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L'abstentionnisme électoral au Cameroun a l'ère du retour au multipartisme

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par Augustin TALA WAKEU
Université de Dschang-Cameroun - Master en Science Politique 2012
  

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PARAGRAPHE 2 : LES PRATIQUES D'EXCLUSION A TRAVERS LES DEMARCHES DE CERTAINS ACTEURS

Il est question de relever que la non-inscription involontaire n'est pas seulement le fait des citoyens à cause du non accomplissement de certaines formalités, mais davantage celui de certains acteurs qui, de façon volontaire ou involontaire, participent à la non-inscription des citoyens. Dans cette optique, nous présenterons non seulement les inscriptions sélectives et la convocation du corps électoral, mais également la non-inscription liée à l'appel au boycott, aux intimidations et à la violence.

A- LES INSCRIPTIONS SELECTIVES, LES SUPPRESSIONS DE NOMS SUR LES LISTES ELECTORALES ET LA CONVOCATION DU CORPS ELECTORAL

Les non-inscriptions involontaires sont nombreuses et variées. Elles se traduisent parfois par « les inscriptions sélectives » de certains citoyens malgré leur volonté manifeste de se faire inscrire sur les listes électorales. Elles sont d'ailleurs fréquentes dans le processus électoral camerounais et constituent l'une des charges essentielles dans les réquisitoires pour l'annulation (Njoya, 2003 : 81) de certaines élections. En effet, il s'agit de l'inscription des personnes susceptibles de voter pour le parti au pouvoir, en excluant toutes les personnes suspectées d'appartenir à l'opposition, ce qui n'a pour explication que l'argument ethnique conformement à la position de M.Njoya (2003 : 86) selon laquelle : « seul l'argument ethnique peut justifier ce sélectivisme ». Etant donné qu'il est difficile de dire a priori qui est de l'opposition et qui ne l'est pas, et partant du caractère ethnique des partis (Mouiché, 2009 :24), il est possible de dire qui est de l'opposition et qui ne l'est pas ; car certains partis politiques sont souvent proches des ethnies auxquelles appartiennent leurs leaders. A cet effet, les inscriptions sur les listes électorales sont souvent entachées de plusieurs exclusions (Eboussi Boulaga, 1999 : 71) du fait de certains acteurs en charge du processus électoral. C'est dans cette perspective que, M. Fru Ndi affirme que : « Les autorités administratives enregistrent de façon sélective les camerounais sur les listes. Ainsi, dans le Centre, le Sud et L'Est beaucoup de citoyens ont été empêchés de s'inscrire sur les listes parce qu'ils étaient soit Anglophones soit Bamiléké. De ce fait soupçonnés d'être des opposants 97(*)». C'est la preuve que l'exclusion de certaines catégories de citoyens a un caractère ethnique et contribue à l'amoindrissement du corps électoral à travers le découragement des électeurs. Dans tous les cas, c'est une pratique qui semble récurrente et qui mine sérieusement le processus électoral en participant grandement à l'exclusion de nombreux citoyens comme l'illustre le cas de M. Alain Fogue Tedom, lorsque prenant son exemple il déclare : qu'« en 2007, j'ai marché pendant plus de six mois pour m'inscrire sur une liste électorale, à la sous-préfecture de Yaoundé 3ème, j'y suis pas parvenu »98(*). C'est une réalité qui ne laisse donc pas la possibilité d'évaluer réellement le potentiel du corps électoral. À titre d'exemple près de 15 mille personnes auraient tenté en vain de s'inscrire sur des listes électorales en 1992 (Eboussi Boulaga, 1997 : 117).

Par ailleurs, d'autres électeurs ont vu tout simplement leurs noms supprimer des listes électorales dans des localités suspectées d'être acquises à l'opposition. C'est une technique qui semble correspondre à une volonté claire des acteurs qui y ont intérêt car, on observe cette pratique en particulier dans les fiefs acquis à l'opposition tandis que dans ceux proches du parti au pouvoir, les cas de suppression ne sont pas autant légion.

Tableau n° 9 : LES INSCRITS EN MARS 1992 ET SUPPRIMES EN OCTOBRE 92

REGIONS

NOMBRE D'ELECTEURS SUPPRIMES EN OCTOBRE 1992, POURTANT INSCRITS EN MARS 1992.

ADAMOUA

1513

CENTRE

0

EST

0

EXTREME-NORD

210414

LITTORAL

24

NORD

108

SUD

0

SUD-OUEST

55

NORD-OUEST

37766

OUEST

0

TOTAUX

249880

Source : Owona Nguini : La sociogenèse de l'ordre politique au Cameroun entre autoritarisme et démocratie (1978-1996) : les régimes politiques et économiques de l'Etat au gré des conjonctures et configuration socio-historique, 1997.

A partir de ce tableau, il ressort que 6.23% des inscrits de Mars 1992 ont été privés de leur droit de vote.

Par contre, si certaines exclusions ou inscriptions se font en violation des dispositions légales, d'autres par contre se font en conformité avec elles, même si certains partis politiques et observateurs les dénoncent en estimant qu'elles sont parfois arbitraires. En effet, la convocation du corps électoral ne vise pas expressément à exclure une catégorie des citoyens jugés « opposants », mais à respecter des dispositions légales qui veulent que le corps électoral soit convoqué à quarante-cinq jours au maximum avant la prochaine élection99(*). Cependant, sa convocation n'est pas toujours neutre car, il arrive qu'il soit décrété par anticipation. Ce qui est de nature à supprendre les potentiels électeurs, compromettant dans une certaine mesure leurs inscriptions sur les listes. Cette technique a été employée lors de l'élection présidentielle de 1992 à laquelle le président de la République avait convoqué par anticipation le corps électoral mettant ainsi « hors jeu » ceux qui s'appretaient à s'inscrire plus tard, étant donné que cet acte stoppe les inscriptions.

A cet effet, en année électorale, dès que le corps électoral est convoqué, toute inscription sur les listes cesse100(*). Il consacre donc la clôture des inscriptions sur les listes électorales, ce qui produit une exclusion massive de nombreux citoyens (Nna, 2009 : 25) qui à cause de cet acte sont forclos. C'est d'ailleurs ce qui a motivé le SDF à attaquer en 1992 devant le tribunal administratif le décret101(*) convoquant le corps électoral pour le 1er mars 1992 estimant qu'il violait la loi électorale car, en le convoquant pour cette date, les jeunes de 20 ans n'auront pas le temps de s'inscrire (Nkaifon Perfura, 1994 : 223). Dans tous les cas, la convocation du corps électoral exclut un nombre important de citoyens, particulièrement ceux qui avaient renvoyé leur inscription à plus tard et ceux qui ont été surpris par l'anticipation des élections102(*), car en cas d'élection anticipée la date de sa convocation sera elle aussi anticipée. D'ailleurs, l'ONEL estime qu'après la convocation du corps électoral en 2004, 25% des communes avaient encore des citoyens soucieux de se faire inscrire sur les listes103(*). Ce qui représente des milliers de potentiels électeurs qui ne sont plus autorisés à s'inscrire. Cependant, malgré sa convocation, certaines catégories de citoyens peuvent toujours être autorisées à s'inscrire.104(*) En conséquence, le problème de la convocation du corps électoral comme source de non-inscription est lié à sa convocation anticipée et non à sa convocation elle-même puisqu'elle répond en principe à des dispositions légales car, si l'anticipation des élections correspond à une stratégie politique, il va de soi que la convocation anticipée du corps électoral est l'une de ses armes. A côté de la convocation du corps électoral, les inscriptions sélectives, les appels aux boycotts des inscriptions, les intimidations et la violence empêchent bien des citoyens à s'inscrire sur les listes.

* 97 Cette déclaration a été faite par M.FRU NDI, lors de l'entretien que nous avons eut avec lui, à Bamenda le 28/11/2010.

* 98 Cette déclaration a été faite sur équinoxe tv à l'émission « la vérité en face » du 23/01/2011.

* 99 Article68 du code électoral camerounais.

* 100Lire à ce sujet le Rapport General de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 14.

* 101 Le décret n°192-092 du 15/01/1992 convoquait, le corps électoral, par anticipation, c'est-à-dire un an avant la prochaine élection présidentielle, puisque la dernière élection datait de 1988.

* 102 Ce fut le cas en 1992, où l'élection présidentielle avait été anticipée, ce qui surpris plusieurs citoyens en les excluant donc du processus électoral.

* 103Lire à ce sujet Rapport General de l'ONEL., 2004, op. cit., p. 52.

* 104 Lire l'article 63 du code électoral camerounais.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand