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Le pouvoir de standard and poor's, illustration de la raison néolibérale

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par Elise Fraysse
Université Lyon 2 Lumière - Master 1 2012
  

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A) L'absence de commandement, moyen de détournement de la politique

L'Etat détient par principe le « monopole de la violence légitime »180. En principe, il est par conséquent le seul à pouvoir exercer une certaine contrainte sur ses citoyens, et que ceux-ci ne s'y opposent pas (ou de façon isolée). Commandement et politique sont étroitement liés, puisque la

178 Foucault (M.), Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 286

179 Garapon (A.), La raison du moindre Etat, op. cit., p. 29

180 Weber (Max), Le savant et le politique

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politique ne peut s'exprimer que par le commandement. Il semble toutefois que cela ait été quelque peu écorché par le néolibéralisme et la globalisation. Des forces exogènes à l'Etat, à l'instar de Standard and Poor's, peuvent, on l'a dit, exercer une certaine pression sur la souveraineté nationale. Mais, ce qui change également, avec le néolibéralisme, c'est la façon d'imposer sa politique, ses avis, c'est-à-dire, en un mot, de gouverner.

Lorsque Standard and Poor's attribue un rating à un Etat, elle le publie sur son site internet, explique brièvement les raisons de la dégradation ou de la promotion, et le corrobore d'une perspective à plus long terme (positive, négative, stable). Les ratings de Standard and Poor's ne sont pas à proprement dit des sanctions - même si une chute de la note aura tendance à entrainer une élévation des taux d'intérêt - dans la mesure où elles n'ont pas pour but de « punir l'auteur d'une infraction »181. Ainsi, Standard and Poor's n'a pas à proprement dit de pouvoir de commandement. Pour autant, l'on sait que ses décisions ont un impact certain sur les relations entre les entités présentes sur le marché obligataire, en témoigne les réactions des dirigeants étatiques lorsque la note de leur Etat est dégradée, ou encore le fait que les Etats prennent en compte les observations de Standard and Poor's pour orienter leurs politiques.

Toujours dans l'optique d'un pouvoir qui s'euphémise, Standard and Poor's, à l'instar de la raison néolibérale, n'agit pas de façon directe en employant des injonctions comme pouvaient le faire les Etats sous l'ère de la souveraineté. En effet, ses ratings, en eux-mêmes, n'ont pas de force obligatoire. Si les Etats suivent majoritairement ses indications, c'est plutôt en raison d'une pression internationale et invisible, exercée par les autres acteurs du marché - Etats comme entreprises. Les sanctions passent dorénavant par « la menace d'atteinte à la réputation »182. C'est dont également en cela que le néolibéralisme dirige des esprits et non plus des corps. L'action de Standard and Poor's est particulièrement révélatrice de cela, puisqu'elle conduit à faire une hiérarchie entre les Etats, en fonction de leurs notes et joue ainsi sur leur réputation sur le plan international.

Si les Etats étaient réellement en souveraineté, l'abaissement d'une note délivrée par un acteur privée n'aurait aucune incidence, car le crapaud n'atteint pas la blanche colombe. Mais Standard and Poor's a conduit à ce que les Etats et les entreprises, en s'insérant sur le même marché, en devenant comparables, s'infligent eux-mêmes leurs propres sanctions. Faute de commandement, c'est « l'incitation et la désincitation, l'autocontrôle, la pression par les pairs, le whistleblowing, c'est-à-dire le contrôle par les clients »183 qui permet à Standard and Poor's de réguler le marché de la dette. Plus encore, la technique du naming and shaming, qui consiste à désigner nommément à l'opprobre public184, conduit les Etats à modifier leurs comportements d'eux-mêmes, sans l'intervention forcée d'un tiers. Standard and Poor's contribue donc à endogénéiser toute forme de sanction, et à inciter par là même les Etats à suivre ses recommandations, évinçant ainsi tout choix politique de leur part.

L'Etat, sur le marché, est donc conduit à examiner ses concurrents, et à faire face à la réputation que son rating lui fait. Ainsi, vis-à-vis du marché, le souverain « exerce un tout autre pouvoir que

181 Cornu (Gérard) (Dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 8ème ed., Paris, 2007 , p. 844, « sanction »

182 Garapon (A.), La raison du moindre Etat, op. cit., p. 175

183 Garapon (A.), La raison du moindre Etat, op. cit., p. 175

184 Ibid., p. 175

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le pouvoir politique qu'il exerçait jusqu'à présent »185. Son rôle sur le marché, s'il n'est pas moins important, a changé, et ce parce que Standard and Poor's a contribué à modifier les relations qui s'instauraient entre les Etats. Comme le note si bien Michel Foucault, l'Etat se trouve dans une position « à la fois de passivité par rapport à la nécessité intrinsèque du processus économique et en même temps de surveillance, et en quelque sorte de contrôle »186. Standard and Poor's entraine les Etats à se contrôler d'eux-mêmes, car elle sait que c'est là la technique la plus efficace pour arriver à ses fins.

Par cette absence de commandement, Standard and Poor's conduit les Etats à détourner leur fonction traditionnelle, du moins sur le marché. Ceux-ci sont de plus en plus préoccupés à exercer leur mission à la fois passive et de surveillance au détriment de l'exercice de la politique. Or, la politique, c'est faire des choix, c'est délibérer. Cette faculté des Etats tend à passer au second plan. Standard and Poor's a investi les Etats d'un nouveau rôle - celui d'examen permanent du marché obligataire - ce qui conduit à les détourner de leur fonction traditionnelle qu'est de faire de la politique. Encore une fois, Standard and Poor's ne contribue pas à faire reculer l'Etat ; elle modifie son mode d'action et tente de le faire sortir de la politique, car celle-ci manque d'efficience.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand