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Le paradoxe de l'errance dans "Etoile errante" de JMG le Clézio

( Télécharger le fichier original )
par Martha Isabel MUELAS HURTADO
Université Paris 8 Saint Denis - Master 1 littérature française et francophone  2012
  

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CONCLUSION

L'errance dans Étoile errante nous a menés dans une traversée des sens et significations de vie. Nous pouvons conclure qu'il existe bien un discours littéraire de l'errance. Celle-ci est à la fois une thématique et une poétique que génèrent ses propres modalités d'écriture en permettant de montrer une nouvelle catégorie littéraire : celle de la route et du hors lieu. Cependant, il nous faut dire aussi que cette configuration pose certaines questions problématiques par rapport aux littératures nationalistes qui marquent cette appartenance à la nation d'origine.

Cette nouvelle manière de concevoir l'errance comme problématique littéraire nous interroge sur le rôle des différents discours directement liés à celle-ci comme le sont le discours politique, juridique, sociologique, anthropologique et psychanalytique qui renvoie à un symptôme social de la société actuelle. L'errance est en effet le résultat d'un monde qui ne sait pas distribuer ses territoires et qui crée des inégalités sociales directement liées à un système économique capitaliste qui privilégie le sédentarisme sur de l'errance. Ainsi la problématique d'Israël nous permet de réfléchir à propos des politiques de distribution de la terre qui mènent les populations en question à se déterritorialiser et à errer sans point fixe d'arrivée, ce questionnement nous dévoile aussi un immense problème politique qui ne trouve pas de solutions pour distribuer ses espaces de façon équitable à ses citoyens.

Le Clézio fait preuve d'engagement avec la question de l'errance Juive et Palestinienne, en nous donnant à travers les témoignages des exclus, le meilleur exemple d'un monde marqué par son exclusion sociale. L'écrivain envisage la nouvelle construction de l'identité non comme un retour aux origines mais comme un partage des cultures et des idées socialement reconnues dans un même espace. Il défend une vision de l'identité où tout le monde puisse se reconnaître comme issue d'appartenances multiples dans un territoire socialement partagé et où la mystification des racines ne peut pas être la consigne à suivre dans une société reconnue métisse. C'est pourquoi dans ce mémoire nous avons retracé le

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parcours de nos personnages et celui de l'écriture leclézienne comme point de départ pour comprendre le nouveau modus operandis du discours que l'écrivain nous invite à suivre.

Dans la première partie nous avons étudié comment l'auteur configure tout un dispositif narratif qui démontre sa construction de la thématique de l'errance dans son ouvrage Etoile errante. Nos points d'analyse ont été centrés sur la déambulation géographique des personnages, les non-lieux des récits, les éléments de l'errance tels que l'eau et le désert et les deux métaphores de cette errance : Esther et Nejma.

Dans la deuxième partie de notre mémoire, nous avons analysé quelques modalités d'écriture de l'errance chez Le Clézio. Le discours paratopiques, le récit, le mythe de l'origine, sa vision fragmentée et subjective de l'Histoire, Dans ce sens, nous avons trouvé les mécanismes que l'auteur emploie pour dévoiler à partir de ses personnages une réalité sociale. Grace à la vision porteuse de sens par rapport à la quête identitaire que construit l'écrivain dans la mesure où l'altérité et le croisement de cultures, langues et mémoires renvoient aux interstices culturels, le lecteur comprend les enjeux qui se tissent dans l'écriture du hors lieu.

Dans la troisième partie nous avons mis en lumière les approches postcoloniales de l'écriture de l'errance chez Le Clézio dans cet ouvrage à travers le développement de quatre points de réflexions : Une écriture de l'Altérité : le conflit judéo-palestinien ; la question identitaire ; l'errance et les enjeux de l'interculturalité et l'élaboration d'une poétique de la Relation théorisé par Glissant. Dans cet chapitre nous avons étudié que l'écrivain dénonce un système et des politiques fixées en Israël où les Palestiniens sont devenus étrangers sur leur propre terre et démunis d'une identité qui puisse lutter contre celle de Juifs. L'auteur configure la figure de l'exil toujours en fonction de la question de l'origine, il explore avec ces personnages ce décalage issu du temps et de l'espace : d'une part un passé mythifié et un présent exclusif et d'autre part une errance qui va des lieux aux non lieux pour les deux peuples frères.

Les scénographies travaillées par l'auteur nous renvoient à une Europe en guerre et dépourvue de toute significations pour ceux qui y sont. Après l'occupation allemande, l'exil des Juifs nous amènera à une scénographie orientale qui ne sera pas loin de nous décevoir aussi. En nous montrant ces personnages abimés et oubliés, l'auteur nous questionne sur le

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rôle des politiques pour ces populations qui sont au milieu du conflit. En nous proposant ces itinéraires, l'écrivain nous dévoile un monde mal distribué qui cherche désespérément trouver des lieux pour tous. L'errance que les deux peuples devront vivre sans en savoir la raison manifeste un symptôme social très ancien que notre monde contemporain avec toutes ses avances n'a pas pu résoudre et qui reste fixe sur une vision économique des pays. L'écrivain nous invite à penser l'errance comme moyen de décentralisation du système mais aussi comme un choix personnel et libre que ne doit pas être imposé à certains peuples démunis.

La vision optimiste de Le Clézio nous laisse envisager un possible monde où les différences culturelles devraient nous pousser à aller de l'avant et non pas à nous faire reculer dans nos perceptions de l'autre. Dans ce sens, la grande innovation de Le Clézio a été d'aller vers toutes ces « minorités » et de les convoquer au « partage » de la connaissance et de l'activité réparatrice sans cesse recommencées pour aller à la retrouvaille de ce passé, de ces histoires, de ces mythes, « de ces voix » qui cherchent à être inclus et entendus dans le patrimoine littéraire mondial pour construire un Tout Monde habité par la poétique de la Relation et la pensée de l'errance selon Glissant.

Cela nous permet de dire que cette recherche d'une explication de l'errance nous amène toujours à la multiplicité. Jean Marc Moura (2000) a même parlé de « roman géographique » car les voyages proposés par Le Clézio nous font voyager à travers les cinq continents de monde, dans tous les déplacements des personnages lecléziens on découvre une autre culture avec fascination. A travers la traversée de continents et des imaginaires des langues, ce concert de l'humanité dont il parle se voit concrétisé dans la littérature.

La quête d'un langage compréhensible pour tous trouve sa place dans le roman comme élément « métis », un outil de partage où la narration est le meilleur moyen de réussir à inclure tous ceux qui n'ont pas été là auparavant, mais réunis à un même niveau, égaux. L'écriture recherchée est celle de l'oralité qui attire, qui chante et que Le Clézio essaye de sauver avec ses phrases, ses histoires et ses mises en abyme. Une écriture hybride qui donne une place commune à la mémoire des peuples historiquement opposés et confrontés, un interstice culturel qui émerge pluriculturelle, plurireligieuse et pluriethnique.

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Le sens de l'utopie légitimise l'écrivain malgré les critiques qui le considèrent comme « naïf » ou « exotique ». Ainsi, en multipliant les voix de ses personnages et en leur donnant le droit d'être entendus, en nous donnant l'occasion de croire que nous avons besoin d'un prolongement géographique et humain, en nous montrant que le monde peut devenir meilleur en dépit de lui-même, la littérature fait de l'écrivain, « un poète qui n'a pas d'identité et qui s'empare donc du corps d'autrui68 »

68 Gefen, Alexandre, « Ce que la littérature sait de l'autre », Revue Le Magazine littéraire No 526 décembre 2012. P. 37

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