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Quelle cohérence entre finance carbone et politiques de développement dans les pays du sud? Cas du Sénégal et du Kenya

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par Yaye Ngouye DIAGNE
Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement ( AgroParisTech ) - Mastère spécialisé en politiques publiques et stratégies pour l'environnement 2013
  

Disponible en mode multipage

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THESE PROFESSIONNELLE

MASTERE SPECIALISE

POLITIQUES PUBLIQUES ET STRATEGIES POUR L'ENVIRONNEMENT

Quelle cohérence entre finance carbone et politiques de développement dans les pays du sud? Cas du Sénégal et du Kenya

DIAGNE Yaye

Décembre 2013

Tuteurs

- Laurent MERMET, AgroParistech

- Valentin BELLASSEN, CDC Climat

- Nathalie WEISMAN, EcoAct

Les contenus de ces présentations sont ceux des étudiants
et n'engagent directement ni les encadrants du Mastère Spécialisé
ni AgroParisTech au delà de la mission d'accompagnement pédagogique

SOMMAIRE

TABLES DES ILLUSTRATIONS 3

ACRONYMES 4

RESUME 5

INTRODUCTION 7

I. Méthodologie 8

A. Objectjf de l'étude 8

B. Démarche 9

II. Prise en compte de l'atténuation des émissions de GES dans les politiques de développement au Sénégal: un combat de longue haleine 10

A. Profil du pays : une croissance ralentie par les chocs exogènes 10

B. Le débat international : nécessité pour les pays du sud, de changer de paradigme 11

C. Le Sénégal s'engage à l'international : 2 communications au CCNUCC 14

D. Diagnostic des émissions de GES : les ménages, les industries (production d'électricité) et le transport, principales sources d'émissions de gaz 15

E. Changement climatique et politiques de développement : une faible intégration au niveau sectoriel 19

III. Les changements climatiques au niveau opérationnel 30

A. Peu de financements propres engagés par les bailleurs régionaux 30

B- Le MDP au Sénégal : très peu de projets enrégistrés 33

C- Analyse des acteurs : peu d'influence « du niveau opérationnel » sur la politique publique 34

IV. Politiques de développement et prise en compte des émissions de GES au Kenya 37

A. Les engagements du Kenya : une unique communication à l'international 37

B. Diagnostic des émissions de GES au Kenya : la consommation énergétique, principal émetteur de GES 37

C- Le changement climatique dans les politiques publiques : une volonté affirmée, une politique cohérente 40

D- Les projets finance carbone au Kenya 42

E- Analyse des acteurs : un secteur privé dynamique 44

CONCLUSION 46

BIBLIOGRAPHIE 49

TABLES DES ILLUSTRATIONS

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : modèle grille d'analyse 3

Tableau 2 : stratégie nationale et effets sur l'atténuation du changement climatique 22

Tableau 3 : politique sectorielle et effets sur l'atténuation du changement climatique 29

Tableau 4 : Sénégal, projets MDP enregistrés au 30 novembre 2013 33

Tableau 5 : répartition des émissions de GES au Kenya 38

Tableau 6 : politiques de développement et effets sur l'atténuation du changement climatique 42

Tableau 7 : Kenya, projets MDP enregistrés au 30 novembre 2013 43

Tableau 8 : analyse comparative Sénégal et Kenya 47

LISTE DES FIGURES

Figure 1: les approches du développement durable (A. Boutaud) 3

Figure 2: répartition des émissions de GES par secteur 15

Figure 3: répartition des approvisionnements en énergie au Sénégal 16

Figure 4: la consommation énergétique finale par type d'énergie 16

Figure 5: répartition par sous-secteur de la consommation énergétique 17

Figure 6 : consommation énergétique des ménages 18

Figure 7: logigramme politique Sénégal 28

Figure 8: répartition par secteur des financements impactant les émissions de GES 31

Figure 9: répartition des financements de la BAD par secteur entre 1972 et 2013 32

Figure 10: Sociogramme acteurs Sénégal 34

Figure 11: effets de la politique sur les émissions de GES 36

Figure 12: répartition des sources d'approvisionnement en énergie au Kenya 38

Figure 13: sources d'approvisionnement en électricité 39

Figure 14: logigramme politique au Kenya 41

Figure 15: Sociogramme acteurs Kenya 44

Figure 16: effets de la politique sur les émissions de GES 45

ACRONYMES

AND : Autorité Nationale Désignée

ASAL : Arid and semi arid lands

BAD : Banque Africaine de Développement

BOAD : Banque Ouest Africaine de Développement

CCUNCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques

CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

DSRP : Document de stratégie de réduction de la pauvreté

EnR : Energies renouvelables

FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture

GES : Gaz à effet de serre

GIEC : Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

LPDSE : Lettre de politique de développement sectorielle de l'énergie

MDP : Mécanisme de Développement Propre

PCET : Plan climat énergie territorial

PED : Pays en développement

PIB : Produit intérieur brut

PODES : Plan d'orientation pour le développement économique et social

SAO : Substances appauvrissant la couche d'ozone

SAR : Société Africaine de Raffinage

SCA : Stratégie de croissance accélérée

SNDES : Stratégie nationale de développement économique et social

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

UNFCCC: United Nations Framework Convention on Climate Change

RESUME

Les concentrations de CO2 ont augmenté de 40% depuis la période pré-industrielle.Limiter le changement climatique demandera une réduction significative et durable des émissions de gaz à effet de serre.

Le protocole de Kyoto adopté en 1997 avec pour objectif de réduire entre 2008 et 2012 les émissions de GES de 5,2 %, a été maintenu par la conférence de Doha de 2012, qui fixe la durée de la deuxième période d'engagement à huit ans à compter du 1er janvier 2013.

Le protocole prévoit aussi d'intégrer les Pays enDéveloppement, notamment ceux de l'Afrique, dans le régime climatique à travers un mécanisme spécifique appelé Mécanisme de Développement Propre. Ce dispositif promeut des investissements propres dans les PED, permettant de réduire les émissions de CO2 et de générer des crédits d'émission bénéficiant aux investisseurs des pays du Nord.

Bien que contribuant faiblement aux émissions de GES mondiales (environ 4% des émissions de CO2), l'Afrique paiera le prix fort des impacts négatifs du changement climatique qui en résultera. Les pays africains ont ainsi proposé de mettre en oeuvre des actions d'atténuation dont ils rendront compte dans des rapports publiés tous les deux ans au CCNUCC.

Ce document se propose d'analyser à travers deux études de cas (Sénégal et Kenya) :

- l'efficacité des politiques de développement des PED par rapport à l'atténuation des émissions de GES,

- la cohérence et le degré d'intégration du MDP et des projets financés dans les politiques publiques.

Le Sénégal s'est engagé à réduire ses émissions de GES à travers deux communications au CCNUCC. Le diagnostic de ses émissions a permis de mettre en évidence les secteurs les plus polluants : les ménages, les industries (production d'électricité) et le transport.

Les ménages exercent une forte pression sur les ressources naturelles par l'utilisation de bois et charbon de bois pour la consommation domestique. L'utilisation de biomasse est de ce fait le premier emetteur de gaz à effet de serre au Sénégal.

Le secteur du transport est caractérisé par un parc vieillisant, fortement consommateur de diesel, et très polluant.

Le production d'électricité quand à elle, est caractérisée par une production exclusivement à partir de centrales thermiques et fortement dépendante du pétrole importé.

L'analyse du degré de prise en compte de l'atténuation du changement climatique dans les politiques de développement au Sénégal, montre un faible niveau d'intégration de ces enjeux au niveau sectoriel et opérationnel.

Malgré ses engagementsà l'internationalpour la réduction des émissions de GES, la politique menée par le Sénégal est peu cohérente et pas efficace. Cette analyse nous a conduit aux conclusions suivantes :

ü Une volonté du Sénégal transcrite dans sa vision stratégique et dans la mise en place d'un cadre institutionnel et réglementaire nécessaire à la prise en compte du changement climatique dans les politiques ;

ü Une prise en compte insuffisante des enjeux de réduction des émissions de GES, dans les politiques sectorielles : la politique axée sur la maitrise de la demande en électricité des ménages est peu efficace, l'électricité ne représentant que 5 % de leur consommation énergétique ;

ü Une faible implication au niveau opérationel, des bailleurs de fonds régionaux et des acteurs privés dans la prise en compte des problématiques liées à l'atténuation ;

ü Un manque de cohérence entre la vision stratégique de l'Etat, la politique énergétique et les actions menées au niveau opérationnel : il faut noter en particulier une volonté affichée de réduire les émissions de GES et dans la pratique, des subventions importantes allouées aux hydrocarbures.

Globalement, la politique retenue pour le secteur énergétique, principale source d'émissions de GES, participerait à l'augmentation des émissions : forte subvention aux hydrocarbures et peu d'actions et mesures prises pour les énergies renouvelables.Les émissions de GES seront d'autant plus accentuées avec le recours aux centrales à charbon, comme inscrit dans la déclaration de politique générale du premier ministre en 2013.

Le même constat est noté pour ce qui concerne les financements des principaux bailleurs régionaux (BAD, BOAD). Une analyse des financements sur les 10 dernières années montre que : moins de 3% des financements alloués au Sénégal sont propres ; 13% des financements de la BAD et 21% des financements de la BOAD contribuent potentiellement à une augmentation des émissions de GES au Sénégal.

Le Kenya, contrairement au Sénégal, s'est très peu engagé à l'international, ne faisant qu'une unique communication au CCNUCC datant de 2002.

Cependant les enjeux liés à l'atténuation du changement climatique sont pris en compte à chaque échelle d'élaboration des politiques de développement :au niveau national et sectoriel.

Les axes stratégiques dégagés au niveau sectoriel notamment la promotion des énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, la promotion d'un type de transport « propre », sont cohérents avec la vision stratégique nationale. Il faut noter que le Kenya est l'un des premiers pays à avoir adopté le tarif préférentiel pour les énergies renouvelables en 2008. Les politiques et mesures prises apportent ainsi une réponse pertinente au diagnostic menéen 1994, qui désignait le secteur du transport comme principale source d'émissions de GES.

Les mesures incitatives prises par l'Etat impulsent une certaine dynamique au niveau opérationnel. Aussi, depuis 2008, 17 projets MDP ont été enregistrés par la société civile et les entreprises. Ces projets interviennent dans le domaine des énergies renouvelables et sont donc en adéquation avec les axes stratégiques dégagés par l'Etat.

Cette analyse de la cohérence entre finance carbone et politiques de développement au Sénégal puis au Kenya montre que le MDP ne peut avoir des effets sur la réduction des gaz à effet de serre que si les projets s'intègrent dans une politique plus large d'atténuation du changement climatique.

Dans ce contexte, soutenir uniquement la mise en oeuvre du MDP aura peu d'effets sur l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre. La solution se trouverait dans une réelle volonté des Etats de prendre en charge les enjeux climatiques en mettant en place des politiques et mesures pertinentes et cohérentes. Dans ce cadre la société civile et le secteur privé jouent un rôle important dans la prise en compte des enjeux climatiques dans les politiques publiques.

INTRODUCTION

Les concentrations de CO2 ont augmenté de 40% depuis la période pré-industrielle.

Le 5ème rapport du GIEC de 2013, indique qu'au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, l'augmentation des températures serait de l'ordre de 4°C à la fin du siècle, avec des conséquences très importantes sur la fonte des glaces et le relèvement du niveau des mers.

Limiter le changement climatique demandera une réduction significative et durable des émissions de gaz à effet de serre. Le scénario le plus favorable proposé par le GIEC estime que sous certaines conditions,il serait possible de limiter la hausse de la température moyenne à la surface de la terre à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Pour atteindre ce seuil, il faudrait stopper l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 et ensuite progressivement les réduire pour atteindre des émissions négatives (captage et stockage du CO2)1(*).

Le protocole de Kyoto adopté en 1997 et ratifié par 183 pays avait pour objectif de réduire entre 2008 et 2012, les émissions de GES de 5,2 % par rapport aux émissions de 1990, pour les 39 pays les plus industrialisés qui y ont adhéré.A la conférence de Doha de 2012, les gouvernements décident de maintenir ce protocole, en fixant la durée de la deuxième période d'engagement à huit ans à compter du 1er janvier 2013.

Le protocole a aussi défini le cadre réglementaire du marché du carbone qui est le principal instrument économique de lutte contre le changement climatique. Il prévoit d'intégrer les Pays en Développement dans le régime climatique à travers un mécanisme spécifique appeléMécanisme de Développement Propre ou mécanisme de flexibilité du Protocole. Ce dispositif promeut des investissements propres dans les PED, permettant de réduire les émissions de CO2 et générant des crédits d'émission bénéficiant aux investisseurs des pays du Nord, en respect du principe « pollueur- payeur ».

En effet, le protocole de Kyoto place les grands pays industrialisés en position prioritaire dans les stratégies de lutte contre le changement climatique. Cette priorité renvoie aux efforts à consentir pour réduire leurs émissions mais elle justifie également l'impératif d'appuyer les efforts de contribution des PED.Ces derniers, et parmi eux l'Afrique, ont par ailleurs proposé de mettre en oeuvre des actions d'atténuation dont ils rendront compte dans des rapports publiés tous les deux ans au CCNUCC.

Bien que contribuant faiblement aux émissions de GES mondiales (environ 4% des émissions de CO2), les pays africainspaieront le prix fort des impacts négatifs du changement climatique qui en résultera. Ainsi et compte tenu de la croissance des émissions de GES des pays du Sud, ces derniers sont fortement incités à mettre en oeuvre des politiques domestiques actives dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.

C'est dans ce cadre que la huitième session ordinaire de l'Union Africaine de janvier 2007, ademandé instamment aux Etats membres et aux Communautés Economiques Régionales (CER), d'intégrer les considérations liées au changement climatique dans les stratégies et programmes de développement, en collaboration avec le secteur privé, la société civile et les partenaires au développement.

Dès lors, quelle place pour le Mécanisme de Développement Propre dans la réduction des gaz à effet de serre en Afrique ?

Pauline Lacour et Jean-Christophe Simon2(*), ont montré que la dynamique du MDP présente une triple pertinence :

- elle répond partiellement aux exigences de la communautéinternationale en termes d'intégration des PED dans la lutte contre le réchauffementclimatique tout en respectant le principe de « responsabilités communes mais différenciées », justifiant l'absence d'engagements chiffrés de réduction des émissions de GES de leur part ;

- elle permet en principe de conserver le cap des stratégies dedéveloppement antérieures, et de s'intégrer dans la stratégie de développement durable mise en oeuvre, avec au final un effort pour renforcer une politique climatique ;

- elle est en adéquation avec les exigences des PED de bénéficier d'unappui supplémentaire en termes aussi bien de transferts de technologies propres que desupport financier des pays industrialisés.

La nécessité d'impliquer les PED et l'Afrique en particulier, est d'autant plus pertinente que le 5ème rapport du GIEC de 2013précise que l'augmentation des émissions de GES s'explique d'abord par l'utilisation de combustibles fossiles. Or, environ 110 milliards de dollars US sontjusqu'ici dépensés annuellement pour subventionner les combustibles fossiles, dont 50 milliards de dollars US dans les pays en développement3(*).

Ces différents éléments d'analyse amènent à s'interroger sur :

- l'efficacité des politiques publiques des PED par rapport à l'atténuation des émissions de GES

- la cohérence et le degré d'intégration du MDP et des projets financés,dans les politiques publiques

Ce document présenté dans le cadre de la validation d'unmastère spécialisé « politiques publiques et stratégies pour l'environnement »dispensée par AgroParistech, va tenter de répondre à ces questions en analysant le cas du Sénégal et du Kenya. Dans chaque pays les objectifs des politiques et les mesures retenues sont analysés par rapport aux engagements de réduction des émissions de GES. La cohérence globale de la politique publique ainsi que les interventions des bailleurs de fonds régionaux sont analysées.

La première partie de ce document analyse ainsi le degré de prise en compte de l'atténuation du changement climatique dans les politiques de développement au Sénégal et l'impact des mesures dans la réduction des émissions de GES.

La deuxième partie met l'accent sur la cohérence au niveau opérationnel à travers l'intervention des bailleurs de fonds et celle des acteurs non étatiques.

Enfin la troisième et dernière partie analyse les politiques de développement au Kenya et leur impact sur la réduction de GES. Elle permet de déboucher sur une analyse comparative entre les deux pays étudiés.

I. Méthodologie

A. Objectjf de l'étude

Cette étude vise à apprécier le degré de prise en compte des enjeux d'atténuation du changement climatique dans les politiques de développement au Sénégal, pour ensuite faire une comparaison avec le Kenya.Pour ce faire, il s'agira de procéder à l'analyse du niveau d'intégration du climat, dans les politiques et stratégies, au niveau national et sectoriel.

Ce document s'attachera aussi à analyser le niveau de cohérence entre les politiques et stratégies nationales et :

· les projets finance carbone mis en oeuvre dans le pays,

· les engagements des bailleurs de fonds régionaux.

Concrètement, il s'agira d'apprécier si :

- les mesures prises sont cohérentes et pertinentes par rapport aux engagements du pays à international,

- le cadre institutionnel et réglementaire et les mesures retenuespermettent d'atténuer les émissions de gaz à effet de serre,

- les investissements des bailleurs de fonds régionaux vont dans le sens d'une réduction des émissions,

- il ya une cohérence entre les politiques et stratégies au niveau nationale et la volonté des acteurs non étatiques (entreprises et société civile) d'attirer les investisseurs dans le domaine de la finance carbone.

B. Démarche

Cette étude est réalisée en deux principales étapes :

1. Une revue documentaire qui consite à exploiter toutes les informations disponibles sur le Mécanisme de Développement Propre (MDP) et les projets financés ainsi que sur les documents de politique nationale et de stratégies sectorielles.Enfin, l'analyse documentaire sera aussi axée sur les documents de stratégie pays et les rapports d'évaluation des bailleurs de fonds régionaux.

2. L'analyse et l'interprétationdes informations receuillies :L'analyse se fait à trois niveaux: la vision stratégiques des Etats, les stratégies sectorielles, les actions mises en oeuvre à travers les projets finance carbone et les financements des bailleurs de fonds régionaux.

Pour répondre aux questions posées précédemment, une matrice synthétique est élaborée pour chaque niveau d'analyse : stratégie nationale, politique sectorielle et déploiement opérationnel. Ces différentes matrices analysent les mesures prises à chaque échelle et qui impactent sur le niveau des émissions de gaz à effet de serre et permettent de mesurer le niveau de cohérence entre politiques, financements et actions menées.

Limites de l'étude

Cette étude ne s'est focalisée que sur les secteurs les plus polluants. Ceci restreint fortement le champ d'analyse. De plus, en raison du temps imparti pour sa réalisation, il n'a pas été possible de réaliser des entretiens.Cette présente étude est donc basée sur une analyse documentaireportant essentiellement sur des documents officiels des pays, des projets et des bailleurs de fonds.

II. Prise en compte de l'atténuation des émissions de GES dans les politiques de développementau Sénégal: un combat de longue haleine

A. 251645440Profil du pays : une croissance ralentie par les chocs exogènes

L'estimation de la population du Sénégal s'appuie sur les trois recensements effectués en 1976, 1988 et2002. La population du Sénégal est estimée en 2013 à plus 11,3millions de personnes et pourrait atteindre plus de 13,7 millions à lafin 2015.La population sénégalaise est très inégalement répartie entre les quatorze régions du pays. La capitale Dakar, qui occupe 0,3 % de la superficie, abrite près de 23 % de la population totale.

Le Recensement Général de la Population et de l'Habitat du Sénégal de décembre 2002 a dénombré 1 075 858 ménages avec un accroissement moyen de 40,5% depuis 1988.

La population sénégalaise est essentiellement rurale : le taux d'urbanisationau Sénégal est de 41,5% et plus de 53 % des ménages vivent en milieu rural.

Entre les années 1990 et 2005, le Sénégal a connu l'une des meilleures performances économiques en Afrique Subsaharienne, avec une augmentation de son PIB d'environ 5%.A partir de 2006, son économie sera affectée par une série de chocs liés à l'augmentation du prix du pétrole et des denrées alimentaires. A cela s'ajoutent les effets de la sécheresse de 2006 et 2007, avec une chute importante de la production agricole.

L'économie du Sénégal reste actuellement dominée par quelques secteurs stratégiques, notamment la pêche et le secteur tertiaire (commerce, transport, poste et télécommunication, banque et assurances...).

Ces secteurs centraux de l'économie sénégalaiseseront fortement impactés par les effets du changement climatique. En effet, le sénégal, du fait de sa situation géographique, reste l'un des pays les plus vulnérables aux chocs exogènes liés au changement climatique.

Les études présentées dans le cadre du Plan d'Action National pour l'Adaptation aux Changements Climatiques (PANA)de 2006, démontrent la probabilité d'avoir des impacts d'ordre biophysique et socioéconomique majeurs sur la zone côtière du Sénégal : inondation, érosion côtière, salinisation des terres, diminution des ressources pélagiques, d'importants sinitres aux horizons 2 050 et 2 100 avec des coûts socio-économiques considérables.

Concernant les ressources en eau, il faut noter la baisse drastique de la pluviométrie de 30 à 40 % entre les normales 1931/1960 et 1961/1990. Ces données sont certes à actualiser, mais l'on peut supposer que ces tendances lourdes n'ont jusqu'ici pas pû être inversées. Cette baisse pluviométrique se traduit par une importante baisse des écoulements de surface notamment des débits des grands fleuves et a un impact sur la recharge de la nappe phréatique avec des conséquences désastreuses pour l'hydraulique villageoise.

Le secteur agricole qui occupe plus de 50% de la population sénégalaisesera fortement impacté par le changement climatique. Ce secteur sera marqué par une forte baisse des rendements liée à un stress hydrique des cultures4(*), ce qui accroît le déficit vivrier déjà en net progression depuis 1970.

Le secteur de la pêche sera aussifortement impacté, avec une perte importante de ressources halieutiques due à l'assèchement des cours d'eau et à un boulversement important des ressources pélagiques.

A côté des efforts d'adaptation qui sont menés pour renforcer la résilience du Sénégal au changement climatique, quelles mesures sont prises pour atténuer les émissions de GES ?

B. Le débatinternational : nécessitépour les pays du sud, de changer de paradigme

Trois approches du développement durable sont présentées par A. Boutaud5(*):

- L'approche technico-économiste

- L'approche consensuelle

- L'approche éco systémique

Figure 1: les approches du développement durable (A. Boutaud)

Source : selon A. Boutaud, 2005

251658752

A partir de cette classification, des auteurs6(*)analysant la dialectique environnement/développement mettent en évidence quatre conceptions :

- L'environnement surévalué : priorité forte donnée au développement

- L'environnement intégré : priorité au développement tout en intégrant l'environnement

- L'environnement, une priorité : priorité plus forte à l'environnement sans s'opposer au développement

- L'environnement refondateur : priorité forte à l'environnement

Les pays en développement ont longtemps affirmé la priorité donnée au développement économique et à la croissance pour faire face notamment à la forte demande sociale et rattraper leur retard par rapport aux pays industrialisés. Ces pays ont ainsi longtemps adopté une approche technico-économiste, donnant peu de valeur à l'environnement.

Des experts de la Banque Mondiale7(*)ont cependant montré que pour les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, il y a une corrélation directe et positive entre la croissance économique et l'accroissement des émissions de dioxyde de carbone. A des niveaux de revenu élevéune plus grande efficacité de la consommation d'énergie et l'adoption de technologies plus propres pour l'environnement permet une réduction de la pollution, en dépit de la croissance économique.

Cette analyse est confirmée par l'analyse économétrique des émissions de CO2 menée par Ferda Halicioglu8(*)qui indiquent que la relation entre les émissions de gaz à effet de serre et le revenu per capita suit une courbe inversée en U(courbe de Kuznets environnement). L'interprétationd'une telle relation informe ainsi sur la corrélation positive entre émissions de gaz à effet de serreet croissance jusqu'à un certain niveau de développement à partir duquel elle décroit.

Courbe de Kuznets environnementale (CKE)

Simon Kuznets (1954) étudie la relation entre les inégalités sociales et le niveau de développement d'un pays. Il trouve que cette relation peut être représentée par un graphique ayant la forme d'un U inversé où l'axe des ordonnées représente les inégalités ou le coefficient de Gini et l'axe des abscisses représente le temps ou le revenu par tête.

L'hypothèse de base de Kuznets était que les inégalités de revenu entre citoyens se réduisent naturellement le long du chemin de développement. Cette relation fut utilisée à la suite par Grossman et Krueger (1995) pour expliquer la dégradation de l'environnement suite au développement de l'activité économique. D'où l'apparition de la dénomination courbe de Kuznets environnementale qui met en relation le degré de pollution et le niveau du revenu par habitant d'une nation.

251659776

La majorité des pays du Sud n'ont pas encore atteint le niveau de développement permettant de réduire les émissions de GES. La croissance économique de ces pays telle qu'elle se poursuit entraînera une forte augmentation des émissions de GES au niveau mondial.Entre 1990 et 2005, les émissions des pays développés ont diminué de 1 % alors que celles des pays en développement ont crû de plus de 60 %.9(*)

Il existe par ailleurs des limites physiques aux croissances, liées à la raréfaction des ressources et à l'impossibilité d'une expansion indéfinie du modèle économique occidental aux pays du sud. Pour exemple, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA, France) estime dans une étude menée en 2012, qu'au rythme actuel de production au niveau mondial, il resterait 40 années de réserve pour le pétrole.

Le contexte international oblige ainsi les pays en développement à changer de paradigme et de passer d'une approche technico-économiste vers une approche consensuelle. Il s'agira ainsi d'évoluer de la conception « environnement surévaluée » vers « l'environnement intégrée », voire « l'environnement, une priorité ».

Les pays signataires des accords de Cancún en 2010 ont convenu « que les pays en développement parties prendront des mesures d'atténuation appropriées au niveau national dans le cadre du développement durable, soutenues et rendues possibles par des technologies, des ressources financières et des activités de renforcement des capacités, pour faire en sorte que les émissions s'écartent d'ici à 2020 de celles qui se produiraient dans l'hypothèse de politiques inchangées » (para. 48, accords de Cancún, 2010).

Les pays en développement se sont ainsi engagés auprès des Nations Unies,à mener des actions en vue de réduire leurs émissions de GES.

C. Le Sénégal s'engage à l'international : 2 communications au CCNUCC

Pour faire face aux effets du changement climatique qui impacteront inéluctablement son économie, le Sénégal s'est engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique en ratifiant différentes conventions régionales et internationales. Il a entre autres, ratifié la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques en juin 1994. Pour rappel, l'objectif de la Convention sur les Changements Climatiques, est de « stabiliser les concentrations de Gaz à Effetde Serre (GES) dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereux du système climatique ». A la suite de la signature de cette convention, le Sénégal a ratifié le Protocole de Kyoto en juillet 2001.

Le pays s'est engagé dans d'autres conventions liées au changement climatique telles que la convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone et le protocole de Montréal sur la lutte contre la désertification.

Au-delà de la ratification des conventions, le Sénégal s'est engagé auprès de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique à travers deux communications adressées à cette instance.

La première communication de 1997 met l'accent sur les mesures d'atténuation envisagées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces stratégies de réduction et/ou de stabilisation des émissions s'articulent autour des programmes visant d'une part l'efficacité énergétique (notamment pour ce qui concerne les bâtiments) et d'autre part, le renforcement des capacités de séquestration au niveau des forêts.

Cette première communication est suivie en 1999 du document sur la Stratégie Nationale de Mise en OEuvre (SNMO) de la convention cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Cette stratégie bien que n'étant pas un engagement vis-à-vis du CCNUCC au même titre que la Communication Nationale, est un argumentaire permettant aux pays membres de la convention de montrer à la communauté internationale comment il entend intégrer la dimension changement climatique dans sa politique de développement économique et sociale. Ce premier document met ainsi l'accent sur 4 axes stratégiques : l'efficacité énergétique des bâtiments, l'efficacité énergétique dans les industries, la « rationnalisation » du secteur du transport, la promotion des énergies nouvelles et renouvelables. Il faut noter qu'aucune évaluaton n'a été menée par rapport à ces différents engagements.

La deuxième communication du Sénégal faite en 2010 et présentée à la 3ème conférence des parties à Kyoto met l'accent sur deux axes stratégiques retenus pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre :

- l'efficacité énergétique par la mise en valeur d'un programme d'économie d'énergie,

- la diversification des sources énergétiques par la promotion des énergies renouvelables.

En accord avec ces axes stratégiques, les options d'atténuation proposées sont :

- La gestion de la demande énergétique qui se focalise sur le secteur de l'électricité, des combustibles domestiques et du transport,

- La gestion de l'offre en énergie qui se focalise entre autres, sur la promotion de systèmes alternatifs d'offre d'énergie, basés sur les énergiesrenouvelables (énergie solaire, énergie éolienne, biomasse...).

Cette première analyse présente deux étapes importantes de l'engagement du Sénégal par rapport aux institutions internationales.La suite s'attachera donc à analyser la stratégie nationale et les politiques sectoriellesdu Sénégal par rapport à la prise en compte de sesengagements sur l'atténuation des émissions de GES.

D. Diagnostic des émissions de GES : les ménages, les industries (production d'électricité)et le transport, principalessourcesd'émissions de gaz

Une première étape réalisée par le Sénégal a été le diagnostic de ses gaz à effet de serre.

En 2000, les émissions de gaz à effet de serre représentent un total de 16 890,92 Gg,soit une émission de 1,8 tonne de CO2 par habitant. Ce taux reste cependant inférieur à la moyenne mondiale qui est de 4,5 tonnes CO2 par an et par habitant et avoisine celui de l'Afrique qui est de 1,5 tonne.

Le profil des émissions de gaz à effet de serre par secteur se présente en 2009 comme suit : 49% provient du secteur énergétique, 37% de l'agriculture, 12% des déchets et2% des procédés industriels.

Figure 2: répartition des émissions de GES par secteur

Source : Système d'Information Energétique du Sénégal (SIE), 2010

Le secteur énergétique est de loin le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre. Les approvisionnements en énergie sont fortement dominés par la biomasse et les produits pétroliers pour une large part, importés. Le graphique ci-dessous donne plus de détails quant à la répartition des approvisionnements en énergie au Sénégal.

Figure 3: répartition des approvisionnements en énergie au Sénégal

Source : Système d'Information Energétique du Sénégal (SIE), 2010

Une analyse de la consommation finale en énergie montre un accroissement de plus de 28% entre 2000 et 2009 du fait notamment d'une forte croissance de la population.

La consommation finale en énergie se répartit comme suit par type d`énergie :

Figure 4: la consommation énergétique finale par type d'énergie

Source : Système d'Information Energétique du Sénégal (SIE), 2010

En considérant les consommations finales, le bilan énergétique de 2009 , montre une forte utilisation de bois de chauffe et de charbon de bois avec un total de 50,2%. Le diesel et le gazole viennent en deuxièmeposition avec 20,7% des consommations finales en énergie.

La consommation en électricité ne représente quant à elle que 8% de la consommation en énergie. Il faut cependant noter que la consommation d'électricité a connu une progression moyenne annuelle de 6% entre 2000 et 2009 et une progression totale de 72% de 2000 à 2009.Cependant, le taux d'électrification rurale est toujours très faible : 23,8% contre 90,1% en milieu urbain en 2009.

En considerant les sous secteurs, la répartitition de la consommation finale en énergie, représentée par le graphique ci-dessous, indique que le sous- secteur des ménages et celui des transports constituent les sous-secteurs dominants, avec respectivement 58,7 % et 25,4 % des consommations énergétiques finales.

Figure 5: répartition par sous-secteur de la consommation énergétique

Source : Système d'Information Energétique du Sénégal (SIE), 2010

Caractérisation du sous-secteur des ménages : forte pression sur les ressources naturelles.

La consommation en énergie des ménages, comme l'illustre le graphique ci-dessous, est fortement dominée par le bois (59% des consommations finales) et le charbon de bois (26% des consommations finales).

La consommation en combustibles ligneux est trop importante par rapport aux ressources disponibles, notamment en milieu rural et péri urbain, entraînant un taux annuel de déforestation estimé par la FAO à 45 000 hectares. Les ménages sont ainsi les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au Sénégal : plus de 3 fois les émissions dues aux produits pétroliers en 2000.Ceci est accentué par une conversion de la biomasse en chaleur très peu efficiente avec les foyers traditionnels, le taux de conversion se situant entre 11 et 15%.

Figure 6: consommation énergétique des ménages


Source : Système d'Information Energétique du Sénégal (SIE), 2010

Caractérisation du sous secteur du Transport, un parc veillissant très polluant.

Le Sénégal dépend de l'extérieur pour la quasi-totalité des besoins nationaux en hydrocarbures.

Pour le transport routier, les consommations de diesel et de gazoil sont largement supérieures à celles de l'essence. Aussi, d'année en année, la part de marché de l'essence diminue au profit de celle du diesel oil. Le nombre de voitures particulières en circulation au Sénégal et consommant du diesel oil, représentent plus de 56% de l'ensemble des véhicules.

Le parc immatriculé en janvier 2005 tel qu'il ressort du fichier informatisé de l'Etat, met en exergue un grand déséquilibre entre les régions au profit de la capitale Dakar qui engrange à elle seule 73,3% du parc automobile.L'analyse des nouvelles immatriculations selon l'état des véhicules met en évidence la prédominance des véhicules d'occasion avec 84,6% en 2002.Les transports ont ainsi un impact négatif important sur les émissions de GES avec un parc automobile vieillissant.

Caractérisation du sous secteur desindustries : une production d'électricité fortement dépendante du pétrole importé

L'électricité fournit par la société nationale Sénélec, est exclusivement produite à partir de centrales thermiques.

Elle est fortement dépendante du pétrole importé dont la distribution est assurée par une seule entreprise, la Société Africaine de Raffinage (SAR). Cette dernière assure le raffinage et l'approvisionnement du marché national en produits pétroliers et accessoirement, satisfait la demande des pays voisins (Gambie, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, etc.). En moyenne, les importations sont de l'ordre de 900 000 T par an. En 2000, la facture s'élève à 22,5% du total des importations. Cette forte dépendance énergétique impacte sur les autres secteurs de l'économie. Des sommes importantes en devises représentant une part importante des recettes d'exportation sont utilisées pour le paiement de la facture pétrolière. Cette facture pétrolière a connu une hausse de plus de 4% entre 2006 et 2008.

Globalement, l'analyse des différents sous-secteurs indique que les leviers d'une économie sobre en carbone devraient logiquement s'appuyer sur les sous-secteurs fortement contributeurs à la dégradation de l'environnement à savoir les ménages (lutte contre la déforestation), le transport et les inudustries. Qu'en est il en réalité ?

E. Changement climatique et politiques de développement : une faible intégration au niveau sectoriel

L'élaboration des politiques publiques au Sénégal s'établit à 3 grands niveaux : la planification stratégique, la planification sectorielle et le déploiement opérationnel par la mise en oeuvre de projets et programmes.

La prise en compte du risque climat dans les politiques peut dès lors être analysée à 3 niveaux : la vision à moyen et long terme, les orientations stratégiques sectorielles et la mise en oeuvre opérationnelle.

A chaque niveau, des questions stratégiques se posent permettant d'appréhender la prise en compte des enjeux climatiques : quel est le degré d'intégration de l'atténuation des émissions de GES dans les politiques et stratégies ? Quelle cohérence globale ? Quelle influence des politiques dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

Pour répondre à ces questions, la grille d'analyse ci-dessous est utilisée.

Tableau 1 : modèle grille d'analyse

Niveau d'analyse

Politique/mesures

Elements atténuant les émissions de GES

Eléments augmentant les émissions de GES

National

 
 
 

sectoriel

 
 
 

opérationnel

 
 
 

1. Les changements climatiques dans la vision stratégique du pays : le enjeux d'atténuation pris en compte par les décideurs politiques

Pour sa planification stratégique, le Sénégal a fait de l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), son cadre de référence et sa vision principale de développement à moyen terme. Aussi, les OMD sont pleinement intégrés dans l'agenda national et dans les objectifs et stratégies des politiques publiques. Il faut noter que l'un des huit objectifs de développement vise à assurer, d'ici 2015, un environnement durable aux populations.

En 2013, le cadre de planification du Sénégal part de la définition d'une vision à long et moyen terme contenue dans le document dénommé « Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES)», couvrant la période 2013-2017. Ce document est complété par d'autres instruments de politique économique et sociale tels que la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) et le Plan d'Orientation pour le Développement Economique et Social (PODES).

La SNDESa été élaborée en vue de « relancer l'économie sénégalaise et faire face à de nouveaux défis : l'optimisation de la politique énergétique, l'adaptation au changement climatique, la sécurité alimentaire, la paix et la sécurité ». L'enjeu de cette stratégie est de « replacer l'économie sénégalaise sur un sentier de croissance plus élevé et durable » et de « lisser ou d'amortir les chocs exogènes tout en préservant les options futures et la résilience».

Le diagnostic mené dans le cadre de l'élaboration de ce document insiste sur l'impact des chocs exogènes et du changement climatique en particulier, sur les différents secteurs de l'économie et sur la croissance : « 60% de la population dépend des secteurs en rapport avec les ressources naturelles. Aussi, les risques environnementaux constituent de sérieuses menaces (déficit hydrique, dégradation des sols...)10(*) ».

La SNDES considére que les questions de changement climatique et de gestion des ressources naturelles sont traversales. Elle met dès lors l'accent sur la promotion de « modes de production propres et de consommation durables » par la promotion des énergies renouvelables et la maîtrise et l'économie d'énergie. Les objectifs stratégiques sont notamment de:

- Favoriser l'accès aux services énergétiques, à travers l'accélération de l'électrification rurale, l'accroissement de l'offre en énergie renouvelable, l'intégration du solaire phtovoltaîque dans le bâtiment et les édifices publics,

- Promouvoir la maîtrise et l'économie d'énergie par l'incitation à l'utilisation d'appareils et équipements économes en énergie.

La stratégie nationale souhaite par ailleurs, améliorer la prévention des risques liés à toute forme de pollution, notamment pour ce qui concerne le transport.

En partant de la SNDES et du PODES qui sont les principaux documents de planification au niveau national, il apparait clairement que le risque climat est intégré dans la vision des décideurs politiques. Les objectifs et axes stratégiquesde la planification nationale, mettent en exergue la nécessisté de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. L'étude11(*) réalisée en 2009 sur les documents stratégiques antérieurs, avait conduit aux mêmes conclusions.

Des avancées majeures sur le plan institutionnel et juridique....

Sur le plan Institutionnel, il faut noter :

- la mise en place en 1994 d'un Comité National sur les Changements Climatiques , formalisé sur le plan institutionnel par un arrêté ministériel datant de 2002,

- la désignation d'un point focal changement climatique assuré par le Ministère en charge de l'Environnement à travers la Direction de l'Environnement et des Etablissements Classés (DEEC). Cette direction assure aussi le rôle d'Autorité Nationale Désignée du Mécanisme de Développement Propre,

- la désignation d'un point focal du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), en l'occurrence l'Agence Nationale de la Météorologie,

- La création le 03 Août 2008, de la Commission de l'Environnement et du développement Durable, au sein du Conseil Economique et Social (CES). Cette commission a pour mission d'apporter appui et conseil au Gouvernement dans les domaines du développement durable, de l'environnement, de la protection de la nature et des écosystèmes, de l'érosion côtière, des eaux et forêts, de l'efficacité énergétique. Cette commission a organisé lors de sa première session ordinaire de l'année 2010, un dialogue ouvert sur les changements climatiques en collaboration avec le Sénat, l'Assemblée Nationale et la société civile. Cette session a fait l'objet en Avril 2010 d'un avis recommandant l'élaboration d'une loi d'orientation climat pour permettre au Sénégal de disposer d'une vision orientée climat et d'y conformer ses politiques de développement.

- La prise en compte au niveau régionale des problématiques liées à l'environnement et au changement climatique. Des cadres sont mis en place au niveau décentralisé par les collectivités locales, pour mieux prendre en charge ces questions.Des commissions régionales sur le changement climatique sont créées. Ceci a conduit à l'élaboration du Plan Climat Energie Territorial (PCET) de la région de Dakar, qui constitue une avancée majeure dans la prise en compte des enjeux liés aux émissions de GES.

Sur le plan juridique, Le Code de l'Environnement (loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001) et son décret d'application (décret n° 2001-282 du 12 avril 2001) constituent le cadre de base pour la prévention et la lutte contre les pollutions et nuisances, la protection des milieux (air, eau et sol) et des installations classées pour la protection de l'environnement. En application du code de l'environnement, des décrets ainsi que des arrêtéssont pris, notamment :

- l'Arrêté interministériel de novembre 2003 fixant les conditions d'application de la Norme NS-05-062 sur la pollution atmosphérique ;

- le Décret de janvier 2000 portant réglementation de la consommation des substances appauvrissant la couche d'ozone (SAO) et son arrêté de 2001 ;

- la Loi N°98/03 du 8 janvier 1998 portant code forestier et ses décrets définissant les modalités de gestion des ressources forestières ;

- la Loi N° 96 - 07 du 22 mars 1996 portant transfert des compétences aux collectivités locales ainsi que le Décret N° 96-1134 du 27 décembre 1996 qui définit une nouvelle configuration de la gestion de l'environnement et des ressources naturelles, en renforçant entre autres, les pouvoirs et responsabilités des collectivités dans ce domaine ;

- la Loi n° 2009-23 du 8 juillet 2009 portant Code de la Construction avec les dispositions liées entre autres, aux caractéristiques énergétiques et acoustiques ;

... mais qui tardent à s'opérationnaliser.

Malgré des réformes institutionnelles et réglementaires majeures, l'absence de budget et de moyens humains pour les différentes structures créées, limitent fortement leur efficacité. Pour exemple, l'Autorité Nationale Désignée (AND) ne dispose pas de budget propre. Elle fonctionne à partir des moyens de la Direction de l'Environnement et des Etablissements Classés (DEEC). Ceci limite ses capacités d'action et le confine dans une situation de léthargie.

Par ailleurs, la majeure partie des lois citées plus haut, en l'absence de décrets ne sont jusqu'ici pas applicables.

Tableau 2 : stratégie nationale et effets sur l'atténuation du changement climatique

Politique, lois, décisions

Atténuation du changement climatique

Effets sur la réduction des GES

Commentaires

Création du Comité National sur les Changements Climatiques par arrêté ministériel de 2002

++

Organe de formation, de sensibilisation, de coordination, de concertation, de gestion et de suivi des différentes activités identifiées dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures de réduction des gaz à effet de serre (GES) et d'adaptation.

Désignationdu point focal changement climatique et Autorité Nationale Désignée du MDP

0

En l'absence de moyens, cette instance est peu efficace et peu influente dans les décisions publiques

Désignation du point focal du GIEC

0

Peu d'influence dans les décisions publiques, peu de visibilité

Prise en charge des enjeux climatiques au niveau des assemblées consultatives

++

Création de la de la Commission de l'Environnement et du développement Durable, au sein du Conseil Economique et Social (CES). Un avis recommandant l'élaboration d'une loi d'orientation climat a été retenu en 2010.

Prise en charge régionale et locale des problématiques liées à l'environnement et au changement climatique-PCET de Dakar

++

Mise en place de cadres décentralisés. Création de commissions régionales sur le changement climatique qui a abouti au PCET de Dakar.

Arrêté fixant les conditions d'application de la Norme NS-05-062 sur la pollution atmosphérique

++

Respect du Code de l'Environnement par toute installation classée rejetant des polluants atmosphériques.

Décret et arrêté portant réglementation de la consommation des substances appauvrissant la couche d'ozone (SAO) et des équipements

++

Fixation des quantités de substances

appauvrissant la couche d'ozone importées annuellement. Interdiction de l' importation d'appareils neufs ou de seconde main à base CFC.

Loi portant code forestier et ses décrets définissant les modalités de gestion des ressources forestières

++

Prise en charge de la gestion forestières par les collectivités locales.

Loi portant Code de la Construction (caractéristiques énergétiques et acoustiques )

+/++

Mise en place du dispositif législatif et réglementaire pour assurer l'efficacité énergétique des bâtiments

2. Le changement climatique dans la stratégie de développement sectoriel : une politique énergétique moins ambitieuse et peu cohérente

Les principaux axes stratégiques de la politique sectorielle du Sénégal mis en exergue dans la Lettre de Politique de Développement Sectoriel de l'Energie (LPDSE) 2012 sont : la maîtrise de la consommation énergétique des ménages et la diversification des sources énergétiques.

Il faut noter que par rapport aux objectifs dégagés dans la vision stratégique de l'Etat, la réduction de la pollution due au transport et l'efficacité énergétique des industries,bien que constituant les 2ème et 3ème sous-secteurs les plus émetteurs de GES, ne sont pasprises en compte dans la politique sectorielle.

La maîtrise de la demande énergétique des ménages, une politique peu efficace pour réduire les émissions de GES

Pour rappel, le diagnostic des émissions des gaz à effet de serre, analysé dans la première partie de ce document, présente les ménages comme les principaux consommateurs en énergie et les premiers émetteurs de gaz à effet de serre.

L'Etat du Sénégal s'engage dans le cadre de la lettre de politique sectorielle, à maîtriser la demande en énergie des ménages.

Dans le cadre de cette stratégie, trois axes importants sont à noter :

- La création en juillet 2011 de l'Agence pour l'Economie et la Maîtrise de l'Energie. Elle a pour mission de promouvoir l'utilisation rationnelle de l'énergie dans tous les secteurs d'activité ainsi que proposer et conseiller le gouvernement sur des stratégies de maîtrise de l'énergie. La mise en place de cette Agence fait suite à l'élaboration en 2010 du Programme de Maîtrise de la Demande Energétique (PMDE) centré sur la consommation des ménages. Les propositions de ce programme sont entre autres l'introduction massive de foyers améliorés, le développement de centrales hydrauliques, la construction d'une centrale solaire de 20 MW et le reboisement de 43 millions d'hectares e forêts.

Il faut noter cependant que l'Agence pour la Maîtrise de l'Energie mise en place tarde à être opérationnelle. Aucune action d'envergure n'a jusqu'ici été initiée par cette dernière.

- La poursuite de la défiscalisation du gaz butane malgré l'arrêt des subventions, pour le promouvoir comme alternative au bois et charbon de bois au niveau des ménages.Il faut rappeler que la déforestation engendrée par l'utilisation du bois et du charbon de bois est la principale source d'émission de gaz à effet de serre.Les études menées par le Ministère ont montré que la politique de « butanisation » visant à subventionner le gaz pour le promouvoir comme combustible de cuisson au niveau des ménages, a eu un effet important sur la préservation des forêts. Selon ces études, la politique de « butanisation » a eu comme effet de préserver des dizaines de milliers d'hectares de forêt de 2000 à 2009. Selon les analyses coûts/bénéfices présentées dans le rapport SIE sénégal 2010, le coût évité de reboisement reste important : 25 millions d'euros par an de 2000 à 2009.Cependant les études sur le gaz butane au Sénégal12(*)ont montré qu'il est nécessaire,pour le rendre compétitif par rapport au charbon de bois, d'intégrer dans le prix de vente de ce dernier, les coûts rééls de renouvellement et de production du bois sur pied.

- L'interdiction avec le décret de janvier 2011, de l'importation de lampes à incandescence en promouvant les lampes basse consommation. Des études menées par le Ministère de l'énergie ont montré que l'utilisation généralisée des lampes à économie d'énergie (environ 3.500.000 unités) permet de réduire substantiellement la demande d'énergie et d'économiser le coût d'une centrale d'environ 70 MW. Cependant et comme montré précédemment, l'électrité ne représente que 5 % de la consommation énergétique des ménages et concerne prioritairement le milieu urbain. Dès lors, une maîrise de la demande en électricité de ménages aura peu d'impact sur la consommation énergétique globale et donc sur les émissions de gaz à effet de serre qui concernent plus les ménages ruraux gros consommateurs de bois.

La promotion des énergies renouvelables : des lois votées mais non opérationnelles

Un diagnostic élaboré par les experts du Ministère de l'Energie au Sénégal montre :

- Un potentiel hydroélectrique important : le potentiel de production des deux fleuves sénégal et gambie est estimé à 1 400 mégawatt par an13(*).

- Un potentilel en énergie solaire important : le Sénégal dispose en moyenne de 3 000 heures d'ensolleillement annuel. L'énergie solaire reçu est estimée à 2000 kilowatt heure par m2 et par an, soit un potentiel journalier extractible estimé à 1,5 kilowatt heure par m214(*).

Un des objectifs majeurs de la LPDSE 2012, est d`introduire un mix énergétique avec une part importante donnée aux énergies renouvelables et aux biocarburants. Ce mix énergtique devra associer le gaz naturel, l'hydroélectricité et les énergies renouvelables et sera accompagné de la baisse progressive du soutien de l'Etat aux hydrocarbures.La LPDSE prévoit de hisser la part des biocarburants et des énergies renouvelables à 15% au moins à l'horizon 2020 (comparé à moins d'unpour cent en 201115(*)). L'Etat a mis l'accent entre autres, sur le développement des potentiels énergétiques nationales etla diversification énergétique.

D'une manière générale, sur le plan international, deux politiques majeures de soutien direct des prix de l'électicité à partir des énergies renouvelables ont eté instaurées durant ces 20 dernières années: le système de prix de rachat garanti et le système de quota.

Le système de prix de rachat garanti de l'électricité (feed-in tarifs) : les services électriques sont obligés de garantir un accès au réseau électrique aux centrales énergétiques renouvelables et ils s'engagent à racheter toute l'électricité produite avec des ressources renouvelables, à des prix minimum fixés.

Les quotas : alors que les lois sur les tarifications établissent les prix et laissent le marché déterminer la capacité de production, pour le système des quotas le gouvernement fixe des objectifs et laisse le marché déterminer les prix. Habituellement, les gouvernements prescrivent un taux minimal de capacité ou de prodution. L'utilisation de quotas pour les énergies renouvelables est une politique relativement nouvelle, tout d'abord introduite à la fin des années 1990, par conséquent il n'y a qu'une très petite expérience en matière de systèmes de quotas de nos jours. Il existe principalement deux sortes de systèmes de quotas utilisés actuellement pour la production d'électricité : les certificats verts et les régimes d'appel d'offre.

Le Sénégal a opté pour le système de rachat garanti de l'électricité produite par les énergies renouvelables.

C'est dans ce cadre que 2 importantes lois ont été promulguées :

· La Loi d'orientation sur les biocarburants et décrets y afférents (décembre 2010) qui a pour objectifde réduire les gaz à effets de serre et de promouvoir une autosuffisance énergétique nationale, en favorisant l'instauration d'une incitation fiscale pour la production de biocarburants.Les décrets d'application concernant cette loi tardent cependant à être pris. Un programme biocarburant avait pourtant été initié en 2007 avec pour objectif la production d'huile raffinée à partir du Jatropha Curcas (Poughère). Cependant les initiatives prises restent circonscrites à des exploitations sommaires et offrent peu de perspectives en termes de production d'envergure pour se positionner comme alternative au diesel.

Chapitre III - Politique incitative de la filière des biocarburants.

Article 7. - structure des prix de biocarburants.

La structure des prix des biocarburants est régie par la réglementation sur les hydrocarbures et les biocarburants.

Pour la production des semences et des plants, les dispositions légales et réglementaires en vigueur sont appliquées.

Les éléments constitutifs et les modalités de détermination des prix plafonds des biocarburants sont fixés par décret.

Les prix des biocarburants doivent être suffisamment incitatifs pour constituer le facteur principal de leur substitution au degré le plus élevé au diesel et à l'essence.

Article 8. - Régime fiscal et douanier des activités effectuées dans le cadre des biocarburants.

Conformément à cette loi, les acquisitions de matériel, de semences et de plants destinés à la culture et à l'exploitation des biocarburants, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée et des droits de douane.

Article 21. - Puits de carbone et politique de développement propre.

Les projets dans le domaine des biocarburants, contribuant à la réduction des Gaz à Effet de Serre (GES) peuvent faire l'objet de certification dans le cadre du Mécanisme de Développement Propre.

La propriété des crédits carbone résultant de ces projets fera l'objet de négociations entre le promoteur et l'Etat

· La Loi d'orientation sur les énergies renouvelables (décembre 2010) qui vise à mettre en place un cadre juridique suffisamment incitatif pour permettre la production en quantité suffisante d'énergies renouvelables. Il s'agit ainsi de « mettre en place un cadre incitatif favorable à l'achat et à la rémunération de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables ». Selon le Ministère, cette option permet de répondre aux exigences économiques mais aussi de préserver l'environnement et le climat dans le cadre des activités de production et de consommation d'énergie. Deux décrets d`application sont ainsi pris en décembre 2011 relatifs aux « conditions d'achat et de rénumération de l'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables » et aux « conditions d'achat et de rénumération du surplus d'énergie électrique d'origine renouvelable résultant d'une production pour consommation propre ». Dans lapratique, l'application de cette loi et des décrets y afférents pose problème, les conditions et prix d'achat des énergies produites n'ayant pas été définis.De même, les taxes d'importation surles composantes de technologies renouvelables exercentune pression et rendent les énergies renouvelablesplus coûteuses.

Article 14. - Achat et rémunération de l'électricité produite à partir des sources d'énergies renouvelables.

Les conditions d'achat et de rémunération ainsi que les conditions techniques et financières sont fixées par décret.

Le surplus d'énergie des producteurs visés à l'article 10 bénéficie de conditions d'achat et de rémunération spécifiques qui seront fixées par décret.

Les tarifs d'achat, de vente et de rémunération sont fixés par décision de la Commission de Régulation du Secteur de l'Electricité (CRSE).

Article 15. - Compensation

Une compensation adaptée est mise en place pour couvrir les différences de prix afin de garantir :

- une rémunération suffisante et incitative des investissements de production d'électricité à partir des sources d'énergies renouvelables ;

- un équilibre financier du gestionnaire du réseau.

Les niveaux et modalités d'application de la compensation, le cas échéant, seront précisés par voies réglementaires.

Des jalons importants sont posés au niveau sectoriel à travers la LPDSE 2012. Cependant, la stratégie de développement de l'Energie bien que faisant souvent référence aux impacts des changements climatiques sur le développement et à la nécessité de maîtriser la demande et de diversifier l'offre, présente des faiblesses et des incohérences remettant en question la réelle volonté au niveau sectoriel, de s'engager dans l'atténuation des émissions de GES.

Malgré l'adoption de cadres législatifs et réglementaires concernant la filière des biocarburants et les énergies renouvelables, auncun système d'incitation n'est mis en place comme prévu. A contrario, des volumes importants de financement sont mobilisés pour le soutien du Fonds Spécial pour l'Energie, créé en 2011 pour soutenir les hydrocarbures. Aussi, 408 millions d'eurosont déjà été mobilisés par l'Etat à travers différents bailleurs de fonds (AFD, Banque Mondiale...) ; en 2012, plus de 300 millions d'euros du trésor public ont servi à financer ce fonds et ce, malgré les nombreuses contraintes budgétaires.

Décret n° 2011-161 du 28 janvier 2011 portant création, organisation et fonctionnement du Fonds spécial de soutien au secteur de l'énergie du Sénégal.

Parmi les axes stratégiques de développement de ce secteur figure en bonne place, la réalisation des investissements permettant de combler dans les plus brefs délais le déficit de capacité de production d'énergie électrique et d'anticiper sur la hausse de la demande. Les effets positifs de ces investissements ne pourront se produire durablement que s'il y a une sécurisation de l'approvisionnement du pays en produits pétroliers, notamment en combustibles destinés à la production d'électricité

Il a été ainsi proposé de mettre en place un Fonds spécial de Soutien au Secteur de l'Energie dont le rôle consistera à mobiliser les ressources financières nécessaires, à travers notamment le Budget de l'Etat ou des taxes parafiscales et redevances qui lui seraient affectées, et à financer dans des conditions alliant, souplesse, rapidité et transparence, les dépenses permettant une sortie rapide de la crise énergétique actuelle que connaît le Sénégal et une sécurisation des approvisionnements en énergie en qualité et en quantité.

Section 2 - Dépenses éligibles.

Art. 16.- Sont autorisées sur les ressources du FSE les dépenses couvrant le financement des activités suivantes :

- approvisionnement en combustibles et achat d'énergie pour la fourniture d'électricité ;

- reversement de la compensation tarifaire ;

- financement des investissements tels que définis dans le Plan d'urgence, Plan de relance et de restructuration du secteur de l'énergie, le cas échéant, à travers une quote-part fixée par arrêté conjoint du Ministre chargé des Finances et du Ministre chargé de l'Energie ;

- réalisation et financement des études complémentaires et des prestations des consultants intervenant dans la mise en oeuvre du Plan de relance et de restructuration du secteur de l'énergie ;

- frais d'administration du Fonds spécial de Soutien au Secteur de l'Energie, y compris les dépenses pour la réalisation des missions d'audits.

Aussi, bien que l'Etat sénégalaisse soit engagé dans une politique de désengagement progressive du sous secteur des hydrocarbures, force est de reconnaitre que la mise en place et le maintien du Fonds Spécial pour l'Energie visant à financer jusqu'ici exclusivement les hydrocarbures, ne concourrent pas à l'atteinte de cet objectif.

Dans le même ordre d'idée, la LPDSE 2012 met l'accent sur l'ambition du Sénégal de se positionner comme hub pétrolier régional qui sera sous-tendu par une politique d'expansion des capacités de raffinage et de stockage. Pour y parvenir, une des mesures importantes sera de faciliterl'installation des pétroliers pour exploiter le bassin sédimentaire sénégalais notamment pour l'offshore (accélération du traitement des demandes, simplification du code fiscal). Cette nouvelle dynamique va clairement à l'encontre des engagements d'atténuation des émissions de gaz à effets de serre pris pour le secteur de l'Energie. Elle est en porte à faux avec les engagements de l'Etat par rapport à l'efficacité énergétique et à la promotion des énergies renouvelables.

Dans le secteur des insdutries de production d'électricité, les émissions de gaz à effet de serre vontprobablement augmenter durant les prochaines années, en raison de l'option dugouvernement de satisfaire la demande d'énergie à court terme en s'appuyant sur lescentrales à charbon. Cette option est le résultat conjugué de la pression qu'exercent sur lesfinances publiques, l'alimentation en combustibles fossiles et l'inexistence d'une productionimportante d'énergies renouvelables. Le recours aux centrales à charbon va augmenter considérablement les émissions de GES du Sénégal.

Dans le cadre de la politique sectorielle et comme analysé plus haut, la pollution liée au transport n'est pas prise en compte. Pourtant en 2003, le décret 2001-72, portant réglementation de l'importation des véhicules d'occasion (volonté de l'Etat de réduire l'importation de voitures de plus de 5 ans), a permis de redresser la tendance au vieillissement du parc automobile. : près de 43% entre 2003 et 2005.En 2012, le décret n° 2012-444 du 12 avril 2012 a augmenté l'âge d'importation de véhicules de 5 à 8 ans et marque un recul important par rapport aux engagements en matière de réduction de la pollution de l'air. Par ailleurs, aucune stratégie d'amélioration du transport en commun n'est étudiée ni ne figure dans la politique de développement sectoriel de 2012.

D'une manière générale, l'analyse comparative entre les mesures d'atténuation présentées par le Sénégal dans sa Communication au CCNUCC de 2010 et les axes prioritaires retenus dans la lettre de politique de développement du secteur énergétique, montre clairement que la volonté de l'Etat de prendre en compte les enjeux d'atténuation ne transparait pas dans les priorités du secteur de l'Energie, secteur clé pour la réduction des émissions de CO2.

Le logigramme simplifié ci-dessous présente les théories d'actions de la politique.

Figure 7: logigramme politique Sénégal

Augmentation de GES

251670016

251667968251666944Réduction des émissions de gaz à effet de serre

251648512251665920251664896251663872251662848251661824251660800Enjeu 4 : attirer les investisseurs et faire du Sénégal un hub pétrolier

251656704Subventionner les hydrocarbures (FSE)

251652608Mettre en place cadre de facilitation pour les pétroliers

251654656Recourir aux centrales à charbon

251657728Enjeu 2 : maîtriser la demande énergétique des ménages

251649536Enjeu 3 : satisfaction demande en électricité

251655680Enjeu 1 : intégrer les enjeux climatiques au niveau national et local

251650560Interdire les lampes à incandescence en faveur des LBC

251647488« Décentraliser» les questions climatiques

251646464Mettre en place un cadre institutionnel et réglementaire

251651584

Le logigramme ci-dessous montreque les réalisations et mesures prises par le Sénégal dans le cadre de sa politique sectorielle,restent contradictoires.La politique énergétique est incohérente et reste peu ambitieuse.

Le tableau qui suit nous permet de mieux apprécier les effets des politiques et mesures sur l'atténuation du changement climatique. Il indique que ces dernières ont globalement un impact négatif sur les émissions de GES.

Tableau 3 : politique sectorielle et effets sur l'atténuation du changement climatique

Politique, lois, décisions

Atténuation du changement climatique

Effets sur la réduction des GES

Commentaires

La création en juillet 2011 de l'Agence pour l'Economie et la Maîtrise de l'Energie

0/+

Cette agence tarde a être opérationnelle. Auncune action d'envergure initiée. Elle continue la mise en oeuvre de l'opération de distribution de lampes LBC.

La poursuite de la défiscalisation du gaz butane

0/+

Cette initiative peut être efficace si les distorsions liées au prix du charbon de bois sont corrigées.

L'interdiction avec le décret de janvier 2011, de l'importation de lampes à incandescence en promouvant les lampes basse consommation

+

Initiative prise dans le cadre de la maîtrise de la demande énergétique des ménages. Peu d'impact au vu des résultats du diagnostic de GES mené au Sénégal : les émissions liées à la consommation en électricité des ménages, sont relativement faibles

La Loi d'orientation sur les biocarburants et décrets y afférents

0

Auncun système d'incitation mis en place.

La Loi d'orientation sur les énergies renouvelables

0

Auncun système d'incitation mis en place.Les taxes à l'importation freinent la promotion des énergies renouvelables

Financement du Fonds Spécial pour l'Energie

-

Des volumes importants de financement sont dégagés par l'Etat pour soutenir les hydrocarbures

Facilitation de l'installation des pétroliers pour exploiter le bassin sédimentaire sénégalais notamment pour l'offshore

-

Ambition de faire du Sénégal un hub pétrolier

Recours aux centrales à charbon pour satisfaire la demande énergétique

--

Volonté réitérée dans la déclaration de politique générale du 1er ministre en 2013, pour satisfaire la demande énergétique

Décret 2012 augmentant l'âge d'importation des véhicules

-

Aucune stratégie définie pour réduire la pollution liée au transport. Aucune stratégie pour promouvoir le transport de masse.

III. Les changements climatiques au niveau opérationnel

A. Peu de financements propres engagés par les bailleurs régionaux

Deux importants programmes sont mis en oeuvre depuis plusieurs années au sénégal pour lutter contre l'utilisation abusive de la biomasse et promouvoir les énergies renouvelables. Il s'agit du :

- Projet de Gestion Durable et Partipative des Energies Traditionnelle et de Substitution (PROGEDE) financé par la Banque Mondiale

- Du Programme pour la Promotion des Energies Renouvelables, de l'électrification rurale et de l'approvisionnement durable en combustibles domestiques (PERACOD) financé par la coopération allemande.

Cependant, ces deux programmes malgré les importants résultats obtenus (amélioration des technologies de combustion de la biomasse traitionnelle, Systèmes solaires en milieu rural...) restent assez localisés (intervention en milieu rural) et à petite échelle. Leur impact sur la stratégie globale de promotion des énergies renouvelables est difficile à percevoir et n'est jusqu'ici pas analysé. La nouvelle politique énergétique de 2012, n'y fait aucunement référence et élude la question de leur impact sur le secteur.

1. Intervention de la Banque Ouest Africaine de Développement(BOAD) au Sénégal

La BOAD accompagne l'Etat du sénégal dans sa politique de maîtrise de la demande énergétique des ménages. A l'instar de l'UEMOA qui a financé en 2012 la normalisation et la labélisation des équipements électroménagers et bureautiques, la BOAD a financé cette même année, la distribution de lampes basse consommation.

Il faut noter que le Sénégal constitue, pour la BOAD, le deuxième portefeuille le plus important avec des financements représentant environ 17 % des concours de l'Institution.

En 2011, la BOAD a accordé 87 millions d'euros au Sénégal, lui permettant de boucler le processus de financement de son plan de relance et de restructuration du secteur énergétique.

En 2013, 686 millions d'euros ont été injectés au Sénégal par la BOAD. L'analyse de la situation des engagements en 2013 montre que :

- 21% de ces financements sont destinés au secteur énergétique et contribuent indirectement aux émissions de gaz à efet de serre. En effet ces financements ont permis essentiellement à la construction de centrales thermiques, au renforcement des réseaux électriques et à l'appui à l'Etat du Sénégal pour l'achat de fuel.

- 17% de ces financements concernent les infrastructures de base pour le transport notamment les routes et l'autoroute à péage. Ces financements contribuent à la fluidité du transport et ont donc indirectement un impact sur la réduction des émisions de CO2 dues aux véhicules. Cependant, cet impact est assez peu significatif, vu qu'aucune action visant à rajeunir le parc automobile sénégalais ou à mettre en place un service de transport en commun, n'a été initiée. Il faut rappeler que les analyses présentées dans la première partie de ce document ont montré que le transport est le second secteur émetteur de GES, ceci étant dû d'une part à un parc automobile vieillissant et à l'absence de transport de masse.

- Seul 1% du total des engagements concerne les énergies renouvelables et estcentré sur le secteur de l'hydroélectricité (centrale hydroélectrique de Manantali).

Figure 8: répartition par secteur des financements impactant les émissions de GES

Source : Extrait situation des opérations bancaires au 31 juillet 2013

Le ratio « financements non propres/financements propres » de la BOAD est de 19. Donc pour une unité de financement propre engagé, la BOAD engage 19 unités de financement qui contribuent aux émissions de GES au Sénégal.

Il ressort de cette analyse que les financements alloués par la BOAD au Sénégal ces dernières années contribueraient fortement à accroître les émissions de gaz à effet de serre.

2. Intervention de la Banque Africaine de Développement (BAD) au Sénégal

La BAD « le plus grand bailleur en énergies propres en Afrique », voilà le message inscrit sur le site de l'organisation. Entre 2011 et 2012, la Banque Africaine de Développement (BAD) a augmenté de 92 % son investissement dans les énergies propres en Afrique. Tel est le chiffre révélé par un nouveau rapport de Bloomberg New Energy Finance16(*). Selon ce rapport, la BAD a consacré au total 4,3 milliards de dollars aux énergies propres depuis 2007.

Qu'en est-il des financements alloués au Sénégal ?

De 1972 à 2013, 1 392 millions d'euros d'opérations ont été alloués à l'Etat du Sénégal. Ces financements sont réparties comme suit :

Figure 9: répartition des financements de la BAD par secteur entre 1972 et 2013

Source : Un aperçu des interventions du Groupe dela Banque Africaine de Développementau Sénégal, BAD

Durant les 10 dernières années près de 550 millions d'euros d'opérations ont été financées. Parmi ces financements :

- plus de74 millions d'euros on été alloués à l'énergie électrique soit 13% des financements de ces 10 dernières années. 12 millions euros ont permis de financer un projet d'électrificaton rurale avec 128 km de réseaux moyenne et basse tension construits. Ce projet a mis l'accent sur la connection au réseau électrique, et n'a pas permis de valoriser les technologies basées sur les énergies renouvelables comme initialement prévu. Les systèmes photovoltaîques initialement prévus n'ont pas été installés comme l'a d'ailleurs montré la présentation des résultats obtenus dans le cadre de ce projet17(*).Une part importante de ces financements (62 millions d'euros) a aussi été allouéeau financement des centrales électriques de Kounoune et de Sendou. Les financements dans l'électricité ont augmenté la capacité installée de fourniture de 192,5 MW soit près d'un tiers de la demande.

Ces différents projets énergétiques ont augmenté la demande en électricité. Il faut noter qu'aucun de ces investissements ne prend en compte les énergies renouvelables ou les questions d'efficacité énergétique.

- Près de 70 millions d'euros ont permis de financer l'aéroport International Blaise Diagne soit 12,7% des financements, sur les 10 dernières années. Ce financement contribue indirectement à l'augmentation des émissions de GES du fait de l'accroissement du traffic aérien.

- Plus de 62 millions d'euros, soit 11,2% des financements sur les 10 dernières années, ont permis de financer aux côtés de l'Agence française de Développement, l'autoroute à péage Dakar-Diamniadio en vue d'améliorer la mobilité urbaine et de désenclaver la métropole de Dakar. Selon les évaluations des experts de la BAD, ce projet a permis de réduire le temps de passage à l'entrée et à la sortie de Dakar de plus de 90 minutes aux heures de forte affluence. Ce projet réduit donc indirectement la forte pollution de l'air due au transport à Dakar. Il convient cependant de rappeler que ce niveau de pollution est fortement corrélé non seulement au nombre important de véhicules individuels qui circulent faute de transport en commun mais aussi au vieillissement du parc automobile notamment à Dakar. Or la BAD, même si elle intervient dans l'amélioration de la mobilité urbaine, n'a pas investi directement dans le transport en vue de réduire la pollution notamment à Dakar. Aussi le financement alloué à la construction de l'autoroute à péage a certes un impact sur la pollution mais ce dernier reste relativement faible.

L'analyse des interventions de la BAD montre qu'aucun investissement de la BAD sur les 10 derniers années ne peut être considéré comme investissement propre. A contrario, la BAD à financer des projets qui contribuent fortement à l'accroissement des émissions de GES au Sénégal.

Il faut cependant reconnaitre que l'analyse des documents d'évaluation et de planification de la BAD montre que des financements propres ont été investis dans d'autres pays en Afrique pour des montants cumulés assez importants : 3.2 des 11 milliards d'euros investis dans des projets d'energie propre . La BAD se place devant le Groupe de la Banque Mondiale qui a investi près de 2,1 milliards d'euros18(*).

B- Le MDP au Sénégal : très peu de projets enrégistrés

En 2006, plusieurs projets ont été identifiés et étaient à l'Etat de Project identity Note (PIN). En 2013 seuls 5 projets MDP sont enrégistrés par le Sénégal au niveau de l'UNFCCC.Le tableau suivant présente ces projets et leur secteur d'intervention.

Tableau 4 : Sénégal, projets MDP enregistrés au 30 novembre 2013

Projets

Date d'enrégistrement

Secteur

Le projet Hydroélectrique de Felou

06 mai 2010

Energie renouvelable (hydroélectricité)

Amélioration énergétique de la Compagnie Sucrière du sénégal

28 décembre 2010

Efficacité énergétique

Reboisement de la mangrove par Océanium

21 mars 2012

Reboisement

Substitution du charbon par le jatropha et les résidus de Biomasse popur la production de ciment

02 janvier 2012

Efficacité énergétique

Projet éolien de Taiba Ndiaye

29 février 2012

Energie renouvelable

Source: UNFCC, 2013

Quatre (4) des cinq (5) projets MDP enrégistrés interviennent dans le domaine de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables.

L'analyse des secteurs d'intervention des projets MDP par rapport à la politique sectorielle de l'Etat du Sénégal montre que :

- Les secteurs couverts par les projets MDP recoupe un des axes de la politique de l'Etat en l'occurrence la promotion des énergies renouvelables. Cependant, l'absence de politique incitative pour les énergies renouvelables, font que très peu de projets MDP sont enrégistrés.

- Par contre, aucun projet visant à maitriser la demande énergétique des ménages n'est enrégistré à l'UNFCCC (projets de foyers améliorés notamment). L'axe prioritaire de l'Etat visant à maîtriser la demande énergétique des ménages ne se fait donc pas ressentir au niveau opérationel, au regard des projets finance carbone mis en oeuvre.

C- Analyse des acteurs :peu d'influence « du niveau opérationnel » sur la politique publique

Recherche scientifique

Niveau national

Niveau opérationnel

Cadre réglementaire : normes, lois, autorisations...

Influence sur la politique publique

Définition du cadre d'intervention

Incitation-contrôle

Influence, orientation de la politique

Partenariat

Orientation, choix de techniques

Orientation, choix de techniques

Besoins

Partenaires Techniques et Financiers

MENAGES

SECTEUR PRIVE/SOCIETE CIVILE

ETAT

Besoins

La taille des flèches est corrélée à l'importance de l'influence. Les flèches en pointillés indiquent des influences très faibles.

La compréhension des interventions au niveau opérationnel nous conduit à analyser les interactions entre les acteurs et les rapports de force.

Figure 10: Sociogramme acteurs Sénégal

L'analyse des acteurs et de leurs relations met en évidence  une faible influence du niveau opérationnel sur la politique de l'Etat en matière d'atténuation des émissions de GES.

Il faut ainsi noter un secteur privé peu dynamique ayant peu d'influence sur la politique. L'absence de politique incitative notamment en matière d'énergies renouvelables, ne favorise par ailleurs pas l'émergence de ce secteur et impacte sur les dynamiques au niveau opérationnel.

Conclusion partielle

L'analyse menée sur le Sénégal permet de dégager les conclusions suivantes :

ü Une présence effective des enjeux liés aux changements climatiques et à la réduction des émissions de GES dans la vision stratégique de l'Etat. Cela se traduit par un engagement au niveau international à travers deux communications adressées au CCNUCC, une volonté transcrite dans les documents de planification stratégique et la mise en place du cadre institutionnel et réglementaire nécessaire à la prise en compte du changement climatique dans les politiques publiques.

ü Une prise en compte insuffisante des enjeux liés à l'atténuation des émissions de GES dans les politiques sectorielles. Les stratégies retenues sont inefficaces au regard du diagnostic de GES qui a été mené par le Sénégal.Les mesures prises telles que la maîtrise de la demande énergétique des ménages, de l'électricité en particulier, n'ont que peu d'impact sur les émissions de GES au regard du diagnostic présenté en 1er partie de ce document. En effet ce diagnostic appelle aussi des stratégies et actions au niveau du transport (régulation des importations des véhicules, financement du transport de masse...) et de l'efficacité énergétique par rapport à l'utilisation du bois et du charbon de bois en milieu rural.

ü Un manque de cohérence entre la vision stratégique de l'Etat et les actions menées au niveau opérationnel : il faut noter en particulier une volonté affichée de réduire les émissions de GES et dans la pratique, des subventions importantes allouées aux hydrocarbures.

ü Une faible implication au niveau opérationel, des bailleurs de fonds régionaux et des acteurs privés dans la prise en compte des problématiques liées à la réduction des émissions de GES. L'analyse des financements des bailleurs montre une tendance vers un acroissement des émissions de gaz à effet de serre. Les acteurs privés sont peu impliqués dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre : un nombre limité de projets MDP est enrégistré. Il faut noter par ailleurs, une faible influence des acteurs privés, société civile et bailleurs de fonds sur la politique sectorielle.

ü Un manque de cohérence entre les projets MDP et la politique de l'Etat même si les secteurs d'intervention sont partiellement les mêmes. Les différentes décisions et mesures prises par le Sénégal àl'état actuel, tendent globalement à augmenter les émissions de gaz à effet de serre, comme le montre la figure ci-dessous. Ces dernières vont à l'encontre des objectifs visés par les projets MDP. Le recours aux centrales à charbon augmenteront nettement ces émissions.

Figure 11: effets de la politique sur les émissions de GES

Interdiction importation lampes non BC

Priorité aux hydrocarbures par rapports aux EnR

Subventions aux hydrocarbures

Facilitation installation pétroliers

Transport routier

POLITIQUE AU SENEGAL

Augmentation des GES

Réduction des GES

La troisème partie de ce document va tenter d'étudierle cas du Kenya, en se basant sur les mêmes critères d'analyse, pour pouvoir conclure par une analyse comparative entre les deux pays.

IV. Politiques de développement et prise en compte des émissions de GES au Kenya

A. Les engagements du Kenya : une unique communication à l'international

La situation géographique du Kenya, tout comme pour le Sénégal, le rend extrêmement vulnérable au changement climatique, du fait de la présence d'une large bande côtière. Les côtes kenyanes sont très vulnérables à l'élévation du niveau de la mer.

80% de la population vit dans les 18% de terres arables (agriculture), alors que les 20% restants vivent dans les terres arides et semis arides(arid and semi arid lands ASAL). Une forte réduction de la pluviométrie liée au changement climatique entrainera une augmentation des terres arides et semi arides au détriment de l'agriculture et des 80% de populations qui vivent sur les terres arables. Le changement climatique aura aussi un impact sur un secteur clé, la pêche (sur le Lac Victoria notamment), en modifiant l'écosystème marin.

Le Kenya a ratifié la convention de Nations unies sur le changement climatique le 30 août 1994 et a fait une unique communication à l'UNFCC en 2002.

Lors de cette communication, le Kenya a présenté des options de réduction de GES dans les principaux secteurs concernés : l'énergie, le transport, l'industrie, l'agriculture, la forêt et les déchets. Il s'agit entre autres de : l'efficacité énergétique des équipements et installations, la promotion de l'utilisation du transport en commun, le renouvellement des anciens véhicules, l'amélioration du réseau routière et des moyens de communication, la mise en place de politiques de gestion forestière adaptées (reforestation et protection).

B. Diagnostic des émissions de GES au Kenya : la consommation énergétique, principal émetteur de GES

Le Kenya a toujours collecté des données climatiquesconcernant les zones ASAL (arides and semi arides lands) qui occupe près de 80% du territoire. Le phénomène El Nino, importantes inondations dues aux pluies excessives en 1997/1998, a enclenché une prise de conscience par rapport aux impacts du changement climatique : les pertes dues à El Nino ont été évaluées à près de 150millions d'euros.

Les inventaires de gaz à effet de serre au Kenya ont été menés en 1994.Ces inventaires mettent en évidence que grâce à ses forêts, le Kenya estun puits de carbone avec un solde positif de 22 751 tonnes de CO2 par an, comme l'indique le tableau ci- dessous. Cependant, la capacité d'absorption des gaz à effet de serre par la forêt diminue progressivement, les actions de reforestation n'arrivant pas à rattraper la déforestation : entre 1990 et 2000, le Kenya a perdu 931 km2 de forêts, équivalent à 0.5% de forêt par an.

Par ailleurs, le niveau de pollution de l'air accroit chaque année : il est passé de 5,8 millions de tonnes (soit 0.2 tonnes par habitant) en 1990, à 9.4 millions de tonnes (soit 0,3 tonnes par habitant) en 2000. Une étude conduite en 2010par l'Institut de Stockholm pour l'Environnement (SEI) a cependant montré que le niveau des émissions de GES à la fois global et par habitant est relativement faible19(*).

Tableau 5 : répartition des émissions de GES au Kenya

Source : communication Kenya, 2012

La consommation énergétique est la principale source d'émission de GES.

Les sources d'approvisionnement en énergie au Kenya sont : le bois de chauffe et charbon de bois, le pétrole et l'électricité, selon la répartition présentée par le graphique ci-dessous.

Figure 12: répartition des sources d'approvisionnement en énergie au Kenya

Source : Kenya Technology needs assessments report- Mitigation, 2013

68,3% de la population kényane et 13,3% des ménages en majorité en milieu rural, consomme l'énergie issue du bois et du charbon de bois pour leurs besoins en énergie domestique ou pour la petite industrie rurale (poterie, production alimentaire...)20(*).

Concernant l'électricité, la principale source d'approvisionnement est hydroélectrique. La répartition des sources d'approvisionnement en électricité se présente comme suit :

Figure 13: sources d'approvisionnement en électricité

Source : Ministère de l'Energie, 2012

Il faut noterque le secteur de l'électricité au Kenya a été libéralisé et quatre grandes entreprises fournissent aujourd'hui de l'électricité au pays.

La part des énergies renouvelables dans la production d'électricité n'est pas négligeable même si leurs potentialités ne sont pas exploitées au maximum. A côté de l'énergie hydroélectrique fortement exploitée au Kenya, l'énergie solaire est utilisée par 1,6% des ménages. Le Kenya est aujourd'hui un des leaders dans l'installation des systèmes solaires domestiques en Afrique.

Le secteur du transport, principal responsable des émissions de GES au Kenya

En considérant la demande énergétique, le transport est le principal responsable des émissions de GES, suivi du secteur industriel, la production de ciment en l'occurrence.

Le secteurdu transportconsomme 67% des énergies fossiles au Kenya21(*). Il faut noter que la totalité du pétrole est importée et représente en moyenne 16% du total de la facture d'importation du Kenya en 2002.

Plusieurs facteurs expliquent les forts taux d'émissionsde GES relevés dans le secteur du transport. Un des principaux facteurs est le manque de fluidité du transport dû à l'état du réseau routier au Kenya et au nombre croissant de véhicules importés : une moyenne de 300 000 véhicules par an22(*). Les estimations faites par le Ministère de l'Energie en 2004, indiquent qu'en 2002, à Nairobi, 50 millions d'heures en voiture ont été perdu du fait des bouchons en heure de pointe avec notamment une perte estimée à 63millions de litres de carburant.

Un second facteur à considérer est le parc automobile vieillissant, avec des véhicules seconde main peu efficients : entre 1992 et 2001, le nombre de véhicules au Kenya a augmenté de 46%23(*).

Le troisième facteur est le type de carburant utilisé par les véhicules. Les parts de vente d'essence au plomb et de diesel ordinaire sont de plus en plus importantes.

C- Le changement climatique dans les politiques publiques : une volonté affirmée, une politiquecohérente

La vision stratégique du Kenya est sous-tendue par le document Kenya vision 2030, qui concerne la période allant e 2008 à 2030. L'axe principal de la vision stratégique présentée dans ce document est d'arriver d'ici 2030 à vivre dans un environnement propre, sécurisé et durable.

Cette vision s'appuie sur le secteur énergétique avec la nécessité d'élaborer des stratégies et plans d'investissement permettant de sécuriser de façon durable la demande énergétique croissante.

- Des tarifs de rachat préférentiels pour l'électricité fournie par les énergies renouvelables. Le Kenya fait partie des premiers pays à avoir adopté ces tarifs préférentiels en 2008, en même temps que les Philippines, la Pologne, l'Afrique du Sud et l'Ukraine,

- Du Finance Act de 1994/1995 qui permet une importation duty free des équipements anti-pollution.

- De la détaxe sur les vélos, encourageant ainsi leur utilisation : les bicyclettessont utilisées comme taxis (boda boda) dans de nombreuses villes ouest du Kenya en remplacement des véhicules.

- De l'Electric Power Act de 1997 qui libéralise l'approvisionnement et la distribution d'électricité et qui permet d'impliquer le secteur privé dans ce secteur et de promouvoir d'autres sources d'énergie. Ce décret exige aussi un niveau minimum d'énergie renouvelable dans la fourniture d'électricité en milieu rural.

- L'instauration d'une licence pour la vente de charbon de bois, qui permet à l'Etat de contrôler ce secteur.

Le logigramme simplifié ci-dessous présente les théories d'actions de la politique .

Libéraliser le secteur de l'électricité

Détaxer les équipements anti pollution et vélos

Mettre en place un Tarif préférentiel pour les EnR

Investir dans la géothermie

Mettre en place cadre de facilitation pour prospection pétrolière

Instaurer une licence pour charbon

Mettre en place cadre institutionnel et réglementaire

Réduction des émissions de gaz à effet de serre

Enjeu 2 : Promouvoir les EnR

Enjeu 3 : Réduire les émissions de GES

Enjeu 4 : diminuer la pression sur les forêts

Enjeu 4 : satisfaire la demande énergétique

Enjeu 1 : intégrer les enjeux climatiques dans la politique publique

Figure 14: logigramme politique au Kenya

Augmentation de GES

251674112

251673088

Tableau 6 : politiques de développement et effets sur l'atténuation du changement climatique

Politique, lois, décisions

Atténuation du changement climatique

Effets sur la réduction des GES

Commentaires

Tarifs de rachat préférentiels pour l'électricité fourni par les énergies renouvelables

++

Le Kenya fait partie des premiers pays à avoir adopté ces tarifs préférentiels en 2008

Importation duty free des équipements anti-pollution

++

Finance Act de 1994/1995

Détaxe sur les vélos

++

Libéralisation de l'approvisionnement et de la distribution d'électricité : un niveau minimum d'énergie renouvelable fixé pour la fourniture d'électricité en milieu rural.

++

Electric Power Act de 1997

Création d'une structure de recherche dans les technologies émergentes

+

Impact à long terme sur les émissions de GES

Instauration d'une licence pour la vente de charbon de bois

++

Volonté de l'Etat de contrôler le secteur

Création d'une structure de régulation et de surveillance du secteur de l'énergie

+

Volonté de l'Etat de contrôler et de réguler le secteur. Il faut cependant au-delà de la création, mettre le cadre pour que la structure puisse être efficace

Création d'une entreprise nationale de production géothermique

++

Initiative importante pour la gestion des ressources géothermiques

Améliorationde l'exploration pour les combustibles fossiles par subdivision de la superficie d'exploration

-

Volonté d'attirer les sociétés de prospection pétrolière pour faire face à la demande énergétique

L'analyse des théories d'action montre que la politique menée par le Kenya en vue de réduire les émissions de GES est cohérente. Cette politique reste globalement efficace au regard du diagnostic présenté précédemment. Les décisions et mesures prises par le Kenya permettent globalement de diminuer les émissions de GES.

D- Les projets finance carbone au Kenya

En 2013, 17 projets MDP ont été enregistrés par l'UNFCCC pour le Kenya. 76% de ces projets sont centrés sur les énergies renouvelables.

Tableau 7 : Kenya, projets MDP enregistrés au 30 novembre 2013

Projets

Date d'enrégistrement

Secteur

Bagasse Based cogeneration Project

03 septembre 2008

Efficacité énergétique

Geothermical Expansion Project

04 mars 2010

Energie renouvelable

Geothermical Expansion Project (phase 2)

04 décembre 2010

Energie renouvelable

Lake Turkana Wind poxer project

28 février 2011

Energie renouvelable

Kenya small scale reforestation Initiative Kamae

11 juin 2011

Reforestation

Kenya small scale reforestation Initiative Kirirmara

05 octobre 2011

Reforestation

Tana hydropower Station project

11 octobre 2011

Hydroélectricité

Kenya Small Scale Reforestation Initiative Kibaranyeki

06 mars 2012

Reforestation

Nairobi River Basin Biogas Project

28 juin 2012

Biogas

60 MW Kinangop Wind Park Project

09 juillet 2012

Énergie renouvelable

Karan Biofuel CDM project - Bioresidues briquettes supply for industrial steam production

25 septembre 2012

Energie renouvelable

Optimisation of Kiambere Hydro Power Project

24 octobre 2012

Hydroélectricité

Corner Baridi Wind Farm

14 décembre 2012

Energie renouvelable

Kipeto Wind Energy Project

18 dcembre 2012

Energie renovelable

Olkaria IV Geothermal Project

28 décembre 2012

Energie renouvelable

Olkaria I Units 4&5 Geothermal Project

28 décembre 2012

Energie renouvelable

Modification of heat exchanger network at Kenya Petroleum Refineries

08 avril 2013

Efficacité énergétique

Source: UNFCC, 2013

Le nombre de projets enrégistrés par le Kenya à l'UNFCC montre le degré d'implication et le dynamisme des acteurs de la société civile et des entreprises dans la prise en charge des enjeux liés à l'atténuation du changement climatique.

L'analyse des secteurs d'intervention des projets MDP par rapport aux politiquesde développement du Kenya montre que :

- Les secteurs couverts par les projets MDP recoupent les axes de la politique sectorielle de l'Etat en l'occurrence la promotion des énergies reouvelables. Cette engouement pour les énergies renouvelables serait certainement facilité par l'application des tarifs préférentiels pour l'électricité fournie par ces énergies. Il faut rappeler que le Kenya fait partie des premiers pays à avoir adopté ces tarifs préférentiels en 2008.

Par ailleurs, les projets de reforestation entre en droite ligne de la politique de l'Etat de préservation de la biomasse en vue d'augmenter la capacité d'absorption des gaz à effet de serre par les forêts. Il faut rappeler que globalement, le Kenya a un solde positif pour ce qui concerne les émissions de GES grâce à cette capacité d'absorption des forêts.

E- Analyse des acteurs : un secteur privé dynamique

Figure 15: Sociogramme acteurs Kenya

Recherche scientifique

251672064

Partenaires Techniques et Financiers

SECTEUR PRIVE/SOCIETE CIVILE

ETAT

La taille des flèches est corrélée à l'importance de l'influence. Les flèches en pointillés indiquent des influences très faibles.

Le Kenya dispose d'un secteur privé dynamique qui a une influence notoire sur les politiques publiques. Ce secteur porte aujourd'hui l'économie kenyane : l'investissement privé contribue à hauteur de 20% au PIB. Le Kenya ne reçoit que très peu d'aide au développement. En 2008, l'aide publique au développement a représenté entre 3 et 5% du PIB du Kenya24(*), là où d'autres pays comme le Sénégal étaient à environ 10%.

Le secteur privé Kenyan a par ailleurs su nouer des relations avec différents bailleurs de fonds (AFD, Banque Mondiale...) notamment dans le domaine de l'environnement et des énergies renouvelables et a de même la capacité de lever des fonds sur les marchés financiers.

Conclusion partielle

Figure 16: effets de la politique sur les émissions de GES

POLITIQUE KENYANE

Tarifs pour EnR

Détaxe équipements

Libéralisation dans l'électricité

Géothermie

Contrôle charbon de bois

Facilitation installation pétroliers

Augmentation des GES

Réduction des émissions de GES

CONCLUSION

En novembre 2006, le Secrétaire général des Nations Unies lance le Cadre de Nairobi, visant à soutenir la mise en oeuvre du Mécanisme de Développement Propre (MDP).Six organes des Nations Unies ont lancé une initiative visant à aider les pays en développement - en particulier le continent africain - à participer au mécanisme, en vue d'accroître leur nombre de projets.

L'étude menée sur le Sénégal indiqueque malgré un engagement fort du pays à l'international, les politiques de développement sont peu cohérentes et peu efficaces par rapport à la prise en charge des enjeux d'atténuation des émissions de GES. Des incohérences sont notées entre les engagements du pays et les mesures prises, notamment le soutien permanent au secteur des hydrocarbures. Globalement, la politique retenue pour le secteur énergétique, principale source d'émissions de GES, contribuerait à l'augmentation des émissions. Ces dernières seront accentuées par le recours aux centrales à charbon pour satisfaire la demande énergétique, comme inscrit dans la déclaration de politique générale du premier ministre en 2013.

Le même constat est noté en ce qui concerne les financements des principaux bailleurs régionaux (BAD, BOAD). L'analyse montre que leurs interventions participeraient amplement à l'accroissement des émissions : moins de 3% des financements alloués au Sénégal dans les 10 dernières années sont propres ; 13% des financements de la BAD et 21% des financements de la BOAD contribuent potentiellement à une augmentation des émissions de GES au Sénégal.

Dans ce contexte, soutenir la mise en oeuvre du MDP aura peu d'effets sur l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, la politique menée par le Sénégal étant en contradiction avec les objectifs visés par ce mécanisme.

Le Kenya n'a jusqu'ici fait qu'une unique communication à l'international, datant de 2002. Cependant les enjeux liés à l'atténuation des GES sont pris en compte dans les politiques de développement à travers des mesures et actions cohérentes apportant une réponse au diagnostic qui a été mené en 1994. Il faut par ailleurs noter un engouement des acteurs de la société civile et des entreprises dans la prise en charge des problématiques liés au changement climatique : en 2013, 17 projets MDP ont été enregistrés. Les secteurs couverts par ces derniers sont par ailleurs, cohérents par rapport aux axes prioritaires dégagés par l'Etat.

Une analyse comparative entre les deux pays donne les conclusions suivantes :

Tableau 8: analyse comparative Sénégal et Kenya

Niveau d'analyse

Sénégal

Kenya

 
 
 

Vision stratégique

Engagement fort à l'international

Peu d'engagement à l'international

Bonne prise en compte des enjeux : avancées majeures sur le plan institutionnel et juridique

Bonne prise en compte des enjeux : axes prioritaires cohérents avec le diagnostic GES établit

Politique sectorielle

Incohérence entre axes retenus, diagnostic GES et vision stratégique.

La maîtrise de la demande en électricité des ménages comme axe prioritaire est insuffisante au regard du diagnostic et de la vision stratégique

Cohérence des axes retenus : efficacité énergétique, énergies renouvelables, transport

Les mesures retenues favorisent les émissions de GES

Mesures retenues cohérentes et efficaces notamment le tarif préférentiels pour les énergies renouvelables depuis 2008

Niveau opérationnel

Acteurs non étatiques peu mobilisés : 4 projets MDP enregistrés

Implication des acteurs non étatiques : 17 projets MDP enregistrés. Cette implication est favorisée par les politiques et mesures prises par l'Etat

Le secteur couvert : énergie renouvelable : un axe de la politique de l'Etat. Cependant pas de mesures incitatives prises dans ce domaine

Cohérence des secteurs d'intervention avec la politique de l'Etat ; énergie renouvelable, gestion de la biomasse

L'analyse comparative de la cohérence entre finance carbone et politiques de développement au Sénégal puis au Kenya montre que le MDP ne peut avoir des effets sur la réduction des gaz à effet de serre que si les projets s'intègrent dans une politique plus large d'atténuation du changement climatique. Ainsi, la solution se trouverait d'abord dans une réelle volonté des Etats de prendre en charge les enjeux climatiques en mettant en place des politiques et mesures pertinentes et cohérentes.

Les leviers d'actions permettant de réduire les émissions de GES au Sénégal sont dans:

- l'appui à l'élaboration et à l'évaluation des politiques publiques pour une réelle prise en charge de ces enjeux.

- Le renforcement des capacités des acteurs de la société civile et du secteur privé pour leurs permettre de comprendre et d'intégrer les enjeux liés à l'atténuation des GES dans leurs stratégies, pour pouvoir influencer les politiques publiques.

Cette analyse remet à l'ordre du jour la nécessité et l'urgence d'aller au-delà de l'approche projet avec le MDP et de mettre en place des financements destinés à appuyer une approche plus transversale dans les pays en développement.

Les accords de Copenhague et de Cancún ont permis l'émergence d'un cadre : les « mesures d'atténuation appropriées au niveau national » ou NAMA (Nationally Appropriate Mitigation Actions). Ce financement concerne notamment le soutien financier mais aussi technique et organisationnel de programmes d'actions climatiques des pays en développement permettant ainsi d'encourager ces pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Ces NAMA peuvent s'inscrire dans des stratégies nationales de développement bas-carbone plus globales. Il faut cependant noter que les contours de cet outil sont encore relativement flous. Sa mise en oeuvre se heurte à de multiples contraintes. L'analyse menée par CDC Climat France25(*) met en évidence la nécessité de :

- disposer d'une information fiable et transparente sur l'engagement financier des pays développés ;

- de combler les lacunes des dispositifs existants en mettant en oeuvre des politiques nationales ou sectorielles soutenues par les secteurs publics et privés internationalement ;

- de mobiliser un volume de financements pouvant permettre de répondre aux engagements des pays développés et aux besoins des pays en développement, et pouvant de même assurer la pérennisation des actions.

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* 23Ministère de l'Energie, Kenya

* 24Ambassade de France au Kenya, Mission Economique

* 25 Etude Climat n° 32 Février 2012, CDC Climat Recherche






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