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Le pouvoir de standard and poor's, illustration de la raison néolibérale

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par Elise Fraysse
Université Lyon 2 Lumière - Master 1 2012
  

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Paragraphe 2. L'extension de la mise en concurrence aux Etats

La mondialisation modifie incontestablement les relations entre les Etats. Standard and Poor's participant à ce processus, elle a également contribué à modifier les relations entre eux, c'est-à-dire à les objectiviser (A), ce qui lui a permis d'acquérir un certain pouvoir sur la scène internationale (B).

104 Auby (Jean-Bernard), À propos des agences de notation, Dr. Adm. n°10, Octobre 2011, repère 9, p. 1

105 Idem.

106 Foucault (M.), Naissance de la biopolitique, op. cit., leçon du 21 mars

107 Auby (J-B), À propos des agences de notation, op. cit., p. 2

108 Dardot (P.), La nouvelle raison du monde, op. cit., p. 406

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A) La mise en concurrence des Etats, produit de l'objectivisation des relations internationales

Sous l'empire de la souveraineté, le monde était divisé en Etats, dotés d'une même forme, ce qui rendait possibles leurs relations. Les relations internationales, principalement limitées aux relations interétatiques, se fondaient sur la volonté des Etats109. Dès lors, sous l'empire de la souveraineté, un Etat qui voudrait emprunter de l'argent pour financer ses dépenses le fera en fonction des relations diplomatiques qu'il entretient avec les autres Etats. On ne vend pas des obligations à son ennemi légendaire.

L'objectivisation des relations internationales par Standard and Poor's s'opère de deux façons. D'une part, les relations ne se veulent plus à proprement inter-nationales, ni même interétatiques, dans la mesure où les relations ne sont plus organisées entre souverainetés, mais entre les différentes entités, indépendamment de leur qualité, présentes sur le marché. De surcroit, les relations binaires qui existaient (d'Etat à Etat) deviennent ternaires (Etat, Etat ou entreprise, Standard and Poor's). Standard and Poor's publie des notes sur les différents acteurs du marché obligataire mondial, et ce afin que les investisseurs choisissent leur partenaire. En tant qu'intermédiaire, elle contribue donc à la conclusion de contrats entre ceux-ci. Elle influence donc le choix des investisseurs, en les orientant à choisir le partenaire qui maximisera au mieux son profit.

D'autre part, ces relations s'objectivisent dans la mesure où les liens ne se tissent plus selon la subjectivité des Etats, leur Histoire, leur idéologie, mais selon l'utilité et l'efficience. Standard and Poor's, en évaluant les Etats selon différents critères, contribue à l'objectivisation des relations internationales. Non seulement elle rompt les liens directs entre les Etats, en leur servant d'intermédiaire indispensable sur le marché obligataire, mais elle remplace également la volonté par l'utilité en attribuant des ratings en fonction de cinq notes (politique, économique, extérieure, budgétaire, monétaire) déterminées par des critères qui se veulent objectifs. Ainsi, la raison néolibérale s'exerce dans toute sa splendeur, elle qui, « au lieu de diviser les Etats, unifie le monde en ramenant la diversité des comportements humains à une seule forme - l'entreprise - et en contrôlant leurs actions en agissant sur l'intérêt »110. Ainsi, les préoccupations idéologiques s'effacent, car ce qui compte, c'est l'efficacité, l'utilité. Standard and Poor's contribue ainsi à sortir du schéma ancestral de la souveraineté, en rejoignant le paradigme néolibéral pour qui la valeur cardinale, désormais, ce n'est plus la volonté, mais l'utilité111. Dès lors, aujourd'hui, mis à part quelques Etats comme la Corée du Nord, qui refusent d'entrer dans l'ère de la mondialisation et dans les relations internationales, une grande partie des Etats sont prêts à entretenir des relations avec n'importe quel autre Etat, tant qu'il en tire une utilité, voire un bénéfice112.

Standard and Poor's s'inscrit dans ce schéma dans la mesure où elle contribue à critériser ce qui était de l'ordre du ressenti, du coeur presque. La méthode employée par Standard and Poor's s'inscrit dans la même veine que la nouvelle gestion publique, qui fixe des critères de

109 Garapon (A.), La raison du moindre Etat, op. cit., p. 38

110 Idem.

111 Idem.

112 En témoigne peut être les relations qu'a entretenue la France avec la Libye, sous l'empire de Kadhafi, ou avec la Syrie, sous la dictature de Bachar Al Assad...

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performance et de qualité, qui « peuvent atteindre plus directement le coeur du métier »113. En prônant ainsi la culture du résultat et un système inspiré du darwinisme, Standard and Poor's contribue à instaurer un tel système sur le plan international, ce qui lui permet de mieux comparer les différents acteurs du marché114, de mieux les mettre en concurrence. C'est ainsi qu' « à la rivalité infinie des Etats, ils substituent la concurrence économique » 115 et financière.

L'objectivisation des relations internationales est donc une condition nécessaire pour pouvoir comparer les différents acteurs du marché obligataire, comparaison opérée par l'entrepreneur (investor), c'est-à-dire celui qui achète les obligations, figure de l'homo oeconomicus. En effet, sous la raison néolibérale, l'homo oeconomicus ce n'est plus seulement le « partenaire de l'échange »116, c'est un entrepreneur, puisque dorénavant, la concurrence compte plus que l'échange. Si Standard and Poor's met en oeuvre sa méthodologie de façon précise et se voulant objective, ce n'est pas pour resserrer les liens entre les acteurs du marché, ou pour favoriser l'échange entre les peuples, les communautés, les Etats, mais plutôt pour que l'entrepreneur place au mieux son argent, afin qu'il maximise son profit. En témoigne la réponse par Standard and Poor's à la question de savoir en quoi les ratings sont utiles : « ils peuvent jouer un rôle important en ce qu'ils permettent aux entreprises et aux gouvernements de gagner plus d'argent (raise money) sur les marchés financiers »117. Cela illustre bien le propos de Michel Foucault, qui définit l'homo oeconomicus néolibéral comme un « entrepreneur de lui-même, [...J étant pour lui-même la source de ses revenus »118.

Les règles instaurées par Standard and Poor's dans sa méthodologie sont constamment tournées vers l'entrepreneur, qui doit être en capacité de comparer, en fonction des différents critères, ses potentiels débiteurs, afin de placer au mieux son argent et ainsi de maximiser ses richesses. L'homo oeconomicus est un être rationnel, qui cherche à maximiser son profit119. Il ne perçoit pas les acteurs du marché comme des entreprises ou des Etats, mais comme des débiteurs potentiels. En se fixant sur des critères objectifs pour orienter les relations entre les Etats, Standard and Poor's a pu les mettre en concurrence, puisqu'il est plus facile de les comparer ainsi. Mais cela a eu un impact collatéral sur Standard and Poor's elle-même, qui a pu acquérir un peu plus de pouvoir.

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