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Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi,une menace stratégique?

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par Rodrigue NANA NGASSAM
Université de Douala - Cameroun - Master II en science politique- option : études internationales 2013
  

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B- Lutter contre le financement du terrorisme au sahel

Pour éradiquer le terrorisme au sahel, la lutte contre le terrorisme doit s'intensifier contre les divers trafics et les activités illégales qui gangrènent la région (2) et dans une certaine mesure, éviter le piège des rançons auquel AQMI et les autres groupes terroristes en ont fait une industrie rentable (1).

1- Eviter le piège des rançons

Du constat des sources de financement des organisations terroristes au sahel dont AQMI, il est clair que l'enlèvement de ressortissants occidentaux apparaît comme l'activité la plus recommandable et la plus rentable437(*). Les prises d'otages ont généré de substantiels revenus à AQMI438(*). Depuis l'enlèvement de 32 touristes européens dans le Sud de l'Algérie en 2003, AQMI a réussi à amasser un important trésor de guerre. Mais au-delà d'avoir su percevoir le potentiel financier des prises d'otages, AQMI a aussi réussi à alimenter de vives tensions diplomatiques concernant l'attitude à adopter face à ses exigences financières. En effet, le paiement des rançons est un acte qui divise et qui est à l'origine de sérieuses controverses entre puissances occidentales et les Etats sahéliens. D'une part, céder aux terroristes revient à les financer et, donc, infine à soutenir leurs actions. D'autre part, avec la spectaculaire inflation des demandes de rançons constatée au cours des dernières années, s'est répandue l'impression qu'une vie étrangère vaudrait bien plus qu'une vie sahélienne. Une telle approche a des effets dévastateurs auprès des populations locales, particulièrement précaires, elles comprennent difficilement qu'une si importante somme d'argent alimente directement les auteurs de violence, au détriment de ceux qui en ont le plus besoin.

Dès lors, de nombreux Etats ont publiquement fait état de leurs refus de payer toute rançon. C'est le cas, notamment, des pays du champ (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger). C'est également le cas du Royaume-Uni et des Etats-Unis. De tels paiements constituent une violation de la résolution 1904 du Conseil de Sécurité des Nations Unis et enfreignent la décision de juillet 2010 de l'Assemblée de l'Union Africaine (UA) qui réaffirme sa « ferme condamnation » de telles pratiques. Les Etats sahéliens doivent donc refuser de faciliter de telles négociations et mener des enquêtes qui permettront de punir les responsables qui s'engagent dans ces pourparlers. Une telle attitude relève d'un choix politique fort qui, bien sûr, peut être difficile à assumer. Abou ZEID a ainsi exécuté un otage britannique, Edwin DYER, le 31 mai 2009, à la suite du refus du gouvernement du Royaume-Uni de payer la rançon qu'il demandait. La règle de non paiement serait alors parfois détournée, en recourant à des intermédiaires ou par le biais d'assurances privées qui, en versant eux-mêmes une rançon, n'engagent pas la responsabilité des Etats impliqués.

Il serait souhaitable qu'une réflexion entre pays concernés par la menace terroriste et les acteurs extérieurs dont les ressortissants sont victimes d'enlèvements s'engagent rapidement sur l'opportunité d'un changement d'attitude vis-à-vis des demandes de rançon, dans le but notamment d'assécher les sources de revenues des groupes terroristes, mais aussi d'anéantir toute incitation aux prises d'otages. Comme les kidnappings, la lutte contre les trafics en tous genres et les activités illicites est certainement inévitable pour mener à bien le processus d'éradication de la violence au sahel.

2- Combattre les divers trafics au sahel

En 2009, l'Office des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) estimait le trafic de cocaïne en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale à 900 millions de dollars439(*). Une importante partie de ce trafic est contrôlé par les groupes terroristes de la région sahélienne qui financent le recrutement de nouveaux éléments et l'achat d'armes par les bénéfices générés par le trafic de cocaïne, de cigarettes et la protection des réseaux et filières d'immigrants clandestins subsahariens vers l'Europe mais également grâce à l'appui financier que fournissait le régime de KADHAFI dans le recrutement, la formation et l'encadrement des factions rebelles et de mercenaires dans le but de déstabiliser l'Afrique de l'Ouest. Selon Alain ANTIL, « il faudrait commencer par établir une vraie typologie des acteurs de ce trafic car bien souvent, celle-ci est erronée. On pourrait ainsi distinguer cinq catégories d'acteurs. Il existe tout d'abord des cartels Latino-américains, qui sont des organisations criminelles transnationales. Il y a également des mafias nigérianes qui sont implantées partout. D'importants éléments de la diaspora africaine vivant en Europe émergent, ce qui augmente le trafic par avion. Les tribus ou factions présentes dans le Nord de la Mauritanie, du Mali et du Niger participent également à ces trafics. Enfin, il existe aussi des mafias d'Etat qui ont les capacités de sécuriser et d'organiser les trafics »440(*).

Aussi pour être plus efficace, la lutte contre le crime organisé et les mafias au sahel ne peut plus se concevoir à partir de catégories telles que l'intangibilité des frontières, la souveraineté ou des querelles de leaderships régionaux. Au contraire, pour endiguer et effacer les trafics au sahel, des aires de coopération sont nécessaires entre les Etats sahéliens. De plus, pour lutter efficacement contre les trafics, il ne faut pas se contenter d'arrêter rien que les trafiquants, il faut également combattre la consommation dans le grand marché de consommation qu'est l'Europe. Car, tant qu'il y aura la demande, le trafic se déplacera. La grande force d'AQMI est d'avoir su établir des alliances matrimoniales avec des groupes arabes ou touaregs. Cela étend énormément le réseau et implique des personnes qui ne sont pas directement liées avec les trafics. Il faut donc parvenir à convaincre les tribus qu'elles ont davantage intérêt à contribuer à la lutte contre ces réseaux plutôt qu'à les servir.

Enfin, le contexte dans lequel les activités criminelles sont possibles est celui de la corruption, premier fléau à la sécurité et à la stabilité régionale441(*). En effet, les routes des trafics ne suivent pas nécessairement les itinéraires les plus directs, mais s'adaptent aux meilleures conditions de passage, en l'occurrence les régions où les Etats sont faibles.442(*) Les agents de l'Etat sont en effet souvent impliqués dans les trafics illégaux et en connexion avec les narcotrafiquants. De ce fait, la corruption n'est pas forcément perçue comme un délit mais comme une redistribution des revenus à grande échelle. Le trafic n'est pas alors considéré comme un risque mais fait office de rente là où il y a connivence avec les acteurs gouvernementaux. Selon Alain ANTIL, l'ancien Président de la Mauritanie redistribuait les revenus des trafics au sein de son clan, le contrôle de l'économie criminelle étant réparti entre certaines familles dominantes bénéficiant de la rente du trafic de cigarettes et d'armes arrivant par containers à Nouakchott443(*). C'est pourquoi la volonté politique de s'attaquer en premier lieu à la corruption aux plus hauts niveaux des Etats reste le préalable incontournable à tout renversement de logique politique et économique. Cela étant, il faut une réponse internationale à la crise sahélienne.

* 437 Mathieu GUIDERE, « AQMI : Le tournant des révolutions arabes », Maghreb-Machrek, n° 208, été 2011, p. 5.

* 438 Il existerait compte tenu de la nationalité de l'otage des prix établis entre 5 et 10 millions d'euros pour un français, entre 8 et 12 millions s'il travaille pour AREVA.

* 439 « Les sources du financement des bandes armées au sahel », Compagnie Méditerranéenne d'Analyse et d'Intelligence Stratégique, 01 février 2013, p. 5.

* 440 Alain ANTIL, « Compte rendu de la sécurité au sahel », IFRI.

* 441 Laurence AIDA AMMOUR, « Flux, Réseaux et Circuits de la criminalité Organisée au Sahara-Sahel et en Afrique de l'Ouest », Institut de Recherche Stratégiques de l'Ecole Militaire (IRSEM), Paris, Cahiers du CEREM, Spécial Sahel, n° 12, décembre 2009, p. 17.

* 442 Laurence AIDA AMMOUR, ibid.

* 443 Alain ANTIL,  Conférence sur : « Contrôler les trafics pour assurer la stabilité de l'Etat : Retour sur le cas mauritanien », lors du Séminaire « Questions Sécuritaires aux marges de l'espace méditerranéen : la zone sahélo-saharienne » organisé par l'IFRI, le 5 décembre 2008 à Paris.

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