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De la psychanalyse du sujet connaissant à  l'objectivité scientifique dans l'épistémologie Bachelardienne

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par Merleau NSIMBA NGOMA
Université chrétienne Cardinal Malula RDC - Licence en philosophie et lettres 2009
  

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CHAPITRE DEUXIEME : LES OBSTACLES EPISTEMOLOGIQUES

II. 0. Mise en place

Depuis le début du deuxième quart du XX ième siècle, les travaux de Karl Popper surtout les contributions de Gaston Bachelard ont donné le ton à un nouvel idéal de rationalité progressiste dans les sciences, mettant ainsi en mal les philosophies des sciences traditionnelles, en l'occurrence l'empirisme logique des épistémologues néo-positivistes.

En effet, comme Popper et les autres qui ont épousé l'idéal de rationalité, Bachelard, par une nécessité interne et propre à son oeuvre, se montre très critique à l'endroit de la philosophie des sciences traditionnelles et ne cesse de repenser la tache du philosophe face à sa manière de penser le progrès de la science.

Faisant une analyse des conditions de la connaissance, Bachelard a soutenu qu'elle progressait essentiellement par une victoire sur les obstacles épistémologiques qui sont conçus, à la fois comme une entrave à la connaissance scientifique et comme indispensables pour connaître la vérité. Ainsi « déceler les obstacles épistémologiques, c'est contribué à fonder les rudiments d'une psychanalyse de la raison »77(*).

L'idée d'obstacles épistémologiques comme entrave telle que nous l'avion repris dans la formulation de l'intitulé de ce chapitre est donc toute la feuille de route avec laquelle cheminera notre chapitre. La notion d'obstacles épistémologiques contre lesquels doit se former toute pensée scientifique y sera abordée afin de montrer la discontinuité bachelardienne entre la connaissance commune et la connaissance scientifique.

C'est cette même dimension de discontinuité bachelardienne qui régit d'ailleurs toutes les sciences contemporaines, sera particulièrement mise en exergue, d'une part parce qu'elle se situe au coeur même de l'entreprise épistémologique de Gaston Bachelard, et, d'autre part, en tant qu'elle aboutit à ce grands moments de saccades, de mutations et de conversions dans les systèmes de pensée à travers lesquelles on lit, selon notre philosophe, les dialectiques enveloppantes. C'est là, comme on peut se rendre compte, le squelette de ce chapitre.

II.1. La notion d'obstacles épistémologiques

Le livre de Gaston Bachelard78(*) sur la formation de l'esprit scientifique porte essentiellement sur l'édification des obstacles qu'il faut vaincre pour libérer la connaissance objective. Le sous-titre de ce manuel l'explique un peu plus clairement d'ailleurs. Il dit que «l'esprit doit passer par une thérapie psychanalytique avant d'appréhender la splendeur du réel.

Ces obstacles sont des éléments socio-culturels, psychologiques qui comme base de notre savoir d'orientation et de notre combat avec les objets, pour reprendre l'expression du professeur Akenda79(*), sont en réalité des fausses précompréhensions communiquant une erreur. Il s'agit, en d'autres termes, des habitudes intellectuelles, des expériences premières, des connaissances fort générales, des idées dont on se sert le plus souvent, des images familières, des connaissances unitaires et pragmatiques, des routines. Ces éléments peuvent entraver non seulement la recherche, mais aussi l'apprentissage et peuvent ainsi devenir des facteurs d'inertie pour l'esprit.

L'intention de Bachelard est donc de déceler les motivations philosophiques des concepts scientifiques qu'il considère comme des obstacles sur la voie de la réalisation d'une science. Pour parvenir à la science, il faut, pour l'auteur, triompher d'un certain nombre d'obstacles. Pour lui, « quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser les problèmes de la connaissance scientifique. Et il ne s'agit pas de considérer des obstacles externes... C'est dans l'acte même de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles »80(*).

Avec cette notion, on perçoit quasi suffisamment la pointe de la problématique épistémologique de Bachelard. Elle commande la double orientation de sa philosophie ; « la formation de l'esprit scientifique contre les valorisations inconscientes, la connaissance sensible et toute forme d'évidence immédiate ; la réhabilitation dans l'ordre de l'imaginaire des expériences condamnées sur le plan de la rationalité »81(*).

La pertinence et l'originalité de la problématique des obstacles épistémologiques amènent Bachelard à considérer qu'à certains moments de l'histoire, la connaissance la connaissance ne progresse pas, entravée et gênée, qu'elle l'est par les obstacles épistémologiques.

Ils sont, pour l'auteur, des préjugés métaphysiques, implicites qui régissent, organisent et entachent l'inconscient du chercheur.  Il dit à propos : «  La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n'est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes... Le réel n'est jamais ce qu'on pourrait croire mais il est toujours ce qu'on <aurait dû penser> ».82(*)

Selon, lui donc, l'esprit qui veut parvenir à la science doit abandonner son passé d'images, de sorcellerie, de magie, d'esprit mystique.... Et son adhésion spontanée à l'immédiat.

Dans ce sens, écrit Bachelard, « en revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel.... En fait on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation ».83(*)

Un obstacle épistémologique désigne ainsi, dans l'entendement bachelardien, tout ce qui empêche l'esprit de se placer dans une perspective de la pensée, c'est-à-dire de la construction rationnelle, ne lui permettant pas en même temps de parvenir à l'abstraction qui, à en croire l'auteur, non seulement elle reste la seule voie qui permet à l'esprit d'accéder à la science mais aussi « débarrasse l'esprit... allège celui-ci ... le dynamise »84(*).

Pour Bachelard, nul n'est ignorant quant il commence son apprentissage scientifique. Malheureusement, cependant, le savoir commun que quelqu'un possède déjà le prépare très mal l'appropriation des connaissances objectives. « Quand il se présente à la culture scientifique, écrit Bachelard, l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il l'âge de ses préjugés. Accéder à la science, c'est spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé.85(*).

Examinons, de ce fait, quelques uns de ces obstacles épistémologiques.

II.1.1. L'expérience première

Le premier obstacle dans la formation d'un esprit, c'est l'expérience première. Il s'agit de « l'expérience placée avant et au-dessus de la critique qui, elle, est nécessairement un élément intégrant de l'esprit scientifique »86(*)

L'expérience première n'est jamais un appui sûr tant que la critique n'a pas opéré explicitement. Elle est sensible, immédiate et se présente avec un luxe d'images pittoresques, concrètes, naturelles et faciles.

Ainsi, le premier obstacle de toute culture et de toute entreprise scientifiques est, pour notre philosophe, l'expérience immédiate. Cet obstacle consiste à s'attacher aux aspects pittoresques et spectaculaires d'un phénomène, ce qui éventuellement, empêche alors de voir d'autres aspects importants. « Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devait savoir »87(*)constante Bachelard, qui, s'appuyant sur une forte connaissance de l'histoire des sciences, puise dans la théorie de la Physique du XVIe siècle ses arguments et ses exemples les plus frappants.

Il parle, par exemple, de la bouteille de Leyde, ancêtre de la pile électrique. Il démontre que dans le cas d'une décharge électrique, on ne peut retenir aucune connaissance d'une telle expérience exécutée avant tout pour obtenir le spectacle étonnant des moines alignés en file indienne et qui tressaillent en même temps.

Nombre d'autres exemples peuvent être cités dans le cas de cette décharge électrique où généralement, pense Bachelard, l'étonnement se mêle à l'amusement. Le plus souvent, alors, « loin d'aller à l'essentiel, on augmente le pittoresque »88(*). Et pour Bachelard, la théorie de l'électricité du XVIII ième siècle s'est particulièrement a caractérisée par cet obstacle épistémologique.

L'articulation d'un vaste règne d'images contradictoires amenait la rêverie à condenser facilement des merveilles. Elle faisait ainsi converger les possibilités les plus inattendues.

L'esprit scientifique se bornait à avoir l'explication se fonder toute entière sur les traits parasites mis en surcharge. « Ainsi se préparent, selon notre auteur, des véritables abréviations parce que le pittoresque de l'image entraîne l'adhésion à une hypothèse non vérifiée »89(*).

Démontrant davantage comment un détail pittoresque vient donner l'occasion d'une explication intempestive, Bachelard - qui démontre en même temps qu'on arrive par des images aussi simplistes à d'étranges synthèses - évoque un exemple pertinent du XVIIIe siècle. Il écrit ceci : « En réalité nous imaginons mal l'importance que le XVIIIe siècle attribuait aux automates. Des figurines de carton qui dansent dans un champ électrique semblaient, par leur mouvement sans cause mécanique évidente, se rapprocher de la vie. Voltaire va jusqu'à dire que le fluteur de Vaucanson est plus près de l'homme que le Polyre ne l'est de l'animal. Pour Voltaire lui-même, la représentation extérieure, imagée, pittoresque prime sur des ressemblances intimes et cachées ».90(*)

Alors que, d'après Bachelard, le scientifique, c'est celui qui a le souci de remettre en cause les observations qu'il fait ; c'est celui qui cherche toujours à faire progresser sa science. Il n' y a pas à accepter une information ou une information, sans pourtant le critiquer.

En fait, l'observation a besoin d'un ensemble de précautions qui amènent à réfléchir avant de regarder et qui reforment la première vision. La première observation n'est jamais bonne. Elle doit être mise à l'épreuve. Pour Bachelard, en effet, « l'observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant, elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas ».91(*)

Avant l'avènement de la science, la nature était considérée comme une puissance mythique sur la quelle l'homme n'avait aucune emprise. Mais avec la science, l'homme commence à expliquer quelques faits. L'homme, grâce à la science et sa fille technologie, est arrivé à transcender certains faits naturels. Voilà que « les phénomènes naturels sont désarmés parce qu'ils sont expliqués »92(*) Jadis, les éclairs des tonnerres faisaient peur parce qu'ils n'étaient encore expliqués. Mais aujourd'hui ce qui est vrai, c'est que « la doctrine du tonnerre est entièrement rationalisée »93(*).

L'homme scientifique doit être habité par une curiosité scientifique qui le poussera à tout vérifier. Le scientifique ne doit pas avoir une foi aveugle. Il ne doit pas croire pour le plaisir de croire. Bachelard précise, « En donnant une satisfaction immédiate à la curiosité, multipliant les occasions de la curiosité, loin de favoriser la culture scientifique, on l'entrave. On remplace la connaissance par l'admiration, les idées par les images »94(*). Il ne faut jamais accepter une vérité scientifique ou un fait scientifique, sans en connaître le principe fondamental.

Il faut chercher à saisir la vraie réalité de par sa nature même. Le scientifique doit toujours à la science pour saisir la portée d'une information. « Mieux vaudrait une ignorance complète qu'une connaissance privée de son principe fondamental ».95(*)

Toujours, dans cette perceptive, il sied de signaler que « sans la mise en forme rationnelle de l'expérience qui détermine la position d'un problème, sans ce recours constat à une construction rationnelle bien explicite, on laissera se constituer une sorte d'inconscient de l'esprit scientifique qui demandera ensuite une lente et pénible psychanalyse pour être exorcisé ».96(*) Cette psychanalyse sera lente et pénible parce que l'esprit aura déjà développé des idées incohérentes en quantité, par le fait que les connaissances s'enchaînent dans le domaine scientifique. La nouvelle connaissance ne vient que se greffer sur l'ancienne connaissance. Ainsi évolue la science.

Il faut donc que l'esprit soit préparé à comprendre que l'expérience première n'est pas un appui stable t cohérent pour le fondement de la science. Car, le désir superficiel d'objectivité de l'esprit préscientifique est le premier obstacle contre lequel l'esprit scientifique doit lutter. La première objectivité est, aux yeux de Bachelard, la première erreur. Selon Bachelard, « au spectacle des phénomènes les plus intéressants, les plus frappants, l'homme va naturellement avec tous ses désirs, avec toutes ses passions, avec toute son âme. On ne doit pas s'étonner que la première connaissance objective soit une première erreur ».97(*)

Que l'esprit qui veut connaître puisse être libre, sans idées préconçues. Cela le conduira à la découverte d'une réalité purement authentique.

* 77 G. BACHELARD, Epistémologie, Paris, Seuil, 1968, p. 163.

* 78 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, 12e éd. Paris, J. Vrin, 1983.

* 79 J.-C. AKENDA, Théories épistémologiques de croissance de la connaissance. Introduction à l'épistémologie des sciences de la nature, cours, Kinshasa, F.C.K., 2006-2007, p.42

* 80 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p. 13.

* 81 N. BARAQUIN et J. LAFFITTE, Dictionnaire des philosophes, Paris, Arman Colin, 2002, p. 40.

* 82 G. BACHELARD, Op. Cit., p.13-14

* 83 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.14.

* 84 Ibid., p. 6.

* 85 Ibid., 15.

* 86 Ibid., p. 23.

* 87 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p. 23.

* 88 Ibid., p.34

* 89 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p. 23

* 90 Ibid, p.54

* 91 Idem., Le nouvel esprit scientifique, Paris, P.U.F., 1999, p.16.

* 92 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.25.

* 93 Ibid, p.26.

* 94 Ibid., p.29.

* 95 Ibid., p.40.

* 96 Ibidem

* 97 G. BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.38.

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