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VIH/sida: défi au développement de l'Afrique. Une étude de l'impact économique et social de la pandémie au Rwanda

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par Michel Segatagara KAMANZI
Université pontificale grégorienne - Licence en sciences sociales 2003
  

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2.2 Au niveau du secteur privé

D'après la CNLS, l'implication du secteur privé dans la lutte contre le SIDA reste faible. Certaines entreprises ont pu, néanmoins, développer en leur sein des actions de prévention et de prise en charge médicale de leur personnel. La CNLS se félicite du fait que ce secteur commence à s'intégrer davantage dans le forum national de lutte contre le SIDA et devient partie prenante de la commission.

La réponse de ce secteur demeure toutefois timide et limitée à quelques grandes entreprises. Nous estimons, pour notre part, qu'il faut arriver à un engagement de tout le secteur privé pour la lutte efficace contre le VIH/SIDA ; surtout que, comme nous l'avons montré dans le chapitre précédent, la menace est sérieuse au niveau microéconomique des entreprises. Nous pensons que le BIT, comme nous l'avons déjà fait remarquer précédemment, a fourni, à travers son recueil de directives pratiques sur le VIH/SIDA et le monde du travail, un plan d'action intéressant, qui pourrait être repris avec beaucoup de profit par le secteur privé. Comme ce secteur apporte à l'économie nationale une contribution dans le sens des profits à réaliser en termes d'économie d'échelle, nous estimons donc que ces entreprises ont toutes les raisons de s'investir dans la lutte contre le SIDA en faveur de leurs travailleurs et de leurs familles et d'éviter ainsi ou du moins de réduire l'impact négatif de l'épidémie qu'elles pourraient encourir.

Ce secteur pourrait aussi tirer beaucoup de profit à exercer le principe de solidarité envers tous ses travailleurs atteints par le VIH/SIDA et leurs familles. Par solidarité, il faut comprendre ici ce que rappelait Jean-Paul II dans son encyclique Sollicitudo rei socialis de 1987 : la solidarité « n'est (...) pas un sentiment de compassion vague ou d'attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c'est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le

213 Cf. INTERNATIONAL FOOD POLICY RESEARCH INSTITUTE, Sustainable Food Security for All by 2020, Proceedings of an International Conference, Bonn, September 4-6 2001, IFPRI, Washington DC, 2002, p. 27.

bien commun ; c'est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que, tous, nous sommes vraiment responsables de tous214. »

2.3 Au niveau du secteur communautaire

Le secteur communautaire, que nous pouvons identifier ici à la société civile, a été le plus entreprenant dans la lutte contre le SIDA au Rwanda notamment à travers plusieurs projets et initiatives. Ces derniers se sont surtout focalisés dans la sensibilisation et les ateliers de formations suivant la méthode Information, Education et Communication (IEC)215. Il convient ici de souligner particulièrement l'importante contribution des confessions religieuses et des associations nationales comme l'ARBEF et le collectif PROFEMMES TWESE HAMWE qui, déjà engagées dans des programmes de santé pour la Reproduction, ont intégré l'IEC sur les MST et le VIH/SIDA dans leurs programmes d'éducation de base216.

Il faut noter pourtant qu'il y a encore beaucoup à faire pour la prise en charge communautaire des personnes vivant avec le VIH/SIDA ainsi que celle des personnes affectées indirectement par l'épidémie, en particulier les veuves et les orphelins. On constate, en effet, un faible engagement dans ce sens. Comme le montre l'étude menée conjointement par le MINISANTE, le PNLS et l'OMS sur le rôle des ONG et les associations impliquées dans la lutte contre le SIDA au Rwanda, 46% des interventions de ces différents groupes en 1999 étaient essentiellement des activités d'information, d'éducation et de sensibilisation217 ; mais, par contre, très peu se faisait pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Toutefois, les intervenants des confessions religieuses, notamment l'Eglise Catholique, les Eglises Protestantes et les Musulmans se sont impliqués, non seulement dans les programmes d'IEC, mais aussi dans la prise en charge médicale, l'appui psychosocial, matériel et nutritionnel des personnes vivant avec le VIH/SIDA et celui de leurs membres de familles218. En ce qui concerne l'Eglise Catholique, par exemple, l'apport de la Caritas-Rwanda depuis 1989 est remarquable et a

214 JEAN-PAUL II, Sollicitudo rei socialis, n.38

215 Cf. COMMISSION NATIONALE DE LUTTE CONTRE LE SIDA (CNLS), Cadre stratégique national de lutte contre le SIDA 2002-2006, Présidence de la république Rwandaise, Kigali, avril 2002, p. 55.

216 Ibid.

217 Ibid.

218 Ibid.

été opportunément relevé par les évêques Catholiques du Rwanda dans leur récente lettre sur la lutte contre le SIDA219.

Les initiatives qui cherchent à impliquer davantage les personnes vivant avec le VIH/SIDA dans les différentes campagnes de lutte contre le SIDA sont à encourager, car elles permettent de combattre d'une part la stigmatisation et la discrimination, et d'autre part, de rendre plus efficace les campagnes d'information et de sensibilisation. Une initiative comme celle du collectif ANSP+, qui regroupe plus de 30 associations de personnes vivant avec le VIH/SIDA au Rwanda et qui plaide pour leurs droits, est à encourager avec tous les moyens disponibles. Ce collectif a pu déjà, grace à l'aide de certains partenaires, apporter un soutien matériel aux personnes séropositives et à leurs familles.

Il nous faut aussi ajouter, même si cela n'entre pas directement dans le secteur communautaire, le rôle important joué par les structures de coordination, comme le PNLS dans un premier temps et maintenant la CNLS. Ces structures ont été essentielles pour la planification et la coordination nationale des différents programmes de lutte contre le SIDA. Elles sont à rendre encore plus efficaces notamment à travers un budget plus consistant et une décentralisation des différents services. C'est dans ce sens qu'il faut signaler la création du TRAC (Treatment and Research on AIDS Center) au niveau du Ministère de la santé. Le TRAC coordonne les activités à orientation médicale, cherchant une plus grande efficacité de ces activités par rapport au passé. Un forum d'ONGs oeuvrant dans le domaine de lutte contre le VIH/SIDA a été aussi créé. Ce forum a l'avantage, en collaborant étroitement avec la CNLS, de faire le trait d'union entre les activités gouvernementales, l'ONUSIDA et les ONGs. S'il est bien géré, il peut constituer une structure décisive pour l'organisation et l'efficacité de la lutte contre le SIDA. Dans l'esprit de la subsidiarité, ces différentes Organisations Non Gouvernementales peuvent ainsi être efficaces dans l'effort national de lutte contre le SIDA, effort qui rejoindrait peutêtre alors tous les milieux, notamment les zones rurales qui sont souvent oubliées.

Toujours au niveau communautaire, une attention particulière devrait être faite aux différents groupes et clubs de jeunes, notamment avec les initiatives comme celle de « peer

219 Cf. Lettre des évêques Catholiques du Rwanda sur la lutte contre le SIDA : « Hitamo Ubugingo ureke Urupfu », Kigali, avril 2003, n. 16.

education », l'éducation des jeunes par les jeunes de la même tranche d'age, où ceux-ci peuvent facilement s'exprimer et poser des questions qui demeurent encore tabous entre les générations. Ces différentes associations ont besoin d'être stimulées et promues que ce soit au niveau des écoles, des paroisses, des clubs sportifs, etc.

Nous avons noté, plus haut, l'engagement significatif des confessions religieuses, et notamment de l'Eglise Catholique dans la lutte contre le SIDA à travers la prise en charge des personnes séropositives. En plus de cet aspect, la récente lettre des évêques Catholiques du Rwanda adressée aux chrétiens dans le cadre de la lutte contre le SIDA cherche aussi, entre autres, à donner des éclaircissements opportuns sur le sujet du préservatif comme moyen de protection contre le VIH. Les évêques du Rwanda, loin d'esquiver cette question, reconnaissent qu'on reproche à l'Eglise Catholique de ne pas faire campagne pour ceux-ci, et ils répondent en rappelant que dans la ligne des enseignements de l'Eglise, la fidélité des couples et la chasteté demeurent les moyens de prévention efficace contre le VIH/SIDA220. Nous estimons que, devant la généralisation de l'épidémie et considérant sa menace pour le développement du pays, l'Eglise Catholique du Rwanda, à laquelle appartient environ 60% de la population, a bien fait de sortir du silence en proposant des principes de réflexions, de critères de jugements et des directives d'action221 en ce qu'elle considère essentielle pour la prévention face au VIH/SIDA, pour favoriser une ligne de conduite en faveur de la vie, comme le suggère le titre de la lettre des évêques. En effet, comme le recommandait les évêques Catholiques du Kenya dans leur lettre de décembre 1999, à laquelle nous avons déjà fait allusion, « Nous devons concentrer nos efforts en éduquant et en informant nos populations sur la prévention. Il est nécessaire d'éviter des certitudes sans fondement ou des peurs inutiles afin que l'information soit disséminée prudemment et avec responsabilité222. » Nous pensons donc que l'Eglise Catholique, en collaboration avec les autres confessions religieuses, pourrait constituer un autre « son de cloche » aux campagnes de sensibilisation pro-préservatif qui ne sont souvent que des campagnes de marketing en faveur de quelques firmes multinationales. Ces confessions religieuses, qui jouissent d'une grande autorité morale et sociale au Rwanda, pourraient donc contribuer à donner l'information adéquate au sujet

220 Cf. Lettre des évêques Catholiques du Rwanda sur la lutte contre le SIDA : « Hitamo Ubugingo ureke Urupfu », avril 2003, n. 11.

221 Cf. PAUL VI, Octogesima adveniens, 1971, n.4.

222 Cf. CATHOLIC BISHOPS OF KENYA, The AIDS Pandemic and Its Impact on our people, Paulines Publications Africa, Nairobi, December 1999, p. 8.

des moyens de protection face au VIH/SIDA et influer sur le changement des comportements.

Nous estimons aussi que, comme le déclarait le docteur Dalil Boubakeur, recteur de l'institut musulman de la mosquée de Paris, repris par la commission sociale de l'épiscopat de France en 1996, « il n'est plus question que le religieux se cantonne dans une attitude moralisatrice, ni de se contenter d'énoncer des permis ou des interdits comme seul système représentant l'attitude spirituelle et humaniste aujourd'hui223. » C'est dans ce sens que nous nous félicitons de la prise de position commune prise en avril 2002 par les évêques Catholiques du Rwanda avec les pasteurs des églises Protestantes dans le cadre de la lutte contre le SIDA. Dans cette déclaration commune, les autorités ecclésiastiques Catholiques et Protestantes du Rwanda, s'engagent à renforcer leur collaboration avec toutes les instances compétentes pour la lutte contre le SIDA, en particulier avec celles qui s'occupent de l'éducation de la jeunesse ; elles s'engagent aussi à établir des bureaux de lutte contre le SIDA au niveau des diocèses, à encourager et recommander la fréquentation des centres de conseil et de dépistage volontaire (VCT) ainsi que le dépistage sérologique volontaire de la population, en particulier pour ceux qui veulent se marier224. Outre à ces recommandations, les pasteurs des églises chrétiennes s'engagent à venir en aide, en collaboration avec le secteur public, aux personnes vivant avec le VIH/SIDA, aux malades du SIDA ainsi qu'aux familles pauvres affectées par la perte des leurs à cause de la pandémie225. Ces initiatives prises au niveau des églises sont louables et elles sont à concrétiser. C'est un exemple de collaboration et communication dans la lutte contre le SIDA et nous la considérons très positive, surtout qu'elle contribue à lutter contre cette culture du silence qui entoure très souvent la question du VIH/SIDA. Nous considérons que, comme le rapportait un pasteur protestant lors d'une rencontre oecuménique sur le VIH/SIDA en Afrique, « il nous faut maintenant parler librement de cette maladie car pour nous ce n'est pas une honte226. »

223 COMISSION SOCIALE DE L'EPISCOPAT, SIDA, la société en question, Centurion, Paris, 1996, p. 120.

224 Lettre des évêques Catholiques du Rwanda sur la lutte contre le SIDA : « Hitamo Ubugingo ureke Urupfu », Kigali, avril 2003, n. 18.

225 Ibid.

226 Cf. WORLD COUNCIL OF CHURCHES, The Ecumenical response to HIV/AIDS in Africa, Plan of Action, Global Consultation on the Ecumenical response to challenge of HIV/AIDS in Africa, Nairobi, Kenya 25-28 November 2001, p.5.

Le secteur communautaire a donc un rôle de premier plan dans la lutte contre le SIDA et dans l'arrêt de son expansion à tous les niveaux. Soutenues concrètement par les secteurs public et privé ainsi que par les structures de coordination, ce secteur peut jouer un rôle important dans le changement de la tendance de l'épidémie, à travers l'information (radio, télévision, journaux, Internet, etc.), l'éducation (parents, éducation des pairs, club des jeunes, paroisses, écoles, etc.), la communication (sites de conseil et dépistage volontaire) et la prise en charge des personnes infectées et affectées par le VIH/SIDA (nutrition, soutien psychosocial, soins de santé, accompagnement spirituel, etc.)

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius