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Stratégies de sortie de crise pour le coton africain à  l'OMC et au-delà . Défis actuels et futurs

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par Hadi Honoré YONLI
Global Business School, Tarragona (Espagne) - Master en relations internationales 2013
  

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GLOBAL BUSINESS SCHOOL

MEMOIRE DE FIN D'ETUDES

Présenté en vue de l'obtention du

Master en Relations Internationales

THEME : STRATÉGIES DE SORTIE DE CRISE POUR LE COTON AFRICAIN À
L'OMC ET AU-DELA : DEFIS ACTUELS ET FUTURS

Directeur de Mémoire : Jean Paul GOSSE

Honoré Hadi YONLI

1

Novembre 2013

2

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d'abord à remercier BON DIEU, le tout puissant et miséricordieux, qui m'a donné la force et la patience d'accomplir ce Modeste travail malgré mes occupations.

En second lieu, je tiens à remercier Monsieur Jean- Paul GOSSE, Directeur EENI - Francophonie, mon Directeur de Mémoire, pour son aide et ses précieux conseils. Je remercie également tous mes tuteurs durant les différents modules pour leur sympathie et leur disponibilité.

Je remercie Madame Ghislaine GOSSE, Directrice des Relations Internationales de la Francophonie pour son appui constant, sa gentillesse et son soutien tout au long de cette formation.

Ces remerciements ne seraient pas complets sans une pensée pour deux frères et fidèles amis, Hermanne dit le Président, et Raouf dit Fofo (grand frère). Merci de m'avoir aidé et encouragé, et pour m'avoir changé les idées quand J'en avais besoin.

Un ami et frère de longue date mérite d'être cité dans ces remerciements, Séverin P. WANGRE. Merci de penser toujours à moi dans tes prières.

Un immense merci à mon épouse Fatimata, qui m'a permis de découvrir ce Master et qui m'a soutenu dès le début et m'a aidé dans les périodes de doute.

Mes dernières pensées iront vers mes deux filles, Audrey et Keyla, toujours choux et qui ne m'ont pas du tout embêtées durant ce Master.

Enfin, j'exprime ma gratitude à tous les consultants, les personnes ressources et internautes rencontrés lors des recherches effectuées et qui ont accepté d'échanger avec moi ou de

répondre à mes questions avec gentillesse. .

3

SIGLES ET ABREVIATIONS

ACP : Afrique, Caraïbes et Pacifique

ADPIC : Aspects des droits de propriété intellectuels qui touchent au commerce

AFD : Agence française de développement

AGCS : Accord Général sur le Commerce des Services

AGOA : Loi des Etats-Unis sur la Croissance et les Opportunités en Afrique

AOC : Afrique de l'Ouest et du Centre

APC : Aide pour le Commerce

ATC : Agent technique coton

BOAD : Banque Ouest Africaine de Développement

CCIC : Comité Consultatif International du Coton

CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement

DG : Directeur Général

EU : États-Unis

FAO : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

FCPB : Fonds commun pour les produits de base

FED : Fond européen de développement

FMI : Fond Monétaire International

INERA : Institut national de l'Environnement et des Recherches agricoles

MCA : Millenium Challenge Account

MGS : Mesures Globale de Soutien

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

ONG : Organisation non gouvernementale

ONUDI : Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel

ORD : Organe de Règlement des Différends

PAC : Politique Agricole Commune

PD : Pays Développés

PED : Pays en Développement

PMA : Pays les Moins Avancés (PMA)

PNUD : Programme des Nations-Unies pour le Développement

SOCOMA : Société cotonnière du Gourma

SOFITEX : Société burkinabé des fibres textiles

SONAPRA : Société nationale pour la promotion agricole

STAX : Stacked Income Protection Plan for Producers of Upland Cotton

UE : Union Européenne

UEMOA : Union Économique et Monétaire Ouest Africaine

UNPCB : Union nationale des producteurs de coton du Burkina.

WACIP : Programme de renforcement du secteur coton en Afrique de l'Ouest et du

Centre

4

TABLE DES MATIERES

Remerciement II

Sigles et Abréviations ..III

Résumé ..6

Introduction 7

Chapitre I :Présentation de l'initiative sectorielle en faveur du coton présentée par le C_4 dans les négociations

multilatérales 10

I. Initiative sectorielle en faveur du coton 11

I.1. Point des négociations sur le dossier coton depuis avril 2003 à novembre 2013 12

I.1.1. Conférence de Cancun : échec/espoir ....13

I.1.2 Cadre de juillet 2004 : le coton trouve sa place 15

I.1.3. Conférence de Hong Kong : Mandat donné sur le coton 16

I.1.4. Développement de 2006 à 2008 17

I.1.4.1. Réaction des Parties prenantes du dossier coton au projet de Modalités 19

I.1.4.1.1. Réaction de l'Union Européenne (UE) 19

I.1.4.1.2. Réaction des États-Unis (EU) 20

I.1.4.1.3. Réaction du Groupe C_4 et des autres groupes de négociations 20

I.1.5. Développement depuis décembre 2008 à octobre 2013 20

II. Point des négociations sur le volet

Développement 23

III. Différend Brésil/États-Unis .25

Observations et conclusion .26

Chapitre II. Etat des lieux des filières cotonnières en Afrique .28

I. Principaux problèmes du secteur coton en Afrique 28

I.1. Environnement 28

I.2. Compétitivité et productivité 28

I.3. Volatilité des prix 29

I.4. Financier et Monétaire 29

I.5. Equilibre des filières coton 30

I.6. Concurrentiels 30

I.7. Subventions 30

I.8. Libéralisation et privatisation 30

I.9. Transformations locales 30

I.10. Intrants et crédits 32

I.11. Organisations professionnelles 33

I.12. Autres problèmes liés au Contexte du Commerce International 33

I.12.1. Accord Multifibres (AM) 33

I.12.2. Loi des Etats-Unis sur la Croissance et les Opportunités en Afrique (AGOA) 33

I.12.3. Accords de Lomé et de Cotonou 33

II. Différentes réformes internes entreprises pour rendre plus compétitif le coton africain 34

II.1. Production et rendement dans les pays du C_4 34

II.2. Reformes internes du secteur coton dans les pays du C_4 35

II.2.1. Aperçu du système à circuit unique dans les pays du C-4 avant les réformes actuelles 36

II.2.1.1. Réformes dans le secteur du coton au Burkina Faso 36

II.2.1.1.1. Processus de réforme au Burkina Faso 37

II.2.1.1.2. Organisation actuelle du secteur cotonnier au Burkina Faso 38

II.2.1.1.3. Situation actuelle et perspectives de la filière en 2012/13 39

II.2.1.2. Réformes dans le secteur du coton au Bénin 39

II.2.1.2.1. Processus de réforme au Bénin 39

II.2.1.2.2. Réglementation de la filière coton et suspension de l'accord-cadre 41

II.2.1.3. Réformes dans le secteur du coton au Mali 41

II.2.1.3.1. Processus de réforme et les projets de réglementation du secteur au Mali 42

II.2.1.3.2. Et maintenant? 43

II.2.1.4. Réformes dans le secteur du coton au Tchad 43

III.2.1.4.1. Processus de réforme au Tchad 44

II.2.1.4.2. Création de la COTONTCHAD SN 45

II.2.1.4.3. Réformes entravées par des hésitations 45

III. Aide internationale 45

III. 1. Aide de l'Union européenne 46

III.2. Aide des États-Unis 46

III.3. Aide du Brésil 47

III.4. Aide de l'Australie 47

III.5. Aide de la Chine 48

III.6. Aide de l'Inde 48

III.7. Aide du Pakistan 48

Observations et conclusion 49

5

Chapitre 3 : Défis actuels et futurs à l'OMC et dans les autres enceintes Internationales pour les pays africains

producteurs de coton 50

I. Leçons tirées de l'Initiative Sectorielle en faveur du coton et Analyse 50

I.1. Analyse des négociations avec les Etats-Unis 50

I.1.1. Qu'est ce que le Stacked Income Protection Plan for Producers of Upland Cotton (STAX) ? 51

I.1.2. Comment marche le STAX ? 51

III.1.3. Combien coûte le STAX ? 52

I.1.4. Etats-Unis dans la négociation multilatérale sur le coton 53

I.2. Analyse des négociations avec l'Union Européenne 54

I.2.1. Union européenne sur le marché mondial du coton 54

I.2.2. Culture du coton sur le plan domestique 55

I.2.3. Union européenne dans la négociation multilatérale sur le coton 55

I.2.4. Subventions au coton de l'Union européenne et les relations ACP 56

I.3. Implication du différend Brésil/Etats-Unis pour les pays africains 56

II. Solutions possibles de sorties de crise pour le coton africain 57

II.1. Tendances des prix internationaux du coton 57

II.2. Action en règlement des différends ? 57

II.3. Transformation du coton africain 58

Conclusion 59

6

Résumé

Il y a quelques années, le coton était pour l'Afrique en général et particulièrement pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, une source de richesse. De nos jours, il est devenu un fardeau pour ces pays, un facteur d'appauvrissement.

Quoique plusieurs facteurs notamment la dépréciation des prix au niveau international, l'environnement, les problèmes de compétitivité et de productivité et les subventions des Pays développés aient conduis à cette situation. Les subventions agricoles sont la principale cause de cette dérégulation du marché qui a de sérieuses conséquences sur les économies des pays africains producteurs de coton.

A côté de l'impact macroéconomie des pertes de recettes dues aux subventions des pays développés, il faut ajouter les répercutions socio-économiques pour les vingt (20) millions de personnes qui vivent directement du coton en Afrique.

Le paradoxe de cette situation est que le producteur africain n'arrive plus à vivre de son coton qui est pourtant le plus compétitif au monde.

Les subventions des pays développés ont toujours été donc considérées comme un élément important du problème du coton africain.

Beaucoup de concertations formelles et informelles ont été organisées. Plusieurs organisations, intergouvernementales et de la société civile, ont été impliquées.

Les négociations sur le coton durent depuis 10 ans maintenant et le Cycle de Doha ne semble pas donner une solution heureuse jusqu'à maintenant pour les pays africains.

Globalement, l'objectif de cet thème est de faire l'état des lieux du dossier du coton africain à l'OMC et de fournir aux différentes parties prenantes sur le coton des modalités pratiques de sorties de crise pour le coton africain, à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et dans les autres instances internationales pertinentes.

7

Introduction

Le coton et son importance pour les économies d'un groupe de pays de l'Afrique remonte à la révolution industrielle en Europe, qui a vu la naissance d'une industrie textile mécanisée approvisionnée par le coton des colonies. Depuis le milieu du XIXe siècle, la hausse des prix du coton en Inde et la diminution de la production américaine ont forcé les puissances européennes à chercher des marchés d'importation alternatifs. À l'époque, la France qui contrôlait une partie non négligeable de l'Afrique de l'Ouest résolut d'établir une entreprise publique, la Compagnie Française pour le Développement des Fibres Textiles (CFDT), qui entreprit de fournir la métropole en coton bon marché pour approvisionner en quantité suffisante l'industrie européenne du vêtement alors en plein essor.

Après les indépendances des années 1960, les pays ouest-africains mirent en place leurs propres entreprises publiques de coton et intensifièrent le développement du secteur avec un grand succès. Ils ont constamment amélioré et augmenté la production de cette matière première au point d'en faire la principale, sinon la seule, filière pourvoyeuse de devises étrangères et d'emplois à la ville comme à la campagne. Dans les usines d'égrenage, dans les huileries utilisant la graine de coton, dans les usines de filature et les transports, nombreux étaient ceux qui vivaient de cette filière.

Quarante ans plus tard, la production avait décuplé jusqu'à atteindre 5% de la production mondiale de coton, la surface destinée à sa production avait quadruplé, et l'Afrique de l'Ouest se plaçait à la troisième place des plus gros exportateurs de coton avec 15 % des exportations mondiales. Près de 10 millions de personnes dans toute l'Afrique francophone tiraient leurs moyens d'existence du coton1 . Cet avantage concurrentiel dans la production de coton a généré des revenus d'exportation et a favorisé le développement des zones rurales où se faisait la production. Même les paysans d'autres pays africains moins dépendants du coton tiraient une partie de leurs revenus de la culture de ce que l'on avait appelé « l'or blanc ». Au total, 36 pays africains et d'autres pays membres du Groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont aujourd'hui des intérêts liés à la culture du coton. Cependant, la dépendance des pays d'Afrique de l'Ouest vis-à-vis de l'exportation du coton n'a cessé de croître jusqu'à ce que celle-ci représente un tiers des exportations totales en 20092.

Pourtant, en 2003, quatre pays africains producteurs de coton : le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad (ci-après après dénommés C_4) restaient parmi les pays les plus pauvres du monde, tous les quatre ayant quasiment 50 % voir plus de leur population vivant en dessous du seuil de pauvreté international de 1,25 $3. Dans un monde exempt de distorsions commerciales, ce à quoi tous les pays membres de l'OMC aspirent, leur avantage concurrentiel dans la production de coton combinée avec l'augmentation de la demande mondiale aurait dû permettre à l'Afrique de l'Ouest de sortir de la pauvreté par le commerce.

1 Le cas du coton brésilien à l'OMC : entre la négociation et le contentieux » Ray A. Goldberg, Robert Lawrence and J. Katherine Milligan, 2005

3 World Development Indicators , Banque mondiale, consulté le 14 avril 2011

2 ITC Trade Map. Consulté le 14 avril 2011

8

En effet, à la même époque, certains pays développés comme les Etats-Unis et l'Union européenne (en particulier la Grèce et l'Espagne) ont décidé de stimuler la production du coton dans leur espace économique en allouant d'énormes subventions à leurs producteurs de coton à travers des lois agricoles (Farm Bill aux Etats-Unis et Politique Agricole Commune en Europe). Ainsi, les cotonculteurs américains (au nombre de 25 000) perçoivent des subventions à hauteur de 5 milliards de dollars par an. En Europe, les producteurs de coton sont moins nombreux et le volume des subventions est moins élevé, mais il reste le plus élevé à l'hectare. En offrant des incitations à produire des quantités que le marché ne peut absorber et en accordant des subventions à l'exportation, ces programmes ont fait chuter les prix de 12,9 %, selon la Banque Mondiale4. Malgré le fait que les pays d'Afrique de l'Ouest produisent du coton 50% moins cher que l'UE ou les Etats-Unis, les graves distorsions causées par les programmes de subventions occidentaux empêchent ces pays d'écouler efficacement leur production sur le marché international5.

Le prix du coton sur le marché mondial s'est effondré de 54 % entre le milieu des années 1990 et 2003, diminuant ainsi considérablement le revenu des 10 millions d'Africains de l'Ouest et du Centre qui dépendent directement de sa production. La perte des recettes d'exportation a sérieusement affecté le budget de ces pays, alors que dans le même temps, le FMI poussait pour le remboursement de leur dette. Bien que les facteurs qui expliquent la baisse des prix sont nombreux et complexes, le plus significatif est l'augmentation des subventions allouées par les États-Unis et l'Union européenne à quelques producteurs de coton dans leurs pays. D'ailleurs, un rapport publié par la Fairtrade Foundation fait remarquer que "le retrait des seules subventions américaines entraînerait la hausse des cours mondiaux de 6 à 14 %, la hausse des prix payés aux producteurs d'AOC de 5 à 12 %, et la hausse du revenu moyen des ménages d'Afrique de l'Ouest et du Centre de 2 à 9 %, soit l'équivalent des dépenses alimentaires d'un million de personnes6.

Les pays africains ne sont pas les seuls affectés par la chute des prix mondiaux, comme en témoigne l'affaire du coton portée par le Brésil devant l'organe de règlement de différends de l'OMC7.

Alors que la question fut soulevée quant à savoir si le C_4 devait se joindre à la plainte, il fut réticent à le faire notamment parce que le règlement des différends à l'OMC prend beaucoup de temps, et quand bien même la décision serait en leur faveur ils ne seraient pas en mesure d'exercer des représailles contre les Etats-Unis en cas de non-respect. Finalement le C-4 a choisi la voie de la négociation à travers l'Organisation Mondiale du Commerce.

L'objectif de cet thème est de faire l'état des lieux du dossier du coton africain à l'OMC et de fournir aux différentes parties prenantes sur le coton des modalités pratiques de sorties de crise pour le coton africain, à l'OMC et dans les autres

5

6Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair Trade Foundation, janvier 2011 7Ibid.

4 Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair Trade Foundation, janvier 2011 «Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair Trade Foundation, janvier 2011

9

instances internationales pertinentes. Pour ce faire nous allons dans un premier chapitre faire une présentation détaillée de l'initiative sectorielle en faveur du coton présentée par le C_4 dans les négociations multilatérales. Il s'agira dans ce chapitre de présenter le volet commercial du dossier coton en rappelant les faits saillants, son évolution et les acquis. Un point relatif au volet développement du dossier coton notamment une analyse du mécanisme du Directeur Général de l'Organisation Mondiale du Commerce en faveur du coton et sera également fait. La dernière partie de ce chapitre sera consacrée au différend Etats Unis-Brésil sur le coton à l'OMC. Il s'agira dans cette partie d'analyser les résultats de ce recours et qu'auraient gagné les pays africains en allant au recours.

Un deuxième chapitre fera un état des lieux des filières cotonnières en Afrique notamment les difficultés rencontrées et les différentes réformes internes entreprises pour rendre plus compétitif le coton africain.

Un troisième chapitre sera consacré aux leçons à tirées et les perspectives notamment aux défis futurs à l'OMC et dans les autres enceintes internationales pour les pays africains producteurs de coton.

10

Chapitre I : Présentation de l'initiative sectorielle en faveur du coton présentée par le C_4 dans les négociations multilatérales

Le coton joue un rôle crucial dans le développement de plusieurs pays d'Afrique notamment en Afrique de l'Ouest et du Centre. Depuis les années 1980, la production et les exportations de coton en provenance de cette région ont été multipliées par 4, représentant entre 5 et 10 % du produit intérieur brut. Près de 30% des recettes d'exportation viennent du coton et concernent directement plus de 10 millions de personnes dans cette région. « Naturellement » compétitif, le coton africain souffre néanmoins de l'impact des subventions américaines et européennes à la production de coton ayant pour effet de faire baisser les prix sur le marché international du coton.

Dès 2001, les gouvernements des pays africains producteurs de coton se sont trouvés confrontés au mécontentement croissant des paysans qui souffrent de la perte des recettes tirées du coton. Au mois de novembre, l'Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso (UNPCB) ainsi que d'autres associations de cotonculteurs d'Afrique de l'Ouest et du Centre ont interpellé l'opinion dans une déclaration commune pointant du doigt les subventions occidentales : « En subventionnant leurs producteurs de coton les E.U. et l'U.E. menacent gravement le coton africain, et donc l'avenir de millions de producteurs, et les économies de nombreux pays comme celles du Bénin, du Burkina Faso et du Mali. Aussi, nous demandons solennellement aux EU. et à l'U.E. de supprimer leurs subventions aux producteurs de coton8 ».

Les efforts de lobbying des associations de producteurs, soutenues par plusieurs ONG, commencèrent à porter leurs fruits en Juin 2002 quand la Conférence des Ministres de l'Agriculture de l'Afrique de l'Ouest et du Centre décida d'analyser l'impact des subventions occidentales sur leurs filières cotonnières en vue de négociations futures avec les Etats-Unis et l'Union européenne dans le cadre de l'OMC. Les négociations commerciales multilatérales du Cycle de Doha lancées deux ans plus tôt avec le développement comme objectif affiché seraient le moyen de rechercher une solution en demandant la suppression ou la réduction significative des subventions au coton qui contreviennent aux règles de l'OMC.

Le dossier a rapidement pris de l'ampleur à l'approche de la Conférence Ministérielle de Cancun, notamment après la plainte du Brésil en septembre 2002 contre les Etats-Unis à l'OMC pour ses subventions au coton (nous y reviendrons dans la partie III de ce chapitre).

Les quatre pays en Afrique de l'Ouest et du Centre (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) les plus touchés par les effets des subventions des pays développés se sont mis à préparer activement une proposition solide. En avril 2003, ils déposent une proposition de négociations intitulée «Réduction de la pauvreté: initiative sectorielle en faveur du coton» aux organes compétentes de l'OMC.

Cette proposition fait suite à la Conférence ministérielle de Doha de 2001, où il a été décidé de faire du cycle de négociations lancé alors un Cycle du développement, et à la veille de la conférence ministérielle de l'OMC de Cancun

8 Appel commun des producteurs de l'Afrique de l'ouest et du Centre, novembre 2001

11

prévue pour septembre 2003 et pour laquelle l'initiative devait s'assurer d'être soutenue. C'est dans ce cadre que Monsieur Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso, a été invité au nom de ses pairs africains à faire une présentation devant le Conseil Général9 de l'OMC en juin 2003. Dans son discours, le Président du Burkina Faso a dit en substance que « pour la première fois, les pays africains ne demandent pas l'aumône, nous demandons tout simplement que les membres de l'OMC respectent les règles de l'organisation, règles auxquelles ils ont librement consenti». Cela a contribué à assurer les soutiens nécessaires, y compris ceux émanant des coalitions de l'OMC dont davantage de soutien était recherché. C'était là le début de l'offensive diplomatique et stratégique appelée « l'initiative sectorielle en faveur du coton » comme faisant partie intégrante du Programme de Doha pour le développement.

Dans cette partie, il s'agira dans une première partie de présenter et d'analyser l'Initiative sectorielle en faveur du coton et de faire le point des négociations depuis la soumission de cette initiative à nos jours (novembre 2013). La deuxième partie sera consacrée au volet développement du dossier coton notamment une analyse du mécanisme du Directeur Général de l'Organisation Mondiale du Commerce en faveur du coton. La dernière partie de ce chapitre sera consacrée au différend Etats -Unis / Brésil sur le coton à l'OMC. Il s'agira dans cette partie d'analyser les résultats de ce recours et qu'auraient gagnés les pays africains en allant au recours.

I. Initiative sectorielle en faveur du coton

L'initiative sectorielle en faveur du coton a été soumisse en avril 2003 à l'OMC et visait à obtenir :

- l'élimination des subventions qui créent des distorsions au commerce

international du coton ;

- la réduction substantielle des soutiens internes qui créent des distorsions

au commerce international du coton ;

- le régime d'accès du coton en franchise de droits et sans contingent

(exonéré de droits de douane et d'autres taxes, et sans limitation des quantités exportées) sur le marché international ;

- la mise en place d'un Mécanisme de gestion des pertes de revenus

d'exportation du coton sur le marché international, jusqu'à l'élimination

totale des soutiens internes et des subventions que certains pays développés accordent à leurs producteurs et exportateurs de coton.

9 Le Conseil général est l'Organe de décision suprême de l'OMC à Genève; il se réunit régulièrement pour exercer les fonctions de l'OMC. Il est composé de représentants (habituellement, des ambassadeurs ou des fonctionnaires de rang équivalent) de tous les gouvernements Membres et est habilité à agir au nom de la Conférence ministérielle, qui ne se réunit que tous les deux ans. Le Président est actuellement S.E. Mr. Shahid BASHIR (Pakistan).

12

I.1. Point des négociations sur le dossier coton depuis avril 2003 à novembre 2013

Comme on pouvait s'y attendre, l'initiative fut sujette à controverse au sein des membres de l'organisation. Alors que de nombreux pays en développement se félicitèrent de la proposition du C_4, plusieurs délégués déclarèrent que l'initiative ne pouvait pas être inclue dans le programme de Doha pour le développement. Selon eux, la question du coton constituait un sujet nouveau qui ne faisait pas partie du mandat confié à Doha. Fait intéressant, les États-Unis et l'Union européenne n'ont pas réagi du tout à la proposition. Il était cependant clair que des négociations intensives allaient être nécessaires afin de s'assurer le soutien crucial d'autres groupes de négociation tels que le Groupe africain, les PMA et le Groupe ACP si l'initiative devait faire partie du programme de travail de Doha.

Le premier groupe à avoir adopté l'initiative sectorielle en faveur du coton comme dossier de négociation fut celui du groupe d'Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP), au cours de la 77eme session de son conseil des ministres tenue à Bruxelles en mai 2003.

En juin 2003, il fut suivi par le Groupe des PMA au cours de la réunion ministérielle de Dacca, au Bangladesh. Cependant, arriver à cette décision ne fut pas chose facile, car certains des États membres ayant un grand intérêt dans l'importation du coton, y compris en provenance des Etats-Unis, pour alimenter leur industrie textile très performante qui, bénéficiant de la Loi des Etats-Unis sur la Croissance et les Opportunités en Afrique (AGOA en anglais), pouvait exporter ses produits textiles sur le marché américain. Ces pays se trouvaient donc dans un conflit d'intérêt mais finalement, après d'intenses consultations où on a fait valoir que la question du coton était une préoccupation pour 36 pays (dont la plupart était des PMA) et qu'on ne pouvait pas laisser les intérêts d'un seul pays ou de quelques pays menacer les moyens de subsistance de plus de 15 millions d'africains, ces pays résistants ont finalement accepté de s'associer au consensus. À ce stade, l'initiative bénéficiait donc de l'appui de deux groupes majeurs de pays en développement au sein de l'OMC.

Dans le cas du Groupe africain, des complications sont également apparues du fait qu'un certain nombre de membres avaient décidé à la même époque de présenter une proposition sur les matières premières. Heureusement, alors qu'une certaine rivalité commençait à naître entre les deux propositions, la seconde fut abandonnée et le Groupe finit par appuyer l'initiative du C_4.

Ainsi, durant les préparatifs pour la Conférence ministérielle de Cancun, le Groupe africain, les ACP et les PMA n'eurent de cesse d'appuyer l'initiative en faveur du coton dans leurs déclarations tant individuelles que collectives, et furent bientôt rejoint par d'autres pays en développement influents comme le Brésil, l'Inde et la Chine. Au vu de ce soutien général des pays en développement et de quelques pays développés, il devenait difficile d'ignorer le sujet du coton dans le cadre de la conférence de Cancun et les Etats-Unis firent alors une courte déclaration par laquelle ils reconnaissaient que la question du coton était d'importance et méritait d'être examinée. C'était là l'un des premiers et plus importants succès diplomatiques de l'initiative sectorielle en faveur de coton.

13

A partir de cet instant, le Groupe C_4 a intensifié son travail de plaidoyer et les consultations ont continué pour faire accepter l'initiative sectorielle en faveur du coton comme faisant partie intégrante du programme de Doha pour le développement à Cancun. Quelques jours avant le début de la conférence, le président du Bénin d'alors, Monsieur Mathieu Kerekou, s'est rendu à la commission de l'Union européenne pour rechercher des soutiens alors qu'au même moment le Président du Mali, Monsieur Amadou Toumani Touré se rendait à Washington pour évoquer entre autres avec les autorités américaines la question du coton. A la veille de la conférence, les ministres de l'Allemagne, de l'Angleterre, des Pays-Bas et du Danemark, pays qui fournissent de l'aide aux pays en développement ont organisé une réunion sur la question du coton qui a rassemblé de nombreuses ONG, organisations de producteurs de coton africains, journalistes et représentants des États-Unis, et dont les résolutions favorables à l'initiative sur le coton ont contribué à la faire connaître. Cette volonté politique au plus haut niveau couplée à une campagne de sensibilisation efficace ont finalement porté leurs fruits et la question du coton fut inscrite comme le premier point de l'ordre du jour de la conférence ministérielle de Cancun, tout juste après les discours d'ouverture.

A cette conférence, le coton devint le symbole de l'aspect développement du Cycle de Doha. Toutefois, avec l'échec de Cancun et le dépassement de toutes les échéances programmées du Cycle, le sprint devint un marathon.

En 2003, l'Initiative Coton est devenue l'un des thèmes principaux de la négociation de Doha et représente toujours pour la communauté internationale un test quant à son engagement réel de faire de Doha le cycle du Développement. Il y a aujourd'hui une reconnaissance internationale du fait que les subventions au coton nuisent gravement aux pays pauvres en développement dépendant des exportations de coton et des produits dérivés du coton10 à la fois pour leur intégration économique internationale et leur développement national.

La prolongation des négociations a nécessité des capacités grandissantes des pays impliqués pour prendre des décisions rapides et difficiles sur des compromis relatifs aux positions qu'ils défendent.

I.1.1. Conférence de Cancun : échec/espoir

A l'ouverture de la Conférence Ministérielle de Cancun le 10 septembre 2003, la plupart des groupes de négociation ont apporté leur soutien au « dossier coton » et ont réclamé que l'on mette fin dans un bref délai à l'injustice des subventions ayant des effets de distorsion des échanges. En fait, toutes les délégations des pays en développement ainsi que celles de certains pays développés, à l'exception de l'Union européenne et des Etats-Unis, ont soutenu l'initiative. Le soutien du Groupe africain, des PMA, du Groupe des Etats ACP et du G-90 (PMA, Groupe africain et ACP) créé lors de cette conférence ont largement contribué à cette grande victoire d'étape.

A l'issue de la session d'ouverture, la délégation des Etats-Unis a invité le C_4 pour des consultations durant lesquelles elle a fait valoir que leurs subventions

10 La définition de produits dérivés pose problème à certains alliés du C_4 qui fini par abandonné le terme

14

n'étaient pas la cause de la chute du prix du coton sur les marchés internationaux, mais plutôt la concurrence avec les nouvelles fibres comme le nylon et d'autres dérivés du pétrole qui étaient moins cher que le coton. Les Etats-Unis ont présenté un projet d'accord au C_4 qui résumait ces arguments et arguait que les Etats-Unis étaient déterminés à aider les producteurs de coton africains à atteindre des rendements plus élevés. Naturellement le C_4 a refusé cet accord.

Lors de la session officielle consacrée à l'initiative sectorielle en faveur du coton, tous les pays en développement ont réaffirmé leur soutien à la position du C_4 et les États-Unis sont restés sur leur position qui consistait à dire que les nouvelles fibres et le faible rendement du secteur cotonnier africain étaient responsables des prix bas. Plus la Conférence avançait, plus cette opposition entre pays en développement et pays développés s'est accentuée à tel point que la conférence s'est retrouvée dans l'impasse un jour avant sa conclusion prévue. Si la principale cause de cet échec est à chercher dans le refus des pays en développement de débattre des «questions de Singapour11» chères aux pays développés, les désaccords sur le dossier agricole en général et sur le coton en particulier ont cristallisé les divergences. Si certains ont soutenu que l'initiative sur le coton était responsable de l'effondrement de la conférence ministérielle de Cancun et que l'espoir s'était évanoui pour des millions de producteurs de coton africains, les négociateurs du C_4 n'ont pas abandonné pour autant.

En effet, dans la période qui suivit, le travail technique sur la question du coton a continué à Genève malgré l'opposition des pays développés qui faisaient valoir que l'introduction d'une initiative distincte sur le coton perturberait le processus de négociation.

I.1.2 Cadre de juillet 2004 : le coton trouve sa place

Après Cancun, les pays membres de l'OMC se fixèrent comme nouvelle échéance le vendredi 30 juillet 2004 pour parvenir à un accord sur un ensemble d'accords-cadres. D'intenses négociations ont donc eu lieu dans les semaines précédant ce qu'on a appelé «l'ensemble de résultats de juillet» ou encore « cadre de juillet 2004 ». Dans ce contexte, le C_4 a poursuivi ses efforts afin de faire adopter la question du coton comme un sujet autonome dans les négociations et d'obtenir une solution rapide compte tenu de la situation difficile dans leurs pays. Ils ont notamment tenu des consultations avec la délégation américaine et organise à plusieurs événements comme les journées de coton dénommées « cotton days ».

En mars 2004, à la demande des pays africains, le secrétariat de l'OMC a organisé un atelier à Cotonou (Bénin) sur le sujet au cours de laquelle il fut reconnu que le dossier coton recouvre deux composantes : une relative à l'aspect commercial à traiter au sein des négociations à l'OMC, et l'autre, liée à la dimension du développement pour laquelle les pays développés et les organisations

internationales ont été invitées à aider les pays africains à surmonter les difficultés de la filière, relatives notamment aux problèmes de recherche pédologique, de rendement et de réorganisation structurelle de la filière. Deux mois plus tard, l'Union européenne a convoqué un grand Forum à Paris sur l'aspect développement de la

11 Concurrence, investissements, facilitation des échanges et marchés publics

15

filière cotonnière en Afrique, au cours duquel elle a pris un certain nombre d'engagements pour aider la production du coton en Afrique dans le cadre d'un partenariat UE-Afrique sur le coton.

En prélude aux importantes négociations prévues fin juillet à Genève, les ministres du commerce du Groupe G-90 (ACP, PMA, Groupe africain) se sont réunis à Maurice début juillet 2004 une déclaration qui réaffirme que « le G-90 insiste sur la nécessité de l'aborder en tant que question distincte et séparée et non pas dans le cadre des négociations globales sur l'agriculture. L'ensemble de résultats de juillet doit inclure un engagement clair de traiter rapidement et minutieusement les aspects de l'initiative liés au commerce et les aspects liés au développement par le biais d'un processus rapide ».

Après la distribution du projet de texte de «l'ensemble de résultats de juillet» par le secrétariat de l'OMC le 16 juillet qui donne un aperçu de l'état des négociations dans tous les domaines et doit servir de base pour négocier l'accord cadre du 31 juillet, les Membres ont entamé des négociations intensives de deux semaines sous diverses formes à partir du 19 juillet. Concernant le coton, une réunion de négociation a été convoquée entre la délégation du C_4 et celle des Etats-Unis emmenée par Robert Zoellick, qui deviendra par la suite président de la Banque Mondiale. Après 19 heures de négociation ininterrompue, la délégation américaine reconnut finalement que l'initiative en faveur du coton était une question sérieuse qui méritait d'être résolue mais qui doit être traité dans le volet agriculture car le coton est un produit agricole.

Après des mois de négociation à la suite de Cancun, le C_4 accepta l'inclusion du coton dans la négociation agricole globale en juillet 2004. Néanmoins, tous les membres de l'OMC ont approuvé la nécessité d'un traitement « ambitieux, spécifique et rapide » pour le coton. Le C_4 obtint également la création d'un sous-comité coton au sein du Comité Extraordinaire sur l'agriculture qui malheureusement n'est jamais devenu un organe incontournable pour la négociation sur le coton.

Après juillet 2004, les négociations s'engagèrent sur une route longue et sinueuse. L'action politique était toujours nécessaire mais la mobilisation des ressources humaines du C_4 ne fut pas toujours aisée. Toutefois, chacun des pays du C_4 a pu établir une mission à Genève, ce qui a beaucoup amélioré leur participation effective à la négociation et la coopération entre les membres de ce groupe.

Au bout du compte, toutes ces consultations informelles conduisirent à des décisions relatives au coton dans l'ensemble de résultats de juillet 2004, et notamment que l'Initiative sectorielle en faveur du coton serait abordée de deux manières distinctes : d'une part la considérations de ses « aspects relatifs au commerce », qui relèvent de la compétence de l'OMC, et d'autre part les « aspects relatifs au développement » pour lesquels le rôle de l'OMC serait d'encourager et de guider le renforcement de l'aide au développement du secteur du coton dans les pays affectés.

16

Avec l'ensemble de résultats de Juillet 2004 et l'inclusion du dossier coton dans le programme de Doha pour le développement, les efforts fournis par le C_4 jusque-là étaient en partie récompensés. Cependant, la pression des différents alliés fut si forte que le C_4 fut obligé d'accepter que le dossier soit versé dans les négociations agricoles, et n'ont donc pas obtenu de faire du coton un dossier autonome comme il l'avait souhaité. Le C_4 s'est alors résolu à travailler pour sécuriser un bon résultat pour le coton dans le cadre des négociations agricoles.

L'accord prévoyant que le coton serait traité de manière "ambitieuse, rapide et spécifique" dans le cadre des négociations sur l'agriculture, un Sous-comité coton fut créé au sein de l'OMC le 19 novembre 2004. Celui-ci a pour mandat de faire porter ses travaux sur « toutes les politiques ayant des effets de distorsion des échanges affectant le secteur », dans les trois domaines clés des négociations sur l'agriculture, nommément l'accès au marché, les subventions à l'exportation et le soutien interne du coton. Malheureusement après Hong Kong, ce Comité n'est jamais devenu un organe incontournable pour la négociation.

Le travail du sous-comité s'est ensuite intensifié en aval de la sixième conférence ministérielle qui devait se tenir à Hong Kong en décembre 2005, avec la soumission de deux propositions importantes par le C_4 et l'Union européenne lors de la huitième réunion du Sous-Comité du coton le 18 novembre 2005 qui comprenaient des mesures que les Ministres pourraient prendre à Hong Kong.

D'une part, la proposition du C_4 prévoyait l'élimination totale des subventions à l'exportation sur le coton d'ici à la fin de l'année 2005 ainsi que des améliorations substantielles en termes d'accès aux marchés avec accès en franchise de droits et sans contingent pour le coton des pays les moins avancés. Concernant le soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges, la proposition prévoyait une élimination progressive à hauteur de 80 pour cent d'ici à la fin de 2006, plus 10 pour cent en 2007 et 10 pour cent en 2008, pour aboutir à une élimination totale au 1er janvier 2009. Finalement, le texte abordait les aspects relatifs au développement en proposant un fonds d'urgence en cas d'effondrement des prix internationaux, ainsi qu'une assistance technique et financière pour le secteur du coton en Afriquei.

D'autre part, la proposition de l'Union européenne pour Hong Kong demandait que les Ministres conviennent de réductions plus importantes pour le coton que pour le reste de l'agriculture en ce qui concerne les trois piliers. Par ce texte, l'UE faisait également savoir qu'elle était prête à éliminer tous les droits, contingents et autres restrictions quantitatives sur les importations provenant de tous les pays, les soutiens internes ayant le plus d'effets de distorsion des échanges (MGS) et toutes les subventions à l'exportation, et à appliquer des disciplines sur les subventions relevant de la catégorie bleue dès l'année 2006.

I.1.3. Conférence de Hong Kong : Mandat donné sur le coton

La sixième conférence ministérielle qui s'est tenue du 13 au 18 décembre 2005 à Hong Kong, se voulait une étape importante menant les membres aux deux tiers du chemin vers un accord final qui était à l'époque prévu en juillet 2006, et qui poserait de toute manière les bases pour les négociations de l'année suivante.

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Avant la séance plénière formelle qui devait traiter de la question du coton, de nouvelles consultations entre les Etats-Unis et le C_4 ont eu lieu au cours desquelles les derniers ont demandé aux premiers des indemnités pour compenser les pertes subies à cause des subventions. Les États-Unis ont rejeté cette demande, faisant valoir qu'ils fournissaient déjà des initiatives comme l'AGOA et le Millenium Challenge Account (MCA) dont les pays du C_4 étaient bénéficiaires. Cependant, les Etats-Unis ont proposé une initiative qui aide à accroître la productivité du coton dans la région, qui fut lancée quelques temps après sous le nom de « Programme de renforcement du secteur coton en Afrique de l'Ouest et du Centre » (WACIP en anglais).

En séance plénière, la proposition que le C-4 avait présentée au Sous-Comité du coton à Genève un mois auparavant fut l'un des points centraux des discussions et fut soutenue par de nombreux pays africains et des différents groupes, notamment en développement. A cette occasion, l'UE a quant à elle réitéré l'annonce qu'elle ouvrirait ses marchés et réduirait ses subventions. Fait important, les Etats-Unis ont admis qu'ils avaient la responsabilité de régler le problème et qu'ils ne s'en déchargeraient pas, faisant valoir que la réforme de leurs subventions à l'exportation était déjà en cours après la décision de l'ORD dans le cadre de leur différend avec le Brésil. Cependant, ils ont également minimisé l'impact de leurs subventions en mettant en avant les contraintes du côté de l'offre des pays africains, pour lesquelles ils ont rappelé leurs engagements en termes d'aide au développement.

Finalement, dans la déclaration finale de la Conférence ministérielle de Hong Kong, les ministres du commerce ont réaffirmé le mandat du Conseil général de juillet 2004 et se sont engagés à « faire en sorte d'avoir une décision explicite sur le coton dans le cadre des négociations sur l'agriculture et par le biais du Sous-Comité du coton de manière ambitieuse, rapide et spécifique ». Les ministres ont également réaffirmé la complémentarité des aspects relatifs aux politiques commerciales et à l'aide au développement sur la question du coton. Le mandat ainsi donné aux membres de l'OMC sur concernant les aspects relatifs au commerce concerne : (i) l'élimination de toutes les formes de subventions à l'exportation pour le coton par les pays développés en 2006; (ii) l'accord par les pays développés d'un accès en franchise de droits et sans contingent aux exportations de coton en provenance des pays les moins avancés (PMA) à compter du début de la période de mise en oeuvre; et (iii) travailler en priorité sur l'objectif que les subventions internes à la production de coton qui ont des effets de distorsion des échanges soient réduites de manière plus ambitieuse que pour le reste de l'agriculture, avec un délais de mise en oeuvre également plus court.

Sur la base de ce mandat, le travail technique et de négociation a repris en 2006 avec comme objectif principal une réduction des subventions internes plus ambitieuse pour le coton que pour les autres produits agricoles, alors que dans le même temps commençait la mise en oeuvre des mesures à prendre par le Directeur général, la communauté du développement et les pays africains producteurs de coton.

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I.1.4. Développement de 2006 à 2008

Partant du Mandat de Hong Kong, en juin 2006, les quatre pays porteurs de l'Initiative sectorielle en faveur du coton ont soumis une nouvelle proposition concernant les modalités et disciplines sur le coton dans les trois piliers des négociations agricoles12. En plus d'aborder les disciplines relatives à l'accès au marché et à la concurrence à l'exportation, cette proposition précise les concepts de modalités applicables aux différents types de soutiens internes (catégorie bleue, catégorie orange) sur le coton avec effet de distorsion sur les échanges en prévoyant leur réduction substantielle jusqu'à conduire à leur élimination totale, et précise également les périodes de référence et de mise en oeuvre.

Concernant le soutien interne relevant de la « catégorie bleue » (certaines mesures de soutien faisant partie de programmes de limitation de la production), le C_4 propose que le plafond applicable au coton s'élèvera à un tiers du plafond par produit adopté dans le cadre de la négociation agricole. Concernant les soutiens relevant de la « catégorie orange » (soutien interne avec effet de distorsion sur les échanges), le C-4 propose une formule dotée d'un coefficient correcteur qui détermine un taux de réduction de la MGS supérieur pour le coton conformément au cadre de juillet 2004 confirmé à Hong Kong de traiter le coton de façon « ambitieuse, rapide et spécifique ». La formule est la suivante :

RC = Réduction pour le coton, RG = Réduction générale dans l'agriculture.

Au cours de toutes les consultations ultérieures, le C_4 a demandé à la délégation américaine de faire des contre-propositions, mais sans succès jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, il y a eu peu d'évolution depuis 2006 en ce qui concerne les aspects relatifs au commerce du dossier coton par refus catégorique des autres protagonistes de la question du coton d'entrer véritablement en négociation, et cela malgré le mandat on ne peut plus clair donné à Hong Kong qui érigeait la question en une priorité des négociations commerciales du Cycle de Doha. Pourtant, les mots prononcés en mars 2007 par l'Ambassadeur de la Nouvelle-Zélande, M. Crawford Falconer (à l'époque président de la Session Extraordinaire du Comité de Négociations sur l'Agriculture du Sous-Comité coton) à l'issue d'une importante Session de haut niveau sur le coton convoquée par le Directeur général de l'époque Pascal LAMY devraient donner matière à s'engager : « Je peux dire sans hésitation que le Cycle de Doha n'aboutira pas si nous n'obtenons pas de résultat en ce qui concerne le coton »ii.

D'ailleurs plus tard soit en août 2007 et en février, mai, août et décembre 2008, le Président, Crawford FALCONER a soumis un projet de texte de modalités sur l'agriculture et le coton dont celle du 6 décembre 2008. Les propositions sur le coton sont contenues aux paragraphes 43 et 53, à 58 en ce qui concerne le soutien interne du projet de modalités. En substance, elles reprennent les propositions de

12 Accès aux marchés, soutien interne et Concurrence à l'exportation

modalités soumises par le C4, et qui sont contenues dans le document WT/AG/GEN/22 du 16 Juin 2006, notamment en ce qui concerne :

- la formule de réduction des soutiens internes de la catégorie orange ;

-

le plafond des soutiens de la catégorie bleue ;

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- la période de référence pour le coton ;

- la période de mise en oeuvre pour le coton ;

- le traitement spécial et différencié pour le coton.

Le Président FALCONER prévoit dans le projet de modalités, des disciplines supplémentaires pour traiter les situations d'accroissement de niveau de soutiens de la boîte bleue qui résulteraient du transfert des soutiens de la boîte orange.

En effet, conformément à la Déclaration Ministérielle de Hong Kong de décembre 2005, le Président FALCONER a prévu de conférer au coton la spécificité et le niveau d'ambition nécessaires en portant à 2 pour 1 le rapport de traitement du coton en cas d'accroissement des soutiens de la catégorie bleue qui proviendraient de la réduction des soutiens de la catégorie orange, contre un rapport de 1 pour 1 pour tous autres produits.

I.1.4.1. Réaction des Parties prenantes du dossier coton au projet de Modalités

I.1.4.1.1. Réaction de l'Union Européenne (UE)

Dans sa réaction écrite qu'elle a communiquée à la délégation du C_4, l'UE a indiqué qu'elle accepte les propositions de modalités sur le coton présentées le 16 Juin 2006 par le groupe des quatre pays, mais qu'elle aurait des difficultés à mettre en oeuvre les disciplines additionnelles prévues au paragraphe 38 du texte du Président FALCONER. Elle demande que le rapport de 1 pour 1 soit appliqué et qu'une exception ne soit pas faite au coton.

L'UE a déclaré que dans le cadre de la réforme de la PAC en 2003 dans le secteur du coton, elle a fait de gros efforts pour rendre son soutien au coton compatible avec les règles de l'OMC, notamment en transférant un soutien de type boîte orange (ayant des effets de distorsion sur les échanges) vers des soutiens de type boîtes bleue (ayant moins d'effets de distorsion13 ) et verte (n'ayant pas d'effets de distorsion). De toutes les consultations qu'elle a eu avec le C_4, l'UE a invoqué des contraintes constitutionnelles réelles l'empêchant d'aller plus loin dans le découplage des aides. Elle a fait savoir particulièrement qu'elle a déjà effectué des réformes en 2003 dans le secteur du coton produit en Grèce, en Espagne et au Portugal, c'est-à-dire le découplage à 65 % entre le niveau des soutiens et la production sous forme de paiement unique, applicable à partir de l'année 2006, et qu'elle ne pourra pas aller au-delà de cette limite en raison des problèmes constitutionnels qu'elle aurait au niveau communautaire au regard des dispositions des protocoles d'adhésion de la Grèce et de l'Espagne à l'Union européenne.

13 Effet sur le commerce international qui fausse la concurrence

20

Elle a demandé que les résultats des négociations des soutiens internes de la boîte bleue accordés au coton lui permettent de situer à environ trois cent millions (300. 000. 000) d'euros ses dépenses au titre de cette boîte qui sont estimés actuellement à environ deux cent soixante dix-huit millions (278. 000. 000) d'euros.

I.1.4.1.2. Réaction des États-Unis (EU)

Initialement, les EU avaient souligné que les propositions du C_4 vont au-delà du mandat donné sur le coton. En effet, ils ont considéré que le niveau proposé pour la réduction des soutiens internes accordés au Coton est trop élevé sans toute fois faire de propositions ou de contrepropositions.

I.1.4.1.3. Réaction du Groupe C_4 et des autres groupes de négociations

Le Groupe C_4 appuyé par d'autres Groupes de négociation (Groupe Africain, Groupe des PMA, G-20, Groupe des ACP) et par d'autres Membres individuels, a soutenu l'approche suivante :

Un résultat sur le coton qui serait conforme au mandat de Hong Kong (traitement ambitieux, rapide et spécifique) devra suivre :

- l'application de la formule de réduction des soutiens internes de la

boîte orange accordés au coton, proposée par le C_4, et reprise dans le projet de modalités présenté par le Président de la Session Extraordinaire du Comité de l'Agriculture ;

- la fixation du plafond spécifique pour les soutiens de la boîte bleue
accordés au coton, qui sera le 1/3 de ce qui résulterait de l'application

de la méthodologie prévue audit document ci-dessus cité ;

- l'application de la discipline supplémentaire de 2 pour 1 concernant
l'accroissement des soutiens de la boîte bleue provenant de la boîte orange ;

- la période de référence de 1995-2000 pour le coton.

Au total, le C_4 et les autres Groupes de Membres et Membres individuels ci-dessus mentionnés soutiennent l'approche proposée par le Président FALCONER dans son texte pour la réduction des soutiens internes qui distordent le commerce international du coton.

I.1.5. Développement depuis décembre 2008 à octobre 2013

Depuis décembre 2008, les négociations se poursuivent sous plusieurs formats, processus dit de la « Salle E ou du salon vert 14 », consultations informelles ouvertes consultations « quadrilatérales15 » sans qu'aucun résultat tangible n'ait été obtenu,

14 Le salon vert désigne, plutôt qu'un lieu précis, un processus par lequel les chefs de délégation recherchent informellement un consensus généralement sous la présidence du Directeur général. Parmi les Ministres, ou les ambassadeurs ou hauts fonctionnaires, qui se réunissent dans le salon vert, figurent les coordinateurs de tous les principaux groupes existant à l'OMC. Cette représentation garantit que toutes les positions de tous les pays et toutes les régions sont représentés dans les négociations.

15 Brésil, C_4, Etats-Unis, Union Européenne

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principalement du fait du refus catégorique des Etats-Unis d'Amérique d'entrer véritablement en matière sur la question.

C'est dans ce sens que dans le cadre de la huitième Conférence Ministérielle de l'OMC qui s'est déroulée du 15 au 17 décembre 2011 à Genève (SUISSE), le C_4 avait soumis aux Membres de l'OMC un projet de décision sur le coton, publié par l'OMC sous la double cote TN/AG/GEN/32 et TN/AG/SCC/GEN/11 du 08 novembre 2011 (voir annexe) afin d'obtenir des résultats provisoires de cette question.

Mais après plus de trois semaines de tractations et de consultations dans tous les formats et configurations possibles sur la proposition, les Etats-Unis ont rejeté la proposition et finalement la question du coton a été évoquée dans le cadre des « éléments pour des orientations politiques » de la conférence. C'est là, le plus petit niveau possible de convergence auquel les membres sont parvenus, alors que le coeur de cible de combat du C_4 est et demeure constitué par les subventions au coton ayant des effets de distorsion sur le marché international du coton des effets de distorsion des échanges que le projet de décision visait en substance.

Il également bon de savoir que dans le cadre de la sensibilisation et du plaidoyer, le C_4 effectue souvent des missions de sensibilisation et de plaidoyer au Etats-Unis. Et comme la Farm Bill est en discussion depuis 2012 à Washington au sein du Congrès et du Senat, en juin 2012, une délégation du C-4 a effectué une mission à Washington.

Il s'est agi pour le C-4, à cette étape décisive de débats sur la révision de la Farm Bill, de plaider pour que les programmes relatifs au coton envisagés dans le cadre des discussions consacrées à la révision de ladite loi permettent de réduire les distorsions que les subventions accordées par le Gouvernement des États-Unis d'Amérique provoquent sur le marché mondial du coton.

Il faut savoir que c'est cette loi, en effet, qui contient les dispositions relatives aux subventions américaines à l'agriculture et en particulier au coton qui sont querellées au niveau de l'OMC, ainsi que leur mode de déclenchement selon le niveau des cours mondiaux du coton.

Aux dernières nouvelles (1er octobre 2013) les deux chambres ont été incapables de parvenir à un compromis sur le budget définitif, déclenchant un arrêt du gouvernement fédéral. Compte tenu de l'impasse budgétaire, le Congrès a également été incapable de parvenir à un accord sur un projet de loi agricole 2013, Compte tenu de cette impasse les programmes de subventions existants sont susceptibles de continuer sur la base de la prolongation de loi d'orientation agricole de l'année dernière.

Comme les nouvelles ne sont pas rassurantes du côté des Etats-Unis, dans la perspective de la 9ème Conférence ministérielle de l'OMC qui se tiendra du 03 au 06 décembre 2013 à Bali, le C-4 a soumis aux Membres de OMC un projet de décision (proposition intérimaire uniquement en vue de Bali) sur le coton, publié par l'OMC sous la double cote TN/AG/GEN/33 et TN/AG/SCC/GEN/12 du 24 octobre 2013 (voir annexe).

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D'une manière générale et tout comme celle de 2011, cette proposition de décision qui comprend 3 volets : volet commercial, volet développement et volet suivi réitère le mandat de Hong Kong de décembre 2005.

Afin d'obtenir l'inscription effective de cette question à l'ordre du jour de la Ministérielle de décembre, le C-4 s'est employé à Genève à rallier les Membres de l'OMC en forgeant le consensus le plus large possible autour de cette proposition.

Dans ce cadre, des démarches ont été effectuées en direction des regroupements de négociation, alliés stratégiques traditionnels du C-4. Il s'agit notamment du Groupe Africain, du Groupe des Pays les Moins Avancés, du Groupe ACP et du G-20.

Des consultations ont également eu lieu avec des délégations individuelles qui sont des protagonistes clés du dossier coton, en l'occurrence : le Brésil, l'Inde, la Chine, l'Union Européenne et les Etats-Unis d'Amérique.

Au cours de ces différentes rencontres, le C-4 a procédé à une présentation du projet de décision, suivie d'un plaidoyer en faveur de son inscription à l'ordre du jour de la Conférence ministérielle de l'OMC en décembre 2013 à Bali, et a dans ce sens, vivement exhorté tous ses interlocuteurs à faire preuve de flexibilité et à s'engager dans une discussion franche et féconde en vue de parvenir à une solution rencontrant l'agrément de tous.

D'une manière générale, s'il y a un soutien inconditionnel à l'esprit et à la lettre du projet de décision du C_4 de la part du Groupe des PMA, du Groupe Africain et du Groupe des ACP et Un soutien, non moins explicite, mais assortie de modifications mineures liées plus à la forme qu'au fond faveur du projet de décision de la part du G-20, du Brésil, et de la Chine. L'Union Européenne (UE) a quant à elle exprimé un appui prudent en principe satisfaite par la soumission du C-4. L'Union Européenne soutient l'idée de la clause de statut quo en ce qui concerne les soutiens internes sous réserve qu'elle respecte le niveau des 272 millions d'Euros qui lui sont concédés au titre de la boîte bleue.

La seule objection non étonnante est venue des Etats-Unis d'Amérique qui ont déclaré n'est pas être en mesure de discuter en ce moment de la proposition du C_4 sur le coton compte tenu de la situation à Washington. Mais d'ores et déjà, ils ont indiqué que le coton est lié à l'agriculture et à ce stade et se déclarent non recevabilité de la soumission du projet décision du C-4 et ce, pour la simple raison que depuis 2011 rien n'a changé et en plus, ils n'ont rien obtenu jusqu'à présent de la part de leur partenaire de concessions intéressantes dans les autres domaines de négociations.

Les consultations continuent avec les différentes parties prenantes de la question du coton, sous l'égide du facilitateur des PMA et du Président du Comité de l'Agriculture (Session spéciale), afin de parvenir à un accord sur cette soumission à Bali et de soulager un temps soit peu la vie de plusieurs millions de personnes dont l'avenir et la survie sont liés à cette culture vitale.

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II. Point des négociations sur le volet Développement

Suite aux réunions de mars 2004 à Cotonou et de juin 2004 de l'Union Européenne à Paris sur l'aspect développement, le Conseil général de juillet 2004 a été décidé de reconnaitre que le traitement de la question du coton comportera deux volets dont un volet relatif aux politiques commerciales et l'autre volet relatif à l'aide au développement du coton.

En octobre 2004, conformément au mandat du Conseil Général du mois d'août de la même année, le Directeur Général de l'OMC forma un « Mécanisme du cadre consultatif du Directeur général de l'OMC en faveur du coton », composé du C_4, des pays donateurs bilatéraux et des institutions multilatérales, notamment le FMI et la Banque mondiale. Ces consultations, qui ont pour principal objet l'échange de renseignements sur l'aide en faveur du coton et de permettre aux membres d'être informés de la situation des négociations et du marché, ont élargi la participation de la communauté du développement pour remédier à la question du coton.

Finalement la Conférence ministérielle de Hong Kong de décembre 2005 a entériné l'option prise à Genève (Paquet de Juillet 2004) d'aborder la question du coton, non seulement du point de vue commercial, mais également à travers l'aspect « développement et ont également réaffirmé la complémentarité des aspects relatifs aux politiques commerciales et à l'aide au développement sur la question du coton. Dans ce sens, Concernant les aspects relatifs au développement: (i) l'intensification des efforts de consultation du Directeur général avec les institutions compétentes, notamment en vue d'explorer la possibilité d'établir un mécanisme pour faire face aux baisses de revenu dans le secteur du coton jusqu'à la fin des subventions; (ii) le Directeur général devra aussi fournir un rapport périodique à la prochaine conférence ministérielle et mettre en place un mécanisme de suivi et de surveillance approprié ; (iii) l'intensification par la communauté du développement de l'aide concernant spécifiquement le coton, notamment par la promotion de la coopération Sud-Sud dans des domaines tels que le transfert de technologies ; et (iv) la poursuite des efforts de réforme interne des producteurs de coton africains visant à accroître la productivité et l'efficience.

Conformément au mandat confié par les Ministres du Commerce à Hong Kong en 2005 réaffirmant le cadre de juillet 2004, le Directeur général de l'OMC a poursuivi son travail de consultation à travers le mécanisme du cadre consultatif du Directeur général de l'OMC en faveur du coton. Dans ce cadre, il a mis en place un tableau opérationnel évolutif sur l'aide au développement en faveur du coton dont la circulation régulière devait faciliter le suivi des progrès accomplis sur les aspects du dossier coton relatifs au développement. Ce tableau évolutif comprend trois parties : (i) l'aide au développement portant spécifiquement sur le coton ; (ii) l'aide au développement en faveur du coton fournie dans le cadre de l'aide liée à l'agriculture et aux infrastructures ; et (iii) les ressources disponibles pouvant être utilisées pour le secteur du coton si le pays bénéficiaire éligible le souhaite. Aujourd'hui, ce tableau constitue l'instrument sur la base duquel s'engagent la communauté du développement et les bénéficiaires de l'aide au développement en faveur du coton, ainsi que la base sur laquelle est préparé le rapport périodique du Directeur général

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aux conférences ministérielles. C'est un instrument de transparence, et une référence pour ceux qui doivent rendre des comptes et surveiller la mise en oeuvre.

Le paragraphe 12 de la déclaration ministérielle de Hong Kong définit le cadre dans lequel il est demandé à la communauté internationale du développement « d'intensifier encore son aide concernant spécifiquement le coton et de soutenir les efforts du Directeur général ». Dans ce contexte, il est demandé « instamment aux Membres de promouvoir et d'appuyer la coopération Sud-Sud, y compris le transfert de technologie ».

En même temps, les pays africains producteurs de coton sont encouragés à poursuivre et à approfondir leurs efforts de réforme interne visant à accroître la productivité et l'efficience de leurs filières cotonnières.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de ces dispositions qui à travers le Mécanisme du cadre consultatif du Directeur général (de l'OMC) en faveur du coton, deux réunions se tiennent par an pour faire le point des contributions des donateurs et des reformes internes dans les pays producteurs de coton du sud.

La dernière (la 20ème) s'est tenue en fin octobre 2013 et la 16ème version du tableau évolutif sur l'aide au développement en faveur du coton16 a fait l'objet de l'examen des participants.

La mise à jour du tableau évolutif a été rendue possible par les contributions du Brésil, des Etats-Unis, du Japon et de l'Union européenne (ainsi que de plusieurs de ses États membres), et de plusieurs institutions multilatérales, à savoir la Banque mondiale, le CFC, la FAO, le FMI, l'ITC et l'ONUDI. Il convient de signaler l'appui constant et les contributions importantes apportés par le Brésil, la Chine et l'Inde concernant la plateforme de coopération Sud-Sud.

Elle fait ressortir, en ce qui concerne l'Aide au développement spécifique en faveur du coton, que le nombre de bénéficiaires individuels est passé de 25 dans la version précédente (15ème version du tableau sur l'aide au développement) à 32, tandis que le nombre total d'engagement est passé de 43 à 46.

Dans le même temps, la valeur totale des engagements a diminué, de 2,3 millions de dollars US pour s'établir aujourd'hui à 363,2 millions de dollars US, principalement en raison du transfert des projets terminés.

Les décaissements quant à eux ont diminué de 13,1 millions de dollars US, pour atteindre 118,5 millions de dollars US. Il en est de même du ratio décaissements totaux /engagements totaux qui a légèrement diminué, passant 36% à 33%. Le nombre de bénéficiaires individuels est demeuré stable à 28.

S'agissant de l'Aide au développement dans les domaines de l'agriculture et des infrastructures connexes, le nombre total d'engagement est passé de 44 à 46 et

16 Document de l'OMC publié sous la côte WT/CFMC/6/Rev.15

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la valeur totale de ces engagements a baissé à 4,86 milliards de dollars US, alors que les décaissements ont nettement augmenté, de 593,9 millions de dollars US, pour atteindre 2,19 milliards de dollars US.

Quant au ratio décaissements totaux /engagements totaux, il a grimpé de 29% à 45%. Le nombre de bénéficiaires individuels est passé quant à lui de 28 dans la version précédente à 19.

L'examen de ce point de l'ordre du jour a, en outre, permis d'apprécier l'appui constant et les contributions importantes apportés au titre de la coopération Sud-Sud par des pays partenaires tels que le Brésil, la Chine et l'Inde, le Pakistan.

Les débats qui ont suivi l'examen de ce point font ressortir la constance de la nécessité d'une évaluation qualitative de diverses activités figurant dans le Tableau évolutif. De nombreuses délégations ont à nouveau souligné la nécessité de poursuivre la réflexion s'agissant de l'évaluation de l'impact de l'aide en faveur du secteur du coton dans le domaine des infrastructures sur le terrain, avec pour objectif, d'identifier les contraintes et les besoins, tout en recherchant des solutions possibles, propres à améliorer l'efficacité de cette aide.

Huit ans après l'adoption de ces mesures, le C-4 constate que les apports fournis par les partenaires au développement dans le cadre de l'aspect

« développement » du dossier coton semblent, sous leur forme actuelle, de plus en plus obsolète. C'est pourquoi, le C-4 a demandé de tenir compte dans les négociations du nécessaire lien entre l'aspect développement du dossier coton et l'initiative de l'Aide Pour le Commerce (APC) et s'est engagé à définir, en lieu et place des projets nationaux épars à l'impact relativement limité, un cadre propice à la formulation de programmes ou projets conjoints multidimensionnels et intégrés à soumettre aux partenaires au développement. Cette option a été acceptée et doit être mise en oeuvre.

Dans ce sens plusieurs pays pourraient se mettre ensemble pour élaborer et soumettre des projets aux partenaires en développement.

D'une manière générale, il est à retenir que s'il est indéniable qu'il existe des progrès sur les aspects d'aide au développement comme il ressort du rapport du Directeur Général de l'OMC du mois de décembre 2012, des efforts restent à faire, notamment, pour réduire l'écart entre les engagements et les décaissements, d'une part, et pour mettre en place des mécanismes efficients d'évaluation qualitative de l'aide et de son impact, d'autre part.

III. Différend Brésil/États-Unis

Il est intéressant de rappeler qu'avant le lancement de l'initiative sectorielle en faveur du coton, le Brésil avait initié en 2002 une plainte contre les Etats-Unis devant l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC. Le Bénin et le Tchad membre du groupe C_4 se sont d'ailleurs constitués tierces parties dans cette affaire. Dans cette affaire, le Brésil reprochait aux Etats-Unis de favoriser ses producteurs de

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coton upland17 en leur garantissant des mesures de soutien interne et des crédits à l'exportation.

En 2009, au terme d'une procédure de plus de sept ans au cours de laquelle les Etats-Unis ont utilisé tous les recours possibles, l'arbitrage de l'ORD a autorisé le Brésil à prendre des mesures de rétorsion contre les Etats-Unis dont les mesures en cause avaient été reconnues incompatibles avec l'Accord sur l'agriculture et l'Accord SMC. Le Brésil était ainsi autorisé à suspendre dans une certaine mesure des concessions ou d'autres obligations au titre des Accords sur le commerce des marchandises, et potentiellement de s'affranchir de certaines obligations au titre de l'Accord sur les ADPIC et/ou de l'AGCS. Après avoir d'abord annoncé son intention d'appliquer de telles mesures de rétorsion, le Brésil a annoncé en avril 2010 qu'il différait l'application de ces mesures car il menait des discussions avec les États-Unis en vue de parvenir à une solution mutuellement satisfaisante du différend. Sous la menace, les Etats-Unis ont proposé la suppression des crédits de garantie à l'exportation GSM-102. Les Etats-Unis ont une autorisation de 5,5 milliards de dollars de garanties de crédits à l'exportation. 2,7 milliards de dollars ont été alloués et 1,9 milliards ont été utilisés jusqu'à maintenant. La proportion non utilisée de ce crédit sera retirée et placée dans un système neuf et révisé qui reste à déterminé. Cela représente une toute première étape vers la mise en conformité de la politique commerciale américaine avec certaines obligations de l'OMC. Un accord bilatéral passé entre les deux protagonistes en 2010 offre également une compensation financière au Brésil à hauteur de 147,3 millions de dollars par an pour fournir une assistance technique et un renforcement des capacités en faveur du secteur du coton. Le fonds restera en vigueur jusqu'à l'approbation de la prochaine Farm Bill ou d'une solution mutuellement agréée du différend sur le coton, si celle si intervient avant.

Cet accord est indirectement bénéfique aux pays africains producteurs de coton. En effet, le Brésil utilise une partie (10%) de la compensation financière annuelle fournie par les États-Unis pour accorder une assistance aux pays africains producteurs de coton. De plus, cet accord maintient la pression sur les Etats-Unis pour leur mise en conformité avec les règles de l'OMC. Ceux-ci n'ont eu d'autre choix que de traiter de manière systémique au moins une question : leur système de garanties de crédit à l'exportation. Il faut espérer que ce premier pas débouche sur une mise en conformité totale avec les obligations de l'OMC et un effort signal doit être donné dans le cadre de la révision de la farm bill en cours actuellement.

L'accord intérimaire montre aussi les limites du système multilatéral. Il ressort que les grandes puissances peuvent être amenées à la table des négociations seulement sous la pression économique d'autres puissances, alors que les règles du commerce multilatéral ont pour objectif de protéger le faible contre l'usage arbitraire de la puissance économique. Le fait que le Brésil reçoive une compensation alors que les pays africains ne peuvent faire entendre leur cas légitime ne contribue certainement pas à la croyance en un système multilatéral équitable et participatif.

D'aucuns seront tentés de se demander pourquoi les africains n'ont pas emprunté la même voie que le Brésil. C'est en effet une option qui fut longuement

17 Variété de coton cultivée au Etats-Unis

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discutée, au début de l'initiative en 2003, au cours d'une réunion ministérielle du C_4 à Ouagadougou (Burkina Faso) mais qui ne fut pas retenue compte tenu du coût généralement élevé des prestations des cabinets d'avocats de qualité. Bien que le Centre Consultatif sur la Législation de l'OMC (ACWL en anglais) puisse aider les PMA dans une telle procédure, cette aide demeure largement insuffisante. De plus, quand bien même les pays africains se seraient engagés avec succès dans une telle procédure, ils n'auraient pas disposé de véritables mesures de rétorsion pour forcer la puissance américaine à se conformer à la décision de l'ORD. C'est pourquoi le C_4 a préféré la voie des négociations à l'OMC qui n'a, malheureusement, pas donné les résultats escomptés jusqu'à présent.

Observations et conclusion

...Nous avons vu au niveau de l'aspect commercial du dossier coton qu'à ce jour même s'il a eu quelques avancées sur l'accès aux marchés et sur la concurrence à l'exportation, le soutien interne est et demeure le levier sur lequel il faut rapidement agir pour donner un signal fort à l'ensemble des pays les moins avancés et africains producteurs de coton, car ce sont subventions internes américaines et européennes qui posent le plus de problèmes aux filières cotonnières africaines.

La position du C_4 (sa soumission de juin 2006 qui est toujours sur la table des négociations) n'a pas varié, en ce sens qu'il la juge comme étant la concession minimale pour laquelle il accepterait un quelconque accord et repris dans les textes de modalités sur l'agriculture.

Au niveau de l'aspect développement, tout en mesurant l'importance de l'aide au développement en faveur du coton, le C_4 a toujours souligné que l'aspect commercial reste la solution idoine pour les filières cotonnières africaines menacées de disparition. C'est pourquoi il a toujours appelé de tous ses voeux à la conclusion rapide du Programme de Doha dans l'esprit du mandat donné pour le coton dans la déclaration ministérielle adoptée à Hong Kong en décembre 2005.

Mais quelles sont les autres problèmes du secteur cotonnier notamment internes des filières cotonnières africaines ? C'est ce que nous allons voir dans le chapitre 2.

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Chapitre II. Etat des lieux des filières cotonnières en Afrique

Ce chapitre fera un état des lieux des filières cotonnières en Afrique notamment les difficultés rencontrées et les différentes réformes internes entreprises pour rendre plus compétitif le coton africain et enfin, un volet relatif aux différentes aides sera détaillé.

I. Principaux problèmes du secteur coton en Afrique

Les principaux problèmes du secteur cotonnier des pays de l'Afrique notamment de l'Ouest et du Centre sont à la fois internes et externes. Ils forment un ensemble complexe qui influe sur la production, la consommation, le commerce et l'évolution des prix ainsi que sur la capacité des organisations professionnelles à s'impliquer substantivement dans les dynamiques du secteur.

I.1. Environnement

La culture du coton requiert exige l'utilisation importante de pesticides, d'engrais chimiques et d'eau, provoquant un impact très défavorable sur l'environnement. Les engrais à base de nitrogène et les pesticides ont des effets de contamination de l'environnement et requièrent des contrôles de suivis des importations et une gestion rapprochée de leur utilisation.

A titre d'illustration, alors que l'immense majorité des scientifiques annoncent un réchauffement climatique de la planète, la production d'un kilo de coton nécessite en moyenne l'utilisation de 5.263 litres d'eau contre 900 litres pour produire un kilo de soja ou 590 litres pour produire un kilo de blé.

Une des conséquences les plus catastrophiques de la production de coton a été le quasi-assèchement de la Mer d'Aral, 4ème grand lac intérieur au niveau mondial, qui a ainsi perdu en l'espace de 30 ans les 3/4 de son volume d'eau et la multiplication par 3 de son taux de salinité.

Les politiques et les programmes se doivent d'intégrer les résultats de la recherche sur les intrants, l'éco-culture et la biotechnologie.

I.2. Compétitivité et productivité

La compétitivité et la productivité du coton reposent sur la réduction des coûts et l'amélioration des semences, des méthodes culturales et des intrants ; elles requièrent des services d'encadrement plus efficaces.

L'accroissement de la production cotonnière en zone CFA a été remarquable. Mais il a été du à l'augmentation des surfaces cultivées : depuis une décennie, les rendements ont plafonné et parfois diminué.

La baisse du cours mondial du coton est partiellement due à la réduction du coût de production dans plusieurs pays exportateurs et cette réduction reflète une évolution des systèmes de production, qu'il s'agisse des semences transgéniques18, de la

18 Le coton transgénique, introduit en 1996, couvre aujourd'hui plus de 40% de la production mondiale et plus de 25% des superficies cultivées, plus particulièrement dans les pays développés et en Afrique du Sud où il atteint le niveau d'utilisation de 80% ;

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pratique du labour zéro ou d'autres innovations. Si les pays africains veulent rester compétitifs, ils ne peuvent pas ignorer cette évolution.

La poursuite de l'expansion requiert donc une augmentation des rendements, c'est l'intensification de la culture qui permettra aux producteurs d'augmenter leurs revenus par hectare malgré la stagnation ou la baisse des cours mondiaux et assurera la pérennité de la filière.

Il est à noter que sur ce point essentiel, les producteurs africains et leurs partenaires sont tous d'accord.

I.3. Volatilité des prix

Selon le Comité Consultatif International du Coton (CCIC), le prix mondial du coton égrené est très volatile quelle que soit l'échelle de temps retenu. Cette volatilité des prix constitue un risque permanent qui pèse sur le revenu des cotonculteurs.

A titre d'illustration l'indice A19 traduit en FCFA a augmenté de 24% entre 2001/02 et 2003/04 avant de chuter de 30% de 2003/04 à 2004/05. Si les prix reçus par les producteurs étaient déterminés par les lois du marché, les fluctuations de ces prix dépasseraient celles de l'indice A.

Les coûts encourus depuis la collecte du coton graine au village jusqu'à la livraison au port de destination sont comptent20 pour 45% de la valeur de l'Indice A et on estime que les 2/3 de ces coûts sont incompressibles. Des 55% restant, 1/3 n'est pas versé au producteur, car il est prélevé pour apurer les crédits intrants mis en place une année plus tôt. Aussi, le montant perçu par le producteur ne représente qu'environ 37% de la valeur de l'Indice A.

Si cet Indice baissait de 20% et si les frais compressibles ne pouvaient être réduit que de 10%, le revenu net des producteurs diminuerait de moitié, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour les ménages dépendant du coton pour l'essentiel de leurs revenus monétaires et irait à l'encontre de la lutte contre la pauvreté21.

I.4. Financier et Monétaire

En ce qui concerne les problèmes financiers la production de coton nécessite d'importantes importations de pesticides, de semences et d'engrais. A titre d'exemple, un rapport récent de l'OMC souligne que la valeur des intrants par Madagascar pour la culture du coton a été supérieure à la valeur du coton produit. Autre exemple, de nombreux cotonculteurs indiens qui se sont lancés dans la culture de coton OGM sont actuellement financièrement étranglés, ne pouvant plus payer leurs factures de semences OGM à leurs fournisseurs américains.

19 L'indice Cotlook A est conçu pour être représentatif du niveau d'offrir des prix sur le marché international du coton brut

20 Sur la base des données de la SOFITEX (Burkina Faso),

21 Louis Goreux, « Volatilité des prix et subventions », ACA 10 mars 2005

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Monétaires également: les cours et par voie de conséquence les revenus des cotonculteurs varient fortement en fonction des fluctuations du dollar.

La dépréciation du dollar américain par rapport au CFA arrimé à l'euro pénalise la filière. Exemple, entre 2001 et 2008, le taux de change du dollar par rapport au CFA a été divisé par 2. En avril 2002, le taux de change était de 740 F CFA pour 1 dollar en moyenne contre 416 pour 1 dollar en juillet 2008. Cette dépréciation du dollar par rapport au CFA a eu pour conséquence la baisse du prix aux producteurs des pays de la zone CFA.

I.5. Equilibre des filières coton

Les performances financières du secteur cotonnier, compte tenu de la volatilité des prix du marché comparée aux coûts de production et de commercialisation sont caractérisées par des années déficitaires. Il est besoin de mécanismes de compensation pour assurer au minimum l'équilibre des comptes du secteur et assurer un revenu garanti aux producteurs.

Face à la volatilité des prix et en l'absence de compensations financières sur le plan international, les pays africains sont contraints de recourir à la politique et à des mécanismes de soutien.

Une des solutions proposée est celle du Fonds de soutien dont la formule ne fait pas l'unanimité. Dans ce système, il s'agit d'abonder le fonds dans les années fastes pour soutenir le revenu dans les années néfastes. Le fonds peut réduire l'amplitude des fluctuations d'année en année mais il ne peut pas modifier la tendance à moyen terme. Si l'indice A marque une tendance baissière, la filière ne peut rester compétitive que si les coûts de production diminuent22.

I.6. Concurrentiels

Les producteurs de coton Africain sont face à de très gros producteurs américains ou brésiliens, très mécanisés. Les écarts de productivité, de rendement et donc de coûts sont considérables, en défaveur des pays africain.

I.7. Subventions

Le fait que les subventions cotonnières américaines contribuent à déprimer le cours du coton sur le marché mondial et causent un préjudice aux exportateurs de coton a été reconnu par les juges de l'OMC comme nous l'avons vu au chapitre précédent à l'issue du différend opposant le Brésil aux Etats-Unis. L'expansion de la culture du coton a contribué à réduire la pauvreté en zone sahélienne et la relation de cause à effet ne semble plus contestée.

Il y a lieu de rappeler simplement comme nous l'avons également vu au chapitre précédent, le message puissant de l'Initiative des quatre Pays les Moins Avancés (PMA) soumise en mai 2003 à l'OMC et qui stipulait à juste titre que l'élimination des

22 Louis Goreux, « Soutien d'urgence », 29 mai 2005

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subventions aux USA et dans l'Union européenne réduirait la pauvreté de 10 millions d'africains vivant avec moins de 1 dollar par jour et par personne et ne coûterait rien aux E.U et à l'UE puisque les pertes de leurs producteurs seraient plus que compensées par les gains de leurs contribuables.

I.8. Libéralisation et privatisation

L'expérience a montré que la libéralisation conduisait généralement à une augmentation de la production et une réduction des coûts. Certains en ont conclu que la libéralisation de la filière cotonnière était la solution pour l'Afrique. Si les cours baissent, il faut accélérer les réformes et permettre la libre accès des opérateurs privés à tous les maillons de la filière afin d'intensifier la concurrence.

Mais, les réformes des filières cotonnières africaines n'ont pas été sans causer de problèmes, comme il apparaît dans l'étude comparative de six pays africains conduite il y a deux ans23.

La production a augmenté plus rapidement en zone CFA où la libéralisation était moins avancée (en particulier au Burkina et au Mali) que dans le reste de l'Afrique (en particulier, au Ghana et en Tanzanie) où les réformes étaient plus avancées. Le monopole dont bénéficiait la SONAPRA au Bénin a été aboli en 1995 avec l'entrée d'égreneurs privés sur le marché, mais la production du Bénin a plafonné de 1995/96 à 2004/05, alors que celle du Burkina a quadruplé au cours de la même période.

Néanmoins, l'augmentation de la production dans les pays avant la libéralisation ne s'est pas toujours accompagnée d'un équilibre des comptes du secteur et cette situation a requis des interventions coûteuses de l'Etat.

Il faut sans doute réformer. Cependant, dans les processus de réformes, il y aura lieu de tenir compte des leçons apprises, des bonnes pratiques et des exigences d'efficacité.

I.9. Transformations locales

En exportant les produits finis au lieu de la fibre, les pays africains seraient moins pénalisés par les subventions accordées aux producteurs américains et l'Afrique s'industrialiserait.

Des entreprises textiles ont été établies en Afrique de l'Ouest depuis un demi-siècle, mais les résultats ont été décevants. Il y a vingt ans, le Bénin, le Burkina, la Côte d'Ivoire et le Mali transformaient localement 22% de leur production de fibre, aujourd'hui, ils en transforment à peine 5%.

Le Sahel dispose d'un avantage comparatif dans la production de coton fibre, car le coton est cultivé manuellement dans une zone où le coût d'opportunité de la main d'oeuvre familiale est très faible. Mais le Sahel ne dispose pas d'un avantage comparatif dans la transformation de la fibre en filés, car cette transformation requiert

23 « Reforming the Cotton sector in Sub-Saharan Africa » by Louis Goreux. Second edition. Africa Region Working Paper Series, No 62, November 2003. Version française publiée par le MAE, Paris, juillet 2003.

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peu de main d'oeuvre non spécialisée et beaucoup d'électricité qui est très chère au Sahel. Avec la hausse récurrente du prix du pétrole, le problème ne trouve pas de solution sinon ne fait que s'aggravé.

Dans une étude conduite sous l'égide de la BOAD24 et présentée en juin 2003 à Ouagadougou, les auteurs estimaient que, pour attirer les investisseurs, il faudrait leur garantir une subvention de 30% sur leurs achats de coton fibre pendant une période de 15 années au moins.

Il serait dangereux à notre avis de s'engager dans cette voie, en particulier aujourd'hui lorsque certaines filatures américaines ont été fermées après la récente suppression des quotas sur les importations de produits textiles.

Ceci ne veut pas dire que les pays sahéliens ne doivent pas transformer une plus grande part de leur coton en produits textiles destinés à l'exportation. Mais cela prendra du temps et on ne peut pas réduire le revenu des producteurs pendant 15 ans pour donner des subventions aux filateurs sans compromettre la survie de la filière.

En outre, dans l'hypothèse d'une conjoncture de hausse continue du prix de pétrole, les graines de coton, déjà triturées pour produire de l'huile alimentaire, peuvent être transformées en carburant biologique. La filière huile et ses esters constituent, en effet, à court terme une bonne opportunité pour la production de biocarburants à base d'huile de coton incorporable jusqu'à 30% dans le gazole traditionnel pour tous les types de moteurs diesel selon certains chercheurs.

La production d'aliments du bétail à partir des tourteaux issus des huileries qui triturent la graine de coton constitue une autre voie de création de valeurs ajoutées. Il en est de même pour l'artisanat textile dont le développement et la promotion des produits vers les marchés internationaux notamment offre une autre voie de transformation locale.

I.10. Intrants et crédits

Dans les systèmes intégrés des sociétés cotonnières25 les intrants sont fournis avec les crédits d'accompagnement et le mécanisme de financement et de mise en place est bien rodé. Avec les privatisations, les cotonculteurs devront se fournir les intrants et accéder eux-mêmes au crédit. En outre, au niveau des exploitations familiales, on note un « conflit » entre les logiques du coton et celles plus larges de l'exploitation qui entraîne un détournement des engrais coton vers les cultures vivrières.

Il devient alors urgent de veiller à assurer un système efficace de financement et d'approvisionnement en intrants, de mettre en place à temps (avec une saison d'anticipation) les intrants et la commercialisation des semences et d'assurer

24 Etude d'identification et de promotion d'unités industrielles régionales dans la filière coton de l'UEMOA », mars 2003.

25 Le financement du crédit d'achat des intrants est assure par les sociétés cotonnières sur nantissement du coton fibre et la mise en place des intrants auprès des producteurs est réalise concomitamment avec l'enlèvement du coton graine.

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l'efficacité de la gestion des intrants au niveau des exploitations pour une meilleure productivité.

I.11. Organisations professionnelles

Le développement des organisations professionnelles dans le secteur du coton est une des caractéristiques des évolutions récentes, celles-ci sont en montée de puissance.

Néanmoins les problématiques qui les caractérisent sont celles du renforcement de leurs capacités et de leur implication substantive dans la gestion du secteur. Il s'agit de s'assurer que les paysans participeront de plus en plus efficacement dans des filières privatisées, de renforcer leur capacités d'influence dans la répartition du coût des filières et la rationalisation de la gestion des sociétés cotonnières et d'améliorer en continu l'organisation et la structuration internes des organisations professionnelles du secteur cotonnier et renforcer leur rôle de défense des intérêts du secteur et des cotonculteurs (« advocacy role).

I.12. Autres problèmes liés au Contexte du Commerce International

Au niveau international, régional ou bilatéral, nous avons certains accords qui ont un impact sur le secteur cotonnier africain.

I.12.1. Accord Multifibres (AM)

La disparition de l'Accord Multifibre en décembre 2004 a fait du marché textile mondial un vaste marché ouvert à la concurrence. Ce système de quotas avait jusqu'à présent organisé l'accès préférentiel aux marchés.

I.12.2. Loi des Etats-Unis sur la Croissance et les Opportunités en Afrique (AGOA)

L'AGOA supprime tous les contingents applicables aux textiles et aux vêtements en provenance d'Afrique sub-saharienne et élargit l'accès en franchise de douane au marché américain pour les vêtements fabriqués à l'aide de fils et tissus qui n'existent pas aux Etats-Unis, avec du fil et du tissu africain et, pour les pays africains les moins développés, avec du tissu en provenance de pays tiers. De nombreux pays africains ont su profiter de l'AGOA, mais malheureusement aucun pays de l'UEMOA ne fait partie encore des exportateurs du fait, sans doute, de la quasi inexistence d'entreprises de confection dans l'UEMOA.

I.12.3. Accords de Lomé et de Cotonou

Les Accords de Lomé et de Cotonou (Système de Préférences Généralisées de l'U.E « Tout sauf les armes ») accordaient un régime commercial privilégié en faveur des pays ACP et étaient plus avantageux que le « système de préférences généralisées » pour les pays en développement. Les Accords de Cotonou (juin 2000) prévoient essentiellement que les préférences non réciproques actuelles et les protocoles produits seront maintenus jusqu'au 31 décembre 2007. A l'issus de cette

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période, des accords de partenariat économique seront conclus entre l'UE et des sous ensembles ACP constitués de zones d'union douanière en vue de la libéralisation progressive des échanges et entreront en vigueur en janvier 2008.

Depuis le 31 décembre 2007, certains pays notamment non PMA non signé ou paraphé des APE intérimaires ou complets alors que certaines questions comme la notion de règle d'origine (origine du produit) ne sont pas encore réglées entre les parties prenantes.

II. Différentes réformes internes entreprises pour rendre plus compétitif le coton africain

Un accent est mis ici sur les différentes reformes entreprises par les quatre pays membres de l'initiative sectorielle en faveur du coton.

II.1. Production et rendement dans les pays du C_4

Selon les données du CCIC, la production de coton dans les pays du C_4 (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) est passée de 101 000 tonnes de fibre en 1980/81 (août 1980-juillet 1981) au niveau record de 759 000 tonnes en 2004/05, pour retomber ensuite à 326 000 tonnes en 2010/11et à 445 000 tonnes pour 2011/12.

Les exportations ont suivi la même tendance, passant de 97 000 tonnes à près de 750 000 tonnes entre 1980/81 et 2005/06, mais elles sont en forte baisse depuis quelques années et s'établi à 370 000 tonnes en 2011/12. L'utilisation de coton par les filatures stagne à moins de 15 000 tonnes dans les quatre pays. Entre 2004/05 et 2010/11, la superficie récoltée dans les pays du C_4 a reculé de 46 pour cent, les rendements ont baissé de 21 pour cent et la production a plongé de 57 pour cent.

En conséquence, la part du C _4 dans la production mondiale de coton est tombée de 2,8 à 1,3 pour cent, et sa part dans les exportations mondiales de 8 à 4 pour cent.

Les rendements du coton dans les pays d'Afrique francophone n'ont pas progressé depuis plus de 20 ans. Aucun des pays du C_4 n'a réussi à augmenter ses rendements depuis longtemps. L'augmentation des rendements résulte de l'adoption de nouvelles technologies, associée à une utilisation accrue d'intrants.

Les rendements dans les pays du C_4 avoisinaient en moyenne 400 kilogrammes de fibre par hectare entre le début des années 1990 et 2005/06, mais ils ont ensuite baissé, et la moyenne est tombée à 341 kilogrammes par hectare en 2010/11, soit 45 pour cent seulement de la moyenne mondiale (752 kg par hectare). En 1990/91, il représentait 81 pour cent de la moyenne mondiale. Les rendements faibles augmentent les coûts de production par kg et diminuent les revenus agricoles. On pense généralement que le coût de production plus faible par hectare dans l'Afrique francophone entraîne inévitablement un coût de production plus faible par kg de fibre, mais ce n'est pas le cas. Actuellement, il y a déjà très peu de possibilités d'abaisser les coûts de production en réduisant l'utilisation d'intrants ou en diminuant

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le coût des opérations sur le terrain; la seule solution viable qui permettrait aux pays du C_4 d'abaisser le coût de production par kg serait d'accroître les rendements.

Les spécialistes du coton dans le C_4 indiquent que les rendements sont nettement inférieurs au potentiel des variétés existantes compte tenu des pratiques de production en vigueur, c'est-à-dire, selon les estimations, 850 kilogrammes de fibre ou 2 tonnes de coton graine par hectare.

Rendements du coton - Monde et Afrique francophone

- - Afrique de l'Ouest -- Monde

Source : Comité Consultatif International du Coton (CCIC)

Le maintien d'un système monopolistique de gestion de la recherche cotonnière dans les pays d'Afrique francophone a contribué à la stabilité organisationnelle dans la région par rapport à l'Afrique orientale et australe, où certains pays ont dû affronter des changements plus radicaux que d'autres. La Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) a réduit son soutien à la recherche dans les pays d'Afrique francophone, mais cela n'a pas modifié l'orientation de cette recherche. L'une des caractéristiques particulières au Burkina Faso et au Mali est l'intégration d'une composante socioéconomique dans la recherche cotonnière.

II.2. Reformes internes du secteur coton dans les pays du C_4

Le rythme et l'ampleur des réformes dans le secteur cotonnier du C_4 varient d'un pays à l'autre. D'autres facteurs, notamment les prix internationaux du coton, ont également eu des effets importants sur la production. Trois des pays du C_4 (Bénin, Burkina Faso et Mali) font partie de la même Union économique et monétaire (UEMOA). Cette organisation régionale a engagé un plan stratégique commun pour stimuler la compétitivité du coton, la Stratégie coton-textile de l'UEMOA26.

Il ya lieu de mentionner que la mise en place en 2003 de l'« Agenda coton-textile » avec pour objectif principal de parvenir à terme à la transformation de 25% de la production de fibre coton de l'espace communautaire a été révisé en novembre 2010 pour le rendre plus opérationnel au contexte international. L'espace UEMOA

26 L'Agenda pour la compétitivité de la filière coton textile de l'UEMOA a pour objectif central la transformation du quart de la fibre produite annuellement dans l'UEMOA à l'horizon 2020.

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s'est-il doté donc en novembre 2010 de la stratégie coton-textile avec comme vision globale de transformer d'ici à 2020, 25% de la production annuelle de coton fibre, en y apportant plus de valeur ajoutée et en créant par la même occasion 50.000 emplois industriels.

II.2.1. Aperçu du système à circuit unique dans les pays du C-4 avant les réformes actuelles

Avant la réforme, le secteur cotonnier était intégré verticalement dans chacun des pays du C_4, une entreprise nationale se chargeant de promouvoir la production, de fournir conseils et intrants agricoles aux cultivateurs, d'acheter la totalité du coton graine à des prix fixes et garantis à chaque campagne, d'assurer le transport et l'égrenage du coton graine et d'écouler le coton graine et la fibre. Tous les producteurs de coton appartenaient à des organisations agricoles villageoises, qui étaient chargées de distribuer les intrants aux agriculteurs et de collecter le coton graine dans les villages. Leurs organisations de tutelle aux niveaux régional et national jouaient un rôle important dans la formulation des politiques au sein des filières cotonnières. Un prix d'achat garanti pour le coton graine était annoncé dans chaque pays avant la plantation sur la base du cours mondial attendu du coton. Le prix garanti était appliqué à l'échelle du pays et pour toute la campagne. Une ristourne était versée à la fin de chaque campagne de commercialisation si le prix moyen sur le marché était plus élevé que le prix d'achat27.

Plusieurs pays du C_4 ont commencé à réorganiser leur secteur cotonnier au milieu des années 1990 et ont adopté des politiques visant à encourager la privatisation dans le cadre des programmes d'ajustement structurel lancés par le FMI et la Banque mondiale. Des tentatives ont été faites pour renforcer les organisations de producteurs afin qu'elles participent plus activement aux décisions essentielles touchant le secteur. Les réformes étaient censées transférer des fonctions de gestion de la chaîne d'approvisionnement des gouvernements aux entreprises et aux groupements de producteurs28.

Dans le cadre des programmes de réforme, les pays du C_4 ont élaboré chacun leur propre modèle pour surmonter les différentes crises subies par leurs filières respectives et devenir compétitifs dans l'économie mondiale de la fibre.

II.2.1.1. Réformes dans le secteur du coton au Burkina Faso

Avant la réforme de 2004, le secteur fonctionnait selon un système à circuit unique, la société paraétatique SOFITEX détenant le monopole de la collecte, du traitement et de la commercialisation des graines, fibres et semences de coton. Dans de nombreuses régions, la SOFITEX était le seul fournisseur d'intrants et de services de vulgarisation. En 2004, le secteur a abandonné son système à circuit unique pour passer à un système de monopole local. La SOFITEX s'est retirée de deux zones géographiques, dont l'exploitation a été concédée à titre exclusif à deux nouvelles sociétés cotonnières privées. La coordination du secteur a été confiée à une

27 Levrat, Régine, 'Le coton dans la zone franc depuis 1950 : Un succès remis en cause', Paris, Éditions l'Harmattan, 2009, pages 105 à 123.

28 Levrat, Régine, ibid., page 159.

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association interprofessionnelle composée des associations nationales d'agriculteurs et d'égreneurs.

En outre, le Burkina Faso a officiellement approuvé l'utilisation commerciale du coton biotechnologique en 2009/10. Des variétés Bt (résistantes aux vers du cotonnier) ont été plantées sur 59 pour cent de la superficie totale en 2011/12. Toutefois, une grave sécheresse a limité la production à 141 000 tonnes en 2010/11, et les pluies sont restées inférieures à la moyenne en 2011/12. La production totale de coton graine du Burkina Faso a été de 449 641 tonnes pour 2012/13 et la la production de fibre a été de 151 000 tonnes. Les objectifs assignés permettent de s'inscrire, respectivement dans des prévisions de l'ordre de 730 000 tonnes graine pour la campagne 2013-2014.

II.2.1.1.1. Processus de réforme au Burkina Faso

Les réformes du secteur du coton au Burkina Faso visaient à consolider les organisations de producteurs et à libéraliser le secteur tout en préservant les avantages de l'intégration.

En 1996, la SOFITEX a commencé à créer de nouveaux de groupements de producteurs de coton (GPC) au niveau des villages pour remplacer les groupements villageois, devenus insolvables en 1992. Des unions départementales et provinciales des GPC ont été créées en 1997, et l'Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), qui représente au niveau national l'ensemble des unions locales, a été établie en 1998.

L'État a cédé à crédit 30 pour cent du capital de la SOFITEX à l'UNPCB (ramenant ainsi sa participation à 35 pour cent) et a transféré la responsabilité de la coordination/gestion du secteur du coton aux parties prenantes par la voie d'un accord interprofessionnel entre l'UNPCB et la SOFITEX et de la création d'un comité de gestion du secteur du coton.

La dernière étape de la libéralisation a été la cession par l'État de certains actifs de la SOFITEX à des investisseurs privés, sélectionnés par voie d'appel d'offres. Les nouvelles sociétés, FASO COTON (groupe Aga Khan et Paul Reinhart) et SOCOMA (groupe GEOCOTON), ont démarré leur activité en 2004 dans le cadre de contrats de huit ans leur accordant un droit exclusif d'achat du coton graine, respectivement dans le centre et l'est de la ceinture cotonnière burkinabé. Ces zones représentaient 15 pour cent de la production nationale. L'UNPCB possède 10 pour cent des parts de FASO COTON et 13 pour cent des parts de la SOCOMA.

En conséquence, trois sociétés cotonnières se partagent actuellement le contrôle de la production de coton au Burkina Faso :

- la SOFITEX (Société des fibres textiles du Burkina) dans l'ouest avec 20 provinces ;

- la SOCOMA (Société cotonnière du Gourma) dans l'est avec six provinces;

- FASO COTON dans le centre avec 12 provinces.

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Ces trois sociétés disposent au total d'un parc de 18 usines d'égrenage d'une capacité journalière cumulée d'environ 6 500 tonnes de coton graine et de deux usines de délitage pour la production et le traitement de la semence.

II.2.1.1.2. Organisation actuelle du secteur cotonnier au Burkina Faso

Afin de défendre leurs intérêts et de fédérer leurs efforts, ces trois sociétés ont créé en 2006 une association professionnelle des sociétés cotonnières du Burkina (APROCOB). Il en est de même pour les cotonculteurs qui, dans le souci de gérer au mieux leurs activités, se sont regroupés au sein de l'Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB). Actuellement, la filière cotonnière du Burkina est gérée par l'Association interprofessionnelle du coton du Burkina Faso (AICB), qui est le regroupement de l'APROCOB et de l'UNPCB. Les producteurs de coton détiennent des parts du capital de chacune des trois sociétés (SOFITEX, SOCOMA et FASO COTON) et font partie, en tant qu'actionnaires, du Conseil d'administration de l'AICB, ce qui leur permet de mieux comprendre les difficultés rencontrées par la filière.

La réorganisation du secteur a comporté la création d'un mécanisme novateur de gestion du risque prix grâce à la mise en place d'un fonds de stabilisation des prix du coton fibre (Fonds de lissage). Selon ce mécanisme, le prix d'achat du coton graine est calculé à chaque campagne en fonction d'une moyenne mobile sur cinq ans de l'indice A de Cotlook, qui sert d'indicateur des prix internationaux moyens du coton.

Lorsque les prix d'une campagne sont supérieurs à la moyenne mobile, le Fonds conserve les recettes des trois sociétés cotonnières et lorsqu'ils sont inférieurs, le Fonds verse de l'argent aux trois sociétés pour leur permettre de maintenir le prix d'achat annoncé du coton graine. Le Fonds possède actuellement un important excédent dû aux prix élevés encaissés au cours des récentes campagnes.

Le gouvernement burkinabé envisage de céder à des investisseurs privés sa participation majoritaire dans la SOFITEX, de redéfinir les limites des trois zones de production et de vendre certaines usines d'égrenage pour réduire les déséquilibres entre la taille de la SOFITEX, de la SOCOMA et de FASO COTON.

Avec le désengagement effectif de l'État, l'AICB est devenue l'organe essentiel de gestion de la filière. Elle a pour missions principales de gérer l'Accord interprofessionnel afin d'assurer son application, y compris la fixation du prix d'achat et des standards du coton graine, de déterminer les conditions de cession des intrants agricoles aux producteurs et de gérer les fonctions communes, y compris la recherche, la question des intrants, le classement de la fibre et l'entretien des pistes des zones de production29. Les cultivateurs de coton, qui jouent un rôle administratif dans les sociétés, détiennent des parts dans chacune d'elles : 30,14 pour cent dans la SOFITEX, 13 pour cent dans la SOCOMA et 12,62 pour cent dans FASO COTON.

29 AICB, exposé sur la filière coton au Burkina Faso, 2012.

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III.2.1.1. 3. Situation actuelle et perspectives de la filière en 2012/13

Les filatures burkinabé ne transforment que 3 500 tonnes de coton par an, dont l'essentiel dans une seule entreprise dénommée FILSAH. La production est exportée à raison de 95 pour cent vers l'Asie, 2,7 pour cent vers l'Europe, 0,5 pour cent vers les États-Unis et 1,8 pour cent vers l'Afrique. La production de 2012/13 a été 172 000 tonnes de fibres et de 630 000 tonnes de coton graine.

Le secrétariat du CCIC observe que les réformes sectorielles ont donné de meilleurs résultats au Burkina Faso que dans les autres pays, même s'il n'y a pas de preuve tangible des gains d'efficacité générés par la privatisation de l'égrenage. Ce succès est dû à l'association d'une bonne gouvernance et d'une situation géographique singulière caractérisée par trois zones de production distinctes, ce qui débouche naturellement sur un triple système de fourniture des intrants et d'achat du coton graine.

La stabilisation du paysage institutionnel, la responsabilité des parties prenantes dans la gouvernance du secteur, l'utilisation de meilleures technologies et l'adoption de pratiques efficaces sont des facteurs clés de réussite de la filière au Burkina Faso.

Néanmoins, le cadre consultatif consensuel est souvent perturbé. C'est le cas en mars 2011 ou les agriculteurs à travers des manifestations souvent violentes exigeaient des prix plus élevés et une baisse du prix des intrants.

En mars 2011, les prix internationaux du coton ont atteint un niveau sans précédent avec près de 2,20 dollars EU la livre, que les cultivateurs de nombreux pays ont interprété comme un prix moyen dont ils souhaitaient bénéficier directement, sans ajustement pour les frais de transport ou d'égrenage. Bien que le prix d'achat réel de 274 CFA soit autour de 0,5 dollars par kilogramme ait été supérieur d'environ un tiers à celui des années précédentes, de nombreux cultivateurs étaient déçus. Les protestations ont causé d'importants dégâts matériels et entraîné un changement de direction à la SOFITEX.

II.2.1.2. Réformes dans le secteur du coton au Bénin

Au Bénin, la culture du coton occupe 150 000 foyers, dont les exploitations varient en moyenne de 2,5 hectares dans le sud à 5 hectares dans le nord. Il y a 18 usines d'égrenage qui ont une capacité totale d'environ 600 000 tonnes de coton graine par an. Après un record de 171 000 tonnes de coton fibre en 2004/05, la production a chuté bien au-dessous des 100 000 tonnes ces dernières années. Elle a été d'environ 77 000 tonnes de coton fibre et de 226.000 tonnes de coton graine au cours de la campagne 2012-2013.

III.2.1.2.1. Processus de réforme au Bénin

Avant les réformes, la Société nationale pour la promotion agricole (SONAPRA) avait le monopole de l'achat du coton graine, de la vente de coton fibre et de la livraison des intrants achetés à crédit par les cultivateurs. Dans le cadre du

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programme d'ajustement structurel, le gouvernement s'est retiré de la production de coton en 1991 et a commencé à libéraliser le secteur. La plupart des réformes ont été mises en oeuvre entre 1993 et 2000 :

- Les fonctions d'approvisionnement en intrants ont été progressivement

transférées au secteur privé, et la SONAPRA s'est retirée de cette activité en 2000.

- Huit entreprises d'égrenage privées ont obtenu une licence entre 1995 et 1998

(ce qui s'est traduit par une surcapacité d'égrenage) et chacune s'est vu attribuer un quota de coton graine par la SONAPRA jusqu'en 2000.

- Le monopole de la SONAPRA pour la commercialisation du coton graine a été supprimé en 2000.

- Des associations professionnelles nationales d'égreneurs et d'importateurs/de distributeurs d'intrants ont été créées.

- Après la Conférence nationale des forces vives en 1990, qui a prôné le désengagement de l'État de toutes les activités économiques, les Groupements révolutionnaires à vocation coopérative (GRVC) se sont structurés en organisations de tutelle sous-préfectorales, départementales et nationales. Une réforme adoptée en 2010 a remplacé les GVPC par des Coopératives villageoises de producteurs de coton (CVPC), dotées d'un agrément officiel pour la mise en place de leurs organisations de tutelle aux niveaux communal, départemental et national.

- Des organismes interprofessionnels, notamment la centrale de sécurisation des paiements et de recouvrement (CSPR) a été créée pour assurer le recouvrement de tous les crédits

La création de l'Association interprofessionnelle du coton (AIC) le

19 octobre 2000 était destinée à faciliter le passage en douceur de la gestion étatique de la filière coton à la privatisation complète. L'AIC est composée de trois familles professionnelles : le Conseil national des égreneurs de coton (CNEC), le Conseil national des importateurs et distributeurs d'intrants coton (CNIDIC) et le Comité consultatif national transitoire des producteurs de coton (CCNPC).

Les réformes ont entraîné la privatisation de l'approvisionnement en intrants, l'introduction d'entreprises d'égrenage privées et la création d'organismes interprofessionnels chargés de reprendre la gestion du secteur en appliquant un système très réglementé qui empêche la concurrence entre égreneurs. Dans la filière réformée, les organismes interprofessionnels répartissent le coton graine entre les entreprises selon leur capacité d'égrenage, tandis que les prix du coton graine restent fixes et uniformes dans tout le pays. La politique de réforme a été actualisée en 2001, 2008 et 2010 dont l'objectif étant d'établir une chaîne d'approvisionnement du coton privée mais intégrée à l'échelon national et d'en transférer la gestion de l'État à l'organisme interprofessionnel.

La complexité des mécanismes réglementant la distribution des intrants aux agriculteurs et la collecte du coton graine en fonction des quantités attribuées en rendait l'application difficile. Les versements faits aux agriculteurs pour le coton graine sont devenus irréguliers, ce qui a entraîné une chute de la production.

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Avec la privatisation fin 2008 de la principale société cotonnière, la SONAPRA, le secteur s'est concentré, de sorte qu'un opérateur privé contrôle toutes les usines d'égrenage sauf une, l'approvisionnement en intrants, le transport et une part importante de l'industrie de l'huile de coton et de l'industrie textile.

II.2.1.2.2. Réglementation de la filière coton et suspension de l'accord-cadre

Depuis juin 2012, la filière coton béninoise est de nouveau dans la tourmente. Les réformes n'ont pas donné les résultats escomptés, et la production a fortement baissé durant la période 2006-2010. Dans un communiqué de presse du

29 avril 2012, le Conseil des Ministres avait cependant annoncé la création d'une autorité/d'un organe national de surveillance et de contrôle de la filière, avec le rétablissement de l'ancienne société publique, la SONAPRA, pour remplacer les structures de gestion créées à l'issue d'accords entre l'État et l'AIC. Cette décision faisait suite au rapport remis par la Commission d'enquête internationale instituée par le gouvernement le 10 avril 2012 pour évaluer la campagne cotonnière 2011/12. Ce rapport soulignait les nombreux dysfonctionnements des structures responsables de la gestion de la filière, l'AIC et la Centrale de sécurisation des paiements et de recouvrement (CSPR).

L'organisation de la filière coton béninoise n'a cessé d'être en proie à des conflits entre partenaires publics et privés.

Le secrétariat du CCIC observe que les réformes n'ont pas entraîné d'amélioration des résultats de la filière coton, de gains d'efficacité, de hausse de la production ni de diminution des frais d'exploitation dans les secteurs de l'égrenage et du transport.

Le processus de privatisation a causé dans un premier temps la

désorganisation du secteur, qui s'est ensuite réorganisé dans une situation quasi monopolistique, une société détenant environ 90 pour cent de la capacité d'égrenage nationale.

II.2.1.3. Réformes dans le secteur du coton au Mali

Le secteur du coton au Mali a affiché la plus forte croissance de l'Afrique de l'Ouest durant la décennie qui a suivi la dévaluation du franc CFA en janvier 1994. La production est passée d'environ 169 000 tonnes de fibres en 1995/96 à un record de 260 000 tonnes en 2003/04. Ensuite, elle n'a cessé de décliner, car les prix du coton en CFA ont baissé et les producteurs n'ont pas été payés dans les délais pendant plusieurs années de suite en raison des difficultés financières de la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT). La production a atteint son plus bas niveau en 20 ans avec 85 000 tonnes en 2008/09, malgré un prix attractif à la production de 200 CFA soit environ 0,4 dollars par kilogramme.

Avec la remontée des prix internationaux du coton amorcée en 2009/10, la CMDT a commencé à combler ses arriérés de paiements aux producteurs, et le gouvernement malien a décidé de subventionner les engrais. Certains agriculteurs

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qui s'étaient détournés du coton ont alors repris la culture. La production est passée à 99 000 tonnes en 2009/10, puis à 103 000 tonnes en 2010/11 et de

185 000 tonnes pour 2011/12.

Pour la campagne 2012/13, la production de coton graine a été de 449 641 tonnes et les prévisions pour la campagne 2013-2014 sont estimée à 522 000 tonnes de coton graine.

II.2.1.3.1. Processus de réforme et les projets de réglementation du secteur au Mali

Des réformes ont été mises en oeuvre à partir de 1998/99 pour redresser la situation financière catastrophique de la société cotonnière nationale, et préparer la privatisation prévue. Elles étaient axées sur plusieurs objectifs :

- renforcement des capacités des organisations villageoises et régionales de producteurs,

- restructuration de la CMDT et recentrage de ses activités sur le secteur cotonnier,

- révision du mécanisme des prix aux producteurs et création d'un fonds de soutien des prix, détenu par les producteurs,

- création de l'Interprofession du coton (IPC) et d'un Office central de classement (OCC),

- recapitalisation de la CMDT et scission en quatre filiales régionales à capitaux entièrement privés (Ouest, Centre, Nord-Est et Sud).

Il semble que le processus de réforme soit entré dans une phase décisive avant la crise politique actuelle. La CMDT s'est d'abord diversifiée en septembre 2009 avec la création de quatre filiales et d'une holding. Le gouvernement a également épongé la majeure partie des dettes des coopératives cotonnières en préparation de leur privatisation.

Après une série d'appels d'offres infructueux, la filiale de la CMDT chargée du triturage des graines de coton, Huicoma, a été vendue à l'État, puis rachetée en 2005 par un groupe d'investisseurs locaux.

L'appel d'offres pour la privatisation des filiales de la CMDT au moyen de la cession de blocs d'actions majoritaires par la société de holding a été publié en février 2010 et six sociétés ont été sélectionnées pour y participer. Les premières sélections provisoires ont été faites à partir d'une analyse des paquets techniques et financiers.

Les investisseurs privés détiendront 61 pour cent du capital. Les producteurs agricoles et les salariés de l'entreprise en détiendront respectivement 20 pour cent et 2 pour cent, et les 17 pour cent restants seront conservés par l'État. Les entreprises privées auront un monopole régional sur l'achat, l'égrenage et la vente du coton dans leurs zones d'exclusivité, comme au Burkina Faso.

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La restructuration des associations de producteurs s'est achevée avec la création de l'Union nationale des sociétés coopératives de producteurs de coton du Mali (UNSCPC), qui fédère les différents niveaux régionaux, sectoriels et communaux regroupant 7 000 sociétés coopératives de producteurs de coton.

L'Inter-association professionnelle du coton (IPC), créée le 3 février 2009, réunit l'UNSCPC et l'Association professionnelle des sociétés cotonnières du Mali (APROSCOM), mais le secrétariat du CCIC observe qu'elle reste entravée par des dysfonctionnements. L'IPC est censée veiller à ce que les différents groupements professionnels de la filière coton gèrent ensemble les fonctions essentielles et discutent des questions d'intérêt commun telles que la mise en place d'un système d'information sur les performances de chaque filiale, les plans de campagne, la recherche agricole, les semences, les routes rurales, etc. La création d'un Office de classement du coton (détenu à 100 pour cent par la CMDT) complète le dispositif institutionnel.

La création d'une autorité de régulation du secteur coton (ARSC) a également été examinée (le projet de loi a été adopté en Conseil des Ministres le 9 février 2011 et transmis à l'Assemblée nationale pour examen).

Enfin, un cadre stratégique de développement du secteur coton et une lettre de politique de soutien au secteur coton ont été adoptés en 2010, confirmant la volonté politique de l'État de continuer à participer à la réglementation du secteur. Ils ont notamment pour objectif d'accroître la productivité, la compétitivité et la durabilité du secteur, d'améliorer sa gestion grâce à des consultations et d'établir des mesures de protection contre les fluctuations des prix mondiaux. Une tentative de privatisation de la filiale ouest de la CDMT a toutefois échoué, car l'unique offre présentée a été jugée trop basse.

II.2.1.3.2. Et maintenant?

Au Mali, la mise en oeuvre des réformes institutionnelles dans le secteur du coton, qui était attendue par les partenaires financiers du pays, a été perturbée par le coup d'État de mars 2012. Les autorités actuelles commencent à reprendre les choses en main.

II.2.1.4. Réformes dans le secteur du coton au Tchad

Bien qu'au Tchad le secteur primaire soit dominé depuis 2003 par les exportations de pétrole brut (64,6 pour cent de la valeur ajoutée du secteur), l'agriculture et le coton restent importants pour l'économie nationale. Dans les zones de culture du coton (la production est localisée au sud du pays), 80 pour cent des producteurs pratiquent la culture pluviale sur de petites exploitations de

1 à 2 hectares en moyenne. Malgré son isolement, le Tchad était le premier producteur de coton de la zone franc africaine jusqu'à la fin des années 1970. n 1985, le coton représentait 80 pour cent des exportations du pays et 25 pour cent

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des recettes publiques. En 1997, il représentait encore 65 pour cent des exportations de marchandises30.

Depuis cette période, le Tchad a vu sa production fondre de manière spectaculaire, notamment durant les années 2000. La situation financière de la COTONTCHAD était en fait catastrophique. La société avait payé au prix fort le manque d'investissement et d'entretien. En raison de la faiblesse des prix, la production s'est effondrée, tombant d'un niveau record de 103 000 tonnes de fibre en 1997/98 à 14 000 tonnes en 2009/10, son niveau le plus bas depuis 50 ans. En 2009/10, malgré un prix attractif à la production de 180 CFA soit environ 0.4 dollars le kilogramme de coton graine, la production a enregistré un recul en raison du manque d'intérêt des producteurs qui subissaient des retards de paiement31. La production en 2010/11 s'est élevée à 22 000 tonnes et celle de 2012/13 a été de 102 000 tonnes de coton graine et les prévisions de la campagne 2013/14 sont de 153 334 tonnes de coton graine pour le Tchad.

En décembre 1999, le gouvernement a adopté un programme de réforme du secteur coton appuyé par la Banque mondiale, dont l'objectif était d'améliorer les revenus des cultivateurs et de rendre plus rentable la production grâce à la libéralisation du secteur, y compris la privatisation de la société paraétatique COTONTCHAD et le renforcement des capacités des organisations de producteurs.

Ayant tiré les enseignements des difficultés de mise en oeuvre des autres programmes de réforme du secteur du coton, le Tchad a décidé d'accorder une attention particulière à l'édification d'un consensus entre toutes les parties prenantes tout au long de la réforme. Le choix d'un scénario de privatisation des activités d'égrenage de la COTONTCHAD devait notamment tenir compte de l'avis des organisations de producteurs.

III.2.1.4.1. Processus de réforme au Tchad

La politique de réforme a été approuvée à l'issue d'un processus très long. Elle a abouti à la création en 1997 de l'Observatoire du coton, une unité de soutien technique chargée d'aider le Comité de réflexion et de suivi de la filière coton. En 1999, ce comité est devenu le Comité technique chargé de la réforme cotonnière. La stratégie de désengagement de l'État a été autorisée par le décret n° 541 du

19 décembre 1999. Ce décret a marqué le début officiel du processus de privatisation, avec un plan de réforme qui s'articule autour de deux grands axes:

- le désengagement de l'État du capital et de l'administration de la société cotonnière (la COTONTCHAD) et la libéralisation de la filière; et

- la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement au bénéfice des producteurs de coton, afin de renforcer les capacités des organisations

30 Au Tchad, le processus de réforme de la filière cotonnière se trouve dans une impasse", K. Djondang, M. Fok, B. Wampfler et N. Tordina, Conférence internationale de l'ISSCRI, "Justifications et évolutions des politiques cotonnières", Montpellier, 13 au 17 mai 2008.

31 http://www.lesafriques.com/ "Mahamat Adoun Ismaël, Président directeur général de COTONTCHAD".

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de producteurs, de façon qu'elles puissent jouer un rôle accru dans le fonctionnement de la filière.

Bien que l'État ait accepté de se désengager du secteur, son contrôle reste très puissant. Le débat sur le lancement d'un processus de privatisation a été retardé par le différentiel de rentabilité des zones ou des usines. Un accord a fini par être conclu sur la privatisation des usines d'égrenage en tant que paquet unique. Le

gouvernement a avancé lentement, hésitant entre deux scénarios : la vente d'actions ou la vente d'actifs. Mais cette lenteur dans la mise en oeuvre du plan a contribué au déclin du secteur.

II.2.1.4.2. Création de la COTONTCHAD SN

Une décision relative à la restructuration de la COTONTCHAD a été adoptée en janvier 2012. Afin de relancer la production de coton, les autorités tchadiennes ont décidé d'apurer les dettes de la société nationale. Fin décembre 2011, la direction du Conseil d'administration réunie en assemblée extraordinaire a adopté un plan stratégique prévoyant la création d'une nouvelle société, la COTONTCHAD Société nouvelle (COTONTCHAD SN). La participation de l'État dans cette nouvelle société est de 51 pour cent et sera ensuite ramenée à 33 pour cent. L'objectif est de rassurer les investisseurs privés afin de relancer le processus de privatisation de la société. Depuis le 25 janvier 2012, tous les engagements contractés par la COTONTCHAD ont été transférés à la COTONTCHAD SN.

Avec la création de la COTONTCHAD SN, la production de coton pourrait redémarrer. Le plan de la société prévoit la réintégration progressive des organisations de producteurs dans la gestion du secteur, avec comme objectif de porter la production à 300 000 tonnes de coton graine (120 000 tonnes de coton fibre) en 2016.

II.2.1.4.3. Réformes entravées par des hésitations

Les incertitudes relatives au rythme et à l'orientation de la réforme au Tchad ont entraîné un désastre financier pour la société cotonnière et un effondrement de la production. En raison de la résistance aux réformes prônées par la Banque mondiale et de l'absence de consensus sur la marche à suivre, la filière s'est trouvée privée d'orientations claires, et la COTONTCHAD n'a pas reçu les ressources nécessaires pour maintenir le secteur. La création de la COTONTCHAD SN laisse espérer une relance de la filière.

III. Aide internationale

Comme nous l'avons vu au chapitre I dans le volet développement des négociations, de nombreux pays ont manifesté le souhait d'aider les cultivateurs de coton africains, notamment dans les pays du C_4, grâce à diverses coopérations (multilatérale, Sud Sud...). Résumons ici les aides les plus significatives.

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III. 1. Aide de l'Union européenne

L'aide de l'Union européenne au secteur cotonnier en Afrique a été dispensée par le biais de la collaboration inter-institutions. En juillet 2004, l'UE et les pays africains ont conclu un partenariat sur le coton et sont convenus d'un plan d'action conjoint sur le coton. Ce plan traitait des aspects commerce et développement du secteur cotonnier africain. Il portait sur sept domaines : commerce international, stratégies nationales et régionales du coton, politiques et institutions, innovation technologique, gestion des risques, intégration dans la chaîne de valeur et coordination. Le Programme tous ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) relatif aux produits de base agricoles a approuvé des fonds destinés aux programmes de renforcement des capacités concernant les produits de base pour un montant indicatif de 45 millions d'euros (57,8 millions de dollars EU), avec une enveloppe de 15 millions d'euros (19,3 millions de dollars EU) pour le coton. Il prescrivait le développement de la coopération multi-donateurs avec des organisations internationales telles que la Banque mondiale, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le Fonds commun pour les produits de base (FCPB). La Commission européenne a établi le Comité d'orientation et de suivi du partenariat UE_Afrique sur le coton (COS Coton). Le COS Coton a pour mission de gérer les besoins des divers acteurs de la filière, d'assurer la cohérence et l'appropriation du cadre d'action et des programmes associés, y compris la composante coton du Programme tous ACP relatif aux produits de base agricoles. Ce dernier, dont le mandat est arrivé à expiration en décembre 2011, avait pour vocation d'améliorer les revenus et les conditions de subsistance des producteurs ACP de produits de base et de réduire la vulnérabilité des revenus à la fois au niveau des producteurs et au niveau macro-économique.

Dès janvier 2012, un nouveau programme d'appui à la consolidation du Cadre d'action pour le Partenariat UE-Afrique sur le coton, doté d'un budget de 11 millions d'euros dans le cadre du 10e FED a été mis en place. Ce programme vise essentiellement à contribuer à l'amélioration durable de la de la compétitivité, de la valeur ajoutée et de la viabilité des filières cotonnières africa ines pour en optimiser l'impact sur le revenu des producteurs.

Le programme UE-ACP n'est pas limité aux pays du C-4 mais inclut tous les pays africains producteurs de coton.

III.2. Aide des États-Unis

En réponse à l'Initiative sectorielle sur le coton de l'OMC, le gouvernement des États-Unis a lancé en 2005 le Programme de renforcement du secteur coton en Afrique de l'Ouest et du Centre (WACIP), dont le but était d'apporter une aide aux programmes cotonniers dans les pays d'Afrique occidentale et centrale. D'un montant de 27 millions de dollars EU, ce programme était axé sur un certain nombre d'activités essentielles qualifiées de soutien aux politiques et de réforme institutionnelle, en vue d'améliorer la gestion de la filière coton, d'améliorer la qualité du coton, de mettre en place des programmes de formation régionaux pour les égreneurs, de renforcer les programmes de biotechnologies du cotonnier,

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d'encourager les bonnes pratiques de production, de mettre un terme à la dégradation des sols, d'améliorer la lutte antiparasitaire et de renforcer les contacts entre les organisations de recherche agricole des États-Unis et de l'Afrique de l'Ouest. Le programme, qui devait prendre fin en avril 2012 a été prolongé, jusqu'en 2016 avec une enveloppe de 16 millions de dollars US supplémentaire.

III.3. Aide du Brésil

Le soutien du Brésil au développement de la filière coton dans les pays d'Afrique notamment ceux du C_4 est axé sur les centres de recherche publics du Bénin, du Burkina Faso, du Mali et du Tchad, pour un montant total d'environ 4,5 millions de dollars EU. L'entreprise brésilienne de recherche agricole (EMBRAPA) a été désignée comme principal organisme de collaboration au nom du gouvernement brésilien. Le Brésil a fourni un soutien sous la forme d'une unité pilote (recherche adaptative) à Sotuba (Mali), avec démonstration de résultats dans les domaines de l'amélioration génétique, des biotechnologies, des sols et de la nutrition des plantes et de la lutte antiparasitaire intégrée, complétée par la formation de chercheurs, de techniciens et d'agriculteurs chefs de file et la diffusion des connaissances validées pour améliorer la production de coton.

Les activités brésiliennes de renforcement des capacités et de transfert de technologie ont commencé en 2010 et devraient s'achever en fin d'année 2012, mais le Brésil a annoncé en fin 2012 que le Ministère en charge des relations extérieures et l'Institut Brésil Coton (IBA) ont signé un protocole d'intention sur la coopération technique dans le secteur du coton. Le protocole reflète l'objectif commun des parties prenantes à s'engager dans la mise en oeuvre des actions de coopération pour renforcer le secteur du coton dans les pays en développement, en particulier en Afrique subsaharienne. IBA est une institution créée pour mettre en oeuvre l'accord bilatéral Brésil/Etats-Unis. IBA consacrera 10% des 147,3 millions de dollars US pour des projets de développement en Afrique en partenariat avec des organisations ou institutions internationales telles que le PNUD, la FAO. Un accord avec le PNUD et la FAO a été signé.

III.4. Aide de l'Australie

Dans le cadre du partenariat entre, d'une part, la Conférence des responsables de la recherche agronomique africains et français et le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF/WECARD), le gouvernement australien a accordé à la CORAF/WECARD un don de 200 000 dollars australiens (198 000 dollars EU) pour une période d'un an à partir de décembre 2011. Une partie de ce financement était destinée à une visite de familiarisation et de découverte de l'industrie cotonnière en Australie. a accueilli en mars 2012 cinq spécialistes du coton venant respectivement du Bénin, du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal et du Tchad, au titre du programme de coopération agricole internationale.

Au cours de cette Mission, le groupe s'est familiarisé avec le système de production de pointe australien, dont les rendements sont les plus élevés au monde. Il en a tiré des enseignements sur la manière d'améliorer les systèmes de production

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du coton dans les pays d'Afrique occidentale et centrale, notamment la production de semences.

Un atelier s'est tenu ensuite au Burkina Faso du 10 au 14 septembre 2012 et au cours duquel des chercheurs australiens ont fait équipe avec leurs confrères qui ont dispensé une formation sur quelques techniques simples et faciles à utiliser qui peuvent contribuer à améliorer la gestion de la culture du coton en Afrique de l'Ouest. Ce partenariat pourrait être renforcé par la mise en place d'un programme plus large de recherche cotonnière en Afrique occidentale et centrale.

III.5. Aide de la Chine

La Chine est la première destination du coton du C-4. Sur la production totale de coton des pays du C4, plus de 90 pour cent est exportée, principalement vers la Chine.

La Chine et les pays du C-4 ont annoncé un programme conjoint en

décembre 2011. Ce programme, dont l'annonce a été faite à Genève en marge de la Ministérielle, est destiné à soutenir la production de coton dans les pays du C-4 grâce à une assistance technique et financière durant les prochaines années. La coopération entre les deux parties devrait comporter des transferts de technologie, une assistance technique à la recherche en matière de production, la fourniture de variétés élite, de machines agricoles, d'engrais et de pesticides, le financement de projets de formation ainsi que des échanges d'expériences. Le coût prévu du programme est de 20 millions de dollars EU, et sa durée est de trois ans.

III.6. Aide de l'Inde

L'offre de l'Inde aux pays africains producteurs de coton prévoyait la transformation des tiges de coton en panneaux de particules, domaine dans lequel l'Inde possède l'avantage unique d'avoir la technologie prête à l'emploi, celle-ci ayant été mise au point grâce à un projet CCIC/FCPB intitulé "Utilisation des coproduits du coton pour des produits à valeur ajoutée".

Le Ministère indien du commerce et de l'industrie a élaboré un programme détaillé dénommé "Programme d'assistance technique destiné à renforcer la chaîne de valeur du coton dans 7 pays (Bénin, Burkina Faso, Malawi, Mali, Nigéria, Ouganda et Tchad). Le lancement officiel du Programme a eu lieu à Ouagadougou le 28 mai 2012 pour un montant de 210 millions de roupie indiens soit 3,8 millions de dollars EU pour 3 ans (octobre 2011 à septembre 2014).

III.7. Aide du Pakistan

Le Pakistan Genève a proposé au cours d'une réunion du Mécanisme du cadre consultatif du Directeur Général de l'OMC à Genève, une formation pour des spécialistes du coton des pays du C-4 et de tous les pays producteurs de coton d'Afrique de l'Ouest, afin de promouvoir la coopération Sud-Sud. La proposition indiquait que l'Institut central de recherches sur le coton de Multan, qui est un centre d'excellence désigné de l'Organisation des pays islamiques en Asie, prendrait la

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direction de la formation et accueillerait les chercheurs. Le coût total de la proposition, qui prévoit de former 15 stagiaires pendant 30 jours chaque année sur cinq ans, était estimé à 2,16 millions de dollars EU. La proposition ne s'est pas encore concrétisée, car il y quelques détailles encore a réglés.

Observations et conclusion

Les sociétés cotonnières des pays du C-4 ont des systèmes de communication bien établis et rationalisés avec les agriculteurs. Tous les cultivateurs de coton sont membres d'une chaîne qui va du cultivateur dans le village jusqu'au niveau national, en passant par les villages et les régions. Ce système offre la possibilité unique d'adopter des pratiques recommandées au niveau le plus avantageux et de transférer efficacement toute modification ou d'amélioration du paquet technologique. Malheureusement, ce lien étroit est sous-utilisé, car l'accent est mis de façon très marquée sur l'utilisation du système pour la fourniture d'intrants et l'achat du coton graine.

Les gouvernements des pays du C._4 ont mis en oeuvre des réformes structurelles à partir des années 1990, avec l'aide de la Banque mondiale et d'autres institutions de développement. Les programmes de réforme consistaient généralement à redéfinir le rôle de l'État et à faciliter la participation du secteur privé et des organisations de producteurs, l'objectif ultime étant de renforcer la compétitivité de la production, de la transformation et des exportations de coton sur un marché mondial de plus en plus exigeant. Le rythme et l'orientation de ces programmes ont été très divers selon les pays, et l'effet des réformes sur les

résultats du secteur a été pour le moins inégal.

Le système actuel de fourniture d'intrants n'incite pas les producteurs de coton à obtenir des rendements plus élevés et, tant qu'il ne sera pas modifié, l'amélioration des rendements sera inhibée malgré les meilleurs efforts des chercheurs africains et de leurs partenaires internationaux.

Enfin, l'aide internationale est assurément utile et les pays africain en mesurent l'importance, mais elle pourrait avoir des effets plus positifs que s'il y a une collaboration et une coordination plus grandes entre les pays donateurs et les organismes de recherche africains.

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Chapitre 3 : Défis actuels et futurs à l'OMC et dans les autres enceintes Internationales pour les pays africains producteurs de coton.

Dans ce troisième et dernier chapitre, il s'agira de tirer les leçons des négociations sur le dossier coton et d'essayer de fournir aux différentes parties prenantes sur le coton des modalités pratiques de sorties de crise pour le coton africain, à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et dans les autres instances internationales pertinentes.

I. Leçons tirées de l'Initiative Sectorielle en faveur du coton et Analyse

Depuis 2003, les pays du C_4 et les autres pays en développement n'ont eu de cesse de montrer à la communauté internationale la détresse dans laquelle vivent les producteurs de coton des pays africains. Dix ans plus tard, la faiblesse des avancées obtenues fait que le combat se poursuit en direction des Etats-Unis et de l'Union européenne, avec qui le C_4 doit continuer à chercher une issue favorable sur le plan commercial, y compris à travers des négociations bilatérales.

I.1. Analyse des négociations avec les Etats-Unis

Avec les Etats-Unis, le tableau est clair. Non seulement ils sont la plus importante source de distorsion en volume du marché du coton, mais de surcroît, et malgré une condamnation à l'OMC dans leur différend avec le Brésil, ils ne montrent aucune véritable volonté d'aligner leurs pratiques de soutien sur celles autorisées par le système commercial multilatéral.

Pour mémoire, les Etats-Unis ont accepté comme tous les autres Etats membres de l'OMC la décision de Hong Kong de décembre 2005 de traité le coton de façon « Ambitieuse, rapide et spécifique » mais ne sont jamais entrés en discussion véritablement. La seule position qu'ils n'aient jamais défendue est que rien ne peut être décidé pour le coton avant qu'un accord ait été trouvé pour la réduction des subventions pour l'agriculture en général. Ils ont continué à assener cette position après la soumission par le C_4 en 2006 d'une formule de réduction permettant de calculer une réduction plus ambitieuse pour le coton quel que soit le résultat dans l'agriculture en général.

En juin 2012, alors que la réforme de la Farm Bill était en plein débats, une délégation de haut niveau du C_4 s'est rendue à Washington dans l'espoir d'influencer les nouveaux programmes relatifs au coton vers une réduction des distorsions provoquées sur le marché mondial. Malgré la situation économique américaine qui pouvait laisser espérer des coupes budgétaires, et malgré la demande de mise en conformité de la Farm Bill par l'ORD, dans sa décision dans le différend avec le Brésil, le C_4 est ressorti de ces consultations très préoccupé par rapport à certains mécanismes prévus dans le projet. Notamment, le « Stacked Income Protection Plan for Producers of Upland Cotton » (STAX) qui pourrait créer une situation beaucoup plus distorsive que celle actuelle.

Après l'adoption de la réforme par le Sénat en juin 2012 et de la Chambre des Représentants en avril 2013, les deux chambres ont été incapables de parvenir à un

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compromis sur le budget définitif (1er octobre 2013), déclenchant un arrêt du gouvernement fédéral. Compte tenu de l'impasse budgétaire, le Congrès a également été incapable de parvenir à un accord sur un projet de loi agricole 2013, ce qui laisse entendre que les programmes de subventions existants sont susceptibles de continuer sur la base de la prolongation de loi d'orientation agricole de l'année dernière.

Selon des études de la Banque mondiale, les subventions accordées aux Etats-Unis réduisent, à elles seules, de plus de 250 millions de dollars le revenu annuel que les agriculteurs de l'Afrique de l'Ouest tirent de l'exportation de coton. Il est même possible que le préjudice subi par les pays africains du fait des subventions agricoles américaines dépasse les avantages que ces pays retirent de l'AGOA, qui accorde un accès préférentiel aux produits africains sur le marché américain.

Les Etats-Unis ont par ailleurs bénéficié de la négociation assez maladroite de l'Union européenne qui, clamant qu'elle n'était que « l'arbre qui cache la forêt », a néanmoins réussi à catalyser toute la tension et la crispation de cette négociation dans une relation bilatérale compliquée avec ses « partenaires africains ».

I.1.1. Qu'est ce que le Stacked Income Protection Plan for Producers of Upland Cotton (STAX) ?

Le National Cotton Council (NCC) le STAX en complément de l'assurance-récolte fournie à plusieurs produits clés. L'assurance-récolte protège les producteurs des pertes «dures», soit une baisse de revenue de plus de 20%, tandis que le STAX est censé couvrir les pertes «moindres», soit une baisse de revenue entre 10 et 30% qui ne sont pas couverte par l'assurance-récolte classique. La NCC a déclaré que le STAX, associé à d'autres réformes comme le programme de prêts commerciaux, permet de mettre un terme définitif au différend qui l'oppose au Brésil à l'OMC. Cependant, dans une lettre envoyée en 2012 par l'ancien l'ambassadeur du Brésil auprès de l'OMC et aujourd'hui Directeur Général de l'OMC, Monsieur Roberto CARVALHO de AZEVÊDO soutient que le programme causera plus de dépenses budgétaires que la Farm Bill précédente de 2008 et «verrouillerait» les prix élevés pour le coton américain au cours des cinq ans à venir, faussant ainsi les exportations américaines et protégeant les producteurs américains des variations de prix.

I.1.2. Comment marche le STAX ?

Le STAX est un programme d'assurance complémentaire qui paie les

producteurs américains de coton quand leurs revenus baissent de plus de 10%. Les pertes de revenu de plus de 30% sont couvertes par l'assurance-récolte subventionnée par l'état fédéral et non par le STAX. Les producteurs paient une prime pour participer au STAX et sont indemnisés en cas de perte de revenu ou de rendement. Le montant de l'indemnisation est déterminé sur la base des prix par exploitation et/ou par comté, ou par un prix minimum fixé par le gouvernement fédéral.

Le comité de l'agriculture de la Chambre des représentants a proposé un prix minimum de 0,6861 dollars US par livre pour la Farm Bill de 2012. Ce prix devrait

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être fixé pour une période de cinq ans et les producteurs seraient indemnisés si le cours du marché passe en dessous du prix minimum. Le Sénat a proposé une clause similaire avec un prix minimum qui serait changé au début de chaque année et fondé sur le cours du marché. Des études de l'ICTSD ont montré que, si les prix du coton chutaient au cours de cette période, les producteurs seraient sur-indemnisés32. Par ailleurs, dans ce scenario, les producteurs recevraient également des paiements compensatoires de prêt, un transfert fait aux producteurs pour avoir renoncé aux paiements dans le cadre d'un programme de crédits à l'exportation maintenant terminé.

Les contribuables américains subventionnant 80% des primes pour le STAX, les producteurs ne doivent payer que 20% du coût de l'assurance de leur récolte de coton pour pouvoir prétendre à cette protection. Les subventions du contribuable pour le STAX sont en général plus élevées que pour le programme fédéral d'assurance-récolte. Les producteurs doivent payer 20% du coût de l'assurance pour le STAX, mais peuvent payer jusqu'à 47% du coût de l'assurance-récolte dans le cadre du programme, ce qui leur donne une raison de plus d'utiliser le STAX.

Certains des aspects du STAX ne complètent pas l'assurance-récolte plus générale fournie par le gouvernement fédéral. Par exemple, les producteurs peuvent choisir de renoncer à l'assurance-récolte et de ne recevoir les paiements STAX que pour compenser d'autres pertes «moindres» au niveau de l'exploitation. De plus, les producteurs peuvent aussi choisir d'être assurés au niveau du comté plutôt que de l'exploitation, contrairement à l'assurance-récolte qui les couvre au niveau du comté. Pour obtenir le meilleur «rendement» des programmes d'assurance, les producteurs devront effectuer des calculs complexes, en comparant leurs revenus et leur production prévus avec ceux de leur comté.

III.1.3. Combien coûte le STAX ?

D'après les estimations du bureau du Budget du Congrès des États-Unis, le pays dépenserait en moyenne 385,1 millions de dollars US par an pour subventionner le programme STAX entre 2013 et 2022, sur la base d'un prix moyen du coton de 0,71 dollars US par livre. Une analyse de l'ICTSD prévoit que les dépenses pour le STAX seront pratiquement multipliées par deux pour un total de 707,8 millions de dollars US par an si les prix chutent pour atteindre 0,479 dollars US par livre sur la période 2013-2017, dans le cas où un prix minimum est fixé. Puisque le STAX peut être ajouté au programme d'assurance-récolte subventionné au niveau fédéral, il est également important de prendre en compte leur interaction pour déterminer les dépenses totales sur le coton. D'autres études de l'ICTSD suggèrent que les dépenses totales sur le coton pourraient augmenter de 99,5 millions de dollars US si on associe le STAX et le programme d'assurance-récolte dans un contexte de prix bas. Les chiffres présentés jusqu'ici ne prennent pas en compte la possibilité d'un programme comme le STAX d'étendre à la fois la participation des producteurs et le taux de couverture de la récolte, augmentant ainsi les dépenses.

32 International Centre for Trade and Sustainable Development (ICTSD)

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La suppression du prix minimum fixé par le comité de l'agriculture de la Chambre des représentants dans la Farm Bill de 2012 aiderait à s'assurer que les paiements restent à des niveaux historiquement bas.

I.1.4. Etats-Unis dans la négociation multilatérale sur le coton

Le bras de fer continue d'opposer les Etats-Unis, qui veulent plus d'accès aux marchés des pays émergents, et les pays en développement qui demandent de nouvelles concessions dans l'Agriculture de la part des pays développés. Au jour d'aujourd'hui, les Etats-Unis continuent de considérer qu'ils n'ont aucun intérêt à signer un accord dont les bénéfices chiffrés sont insuffisants pour leur propre économie. La Commission européenne se montre particulièrement en retrait, estimant qu'elle est allée au bout de ce que lui permettait son mandat de négociation.

Si on veut espérer trouver un accord sur le coton, il va falloir parler chiffres. La première étape essentielle est de se mettre d'accord sur la méthodologie à retenir pour calculer les soutiens internes et la réduction qui doit s'y appliquer. Il est fondamental que cette méthodologie soit comprise par tous. Le C_4 a proposé d'utiliser le SGEDE (soutien interne global ayant des effets de distorsion sur les échanges) par produit comme base de la négociation finale. Une fois la méthodologie agréée, il faut disposer de chiffres clairs et d'une fourchette agréer pour pouvoir négocier. La limite minimale correspond à une application stricte de la formule du C_4, la limite maximale ne pouvant être supérieure au chiffre résultant de l'application de la réduction attendue pour le SGEDE en général au coton33. Ainsi, la limite maximale se trouve proche des montants actuellement dépensés par l'Union européenne et les Etats-Unis mais seraient nettement inférieurs aux montants dépensés dans le passé. Une solution acceptable pour toutes les parties serait un entre la limite minimale et la limite maximale.

I.2. Analyse des négociations avec l'Union Européenne

Il faut cependant reconnaitre que des efforts ont été faits par l'Union européenne notamment au travers de la réforme de 2004, confirmée en 2006 après la demande de mise en conformité requise par la Cour de justice de l'Union européenne. L'Union européenne a ainsi découplé à 65%34 ses subventions au coton et transféré le reste des subventions ayant un effet de distorsion des échanges de la catégorie orange35 à la catégorie bleue36, considérée comme ayant des effets de distorsion moindres. A l'époque, cet élan positif fut salué par les pays du C_4 comme un pas supplémentaire vers un découplage à 100%, ce qu'ils continuent de demander. De

33 Le Secrétariat de l'OMC a propose 8 méthodologies différentes. Il semble raisonnable de choisir pour définir la limite maximale la formule qui soit la plus avantageuse pour les Etats-Unis et l'Union européenne.

34 Les subventions au coton ne sont plus liées à la production de coton et 35% de ces subventions sont liées à la production spécifique au coton

35 Toutes les mesures de soutien interne réputées avoir des effets de distorsion sur la production et les échanges (à quelques exceptions près) entrent dans la catégorie orange. Selon la définition figurant à l'article 6 de l'Accord sur l'agriculture, regroupe toutes les mesures de soutien interne à l'exception de celles qui relèvent des catégories bleue et verte. Il s'agit notamment des mesures de soutien des prix ou des subventions directement liées aux quantités produites.

36 La catégorie bleue est une "catégorie orange assortie de conditions", lesquelles visent à réduire les distorsions. Selon l'article 6 de l'Accord sur l'agriculture, tout soutien qui relèverait normalement de la catégorie orange entre dans la catégorie bleue s'il oblige les agriculteurs à limiter leur production.

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plus, les pays africains producteurs de coton considèrent qu'il s'agit là d'une réforme incomplète qui ne remplit pas les obligations de Hong Kong. En effet, les subventions européennes au coton restent les plus élevées au monde par kilogramme et leur taux de découplage (65%) reste substantiellement plus bas que la moyenne de l'ensemble des produits agricoles (>90%). Ceci est en contradiction avec l'engagement pris par l'Union européenne à Hong Kong de faire plus dans le coton que dans le reste de l'agriculture en raison de son importance pour le

développement des pays pauvres.

I.2.1. Union européenne sur le marché mondial du coton

L'Union européenne considère que comme elle n'exporte pas, elle n'a pas d'influence sur le marché mondial. De plus, elle considère que de par la réforme, décidée en 2004, elle a éliminé 100% des subventions de la boite orange en les transférant vers la boite bleue (35%) et la boite verte (65%). Selon la Commission, elle remplit donc totalement et indiscutablement les critères de Hong-Kong car il n'y a plus de subventions dans la boite orange. Elle estime à 278 millions d'euros ce qui reste dans la boite bleue. Ce qui est dans la boite verte ne doit pas être comptabilisé (environ 600 millions d'euros) car non couplé au coton.

Or, l'Union européenne occupe un segment non négligeable sur marché du coton, elle exporte (bien qu'elle dise souvent le contraire) vers la Turquie. La Grèce par exemple exporte 65 % de sa production de coton. La garantie inscrite dans le protocole d'adhésion de la Grèce et de l'Espagne a été pensée en termes de « filière », ce qui veut dire que garantir la production servait à alimenter un appareil de production de textile. Or la quasi-totalité de l'industrie textile de ces pays a été délocalisée dans des pays où la main d'oeuvre est moins chère, ce qui fait que les exportations sont constituées de coton brut en majorité, et non de produits transformés.

L'argument selon lequel la production européenne est négligeable ne tient pas : le marché mondial n'étant que la somme des marchés nationaux, l'EU ne peut nier sa place sur ce marché mondial.

Enfin, les subventions de l'UE couplées ont, par définition, un effet de distorsion sur le commerce (même si elles sont moins distortives que les subventions américaines). De plus, des études de l'OCDE ont montré que des subventions non distortives (paiements directs) quand ils sont combinés avec des subventions de type boite bleue, ont un effet distortif pour le commerce car encouragent la production.

La Commission a sans doute raison de dire que la suppression des seules subventions européennes aurait un effet très limité sur les prix du coton et donc sur le revenu des pays africains. Cependant, ce raisonnement ne tient pas compte de l'importance de la position de l'Union européenne dans la négociation multilatérale.

Une réduction substantielle des subventions européennes au coton est probablement une condition nécessaire pour arriver à une solution multilatérale qui elle aurait certainement, comme maintes fois démontré, un effet positif sur le revenu des pays africains.

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I.2.2. Culture du coton sur le plan domestique

Sur le plan domestique, la culture du coton dans l'Union européenne n'est pas vitale pour la PAC. Des cultures de substitution, et notamment le maïs, existent pour les pays européens producteurs de coton. De plus, les études montrent qu'à terme, d'autres cultures que le coton seront moins dommageables pour l'environnement. Comme mentionné plus haut également, la part des exportations du coton produit dans l'UE augmentera, une exportation qui n'est pas possible sans subventions à l'exportation théoriquement illégales du point de vue de l'OMC. En deux mots, la culture du coton en Europe n'est pas durable notamment en raison de la grande consommation d'eau. Néanmoins, il faut aussi prendre en compte le fait que les producteurs européens, et notamment les Grecs, les plus nombreux, sont des producteurs pauvres vivant dans des zones rurales assez défavorisées. Pour eux, envisager de quitter la production de coton ne pourra se faire sans accompagnement financier et technique solide, une sorte de plan d'ajustement structurel assorti d'une période de transition et d'implémentation. Par définition, les pays africains producteurs de coton ne sont pas contre les producteurs de coton européens mais demandent juste que les subventions qui sont attribuées au coton ne soient pas distortives.

Ce qui est problématique, c'est que le taux de découplage pour le coton est moins élevé que pour les cultures de substitution (94% de découplage en moyenne), ce qui rend une substitution moins incitative et rémunératrice pour le producteur de coton. D'une certaine manière, le couplage des aides imposé aux cotonculteurs les incite à ne pas chercher d'alternatives.

I.2.3. Union européenne dans la négociation multilatérale sur le coton

Sur le plan de la négociation, la position de l'UE est contestable car elle se fonde sur une interprétation abusive ou tronquée des textes en considérant qu'un transfert de la boite orange vers la boite bleue pour un tiers et la boite verte pour deux tiers correspond à une réduction des subventions en conformité avec la Décision de Hong Kong sur le coton. Il aurait fallu d'abord réduire les montants comptabilisés dans la boite orange selon les réductions notées dans les modalités, et ensuite seulement opérer le transfert de boites.

Du point de vue de la négociation, le fait que l'UE soit perçue comme ne remplissant pas les critères de Hong Kong, au même titre que les Etats-Unis, diminue la pression potentielle de la communauté internationale sur les Etats-Unis. Un geste de bonne volonté de l'Union européenne pourrait contribuer à renforcer la pression sur les Etats-Unis.

Comme on l'a mentionné, le taux de découplage du soutien au coton est inférieur à celui des autres soutiens européens, ce qui peut être interprété comme l'absence d'un traitement plus ambitieux pour le coton. Cet argument devrait être utilisé plus régulièrement par les pays africains.

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L'élément le plus inacceptable de la part de la Commission européenne est que sa position de négociation constitue sa position maximale, intangible et non négociable. Par définition, il devient impossible de négocier avec un interlocuteur qui refuse d'envisager de modifier, dans une certaine mesure, sa position pour trouver un terrain d'entente.

I.2.4. Subventions au coton de l'Union européenne et les relations ACP

Il est difficilement acceptable pour les pays africains producteurs de coton que l'Union européenne, qui met systématiquement en avant les notions de partenariat et de relations privilégiées entre l'Union européenne et les ACP, ne soit pas prête à mettre du capital politique et à faire un effort financier pour faire un geste qui pourrait être politiquement très valorisant pour eux en tant que « premier donateur mondial d'aide au développement » et dans le cadre de la mise en cohérence des politiques de l'Union avec la politique de développement.

Depuis 2006, la position européenne n'a pas bougé. L'union européenne affirme ne pouvoir ni ne devoir faire plus pour le coton. Il y a clairement ici une divergence dans l'interprétation du texte de Hong Kong comme dans la lecture de la réforme européenne.

I.3. Implication du différend Brésil/Etats-Unis pour les pays africains

Dans le différend Brésil/Etats-Unis, l'OMC a terminé son rôle à ce stade et les Etats-Unis et le Brésil ne sont en rien obligés de trouver un accord qui porte sur le coton, s'ils trouvent un autre terrain d'entente. Mais qu'est ce que cet accord signifie pour les pays africains producteurs de coton ?

Les pays africains producteurs de coton semblent avoir été exclus d'une partie qui se joue à Washington et à Brasilia. Bien que certaines promesses d'association au fonds de compensation alloué aux cotonculteurs brésiliens aient été faites, il faut bien garder à l'esprit que ces ressources ne pourront jamais remplacer les bénéfices d'une solution commerciale pour le coton. De plus, accéder à ce fonds pourrait fournir aux Américains l'argument qu'« ils font quelque chose pour les pays

africains » même si c'est indirectement via le Brésil et donc les inciter à faire moins dans la négociation.

Quoique décident les Etats-Unis et le Brésil de manière unilatérale, il peut y avoir deux types de conséquences pour les pays africains producteurs de coton : (i) soit un accord est annoncé, qui force les Etats-Unis à prendre des mesures de mise en conformité avec les règles de l'OMC, et c'est certes de portée limitée mais néanmoins bénéfique pour les pays africains producteurs de coton ; (ii) soit l'arrangement avec les Brésiliens ne porte pas en priorité sur le coton et ne satisfait que les Brésiliens. Cette possibilité est à envisager mais tout laisse à penser que les deux parties vont rechercher une solution multilatérale.

Le défi auquel sont confrontés les pays africains producteurs de coton est de faire en sorte que la solution négociée entre les Etats-Unis et le Brésil et incluse dans la Farm Bill ne devienne pas la position américaine officielle dans le cadre des

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négociations de Doha. Outre le fait qu'une telle position ne remplirait pas les critères de Hong Kong, il serait en effet plus que fâcheux que les Etats-Unis parviennent à vendre comme une concession pour des futures règles une simple mise en conformité avec les règles du Cycle d'Uruguay définies il y a plus de 15 ans.

Quelles pourraient-êtres les autres solutions possibles de sorties de crises pour le coton africain ?

II. Solutions possibles de sorties de crise pour le coton africain

II.1. Tendances des prix internationaux du coton

Dans les années 60-70, le prix du coton était stable autour de 70 cents la livre, et en 2000, à cause des biocarburants, le prix est tombé en moyenne autour de 60 cents la livre avant de connaitre une explosion entre 2009 et 2011 avec une moyenne de 1 dollars par livre.

Selon les projections du CCIC, à long terme, les perspectives sont moins réjouissantes et plus aléatoires. D'une part, parce que l'augmentation des prix du coton va se répercuter, théoriquement et mécaniquement, par une augmentation des produits textiles et des vêtements dans une fourchette de 4 % à 15 %. De telles augmentations ne peuvent pas être supportées par le marché mondial des produits finis textiles et de vêtements. Ceci aura pour conséquence, soit d'inciter les consommateurs à réduire leurs achats vestimentaires et textiles, soit de reporter leurs achats sur des produits vestimentaires et textiles autres qu'en coton. Dans tous les cas, cela devrait peser sur la consommation mondiale de coton. Plus fondamentalement, les prix du coton et donc le revenu des cotonculteurs, seront au cours des prochains mois directement fonction de la production mondiale de coton et donc des conditions météo. Si les conditions météo dans les principaux pays producteurs sont mauvaises, la production sera faible et les prix seront élevés ; et inversement. Mais les prix continueront de baisser avec une moyenne de 70 cents par livre. Malgré cette baisse continuelle, elle restera dans la fourchette des années de 2000, c'est-à-dire pas en dessous de 60 cents la livre. C'est dire ici que les pays africains producteurs de coton n'ont aucune emprise ici.

II.2. Action en règlement des différends ?

Aller en règlement des différends est une question que le C_4 se pose depuis le début. Le choix de la négociation était que l'on pouvait demander plus dans un nouveau Cycle que la simple mise en conformité avec les règles en vigueur (issues du Cycle d'Uruguay). Y aller au lendemain du résultat du litige entre le Brésil et les Etats-Unis (août 2009) aurait fait du sens, en termes de pression politique sur les Etats-Unis.

Aujourd'hui, la situation a changé sur plusieurs plans, comme nous l'avons montré plus haut.

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- Les prix du coton sont historiquement au plus haut et prouver le préjudice devient extrêmement compliqué ; seule peut être montrée la « menace d'un préjudice » ;

- L'ineptie de l'accord provisoire Etats-Unis-Brésil qui oblige les Etats-Unis à payer les cotonculteurs brésiliens (147,3 millions $ par an en attendant la réforme) est très impopulaire pour les contribuables américains et devrait forcer les Etats-Unis à opter pour la mise en conformité ;

- Le risque est non négligeable que les Etats-Unis vendent dans la négociation comme une concession ce qu'ils sont de toute façon obligés de faire dans le cadre du Règlement des Différends ;

- Il y a de plus en plus la pression du Congrès aux Etats-Unis pour la réduction du déficit budgétaire.

Tous ces éléments nous amènent à penser qu'une éventuelle décision d'aller en règlement des différends devrait être prise, avec beaucoup de précautions, à l'aune de ces nouveaux paramètres.

Si la décision du C_4 était d'y aller néanmoins, il apparaît nécessaire que la démarche soit entreprise non par le C_4 seul, mais par le plus grand nombre possible de pays africains producteurs de coton, dans une approche qui pourrait être assimilée à celle d'une « class action37 », et ce pour les raisons suivantes :

- faire un véritable « coup médiatique » par une action inédite de type « class action » ;

- mettre la pression d'un continent sur les Etats-Unis ;

- réduire la pression diplomatique que pourrait exercer les Etats-Unis sur les seuls pays du C_4 (notamment en menaçant non ouvertement de réduire l'aide).

II.3. Transformation du coton africain

Au sein des pays africains, il y a lieu de continuer à travailler pour transformer de plus en plus le coton brut et ses dérivés (tige et graine) en produit semi-finis et finis pour que la production cotonnière des pays africain soit rentable et puisse constituer une activité économique durable clé pour leurs équilibres socio-économiques, il semble nécessaire de développer une stratégie articulée autour de trois axes intimement associés :

- Le renforcement d'une politique de productivité, de qualité et de rentabilité, ce qui suggère la mise en oeuvre de plans d'actions pour la valorisation de l'offre Africaine comme la production de coton longue fibre, de coton bio, etc., ainsi

37 Qu'est-ce qu'une class action ? Un recours collectif ou une action de groupeclass action » en anglais) est une action en justice ou une procédure qui permet à un grand nombre de personnes, souvent des consommateurs, de poursuivre une personne, souvent une entreprise ou une institution publique, afin d'obtenir une indemnisation morale ou financière. La class action est utilisée surtout dans le monde anglo-saxon.

Dans le cadre de l'OMC et du règlement des différends, la class action existe de facto car plusieurs Etats membres peuvent se regrouper pour déposer une plainte contre un autre membre. Ils peuvent se regrouper comme plaignants ou accompagner les plaignants en tant que tierce partie.

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que d'importants efforts en termes de formation professionnelle et d'organisation agricole et industrielle ;

- Le lancement d'une stratégie de « valeur ajoutée », de création de filières intégrées « coton », allant de la production agricole jusqu'à la confection de produits finis textiles (vêtements, textiles de maison, géotextiles, etc.), pour disposer de filières comprenant des unités de filature, de tissage, d'ennoblissement et de confection. Une telle stratégie passe par l'établissement de relations partenariales étroites avec des partenaires industriels et/ou commerciaux, ainsi que par une meilleure coopération avec les partenaires. A cet effet, des plans stratégiques d'action devraient être lancés, visant d'une part à promouvoir l'offre cotonnière Africaine sur les marchés occidentaux et, d'autre part, à attirer les Investissements Directs Etrangers (IDE). Les pays africains pourraient utiliser les Sessions du Mécanismes consultatifs du Directeur Général de l'OMC en faveur du coton pour lancer de telles idées ;

- Traiter les problèmes concurrentiels au niveau de l'OMC, avec deux objectifs principaux :

V' obtenir l'arrêt des intolérables subventions américaines (voire, européennes) au coton ;

V' maintenir une « ceinture de sécurité douanière » aux frontières des pays Africain, le temps qu'ils mettent en oeuvre avec succès leur stratégie de filière et de valeur ajoutée « coton ».

Conclusion

La solidarité développée autour de ce dossier a permis au C_4 de ne pas baisser les bras et de continuer le combat. Dès 2003, des organisations de la société civile se sont s'emparées du dossier coton, en y voyant un cas d'école idéal pour mettre en relief les incohérences entre politiques commerciales et politiques de coopération au développement de l'Union européenne et des Etats-Unis. Il faut reconnaître que, pour plusieurs d'entre elles, ce dossier est un support de communication idéal pour questionner la légitimité des instances internationales en charge de la régulation du commerce et du développement économique dans le monde.

Si la question des subventions au coton occupe aujourd'hui une place spécifique dans l'agenda de l'OMC, elle le doit à une combinaison de facteurs qui ont permis d'en faire un exemple emblématique des enjeux au coeur du Cycle de négociations de Doha. Le cas du coton démontre que certains programmes de soutien à l'agriculture au Nord ont un impact négatif important sur le commerce des produits agricoles au dépend des producteurs des pays en développement du Sud.

Il faut le dire que les pays africains producteurs de coton à travers le C_4 font preuve d'une constance exemplaire depuis le lancement de l'initiative sectorielle en faveur du coton et, avec le soutien de l'ensemble des pays moins avancés, africains et ACP, sont décidés à ne pas abandonner le combat. Pour ce faire il est important

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de toujours maintenir les bonnes relations qui existent au sein des groupes qui soutiennent cette initiative, car c'est par la force du nombre qu'une issue positive pourra voir le jour. Pour ces pays, ce qui se joue à l'OMC n'est ni plus ni moins que la crédibilité du système commercial multilatéral auquel les Membres de l'OMC devraient être tous attachés.

Dans la perspective de la conférence ministérielle de l'OMC qui aura lieu à Bali en décembre 2013, tout progrès sur le dossier du coton, quel qu'il soit, pourrait s'avérer utile pour le système commercial multilatéral et soulager un temps soit peu la détresse des pays africains producteurs de coton. .

Les cotonculteurs africains ne demandent pas un traitement de faveur, ni un traitement spécial et différencié, mais simplement l'application des règles et principes que les membres de l'OMC se sont eux-mêmes fixés. *






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote