant appel par là à l'expérience habituelle de la conduite automobile ; on assimile ainsi l'accélération à la vitesse la plus importante... Elle est la vitesse de la vitesse ».102(*)

    Partant de ces considérations que l'histoire lui offre, Bachelard indique qu' « on peut se rendre compte que la généralité immobilise la pensée, que les variables relatant l'aspect général portent ombre sur les variables mathématiques essentielles... En gros, ici la notion de vitesse cache la notion d'accélération. Et pourtant elle qui correspond la réalité dominante ».103(*)

    Dans la perspective de Bachelard, la pensée scientifique moderne s`est déjà considérablement heurté à l'obstacle de la généralité. Alors qu'elle recherche ardemment l'objectivité - fuyant ainsi l'universalisme -, elle s'attardait plus à la collection des objets plus ou moins analogues en lieu et place de rechercher la précision et la cohérence des attributs (qui doivent de prime abord caractériser l'objectivité).

    Bachelard constante, de cet effet, que ce qui limite une connaissance est souvent plus important, pour le progrès de la pensée, que ce qui étend vaguement la connaissance. Or, poursuit-il, « une connaissance qui manque de précisions ou, pour mieux dire, une connaissance qui n'est pas donnée avec ses conditions de déterminations précises n'est pas une connaissance scientifique. Une connaissance générale est fresque, elle est une connaissance presque fatalement une connaissance vague »104(*)

    Au lieu que l'esprit puisse être libre et entreprendre des recherches, la généralisation se constitue en un certain obstacle.

    A en croire Bachelard, la généralité immobilise la pensée, elle est une connaissance sans précision, une connaissance dépourvue de ses conditions de détermination, de ce fait, elle est loin d'être scientifique.

    II.1.3 L'obstacle verbal

    Après la facilité avec laquelle l'esprit se laisse emporter à des généralisations indéfinies et stérilisantes, Bachelard entreprend d'étudier un autre obstacle, qui selon lui, « à mettre un mot à la place d'une explication : Il s'agit bien de l'obstacle verbal. ».105(*)

    Pour notre auteur, il y a une extension abusive des images familières à la connaissance objective dont le cas type est l'éponge. Le mot éponge, selon Bachelard, « permet d'expliquer les phénomènes les plus variés ; on croit expliquer et reconnaître ces phénomènes. Avec cette explication, on aboutit à une considération erronée, à une fausse explication obtenue à l'aide d'un explicatif. La fonction de l'éponge est tellement évidente, claire et distincte, qu'on ne sent pas du tout le besoin de l'expliquer ».106(*)

    En effet, Bachelard pense qu'il y a effectivement extension abusive des images familières à la connaissance objective dans ce sens, on croit avoir expliqué un phénomène alors qu'on n'a fait que cacher son ignorance par le mot généralement à la mode. Bachelard donne, pour s'expliciter, l'exemple de l'éponge qui fut à la mode au VIIIe siècle. Il reproduit une longue citation de Réaumur qui, prétend expliquer les phénomènes atmosphériques par la structure spongieuse de l'air. Selon cette explication « on a pu dire que les nuages étaient des éponges volantes qui aspiraient l'eau au-dessus des mers et qui, pressés les uns contre les autres par le vent, la rendaient sous forme de précipitations »107(*). Nous pouvons nous-mêmes constater que, sous l'emprise du leitmotiv de l'éponge, on prenait une simple image pour une explication entière.

    Dans la même perspective, note Bachelard, « Lémery appelait la pierre de bloque une <éponge de lumière> avec un peu plus de précision car cette pierre phosphorescente garde, après exposition au soleil, une certaine quantité de <lumière lumineuse> qu'elle laisse ensuite s'écouler ».108(*)

    La pierre de bloque est prise ici pour une éponge absorbant un autre corps qu'est la matière lumineuse, après l'exposition au soleil. Le déplacement de ce concept est dû au fait que cette pierre exposée, une fois retirée du soleil, garde encore une quantité de matière lumineuse. Cela pousse à dire autre chose sur cette pierre de bloque. « En d'autres termes, une éponge nous montre la spongiosité. Elle nous montre comment une matière particulière s'emplit d'une autre matière. Cette leçon de la plénitude hétérogène suffit à tout expliquer »109(*).

    Nous remarquons que même les grands esprits n'ont pas échappé à cet obstacle. Remettre en cause la première image que nous présente une éponge, est pour Descartes un grand péché ; car l'image d'une éponge parait être suffisante pour lui, dans une explication particulière : on parle chez lui de la métaphysique de l'espace de l'éponge.110(*)

    A propos de cet obstacle qui n'a pas épargné même les grands esprits, Bachelard, qui prend en témoin Van Swindem, réalise que « les métaphores séduisent la raison »111(*), sur ce cet effet, il suggère que l'effort abstractif prime, dans la psychanalyse de la connaissance objective, au pouvoir du pittoresque des images naïves. Il dit à propos « la construction des schémas rationnels doit quitter, selon Gaston Bachelard, le domaine des intuitions premières pour celui des illustrations travaillant au-delà des concepts ».112(*) Il y a donc d'après Bachelard, « les dangers des métaphores immédiates pour la formation de l'esprit scientifique, c'est qu'elles ne sont pas toujours des images qui passent ; elles poussent à une pensée autonome ; elles tendent à se compléter, à s'achever dans le règne de l'mage » 113(*). De telles pensées, constate le philosophe français, bloquent le progrès de la science.

    II.1.4. L'obstacle de la connaissance pragmatique et unitaire

    Nous examinons ici deux principes explicatifs : l'unité de la nature et le principe utilitaire, deux autres obstacles nécessitant la purification. Le premier principe correspond à une tendance à unifier les phénomènes au sein d'une seule et même nature. Les préscientifiques avançaient alors comme hypothèses toutes les difficultés vont se résoudre grâce à une nature et une et homogène. Ils considéraient l'unité comme un principe toujours désiré, toujours réalisé à bon marché.

    Pour eux, «  il faut directement avoir à l'esprit que ce qui est vrai du grand l'est du petit et vice-versa, et à la moindre dualité, on doit soupçonner une erreur »114(*).

    Quant à l'utilité, il faut aussi l'exorciser car elle conduit également à des généralisations exagérées : c'est une utilité d'origine humaine que l'on cherche dans tous les phénomènes.

    Le besoin d'unité et d'utilité pose un certain nombre de faux problèmes. Voilà pourquoi l'esprit moderne a rompu avec ce mythe de l'unité. Ainsi, « il pense en particulier le problème théologique sur le plan différent de celui du problème cosmologique ». 115(*)

    Bref, un esprit qui se veut moderne doit se libérer de ce besoin d'unité et d'utilité afin de progresser librement vers la vraie réalité. C'est cela la préoccupation de la science contemporaine : elle « s'instruit sur des systèmes isolés ». 116(*)

    En effet, les valorisations substantialistes et verbales conduisent pour la plupart de temps à l'unitarisme de la connaissance.

    Gaston Bachelard trouve en cette formulation une grande erreur et un grand obstacle de la connaissance pragmatique, qui, dans son vocabulaire consiste à « vouloir expliquer un phénomène par son utilité, comme si le monde était organisé comme une gigantesque et merveilleuse machine dans laquelle chaque pièce à une place et y joue un rôle en vue du tout ».117(*)

    Les explications grecques les plus mythiques mais aussi les plus bêtes, remarque l'auteur, ont été données suivant ce procédé et heurtant à une telle difficulté : « l'esprit préscientifique expliquerait le tonnerre comme le bruit par Jupiter pour féconder la terre et les semences ; les raies du potiron seraient tracées afin qu'on le découpe facilement en parts égales en famille ; la pluie ne serait que l'eau du bain par lequel la vierge Marie nettoie son fils Jésus -Christ »118(*).

    Ce thème de l'harmonie du monde, ce thème « d'une weltanschauung », ce thème où « toutes les difficultés se résolvent devant une vision générale du monde, par simple référence à un principe général de la Nature »119(*) un tel thème n'épargne pas les grands scientifiques, constate, Bachelard. Il en trouve un exemple intéressant chez Newton, à propos de la nature des comètes.

    Voilà ce qu'il en écrit : « loin que les comètes soient dangereuses ...Elles sont, selon Newton, des nombreux bien faits du créateur ... (Newton) soupçonne que les vapeurs qui sortent d'elles sont attirées dans les orbites des planètes, et servent à renouveler l'humanité de ces globes terrestres qui diminue toujours. Il pense que la partie la plus élastique et la plus subtile de l'air que nous respirons nous vient des comètes... il me semble que c'est deviner en sage, et que c'est tromper, c'est se tromper en grand homme ». 120(*)

    Toutes les illustrations qu'il décèle de l'histoire des sciences tous ces pertinents exemples qu'il y rencontre amènent Bachelard à la considération que l'attitude pragmatique est catastrophique pour la science.

    Non seulement elle constitue un des plus grands obstacles épistémologiques, mais encore parce qu'elle est une bonne source d'incompréhension sur la nature même de la science.

    II.1.5. Doctrine substantialiste

    Les phénomènes contenant quelque chose de permanent qui constitue l'objet même du départ : la substance. Celle-ci subsiste et persiste toujours en changement.

    C'est la doctrine substantialiste, qui, fait penser à la permanence « l'imagination travaille en dépit des oppositions de l'expérience. On ne se détache pas du merveilleux quand une fois on lui a donné sa créance, et pendant longtemps on s'acharne à rationaliser la merveille plutôt qu'à la réduire ». 121(*)

    On comprend par cet extrait que l'obstacle substantialiste est, notre auteur, « la plus difficile à éliminer, celui qui revient constamment dans les esprits et qui a peut-être constitué le plus important frein au progrès scientifique »122(*).

    Selon Bachelard, « il consiste à chercher un support matériel, une substance derrière tout phénomène... il est comme tous les autres `polymorphes'. Il est fait de l'assemblage des intuitions les plus dispersées et même les plus opposées. »123(*) Par une tendance quasi naturelles, l'esprit préscientifique bloque sur un objet toutes les connaissances où cet objet à un rôle, sans s'occuper de la hiérarchie des empiriques. Il unit directement à la substance les qualités diverses, aussi une qualité superficielle qu'une qualité profonde, aussi bien une qualité manifeste qu'une qualité occulte.

    Suivons Bachelard dans l'analyse qu'il fait du feu pour illustrer cet obstacle.

    « Pendant longtemps, on a cru que résoudre l'énigme du feu équivaudrait à résoudre l'énigme de l'univers. ... Il s'agit d'u mythe fort difficile à exorciser :...Quelques personnes tombent dans un défaut absolument contraire, en expliquant la nature et les phénomènes du feu, avec tant de facilité, qu'il semblerait que toutes les difficultés sont levées... En fait les choses ne font que se compliquer davantage : il y a autant des discours qu'il y a des têtes. chacun veut donner une explication propre à lui sur le feu ; Cet amalgame d'explications conduit à des graves complications : tantôt la chaleur est le feu élémentaire, bientôt elle est un effet du feu : là, la lumière est le feu le plus pure et un élément ;là, elle est déjà répandue dans toute l'étendue du globe, et l'impulsion du feu élémentaire lui communique son mouvement direct (...) »124(*).

    Chez d'autres esprits encore, il est beaucoup plus question d'une permanence substantielle. On veut que la substance puisse persister et que son quantum n'augmente, ni ne diminue dans la nature. Mais en réalité « rien ne légitime cette permanence substantielle du feu dans la matière colorante, mais on voit au travail la pensée substantialiste : ce qui a reçu le feu doit rester brûlant, donc corrosif »125(*).

    Pour illustrer l'idée substantialiste on recourt à une simple contenance ; il faut quelque chose qui enferme, pour que la réalité profonde soit enfermée. Quelque soit le domaine, scientifique ou celui de la psychanalyse littéraire, les intuitions substantialistes, si faciles, ne résolvent que des faux problèmes.

    Car, en effet, pour Bachelard la recherche d'une explication commence par l'hypothèse d'une cause matérielle, d'un substrat solide dont le phénomène ne serait qu'un effet. Par exemple « on croit généralement que les sensations comme la saveur reposent sur des substances... De ce qui précède, l'obstacle substantialiste consiste en ce que l'on est toujours à la recherche d'une `clé' pour ouvrir les substances ».126(*)

    C'est pour le dire autrement la recherche de `clé' d'interprétation qui a amené les alchimistes du XVIIIème siècle à croire que la couleur dorée de l'or était due à un certain composant chimique qu'il suffirait de lier à un autre métal, comme le plomb pour le transformer en or.

    Gaston Bachelard donne un autre exemple, concernant les recherches sur l'aimant : « Le magnétisme de l'aimant a toujours fasciné les hommes à cause de son action à distance. Au XVIIIème siècle on a imaginé que le fer de l'aimant contenait une sorte de colle, le flegme et on cru l'entrevoir chez le forgeron lorsque le fer incandescent, plongé dans l'eau, produit un bouillonnement... L'invisible était alors rattaché au visible et une substance venait rassurer les esprits inquiets ».127(*)

    Bachelard cite un dénommé Carra qui dit « le flegme qui suinte de l'aimant est effet de la pression de la gravitation continuelle que ce minéral exerce sur lui-même... Le flegme laiteux qui sort du fer battu après la fusion, est très certainement une preuve que celui qui suinte de l'aimant n'est point une chimère ».128(*)

    De tels raisonnements bloquent simplement l'évolution de la pensée.

    II.1.6. Le réalisme

    Bachelard nous présente un autre obstacle épistémologique, c'est celui qui résulte de du sentiment de l'avoir : `'Le réalisme'' autrement appelé `'l'obstacle réaliste''.

    Les réalistes se disent détenteurs de la réalité absolue. C'est le cas entre autre de Platon avec sa doctrine d'après laquelle « les idées sont plus réelles que les êtres individuels et sensibles »129(*) Ces derniers ne sont que des images et les reflets.

    Pour Bachelard, « il n'y a ni réalisme ni rationalisme absolus selon la philosophie scientifique et il ne faut donc pas faire partir d'une attitude philosophique générale pour Comprendre et juger la pensée scientifique »130(*).

    La philosophie scientifique ne doit pas avoir confiance en un réalisme qui se dit absolu. Elle recommande d'éviter d'avoir une opinion sur des questions qu'il ne maîtrise pas.

    Comment, par exemple, prouver que les idées sont les vraies réalités ? Sans pourtant passer à la vérification on croit posséder la vraie réalité. Il règne une certaine naïveté et une avarice chez les réalistes. Bachelard écrit à propos : « Dans sa forme naïve, dans sa forme affective, la certitude du réaliste procède d'une joie avare »131(*)

    Pour préciser notre thèse, disons donc sur un ton polémique : « (...), tous les réalistes sont des avares. Réciproquement, et cette-ci, sans réserve, tous les avares tous réalistes »132(*). Ils ne veulent pas passer à la vérification par peur de ce qu'ils possèdent : « à suivre ces rectifications, écrit Bachelard, on se convainc par exemple qu'un réalisme qui a rencontré le doute scientifique ne peut plus être de même espèce que le réalisme immédiat »133(*).

    Il est bien question du complexe d'harpagon qui attire souvent une grande attention sur ce qu'on possède déjà. En définitive, « l'axiome fondamental du réalisme non prouvé : rien ne se perd, rien ne se crée, est un dire d'avare »134(*).

    Le réalisme constitue un grand obstacle à l'esprit qui veut se plonger dans une recherche scientifique authentique. Le chercheur doit donc être prudent : il doit faire tout un jugement sans idées préconçues.

    II.1.7. L'obstacle animiste

    La véritable question révélatrice de l'obstacle animiste porte sur un processus qui attribue à des objets, inertes pourtant, des propriétés des organismes vivants.

    Cet obstacle stipule que tout ce qui existe possède une âme ou une force qui explique le mouvement et l'existence. Il repose sur le présupposé que « tout ce qui a été élaboré par la vie porte sa marque initiale comme une valeur indiscutable»135(*).

    Ainsi la nature, dans toutes ses formes et tous ces phénomènes, est toujours impliquée dans une théorie de la vie et de la croissance. C'est dans ce sens que Marcuse propose une nouvelle rationalité technique : celle qui consiste à considérer la nature comme un objet mais, comme un partenaire avec qui il faut vivre une certaine relation fraternelle, car la nature peut pas être animée au même diapason que l'homme.

    Pour Bachelard, « l'homme est l'unique être qui est habité par l'âme. Ainsi, l'animisme constitue un obstacle à la connaissance par le fait même qu'il impose le modèle du corps humain aux diverses sciences, dont les sciences physiques »136(*).

    Le XVIIIème est pour Bachelard le siècle le plus éloquent. En appliquant le concept de `'maladie'' en tant qu'entité clair et absolu, aux objets du monde matériel, le XVIIIème siècle est arrivé, par exemple, la rouille comme la maladie du fer : « la rouille est une maladie à laquelle le fer est sujet... L'aimant perd sa vertu magnétique lorsqu'il est rogné par la rouille. On en voit qu'il reprenne une partie de ses forces, lorsqu'on en a enlevé la surface attaquée par cette maladie »137(*).

    Pour Gaston Bachelard, on trouve quantité d'exemples et d'images qui présentent la terre comme un organisme vivant. On parle des entrailles de la terre, des veines des minerais, du coeur de magna, de la fécondité de mines... « Toutes les majorations, augmentations et exagérations d'explications des phénomènes du système biologique du système planétaire, on conduit le XVIIIème siècle à un autre obstacle, c'est celui du `' mythe de la digestion »138(*).

    La terre, qui reçoit certaines colorations, peut, à la manière de tout organisme vivant, être fonctionnelle. « La terre (a) comme ses entrailles et ses viscères, ses philtres, ses colatures. Je dirais même quasi comme son foie, sa rate, ses poumons, et les autres parties destinées à la préparation des sèves alimentaires. Elle a aussi ses os comme une armature très régulièrement formée »139(*).

    II.1.8. Le mythe de la digestion

    En matière de la connaissance, les objets et les hommes relèvent du même diagnostique. Partant, le réel est conçu comme aliment : « l'enfant porte à la bouche les objets avant de les connaître, pour les connaître »140(*).

    Mais cela n'est pas le problème ; il s'agit de la digestion, propriété pivot autour de laquelle tourne sans fin l'esprit préscientifique. La digestion est conçue comme une lente et douce cuisson ; en ce sens « toute cuisson plongée est une digestion »141(*).

    « La digestion, poursuit Bachelard, est difficile à expliquer, preuve certaine de la majesté de la nature mais pour les esprits préscientifiques, elle ne s'explique que dans le règne des valeurs. Une telle explication cesse de donner prise à la contradiction. C'est aimer profondément que d'aimer des qualités contradictoires »142(*).

    Une telle conception des choses est évidement loin de favoriser le progrès de la science.

    II.1.9. Libido et une connaissance objective

    Si la presque totalité des élèves, pendant le cours de chimie, attribuent le rôle actif à l'acide et le rôle passif à la base, c'est parce qu'un esprit en formation, devant une expérience nouvelle, trouve de prime abord des pensées sexuelles. Et en creusant l'inconscient, on s'aperçoit que la base est féminine et l'acide est masculin.

    Et, on parlera de sels hermaphrodites, le fait que le produit soit un sel neutre. Ce sont là des véritables obstacles, car on attribue aux phénomènes physico-chimiques une propriété sexuelle. Voilà pourquoi « une psychanalyse complète de l'inconscient scientifique devrait entreprendre une étude de sentiments plus ou moins directement inspirés par la libido »143(*).

    En effet, nous avons que « c'est l'homme, tout entier, écrit Bachelard, avec sa lourde charge d'ancestralité et d'inconscience, avec toute sa jeunesse confuse et contingente, qu'il faudrait considérer si l'on voulait prendre la mesure des obstacles qui s'opposent à la connaissance objective, à la connaissance tranquille. Hélas ! Les éducateurs ne travaillent guère à donner cette tranquillité ! Partant, ils ne guident pas les élèves vers la connaissance des objets, ils jugent plus qu'ils enseignent... Ils ne font rien pour guérir l'anxiété qui saisit tout esprit devant la nécessité de corriger sa propre pensée et de sortir de soi pour trouver la réalité objective »144(*).

    La connaissance objective immédiate est qualitative selon Gaston Bachelard. En tant telle, elle apporte une erreur à rectifier car elle a chargé inutilement l'objet à connaître par des impressions et images subjectives. C'est ce qui nécessite une psychanalyse afin de la décharger.

    A la fin de son ouvrage `'la formation de l'esprit scientifique'' Bachelard cite les autres aspects d'obstacles épistémologiques qui, à notre avis, ne concernent pas directement l'esprit qui cherche à connaître. Car, nous nous sommes intéressés jusque là, aux obstacles qui freinent l'esprit scientifique dans son élan vers l'abstraction.

    Mais ce sont des obstacles portent, pour mieux dire, la réflexion sur les instruments de mesure qui, d'après la physique moderne, comportent toujours des erreurs. Ces obstacles sont appelés les obstacles de la connaissance quantitative. Il écrit, à cet effet, « la grandeur n'est pas automatiquement objective... Et il suffit de quitter les objets usuels pour qu'on accueille les déterminations géométriques les plus bizarres, les déterminations quantitatives les plus fantaisistes »145(*).

    Autrement dit la connaissance quantitative recèle, elle aussi des obstacles épistémologiques entre autres « l'excès de précision et les instruments de mesures, l'abus de déterminations réciproques, la méconnaissance des réalités d'échelles ».146(*)

    Car, en effet, poursuit-il, « les relations d'objet échappent dès qu'on prétend épuiser d'un seul coup la détermination quantitative. C'est en deçà et non au-delà de la mesure en tant méthode discursive, que l'objectivité est alors affirmée en tant qu'instruction directe d'un objet... Il faut réfléchir pour mesurer et non pas pour réfléchir »147(*).

    Des lors, nous comprenons que l'attachement aux intuitions usuelles, l'expérience commune prise dans notre ordre de grandeur n'est rien d'autre que ce qui entrave la pensée scientifique contemporaine.

    Voilà pourquoi, nous dit Bachelard, il faut une rupture avec ces habitudes. Pour cela, « l'esprit scientifique, ne doit pas imposer partout la légalité de l'ordre de grandeur familier, il doit allier la souplesse à la rigueur et reprendre toutes ses constructions quand il aborde des nouveaux domaines »148(*).

    II. 2. Caractéristiques des obstacles épistémologiques

    Gaston Bachelard soutient que l'esprit peut accéder au stade scientifique que par une démarche essentiellement abstractive. Mais il se révèle qu'au cours de l'histoire ce pèlerinage vers l'abstraction s'est trouvé entravée par des préjugés et des modes de pensée qui l'empêche vers cette objectif et que Bachelard a nommé `'les obstacles épistémologiques''.

    En effet, nous avons précédemment, défini les obstacles épistémologiques comme des éléments socio-culturels, psychologiques constitués d'images et des symboles, lesquels sont considérés comme, non seulement, sources constantes d'erreur parce que tenaces, fascinants et insistants... mais aussi comme causes de stagnation et même de régression de l'esprit vers cette abstraction. Bref, ils sont aussi causes de l'inertie de l'esprit.

    Ces obstacles épistémologiques, poursuit Bachelard, « sont des racines qui doivent être cherchées dans la connaissance elle-même et non en dehors d'elle... Ce que l'esprit scientifique cherche à surmonter fait obstacle à l'esprit même... C'est, à la lettre, un instinct de conservation de la pensée, une préférence donnée aux réponses plutôt qu'aux questions... »149(*).

    Aux dires de l'épistémologue français, les obstacles épistémologiques sont multiples, variés et pluriels. On ne saurait cependant les dénombrer tous.

    Grâce à ses recherches, il répertorie certains, dans la formation de l'esprit scientifique qui, d'après lui, présentent quelques caractéristiques communes dont :

    Ø Les obstacles épistémologiques sont `'polymorphes' ;

    Ø Les obstacles épistémologiques bloquent la recherche scientifique ;

    Ø Les obstacles épistémologiques s'enchevêtrent dans l'esprit humain ;

    Ø Les obstacles épistémologiques sont nécessaires pour le progrès de la science ;

    Ø Les obstacles épistémologiques suscitent, nécessitent et sollicitent une catharsis intellectuelle du sujet connaissant.

    1. Les obstacles sont polymorphes

    Les obstacles épistémologiques sont des modes de pensée et de préjugés qui se manifestent de plusieurs natures. Tantôt, ils s'habillent sous la forme qualitative, bientôt soit sous la forme quantitative. Ils sont liés au destin des nos pulsions cognitives et s'adaptent aux circonstances et aux lieux d'investigations du chercheur.

    En effet, soutient Bachelard, « la nature de notre conscient est ainsi une activité imageante qui se déploient en deux champs opposés, mais où, par une affinité curieuse, le sujet conscient de l'individualité, s'abolit dans des systèmes où il se trouve comme un autre plus puissant et plus riche.

    Derrière l'agitation et le devenir du savoir, on perçoit que le sujet qui fait la science est en accord profond avec le sujet que la psychanalyse interroge »150(*).

    2. Les obstacles épistémologiques bloquent la recherche scientifique

    « L'opinion pense mal et même d'ailleurs ne pense pas... Elle traduit des besoins en connaissance. L'opinion s'interdit de connaître les objets, en les désignant par leur utilité d'où il faut la détruire car on ne peut rien fonder sur elle ... Elle est le premier obstacle à surmonter ... »151(*).

    Si nous nous limitons ne serait-ce que à cet obstacle, nous pouvons soutenir que les obstacles épistémologiques sont des temps morts, de moments d'inertie qui bloque la pensée vers l'objectivité.

    Car, en effet, ils s'incrustent sur la pensée de celui qui veulent connaître, ils se substituent en connaissance non questionnée comme nous l'avions déjà souligné. Une connaissance acquise par un effort scientifique peut elle-même décliner en ce sens que si la réponse reste la même, des habitudes intellectuelles qui furent utiles et saines peuvent entraver la recherche à la longue puisque notre esprit tend très souvent à considérer comme plus claire l'idée qui lui sert le plus souvent.

    3. Les obstacles épistémologiques s'enchevêtrent dans l'esprit humain

    Dans le développement de la pensée scientifique, on a eu à prendre des faits comme des idées, en les insérant dans un système de pensée. Ceci a justifié qu'un fait mal interprété à une époque s'incruste dans l'esprit du chercheur de cette époque.

    « C'est, au gré de Bachelard, un obstacle qui constitue une contre pensée qui, a très souvent créé des difficultés quant à l'interprétation des phénomènes de la nature... C'est le fait, par exemple, à une même époque un mot revient à plusieurs concepts... »152(*).

    4. Les obstacles épistémologiques sont nécessaires pour le progrès de la science

    Les obstacles épistémologiques, avions-nous dit, sont des représentations qui paraissent évidentes et qui, à certains moments, ont pu même être utiles même s'ils finissent par entraver l'esprit à connaître. Ils sont considérés par Bachelard comme révélateurs des lanternes qui ont obscurcit le progrès de la science et ont occasionné `'la somnolence du savoir''. Il faut alors qu'on réussisse à les sauter en opérant une rupture épistémologique.

    Ils sont nécessaires pour le progrès de la science. En effet, les obstacles épistémologiques sont, pour Bachelard, non seulement inévitables, mais aussi indispensables pour connaître la vérité.

    Il précise « puisqu'il n'y a pas de démarche objective sans la conscience d'une erreur intime et premier, nous devons commencer nos leçons d'objectivité par une véritable confession de nos intellectuelles »153(*). Il faut donc dit-il psychanalyser l'esprit scientifique.

    Plutôt que de vouloir changer le fonctionnement des choses, l'attitude la plus phénomènes eux-mêmes, mais bien à l'intérieur de l'esprit que les rectifications doivent être faites.

    De cet effet, Bachelard montre que les obstacles sont nécessaires dans ce sens qu'ils éclairent et sanctionnent la passé. Il écrit à propos « le progrès scientifique ne saurait être conçu en termes d'accumulation linéaires des savoirs »154(*)

    Il montre avec rigueur comment la science doit se faire toujours entre les obstacles épistémologiques, qui ne sont plus ce vague et éternel sens commun mais des formations des pensées réfléchies. « Convertir le lieu de ces obstacles en lieu d'une coupure et rupture épistémologique, qui désormais séparera définitivement la procédure de la pensée rigoureuse des aventures et des investissements du sujet humain, trop humain, tel est le dessin de la science dit Bachelard »155(*).

    5. Les obstacles épistémologiques suscitent et sollicitent une catharsis

    Les obstacles épistémologiques sont des préjugés qui entravent l'esprit à atteindre l'abstraction, chemin vers l'objectivité scientifique. Bachelard nous propose de psychanalyser cette esprit afin d'arriver à cette objectivité. Ils suscitent et sollicitent une catharsis intellectuelle du sujet connaissant dans la perspective où cette psychanalyse permet la libération de l'inconscient du chercheur et de ce fait, contribue au progrès de la science.

    Mais une chose est vraie que : « cette catharsis préalable, nous ne pouvons guère l'accomplir seuls, il est aussi difficile de l'engager que de se psychanalyser soi-même »156(*). Elle est juste ce qui consiste pour un scientifique de se changer lui-même, dans sa manière d'aborder la science car ce qui freine le chercheur n'est pas ce qu'à priori il pourrait croire et disons-le que ce sont les idées préconçues autrement dit les incompréhensions qu'il se fait de l'objet à connaître.

    Il s'agit, dans la perspective de Bachelard, d'une psychanalyse qui met en évidence les processus inconscients qui bloquent la connaissance.

    Notons que, pour Bachelard, ce que la psychanalyse dont se propose la pensée, c'est la possibilité de négations qui n'anéantissent pas, la possibilité de détours qui nous écartent de la croyance naïve en des substances et des choses qui ne sont, que la projection de nos désirs et du destin de nos pulsions.

    Lorsque Bachelard demande aux scientifiques de se dépouiller de tout ce qui constitue les obstacles épistémologiques, c'est pour montrer le chemin vers l'objectivité scientifique. Comme pour dire que la psychanalyse est la porte ouverte à l'objectivité. Celle-ci est un processus qui exige que le sujet se désubjectivise.

    Cependant nous ne nous empêchons pas de nous poser la question de savoir en quoi consiste cette catharsis de l'esprit connaissant ? Question à laquelle nous allons tenter répondre de manière détaillée au chapitre suivant.

    II.3. Conclusion du chapitre deuxième

    Le chapitre deuxième de notre dissertation a principalement été construit autour de l'idée que, dans l'entendement de l'épistémologue français, le progrès de la science, comme connaissance objective immédiate est fautive. Elle est dans son principe même subjective. En prenant la réalité comme son bien, elle donne des certitudes prématurées qui entravent, plutôt qu'elles ne la servent, la connaissance objective. D'où l'impérieuse nécessité d'une catharsis intellectuelle.

    Dans l'examen de ce chapitre, la notion d'obstacles épistémologiques était le point de mire. Elle nous a fait savoir comment, chez Bachelard, l'essence de toute entreprise scientifique n'est pas sa continuité du sens commun, mais sa totale refonte, sa profonde conversion d'avec celle-ci.

    C'est là que se situe la grande discussion autour de la discontinuité que nous avons abordée au premier chapitre en faisant intervenir Emile Meyerson auquel Gaston Bachelard répond directement.

    Pour Bachelard, le philosophe des sciences doit être exigeant, aussi critique que l'est la science elle-même. « Car, à vouloir obtenir des filiations sans ruptures sévères, on confondrait, selon Bachelard, toutes les valeurs, les rêves et les programmes, les pressentiments et les anticipations ; autrement dit, on trouverait partout des précurseurs pour tout »157(*).

    C'est de cette manière -là que nous avons ouvert la marmite des progrès scientifiques, selon Bachelard, en indiquant qu'au principe même du nouvel esprit scientifique se trouve le `'non''. Et que l'évolution des sciences se trace sur ce non par lequel les sciences présentes s'insèrent, en le retravaillant, l'acquis des sciences antérieures : C'est ce que Bachelard nomme la dialectique enveloppante.

    Notion que nous n'avons pas développé dans l'espoir de la reprendre ultérieurement notamment dans ce troisième chapitre.

    CHAPITRE TROISIEME : DE LA CATHARSIS A l'OBJECTIVITÉ SCIENTIFIQUE

    0. Mise en place

    Nous avons entrepris, dans tout notre deuxième chapitre, d'analyser les obstacles épistémologiques qui font que l'esprit scientifique ne puisse pas accéder à l'abstraction et, par conséquent ne puisse progresser.

    Etant donné ces obstacles sont liés à l'esprit même qui veut connaître, nous n'avions pas en tout cas la prétention d'avoir épuisé sous ces lignes tous les détailles des obstacles épistémologiques. Nous avons plutôt, simplement, schématisé cette vaste entreprise qui s'acharne contre toute connaissance prématurée, contre toute connaissance qui s'attache à l'appétit utilitaire.

    Selon Bachelard, « une connaissance objective immédiate, du fait même qu'elle est qualitative, est nécessairement fautive... Une connaissance immédiate est, dans son principe même subjective. En prenant la réalité comme son bien, elle donne des certitudes prématurées qui entravent la connaissance objective »158(*).

    C'est ainsi que pense, Bachelard « la véritable libération de la connaissance objective est le fruit et fonction de fortes décharges de la rupture, de fortes pressions de la mutation que doit effectuer l'esprit »159(*).

    Voilà pourquoi notre épistémologie accorde une grande importance à la psychanalyse, non pas dans le sens d'une thérapie, mais surtout en ce qu'elle écartera certaines croyances naïves provenant de la simple projection de nos impulsions et de nos désirs.

    En effet, c'est à partir du moment où l'obstacle épistémologique est surmonté donnant lieu à une rupture épistémologique, que le progrès scientifique peut advenir.

    Le but poursuivi par Bachelard en psychanalysant l'esprit et en se dépouillant de tout ce qui constitue `'les obstacles épistémologiques'' est de tendre vers l'objectivité scientifique. Cette dernière est ce vers quoi tout esprit doit tendre. Bachelard nous propose ainsi une catharsis intellectuelle afin de libérer l'inconscient du chercheur, par voie de conséquence, favoriser le progrès de la science.

    Mais en quoi consiste la psychanalyse dont ne cesse de parler Bachelard ? La rupture est-elle possible ? Et c'est quoi, d'après Bachelard, l'objectivité à laquelle prétend l'homme des sciences contemporaines. Ce sont là, l'ensemble de questions qui constituent la charpente de notre chapitre.

    III.2. Les exigences de la rupture épistémologique

    III.2.1. La rupture épistémologique comme transcendantal de l'objectivité scientifique

    Avec l'examen des obstacles dont doit se débarrasser tout esprit épris de la culture scientifique, nous avons découvert que, de l'avis de Gaston Bachelard, toute première objectivité est la première erreur qui loge dans l'esprit.

    Cette erreur première, souligne l'auteur, exige une véritable rupture. Pour lui, « l'objet ne saurait être désigné comme un objectif immédiat ; autrement dit une marche vers l'objet n'est pas initialement objective. Il faut donc accepter une rupture entre la connaissance sensible et la connaissance scientifique »160(*).

    Libérer la connaissance objective est, sous la plume de Bachelard, se libérer des premières intuitions, de tout ce qui prend en premier la place de notre connaissance. En d'autres termes, explique Bachelard « l'objectivité scientifique n'est possible que si l'on a d'abord rompu avec l'objet immédiat, si l'on a refusé la séduction du premier choix, si l'on a arrêté et contredit les pensées qui naissent de la première observation... Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le premier contact avec l'objet... Elle doit d'abord tout critiquer : la sensation, le sens commun, la pratique même la plus constante... »161(*).

    Pour Bachelard, le `'déjà acquis '' crée un énorme blocage à la connaissance objective. L'esprit qui entreprend la culture scientifique n'est jamais jeune, avons-nous déjà, relevé. Et la pensée inconsciente s'agglomère autour des notions pré-réquises et ainsi l'esprit s'introvertis et s'immobilise.

    De cette manière, la nécessité de la rupture ou de la coupure épistémologique touche aux profondeurs même de la psychologie. Bachelard écrit à ce propos, « psychologiquement, pas de vérité sans erreur rectifiée. Une psychologie de l'attitude objective est une histoire de nos erreurs personnelles »162(*).

    Aussi poursuit-il disant que « toutes les fois que nous l'avons pu, nous avons indiqué par des brèves remarques comment, d'après nous, l'esprit scientifique triomphait des divers obstacles épistémologiques, et comment l'esprit scientifique se constituait comme un ensemble d'erreurs rectifiées »163(*).

    Transcendantal de l'objectivité scientifique, la coupure épistémologique est une révolution de la pensée contre elle-même ; notre mode de sensibilité est, pou la plupart des cas, porteur et évocateur de pragmatisme et de réalisme immédiats.

    Selon Bachelard, notre adhésion à l'univers de l'objet par l'immédiateté révèle quelque fois, - sinon toujours - `'de la satisfaction intime'' et non `'de l'évidence rationnelle''.

    C'est plus, explique, notre penseur, en termes de gratuité de `'stimulation''- l'expression qu'il emprunte de Baldwin - que nous abordons l'objet. Particulièrement, souligne-t-il, « même sous la forme en apparence générale, même lorsque l'être repu et comblé croit avoir venir l'heure de penser gratuitement, c'est encore sous la forme de stimulation qu'il pose la première objectivité »164(*). Une véritable psychologie de l'objectivité scientifique exige selon notre auteur une profonde conversion des intimités.

    L'entrée en science doit se caractériser par un dépouillement de tout réalisme et exiger une véritable « pédagogie en rupture avec la connaissance usuelle »165(*) et il est vrai que la science est, et reste l'expression la plus fructueuse de la liberté de l'esprit ouvert à tous et universellement convaincante. Mais aussi, poursuit Bachelard, le monde de la science est loin d'être ouvert à tous les vents et à toutes les manipulations de l'esprit. Pierre Quillet écrit à ce propos, « la cité scientifique est fermée et réglée comme par une clôture et une constitution monastiques... et la vocation scientifique exige un complet renoncement à tout attachement humain »166(*).

    La connaissance scientifique est, pour Bachelard, le résultat d'une soustraction et d'une correction. Elle est en même temps le résultat d'un esprit qui se déprend de son passé d'images et de son adhésion spontanée à l'immédiat, et aux entraînements naturels.

    L'esprit qui veut accéder à la science doit commencer par un rejet sur base duquel il esquissera un projet d'où résultera son objet scientifique. La connaissance scientifique st le résultat d'une correction. Une belle page de Michel Vadée peut nous le démontrer : « La rectification est... décrite comme relevant de la puissance de la reforme de la pensée, de sa capacité inventive, de son autonomie conçue comme totale liberté. Face aux faits, face à ses théories et concepts antérieurs qui ne peuvent expliquer tous les faits, la pensée se trouve mise en demeure d'abandonner ses concepts sclérosés, ses a priori anciennes, de les déformer, de les remplacer par des nouveaux concepts plus ou moins profondément modifiés »167(*).

    Il indique par la suite que « cette dialectique dans laquelle approximation et rectification jouent alternativement le rôle prédominant, Bachelard la décrit la plupart du temps comme une oscillation, un va-et-vient incessant entre le connu (la raison) et ce qui est à connaître (le réel). Mais dans les périodes de révoltions scientifiques décisives, c'est la rectification théorique qui jouent le rôle dominant »168(*).

    Tout ceci, ramène à dire que l'objectivité scientifique, loin d'être fonction d'une addition, ou du remplacement d'une ignorance par une connaissance, est une correction : pas de vérité sans erreur rectifiée. Selon l'auteur, « l'enfant naît avec un cerveau inachevé et non pas, comme le postulat de l'ancienne pédagogie l'affirmait, avec un cerveau inoccupé »169(*) .

    S'exprimant à propos du progrès scientifique, Bachelard soutien que celui-ci ne suit pas la ligne cumulative d'une addition des connaissances, mais celle, réductrice, d'une soustraction d'images et des préjugés encombrants et indûment valorisants. La vérité scientifique est ainsi plus l'aboutissement d'un processus qu'un commencement. Elle est un résultat, avons-nous dit.

    Pour Bachelard, la science ne prolonge pas la connaissance commune ; elle la contredit parce qu'elle est l'opinion et qu'elle « pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissance. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur elle : il faut la traduire..... »170(*).

    Pour connaître véritable et scientifique le réel, tout esprit doit être en mesure d'effectuer cette mutation brusque, ... aussi cette psychologie de l'abandon.

    La science se définit chez Gaston Bachelard comme, « un combat, contre soi-même et contre la nature ; la science st un refus de ses propres opinions »171(*).

    Considérant et intériorisant ainsi la logique de la rupture épistémologique comme transcendantal de toute objectivité scientifique, écrit Bachelard, «nous devons profiter de tous les enseignements, si spéciaux soient-ils, pour déterminer des structures spirituelles nouvelles. Nous devons comprendre que la possession d'une forme de connaissance est automatiquement une reforme de l'esprit. Il faut donc diriger nos recherches faites vers une nouvelle pédagogie »172(*).

    A travers toute cette problématique de la coupure épistémologique, Bachelard semble véhiculer tout un code de bonne conduite, prescrire tout un règlement intérieur pour la problématique de la science. Nous en avons découvert, ce que nous appelons `'la morale bachelardienne''

    III.2.2. La morale bachelardienne

    La réflexion épistémologique de Gaston Bachelard, nous venons de le dire, comporte quelques impératifs pour tout celui qui voudrait conduire son intelligence avec rigueur. C'est, en quelque sorte, tout un discours sur la rigueur pour la formation de l'esprit scientifique, que Michel Serres appelle d'ailleurs `'un Traité de la reforme'' de l'esprit pré- scientifique »173(*).

    Nous y décelons, à cet effet, quatre exigences dont l'exigence de la catharsis intellectuelle et affective, l'exigence de la réforme de l'esprit, l'exigence du refus de l'argument de l'autorité et l'exigence de l'inquiétude de la raison.

    III.2.2.1. L'exigence de la catharsis intellectuelle et affective

    « Toute culture scientifique doit commencer (...) par une catharsis intellectuelle et affective, nous dit Bachelard »174(*).

    Par cette exigence, Bachelard pense que pour donner vraiment à la raison d'évoluer, il nous faut en toute permanence nous purifier des préjuges, des idées toutes faites, des opinions admises. La culture scientifique doit, dans ses mots, se défaire de tout narcissisme intellectuel et de tout vain optimisme. « Une tète bien faite est malheureusement, une tête fermée. C'est un produit de l'école »175(*).

    La catharsis intellectuelle et affective est ce combat contre nous-mêmes. Elle est une condition préalable pour quiconque qui veut vraiment entreprendre une recherche intellectuelle.

    Elle nous donne cette conviction que « pour que nous ayons quelque garantie d'être du même avis, sur une idée particulière, il faut, pour le moins que nous n'ayons été du même avis. Deux hommes, s'ils veulent s'entendre vraiment, ont du d'abord se contrarie. La vérité est la fille de la discussion, non pas fille de la sympathie »176(*).

    II.2.2.2. L'exigence de la réforme de l'esprit

    En rapport avec cette exigence, Bachelard prescrit une psychanalyse qui consiste à éduquer convenable notre esprit. C'est-à-dire, non pas de le remplir des connaissances jusqu'à la saturation, mais le former avec méthode.

    Pour Bachelard, « la raison n'est nullement une faculté de simplification. C'est une faculté qui s'éclaire en s'enrichissant. Elle se développe dans le sens d'une complexité croissante »177(*).

    Plus précisément, postule l'auteur, « il faut apprendre à son esprit à se reformer sans cesse, ne jamais s'installer dans les habitudes intellectuelles qui deviennent vite des carcans ou des prisons pour le développement de la croissance spirituelle »178(*).

    Il écrit à propos, « accéder à la science, c'est spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui contredit un passé »179(*). L'esprit scientifique doit être capable de renoncer à une théorie à laquelle il était attaché ; il doit être capable de refondre le système de son savoir à chaque fois que c'est nécessaire. Il est donc question de la souplesse d'adaptation à des nouvelles perspectives.

    III.2.2.3. L'exigence du refus d'argument d'autorité.

    Bachelard réalise que l'argument du ''magister dixit'', moyenâgeux, est très périlleux pour la science. D'accord, quant à lui, avec les savants de la Renaissance, il professe qu'il faut rompre avec le respect pour les autorités intellectuelles, quel que soit leur prestige.

    Selon notre philosophe, « un épistémologue irrévérencieux disait... que les grands hommes sont utiles à la science dans la première moitié de leur vie, nuisibles dans la seconde moitié »180(*).

    Et ce, poursuit l'auteur parce que chez eux « l'instinct formatif finit par céder devant l'instinct conservatif. Il vient un temps où l'esprit aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit, où il aime mieux les réponses que les questions. Alors l'instinct de conservatif domine, la croissance spirituelle s'arrête »181(*).

    Effectivement, dès qu'un chercheur devient célèbre, il acquiert une autorité et une notoriété intellectuelles et morales qui peuvent gêner ses disciples. Pour progresser à la science, conseille Bachelard, ceux-ci doivent constamment rompre avec les idées de leur maître. Tache souvent difficile, mais qui est pourtant u facteur déterminant pour les sciences. «  Cette tache devient plus difficile encire parce que les grands hommes n'ont pas le sens de l'échec »182(*).

    II.2.2.4. L'exigence de l'inquiétude de la raison

    C'est presque tout le plan de la Formation de l'esprit scientifique qui tourne autour de cette exigence. C'est d'ailleurs la grande caractéristique de l'esprit souple et toujours impitoyable aux anciennes valeurs spirituelles.

    A travers cet impératif, l'auteur suggère que l'on ne puisse jamais laisser sa raison en repos qu'il appelle `'quies'' ; il faut sans cesse l'inquiéter et la déranger, il écrit à ce propos « il faut... inquiéter la raison et déranger les habitudes de la connaissance objective. C'est une pratique pédagogique constante »183(*).

    A en croire l'auteur, il ne faut jamais sympathiser avec une doctrine. La sympathie enlève l'esprit critique et la liberté de jugement. La science étant un combat, il ne faut jamais se sentir à l'aise avec ses propres idées ; il faut incessamment se remettre en question ; celui qui ne s'interroge plus se sclérose et l'esprit qui finit par toujours dire oui s'endort.

    L'esprit qui est ainsi préparé, et qui espère à un bien, acceptera sans problème des rectifications afin de parvenir à un stade évolué avec la science.

    D'ailleurs, au « point d'évolution où se trouve la science contemporaine, le savant est placé devant la nécessité, toujours renaissante, du renoncement à son propre intellectualité »184(*).

    Retenons que si notre philosophe s'est livré à une critique sévère de l'inductivisme et de l'empirisme, c'est parce que, d'après lui, le fait scientifique est construit à la lumière d'une problématique théorique.

    La science se construit contre l'évidence, contre les illusions de la connaissance immédiate. C'est en ce sens qu'il parle de la philosophie du non : « la philosophie du non, dit-il, n'est pas une volonté de négation. Elle ne procède pas d'un esprit de contradiction qui contredit sans preuves, qui soulève des arguments vagues. Elle ne fuit pas systématiquement toute règle »185(*).

    Et notre philosophie du notre préciser : « pour que la connaissance ait toute son efficacité, il faut maintenant que l'esprit se transforme. Il faut qu'il se transforme dans ses racines pour pouvoir assimiler dans ses bourgeons »186(*).

    CONCLUSION GENERALE

    Nous voici au terme d'une longue dissertation philosophique centrée essentiellement sur la pensée de Gaston Bachelard. Que dire ?

    Nous pensons dire qu'héritière de la philosophie d'Auguste Comte et d'Ernst Mach, l'épistémologie empiriste de des philosophes viennois du début du siècle dernier a fortement et suffisamment alimenté les grands débats et les discussions philosophiques qui ont jalonné toute l'histoire de la philosophie des sciences du XXème siècle.

    Deux thèses essentielles soutiennent l'idéologie de l'empirisme logique : celle d'un désengagement ontologique radical qui peut être rattaché à toute l'entreprise philosophique d'Ernst Mach, thèse selon laquelle la science doit éviter de s'immixer dans la métaphysique en évitant en même temps de s'interroger sur le `'pourquoi `' des phénomènes, elle ne doit s'acharner qu'à n'en saisir que le `'comment'' à propos duquel elle effectue ses calculs à des fins de prévision rationnelle ; l'interprétation de cette thèse en conclura à un phénoménisme intégral ou à un empirisme radical187(*).

    Quant à la seconde thèse, elle s'attellera sur un certain justificationnisme ou un vérificationnisme ; elle voudrait que la philosophie des sciences ne se préoccupe plus vraiment du contexte de la découverte mais qu'elle s'interroge sur le contexte de justification de ses énoncés. Parties des contestations antinazies de ses membres, ces deux thèses trouveront leur terrain d'érection dans les terres anglo-américaines.

    Beaucoup de philosophies des sciences traditionnelles, en effet, y trouvent leur compte : les philosophes conventionnalistes, justificationnistes, verificationnistes ou phénoménistes.

    Et un des traits caractéristiques de ces épistémologies est justement, « La nette prédominance de la théorie cumulative dans le développement historique des sciences, accentuant davantage le principe d'induction».188(*) Nous notons, sous la remarque de Bachelard, qu'avec ces épistémologies traditionnelles, en fait, la structure évolutive des connaissances ou des théories scientifiques accroîtrait par une sorte de sédimentation progressive.

    C'est principalement autour de ces contextes presque `'tumultueux'' et `'polémiquant'' que nous avons construit l'ensemble de notre dissertation philosophique que nous avons articulé autour de trois principaux chapitres.

    Dans le premier chapitre où nous nous sommes concentré à la relecture des théories ou des questions épistémologiques relatives à la croissance et surtout à la conception de la connaissance scientifique, nous avons pour le besoin de la cause, remonté cette relecture avec le positivisme que la tradition reconnaît à Auguste Comte.

    Pour ce dernier, avons-nous souligné au chapitre introductif, l'esprit ne saurait atteindre le fond des choses et doit se borner à la seule recherche des lois de la nature, conçue comme des relations invariables de succession et de similitude. C'est sur la loi des trois états que ce positivisme reposait. Dans la description de ces trois états, Comte a retenu `'l'état positif'', qui, selon lui, est le point culminant de sa théorie. Il est, en effet, caractérisé par l'abandon du `'pourquoi'' et le seul attachement au `'comment'' à la recherche des lois effectives gouvernant les phénomènes.

    Kant, abordant dans la même perspective, soutient que seule les phénomènes peuvent être saisis par la raison car le noumène reste jusque là inconnaissable.

    Quant à Jürgen Habermas, la seule méthode susceptible de conférer à une science sa scientificité, mieux, son objectivité, c'est la méthode expérimentale. Il poursuit en disant qu'il n' y a que l'intérêt qui guide la connaissance.

    La lecture de ces épistémologies traditionnelles nous ont permis de comprendre que Descartes et ses prédécesseurs ont plongé l'épistémologie dans une crise d'identité. Les uns ont fait de la science en posant des questions renvoyant à la `'transphénoménologie'', les autres par contre, ont baigné dans un empirisme radical.

    Il fallait attendre, autour des années 30, l'émergence d'une nouvelle discussion visant à dépasser l'empirisme logique et l'idéalisme pour que la science se tourne vers une nouvelle perspective, celle des découvertes. Nous avons remonté cette discussion avec la justification du rationalisme critique que l'on attribue à Popper, pour donner le ton à une nouvelle direction de la problématique dans l'étude des sciences de la nature.

    Nous avons montré que, ne souscrivant pas aux thèses fondamentales et majeures du positivisme logique, Karl Popper montre le « progrès de la connaissance scientifique ne passe pas par un principe inductif comme le soutenaient les héros éponymes du cercle de vienne. Ce n'est pas non plus par un cumul des connaissances qu'on arriverait à une structure de la connaissance scientifique... C'est essentiellement, d'après Popper, par la falsifiabilité, c'est par la réfutabilité, la connaissance scientifique est marquée par de conjectures et des réfutations... »189(*).

    Revenons à la discussion que Bachelard a entretenue avec les philosophes de l'épistémologie classique, courant dans lequel il insère son compatriote Emile Meyerson à qui il s'oppose directement.

    En accord avec les réalistes190(*) (dont Meyerson est le patron, selon Bachelard), Bachelard montre que l'épistémologie peut concéder l'existence d'une réalité perceptible. Cependant, il est un fait qu'avec les idéalistes il est d'accord de la puissance formelle de la pensée discursive. Mais aux uns et autres, Bachelard reproche farouchement en bloc leur incapacité de se rendre compte véritablement du dialogue de la raison et du réel dans les nouvelles sciences physiques contemporaines ; il étale incisivement leur impuissance à rendre justice à l'ontologie discursive implicite qui caractérise ces sciences. Il les accuse impitoyablement de ne pouvoir accéder à la puissance de la déformation et réforme qui caractérise la pensée créatrice à l'oeuvre dans les sciences.

    Bachelard, lisons-nous, chez Schotte, « dénonce très souvent l'inadéquation des philosophies traditionnelles de la connaissance, aussi bien du point de vue du réel que du point de vue de la raison »191(*). « L'empirisme, non seulement il s'attarde sur un réalisme immédiat, mais aussi il exalte le donné empirique sans trop juger de sa valeur formative pour la valeur de la connaissance »192(*). Mais il y a quand même plus : sa considération de la pensée comme une redondante pléonastique de l'expérience amène Bachelard à penser qu'aucune pensée d'origine empiriste ne saurait à elle seule suffire à la construction d'une vue cohérente des choses aussi performante qu'une théorie scientifique193(*).

    Quant à sa critique contre l'idéalisme, notre philosophe montre qu'il s'endort le plus souvent sur un rationalisme immobile et parce que, à ses yeux, il cache mieux « une impuissance heuristique d'une raison close dont les axiomes présumés éternels résument en fait un savoir acquis »194(*).

    Bachelard fait encore remarquer que la grosse erreur de l'idéalisme est de considérer, en dernière analyse, toute réalité comme source d'irrationalité195(*). Bachelard pense qu'une telle approche du donné scientifique n'est pas profitable.

    L'objet scientifique, nous l'avions souligné plusieurs fois, n'est pas, pour notre penseur, ce donné gratuit et immédiat, mais ce conglomérat de résistance196(*). En conséquence, « l'esprit qui va vers l'objet doit apprendre à poser des problèmes, à interroger les choses »197(*).

    L'accession au monde de l'objet relève d'une certaine secondarité et le donné scientifique, si tant est qu'il faut encore parler de donné, est tardif198(*), démontre l'auteur. Tardif, il est le résultat des rectifications et des réajustements de nos erreurs premières, il est le résultat d'un redressement d'hypothèses erronées, il est la marque d'un présent scientifique qui a su retravailler un passé historique. Il est dans les mots de Schotte, « hypothétiquement construit et reconstruit, il arrête d'être un objet pour devenir un objectif rationnellement construit qu'il faut réaliser, et qu'on peut théoriquement rapporter à d'autres objectifs. Il peut même être un objectif invraisemblable, très éloigné de ce qu'on a déjà vu ou déjà techniquement réalisé, il peut en ce sens paraître `'irréel'', sans arrêter d'être intéressant »199(*).

    En ce qui concerne son réalisme propre, il est un réalisme de réalisation. Non pas immédiat, il prévoit le phénomène. En tant que tel, il déclasse la réalité immédiate qu'on trouve au gré des occasions200(*), Bachelard s'explicite en notant que « la réalisation prime la réalité. Cette primauté de la réalisation déclasse la réalité. Un physicien ne connaît vraiment une réalité que lorsqu'il l'a réalisée, quand il est maître ainsi de l'éternel recommencement des choses et qu'il constitue en lui un retour éternel de la raison »201(*).

    Ces grandes thèses de l'épistémologie contemporaine nous ont aidé à comprendre et à contextualiser les préoccupations épistémologiques de Gaston Bachelard.

    Comme ses contemporains, en effet, nous avons voulu montrer comment Gaston Bachelard à participer à l'anéantissement d'un patrimoine classique : la philosophie du positivisme logique, héritière des grands systèmes traditionnels.

    Contre ses contemporains, Bachelard a voulu nous montrer que la science n'évolue pas par une sorte de cumul des connaissances, moins encore par « une réduction de la multiplicité des phénomènes à des groupes, à des ordres et, finalement, à une certaine unité »202(*) ; Comme l'avez bien soutenu Emile Meyerson. « La réduction, pense Bachelard, faussant l'esprit, entrave le développement extensif de la pensée »203(*). La science, par contre, fait essentiellement preuve de ruptures et de sauts. Elle est réorganisatrice et réformatrice. Elle est révolutionnaire et évoluante.

    Nous avons, en effet, explicité, dans notre deuxième chapitre que, chez notre philosophe, toute première objectivité est la première erreur dont on doit se débarrasser. Dans notre approche de la réalité, Bachelard indique qu'il y a toujours des obstacles épistémologiques qui réorganisent et régissent notre inconscient. Et la véritable connaissance scientifique est justement une connaissance contre les obstacles épistémologiques.

    Bachelard démontre ainsi que toute connaissance scientifique est une connaissance approchée. Il écrit  à ce propos, « scientifique, on pense le vrai comme rectification historique d'une longue erreur, on pense l'expérience comme une rectification de l'illusion commune et première»204(*).

    Voilà le sens d'une dialectique d'erreur du passé et hypothèse nouvelle et heureuse du présent, voilà le sens s'une philosophie du non essentiellement caractéristique du nouvel esprit scientifique, voilà surtout le sens de toutes ces dialectiques enveloppantes205(*) qui sont au principe de tous les développements progrès et succès que les sciences physiques contemporaines ont enregistrés.

    Pour Bachelard, ainsi que nous l'avions montré, la valeur de la nouveauté qu'apportent les dialectiques enveloppantes se dessine à travers son caractère rectificatif, réformatif d'un passé à partir d'un présent, de l'examen d'un fond, à partir d'un sommet presque icebercien. Du fond, il invite tout scientifique à travailler à l'avenir des sciences à partir des erreurs que nous avons appelé `'les obstacles épistémologiques'', en montrant que « l'esprit scientifique est essentiellement une rectification d'un savoir, un élargissement des cadres de la connaissance. Il juge son passé historique en le condamnant »206(*).

    C'est donc ainsi toutes ces thématiques d'une épistémologie relative à la nécessité d'une conversion des connaissances antérieures vers une objectivité qui a pris en charge tout l'ensemble du chapitre deuxième.

    Nous y avons découvert, en ce sens-là, que la place prépondérante que le philosophe accorde à la notion d'obstacles épistémologiques, non seulement, elle constitue pour notre auteur, un dépassement par rapport aux autres, quant à la sphère de la connaissance purement objective, mais permet aussi au sujet connaissant de prendre conscience de ces derniers afin de se libérer de ces idées préconçues afin qu'il atteigne la vérité tant cherchée autrement appelée `'l'objectivité scientifique'' Bachelard s'explicite à propos, « en revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel »207(*).

    En ce sens, le profond souci de Bachelard est de montrer avec insistance comment le présent scientifique illumine le passé historique.

    L'entreprise épistémologique de Gaston Bachelard invalide donc les notions de l'épistémologie antérieures, elle disqualifie les problèmes des épistémologies traditionnelles qu'elle met hors du jeu et qu'elle accuse d'un certain immobilisme et d'un certain fixisme pour le progrès de la science.

    C'est donc une philosophie dissidente qui s'acharne contre tout réalisme naïf et immédiat et contre tout idéalisme à vide.

    La psychanalyse de l'esprit, qu'il nous propose, a une grande importance par le simple fait que le problème qui handicape le progrès de la connaissance scientifique se trouve lié à la personne qui veut connaître. C'est pourquoi il y a nécessité d'une catharsis pour purifier cet esprit qui doit s'adapter aux nouvelles théories scientifiques en vogue.

    Gaston Bachelard a signalé ce qui empêche l'esprit humain de progresser scientifiquement, grâce à la psychanalyse de l'esprit, donnant lieu à une coupure ou rupture épistémologique, l'esprit humain sera à même d'atteindre la vérité désignée scientifiquement par `'objectivité''.

    L'objectivité est, pour ainsi dire, un idéal que l'on poursuit. On ne peut la définir que négativement car un mouvement ne se définit pas, il s'accomplit ; ici, il faut comprendre la réflexion comme retour sur ce qui est premier, possibilité de dire non au découpage de la langue, aux impulsions premières, à l'éducation.

    Eu égard à ce qui précède, l'objectivité scientifique n'est peut-être qu'un souci, celui de la réflexion. Mais pas n'importe quelle réflexion, c'est celle qui est dépourvue des idées préconçues, constituant un obstacle à l'évolution de la science. C'est tout ce que nous nous sommes proposé de démontrer dans un tout dernier chapitre de notre étude. Bachelard opère, au demeurant, un dépassement et un déclassement des paradigmes classiques de l'empirisme et du rationalisme.

    Dépassement et déclassement qui veulent que l'esprit scientifique contemporain s'émeuve dans un champ épistémologique qui prend en compte les deux pôles du savoir : il plaide pour une épistémologie concordataire en considérant qu'il faut nettement dépasser l'opposition entre empirisme et rationalisme. « Pas de rationalisme à vide, pas d'empirisme décousu »208(*). L'activité scientifique suppose nécessairement, d'après Bachelard, la mise en oeuvre d'un rationalisme appliqué ou d'un matérialisme rationnel209(*).

    Mais que pouvons-nous dire nous-même de Bachelard que nous venons d'étudier ?

    En effet, Gaston Bachelard est intimement porté par le mouvement de la science tel que décrypté dans les ébranlements de sciences physiques de son temps et dans les émerveillements que les sciences nouvelles apportent pour déterminer le nouveau mécanisme et de nouvelles gammes dans l'études et la compréhension des phénomènes de la nature. Il réalise de manière incisive que la science est la véritable école de la raison, qu'elle distend par un effet de retour, et dont elle ne cesse de multiplier les lieux de fécondité.

    Ayant découvert ce qui est à la cause de stagnation de la science, en tant que résident dans l'inconscient du chercheur, nous avons été amené à dégager l'importance d'une psychanalyse de l'esprit pour ouvrir la voie à l'objectivité scientifique.

    La recherche de l'objectivité qui meut Gaston Bachelard se justifie par le fait que le postulat de l'objectivité guide le prodigieux développement de la science ; « il est consubstantiel à la science »210(*).

    Dans cette perspective, l'entreprise de Bachelard est sans nul doute d'une haute portée épistémologique. Cependant, elle semble déjà laisser en nous un certain nombre de malentendu.

    S'il est vrai que la science doit progresser en surmontant les obstacles épistémologiques pour créer l'objectivité scientifique, il n'est pas moins vrai que c'est le sujet connaissant qui est appelé à créer cette objectivité. Nous nous sommes posé la question de savoir si `' on peut psychanalyser totalement le sujet connaissant de sorte que la science ne soit vraiment qu'une connaissance objective'' ?

    Nous pensons, quant à nous, que dans toute recherche scientifique il y a possibilité de motivations extra-scientifiques du chercheur, par exemple ce qu'il refoule ou sublime, ce qu'il déteste ou ce qu'il chérit, dans sa relation à ses interlocuteurs, fait partie de sa recherche, sans nécessairement que cela bloque la science.

    Nous sommes convaincu que l'objectivité scientifique ne peut en aucun cas être purement objective mais toujours la marque du sujet qui réalise cette objectivité. Notre observation, nous la faisons remonter essentiellement sur la systématisation de sa philosophie du non ou de sa notion des dialectiques enveloppantes en rapport avec la notion de discontinuité scientifique et le sens du progrès.

    En effet, la tradition philosophique nous a toujours présenté un Bachelard discontinuiste : tout le monde en serait du moins d'accord là-dessus et c'est cette même particularité qu'il partagerait avec Popper, Kuhn, Lakatos et avec tous ceux qui ont adopté l'idéal de la discontinuité dans le progrès des sciences de la nature. Mais la manière bachelardienne de présenter ces progrès, discontinuités pourtant, cache encore mal, à nos yeux l'idée d'une continuité.

    Nous savons, par exemple que Kuhn s'est finalement révisé en montrant que, quel que soit le degré de révolutions que subissent de temps en temps les paradigmes, quelle que soit la persistance des crises présidant à ces révolutions et quelle qu'en soient les conséquences, les changements des sciences portent toujours la marque de la tradition.

    Et l'herméneutique que nous avons pouvons faire de Lakatos parait la même. Chez lui aussi, en effet, autant que chez Kuhn mais par des voies nettement différentes, il n'est pas difficile de trouver une idée de tradition. De tous les bouleversements que connaissent les sciences, Lakatos montre que seules les hypothèses qui forment la ceinture qui sont convoquées à la révision, à la reformulation et à la réorganisation ; elles sous-tendent et soutiennent ainsi la pertinence du noyau dur, de peur que la science ne devienne qu'une simple structure chancelante sous le coup des révisions interminables.

    Notre philosophe, cependant, est resté intransigeant jusqu'à la fin de son oeuvre. Ce que nous ne contestons pas. Par contre, nous trouvons chez lui, l'idée que l'acquis scientifique présent insère l'acquis scientifique passé afin de faire de la science une mémoire rationnelle. C'est cela même la caractéristique fondamentale de la notion des dialectiques enveloppantes dont soutient Bachelard. C'est d'ailleurs, à notre avis, avec cette thèse de progrès par négations dynamisantes où la négation ne perd pas la confiance de la formation première et beaucoup d'autres thèses que nous ne pourront expliciter ici, qu'il s'avère de nous interroger.

    « Ces thèses ne portent-elles pas une moindre idée de continuité des sciences ? Le paradigme d'Einstein, s'est-il vraiment dépassé le paradigme newtonien pour faire ses preuves dans l'explication des phénomènes physiques ? A-t-il réussi à piétiner la physique newtonienne ? Newton serait-il réellement mort parce qu'Einstein a su faire renom ?211(*)

    Autant des préoccupations et d'interrogations qui ne cessent de rester lancinantes et obsédantes en nous et nous mènent à croire, toute réserve faite, que Bachelard a peut-être aussi professé la continuité mais sous une autre forme : nous laissons cette problématique ouverte.

    Quant à ce qui concerne la psychanalyse bachelardienne, elle est, celle qui, conduisant certes le scientifique à un effort d'objectivité dans la recherche, mais nous pensons qu'il y a lieu, là aussi, de repenser certains aspects notamment l'objectivité, elle est, à notre avis, le fruit de l'intersubjectivité pour ne pas tomber dans le `'subjectivisme scientifique'' ni dans ce que nous appelons `'l'illusion d'une objectivité sans sujet'' comme nous le semble suggérer l'épistémologie bachelardienne.

    Nous ouvrons, des lors le couvercle d'une marmite contenant notre projet des recherches ultérieures...

    ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

    1. OUVRAGES DE L'AUTEUR

    Ø Bachelard, Gaston, Essai sur la connaissance approchée. Paris, Librairie Philosophique Joseph Vrin, 1927. 307 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, Le nouvel esprit scientifique. (Quadrige). Paris, Presses Universitaires de France, 1934. 183 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, La philosophie du non. Essai d'une philosophie du nouvel esprit scientifique. Quadrige). Paris, Presses Universitaires de France, 1940, 145 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, La terre et les rêveries du repos. Paris, Librairie José Corti, 1948. 337 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, Le matérialisme rationnel. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine. Fondée par Félix Alcan). Paris Presses Universitaires de France, 1953. 224 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, Le rationalisme appliqué. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine. Logique et Philosophies des sciences). 2ème édition, Paris, Presses universitaires de France, 1962. 215 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, L'activiste rationaliste de la physique contemporaine. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine). Paris, Presses Universitaires de France, 1965. 225 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, Etudes. (Bibliothèques des textes philosophiques). Présentation de Georges Canguilhem. Paris, Librairie Philosophique Joseph Vrin, 1970. 97 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, L'engagement rationaliste. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine. Fondée par Félix Alcan). Préface de Georges Canguilhem. Paris Presses Universitaires de France, 1972. 190 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, Epistémologie. Textes choisis par Dominique Lecourt. Paris, Presses Universitaires de France, 1974. 216 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, La formation de l'esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective. (Bibliothèques des textes philosophiques). 13ème édition, Paris, Librairie Philosophique Joseph Vrin, 1986. 256 pages. 1ère édition 1938.

    Ø Bachelard, Gaston, L`intuition de l'instant. (Livre de poche). Paris, Editions stock, 1992. 154 pages.

    Ø Bachelard, Gaston, La terre et les rêveries de la volonté. Essai sur l'imagination de la matière. (Les Massicotés) 2ème édition, Paris, Librairie José Corti, 2004. 381 pages. 1ère édition 1948.

    2. OUVRAGES SUR L'AUTEUR

    Ø DAGOGNET, François, Gaston Bachelard, sa vie, son oeuvre avec un exposé de sa philosophie. (Philosophies). Paris, Presses Universitaires de France, 1965. 116 pages.

    Ø GIL, Didier, Bachelard et la culture scientifique. (Philosophies). Paris, Presses Universitaires de France, 1983. 122 pages.

    Ø GINESTIER, Paul, Pour connaître la pensée de Bachelard. (Pour connaître la pensée). Paris, Bordas, 1968. 223 pages.

    Ø LECOURT, Dominique, une critique de l'épistémologie. (Bachelard, Canguilhem, Foucauld). (Théorie). Paris, Librairie François Maspero, 1972. 134 pages.

    Ø LECOURT, Dominique, L'épistémologie historique de Gaston Bachelard. (Bibliothèque d'histoire de la philosophie). Avant-propos de Georges Canguilhem. Onzième tirage augmenté d'une postface. Paris, Librairie Philosophique Joseph Vrin, 2002. 123 pages.

    Ø LIBIS, Jean, Gaston Bachelard ou la solitude inspirée. Paris, Berg International Editeurs, 2007. 166 pages.

    Ø MANSUY, Michel, Gaston Bachelard et les éléments. Paris, Librairie José Corti, 1967. 380 pages.

    Ø POULIQUEN, Jean-Luc, Gaston Bachelard ou le rêve des origines. (Ouverture/Philosophique). Préface de Marly Bulcao, Paris, L'Harmattan, 2007. 136 pages.

    Ø VADEE, Michel, Gaston Bachelard ou le nouvel idéalisme épistémologique. Paris, Editions Scolaires, 1975. 304 pages.

    3. AUTRES OUVRAGES

    Ø AKENDA, Jean Chrysostome, Epistémologie structuraliste et Comparée I. Les sciences de la culture. (Recherches Philosophiques Africaines). Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 2004. 314 pages.

    Ø CANGUILHEM, Georges, Etudes d'histoire et de Philosophie des sciences. Concernant les vivants et la vie. (Problèmes et Controverses). 7ème édition augmentée. Paris, Librairie Philosophique Joseph Vrin, 2002. 430 pages.

    Ø CHALMERS, Alan - F., Qu'est-ce que la science ? Récents développements en Philosophie des sciences : Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend. (Livre de Poche). Traduit de l'anglais par Michel Biezunski. Paris, Editions La découverte, 1987. 286 pages.

    Ø DIMANDJA, Célestin, Le concept de philosophie de sciences. Kinshasa, Noraf Micro - Editions, 2002. 74 pages.

    Ø FEYERABEND, Paul, Contre la méthode. Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance. Traduit de l'anglais par Baudouin Jurdant et Agnès Schlumberger. Paris, Editions du Seuil, 1979. 349 pages.

    Ø FEYERABEND, Paul, Adieu la raison. Traduit de l'anglais par Baudouin Jurdant. Paris, Editions du Seuil, 1989. 373 pages.

    Ø GRANGER, Gilles - Gaston, Pour la connaissance philosophique. Paris, Editions Odile Jacob, 1988. 282 pages.

    Ø GRANGER, Gilles - Gaston, Essai d'une philosophie du style. Paris, 1988. 309 pages. 1ère édition Librairie Armand Collin, 1968.

    Ø HABERMAS, Jürgen, Connaissance et Intérêt. Traduit de l'Allemand par Gérard Clémencon, postface traduite par Jean-Marie Brohm, préface de Jean-René Ladmiral. (Tél.). Paris, Editions Gallimard, 1976. 386 pages.

    Ø HANS, Jonas, Le principe de la responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique. Traduit par Jean Gresch, 2ème édition (Passage), Paris, Cerf, 1992. 302 pages.

    Ø KANT, Emmanuel, Critique de la raison pure. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine). Traduction française avec notes par A. Tremesaygues et B. Pacaud, Préface de Ch. Serres. Paris, Presses Universitaires de France, 1944, 584 pages.

    Ø KUHN, Thomas Samuel, La structure des révolutions scientifiques. Paris, Garnier - Flammarion, 1983. 284 pages.

    Ø KUHN, Thomas Samuel, La tension essentielle. Tradition et Changement dans les sciences. (Bibliothèque des Sciences Humaines). Traduit de l'anglais par Michel Biezunski, Pierre Jacob, Andrée Lyotard-May. Paris, Editions Gallimard, 1990. 480 pages.

    Ø KREMER - MARIETTE, Angèle, Philosophie des sciences de la nature. (L'interrogation Philosophique). Paris, Presses Universitaires de France, 1999. 280 pages.

    Ø LAKATOS, Imre, Histoire et Méthodologie des sciences. Programme des recherches et reconstruction rationnelle. (Bibliothèque d'Histoire des sciences). Traduction de l'anglais par Catherine Malamoud et Jean Fabien Spitz sous la direction du Luce Giard. Paris, Presses Universitaires de France, 1994, 268 pages.

    Ø MERLEAU - PONTY, Maurice, Phénoménologie de la perception. (Tel.) Paris, Editions Gallimard, 1945. 531 pages.

    Ø METZ, André, Une nouvelle philosophie des sciences. Le causalisme de M. Emile Meyerson. Paris, Librairie Félix Alcan, 1928. 210 pages.

    Ø MEYERSON, Emile, Du cheminement de la pensée I. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine). Paris, Librairie Félix Alcan, 1931, 294 pages.

    Ø MEYERSON, Emile, Identité et réalité. 5ème édition, Paris, Librairie Philosophique Joseph Vrin, 1951. 571 pages.

    Ø MEYERSON, Emile, De l'explication dans les sciences. (Corpus des OEuvres de Philosophie en Langue Française). Paris, Librairie Arthène Fayard, 1995. 978 pages. 1ère édition Editions Payot, 1927.

    Ø POPPER, Karl Raimund, La logique de la découverte scientifique. Traduit de l'anglais par Nicole Thyssen Rutten et Philippe Devaux, préface de Jacques monod. Paris, Editions Payot, 1984. 480 pages.

    Ø POPPER, Karl Raimund, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir. (Bibliothèque scientifique). Traduit de l'anglais par Michelle Irène et Marc B de Launay. Paris, Payot, 1985. 610 pages.

    Ø POPPER, Karl Raimund, La connaissance objective. Traduit de l'anglais par Catherine Basttyns. 3ème éditions, Paris, Editions Complexes, 1985. 174 pages. 1ère édition 1978.

    Ø SCHOTTE, Jean - Claude, La science des philosophes. Une histoire critique de la théorie de la connaissance. (Le point philosophique). Paris - Bruxelles, De Boeck - Larcier S.a., 1998. 259 pages.

    Ø ULLMO, Jean, La pensée scientifique moderne. (Bibliothèque de Philosophie Scientifique). Paris, Garnier - Flammarion, 1969, 315 pages.

    Ø VIRIUEX - REYMOND, Antoinette, Introduction à l'épistémologie. (SUP/LE philosophe). Paris, Presses Universitaires de France, 1972. 146 pages.

    Ø WHITEHEAD Alfred North, Procès et réalité. Essai de cosmologie. (Bibliothèque de Philosophie). Traduit de l'anglais par Daniel Charles, Maurice Eli, Michel Fuches, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Robert Sasso et Arnaud Villani. Paris, Editions Gallimard, 1995. 579 pages.

    4. OUVRAGES GENERAUX

    Ø BARAQUIN, Noela et LAFFITTE, Jacqueline, Dictionnaire des philosophes. Paris, Armand Colin, 2002. 341 pages.

    Ø BLAY, Michel, Grand dictionnaire de la philosophie. Paris, Larousse / VUEF, 2003. 1105 pages.

    Ø FOULQUIE, Paul, Dictionnaire de la langue philosophique. Paris, Presses Universitaires de France, 1992.

    Ø LALANDE, André, Vocabulaire technique et critique de la langue philosophique. 1 - 2. Quadrige, Presses Universitaires de France, 1999. 1323 pages. 1ère édition 1923.

    Ø PARRAIN - VIAL, Jean, Tendances nouvelles de la philosophie. Paris, Le centurion, 1978. 302 pages.

    Ø RUFF, Joseph, Dictionnaire de la philosophie. Paris, Bordas, 1991.

    5. ARTICLES ET NOTES INEDITES

    Ø AKENDA, Jean - Chrysostome, Symbole et Identité. Pour une éthique de l'identité dans la philosophie des formes symboliques d'Ernest Cassirer, Dans revue Philosophique de Kinshasa 17 - 18, 1996, p. 39 - 78.

    Ø AKENDA, Jean - Chrysostome, Notes critiques, dans Revue Philosophique de Kinshasa 21 - 22, 1998, p. 187 - 192.

    Ø AKENDA, Jean - Chrysostome, Théories épistémologiques de croissance de la connaissance. Introduction à l'épistémologie des sciences de la nature, cours Inédit, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 2006 - 2007. 62 pages.

    Ø DIMANDJA, Célestin, Newton peut - il mourir ? Séminaire d'Epistémologie Inédit, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 2008 - 2009.

    Ø MAKELELE, Crispin, Epistémologie Générale, Cours Inédit, Grand Séminaire Kalonda, 2005 - 2006.

    Ø KIALUTA, Dénis, Epistémologie Générale, Cours Inédit, Grand Séminaire de Philosophie Saint Kaggwa, 2003 - 2004.

    Ø MUKUNDA, Rodin, Rapports entre Philosophie et logique. Cours Inédit, U.C.C.M, 2008 - 2009.

    Ø NGWEY, Crispin, De la transfiguration du réel dans les sciences contemporaine. Une leçon de l'épistémologie Bachelardienne, dans Revue Philosophique de Kinshasa. 3 - 4, 1989, p. 25 -36.

    Ø PICHON, Michèle, L'Inconscient de l'esprit scientifique. Rêverie savante et rêves des savants, dans Bulletin de l'Association des Amis de Gaston Bachelard. N°9, 2007.

    Ø QUILLET, Pierre, Gaston Bachelard, dans D. HUISMAN (dir.), Dictionnaire des philosophes. Préface de Ferdinand Alquié, De l'Institut, Introduction de Marcel Conche. Paris, Presses Universitaires de France, 1984.

    Ø YELE-YELE, Alain, Question Approfondies de l'Epistémologie. Cours Inédit, Kinshasa, U.C.C.M., 2007 - 2008.

    TABLE DES MATIERES

    EPIGRAPHE I

    DEDICACES II

    REMERCIEMENTS III

    0. INTRODUCTION GENERALE 1

    CHAPITRE PREMIER : DE LA CONCEPTION BACHELARDIENNE DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE 9

    0. Mise en place 9

    I.1. Emile Meyerson et la conception statique de la science 10

    I.2. La déduction meyersonienne 18

    I.3. De l'immobilisme classique au nouvel esprit scientifique 23

    I.3.1. La période préscientifique 24

    I.3.2. La période de l'état scientifique 26

    I.3.3. La période du nouvel esprit scientifique 27

    I.6. Conclusion du chapitre premier 29

    CHAPITRE DEUXIEME : LES OBSTACLES EPISTEMOLOGIQUES 31

    II. 0. Mise en place 31

    II.1. La notion d'obstacles épistémologiques 32

    II.1.1. L'expérience première 34

    II.1.2. La connaissance générale 38

    II.1.3 L'obstacle verbal 41

    II.1.4. L'obstacle de la connaissance pragmatique et unitaire 43

    II.1.5. Doctrine substantialiste 45

    II.1.6. Le réalisme 47

    II.1.7. L'obstacle animiste 49

    II.1.8. Le mythe de la digestion 50

    II.1.9. Libido et une connaissance objective 51

    II. 2. Caractéristiques des obstacles épistémologiques 53

    II.3. Conclusion du chapitre deuxième 58

    CHAPITRE TROISIEME : DE LA CATHARSIS A l'OBJECTIVITÉ SCIENTIFIQUE 60

    0. Mise en place 60

    III.2. Les exigences de la rupture épistémologique 61

    III.2.1. La rupture épistémologique comme transcendantal de l'objectivité scientifique 61

    III.2.2. La morale bachelardienne 65

    III.2.2.1. L'exigence de la catharsis intellectuelle et affective 66

    II.2.2.2. L'exigence de la réforme de l'esprit 66

    III.2.2.3. L'exigence du refus d'argument d'autorité. 67

    II.2.2.4. L'exigence de l'inquiétude de la raison 68

    CONCLUSION GENERALE 70

    ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 82

    TABLE DES MATIERES 93

    * 1 K. POPPER, La logique de la découverte scientifique, Paris, Payot, 1984, p.16.

    * 2 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scient, Paris, J.Vrin, 1986, p.13.

    * 3 Ibid., p. 14.

    * 4 Ibidem.

    * 5 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.14.

    * 6 Idem, Le matérialisme rationnel, Paris, P.U.F, 1953, p.27.

    * 7 Le positivisme professe encore que seuls les énoncés scientifiques sont cognitivement valables, certains et sensé ; seuls les sciences expérimentales méritent crédit.

    Chez Karl Popper, on peut encore lire que « le positivisme repousse l'idée qu'il puisse y avoir en dehors du champ de la science empirique « positive » des problèmes pourvus de sens, des problèmes susceptibles d'être traités par une théorie philosophique authentique. Il rejette l'idée qu'il puisse y avoir une authentique théorie de la connaissance une épistémologie ou une méthodologie. Cfr K. POPPER, Op.cit, p.48.

    * 8 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, Paris, P.U.F, 1934, p.46.

    * 9 Idem, La philosophie du nom. Paris, P.U.F, 1940, p.137.

    * 10 Cfr. T. KUHN, La tension essentielle, Tradition et changement dans les sciences, Paris, Gallimard, 1990. Il s'agit plus exactement ici de la deuxième position que soutiendra Kuhn, position qui modifie en quelque sorte les premières thèses qu'il avait soutenues, thèses selon lesquelles les théories scientifiques étaient essentiellement marquées par des révolutions paradigmatiques. Mais, avec sa tension essentielle, Kuhn se ressaisit et démontre désormais qu'il y a une tradition dans les sciences, tradition qu'aucun changement ne peut entièrement basculer.

    * 11 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p.152.

    * 12 Idem., L'engagement rationaliste, Paris, P.U.F, 1972, p. 23.

    * 13 P. QUILLET, Gaston Bachelard dans Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F, 1984, p.189.

    * 14 G. Bachelard, La psychanalyse du feu, Paris, P.U.F, 1972, p.18.

    * 15 G. Bachelard, la formation de l'esprit scientifique, p.54.

    * 16 J.L Pouliquen, Gaston Bachelard ou le rêve des origines, Paris, l'harmattan, 2007, p.11.

    * 17 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.9.

    * 18 J.-C. SCHOTTE, La science des philosophes. Une histoire critique de la théorie de la connaissance. (Le point philosophique), Paris - Bruxelles, De Boeck - Larcier S.a., 1998. p. 102.

    * 19 Emile Meyerson est né à Lublin en 1859, le 12 février, dans l'ancien Royaume russe fr Pologne. C'est donc un philosophe français d'origine russe. Son père, marchand de draps, est responsable de la communauté juive de Lublin. Sa mère se fait connaître en publiant un roman nourri de souvenirs familiaux. Emile Meyerson quitte sa ville natale pour faire une grande partie de ses études secondaires ainsi que supérieurs en Allemagne. C'est vers la chimie qu'il s'oriente, dans un premier moment. Il étudie entre autres auprès de Robert Wilhelm Eberhard Bunsen qui certifie, dans une attestation du mai 1882, que « Le Docteur Emile Meyerson, de Lublin, [...] a pris part depuis le mois de mars 1879 jusqu'au mois d'octobre 1890 avec le plus grand zèle et avec le meilleur succès aux exercices pratiques de chimie dirigés par moi et qu'il s'est occupé spécialement d'analyses inorganiques, entre autres surtout de l'analyse des gaz et de l'analyse spectacle. Le zèle soutenu avec lequel Monsieur le Docteur Meyerson a poursuivi ses études me donne la conviction qu'il remplira avec succès ses fonctions en rapport avec ses connaissances approfondies ». Cf. Extrait d'Emile Meyerson, De l'explication dans les sciences, 1921, p.96.

    On présente le plus souvent l'oeuvre d'Emile Meyerson comme une épistémologie. On fait même crédit à cet auteur d'avoir introduit le terme en français et d'avoir fixé son sens de philosophie des sciences. Jusqu'alors, le mot avait court en Anglais, où il était synonyme de théorie de la connaissance.

    * 20 Auguste Comte est à la fois et indissociablement philosophe, sociologue et réformateur social. Il est né en 1798 à Montpellier, et est mort à Paris en 1853. L'idée centrale de son oeuvre est celle de l'unité humaine : l'espèce humaine est une, elle est partout soumise au même processus historique, déterminée par les mêmes lois sociales et doit par conséquent aboutir uniformément au même ordre social.

    * 21 A. COMTE, Cours de philosophie positive, p.19.

    * 22 Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F, 1974, p.19.

    * 23 Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F, 1974, p.21.

    * 24 J.RUSS, Dictionnaire de philosophie, Paris, Bordas, 1991, p.325.

    * 25 Ibid, p.341.

    * 26 Ibid, p.343.

    * 27 Ibid, p.346.

    * 28 K. POPPER, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir, Paris, Payot, 1985, p. 131.

    * 29 Ibid, p.127.

    * 30 KINANGA Masala, Initiation à la logique, 1. Logique fondamentale, Kinshasa, science et discursivité, 2007, p.95-96.

    * 31 K. POPPER, Op.cit, p.126.

    * 32 J. HABERMAS, Connaissance et intérêt, Paris, Gallimard, 1976, p.35.

    * 33 Ibid, p. 101.

    * 34 Ibid., p. 103.

    * 35 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, 6è éd., Paris, P .U.F, 1999, p.139.

    * 36 Ibid, p.142.

    * 37Ibid., p.146.

    * 38 C. NGWEY, De la transfiguration du réel dans les sciences contemporaines. Une leçon de l'épistémologie Bachelardienne, dans R.P.K., 3-4, 1989, p.27.

    * 39 E. MEYERSON, La déduction relativiste, cité par D. LECOURT, p.35.

    * 40 Ibid., p.37,

    * 41 E. MEYERSON, La déduction relativiste, p.10.

    * 42 E. MEYERSON, Du cheminement de la pensée, p.34.

    * 43 Ibid., p.36.

    * 44 Idem, Identité et réalité, Paris, Vrin, 1951, p.402.

    * 45 E. Meyerson cité par D. LECOURT, Op.cit, p.37.

    * 46 E. Meyerson cité par D. LECOURT, p.38.

    * 47 L'expression « sens commun » renvoie chez Bachelard à l'expérience première, observation immédiate, à l'opinion.

    * 48 E. Meyerson cité par D. LECOURT, Op. Cit., p.39.

    * 49 Idem., De l'explication dans les sciences, Paris, Librairie Arthène Fayard, 1995, p.37.

    * 50 E. MEYERSON, De l'explication dans les sciences, Paris, Librairie Arthène Fayard, 1995, p.40.

    * 51 Idem., La déduction relativiste, p.79.

    * 52 Ibid, p.366.

    * 53 D. LECOURT, Op. Cit., p.37.

    * 54 G. BACHELARD, La terre et les rêveries du repos, p.5.

    * 55 G. CANGUILHEM, Op. Cit, p.194.

    * 56 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p.177-178.

    * 57 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p. 201.

    * 58 Du point de vue de notre auteur partagé d'ailleurs avec Popper.

    * 59 D. LECOURT, Op.Cit, p.35.

    * 60 Nous épargnons nos lecteurs de tous ces détails pour cet instant parce que nous voudrions les examiner un peu plus en détail au troisième chapitre de notre travail. Qu'il nous soit donc permis pour le moment de les évoquer en groupe.

    * 61 G. BACHELARD, La philosophie du non, p.9.

    * 62 Idem, la formation de l'esprit scientifique, p.17.

    * 63 Ibid, p.8.

    * 64 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.8.

    * 65 Ibid, p.13.

    * 66 Ibid., p. 93.

    * 67 Ibid., p. 95.

    * 68 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p. 9.

    * 69 Ibid, p.7.

    * 70 Ibidem.

    * 71 H.G. WELLS, cité par G. Bachelard, Op.cit, p.9.

    * 72 Ibid, p.8

    * 73 G. BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.8.

    * 74 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.9.

    * 75 Ibid., p.6.

    * 76G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.13.

    * 77 G. BACHELARD, Epistémologie, Paris, Seuil, 1968, p. 163.

    * 78 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, 12e éd. Paris, J. Vrin, 1983.

    * 79 J.-C. AKENDA, Théories épistémologiques de croissance de la connaissance. Introduction à l'épistémologie des sciences de la nature, cours, Kinshasa, F.C.K., 2006-2007, p.42

    * 80 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p. 13.

    * 81 N. BARAQUIN et J. LAFFITTE, Dictionnaire des philosophes, Paris, Arman Colin, 2002, p. 40.

    * 82 G. BACHELARD, Op. Cit., p.13-14

    * 83 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.14.

    * 84 Ibid., p. 6.

    * 85 Ibid., 15.

    * 86 Ibid., p. 23.

    * 87 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p. 23.

    * 88 Ibid., p.34

    * 89 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p. 23

    * 90 Ibid, p.54

    * 91 Idem., Le nouvel esprit scientifique, Paris, P.U.F., 1999, p.16.

    * 92 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.25.

    * 93 Ibid, p.26.

    * 94 Ibid., p.29.

    * 95 Ibid., p.40.

    * 96 Ibidem

    * 97 G. BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.38.

    * 98 Ibid., p.55.

    * 99 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.55-56

    * 100 Ibid, p.56.

    * 101 Ibid., p. 57.

    * 102 G. BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.61.

    * 103 Ibid., p.63.

    * 104 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.65.

    * 105 Ibid, p.73.

    * 106 Ibid., p.74.

    * 107 G. BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.74-75.

    * 108 Ibid., p. 76

    * 109 Ibid., p.79.

    * 110 Ibidem.

    * 111 Ibid., p.78

    * 112 Ibid, p. 79.

    * 113 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.80.

    * 114 Ibid., p. 86

    * 115 Ibid., p.87

    * 116 Ibid., p.90.

    * 117 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.91

    * 118 Ibid., p.92

    * 119 Ibid., p.93.

    * 120 Ibidem.

    * 121 G. BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.108.

    * 122 Ibidem.

    * 123 Ibid., p.109.

    * 124 G. BACHELARD, Epistémologie, p.179.

    * 125 Ibid., p.181

    * 126 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.181.

    * 127 Ibid., p.99

    * 128 Ibidem.

    * 129 A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 9e édition, Paris, P.U.F., 1962, p.89.

    * 130 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p.6.

    * 131 Ibid., p.9.

    * 132Idem, Epistémologie, p.167.

    * 133 Idem., Le nouvel esprit scientifique, p.6

    * 134 Idem, Epistémologie, p.167.

    * 135 Epistémologie, p.167.

    * 136 Idem, La formation de l'esprit scientifique, p.154

    * 137 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.156.

    * 138 Ibid, 159

    * 139 Ibid., p.177.

    * 140 Ibid., p.169.

    * 141 Ibid., p.172-173.

    * 142 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.181

    * 143 Ibid, p.207.

    * 144 Ibid., p.209.

    * 145 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.211.

    * 146 Ibid., p.212.

    * 147 Ibid., p. 213.

    * 148 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.213.

    * 149 Idem., Epistémologie, p.67.

    * 150 G.BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.241.

    * 151 Ibid, p.14.

    * 152 G. BACHELRD, La formation de l'esprit scientifique, p.21.

    * 153 Ibid., p.243.

    * 154Ibid., p.242.

    * 155G. BACHELARD, La philosophie du non, p.123.

    * 156 Ibid., p.125.

    * 157 G.BACHELARD, La philosophie du non, p.133

    * 158 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.177.

    * 159 Ibid., p.179

    * 160 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.239.

    * 161 G. BACHELARD, Epistémologie, p.79.

    * 162 Idem, La formation de l'esprit scientifique, p.239.

    * 163 Ibid., p.240.

    * 164 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p. 240.

    * 165 Idem., Le nouvel esprit scientifique, p.140.

    * 166 P.QUILLET, Op. Cit., p.106.

    * 167 M. VADEE, Gaston Bachelard ou le nouvel idéalisme épistémologique esprit, Paris, Editions Scolaires, 1975, p. 57.

    * 168Ibid., 66.

    * 169 G. BACHELARD, La philosophie du non, p.128.

    * 170 Idem, La formation de l'esprit scientifique, p.14.

    * 171 G. GACHELARD, la philosophie du non, p.130.

    * 172 Ibidem.

    * 173 M. SERRES, La reforme et sept pêches, p.73.

    * 174 G. BACHELARD, LA formation de l'esprit scientifique, p.18.

    * 175 Ibid., p.15.

    * 176 Idem, La philosophie du non, p.134.

    * 177 G. BACHELARD, La philosophie du non, p.28.

    * 178 Ibid., p.31.

    * 179 Idem, La formation de l'esprit scientifique, p.14.

    * 180 Ibid, p.15.

    * 181 Ibid., p.16

    * 182 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.19.

    * 183 Ibid., p.247.

    * 184 G. BAHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.248.

    * 185 Ibidem.

    * 186 Idem, La philosophie du non, p.135.

    * 187 G. Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, p. 121.

    * 188 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p. 123.

    * 189 K. POPPER, Op. Cit., p. 202.

    * 190 Le réalisme est, suivant Bachelard, toute doctrine qui maintient l'organisation au niveau des impressions elles-mêmes et, qui, place le général après la particulier. Et Meyerson de « professer que la raison doit se faire violence elle-même pour s'adapter aux formes que lui imposent le relativisme. Cfr. La déduction relativiste, p. 366.

    * 191 J.-C. SCHOTTE, Op. Cit., p.167.

    * 192 G. BACHELARD, Le rationalisme appliqué, p. 40-43.

    * 193 Idem, L'activité rationaliste de la physique contemporaine, p.29.

    * 194 G. BACHELARD, La philosophie du non, p.105.

    * 195 Idem, Le rationalisme appliqué, p. 114.

    * 196 Idem, Le matérialisme rationnel, p.10.

    * 197 Idem, La formation de l'esprit scientifique, p.14.

    * 198 Idem, Essai sur la connaissance approchée, p.275.

    * 199 J.-C. SCHOTTE, Op. Cit., p.168-169.

    * 200 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, chapitre premier (la notion d'obstacle épistémologiques, plan de l'ouvrage. p. 13-22.

    * 201 Idem, Le rationalisme appliqué, p. 53.

    * 202 E. MEYERSON, Du cheminement de la pensée, p. 17.

    * 203 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p.139.

    * 204 Ibid., p. 172.

    * 205 La notion des dialectiques enveloppantes dont il est question ici se situe au coeur du système épistémologique de Gaston Bachelard. Ce dernier stipule que les théories ne sont discontinues au sens de la réfutabilité ou de la falsifiabilité poppériennes, ni au sens des révolutions paradigmatiques, telles que Kuhn le pensera plus tard, au sens d'un développement.

    Chez lui, les théories scientifiques ne se développent pas mais au contraire, elles s'enveloppent ; elles ne se contredisent pas, elles se contractent ; elles ne se succèdent pas non plus, elles s'emboîtent. C'est le sens d'une épistémologie historique. L'acquis scientifique présent insère l'acquis scientifique passé pour le retravailler et le réorganiser, et c'est cette réorganisation que Bachelard justement `'dialectique'' pour désigner la démarche spécifiquement progressive de la pensée scientifique. Cfr. Le nouvel esprit scientifique, p.177.

    * 206 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p.178.

    * 207 IG. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p. 13-14.

    * 208 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p. 179.

    * 209 Ibid., p. 183.

    * 210 J. MONOD, Op. Cit., p.33.

    * 211 Nous nous référons ici aux enseignements du Séminaire de Logique et d'Epistémologie, 2008 - 2009.






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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe