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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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VII.2. L'affaiblissement des syndicats

Les remous qui évaluaient les rapports entre le CNR et les syndicats pendant la révolution étaient sustentés par une divergence des intérêts défendus. Le refus des formations syndicales de légitimer la vision révolutionnaire du syndicalisme avait été à l'origine d'une épreuve de force qui avait incontestablement affaibli les syndicats. Vus comme des forces concurrentes des CDR, les syndicats connurent une corrosion qui réduisit leur capacité de manoeuvre sur le plan politique.

Se servant des CDR, le pouvoir dicta sa loi et somma les syndicats de la respecter. La dictature à laquelle le CNR s'était livré à l'égard des organisations syndicales avait offert l'opportunité à ces dernières, jadis opposées quant à leur position vis-à-vis du CNR, de se réorganiser pour protester contre l'unilatéralisme de ce dernier qui exigeait leur fusion aux structures populaires révolutionnaires.

Il demeure cependant qu'en dépit de cette constitution de bloc syndical pour contrecarrer la politique du CNR, la condition syndicale déjà pernicieuse n'avait pas connu une amélioration, pire elle avait été aggravée par une répression dont les CDR avaient été les meneurs.

La question syndicale sous le CNR constitue une pile d'évènements complexes avec l'implication des partis politiques souvent difficile à appréhender. L'analyse que nous proposons se déploie en deux temps : d'abord la constitution du front syndical et la répression des syndicats.

VII.2.1. De la division au front syndical : un syndicalisme revolutionnaire contre la revolution

Notre analyse antérieure sur le monde syndical sous la révolution dans la deuxième partie de notre travail nous révélait une rivalité accrue entre les différentes formations syndicales qui ne se réclamaient pas de la même idéologie. Le CNR récupéra cette divergence idéologique pour renforcer la conflictualité intersyndicale et asseoir une base solide par l'intermédiaire des CDR auxquels il appelait toutes les organisations à adhérer.

Effectivement, le soutien important des organisations syndicales de gauche, surtout de la toute puissante CSB, avait offert l'occasion au CNR de mettre sur le banc de touche les syndicats de tendance réformiste. Le cas éloquent de la liquidation du SNEAHV est ici intéressant à évoquer. Mais, il faut rappeler que cette nécrose des syndicats dits réformistes servait indubitablement aux desseins de la CSB qui connotaient la recherche d'hégémonisme sur l'ensemble du monde syndical. C'est pour cette raison qu'elle avait coopéré avec le CNR pour l'extirpation des syndicats rivaux du débat politique.

Cependant, la crainte de voir surgir une organisation civile et forte qui pourrait remettre en cause sa suprématie sur la conception et la direction du processus révolutionnaire avait amené le CNR à évincer les représentants du PAI-LIPAD, par ricochet de la CSB du pouvoir.

L'épreuve de force s'était soldée par un divorce total. L'officialisation de la primauté des CDR sur toute autre organisation condamnait les syndicats à mourir politiquement. En effet, cette disposition qui marquait la volonté de contrôle total de l'Etat par le CNR marginalisait ipso facto tous les syndicats, ces derniers qui faisaient et défaisaient pourtant les gouvernements dans le passé. Au-delà de cet aspect, cette marginalisation constituait un revers symbolique pour les syndicats en ce sens qu'ils perdaient le monopole de représentation du monde des travailleurs et les CDR se faisaient ainsi les héritiers des insurrections de 1966, de 1975 et de 1983 dont l'aboutissement selon l'entendement du CNR était bien entendu l'avènement de la révolution. En récupérant cette mémoire politique, le CNR opérait un transfert de légitimité qu'il tentait de renforcer par ses accusations contre les syndicats, notamment contre l'opportunisme des dirigeants qui souvent, utilisaient les postes syndicaux comme tremplins politiques.452

La disgrâce de la CSB et de son cavalier politique la PAI/LIPAD constitue une nouvelle définition de l'évolution du mouvement syndical au Burkina Faso. On a assisté à l'impulsion d'une nouvelle dynamique syndicale qui avait étonné du fait de la collaboration et de la solidarité qui la sous-tendaient. Jadis ennemis inoxydables, les syndicats, tous exclus du système, se concertèrent pour former un front contre le CNR. Le 28 janvier 1985, la CSB cosignait avec d'autres syndicats une déclaration commune contre le CNR.453

L'existence de ce front remonte au 09 octobre 1983. Deux mois seulement après le déclenchement de la révolution, quatre syndicats de travailleurs, le SNAID, le

452 Richard BENEGAS, 1993, Insoumissions populaires et révolution au Burkina Faso, Bordeaux, CEAN, page 51.

453 Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique : l'expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, page 204.

153 STOV, le SYNTER, le SYNTSHA et le syndicat des étudiants, l'UGEV, publièrent une déclaration déniant la compétence des régimes issus de coup d'Etat à améliorer le sort du pays. D'après cette déclaration, les coups d'Etat en même temps qu'ils visaient à désamorcer les tensions sociales et à contrecarrer les luttes des travailleurs dans les limites convenables au système néo-colonial, tentaient de résister à la radicalisation et au triomphe du mouvement démocratique et révolutionnaire, ce qui signifiait que pour les travailleurs, élèves et étudiants, le combat pour de meilleures conditions de vie et de travail restait de mise.454

Le frondeur principal de ce mouvement était le SYNTER reconnu comme un satellite du PCRV qui bien que se déclarant révolutionnaire avait pris ses distances vis-à-vis du CNR.455 Ceci étant, durant les quatre années de la révolution, le SYNTER était devenu une caisse de résonance du PCRV et le catalyseur de la résistance syndicale qui se tramait dès le 09 octobre 1983. Il trouva inopportune la création des CDR qui selon lui constituait une menace pour l'existence des syndicats.456 En somme, toute la politique du CNR fut désavouée par le tout nouveau SYNTER457 qui lança des appels aux autres organisations à le rallier en vue d'une résistance ferme au CNR.

Cependant, le dualisme du courant syndicaliste avait mis à l'épreuve le SYNTER dans son projet d'unification des syndicats. En effet, le parallélisme d'un courant syndical dit réformiste et d'un autre dit révolutionnaire n'avait pas facilité la politique d'unité de base du SYNTER avec les autres mouvements syndicaux. Ainsi, le SYNTER qui se considérait comme révolutionnaire avait très vite méprisé le camp réformiste qu'il accusa d'opportuniste : « Face a la débeicle du syndicalisme réformiste et de collaboration de classes, l'unité combative des travailleurs dans une puissante centrale révolutionnaire est une nécessité pour exiger de meilleures conditions de vie, [...] veiller au maintien et a l'élargissement des libertés démocratiques ».458 Le SYNTER brandit ici l'incompatibilité des deux tendances. Il anima la déclaration du 09 octobre 1983 et négocia avec d'autres syndicats de gauche non signataires comme la CSB. La disqualification de cette dernière par le biais de l'éviction du PAI/LIPAD du CNR l'avait finalement rangée du coté de la tendance syndicale animée par le SYNTER. Ce fut le point de départ d'un mouvement syndical révolutionnaire de masse contre le CNR.

454 OBSERVATEUR N°2692 du 10 octobre 1983 : « Déclaration syndicale commune du 09 octobre 1983 », page 10.

455 Au fait, la position de la déclaration du 09 octobre 1983 était une reprise du point de vue du PCRV qui avait affirmé déjà que le CNR était incapable d'un projet de société parce qu'issu de la société de bourgeoise et d'un coup d'Etat, et que de ce fait, il ne remettait pas en cause la domination impérialiste. Pour le PCRV, le CNR était un régime opportuniste et illégitime.

456 Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique : l'expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, pages 206 et 207.

457 Le SYNTER avait été reconnu sous le CSP I et avait tenu son premier congrès du 10 au 12 août 1983.

458 Kabeya Charles MUASE, 1989, op cit, page 205.

Le 28 janvier 1985, en plus de ceux de la déclaration du 09 octobre 1983, six autres syndicats et la CSB cosignaient un pronunciamiento commun contre le CNR.459 L'essentiel de cet édit accusait le CNR d'empirer permanemment les conditions catastrophiques de vie et de travail des masses laborieuses confrontées à la misère, au chômage, à l'analphabétisme, à la maladie et à la famine ; la déclaration critiquait également la volonté du CNR de se présenter comme un pouvoir des travailleurs, l'accusant illico d'être le sicaire des organisations syndicales en s'appuyant sur les CDR.460

La faiblesse de ce front syndical était à n'en pas douter sa représentation exclusivement révolutionnaire qui ne faisait pas l'unanimité des travailleurs. En effet, trois grandes centrales syndicales à savoir la CNTB, l'USTB et l'ONSL avaient été mises à l'écart parce qu'opportunistes. Même la CSB avait quitté le front une année après parce que les autres syndicats lui reprochaient d'avoir coopéré avec le CNR pour les étouffer.461 Ces dissentiments qui globalisaient l'ensemble des syndicats jetaient sans doute du discrédit sur le front syndical et devaient saper logiquement son efficacité vis-à-vis du CNR.

Néanmoins, comme l'affirme Kabeya Charles MUASE, dans la mesure où ces syndicats « rétifs » affichaient une attitude défavorable au CNR, la date du 28 janvier 1985 marquait un virage déterminant dans les rapports entre le mouvement syndical et le CNR, « le premier mettant en cause l'ensemble de la politique du second en ses points les plus sensibles ».462 L'interprétation de la date du 28 janvier 1985 est une expression crue de l'échec de la politique syndicale du CNR. Elle a marqué la rupture totale entre les syndicats et le CNR et le début de la cristallisation d'une opposition syndicale large contre un pouvoir qui de plus en plus perdait la cause des fonctionnaires. N'est ce pas de mauvais augure quand on connaît bien les issues politiques que la crispation des revendications syndicales a souvent créées ? Les dirigeants du CNR, bien renseignés, ne se sont pas montrés dupes. Pour empêcher ce mouvement syndical de large front de se développer, le CNR opta pour la répression.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand