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Le pouvoir de standard and poor's, illustration de la raison néolibérale

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par Elise Fraysse
Université Lyon 2 Lumière - Master 1 2012
  

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Conclusion

« Sur la dialectique public-privé dans la production des biens publics aujourd'hui, on peut difficilement rêver meilleur sujet de méditation ! »213 s'exclamait Jean-Bernard Auby à propos des agences de notation financière. En effet, les agences de notation, et notamment Standard and Poor's, contribuent à bousculer les frontières, tant physiques que conceptuelles, du monde que l'on connaissait sous l'empire de la souveraineté.

Standard and Poor's contribue indubitablement à forger un peu plus la raison néolibérale : elle en est tant le fruit que celle qui le nourrit. Elle prône donc d'une part la concurrence comme axiome de pensée. Ainsi, soutenue par le processus de globalisation, Standard and Poor's a gommé les spécificités des différents acteurs du monde (et notamment des Etats) afin que tous soient mis en concurrence : les Etats entre eux, les Etats avec les entreprises... Mettre différentes entités en concurrence a eu pour conséquence de placer Standard and Poor's dans une relative situation de prééminence par rapport à ceux-ci, si bien qu'elle a pu, en contribuant à l'objectivisation des relations internationales et à la mise en concurrence des droits, exercer une influence positive sur ceux-ci. Ainsi, si cette mise en concurrence est le fruit du néolibéralisme de Standard and Poor's, elle permet aussi à celui-ci de se renforcer.

Dans le même but d'efficacité, Standard and Poor's instaure d'autre part la fuite du politique - idéologisée et inefficace - comme axiome de fonctionnement. En tant que société privée composée uniquement d'experts, Standard and Poor's est par essence apolitique ; ce mouvement de dépolitisation ayant été transmis aux Etats. Son émancipation de la politique se retrouve également dans la façon qu'elle a de réguler le marché obligataire, par la technique de notation qui s'attache à évincer tout commandement unilatéral et à anticiper un éventuel conflit, quel qu'il soit. Par ailleurs, si pendant longtemps le fonctionnement de Standard and Poor's n'était pas réglementé, on a assisté ces dernières années à un basculement de l'autorégulation vers la corégulation, ce qui n'est toutefois pas le signe d'un abandon du néolibéralisme.

Même si l'ancrage de Standard and Poor's dans le néolibéralisme n'est pas parfait - il ne le sera jamais, il est indéniable. La portée la plus significative de son action se trouve dans le fait que Standard and Poor's réussit à influencer le comportement des Etats. C'est avant tout le pouvoir de Standard and Poor's qui s'inscrit dans la raison néolibérale. En cela, Standard and Poor's contribue à dissocier pouvoir et démocratie, couple qui présidait dans les Etats occidentaux. Elle détient un certain pouvoir sans être démocratique, en substituant le « demos » par le « marché » et tend à faire adopter la même stratégie à l'Etat. D'un gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, Standard and Poor's désire s'orienter vers un gouvernement du marché, par le marché, pour le marché.

Nous n'en sommes pas encore là et il existe des solutions pour réinjecter de la démocratie, c'est-à-dire du politique dans nos sociétés. L'avantage, si l'on peut dire, de Standard and Poor's, est que son pouvoir, sa raison néolibérale, a été décelée. C'est en ce sens, paradoxalement, qu'elle ne s'inscrit pas totalement dans le néolibéralisme. Sa lacune démocratique a été perçue au grand jour, et c'est ainsi qu'elle pourra être résorbée, même si aucun pas n'a pour l'instant été fait en ce sens.

213 Auby (J-B), À propos des agences de notation, op. cit., p. 2

Si Standard and Poor's a réussi à détenir un tel pouvoir, c'est que les détenteurs initiaux de celui-ci y ont consenti. Les Etats ont en quelque sorte permis à ce que Standard and Poor's acquière tant d'importance sur la scène internationale, en lui reconnaissant une légitimité et une raison sur les marchés financiers. Sentinelle des marchés financiers, Standard and Poor's a été considérée comme porteuse de la vérité puisque le marché était considéré comme une science exacte, où les choix politiques n'avaient pas leur place. Le pouvoir n'est plus dès lors que la raison ne l'accompagne plus. Le pouvoir sans la raison devient arbitraire, il n'est plus que force et ne survit pas ; l'Histoire l'a démontré. En effet, « nous ne reconnaissons le pouvoir que s'il se réfère à un sens auquel nous adhérons »214. Tant que les Etats continuent de croire que Standard and Poor's ne reflète que la raison du marché et la raison du monde, son pouvoir ne déchantera pas.

Rappelons alors comment le Rabbi Loew réussit à anéantir son Golem, statue de glaise portant l'inscription EMETH (« vérité » en hébreu) sur le front. Bien qu'émergeant de la volonté de ce dernier, elle lui échappa et s'émancipa de la raison et de la vérité, ravagea tout Prague. Usant d'un subterfuge, le Rabbi demanda au Golem de refaire ses lacets, et lui effaça la première lettre inscrite sur son front : EMETH devenait METH (« mort » en hébreu). Le monstre s'effondra.

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214 Supiot (Alain), Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, op. cit., p. 223

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