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De la psychanalyse du sujet connaissant à  l'objectivité scientifique dans l'épistémologie Bachelardienne

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par Merleau NSIMBA NGOMA
Université chrétienne Cardinal Malula RDC - Licence en philosophie et lettres 2009
  

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0. INTRODUCTION GENERALE

Il est, universellement, admis que l'homme est essentiellement un homo sapiens. En tant que tel, il dispose d'un savoir et d'une sagesse grâce auxquelles il comprend les phénomènes de la nature et devient par conséquent maître de tout ce qui l'entoure.

Il est celui, qui, trouvant dans cette maîtrise à la fois une connaissance de l'ordre du monde et un mobile d'y adhérer. Ainsi son esprit s'associe aux phénomènes qui l'entourent et forme-t-il l'objet de sa connaissance.

C'est alors, dans cette perspective, que nous pouvons soutenir la thèse selon laquelle le problème de la connaissance a toujours été, à travers l'histoire de l'humanité, au centre des multiples préoccupations de l'homme. Car c'est bel et bien par elle que l'homme se détermine et atteste excellemment son être supérieur au sein d'un monde immense et peuplé de multiples êtres.

En effet, de l'Antiquité à nos jours, en passant bien sûr par les médiévaux et les modernes, de nombreux penseurs ont fait preuve d'efforts louables mais parfois et souvent inachevés dans leurs recherches d'une meilleure compréhension de l'homme dans les différentes dimensions et acceptions de son être. « Méditations sur... », « Contribuons à ..., « Critiques de ... ». Voilà, à notre avis, autant de principales conceptualités qui concrétisent ce désir constant, ardent et brûlant de l'esprit humain à atteindre toujours davantage un niveau de rationalité plus perfectionné.

Karl Raimond Popper pense d'ailleurs, à ce sujet, qu' « on devait se rappeler, dans ce contexte, que presque tous les problèmes de l'épistémologie rationnelle sont liés au problème de la croissance mais aussi celui de la formation de cette connaissance. Je suis même tenté d'aller plus loin ; de Platon à Descartes, Leibniz, Kant, Duhem et Poincaré, de Bacon, Hobbes et Locke à Hume, Mill et Russel, la théorie de la connaissance a été animée par le désir de nous rendre aptes non seulement à en connaître davantage au sujet de la connaissance, mais encore à contribuer au progrès de celle-ci, c'est-à-dire de la connaissance scientifique »1(*).

C'est dans le contexte de cette contribution et de cette quête d'une connaissance toujours plus perfectionnée qu'a pris place et qu'il faut comprendre la philosophie de Gaston Bachelard.

En effet, Gaston Bachelard cherche les motivations philosophiques des concepts scientifiques, qu'il considère comme obstacles sur la voie de la réalisation d'une science. Pour parvenir à une science, il faut, selon Bachelard, triompher d'un certain nombre d'obstacles. Déjà dans le plan de sa formation de l'esprit scientifique, il précise que « quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance. Et il ne s'agit pas de considérer les obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d'incriminer la faiblesse des sens et de l'esprit humain : c'est dans l'acte même de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles ».2(*) Et ces obstacles, l'auteur les définit comme des préjugés métaphysiques implicites qui organisent, régissent et entachent l'inconscient du chercheur ; tout esprit qui commence la culture scientifique porte la marque et l'âge de ses préjugés3(*) ; et toute première objectivité qu'il atteint est tout aussi la première erreur qu'il enregistre. D'où, pour Bachelard, « en revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation »4(*).

L'accès à la culture scientifique, donc l'effacement des préjugés et des mythes requièrent une véritable psychanalyse - autant que l'explique le sous-titre de la formation de l'esprit scientifique - de nos illusions, de manière à remonter jusqu'à l'inconscient collectif producteur de nos erreurs. C'est pourquoi il convient de mettre à jour les thèmes inconscients facteurs de blocage afin de les exorciser et de les rendre inoffensifs à la libération de la connaissance objective.

L'esprit scientifique est ainsi, pour Bachelard, le résultat d'une soustraction d'autant plus qu'il se débarrasse de ses adhésions à l'immédiat et de ses entraînements naturels. Le progrès de la science ne suit pas la ligne cumulative d'une addition des connaissances mais une ligne réductrice, c'est-à-dire une ligne de soustraction d'images et de préjugés encombrants et non valorisants. La science n'est pas le prolongement de la connaissance commune, elle la contredit. Le réel de la connaissance scientifique n'est pas ce donné immédiat, il est le construit5(*).

Bachelard démontre de cette manière-là l'idée de la discontinuité qui, selon lui, préside aux progrès des sciences. Il démontre que « le progrès scientifique manifeste toujours une rupture, de perpétuelles ruptures entre connaissance commune et connaissance scientifique, dès qu'on aborde une science évoluée, une science qui, du fait même de ces ruptures, porte la marque de la modernité »6(*). L'idée de ruptures est, en fait, au coeur de l'épistémologie bachelardienne qui professe que des configurations nouvelles apparaissent et la connaissance objective se développe, non pas parce que des problèmes propres à l'objet d'étude ont été résolus, mais grâce à des victoires sur les obstacles épistémologiques : la connaissance s'élabore contre une connaissance antérieure, en détruisant des notions, en reconstruisant, à chaque étape, de nouvelles fondations. Il faut, conseille l'auteur, mettre en évidence des coupures épistémologiques, des ruptures méthodologiques, des changements de concepts et des déplacements de méthodes à l'intérieur d'une discipline afin de découvrir le socle discontinu et brisé sur lequel se bâtit le discours scientifique. Il légitime ainsi sa démarche essentiellement comme une réponse, mieux comme une contribution, à l'histoire des sciences telle qu'il l'a observée jusqu'à son époque.

En effet, l'épistémologie française des XIXème et XXème siècles était fortement dominée par la montée du positivisme d'Auguste Comte. A l'encontre d'un mouvement de pensée qui professait « que la science incarne la totalité du savoir possible et rigoureux, et qui pense que la structure de la connaissance se forme par une sorte de sédimentation progressive et évolutive des théories »7(*), Gaston Bachelard démontre la discontinuité : il y a discontinuité entre la théorie physicienne d'Isaac Newton et celle d'Albert Einstein sur l'univers8(*).

D'autre part, Bachelard diffère des autres historiens des sciences sur la nature de la croissance de la connaissance, non seulement par son grand apport de la découverte de la notion d'obstacles épistémologiques, mais encore par sa fameuse notion des dialectiques enveloppantes.

En effet, ce n'est pas par un cumul des connaissances, tel que David Hume l'avait professé, que la science fait ses preuves de croissance ; elle ne croît pas non plus par le principe de falsifiabilité ou de réfutabilité comme le comprend Karl POPPER ; ni moins encore par des révolutions paradigmatiques, des programmes des recherches ou l'anarchisme méthodologique comme le soutiennent respectivement Thomas KUHN, Imre Lakatos et Paul Feyerabend.

Pour Gaston Bachelard, par contre, la croissance scientifique est essentiellement fonction des dialectiques enveloppantes9(*) ; c'est-à-dire par des négations dynamisantes dont la vitalité productrice réside dans une tension essentielle entre la tradition et le changement dans les sciences selon une expression de Kuhn10(*), entre connaissances périmées et connaissances sanctionnées. Ce sont des négations dynamisantes qui insèrent l'acquis scientifique passé dans l'acquis scientifique présent considéré comme matrice numérale amplifiée qui fait de la science une mémoire rationnelle.

Finalement, le sens de cette philosophie du non dessine, chez Bachelard, une épistémologie non cartésienne, qui récuse la perspective d'une approche se fondant sur des idées ou des natures simples au profit d'une doctrine de la complexité.

Contre les épistémologies traditionnelles, en effet, affirmant l'existence d'éléments absolus et simples, il considère que la science contemporaine obéit à un idéal de complexités, où les notions ne se donnent jamais comme distinctes et séparées. Le simple est toujours du complexe, il est une « contexture d'attributs »11(*). Il défend un rationalisme dynamique, car la raison doit, selon lui, s'assouplir et s'ouvrir au complexe, au divers, aux aléas. Il n'y a plus de raison absolue, mais une ratio touchée par la relativité, dialoguant désormais avec les configurations mobiles et des noeuds de relations. C'est la synthèse du réalisme et du rationalisme classiques, qui baigne, chez Bachelard, dans un certain surnationalisme12(*).

Quant à notre étude, elle s'attellera surtout à montrer quelle est l'idée de la science qu'il va s'agir de protéger, d'améliorer ou de nuancer par nos propositions. Ce sera certainement l'idée de la croissance de la connaissance scientifique dans le dynamisme de son processus. Mais nous nous demanderons alors comment se fait-il que, malgré la pertinente question des obstacles épistémologiques, nous puissions toujours acquérir des connaissances ? Mieux, comment l'esprit accède-t-il à la science ? Cette question nous plonge inéluctablement dans celle d'objectivité de nos connaissances : n'arrive-t-il toujours pas que l'intérêt de la subjectivité spirituelle du chercheur régisse tout le résultat de son entreprise et toute sa connaissance ?

Une telle étude s'avérera pertinente pour nous tant il est vrai qu'elle ouvre et soumet l'esprit qui s'accrochent encore au monde du sens commun, doit devenir, finalement, un purgatoire incontournable et indépassable qui doit ainsi creuser cette psychologie des profondeurs de tout chercheur. Même si la science reste l'expression la plus juteuse de la liberté inconditionnelle de l'esprit humain, nous osons prendre le risque d'affirmer, à la suite de Bachelard, que le monde de la science n'obéit pas toujours à toutes les manipulations de la liberté de l'esprit du scientifique, et qu'il faut devoir y distinguer « l'esprit scientifique régulier qui anime le laboratoire de recherches et l'esprit scientifique séculier qui trouve ses disciples dans le monde des philosophes ». Et laissons à Pierre Quillet la tâche de préciser que « la cité scientifique est fermée et réglée comme par une clôture et une constitution monastique. La vocation scientifique exige un complet renoncement à tout attachement humain »13(*).

Finalement, il devient impérieux « que chacun détruise plus encore que ses phobies, ses `'philies'' ses complaisances pour les intuitions premières »14(*).

Quand on se méfie du monde des complaisances et des intuitions premières, on peut bien accéder à un monde d'objectivité, à un monde du réel tel qu'on doit ou tel qu'il doit se laisser étudier et non pas tel que nous voudrions le rythmer, tel que nous voudrions le voir être, s'accordant et répondant ainsi aux intérêts et aux exigences de notre subjectivité.

Ceci constituera pour nous la nécessité et l'actualité du parcours de l'histoire des sciences, nécessité pourtant à nous montrer que les hommes du passé ont aussi rencontré des obstacles dans leur démarche scientifique, et à nous renseigner de la manière dont ils ont su tirer épingle du jeu. Quant à son actualité, l'étude de l'histoire des sciences nous montre, à nous philosophes et surtout en tant que chercheurs, la manière dont nous pouvons aussi surmonter les mêmes difficultés ou des obstacles similaires, au lieu de vouloir toujours s'accommoder ou se contenter à une science qui plait. « La science est ennuyeuse, il est dangereux de se l'intéresser »15(*).

C'est pourquoi, pour bien visiter les creux des profondeurs de la pensée bachelardienne, nous voudrions, autant qu'il nous sera possible, procéder par une étude analytique. L'analyse de la pensée de cet auteur nous semble être une entreprise à perspectives multiples. C'est ce que démontre d'ailleurs Marly Bulcao lorsqu'il préface à l'oeuvre de Jean-Luc Pouliquen où il montre que « l'oeuvre de Gaston Bachelard est d'une telle richesse et d'une telle ampleur qu'elle peut être abordée par des chemins divers. Mais tous nous mènent au même noyau d'une pensé simultante que nous appelle à une rénovation constante des idées et nous entraîne vers la formation d'attitudes nouvelles »16(*).

Nous marcherons donc à la suite de Gaston Bachelard dans une approche de l'analyse du texte lui-même, ce qui nous permettra, nous l'espérons, de bien répondre à toutes les exigences porteuses du sens de nos recherches. Mais nous devons tout de même dire que, en réalité, la méthode analytique est celle que toute la rédaction de la dissertation comportera dans son ensemble. A côté d'elle, nous aurons à spécifier, dans chacune des sections constitutives du texte, une tactique particulière aux impératifs qui s'offriront et qui s'indiqueront à la recherche.

Mais le sens de toutes ces remarques et démarches émises en place ressortira mieux lorsque nous aurons décliné la démarche que nous emprunterons. Voici alors la structuration de notre travail.

Immédiatement après cette longue introduction générale, nous aurons un premier chapitre qui se préoccupera de la démarche scientifique de l'auteur. En tant que relecture du nouvel esprit scientifique, il examinera des questions ou théories épistémologiques relatives à la croissance de la connaissance scientifique. Autant d'ailleurs qu'il sera intitulé, ce chapitre inaugural se chargera de retracer les étapes par lesquelles la nouvelle science serait passée. Mais surtout pour culminer à la conception bachelardienne de l'esprit scientifique.

Dans le souci, cette fois-ci, de repréciser la conception de l'esprit scientifique chez Bachelard, nous analyserons, dans un deuxième chapitre de notre travail, la notion d'obstacles épistémologiques. à traiter de la croissance de la connaissance scientifique autour de la démarche qu'emprunte Baston Bachelard. Nous y détaillerons l'un après l'autre les obstacles épistémologiques que doit franchir tout esprit désireux d'entrer dans la culture scientifique et nous y ferons suivre la morale que prescrit Bachelard pour l'exercice de la science avant de nous occuper de la notion qui lui est chère, celle de la catharsis.

* 1 K. POPPER, La logique de la découverte scientifique, Paris, Payot, 1984, p.16.

* 2 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scient, Paris, J.Vrin, 1986, p.13.

* 3 Ibid., p. 14.

* 4 Ibidem.

* 5 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.14.

* 6 Idem, Le matérialisme rationnel, Paris, P.U.F, 1953, p.27.

* 7 Le positivisme professe encore que seuls les énoncés scientifiques sont cognitivement valables, certains et sensé ; seuls les sciences expérimentales méritent crédit.

Chez Karl Popper, on peut encore lire que « le positivisme repousse l'idée qu'il puisse y avoir en dehors du champ de la science empirique « positive » des problèmes pourvus de sens, des problèmes susceptibles d'être traités par une théorie philosophique authentique. Il rejette l'idée qu'il puisse y avoir une authentique théorie de la connaissance une épistémologie ou une méthodologie. Cfr K. POPPER, Op.cit, p.48.

* 8 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, Paris, P.U.F, 1934, p.46.

* 9 Idem, La philosophie du nom. Paris, P.U.F, 1940, p.137.

* 10 Cfr. T. KUHN, La tension essentielle, Tradition et changement dans les sciences, Paris, Gallimard, 1990. Il s'agit plus exactement ici de la deuxième position que soutiendra Kuhn, position qui modifie en quelque sorte les premières thèses qu'il avait soutenues, thèses selon lesquelles les théories scientifiques étaient essentiellement marquées par des révolutions paradigmatiques. Mais, avec sa tension essentielle, Kuhn se ressaisit et démontre désormais qu'il y a une tradition dans les sciences, tradition qu'aucun changement ne peut entièrement basculer.

* 11 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, p.152.

* 12 Idem., L'engagement rationaliste, Paris, P.U.F, 1972, p. 23.

* 13 P. QUILLET, Gaston Bachelard dans Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F, 1984, p.189.

* 14 G. Bachelard, La psychanalyse du feu, Paris, P.U.F, 1972, p.18.

* 15 G. Bachelard, la formation de l'esprit scientifique, p.54.

* 16 J.L Pouliquen, Gaston Bachelard ou le rêve des origines, Paris, l'harmattan, 2007, p.11.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon