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Droit maritime et énergies marines renouvelables

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par Thibaut Schwirtz
Université Lumière Lyon 2 - Droit des transports et de la logistique 2014
  

Disponible en mode multipage

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Année universitaire 2014-2015

Université Lumière Lyon 2
Faculté de Droit

Mémoire pour le Master 2 Droit des transports et de la logistique

Présenté par Thibaut SCHWIRTZ
Sous la direction de Maître Frédéric BLANC

DROIT MARITIME ET ENERGIES

MARINES RENOUVELABLES

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier tous les membres du Cabinet LBEW qui m'ont accueilli dans leurs murs pour réaliser mon stage.

Je remercie en particulier Maître Béatrice Witvoet pour m'avoir fait découvrir les énergies marines renouvelables et qui a su m'aiguiller tout au long de mes recherches.

Merci également à Gilles Legué et Serge Azebaze, du Groupe Eyssautier, ainsi qu'à François Richard, de Marine Renewable Energy Group, pour ces réunions fructueuses.

Je remercie enfin Isabelle Bon-Garcin et Vincent Soubise pour m'avoir admis dans ce Master et m'avoir ouvert au droit maritime.

SOMMAIRE

PARTIE 1 : La nécessité d'incorporer les énergies marines renouvelables dans les règles organisant les rapports privés en mer

Chapitre I : La difficulté d'attribuer un statut juridique aux engins EMR

I. Les installations EMR, navires ou engins flottants ?

II. Un rapprochement possible entre les engins EMR et les plates-formes pétrolières

Chapitre II : les règles applicables aux installations EMR en matière d'évènements de mer

I. L'abordage

II. Le jeu des limitations de responsabilité appliqué aux engins EMR

III. L'application de l'assistance maritime aux engins EMR flottants Chapitre III : les règles de droit social en mer résultant de l'implantation d'EMR

I. Le statut des travailleurs opérant sur les sites EMR

II. Les règles de droit social international applicables aux travailleurs opérant sur les installations EMR

PARTIE 2 : Un droit public contraignant responsable du retard de la France dans le développement des EMR

Chapire I : les contraintes administratives relatives aux énergies marines renouvelables

I. Les conditions à remplir par les candidats pour exploiter des énergies marines renouvelables

II. L'installation d'EMR confrontée au domaine public de la mer Chapitre II : Les énergies marines renouvelables face aux contraintes environnementales

I. L'existence de zones marines protégées restreignant l'implantation des EMR

II. La prise en compte de l'impact des EMR sur l'environnement marin

ABREVIATIONS

- CGPPP : code général de la propriété des personnes publiques

- CMB : convention de Montego Bay

- CRE : commission de régulation de l'énergie

- DPM : domaine public maritime

- DTS : droit de tirage spécial

- ETM : énergie thermique des mers.

- MW : megawatt

- OMI : organisation maritime internationale

- ONU : organisation des Nations Unies

- PC : plateau continental

- UE : union européenne

- ZEE : zone économique exclusive

1

INTRODUCTION

« Être une puissance mondiale, cela signifie être une puissance maritime » selon Georges Leygues, qui fut ministre de l'Intérieur puis plusieurs fois ministre de la Marine entre 1917 et 1933. Cette phrase, prononcée à une époque de conflits entre puissances belliqueuses, devait s'entendre de l'importance des États de disposer d'une flotte militaire et commerciale puissante, ceci afin de contrôler les zones stratégiques du globe. Près d'un siècle d'industrialisation plus tard, l'enjeu maritime reste toujours autant de taille : à l'heure de la raréfaction des ressources énergétiques, l'homme s'est progressivement tourné vers la mer, jusque-là essentiellement destinée à la navigation, pour y puiser de nouvelles réserves d'énergie. Si l'exploitation de son sous-sol n'est pas un phénomène nouveau (les plates-formes pétrolières se sont multipliées dès les années 50), la flambée des prix du pétrole causée par les chocs pétroliers a provoqué un regain d'intérêt des États pour l'éolien, source possible d'indépendance énergétique.

En parallèle, la prise de conscience collective de la catastrophe environnementale provoquée par l'industrie traditionnelle, cumulée à la demande croissante en électricité (il est estimé que la demande énergétique mondiale sera multipliée par deux entre 2010 et 2050), ont convaincu plusieurs pays d'Europe du nord d'engager leur transition énergétique. Cette politique s'est traduite par le déplacement de la production d'énergie vers la mer, avec la construction de parcs éoliens dès les années 90. Le Royaume-Uni, le Danemark, l'Allemagne et les Pays-Bas se sont ainsi érigés en leaders mondiaux de l'énergie éolienne offshore. Au vu de ces expériences fructueuses et au fur et à mesure de la baisse du coût de l'électricité issu de l'éolien offshore, d'autres pays ont commencé l'installation de parcs aux dimensions toujours plus importantes. De nouvelles techniques de production d'électricité ont également émergées, telles que les éoliennes flottantes, les hydroliennes, les dispositifs houlomoteurs ou encore les engins utilisant l'énergie thermique de la mer, toutes regroupées sous l'appellation « énergies marines renouvelables » (EMR). Parmi ces technologies, l'éolien offshore posé reste actuellement la seule opérationnelle.

Les éoliennes dites « posées » sont, de la même manière que pour les éoliennes terrestres, destinées à transformer l'énergie mécanique du vent en électricité. Elles sont composées d'un mât fixé au fond marin, d'une nacelle abritant les composants mécaniques et électriques, et d'un rotor assorti de trois pales. Il existe déjà 66 parcs éoliens offshore en activité installés en Europe, dont le plus grand est celui de London

2

Array, situé au large de l'estuaire de la Tamise. Achevé prématurément en 2012 (il était prévu que le parc soit deux fois plus grand que celui actuel), il s'étend sur 100 kilomètres carrés et se compose de 175 turbines de plus de 120 mètres, pour une puissance totale de 630 MW. En avril 2015, la barre des 3 000 éoliennes offshore installées en Europe a été dépassée, pour un total de 10 000 MW1. Au-delà de l'Europe, il est à noter que la Chine, qui entame progressivement des actions de grande envergure en faveur de l'environnement, s'est également dotée de trois parcs éoliens en mer depuis 2010, représentant une puissance totale de près de 400 MW. De même, les Etats-Unis ont validé la construction du parc Cape Wind, situé à 8 km des côtes dans le Massachusetts. Composé de 130 éoliennes, il est destiné à fournir 75 % de l'électricité du Cap Cod et des îles Martha's Vineyard et Nantucket2.

Cependant, l'éolien posé présente comme limite de ne pouvoir être installé qu'en eaux peu profondes (40 mètres maximum). Cette contrainte est relativement absente en Europe du nord, où la profondeur reste faible sur plusieurs dizaines de kilomètres, mais elle apparaît vite sur le front océanique ou en Méditerranée, où s'y ajoute une concurrence pour l'espace conséquente. A l'issue de deux appels d'offres réalisés en 2011 et 2012, la France a toutefois autorisé le lancement de programmes éoliens posés sur 5 sites différents (Tréport, Fécamp, Courseulles-sur-mer, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire et Veulettes-sur-mer), pour un total de 3 000 MW, soit la moitié de la puissance éolienne attendue en France pour 2020.

Malgré cela, l'éolien flottant présente plus d'intérêt en ce qui concerne l'Europe du sud. A l'inverse de l'éolien posé, les éoliennes flottantes en projet sont construites sur des flotteurs amarrés au fond marin. Celles-ci sont donc prévues pour être installées dans des zones dont la profondeur peut atteindre 200 mètres, ce qui étend considérablement le nombre de zones aménageables. A l'heure actuelle, aucun parc de ce type n'a encore été construit. Cependant, un premier prototype WindFloat a été installé en 2011 à 5 km au large des côtes d'Aguçadoura au Portugal3. En France, l'éolienne Winflo est en conception, prévoyant l'installation du premier parc éolien flottant au large du Croisic d'ici 2020, pour un budget de 35 millions d'euros. Un deuxième projet plus ambitieux, le projet Vertiwind, financé par EDF Énergies, prévoit l'installation d'éoliennes flottantes à axe vertical d'ici 2017, moins coûteuses et moins grandes pour une performance similaire aux éoliennes à axe horizontal, au large de Fos-sur-mer. Le budget total du projet est de 130 millions d'euros, dont 37 millions proviennent de la commission

1 « Le marché de l'éolien en mer atteint le cap des 3 000 turbines en Europe », Les Échos 19/08/2015

2 capewind.org

3 principlepowerinc.com

3

européenne4.

Les hydroliennes, quant à elles, sont des engins exploitant les courants marins. Leur capacité de production d'électricité est deux fois supérieure à celle des éoliennes offshore et sont destinées à être immergées, ce qui présente de nombreux avantages. La technologie hydrolienne est cependant encore mal connue : en France, les prototypes Orca et Beluga sont les plus prometteurs mais ont tous les deux accumulés du retard. Sabella, prévoit d'implanter la D10, hydrolienne de 10 m de diamètre, dans le Fromveur, où les courants marins sont forts. Après assemblage, la machine sera en principe immergée en 2015 et reliée à Ouessant pour un test d'un an.

A un stade encore moins mature se trouvent les systèmes houlomoteurs, théoriquement deux à trois fois plus performants que les éoliennes offshore, et destinés à utiliser l'énergie fournie par les vagues. Dans le monde, il existait en 2012 une cinquantaine de projets houlomoteurs, dont la quasi-totalité sont flottants, selon l'Agence internationale de l'Énergie. Le prototype houlomoteur français Ceto, installé au large de La Réunion, semblait très prometteur, mais le projet a également accumulé du retard en raison de la destruction des engins en 2014 par le cyclone Bejisa. DCNS et Fortum se sont également engagés à expérimenter en France le système houlomoteur WaveRoller développé par AW Energy en baie d'Audierne. Le calendrier du projet est prévu en 3 phases. La fabrication des modules et l'obtention des autorisations sont prévues pour 2015, l'installation et le début du test pour 2016.

Enfin, des dispositifs ont été inventés permettant de transformer l'énergie thermique de la mer (ETM) en électricité. Ils sont basés sur le pompage d'eau profonde vers la surface, le choc thermique étant destiné à produire de la vapeur alimentant une turbine. De tels dispositifs n'ont vocation à être installés qu'en zones tropicales mais constituent un potentiel intéressant, d'autant plus que la France occupe une place de choix dans le marché éolien : avec une surface de 11 millions de kilomètres carrés (3 500 km de côtes), elle dispose du deuxième plus grand domaine maritime du monde, derrière les États-Unis5, et près de 20% du potentiel éolien flottant européen.

Sur le plan juridique, l'intérêt porté aux EMR remonte à la Convention de Rio des 3-14 juin 1992 sur le climat, conduisant à la signature de la Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique qui impose aux États industrialisés une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990. Le protocole de Kyoto a suivi en 1997, mettant en place des objectifs contraignants pour réduire les gaz à effet

4 Pôle mer Méditerranée

5 « Pourquoi la France doit enfin se doter d'une politique maritime », La Tribune, 7 juillet 2014

4

de serre. L'Union Européenne l'a approuvé le 25 avril 2002, avec comme objectif une réduction de 8% sur la période 2008-2012 par rapport aux niveaux de 1990. Afin d'atteindre cet objectif, l'UE a adopté la directive 2001/77/CE6 sur la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables, qui a été abrogée par la directive fondamentale du 23 avril 20097. Celle-ci vise à porter à 20% à l'horizon 2020 la part de l'énergie provenant de sources renouvelables sur l'ensemble de l'Union. L'objectif est variable selon la situation d'origine des États : la France est ainsi tenue de porter à 23% la part de production d'électricité renouvelable dans sa production globale. Cette directive est d'une importance particulière en ce qu'elle est la seule en matière d'environnement à fixer des objectifs contraignants d'une telle ampleur pour les Etats membres. Ces derniers s'engageaient de plus à transposer la directive dans leur droit interne avant décembre 2010, ce qui a été fait au travers de la loi dite « Grenelle II »8 portant engagement national pour l'environnement.

Le constat est donc le suivant : la France est dotée de centres de recherche et développement très performants constituant un laboratoire d'idées majeur dans le domaine des EMR. Elle dispose en outre d'une situation géographique extrêmement favorable à un développement massif de parcs EMR sur son territoire. Enfin, ses engagements internationaux et sa politique environnementale en matière d'EMR semblent attester de sa volonté d'opérer un virage écologique concernant ses méthodes de production énergétique. Pourtant, il faut bien avouer qu'en 2015, aucune éolienne en mer n'a été installée, et presque tous les lancements de prototypes EMR ont été repoussés. Quelles sont les explications à ce retard significatif sur nos voisins européens ? Pourquoi aucun MW n'a été installé depuis le premier appel d'offres lancé par le gouvernement en 2004 ? De nombreuses raisons peuvent être avancées, mais les plus pertinentes ne sont assurément pas d'ordres économique ou technique : l'élément principal qui constitue un frein au développement des EMR en France depuis maintenant plus de 10 ans est le droit. Le principe des EMR implique ni plus ni moins de faire intervenir des industriels historiquement amenés à produire sur terre (EDF, GDF, Areva...) à mettre en place des technologies en mer. Or, si le droit commun s'applique sur les côtes, il devient un droit résiduel en mer, les spécificités du milieu marin nécessitant de le remplacer par les règles du droit maritime.

6 Directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité

7 Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables

8 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement

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Il ressort que certains pans entiers du droit maritime privé restent à adapter à l'apparition de techniques de production inédites dans un milieu inédit. Dès lors, comment inciter les investisseurs à se lancer dans de tels projets pharaoniques sans leur apporter un cadre légal stable leur permettant d'établir un programme financier fiable ? La notion même « d'installation EMR », « d'engin » ou « dispositif EMR » est inexistante en droit français. Quel régime doit-on alors leur appliquer ? Doit-on raisonner par analogie en les rapprochant d'entités juridiques existantes, ou doit-on leur créer un régime propre prenant en compte leurs spécificités techniques ? Et selon le choix qui sera fait, quelles règles du droit maritime privé devront être appliquées ? Les parcs éoliens, comme la plupart des engins EMR, vont constituer des obstacles plus ou moins visibles à la navigation et vont concurrencer l'espace maritime. Une fois installés, ce ne sera donc qu'une question de temps avant qu'un navire entre en collision avec un engin. Quelles seront les règles de responsabilité à mettre en oeuvre dans cette situation ? Faudra-t-il instaurer des règles de circulation particulières dans les parcs ? Les règles de l'assistance maritime pourront-elles s'appliquer ? Quelles seront les répercussions sur les contrats d'assurance ? Le volet social représente également une part non négligeable des règles qu'il reste à établir en matière d'EMR. Les parcs éoliens construits en Europe représentent des mois de travail de longue haleine en pleine mer, ce qui amène à se demander quel statut sera applicable aux travailleurs participant à leur installation et gérant leur exploitation.

Des solutions à certains de ces problèmes ont déjà été trouvées à l'étranger, comme en matière d'assurance, où les compagnies britanniques ont opéré par « saucissonnage » en empruntant à divers contrats existants. L'Angleterre étant le leader incontesté en matière d'assurance maritime, on peut supposer que la France se calquera sur les produits d'assurance d'Outre-Manche. Ceci étant, les particularités du marché français ne permettent pas de raisonner de la sorte sur toutes les matières. Il est en conséquence impératif pour la France d'intégrer les EMR dans sa législation au plus vite, au vu des projets qui devraient se mettre en place prochainement.

Par ailleurs, force est de reconnaître que les projets EMR en France en sont à un stade bien avancé ; la construction d'éoliennes offshore devrait bientôt voir le jour. Pour autant, leur construction sera l'aboutissement d'une procédure administrative longue de 15 ans, qui conduit à se demander si cette procédure ne devrait pas être simplifiée. Les investisseurs doivent en effet passer par un véritable parcours du combattant durant lequel un grand nombre d'autorisations doivent être délivrées par les autorités compétentes. Certaines autorisations sont délivrées sur la base d'appels d'offres : les

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investisseurs sont ainsi jugés sur leurs capacités à assurer la construction et la gestion des parcs et à prendre en compte l'existence des activités existantes, tout en préservant l'environnement. Si de nombreux critères sont requis afin d'assurer aux autorités de disposer d'opérateurs fiables, celles-ci assurent-elles en retour aux investisseurs des garanties suffisantes ? Les EMR seront installées en mer, domaine public par excellence, sur lequel l'État a la mainmise. La construction d'EMR par des acteurs privés sur un domaine public n'entraine-t-elle pas un droit de regard trop important de l'État ? Dans l'optique où les EMR seront installées toujours plus loin des côtes, comment articuler ces installations avec le droit international de la mer ? Enfin, des préoccupations environnementales contraignantes accompagnent aujourd'hui la prolifération des fermes éoliennes. Comment le développement des EMR va-t-il composer avec l'existence des zones naturelles protégées ? Et comment les Etats peuvent-ils faire face à la création de nouveaux risques environnementaux créés par l'utilisation des énergies marines ?

Dans ces conditions, le sujet amène la question suivante : la France, en l'état actuel de son droit positif, a-t-elle les moyens de développer de manière sécurisée son marché des Énergies Marines Renouvelables afin de répondre aux objectifs fixés par l'Union Européenne ? Il apparaît que le droit maritime privé, avec les EMR, doit faire face à l'apparition de nouveaux utilisateurs de la mer nécessitant leur incorporation aux règles organisant les rapports privés en mer (Partie 1). La France est également confrontée à un droit public contraignant, tant administratif qu'environnemental, responsable de son retard dans le développement des EMR et qu'il convient de simplifier (Partie 2).

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PARTIE 1 : La nécessité d'incorporer les énergies marines
renouvelables dans les règles organisant les rapports privés en mer

Le droit français n'ayant pas encore attribué de statut juridique aux EMR (Chap. 1), les règles de droit maritime privé qui leur seront applicables restent à définir (Chap. 2). Leur construction et leur exploitation supposent en outre d'articuler le droit social terrestre et le droit social maritime (Chap. 3).

Chapitre I : La difficulté d'attribuer un statut juridique aux engins

EMR

Si la qualification juridique des engins EMR est nécessaire à l'organisation des rapports privés découlant de leur installation puis de leur exploitation en mer, l'opération reste complexe du fait de l'hétérogénéité des installations et de leurs évolutions possibles dans les prochaines décennies. Cet ensemble, aux fonctions et caractéristiques inédites, amène naturellement le juriste à le comparer et à le ranger dans des catégories déjà existantes (I). Mais ces engins, parfois meubles, parfois immeubles, aptes à la navigation ou non et mêlant le droit commun avec le droit maritime, conduisent à leur donner un statut modulable s'adaptant aux besoins créés par leur exploitation, à l'image des installations pétrolières en mer (II).

I. Les installations EMR, navires ou engins flottants ?

La notion d'engin flottant découlant de celle du navire, la difficulté réside avant toute chose dans l'absence d'une définition claire du navire en droit international (1), ce qui a conduit la France à se construire une définition fluctuante, récemment cristallisée par le Code des transports (2).

A. Le navire en droit international

Si certaines conventions écartent complètement la question relative à la définition du navire (Convention de Bruxelles de 1910 relative à l'abordage et de 1952 sur la saisie conservatoire des navires), d'autres vont appliquer des critères plus ou moins larges selon le thème abordé.

8

C'est ainsi que la Convention de Bruxelles de 1924 définit le navire comme « tout bâtiment employé pour le transport des marchandises par mer », de même que la Convention des Nations Unies du 7 février 1986 sur les conditions d'immatriculation des navires entend par navire « tout bâtiment de mer apte à naviguer par ses propres moyens qui est utilisé dans le commerce maritime international pour le transport de marchandises, de passagers ou de marchandises et de passagers, à l'exception des bâtiments de moins de 500 tonneaux de jauge brute ».

Au contraire, la Convention Colreg de 1972 relative aux abordages qualifie le navire de « tout engin ou tout appareil de quelque nature que ce soit, y compris les engins sans tirant d'eau, les navions et les hydravions, utilisé ou susceptible d'être utilisé comme moyen de transport sur l'eau ». La Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 portant sur l'assistance et la pollution en haute mer, encore plus large, retient que le navire s'entend de « tout bâtiment de mer, quel qu'il soit, et de tout engin flottant, à l'exception des installations ou autres dispositifs utilisés pour l'exploration des fonds des mers, des océans et de leur sous-sol ou l'exploration de leur ressource ». La Convention de Londres du 28 avril 1989 va quant à elle désigner le navire comme « tout bâtiment de mer, bateau ou engin ou toute structure capable de naviguer ».

On retient de tout ceci que le navire, selon les conventions, peut aller du simple engin flottant au bâtiment capable de naviguer, voire d'être affecté au transport. Les conventions internationales incluent parfois dans leur définition du navire les engins flottants, sans pour autant les définir. Il ressort des textes que tout navire est un engin flottant auquel on il faudrait ajouter une aptitude telle que le transport ou la navigation maritime.

Ainsi, on peut tirer deux conséquences du droit international : d'une part, s'il semble clair que les éoliennes en mer traditionnelles, fixées au fond marin, ne peuvent pas avoir la qualité de navire, la question est plus délicate concernant les autres générateurs tels que les éoliennes flottantes ou encore les hydroliennes. Dans la majorité des situations, ils ne pourront pas avoir le statut de navire, mais la pluralité des définitions entraîne toutefois des indécisions. D'autre part, dans le cas où un engin EMR ne peut être qualifié de navire, il présente en revanche des traits communs avec les engins flottants.

Le droit français, en apportant des précisions sur la nature juridique du navire, va également permettre de faire ressortir de manière résiduelle la notion d'engin flottant.

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B. Une définition des engins flottants découlant de la qualification du navire en droit français

1) Le navire au regard de la loi

La loi française a pendant longtemps refusé de donner toute définition au navire, celui-ci englobant des critères trop variés pour faire l'objet d'une désignation unique. C'est ainsi que la loi n°67-5 du 3 janvier 1967, bien que « relative au statut des navires et autres bâtiments de mer » ne donne aucun indice quant à sa notion.

Ce n'est que récemment, avec l'entrée en vigueur du Code des transports au 1er décembre 2010, qu'une définition légale du navire a été donnée, l'article L 5000-2 disposant que s'entend de navire « tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation maritime de commerce, de pêche ou de plaisance et affecté à celle-ci ». Apparaît ainsi clairement la notion d'engin flottant, qui n'est pas définie ici mais qui, comme en droit international, peut être cernée par la négative : un engin flottant doit s'analyser comme étant un navire qui n'aurait pas été affecté à la navigation maritime.

La conception du navire par le Code des transports a été vivement décriée par la doctrine, l'amenant, entre autres, à dire que la définition avait été rendue « en ignorant superbement les subtilités de la jurisprudence9 ». Le Code fait en effet fi d'une construction jurisprudentielle et doctrinale volontairement évolutive qui permettait d'adapter la notion de navire aux situations d'espèce. La question essentielle en droit interne était en effet de savoir s'il fallait « adopter une définition légale du navire au risque de retenir des critères qui se révèlent inadaptés en fonction des progrès techniques en constante évolution10 ».

L'éolien offshore, en tant que technologie d'avenir, est donc au centre de cette problématique puisque la recherche ne fera que développer des appareils nécessitant d'appliquer de plus en plus les règles du droit maritime et non du droit commun. Or, les juges seraient à ce titre plus aptes à juger du statut des EMR, la loi s'adaptant mal aux évolutions rapides de la technologie.

D'anciennes jurisprudences de la cour de cassation et de la Cour d'appel de Rennes ajoutent en outre que d'une manière générale, les diverses définitions légales n'ont

9 P. Delebecque, Rev. dr. transports, 2010, Repère 9

10 JC Transport vol.4, facs. 1045, 12.

10

qu'une valeur relative limitée à la matière qu'elles régissent11. Ces jugements n'ont jusqu'à présent jamais été contredits. Il convient dès lors d'examiner le statut du navire, et par ce biais celui des engins flottants, au vu des sources qui le définissaient traditionnellement.

2) Le navire au regard du juge français

En l'absence de définition légale, il revenait à la jurisprudence de définir le navire. La cour de cassation posait comme principe en 1844 qu'il faut « entendre par bâtiment de mer, quelles que soient leurs dimensions et dénominations, tous ceux qui, avec un armement et un équipage qui leur sont propres, accomplissent un service spécial et suffisent à une industrie particulière ». Elle ajoutait que « le bâtiment flottant n'est pas navire s'il n'est pas exposé au risque de la mer12 ». Les juges ont donc eu très tôt une conception précise du navire qui a continué à s'affiner.

Plus récemment, la Cour d'appel de Rouen a ajouté comme critère qu'un navire « est un bâtiment affecté à la navigation maritime ; que la navigation est maritime lorsqu'elle expose le bâtiment aux risques de la mer13 », critère également retenu par la Cour de Cassation14 (« Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'embarcation était habituellement utilisée pour la navigation maritime et devait en conséquence être qualifiée de navire »).

Le Conseil d'État, pour sa part, avait qualifié une barge, immergée aux trois-quarts et venue s'échouer en aval des quais d'un port, de navire « au sens des dispositions du chapitre premier du Code des Douanes, de la loi du 3 janvier 1967 et du décret du 27 octobre 1967 15 ». On en conclut que le Conseil d'État ne jugeait pas utile qu'une barge dispose d'une autonomie de conduite pour être un navire.

C'est pourtant un critère essentiel retenu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, observant que « la barge n'est pas un navire ; qu'elle ne possède ni engin de propulsion ni de direction ; qu'elle répond à la définition d'engin de servitude 16 ». On rejoint ici l'idée selon laquelle un navire inapte à la navigation maritime doit être qualifié d'engin flottant.

On peut encore retenir divers critères tels que l'indifférence des eaux dans lesquelles se trouve l'engin ou encore l'indifférence du caractère hybride de son mode de propulsion.

11 Cass. req., 13 janvier 1919 ; CA Rennes, 18 décembre 1956, DMF 1957, p.538

12 Cass. req., 4 janv. 1898

13 CA Rouen, 30 novembre 2000

14 Cass. Com. 19 juin 2007, n°06-14544

15 CE 22 avril 1988, 6e et 2e s-sections

16 CA Aix-en-Provence, 14 avril 1987

11

Face à ces nombreux éléments, non exhaustifs et alternativement utilisés, il est considéré « qu'il appartiendra à la jurisprudence de faire évoluer cette tentative de définition du navire, (...) au cas par cas et selon son intime conviction 17 ».

Selon les auteurs, il serait ainsi plus pertinent que les juges retiennent une définition fonctionnelle plutôt que notionnelle du navire, permettant d'intégrer ou non les engins à la périphérie du statut de navire18 (engins flottants, plates-formes pétrolières et EMR...) en fonction des situations envisagées.

3) Le navire au regard de la doctrine

La doctrine s'est elle aussi fréquemment saisie de la question de la définition du navire, la plus pertinente restant celle élaborée par Rodière et du Pontavice qualifiant le navire de « tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation maritime de commerce, de pêche ou de plaisance et affecté à celle-ci 19».

A la manière de la jurisprudence, des critères ont été ajoutés par les auteurs. C'est ainsi que Ripert a retenu que « le navire se meut habituellement par ses propres moyens : voiles, machines à vapeur, moteur à propulsion. Mais une coque qui n'a pas reçu ses mâts ou sa machine, ou qui est accidentellement privée de ses moyens de propulsion, n'en est pas moins un navire20 ». La façon dont est utilisé le navire importe en réalité peu pour Ripert, à partir du moment où il est destiné à la navigation21.

Il semblerait que, malgré les variations données au statut juridique du navire, une sorte de tronc commun ait été unanimement reconnu par la doctrine, présentant le navire comme un engin flottant de nature mobilière affecté à une navigation qui l'expose habituellement aux risques de la mer22. L'engin flottant est défini comme « tout engin qui affronte directement la force d'inertie de l'eau23». On parle donc d'une construction, d'un assemblage de pièces en vue de constituer un bâtiment de mer et qui ne coulerait pas. A défaut de définition universelle, nous retiendrons cette dernière qui nous semble la plus exhaustive tout en permettant d'intégrer suffisamment de facettes du navire pour être pertinente.

17 Stephan Miribel, DMF 2012, n°741

18 P. Delbecque, Droit maritime 13ème éd., n°83

19 Droit maritime, précis Dalloz, 12ème édition, 1997

20 Luc Briand, DMF 2014, statut du navire en construction et responsabilité de son armateur pour préjudice corporel au pilote.

21 Ripert, Traité de droit maritime, 4ème ed., n°305

22 P. Delbecque, droit maritime, 13ème ed., n°81

23 J. Latty, Droit maritime appliqué, l'école supérieure du génie maritime, 1952

12

Au regard des critères retenus, on peut donc avancer que les divers dispositifs EMR existants, en fonction ou à l'état de projets, ne peuvent pas être qualifiés de navires. Les éoliennes en mer traditionnelles, implantées dans le fond marin, sont en effet des immeubles, tandis que les dispositifs « flottants », puisqu'ils ne sont pas affectés à la navigation, doivent pouvoir être qualifiés d'engins flottants. On peut en revanche légitimement penser qu'au fur et à mesure de l'installation d'éoliennes en haute mer, celles-ci seront de plus en plus exposées aux risques de la mer.

En outre, un jet-ski ayant été qualifié de navire par la jurisprudence française24, il est difficile d'imaginer comment un engin offshore destiné à être implanté continuellement en haute mer serait moins apte à endurer les risques de mer.

Les dispositifs de production d'énergie maritime ne pouvant néanmoins s'apparenter à des navires en l'état actuel du droit et de la technologie, il ressort donc qu'à défaut de statut spécifique, il faille les considérer comme des engins flottants. Il est néanmoins intéressant de se tourner vers le statut juridique des plates-formes pétrolières, qui présentent de nombreux points communs avec les engins EMR.

II. Un rapprochement possible entre les engins EMR et les plates-formes pétrolières

Les analogies entre ces infrastructures industrielles (1), l'une destinée à extraire, l'autre à produire de l'énergie électrique en mer, conduisent à s'intéresser aux plates-formes de forage, dont la qualification juridique a posé les mêmes problèmes (2). Le régime juridique des installations pétrolières en mer a en effet déjà fait l'objet dans les années 70 de débats similaires à ceux portant aujourd'hui sur les EMR.

A. Similitudes technologiques

Au même titre que pour les installations EMR déjà existantes, en expérimentation ou en conception, il existe une grande diversité d'installations pétrolières en mer. Cette diversité pose des difficultés pour dégager une définition unique des plates-formes.

Parmi les différentes plates-formes existantes, on distingue d'une part les plates-formes fixes, dont la structure en acier repose sur le fond marin, ainsi que les plates-formes

24 Cass. Com, 3 juillet 2012, n°11-22429

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gravitaires, immergées par ballastage mais non destinées à être déplacées. Les parcs éoliens installés en mer du nord (London Array, BARD offshore, Horns Rev etc) présentent cette caractéristique d'être également fixés au fond marin.

Les plates-formes semi-submersibles, remorquées ou autopropulsées, restent en état de flottaison en étant soit rattachées au sol par des ancres ou par un réseau de lignes tendues, soit maintenues en place par une force de propulsion couplée à un repérage par satellite25. Leur conception se rapproche, du moins concernant les engins ancrés, des éoliennes flottantes telles que l'éolienne prototype Windfloat au Portugal ou le projet de parc éolien flottant Vertiwind prévu pour 2017 au large de Fos-sur-mer. Les plates-formes semi-submersibles se distinguent des éoliennes flottantes en ce qu'elles disposent d'un poste de commandement, d'un équipage, d'un pavillon et d'un port d'attache26. Il n'est cependant pas impossible de voir émerger dans les prochaines décennies des parcs autopropulsés disposant d'une vraie passerelle d'équipage : les EMR flottantes n'étant pour l'instant qu'au stade de l'embryon, tous les projets sont envisageables.

Enfin, les navires de forage sont également des structures pétrolières à analyser, ceux-ci ayant la particularité de ne plus naviguer puisque positionnés au sol par une tige. On s'éloigne ici de l'éolienne flottante, mais le cas est intéressant à traiter dans la mesure où ces engins sont assurément capables de naviguer tout en étant destinés au forage des fonds marins à un point fixe.

B. Qualification juridique des plates-formes de forage

Tout comme pour la technologie EMR, donner un statut à des plates-formes de forage présentant chacune des caractéristiques différentes est mal aisé. C'est pourquoi le plus simple est dans un premier temps d'énumérer ce que ces installations ne sont pas, à défaut de définition claire.

Il semble tout d'abord impossible d'envisager les installations en mer comme des îles au sens de l'article 121 de la Convention de Montego Bay de 1982, tout comme il est impossible de les assimiler à des îles artificielles, cette même Convention distinguant en son article 60 les « îles artificielles » (aéroport de Chubu au Japon, île de Yas aux Emirats Arabes Unis...) des « autres installations ». Les plates-formes en haute mer

25 JC Transports, « engins off shore », fasc. 1055, 3

26 Droits maritimes, 3e éd., 751.13

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n'ont donc aucune influence quant au tracé des mers territoriales, des zones économiques exclusives ou du plateau continental27.

De même, une installation pétrolière en mer ne peut acquérir le statut de navire car elles sont exclues expressément du domaine de la Convention de 1976 sur la limitation de responsabilité (« La présente Convention ne s'applique pas aux plates-formes flottantes destinées à l'exploration ou l'exploitation des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol »)28. Enfin, la Convention SOLAS de 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer exclue les plates-formes de ses dispositions, celle-ci ne s'appliquant que pour les navires effectuant des voyages internationaux. C'est ainsi que l'OMI a du élaborer un texte spécial en matière d'installations offshore pétrolières, appelé « Mobil offshore drilling unit code », afin d'étendre les dispositions SOLAS aux installations pétrolières. En revanche, la convention MARPOL de 1973 et 1978 pour la prévention de la pollution par les navires, intègre les plates-formes, qui sont assimilées, pour la circonstance, à des navires. De plus, les plates-formes semi-submersibles, durant leurs déplacements, sont considérées comme des navires, tandis que les navires de forages seront toujours qualifiés de navires, même lorsque la tige est reliée au fond marin.

En réalité, les plates-formes se sont vues définies par les conventions internationales sur la base du pragmatisme afin d'adapter leur statut - et les règles en découlant - aux situations envisagées. A l'image des débats portant sur le statut des plates-formes de forage dans les années 70, il serait opportun de dire, concernant les EMR, qu'il vaut mieux « renoncer à toute classification a priori, et pour déterminer le statut des installations, rechercher à propos de chaque règle utile aux navires si son adaptation est ici opportune29 ». Il était déjà fait remarqué à l'époque qu'il était plus important de retenir que l'engin évoluait en mer, qu'il pouvait porter des hommes et qu'il était de grand prix. Dès lors, les caractéristiques physiques ou la fonction de l'installation importent peu, tout comme sa dénomination, pourvu que des règles pertinentes lui soient appliquées.

Si l'on ne peut réellement se détacher totalement de la destination des installations EMR (il serait absurde d'appliquer les règles de la navigation à une éolienne inapte à naviguer), il convient néanmoins d'analyser quelles règles du droit maritime leur seraient applicables, ou devraient leur être appliquées, afin de permettre au mieux

27 Convention de Montego Bay, art. 60.8

28 Conv. 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes, art. 15.5

29 M. Remond-Guilloud, « quelques remarques sur le statut des installations pétrolières en mer », DMF 1977, p.675

l'insertion de cette technologie terrestre dans le milieu maritime.

Chapitre II : les règles applicables aux installations EMR en matière
d'évènements de mer

Les installations EMR ayant pour but d'être posées en mer, celles-ci seront nécessairement confrontées aux risques spécifiques du milieu marin. C'est ici que vont devoir s'articuler les règles du droit commun et celles du droit maritime, avec lesquelles tout industriel devra composer, de l'installation jusqu'au démantèlement des engins EMR. Il est d'autant plus important de déterminer quel sera le droit applicable que le droit maritime est dérogatoire au droit commun. Il entraîne par conséquent des raisonnements amenant à des solutions différentes non négligeables compte tenu des enjeux financiers. Il sera uniquement traité ici des évènements de mer les plus fréquents par soucis de clarté, à savoir l'abordage (I) ainsi que les limitations de responsabilités qu'il génère (II), et le sauvetage (III). Si l'avarie commune représente un évènement souvent étudié du fait de sa place importante en droit maritime, elle est spécifique au transport maritime et ne sera donc pas approfondie. Le sauvetage ne sera pas non plus évoqué en ce qu'il concerne, soit le sauvetage de personnes, or les engins EMR ne seront pas a priori destinés à accueillir des personnes, soit le sauvetage d'épaves abandonnées, mais les propriétaires de tels engins, au vu de leur valeur, manifesteront toujours leur volonté de les conserver.

I. L'abordage

L'abordage est un fait matériel supposant la collision entre deux navires. Si ces évènements ont considérablement été réduits au fur et à mesure des évolutions qui ont facilité la navigation, l'homme n'a pas pour autant réussi à parfaitement maîtriser la mer. De plus, l'augmentation de la vitesse des navires, cumulée avec leur taille et leur valeur, font de chaque abordage un sinistre aux montants très élevés. En cela, les éoliennes en mer et les technologies équivalentes se rapprochent des navires (le coût moyen d'une éolienne sur le parc de London Array est de 12 millions d'euros et le montant total du projet d'éolienne flottante Vertiwind est de 16,8 millions d'euros). En outre, les EMR étant des technologies récentes voir totalement novatrices selon les cas, leur résistance à la mer n'est pas encore assurée. Leur installation va très vraisemblablement aboutir, un jour ou l'autre, à la collision entre un engin et un navire.

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Il parait donc nécessaire de connaître les conséquences d'un tel évènement, à la fois au regard du droit international (A) et du droit interne (B).

A. Les engins EMR, exclus des règles de l'abordage en droit international

Même si l'hypothèse semble encore lointaine, il est possible que des éoliennes flottantes ou autres engins EMR soient installés en haute mer ou viennent à y dériver. Dans ce cas les conventions internationales s'appliquent en priorité (1), excepté si la collision intervient avec un engin offshore n'ayant pas la qualité de navire (2).

1) Nécessité d'un abordage entre navires

Il convient de se référer à la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière d'abordage du 23 septembre 1910 pour connaître le régime international de l'abordage. Elle dispose en son article 2 qu'en cas d'abordage fortuit, les dommages causés sont supportés par ceux qui les ont éprouvés. L'article 3 dispose qu'en cas d'abordage causé par la faute d'un des navires, le fautif devra réparer l'intégralité des dommages. Enfin, l'article 3 dispose qu'en cas de faute commune, la responsabilité est proportionnelle à la gravité des fautes de chacun.

Il faut cependant noter que cette Convention est applicable uniquement lorsque l'abordage est survenu entre deux navires30. La convention étant ancienne, aucune définition du navire n'y apparaît : rien ne dit alors qu'un engin offshore puisse ou non être qualifié comme tel. La Convention de 1972 pour prévenir les abordages en mer, dite Colreg, apporte la solution dans sa règle 3-a disposant que le navire « désigne tout engin ou tout appareil de quelque nature que ce soit, y compris les engins sans tirant d'eau, les navions et les hydravions, utilisé ou susceptible d'être utilisé comme moyen de transport sur l'eau ». Les installations EMR n'étant pas destinées au transport, les règles de l'abordage telles que prévues par le droit international sont inapplicables.

2) Loi applicable en cas d'abordage entre un navire et un engin flottant en haute mer

Selon la loi française des conflits de lois et le règlement Rome II, les obligations extra-

30 Art. 1 Conv. Bruxelles 1910 : « En cas d'abordage survenu entre navires de mer ou autres navires de mer et bateaux de navigation intérieure, les indemnités dues à raison des dommages causés aux navires, aux choses ou personnes se trouvant à bord sont réglées conformément aux dispositions suivantes, sans qu'il y ait à tenir compte des eaux où l'abordage s'est produit ».

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contractuelles sont régies par la loi du lieu où est survenu le fait qui leur a donné naissance, quelle que soit la nationalité des parties en cause31, ce qui est inapplicable en haute mer. La loi du pavillon n'est pas non plus applicable dès lors que les bâtiments ne possèdent pas le pavillon du même État, celle-ci devant être respectée seulement lorsque les deux bâtiments battent le même pavillon32. Dans cette situation, lorsque l'abordage en haute mer est exclu du champ des conventions et en l'absence de règles de conflit en la matière, la jurisprudence a tranché en faveur de la loi du for qui a une « compétence subsidiaire générale33 ».

Les abordages en haute mer avec des engins EMR étant exclus des conventions internationales, la loi française doit prendre le relais.

B. Les engins EMR, aux frontières entre les règles de l'abordage et du droit commun en droit français

De par leur diversité, les EMR évoluent entre le régime de l'abordage et du droit commun. S'ils présentent des similitudes, ces régimes conservent leurs particularités qui nécessitent d'être dégagées (1). L'abordage en droit interne a de plus un champ d'application plus large qu'en droit international, ce qui permet d'assimiler certains engins à des navires (2). Les particularités des EMR requièrent enfin de s'intéresser à la question de la faute du propriétaire des engins offshore (3).

1) Le régime de l'abordage, exclusif du droit commun

La confusion des régimes, causée en partie par la rédaction de la loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer34, et les différences que ces régimes provoquent dans l'indemnisation des tiers, ont régulièrement amené la Cour de cassation à censurer les décisions relatives à l'abordage faisant référence aux article 1382 et 138435.

Le droit de l'abordage se base sur le principe de la faute prouvée. L'article L5131-3, al. 1er dispose que « si l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise ». C'est en substance ce que prévoit

31 CA Caen, 12 septembre 1991, DMF 1993 p.523

32 CJUE 30 septembre 2003, C-47/02

33 Cass. 9 mars 1966, DMF 1966 p.408 ; JC Transports, fasc. 1055, 41

34 Cass. com, 5 octobre 2010, DMF 2010, obs. P. Bonassies p.907

35 Cass. Civ. 2e, 1er avril 1999, DMF 2000 p.315

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l'article 1382 du Code civil ; les règles sont les mêmes. L'article L5131-3, al. 2 ajoute que « si l'abordage est fortuit, s'il est dû à un cas de force majeure ou s'il y a doute sur les causes de l'accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés ». Ici encore, les règles de l'abordage sont à rapprocher des règles du droit commun concernant le cas fortuit et la force majeure, ce dernier prévoyant que la responsabilité ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable36.

Toutefois, le droit commun se distingue de l'abordage en ce que la présomption de responsabilité ne peut être écartée par le simple fait que la cause du fait dommageable est inconnue. Or, le Code des transports traite de la même manière « force majeure » et « doutes sur les causes de l'accident ». En droit commun, le jeu de la présomption intervertit les réparations en cas d'abordage douteux tandis qu'en droit de l'abordage, chacun supporte ses propres dommages. Enfin, les deux régimes se distinguent dans l'hypothèse des fautes communes, lorsqu'un tiers subit un dommage découlant de la collision. En droit commun, le tiers qui a subi le préjudice peut en effet demander à l'un des deux bâtiments de mer la réparation de l'intégralité du dommage, à charge pour le payeur d'exercer une action subrogatoire contre le coresponsable37. A l'inverse, les règles de l'abordage excluent cette solidarité pour les dommages matériels38.

La question qui se pose désormais est celle de savoir à quel régime les engins EMR seront rattachés.

2) L'abordage, applicable aux engins EMR selon la technologie utilisée

a) Extension des règles de l'abordage aux engins flottants non amarrés à poste fixe

Les règles de l'abordage en droit français ne s'appliquent pas uniquement aux navires. Contrairement au droit international, la loi du 7 juillet 1967 relative aux évènements de mer a marqué une rupture, son article 1, alinéa 2, disposant que « tous engins flottants, à l'exception de ceux amarrés à poste fixe, sont assimilés selon le cas, soit aux navires de mer, soit aux bateaux de navigation intérieure39 ». Cet alinéa concerne particulièrement

36 Civ. 2e, 15 mars 2001 : « Attendu que le fait d'un tiers non identifié n'exonère le gardien de la chose instrument du dommage de la présomption de responsabilité pesant sur lui que s'il présente les caractères de la force majeure ».

37 Jurisclasseur Civil, fasc. 220, 140 sur l'obligation au tout des coauteurs.

38 Art. L5131-4, al. 3 C. des Transports

39 Art. 1 loi n°67-545 du 7 juillet 1967, aujourd'hui art. L5131-1 du C. des Transports.

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les technologies EMR puisque selon les cas, elles seront soit fixées au sol, soit flottantes mais reliées au fond marin, soit autopropulsées et reliées au fond par des câbles transmettant l'énergie produite aux centrales. Le premier cas ne pose pas de difficultés dans la mesure où l'engin n'est pas flottant et ne peut donc se voir appliquer la loi de 1967. Reste à savoir ce que la loi entend précisément par « amarrés à poste fixe ».

La jurisprudence a pu se prononcer à plusieurs reprises sur cette situation, jugeant notamment qu'un pont flottant amarré à poste fixe ne pouvait bénéficier du régime de l'abordage40, de même qu'un bachot amarré servant de support d'échafaudage au moment de l'abordage41. Dans les cas présents, le régime de la responsabilité de droit commun s'applique, mais la notion d'amarre n'est pas précisée.

Une amarre se définit comme un câble ou un lien destiné à maintenir en place un navire42. De ce constat, les canalisations ou gaines de servitudes qui relieraient l'engin flottant à un bâtiment terrestre ne suffiraient pas à qualifier l'engin d'amarré à poste fixe, un câble de communication ne servant jamais à maintenir en position l'engin flottant. Un engin EMR dont les câbles communiqueraient avec une centrale, terrestre ou fixée au fond marin, garderait donc la qualification de navire au regard de la loi de 1967. A l'opposé, un navire ancré de longue date à un quai bénéficie des règles de l'abordage lorsqu'il est heurté par un engin43, tout comme un navire de forage relié au fond marin par la tige de forage.

La distinction entre les engins flottants amarrés à poste fixe et ceux non amarrés présente donc des inconvénients puisqu'elle entraîne une diversification des régimes. Ce point avait déjà été remarqué concernant les installations pétrolières de type semi-submersibles, pour lesquelles il faut différencier selon que la plate-forme est en déplacement vers un point de forage ou qu'elle est en phase de forage et ancrée, ou encore qu'elle est en phase de forage tout en étant stabilisée par des propulseurs44. Il est fortement envisageable que les engins EMR présentent des caractéristiques semblables à celles des installations pétrolières, et que ce dépeçage s'adapte mal à la prolifération d'engins flottants amarrés (et par conséquent à la multiplication des accidents relatifs à leur exploitation). Un régime commun de l'abordage applicable aux EMR flottantes est donc souhaitable.

40 CA Paris, 7e ch., 24 sept. 1997 : JurisData n°1997-022804

41 CA Rouen, 2e ch., 27 nov. 1997 : JurisData n°1997-056454

42 Jurisclasseur Transports, fasc. 1055, 25, préc.

43 CA Aix-en-Provence, 2e ch., 26 mai 1993 : JurisData n°1993-044423, à propos d'une barge ayant heurté une péniche.

44 M. Remond-Gouilloud, DMF 1977, p.675, préc.

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b) Le cas de la rupture des amarres

Qu'advient-il de la situation où l'engin flottant amarré à poste fixe rompt ses amarres ? Doit-il être considéré comme un navire soumis aux règles de l'abordage ?

Il semblerait logique que ce soit le cas, l'assimilation des engins flottants à des navires excluant la destination de l'engin pour le qualifier de navire : l'engin n'est pas un navire parce qu'il est affecté au transport, ou qu'il destiné à naviguer, ou qu'il dispose de moyens de propulsion (une barge étant un engin flottant non amarré soumis à la loi de 196745), mais parce qu'il affronte les périls de la mer. Dès lors, l'aléa causé par les forces de la mer justifie d'appliquer les règles de l'abordage.

Les tribunaux français semblent ne jamais avoir eu à se prononcer sur la question, qui doit être cependant envisagée au vu du nombre d'engins flottants type EMR qui pourront être installés le long des côtes françaises. Si l'incorporation des engins flottants dans les règles de l'abordage est une exception ne pouvant faire l'objet d'une extension en vertu de la règle de l'interprétation stricte, le pragmatisme voudrait que les engins flottants dont les amarres auraient lâché soient assimilés à des navires.

3) Circulation en mer et faute du propriétaire de l'installation EMR en cas de collision

Le dernier point relatif à l'abordage concerne la circulation en mer, que ce soit dans les champs éoliens ou simplement à l'approche d'un engin EMR. Peut-il être reproché au propriétaire d'engins EMR d'être à l'origine de la collision entre un engin et un navire en raison des difficultés de circulation causés par la présence de champs éoliens en mer ? Les nouveaux utilisateurs de la mer tels que les exploitants d'EMR peuvent en effet être perçus comme des sources d'obstacles permanents à la navigation par les utilisateurs traditionnels de la mer46.

La question a rapidement été réglée dans les parcs existants, à l'image du site de London Array : dans sa « Notice of Operations », le site prévoit une interdiction d'approcher à moins de 50 mètres de chaque appareil, tandis qu'il interdit l'approche d'un appareil endommagé à moins de 500 mètres47. La circulation près du parc est donc inspirée de celle applicable aux plates-formes pétrolières, interdisant toute circulation à

45 CA Aix-en-Provence 14 avril 1987

46 F. Laffoucrière, «les EMR et les conflits d'usage de la mer», journée Ripert 2013

47 «Notice of operations at London Array offshore wind farm»

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moins de 500 mètres de l'installation. Il est ajouté dans la notice que tout navire désirant naviguer à travers le parc doit impérativement se brancher sur le canal 16 de la bande marine VHF, correspondant à la fréquence internationale de détresse, et de contacter avant toute entrée les navires en charge de la sécurité du site.Dans son procès-verbal de réunion du 20 juin 2007, la Grande Commission nautique a pris des mesures similaires concernant le projet de parc offshore au large de Veulettes sur mer48, ajoutant interdire la navigation des bâtiments de plus de 30 mètres ainsi que le chalutage dans un périmètre d'un quart de mille49. Sur le site de Nysted au Danemark, le chalutage est également interdit, et la navigation possible uniquement via un chenal, tandis que toute forme de pêche est interdite sur le site de Thornton Bank en Belgique50.

Ces mesures, accompagnées de celles prévues par la convention Colreg sur la prévention des abordages, permettent au propriétaire des engins EMR de s'exonérer de sa responsabilité en cas de collision. Le navire qui n'aura pas respecté ces règles aura commis une faute. Les dommages engendrés par la collision devront donc être réparés par le navire, que l'action soit fondée sur le droit commun ou celui de l'abordage.

Dès lors qu'il est traité de l'abordage, la limitation de responsabilité applicable à tout propriétaire de navire doit être envisagée : est-elle applicable aux propriétaires d'engins offshore ?

II. Le jeu des limitations de responsabilité appliqué aux engins EMR

La limitation de responsabilité, dont il convient de rappeler le régime (A), suppose d'être analysée sous deux angles : d'une part, la responsabilité du propriétaire pendant l'exploitation de l'engin (B), d'autre part, la responsabilité durant l'acheminement de l'engin vers son lieu d'exploitation (C).

A. Régime de la limitation

Le Code des transports, abrogeant la loi du 3 janvier 1967, dispose en son article 5121-3 que la limitation de responsabilité est applicable « si les dommages se sont produits à bord du navire ou s'ils sont en relation directe avec la navigation ou l'utilisation du navire ». L'alinéa 3 de l'article précise que la limitation sera écartée « s'il est prouvé que

48 Procès-verbal n°012 SHOM/GCN/NP

49 S. Michalak, « Energies marines : un droit en construction », mémoire 2010

50 Colloque international « les énergies marines renouvelables », Campus de la mer, 2013

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le dommage résulte de leur fait ou de leur omission personnels et qu'il a été commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement », ce qui correspond aux conditions de la faute inexcusable telle que définie en droit des transports51.

L'article L5121-5 renvoie aux conditions établies par la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la responsabilité en matière de créances maritimes, disposant, après révision des montants par l'OMI, que la limitation est de 1,51 million de DTS pour les navires dont la jauge est inférieure ou égale à 2000 tonneaux. Elle ajoute que jusqu'à 30 000 tonneaux, la limitation doit être augmentée de 604 DTS par tonneau supplémentaire ; au-delà de 30 000, 453 DTS et au-delà de 70 000, 302 DTS. La limitation s'exprimant en tonneaux, elle apparaît mal adaptée aux installations EMR, celles-ci n'ayant pas vocation à disposer d'une capacité de charge. Cette unité de mesure s'explique, entre autres, par l'article L5121-2 disposant que la limitation s'applique essentiellement à l'armateur et à l'affréteur du navire uniquement. Il n'y a en principe aucune assimilation avec les engins flottants.

B. La limitation de responsabilité durant l'exploitation des engins EMR

Comme précisé en supra, un engin flottant, même amarré à poste fixe, affrontera les périls de la mer, en particulier s'il est éloigné des côtes, où les conditions sont plus difficiles. Cela justifierait pleinement l'application de la limitation de responsabilité normalement applicable aux propriétaires et affréteurs de navires. Le droit français exclue pourtant les engins EMR de la limitation (1) tandis que le droit international est plus mitigé (2).

1) Les engins EMR, exclus des règles de limitation en droit français

A la lecture de l'article L5121-3 du Code des transports, rien ne laisse supposer une extension de la limitation aux EMR, et aux engins offshore en général. La cour de cassation a pu le confirmer en jugeant que la limitation de responsabilité n'était pas conditionnée à l'exposition aux aléas de la mer52. La seule condition permettant de bénéficier de la limitation est d'être propriétaire d'un navire. Or, dès lors que la limitation s'applique dans la majorité des cas à la suite d'un abordage, cette règle rentre

51 C.Com, art. L133-7 : « est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ».

52 Cass. com, 18 nov. 1980 : « attendu, cependant, que la faculté, pour l'armateur et le capitaine, de limiter leur responsabilité, n'étant pas subordonnée à l'exigence d'un risque de mer ».

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en contradiction avec le principe de l'abordage en droit français, pour lequel l'engin flottant non amarré et le navire sont confondus. La logique voudrait donc que la limitation soit étendue aux engins flottants non amarrés à poste fixe. Pourtant, la Cour de cassation a jugé que celle-ci devait être refusée à tout propriétaire d'un engin qui ne possède pas les caractéristiques d'un navire53. Si les réponses sont non équivoques, le régime des engins EMR s'en retrouve complexifié.

Mais comme nous l'avons vu, certaines installations EMR pourront éventuellement être qualifiées de navire. Sauf à leur donner un statut particulier, à l'image des installations de forage, ou à interpréter strictement la notion de navire l'application de la limitation au propriétaire d'un engin EMR qui possède les caractéristiques d'un navire devrait être possible.

2) Les indécisions en droit international

Le droit international n'a pas pris en compte l'apparition de bâtiments tels que les installations EMR dans la rédaction des textes. La Convention de Londres du 19 novembre 1976 relative à la limitation en matière de créances maritimes ne fait pas exception, son article 15 excluant simplement le droit à la limitation « aux navires construits ou adaptés pour les opérations de forage » (art. 15-4) et « aux plates-formes destinées à l'exploration des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol » (art. 15-5).

Ce texte laisse deux interprétations possibles : soit la convention s'applique à tous les engins à l'exception de ceux cités, auquel cas les propriétaires d'engins EMR peuvent bénéficier de la limitation de responsabilité, soit la convention exclue tout type d'engins flottants, y compris les EMR. On constate cependant qu'avec une interprétation stricte de la loi française comme de de la Convention de Londres, l'une exclue les engins flottants de la limitation (Code des transports, article L5121-3), et l'autre les inclue (Convention de Londres, article 15-5), ce qui est absurde.

Dans le doute, les contrats interdisent toute action en responsabilité afin de faciliter la détermination des montants de garantie des contrats d'assurance54. Cette solution, que l'on espère temporaire dans l'attente de la création d'un régime clair portant sur les engins EMR, ne règle pas la question de la limitation de responsabilité à l'égard des tiers. De plus, la question de la limitation de responsabilité se pose également durant l'acheminement des engins EMR.

53 Cass. com, 6 déc. 1976, DMF 1977 p.513

54 JC Transports, fasc. 1055, 177, préc.

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C. Les limitations de responsabilité dans la phase d'acheminement des engins EMR

Avant d'être opérationnels, les engins devront être acheminés depuis les sites de construction jusqu'à leur lieu d'exploitation. Pour la partie maritime, ils seront soit remorqués (1), soit transportés (2).

1) Le remorquage de l'engin EMR

Le remorquage s'analyse comme « l'assistance au déplacement d'un navire, d'un appareil de forage, d'une plate-forme ou d'une bouée »55. Cette manière de procéder semble la plus sûre puisque l'assemblage des pièces se fait sur terre et non en mer. Elle sera donc probablement la plus utilisée concernant les EMR flottantes, comme le prévoient les projets Bilboquet, Winflo ou encore Vertiwind56.

Durant la phase de remorquage, il est envisageable que le l'engin heurte un navire tiers. Si le navire remorqueur bénéficie de la limitation de responsabilité, est-elle applicable à l'engin remorqué ? Il semblerait que non, à partir du moment où l'engin n'a pas la qualité de navire. Le tiers lésé actionnera donc de préférence le propriétaire de l'engin, responsable de l'intégralité du dommage en vertu du droit commun et ne pouvant invoquer de limitation.

Dans les relations contractuelles, la loi du 3 janvier 1969 relative à l'armement et aux ventes maritimes, désormais codifiée dans le Code des transports, remplace les règles du droit commun ou de l'abordage par celles du remorquage, en opérant une distinction entre remorquage portuaire et remorquage en haute mer. Dans le premier cas, le remorquage est effectué sous la direction du capitaine du navire. Aussi, tous les dommages causés sont à sa charge57. A l'inverse, le remorquage en haute mer s'effectue sous la direction du remorqueur, qui en assume l'entière responsabilité58.

La situation se complique lorsque l'engin n'a pas la qualité de navire, la loi de 1969 n'étant pas applicable. Dans ce cas, seules les clauses du contrat permettront de définir le régime de responsabilité. Des exclusions de responsabilité seront préférables, l'engin remorqué étant pénalisé sous l'empire de la loi de 1969 (sa responsabilité étant intégrale lors du remorquage portuaire tandis que le remorqueur peut lui opposer sa limitation de

55 CJCE, 11 janvier 2007, n°C-251/04

56 V. sur ce point : pôle mer Bretagne et pôle mer Méditerranée

57 C. Transports, art. L5342-1

58 C. Transports, art. L5342-4

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responsabilité en haute mer).

2) Le transport de l'engin EMR

Le contrat de transport va se distinguer du contrat de remorquage en ce que ce dernier « n'est pas un transport direct de passager ou de marchandises » mais consiste plutôt « en l'assistance au déplacement ». Le transport, dans le cas des EMR, suppose donc le déplacement d'un engin sur un navire, incapable de flotter, assemblé ou non. Si les éoliennes flottantes peuvent, par définition, flotter, ce n'est pas le cas de tous les engins EMR, à l'image des éoliennes fixées au fond marin, assemblées et montées en mer. Celles-ci font l'objet d'un contrat de transport.

L'engin EMR étant la marchandise objet du contrat de transport, le transporteur pourra opposer à son propriétaire les limitations de responsabilité que lui accorde son activité, soit 2,5 DTS par kilo59. Si l'on se réfère au poids moyen d'une turbine sur le parc de London Array (650t), combiné à son prix moyen (12 millions d'euros), on aboutit à une indemnisation maximale d'environ 2,1 millions d'euros. Ceci explique en partie que l'une des conditions essentielles dans les appels d'offres présentés par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, soit la grande capacité financière du soumissionnaire.

Les règles de l'abordage et les limitations de responsabilité qu'il induit ayant été vues, il convient de s'intéresser aux particularités du sauvetage appliqué aux EMR.

III. L'application de l'assistance maritime aux engins EMR flottants

Les règles de l'assistance ont un champ d'application plus large que l'abordage puisqu'elles s'appliquent à tous les engins flottants (A). Aussi, son régime doit être défini (B).

A. L'assistance, applicable à tous les engins flottants

La loi du 7 juillet 1967, dans son article 9, aujourd'hui article L5132-1-V du Code des transports, dispose que « le terme `navire' désigne le navire ou le bateau ou, conformément au dernier alinéa du I, tout engin flottant qui lui est assimilé ».

On constate de cet article que l'un des critères de l'assistance est la flottabilité, qui

59 Conv. Hambourg de 1978, art. 6-1 a)

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permet de distinguer l'assistance du sauvetage, prévu par le décret du 26 décembre 1961 : c'est parce que l'engin flottant ne peut plus flotter (et qu'il est abandonné) que les règles du sauvetage vont s'appliquer.

Pour autant, qu'en est-il des engins « amarrés à poste fixe » ? De la loi de 1967 peut être retenue une interprétation restrictive par laquelle l'engin, en ce qu'il est relié au fond marin, n'affronte pas réellement les forces de la mer et, de ce fait, ne peut être qualifié de « flottant ». Selon cette hypothèse, l'engin ne pourrait donc pas bénéficier de l'assistance en mer.

Une conception extensive voudrait qu'en l'absence de précision, tout engin, dès lors qu'il est susceptible de flotter, doit se voir appliquer les règles de l'assistance. Cette interprétation est la plus pertinente dans la mesure où c'est cette même loi du 7 juillet 1967 qui, en matière d'abordage, mentionne le terme « amarré à poste fixe »60 . Le fait qu'elle ne le réutilise pas dans son article 9 n'est donc pas anodin : l'assistance maritime s'applique à tous les engins flottants, sans exceptions.

Même s'il est regrettable que le décret d'application de la Convention de Londres de 1989 sur l'assistance maritime61 ne parle pas expressément de la notion d'engin flottant, ceux-ci restent soumis aux règles de l'assistance, l'article 19 du décret définissant l'assistance comme tout acte entrepris pour assister « un navire ou tout autre bien en danger ».

L'assistance en mer étant applicable aux engins EMR flottants, il convient d'en étudier le régime.

B. Régime de l'assistance maritime des engins EMR

L'assistance maritime présente un régime particulier qui traduit à la fois une solidarité maritime (1) tout en recouvrant une dimension commerciale à travers l'indemnisation de l'assistant (2).

1) Une opération de secours

L'assistance se définit comme une opération de secours, dont les règles interviennent à la condition que le navire, ou l'engin, soit en danger62. C'est cette condition, relevant

60 Loi n°67-545 du 7 juillet 1967, art.1

61 Décret n°2002-645 du 23 avril 2002

62 Droits maritimes, 3e ed., 362.11, préc.

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d'une situation exceptionnelle, qui va permettre de différencier l'assistance du remorquage. Le législateur, dans l'article L5132-5, expose clairement que « les services du remorqueur ne sont rémunérés pour l'assistance du navire qu'il a remorqué ou de sa cargaison que lorsqu'il s'agit de services exceptionnels ne pouvant être considérés comme l'accomplissement du contrat de remorquage ».

Un contrat de remorquage peut dès lors être requalifié par le juge en contrat d'assistance si celui-ci comporte un service exceptionnel lié au danger causé par l'élément marin. Le législateur, comme la cour de cassation, se sont refusés à donner une définition du danger, laissant le soin aux juges du fond de constater son existence ou non63. Il est régulièrement admis que le risque doit être réel mais pas nécessairement imminent64.

L'opération d'assistance, si elle est obligatoire lorsque des personnes sont en péril65, ne prévoit d'obligation de sauvetage aux biens qu'en cas d'abordage, l'article 8 de la Convention de 1910 disposant que « le capitaine de chacun des navires entrés en collision est tenu, autant qu'il peut le faire sans danger sérieux pour son navire, son équipage et ses passagers, de prêter assistance à l'autre bâtiment ». Pour le reste, l'assistance par un navire tiers doit être acceptée, de manière expresse ou tacite, par le capitaine du navire ou le propriétaire de l'engin. Le Code des transports66 dispose en effet que « Les services rendus malgré la défense expresse et raisonnable du propriétaire ou du capitaine du navire ou du propriétaire de tout autre bien qui n'est pas ou n'a pas été à bord du navire ne donnent pas droit à rémunération ». On en déduit de ce texte que l'assistance peut être imposée en cas de refus déraisonnable du secours. Elle l'est encore en cas de risque de pollution des littoraux67, ce qui a priori ne devrait pas concerner les EMR.

D'une manière générale, ce droit au refus du recours à l'assistance est dû à la rémunération qu'elle induit.

2) Une opération sujette à rémunération

Bien que des contrats d'assistance existent, aucun ne prévoit le montant de la rémunération, qui sera fixée ultérieurement par arbitrage ou, le plus souvent, par accord amiable. L'assisté étant dans une position de faiblesse, le juge peut annuler ou modifier

63 Cass. com, 20 nov. 1963, DMF 1964, p.152

64 Traité de droit maritime, Bonassies-Scapel, 2e ed., 496

65 Convention SOLAS 1974, chap.5, règle 10

66 C. des Transports, art. L5132-3 II

67 Loi n°76-655 du 16 juillet 1976

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la convention d'assistance abusive68.

L'intérêt de la convention pour l'assistant réside dans la rémunération qui, en raison du risque pour l'assisté de voir tous ses biens détruits, est plus élevée que pour le remorquage. Ainsi, les circonstances de l'assistance vont servir de base de calcul à la détermination de l'indemnisation. Seront notamment pris en compte les risques encourus par l'assisté, le temps employé, les frais et dommages subis etc69. La deuxième base de calcul se fonde sur un pourcentage de la valeur des biens sauvés, le pourcentage étant en général plus faible pour les biens de grande valeur70, comme c'est le cas pour les engins EMR.

A préciser qu'en vertu du principe no cure no pay, seules les opérations d'assistance ayant eu un résultat utile peuvent donner droit à une indemnisation71. Dans la mesure où le succès de l'opération est soumis systématiquement un fort aléa, cet adage a tendance à décourager les assistants, qui y voient de faibles chances de rémunération. Bien que des réformes soient en préparation afin de dépasser cet inconvénient dans le but d'éviter les risques dus aux pollutions éventuellement engendrées par l'inaction, il serait intéressant d'étendre les discussions aux EMR : si les risques de pollution engendrés par leur naufrage est infime, leur fonction environnementale répond à un intérêt général au même titre que la prévention des pollutions côtières par les pétroliers.

La notion d'engin EMR ayant été vue autant d'un point de vue notionnel que fonctionnel, il convient, pour clôturer cette partie relative aux règles de droit maritime privé applicables aux EMR, de se pencher sur le droit social.

Chapitre III : les règles de droit social en mer résultant de
l'implantation d'EMR

Les parcs en mer étant plus efficaces lorsqu'ils regroupent un grand nombre de turbines, leur création suppose un travail d'installation titanesque. Le parc de London Array, composé de 175 turbines installées sur une superficie de 100 km2, a ainsi réuni pas moins de 1000 employés et 60 navires. La phase de construction sur le site offshore a, à elle seule, nécessité l'équivalent de 5,5 millions d'heures de travail entre 2011 et 2012. Ce type de parcs doit de plus être pensé comme une énorme industrie, fonctionnant 24h chaque jour de la semaine, et dont la durée de vie est estimée à au moins 20 ans. Il

68 Art. 15 loi du 7 juillet 1967

69 Art. 16 loi du 7 juillet 1967

70 Sent. arb, 10 mars 1952, DMF 1952 p.427

71 Art. 5132-3 C. Transports

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nécessite donc constamment la présence d'équipes sur le site afin d'assurer la maintenance, mais aussi la régulation du trafic maritime lorsque celui-ci est autorisé. Il est donc nécessaire de se pencher sur le droit social applicable aux travailleurs en charge des installations EMR. Pour cela, leur statut en France doit être déterminé (I), ainsi que les règles de droit international qui leur sont applicables (II).

I. Le statut des travailleurs opérant sur les sites EMR

La particularité des travaux effectués sur les sites amène à analyser successivement le statut des gens de mer (A) et du personnel occasionnel à bord (B).

A. Une assimilation possible aux gens de mer

La définition des gens de mer, marins ou non, résulte essentiellement d'un décret de 1967 (1) et de la Convention du travail maritime de l'OIT de 2006 (2).

1) Les travailleurs qualifiés de marins selon le décret de 1967

Le marin était défini par le décret du 7 août 1967 comme étant « toute personne engagée pour occuper à bord d'un navire français un emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire72 ». Cette définition a été reprise par la cour de cassation à l'identique73, ajoutant néanmoins que tout employé est marin dès lors qu'il s'engage, envers l'armateur ou son représentant, à servir à bord d'un navire. Il est précisé qu'un armateur s'entend de « tout particulier, toute société, tout service public, pour le compte desquels le navire est armé ».

On observe de cette définition que le marin doit occuper un poste permanent. Le salarié embauché pour quelques semaines pour la réalisation d'une tâche précise et temporaire ne serait donc pas un marin. Il est également précisé dans le décret de 1967 que le navire correspond à « tous les bâtiments de mer quels qu'ils soient, y compris les engins flottants, qui effectuent une navigation dans les eaux maritimes ».

Enfin, le décret de 1967 supprime la distinction établie entre les marins participant directement à la marche, la conduite ou l'entretien du navire, et les agents du service général, affectés aux autres tâches sur le navire74.

72 Décret n°67-690 du 7 août 1967

73 Cass. Soc, 26 sept. 2007, n°06-43998

74 Droit maritime, Bonassies-Scapel, 2e éd., 301, préc.

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Dans le cas des installations EMR, le personnel constituant la flotte chargée d'emmener les techniciens sur le site et d'en assurer la sécurité devrait être qualifié de marin. En revanche, le personnel chargé de l'entretien des installations ne pourraient être qualifié comme tel en ce que son travail consiste essentiellement à être emmené depuis la terre ferme jusqu'au site afin d'opérer sur les engins. Il n'effectuerait donc aucunes tâches particulières à bord des navires, qu'elles concernent leur marche, conduite et entretien, ou non.

De plus, il est envisageable, à plus ou moins long terme, de voir des parcs se développer dans lesquels des équipes d'ouvriers travailleraient continuellement, à l'image des plates-formes pétrolières. Ceux-ci ne pourraient pas non plus obtenir la qualité de marin, puisque ce dernier opère sur un bâtiment effectuant une navigation maritime.

2) Gens de mer marins et gens de mer non marins

Le Code des transports définit les gens de mer comme « tout marin ou toute autre personne exerçant, à bord d'un navire, une activité professionnelle liée à son exploitation75 ». Un marin doit être considéré comme tel dès lors qu'il remplit « les conditions mentionnées à l'article L. 5521-1, qui contracte un engagement envers un armateur ou s'embarque pour son propre compte, en vue d'occuper à bord d'un navire un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et au fonctionnement du navire76 ».

Une distinction est donc opérée entre les gens de mer marins et les autres. Cela résulte de la convention du travail maritime adoptée par l'OIT le 23 février 2006, disposant que les gens de mer, désignent les personnes travaillant « à quelque titre que ce soit à bord d'un navire77 ». Dans sa transposition en France par la loi du 16 juillet 201378, il est indiqué que le terme « marin » regroupe les gens de mer, salariés ou non, exerçant une activité « directement liée à l'exploitation du navire79 ». Les gens de mer non marins ne participent donc qu'indirectement à l'exploitation du navire.

Encore une fois, les techniciens opérant sur les installations ne sont pas concernés par ce statut puisqu'ils ne participent aucunement, de manière directe ou indirecte, à l'exploitation du navire. Il faut donc rechercher leur statut ailleurs.

75 C. Transports, art. L5511-1

76 C. Transports, art. L5511-1, 3°

77 Conv. du travail maritime 2006, art. II-f

78 Loi n°2013-619 du 16 juillet 2013

79 C. Transports, art. L5511-1 3°

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B. Le personnel occasionnel à bord

Ce terme, apparu récemment en droit français, nécessite d'être délimité (1), ce qui permettra de lui définir un régime (2).

1) Notion de personnel à bord

Selon l'article 5511-1 du Code des transports, « un décret en Conseil d'État, pris après avis des organisations les plus représentatives d'armateurs et de gens de mer intéressées, détermine les catégories de personnels ne relevant pas, selon le cas, du 3° ou du 4°, en fonction du caractère occasionnel de leur activité à bord, de la nature ou de la durée de leur embarquement ». Si l'existence de personnes travaillant en mer, ne pouvant rentrer ni dans la catégorie des gens de mer marins, ni des gens de mer non marins, est reconnue80, leur régime n'est pas pour autant défini. Il semblerait que les employés chargés de l'installation et l'entretien des engins EMR relèveraient du décret du 23 avril 201581, codifié à l'article R5511-5 5° du Code des transports. Celui-ci dispose que ne sont pas des gens de mer les « personnels ouvriers, techniciens ou ingénieurs à bord des navires affectés à des activités d'exploration ou d'exploitation mentionnés à l'article R. 5511-3 », à savoir les installations et constructions d'unités de production sous-marines, le forage de puits, champs pétroliers ou gaziers, les plates-formes, les îles artificielles, mais surtout les « ouvrages ou installations en mer », ce qui nous intéresse en l'espèce en matière d'EMR.

2) Une absence de régime attribué au personnel occasionnel à bord

Puisque ce personnel ne fait pas partie des gens de mer, on pourrait en déduire qu'il est soumis au droit commun du travail, les définissant alors de « personnel terrestre en mer ». Cette qualification absurde amène à souhaiter que le personnel occasionnel à bord bénéficie de certaines règles applicables aux gens de mer82. Les phases de construction des installations EMR conduiront en effet les techniciens à travailler la journée entière en milieu marin, avec les risques que cela comporte. A ce titre, un décret de 2006 a déjà défini les règles applicables aux personnels n'exerçant pas la profession de marins embarqués à bord des navires de recherche océanographique ou halieutique83, inscrits à l'article R5511-5 4° du Code des transports.

80 C. Transports, art. R5511-1 et suiv.

81 Décret 2015-454 du 23 avril 2015 relatif à la qualification de gens de mer et de marins

82 DMF 2014, note P. Chaumette p.754

83 Décret 2006-1064 du 25 août 2006

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Les temps de travail et de repos ont ainsi été adaptés aux contraintes liées à la vie à bord d'un navire et plus largement aux contraintes de la mer (conditions météorologiques, sauvetage, assistance...84), de même que des documents de contrôle des heures travaillées ont été imposés pour faciliter les contrôles par l'inspection du travail85.

Il est donc impératif de fixer par décret le régime applicable à chaque catégorie de personnels exclue des gens de mer, en particulier ceux travaillant à l'exploitation d'installations en mer. Des parcs éoliens devant se construire en France à court terme (inférieur à 5 ans), toute ambiguïté doit être levée. On devrait s'attendre à voir s'appliquer au personnel occasionnel les exigences d'aptitudes physiques nécessaire au travail à bord d'un navire, tout comme la modification des temps de travail et de repos par rapport à ceux applicables sur terre. Le privilège du rapatriement aux frais du navire86 et le régime de la maladie ou accident à bord devraient également pouvoir s'appliquer87.

Le statut des travailleurs exerçant leur activité sur les installations en mer n'est pas le seul problème qui se pose. La nature de ces opérations soulève des questionnements de droit social international qu'il convient d'étudier.

II. Les règles de droit social international applicables aux travailleurs opérant sur les installations EMR

Des questionnements de droit social international vont nécessairement se poser au fur et à mesure du développement de parcs EMR. Si la France dispose d'ingénieurs et de techniciens capables de construire et d'installer les turbines d'un parc éolien, elle ne dispose pas de toute la flotte nécessaire à la réalisation de ses projets. Certains navires devront certainement être affrétés et armés par nos voisins d'outre-manche. A l'inverse, il est possible que certains pays désireux d'installer des parcs EMR requièrent les compétences françaises (l'éolienne flottante Windfloat au large des côtes portugaises a été installée par Bourbon Offshore). Enfin, il est envisageable que les technologies EMR soient progressivement installées en haute mer. Le droit applicable aux travailleurs détachés sera donc une des interrogations récurrentes, au regard du droit européen (A), et éventuellement au regard du droit des plates-formes de forage (B).

84 Art. 5 décret 25 août 2006

85 Chap. IV décret 25 août 2006

86 C. du travail maritime, art. 87

87 C. du travail maritime, art. 79

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A. Loi applicable au contrat de travail des salariés détachés

La question des travailleurs détachés est réglée en droit européen par le Règlement dit Rome 188, qui permet d'aborder la situation des travailleurs français à l'étranger (1), des travailleurs étrangers en France (2) et des travailleurs en haute mer (3).

1) La situation des travailleurs français à l'étranger

Le travailleur détaché s'entend, selon le droit européen, de toute personne travaillant dans un Etat membre de l'UE parce que son employeur l'envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans un autre Etat membre89.

L'article 8.1 du Règlement dispose que « le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l'article 3 », ce choix ne pouvant toutefois avoir pour résultat de « priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix aurait été applicable ». Le paragraphe 2 dispose que les règles plus favorables applicables sont celles de « la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail ». Il est ajouté que le pays « dans lequel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays ». Il faut en déduire que le travailleur français qui irait travailler sur un site offshore à l'étranger peut être soumis à un contrat de droit français ou étranger, mais que celui-ci ne pourra jamais être moins favorable qu'un contrat soumis au lieu où il est exécuté. Cependant, les travailleurs envoyés sur les sites EMR seront très probablement sur des sites étrangers pour des missions de courte durée, consistant en la réalisation d'un tâche précise réclament un haut niveau de compétences. Dès lors, le droit applicable restera le droit français, même si le travailleur exerce son activité dans des eaux étrangères en vertu de l'article 8.1 §2.

2) Situation des travailleurs étrangers en France

L'article 9.2 du Règlement Rome 1 prévoit que « les dispositions du présent règlement ne pourront porter atteinte à l'application des lois de police du juge saisi », étant précisé qu'une loi de police « est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par

88 Règ. CE n°593/2008 du 17 juin 2008

89 Dir. 96/71/CE du Parlement et du Conseil européens, 16 décembre 1996

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un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement90 ».

Or, le Conseil d'État a pu juger que les dispositions françaises relatives aux relations collectives sont des lois de police91. Cette position a été confirmée par la Cour de cassation, déclarant que « les lois relatives à la représentation des salariés et à la défense de leurs droits et intérêts sont des lois de police s'imposant à toutes les entreprises et organismes assimilés qui exercent leur activité en France92 ».

Les travailleurs étrangers détachés sur des sites français (on pense en particulier aux anglais, ceux-ci ayant une avance considérable en matière d'EMR) pourront donc bénéficier de ces droits, tout en étant embauchés par une entreprise de droit anglais.93

3) Le cas des travailleurs en haute mer

En imaginant que des parcs éoliens puissent se développer en haute mer, il convient de se demander à quelle loi sera soumis le contrat de travail des personnels chargés de l'installation et de l'entretien des parcs.

Tout comme pour les travailleurs détachés, la loi du contrat sera applicable en vertu de l'article 8.1, tandis que l'article 8.2 sera inapplicable : le travailleur exerçant en haute mer n'accomplit son travail habituellement dans aucun pays. L'article 8.3 va remédier à ce problème en disposant que si le lieu d'exécution habituelle est indéterminable, il convient de se référer à la loi du pays de l'établissement d'embauche, sauf si le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays (8.4).

Un travailleur français, travaillant en haute mer pour une entreprise étrangère, et sous contrat de droit étranger, bénéficiera donc des avantages du droit social français si son contrat présente des liens plus proches avec la France qu'avec le pays de son établissement d'embauche.

B. Application éventuelle du droit social issu des plates-formes d'exploration ou d'exploitation

90 Règlement Rome 1, art. 9.1

91 CE 29 juin 1973, « Syndicat général du personnel de la Compagnie des wagons-lits c/ La Compagnie des wagons-lits »

92 Cass. soc, 3 mars 1988, n°86-60507

93 Ass. plénière, 10 juillet 1992, n°99-60.355

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Comme il a été vu précédemment, les plates-formes de forage présentent de nombreuses similitudes avec les technologies EMR. Ces dernières n'ayant pas encore de statut qui

leur est propre, on peut légitimement se demander si le droit social qui leur est applicable doit être étendu aux travailleurs participant à la construction et à l'entretien des installations EMR, tant du point de vue de leur contrat de travail (1) que de leur sécurité sociale (2).

1) Droit applicable au contrat de travail

Le régime applicable découle d'un arrêt de la Cour de justice en application de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence juridictionnelle. Elle a ainsi jugé « qu'un travail accompli par un salarié sur des installations fixes ou flottantes situées sur ou au-dessus du plateau continental adjacent à un État contractant, dans le cadre de l'exploration et/ou de l'exploitation de ses ressources naturelles, doit être considéré comme un travail accompli sur le territoire dudit État94 ». Cette jurisprudence s'applique plus largement aux personnes embarquées à bord d'un navire battant pavillon d'un Etat membre, mais n'appartenant pas à l'équipage, comme ce sera le cas pour les salariés chargés de la construction et l'entretien des installations EMR. Cependant, l'arrêt ne concernant que l'exploration ou l'exploitation du plateau continental, c'est-à-dire « la partie du sol marin et du tréfonds de celui-ci qui est située sous la mer » (point 10 de l'arrêt), il semble inapplicable aux EMR, destinées à exploiter les ressources du vent et de la mer, non de son sol.

Avec l'apparition de problèmes concrets sur l'exploitation des EMR dans les prochaines années, l'avenir nous dira si une interprétation extensive de la jurisprudence européenne devra être réalisée.

2) Sécurité sociale applicable

La question de la sécurité sociale applicable aux travailleurs détachés ne se pose pas en en temps normal, les parties signant le formulaire E 101/A1 attestant que les cotisations n'ont pas à être versées dans l'État où est exercée l'activité professionnelle du travailleur.

En revanche, il résulte d'un arrêt de la Cour de justice que « l'article 13, paragraphe 2,

94 CJCE, 27 février 2002, n°37/00, DMF 2002, note P. Chaumette p.640

sous a), du règlement no 1408/71 et l'article 39 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'un travailleur qui exerce les activités professionnelles sur une installation fixe située sur le plateau continental adjacent à un État membre ne soit pas

assuré à titre obligatoire dans cet État membre en vertu de la législation nationale d'assurances sociales, au seul motif qu'il réside non pas dans celui-ci mais dans un autre État membre95 ».

La Cour ne parle ici que d'installation fixe en mer, ce qui permet a priori d'exclure le personnel travaillant sur les sites EMR. Ceux-ci ne sont pas en effet destinés, pour le moment, à accueillir des personnes sur plusieurs jours ou semaines. Le personnel de ces installations alternerait entre des trajets en mer jusqu'au site et des phases d'entretien sur les turbines, ce qui rend le régime du droit de l'État côtier applicable aux plates-formes inapplicable aux EMR.

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95 CJUE, 17 janvier 2012, n°347/10

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PARTIE 2 : Un droit public contraignant responsable du retard de la
France dans le développement des EMR

Le rapport de la mission d'études sur les énergies marines renouvelables, réalisé à l'initiative du Ministère de l'écologie et du Ministère des finances, le dit lui-même : « les projets EMR sont soumis à un ensemble complexe de règles juridiques, source probable de retards sinon de contentieux. Ce cadre législatif et réglementaire mériterait donc d'être simplifié, tout en conservant un niveau élevé de protection de l'environnement96 ». On constate en effet en France un nombre élevé de barrières administratives freinant l'installation de parcs EMR (Chap. I), cumulé à une volonté politique de préservation de l'environnement, contraignante pour l'implantation des projets EMR en France (Chap. II).

Chapitre I : les contraintes administratives relatives aux énergies
marines renouvelables

Il existe de nombreux textes en droit français traitant des installations en milieu marin, lui permettant de disposer d'une procédure détaillée qui devrait en principe favoriser l'implantation de parcs EMR le long des littoraux français. Bien au contraire, le droit français a créé un système d'autorisations administratives stratifié et peu lisible, source de désintérêt des investisseurs pour les énergies marines renouvelables. Les candidats à l'exploitation d'EMR doivent en effet remplir plusieurs conditions pour pouvoir exploiter des EMR (I), tandis que la nature des zones où sont exploitées les installations EMR nécessite l'obtention d'autorisations supplémentaires (II).

I. Les conditions à remplir par les candidats pour exploiter des énergies marines renouvelables

Les candidats sont en premier lieu sélectionnés suite à un appel d'offres (A) et doivent ensuite obtenir une autorisation d'exploitation (B).

A. Le choix des candidats par procédure d'appel d'offres

Chaque candidat est mis en concurrence au travers d'un appel d'offres (1) défini par un

96 Rapport de la mission d'étude sur les énergies marines renouvelables, mars 2013, p.4

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cahier des charges (2) aboutissant à l'attribution de sites dans lesquels seront construits les parcs EMR (3).

1) Procédure applicable aux appels d'offre

a) Textes applicables

Le système d'appel d'offres trouve son origine dans une directive européenne de 1996 disposant en son article 4 que les États membres peuvent choisir entre un système d'autorisations et/ou d'appel d'offres concernant toutes les nouvelles installations de production (Directive 96/92/CE du parlement européen et du conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité). La directive a été retranscrite dans le droit français par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité97. Celle-ci prévoit que l'autorisation d'exploiter doit être délivrée par le ministre chargé de l'énergie (article 7) et que « lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements », le ministre chargé de l'énergie peut recourir à la procédure d'appel d'offres. Enfin, le décret de 4 décembre 200298 relatif à la procédure d'appel d'offres pour les installations de production d'électricité, modifié par le décret du 28 juin 201199, charge la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) de mettre en oeuvre la procédure d'appel d'offres.

b) Contenu des appels d'offres

Le décret de 2002 tel que modifié par le décret de 2011 prévoit en premier lieu que le ministre chargé de l'énergie doit transmettre à la CRE les conditions d'appel d'offres qu'il a définies. Celles-ci sont constituées des caractéristiques techniques des installations, des conditions et de la durée d'exploitation, la coexistence des installations avec d'autres activités économiques ainsi que de la prise en compte de la protection de l'environnement (article 1). Ces conditions donnent lieu en retour à la transmission par la CRE d'un projet cahier des charges relatif à l'appel dans les 6 mois (article 2). Ce cahier arrête toutes les conditions auxquelles les candidats doivent souscrire. Lorsque l'installation est destinée à être mise en service sur le domaine public maritime, une concession d'occupation du domaine public maritime doit être délivrée (article 7-2). Il

97 Loi n°2000-108 du 10 février 2000

98 Décret n°2002-1434 du 4 décembre 2002

99 Décret n°2011-757 du 28 juin 2011

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est précisé que l'appel d'offre doit être transmis à l'Office des publications de l'Union Européenne pour publication au Journal Officiel européen (article 5). La CRE classe ensuite par ordre de préférence les candidats sous deux mois, qui sont ensuite choisis par le ministre de l'énergie (article 16-3).

2) Contenu des cahiers des charges applicables aux appels d'offres

Chaque appel d'offres est mis en oeuvre par un cahier des charges répondant aux volontés exprimées par le ministre de l'énergie. Les cahiers des charges prévoient chacun des dispositions relatives à l'obligation de conformité des installations aux normes existantes, l'obligation pour le candidat de fournir un plan de sécurisation industrielle, un plan de gestion du risque, un plan d'emploi et de formation, un plan de gestion des activités déjà existantes, une évaluation des impacts environnementaux ainsi qu'une évaluation précise du prix de revente de l'électricité. Un exposé devra de plus être fourni par le candidat garantissant sa solidité technique et financière, celui-ci devant disposer de fonds propres d'un montant au moins égal à 20% du coût total du projet. Il est également pris en compte la capacité financière du candidat à démanteler les installations. Enfin, il est précisé que le candidat « s'engage à mettre en service au moins 20% de la puissance totale de l'installation de production au plus tard 6 ans après la notification de la décision par les ministres compétents », porté à 50% de la puissance sous 7 ans, et enfin la totalité de la puissance au plus tard 8 ans après la notification.

Au regard de toutes ces conditions, les cahiers des charges prévoient que les candidats seront choisis selon 3 critères100 : la note finale dépendra à 40% du prix d'achat de l'électricité, à 40% de la qualité du projet industriel et à 20% de la prise en compte des activités existantes et de l'environnement.

3) Chronologie des appels d'offres lancés en France

Le premier appel d'offres en matière d'éolien offshore a été lancé en 2004, sélectionnant la société Enertag, parmi 10 autres projets, pour la construction d'une ferme éolienne de 21 turbines au large des côtes de Veulette-sur-mer, en Normandie, pour une puissance totale de 105 MW. Cependant, 11 ans après, rien n'a encore été construit en raison des difficultés administratives causées par de telles installations en mer. Les avancées

100 Article 5.2 cahier des charges : « pondération des critères »

40

technologiques cumulées aux contraintes écologiques grandissantes ayant provoqué un regain d'intérêt pour l'éolien offshore, un deuxième appel d'offres a été lancé en 2011, de plus grande envergure puisque destiné à installer des parcs éoliens sur 5 sites (Fécamp, Courseulles-sur-mer, Saint-Nazaire, Saint-Brieuc, Le Tréport), pour un total de 3000 MW101. Celui-ci s'est traduit par l'attribution, le 6 avril 2012, des trois premiers sites à Eolien Maritime France (EMF), dont les principaux actionnaires sont EDF Énergies nouvelles, WPD et Dong Energie, et du site de Saint-Brieuc au consortium européen composé d'Iberdrola et de la filiale française d'Eole-RES. Seul le site du Tréport n'a pas été attribué. Celui-ci n'ayant pas fait l'objet d'une concurrence suffisante, il a abouti à une proposition de vente du prix de l'électricité trop élevée comparée aux autres sites. L'appel d'offre lancé en 2012 était destiné à remédier à ce problème puisqu'il se cantonnait, dans les mêmes conditions que le cahier des charges 2011, à trouver des candidats sérieux sur le site du Tréport ainsi sur le site de l'Ile d'Yeux-Noirmoutier (total : 1000 MW).

Si les projets de 6 sites éoliens ont bien été lancés, ils ont déjà accumulé du retard dans leur installation et ne représentent aujourd'hui que la moitié de la puissance électrique produite attendue des éoliennes en mer d'ici 2020, conformément aux engagements de la France pris lors du Grenelle de l'environnement. Il est néanmoins prévu qu'un appel d'offre pour l'éolien posé, ainsi qu'un appel à manifestation d'intérêt pour l'éolien flottant soit lancé en 2015, d'après la ministre de l'écologie Ségolène Royal.

B. Une obligation pour les exploitants de disposer d'une autorisation d'exploiter

Les EMR étant des unités de production d'énergie, elles sont soumises à une autorisation d'exploiter. L'article 1 du décret du 7 septembre 2000 relatif à l'autorisation d'exploiter des installations de production d'énergie102 dispose à ce titre que toute installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, ayant une puissance supérieure ou égale à 30 MW, doit faire l'objet d'une autorisation. Une turbine n'étant pas, en l'état actuel de la technologie, capable d'atteindre de telles puissances, on pourrait estimer qu'elles sont réputées autorisées. Pourtant, la puissance doit être analysée au regard de la puissance totale du parc. Ces derniers étant destinés à disposer d'une puissance d'au moins 500 MW, ils sont soumis à autorisation.

101Cahier des charges de l'appel d'offres n° 2011/S 126-208873 portant sur des installations éoliennes de production d'électricité en mer en France métropolitaine

102 Décret n°2000-877 du 7 septembre 2000

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Le décret ne parle pas en revanche des autres technologies EMR telles que les énergies houlomotrices ou utilisant la force thermique. Celles-ci étant pareillement destinées à constituer des parcs d'envergure, elles devraient faire l'objet d'une réglementation lorsque ces projets auront mûris.

L'autorisation d'exploiter est délivrée, tout comme pour les appels d'offres, par le ministre chargé de l'énergie dans les 4 mois à compter du dépôt de la demande. Le candidat doit, à nouveau, fournir une note renseignant sur ses capacités techniques, économiques et financières, accompagnée d'une note sur l'incidence du projet sur la sûreté des réseaux publics d'électricité ainsi que les dispositions environnementales susceptibles d'être appliquées sur le site.

L'article L311-16 punit d'un an d'emprisonnement et 150.000 € d'amende le fait d'exploiter une installation de production d'électricité sans être titulaire de l'autorisation mentionnée. Toutefois, il est précisé dans le cahier des charges des appels d'offres que « le fait pour le candidat d'être retenu lui donne droit à la délivrance d'une autorisation d'exploiter », ce qui signifie que l'autorisation est attribuée automatiquement aux candidats retenus.

L'article L. 311-5, dernier paragraphe, du Code de l'énergie, ajoute que « l'autorisation est nominative et incessible. En cas de changement d'exploitant, l'autorisation ne peut être transférée au nouvel exploitant que par décision de l'autorité administrative ». Or, l'apparition des EMR a permis le développement d'un marché dans lequel des sociétés se spécialisent dans l'élaboration de projets EMR. Celles-ci se chargent d'obtenir les documents nécessaires à la délivrance de l'autorisation, pour ensuite revendre le projet, moyennant une plus-value, à des exploitants assurés de disposer d'un parc opérationnel et dont le prix d'achat d'électricité a déjà été négocié103. Cet article instituant l'incessibilité des autorisations diminue donc l'intérêt des investisseurs pour les projets EMR, entrainant par ce biais une baisse des candidats aux appels d'offres. Il serait donc intéressant économiquement, pour le commanditaire comme pour le soumissionnaire de l'appel d'offres, de s'affranchir d'une règle aussi contraignante.

Il est à noter que depuis la loi Grenelle II portant engagement national pour l'environnement104, l'article R421-8-1 du Code de l'urbanisme dispose que « sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature et de leur

103 F. Faurisson, « Le cadre juridique de l'éolien offshore », Bull. du droit de l'environnement industriel, 2012

104 Art. 12, loi n°2010-788 du 12 juillet 2010

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implantation sur le domaine public maritime immergé au-delà de la laisse de la basse mer, les installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d'électricité, notamment les éoliennes, les hydroliennes, les installations houlomotrices et marémotrices ainsi que celles utilisant l'énergie thermique des mers ». Cette dérogation permet d'éluder une autorisation supplémentaire de taille qui constituait un frein au développement des EMR.

De plus, à défaut de produire un régime administratif simplifié pour les EMR, les pouvoirs publics ont imposé aux distributeurs d'électricité non nationalisés (EDF principalement) l'obligation de conclure des contrats de rachat d'électricité avec les producteurs intéressés qui en font la demande105. Par ce biais, les exploitants de parcs EMR sont assurés de trouver un débouché rentable à leur production d'électricité106.

Les autorisations d'installation et d'exploitation d'EMR ne sont pas les seuls problèmes que vont rencontrer les personnes désireuses d'exploiter des parcs en mer. Le principe de l'exploitation de ressources naturelles en mer par un opérateur privé pose en effet la question du caractère public de l'espace maritime.

II. L'installation d'EMR confrontée au domaine public de la mer

L'exploitant d'EMR, en tant qu'opérateur privé, va se retrouver confronté aux eaux territoriales, régies par « le principe fondamental et ancien du libre usage par le public pour la promenade, la baignade, la pêche, ou l'échouage des bateaux107 ». La zone économique exclusive, quant à elle, est une manifestation de la souveraineté de l'État riverain, tout comme le plateau continental, dans une moindre mesure. Enfin, la haute mer se caractérise comme étant un espace de liberté. Si la Convention de Montego Bay prône la liberté d'y construire des îles artificielles ou des installations, cela reste l'apanage des États, dans les conditions fixées par le droit international108. Doivent donc

être successivement analysées les autorisations nécessaires aux installations d'EMR par des opérateurs privés dans les eaux territoriales (A) et hors des eaux territoriales (B).

105 Art. 10, loi n°2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, préc.

106 S. Michalak, « énergies marines : un droit en construction », mémoire 2010, préc.

107 Instr. 22 oct. 1991, 2.1

108 Art. 87 Conv. Montego Bay du 10 déc. 1982

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A. Les autorisations nécessaires à l'installation d'EMR dans les eaux territoriales

Il est inscrit à l'article L2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) que les sols et sous-sols de la mer territoriale, outre les rivages et les lais et relais de la mer, appartiennent au domaine public maritime. La mer territoriale s'entend de celle qui ne s'étend pas au-delà des côtes de plus de 12 milles marins109. La construction d'installations privées suppose donc la délivrance d'autorisations (1) qui apparaissent insuffisantes à la garantie les droits des exploitants (2).

1) Une superposition des autorisations liées à l'occupation privative du domaine public maritime

a) Diversité des éléments contrôlés

Le domaine public maritime est régi par les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine, ce que rappelle l'article L2122-1 du CGPPP en disposant que « nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ». Le décret du 29 mars 2004 relatif aux concessions d'utilisation du domaine public maritime110 précise dans son article 1 que le domaine public maritime peut faire « l'objet de concessions d'utilisation en vue de leur affectation à l'usage du public, à un service public ou à une opération d'intérêt général ». L'occupation privative du domaine public maritime ne rentre donc pas en contradiction avec l'inaliénabilité du domaine puisque les concessions ne sont pas translatives de propriété, ni à l'imprescriptibilité du domaine puisque les concessions ont une durée ne pouvant excéder 30 ans (article 1 du décret) et sont révocables par l'administration (article 9). Le motif d'intérêt général ne semble pas poser de problème en l'espèce puisque la circulaire du 20 janvier 2012 sur la gestion durable et intégrée du domaine public naturel, adressée aux préfets, considère que le DPM répond à la nécessité de « favoriser les activités liées à la mer et qui ne peuvent se développer ailleurs » (article 2.1).

Ce ne sont cependant pas les seuls contrôles réalisés avant d'accorder la concession de DPM. Le décret de 2004 précise, tout comme pour les appels d'offres, que la demande

109 Art. 3 CMB

110 Décret n°2004-308 du 29 mars 2004

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de concession doit comporter, en substance, la nature des travaux et leur coût, un calendrier de réalisation des constructions, l'impact des installations sur l'environnement et les ressources naturelles ainsi qu'un projet de remise en état du site en fin d'utilisation. L'article L2124-1 du CGPPP ajoute que « les décisions d'utilisation du DPM tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que les impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ».

b) Diversité des avis nécessaires à l'autorisation de concession

L'article 2 du décret de 2004 dispose que la demande de concession est soumise au préfet. Ce n'est pas la seule personne à décider de l'attribution de la concession. Il est en effet prévu que le service gestionnaire du DPM conduit une instruction administrative aux fins de consulter les administrations civiles et les autorités militaires intéressées. Le service doit ensuite recueillir l'avis du directeur des services fiscaux ainsi que celui de la commission nautique locale ou de la grande commission nautique. L'avis des communes et établissements publics de coopération intercommunale intéressées doit également être recueilli. Une enquête publique menée dans les formes prévues par le Code de l'expropriation doit enfin être menée avant avis final du préfet.

2) Des garanties insuffisantes apportées par les textes aux investisseurs

Outre la lourdeur administrative, il ressort des textes que deux éléments peuvent repousser les investisseurs désirant exploiter des parcs EMR sur les littoraux français. D'une part, le décret de 2004 prévoit, en son article 9, la possibilité pour l'État de résilier le contrat de manière anticipée pour motif d'intérêt général. Il est alors prévu que le contrat de concession peut comporter « une clause d'indemnisation des investissements non encore amortis ». Sans même relever la rapidité avec laquelle le décret envisage le sujet, il est surprenant que l'État dispose d'un droit de révocation dès lors qu'il dispose de nombreux moyens de contrôle durant toute l'élaboration du projet. Ce droit apparaît comme disproportionné au regard de la sécurité juridique que doivent comporter ces projets, même si l'on peut supposer que l'État ne l'utilisera qu'en ultime recours.

D'autre part, le décret de 2004 et la circulaire de 2012 précisent tous deux que « la concession n'est pas constitutive de droits réels au sens des articles L2122-5 à L2122-14

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du CGPPP », le régime des droits réels n'étant pas applicable au domaine public maritime. Cependant, cela voudrait dire que le titulaire d'un « titre d'occupation » ne pourrait être propriétaire des installations immobilières qu'il réalise pour l'exercice de l'activité autorisée par le titre111. Cela semble improbable au vu des projets éoliens en phase d'élaboration. De plus, le domaine d'exclusion semble concerner les titres d'occupation temporaires (valables seulement 5 ans) et les biens immobiliers. Doit-on en déduire que les concessions de 30 ans d'installations flottantes, qui devraient pouvoir être qualifiées de meubles, ne sont pas concernées ? Encore une fois, une harmonisation législative doit être opérée avec l'arrivée de projets EMR à grande échelle, faute de quoi la France continuera à repousser les investisseurs.

La procédure française ayant été vue, il convient de s'intéresser aux dispositions internationales prises au sujet de l'occupation du domaine maritime.

B. Les autorisations nécessaires à l'installation d'EMR hors des eaux territoriales

Le domaine public maritime s'arrêtant aux eaux territoriales, la question se posera de savoir quel droit s'appliquera lorsque des parcs EMR seront installés dans la zone économique exclusive (ZEE), le plateau continental (PC) voir la haute mer. Il convient pour cela de se tourner vers les dispositions prises par le droit international (1), puis par le droit français (2).

1) Dispositions de droit international

Si les différentes zones relevant du droit de la mer ont été codifiées par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite Convention de Montego Bay (CMB), celle-ci ne prévoit rien en ce qui concerne les installations EMR. L'ONU s'est cependant penchée récemment sur le sujet. Le secrétariat général de l'ONU a en effet rendu en 2012 un rapport sur les océans et le droit de la mer appliqué aux EMR, précisant que la CMB « définit le cadre juridique dans lequel doivent être entreprises toutes les activités intéressant les mers et les océans. En conséquence, ses dispositions et le cadre juridique qu'elle établit s'appliquent également à la mise en valeur et à l'exploitation des énergies marines renouvelables112 ». Si la CMB n'a pas envisagé le cas des EMR, elle doit néanmoins leur être applicable.

Or, l'article 60-1 dispose que « dans la zone économique exclusive, l'État côtier a le

111 Art. L2122-6 CGPPP

112 L. Bordereaux, C. Roche, DMF 2012, p.1049

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droit exclusif de procéder à la construction et d'autoriser et réglementer la construction, l'exploitation et l'utilisation d'îles artificielles, d'installations et d'ouvrages ». La Convention interdit seulement la construction d'installations EMR « lorsque cela risque d'entraver l'utilisation de voies de circulation reconnues essentielles pour la navigation internationale » (article 60-7). Pour le reste, seul le droit interne s'applique, à l'exception du droit de l'environnement (voir infra).

En revanche, dans le cas d'installations en haute mer, dans laquelle le droit interne n'a pas vocation à s'appliquer, la Convention ne traite que des libertés accordées. Rien ne permet donc de déterminer le régime des EMR dans cette zone. Le compte-rendu de la treizième réunion du processus consultatif officieux ouvert à tous sur les océans et le droit de la mer, organisé par l'ONU, a toutefois ouvert des portes concernant l'extension de la portée et de la juridiction de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) au-delà de sa portée actuelle sur l'extraction minière, pour couvrir également les ressources bio-dérivées. Le compte-rendu parle de plus d'un régime international de contrôle et de réglementation des EMR dans les zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale113.

2) Dispositions de droit interne

Avant 2013, la France ne disposait d'aucun texte spécifique aux installations d'EMR en ZEE et sur le plateau continental. Seule la loi du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République prévoyait que « la République exerce, dans la zone économique pouvant s'étendre depuis la limite des eaux territoriales jusqu'à 188 milles marins au-delà de cette limite, des droits souverains en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes114 ».

Pour parer aux difficultés futures causées par la concrétisation des projets EMR en France, un décret relatif « à la réglementation applicable aux îles artificielles, aux installations, aux ouvrages et à leurs installations connexes sur le plateau continental et dans la zone économique et la zone de protection écologique ainsi qu'au tracé des câbles et pipelines sous-marins » a été adopté le 10 juillet 2013115. Celui-ci se calque sur le décret 2004-308 relatif aux concessions (voir supra) pour déterminer la procédure

113 « Compte-rendu de la treizième réunion du processus consultatif officieux ouvert à tous sur les océans et le droit de la mer », 29 mai-1er juin 2012

114 Loi n°76-655 du 16 juillet 1976, art. 1

115 Décret n°2013-611 du 10 juillet 2013

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applicable à l'installation d'EMR en ZEE et sur le plateau continental.

C'est ainsi que le préfet demeure l'autorité compétente pour délivrer cette autorisation après avis des autorités locales et consultation du public, et que le candidat doit être compatible avec les activités économiques existantes ainsi que les objectifs environnementaux du plan d'action pour le milieu marin. L'autorisation est en outre donnée pour 30 ans et précise que le titulaire doit avoir la capacité financière de démanteler les installations à la fin de leur exploitation.

Le décret aborde enfin la question des câbles et pipelines sous-marins, qui devront nécessairement être installés en matière d'énergies marines. Dans un article succinct, il est indiqué que le tracé des câbles doit obligatoirement être notifié au préfet 6 mois au moins avant le début de la pose (article 19).

Les autorisations administratives ne sont pas les seules contraintes s'élevant contre l'implantation d'installations EMR en France. La protection de l'environnement dresse également de nombreuses barrières.

Chapitre II : Les énergies marines renouvelables face aux contraintes
environnementales

L'intérêt pour les énergies marines renouvelables est apparu en France suite au PNA2E du 6 décembre 2000, prévoyant d'accélérer le développement des énergies renouvelables. Il a depuis pris en ampleur avec la directive du 23 avril 2009116 visant à porter à 20% à l'horizon 2020 la part de l'énergie provenant de sources renouvelables. Si les projets EMR proviennent tous d'initiatives à vocation environnementale, ils demeurent néanmoins des instruments de préservation de l'environnement qui dénaturent l'espace maritime naturel. Leur installation va donc impliquer de prendre en compte certaines règles environnementales préexistantes relatives au milieu marin (I). Devront également être comptabilisés les nouveaux risques environnementaux créés par l'exploitation des EMR (II).

116 Dir. N°2009/28 du 23 avril 2009, préc.

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I. L'existence de zones marines protégées restreignant l'implantation des EMR

L'intégralité du littoral français fait l'objet d'une protection très stricte (A) tandis que certaines zones naturelles sous juridiction françaises bénéficient également d'un régime particulier (B).

A. Protection du littoral

1) Principe d'interdiction des EMR sur la bande littorale

Le littoral est une notion relativement floue qui peut s'entendre comme une ligne départageant la mer de la terre. Pour autant, cette ligne n'est pas fixe et sa dimension n'est pas définie. On peut simplement retenir un arrêt du Conseil d'État du 5 juillet 1999 retenant qu'une concession de sable marin située à 4 miles et demi du rivage ne se situe pas sur le littoral117. La loi du 3 janvier 1986, dite loi littoral, lui a attribué un statut bien particulier, principalement gouverné par des motifs d'intérêt général. L'article 1 de la loi, aujourd'hui codifié à l'article L321-1 du Code de l'environnement, dispose en effet que « le littoral est une entité géographique qui appelle une politique spécifique d'aménagement, de protection et de mise en valeur », qu'il nécessite dès lors une « politique d'intérêt général » ayant pour objet « la protection des équilibres biologiques et écologiques, la lutte contre l'érosion, la préservation des sites et paysages et du patrimoine ». L'article 146-6 du Code de l'urbanisme va dans le même sens en ajoutant que le littoral est doté d'un « patrimoine naturel et culturel ». En conséquence, la loi littoral interdit strictement les constructions ou installations sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage118.

L'article L321-1 du Code de l'environnement pose des exceptions à cette interdiction, disposant que le littoral peut être aménagé pour la préservation et le développement de la pêche, les cultures marines, les activités portuaires, la construction et la réparation navale, les transports ainsi que « le maintien ou le développement des activités agricoles, de l'industrie, de l'artisanat et du tourisme ». L'article est à rapprocher avec l'article L2124-2 du CGPPP disposant qu'il « ne peut être porté atteinte à l'état naturel du rivage de la mer », « sous réserve de l'exécution des opérations de défense contre la mer et de la réalisation des ouvrages et installations nécessaires à la sécurité maritime, à la défense nationale, à la pêche maritime ».

117 CE 5 juillet 1999, n°197287

118 Art. 146-4 III C. de l'urbanisme

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Dans chaque situation, l'exploitation EMR n'est pas mentionnée, ce qui a priori l'exclue des dérogations à la préservation du littoral. Pour autant, il est difficile de ne pas considérer l'énergie marine comme une industrie, ce qui pourrait l'inclure dans les exceptions prévues par le Code de l'environnement. De même, l'article L2124-2 du CGPPP apporte une dernière dérogation à l'état naturel du littoral « pour des ouvrages ou installations liés à l'exercice d'un service public ou l'exécution d'un travail public dont la localisation au bord de mer s'impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et qui ont donné lieu à une déclaration d'utilité publique ». Or, il a été vu précédemment que le développement des EMR pouvait être vu comme répondant à un motif d'intérêt général. De plus, en raison de la configuration des côtes françaises atteignant rapidement des profondeurs élevées, les projets éoliens posés seront souvent amenés à ne pouvoir être installés qu'en zone littorale119.

Mais dès lors qu'il peut y avoir des énergies marines renouvelables ailleurs que sur la zone littorale, l'argument d'impératif est discutable.

2) Autorisation d'installation de câbles de raccordement dans la zone littorale

Bien que les EMR puissent être installées en dehors des zones littorales, leur présence en mer implique leur raccordement à des centrales pour redistribution de l'électricité sur terre. Pour ce faire, des câbles traversant la zone littorale doivent être posés. Même s'ils sont enterrés, ils constituent une atteinte à l'état naturel du rivage et du littoral non comprise par les exceptions des textes.

La loi Grenelle II est venue répondre à cette problématique en ajoutant à l'article L1464 III que l'interdiction de construction sur la bande littorale ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau, « et notamment aux ouvrages de raccordement aux réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité des installations marines utilisant les énergies renouvelables ».

La loi du 15 avril 2013 dite « transition énergétique »120 est venue définitivement clore le débat, ajoutant à l'article L146-6 que « peuvent être également autorisées les canalisations du réseau public de transport ou de distribution d'électricité visant à promouvoir l'utilisation des énergies renouvelables », à la condition que « les techniques utilisées pour la réalisation de ces ouvrages sont souterraines et toujours celles de

119 C. Augris, P. Clabaut, « Cartographie géologique des fonds marins côtiers », Ifremer, 2001

120 Loi n°2013-312 du 13 avril 2013

50

moindre impact environnemental ».

Malgré de nombreuses dérogations, les aménagements de la bande littorale font l'objet d'un contrôle très strict. Ce n'est cependant pas la seule zone maritime soumise à une protection particulière.

B. Les autres espaces protégés de la mer

1) Parcs nationaux et parcs naturels marins

Des parcs nationaux peuvent être créés en France, en milieu terrestre ou marin, lorsque le milieu naturel présente « un intérêt spécial et qu'il importe d'en assurer la protection en les préservant des dégradations et des atteintes susceptibles d'en altérer la diversité, la composition, l'aspect et l'évolution121 ». Le parc national est composé d'un ou plusieurs coeurs qui constituent les espaces terrestres ou maritimes à protéger.

La loi du 14 avril 2006122 intègre dans le Code de l'environnement les parcs naturels marins, l'article L331-14 I disposant que « dans les espaces maritimes compris dans le coeur d'un parc national, les travaux et installations sont interdits, sauf autorisation spéciale de l'établissement public du parc, à l'exception de la pose de câbles sous-marins et des travaux nécessités par les impératifs de la défense nationale ». On retrouve donc ici les mêmes exceptions que celles s'appliquant la bande littorale, à la différence que les parcs naturels marins ont un champ d'application bien plus étendu puisqu'ils « peuvent être créés dans les eaux placées sous la souveraineté ou la juridiction de l'Etat, ainsi que sur les espaces appartenant au domaine public maritime, pour contribuer à la connaissance du patrimoine marin ainsi qu'à la protection et au développement durable du milieu marin123 ». Les parcs naturels marins ont donc vocation à s'étendre du littoral jusqu'au plateau continental. A terme, il est prévu en France que ces zones protégées couvrent près de 10% des mers sous juridiction nationale124.

Il est prévu au III de l'article L331-14 que l'autorisation des activités susceptibles d'altérer les parcs naturels marins doit être soumise à avis conformes de l'établissement public du parc national après consultation de son conseil scientifique. Il est ajouté dans la partie réglementaire que doivent être consultés l'Agence maritime des aires marines protégées, du comité national des pêches maritimes, le préfet maritime et le préfet de région.

121 Art. L331-1 C. de l'environnement

122 Loi n° 2006-436 du 14 avril 2006

123 Art. 334-3 C. de l'environnement

124 Droits Maritimes, 522.21, préc.

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2) Zones Natura 2000

Les zones dites Natura 2000 sont composées des zones de protection spéciale (ZPS) comprenant les parties naturelles des sites classés ou inscrits ainsi que les réserves naturelles, et les sites d'importance communautaire (SIC) retenus par la Commission européenne. Elles sont destinées « à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation125 ».

A ce titre, les projets d'implantation EMR doit faire l'objet, dès lors qu'ils affectent de manière significative le site, d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site sur décision de l'autorité administrative. Un projet altérant me site pourra néanmoins aboutir « pour des raisons d'intérêt public majeur » et « en l'absence de solution alternative ».

Dans les autres situations, un opérateur installant un projet sur une zone Natura 2000 sans fournir un document d'évaluation des incidences éventuellement provoquées encourt une amende de 30 000 € et 6 mois d'emprisonnement.

Les spécificités techniques des EMR ont de plus engrangé de nouveaux risques environnementaux.

II. La prise en compte de l'impact des EMR sur l'environnement marin

Comme bien souvent en matière environnementale, les études lancées sur le sujet ont d'abord été lancées sous l'impulsion de Conventions internationales (A) pour ensuite être reprises et complétées au niveau national (B).

A. Mesures européennes prenant en compte l'impact environnemental des éoliennes en mer

Les États ont très tôt compris que l'installation d'éoliennes en mer était susceptible d'avoir une empreinte environnementale. Les conventions de Paris (1) et de Berne (2) ont été à ce titre des instruments efficaces de prévention des risques.

125 Art. L414-1 V C. de l'environnement

52

1) Convention de OSPAR

La Convention d'Oslo-Paris des 21 et 22 septembre 1992 (dite convention OSPAR) prévoit en son annexe 5 que les États doivent prendre « les mesures nécessaires à la protection de la zone maritime contre les effets préjudiciables des activités humaines, de manière à sauvegarder la santé de l'homme et à préserver les écosystèmes marins et, lorsque cela est possible, de rétablir les zones marines qui ont subi ces effets préjudiciables » (article 2). Pour cela, il est recommandé aux Etats de coopérer afin de rassembler et étudier les informations sur les activités humaines, permettant ainsi d'opter pour « les meilleures techniques disponibles », c'est à dire les techniques d'exploitation les moins productrices de déchets possibles au regard de leurs performances.

Bien que cette annexe ne devait entrer en vigueur qu'en 2003, la Commission de Paris, instance décisionnelle de la Convention, a inscrit en 2001 à son programme d'action l'énergie éolienne offshore et lancé un programme de travail sur les impacts environnementaux des parcs éoliens offshore. Ses travaux ont abouti à la production de plusieurs rapports, dont le dernier en date a annulé et remplacé ceux existants. Cet accord a pour objectif de donner des recommandations, non contraignantes, sur l'opportunité des installations éoliennes en mer, en fonction des activités humaines existantes et en l'état actuel des connaissances sur l'impact environnemental de tels projets. Les rapports sont accompagnés de nombreuses mises à jour à travers l'organisation régulière de réunions sur des sujets plus précis tels que les problèmes relatifs aux ondes sous-marines générées par les activités humaines (Copenhague, 30 septembre 2015) ou sur les aires marines protégées (Lisbonne, 15 octobre 2015).

La Convention a pour avantage majeur de regrouper plusieurs pays européens, tout en étant en relations étroites avec d'autres organisations maritimes (à commencer par l'OMI), ce qui lui octroie un rayonnement plus large permettant la coordination de nombreux pays sur la politique éolienne à suivre. Les rapports ont par ce biais permis la mise en place par divers Etats de mesures destinées à réduire le bruit produit par le battage des pieux (Royaume-Uni) tout en construisant les parcs éoliens en dehors des périodes de reproduction de certaines espèces (Pays-Bas).

On pourra cependant reprocher à la Commission Ospar un certain manque de transparence, la quasi-totalité des comptes-rendus de réunions étant à diffusion restreinte126.

126 ospar.org

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2) Convention de Berne

La Convention de Berne du 19 septembre 1979 avait à l'origine comme but d'assurer la préservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe. C'est dans cet objectif que le Comité permanent de la Convention a été saisi en 2001 de l'impact des éoliennes en mer sur la vie sauvage. En vertu de l'article 14 de la Convention, le Comité a rendu en 2004 une recommandation destinée aux parties signataires et appliquant le principe de précaution aux parcs offshore. Cette recommandation reconnaît en effet que les éoliennes en mer représentent une technologie d'avenir allant en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, mais elle admet également « qu'il faut procéder à une étude approfondie de l'impact sur l'environnement avant de choisir les lieux de construction appropriés et avant de délivrer des permis de construction pour éviter la détérioration de zones d'une valeur écologique particulière ». Elle invite de ce fait les États à « mettre en place un suivi qui puisse permettre l'amélioration des connaissances relatives à l'impact des éoliennes et, par ce moyen, de faciliter au public des informations dignes de confiance ». C'est précisément ce que fait la France aujourd'hui en imposant une enquête publique systématique lorsqu'un projet industriel est susceptible d'affecter l'environnement.

B. Le constat français de l'impact des EMR sur l'environnement

Les contraintes environnementales causées par les parcs énergétiques en mer ont fait l'objet de nombreuses études étrangères durant les dernières années. Suite aux appels d'offres débutés en 2011, la France a également lancé des recherches sur le sujet, qui ont fait l'objet d'un premier rapport très détaillé (360 pages) du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en 2012127. Il a été complété le 25 mars 2015 par un rapport de l'Agence de l'environnement spécifique aux impacts des éoliennes sur le site de Courseulles-sur-mer. Il ressort de ces documents que les effets des EMR sur l'environnement ne sont pas les mêmes selon qu'elles sont en phase d'installation (1) ou d'exploitation (2).

1) Impact lors de l'installation des EMR

Un constat unanime a été fait concernant les effets néfastes relatifs au bruit causé par

127 « Energies marines renouvelables : étude méthodologique des impacts environnementaux et socio-économiques », ministère de l'écologie, 2012

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l'installation des EMR, en particulier en ce qui concerne les éoliennes posées. Il a été relevé que le battage des pieux, permettant de fixer celles-ci au fond marin, atteignait à 1 mètre de l'éolienne 150 dB, à raison de 30 coups par minutes pendant plusieurs heures

pour l'installation de chaque éolienne. Les études ont relevé que de tels travaux influaient sur le comportement des espèces marines, parfois jusqu'à 30 km autour du site, et étaient perçues par elles dans les 100 km à la ronde. De plus, le battage causerait des blessures auditives pouvant entraîner la mort jusqu'à 3 km de distance.

Il est en outre avéré que la majeure partie des espèces marines ont recours constamment aux fréquences sous-marines pour communiquer, s'alimenter et se repérer. Les travaux sur le site de Horns Rev I ayant duré 6 mois, l'équilibre environnemental existant pourrait s'en trouver fortement bouleversé de manière durable, au détriment, notamment, de la pêche.

L'installation des éoliennes flottantes serait en revanche moins perturbatrice, leur rattachement à un point fixe étant équivalent en termes de décibels au passage d'un navire. Elles n'ajouteraient donc qu'un bruit supplémentaire dans un environnement sonore marin déjà passablement surchargé. Quant aux autres installations EMR, des analyses plus approfondies devront être réalisées à l'avenir, celles-ci n'étant encore qu'au stade de prototypes.

2) Impact en phase d'exploitation

Le sujet le plus discuté concerne les effets de l'implantation d'éoliennes sur les oiseaux. L'impact est difficilement quantifiable dans la mesure où chaque espèce réagit différemment, certaines évitant les parcs, d'autres s'y engouffrant. Si, d'après les études, 99% en moyenne des oiseaux parviennent à éviter la collision avec les éléments dynamiques des éoliennes, ce sujet à été l'un des principaux motifs avancés en 2014 pour justifier l'abandon de la deuxième phase de construction du site de London Array, qui prévoyait l'installation de plus de 200 turbines supplémentaires.

Les éoliennes en mer, lorsqu'elles sont exploitées, produisent également un bruit. Si les risques de blessures causées par le bruit d'une éolienne est nul, la faune marine peut néanmoins le percevoir dans un rayon de plusieurs centaines de mètres voir plusieurs dizaines de kilomètres selon les espèces. Les éoliennes auront donc pour effet de les faire fuir vers le large. Cela aura pour conséquence de provoquer une perte d'aire d'alimentation pour les oiseaux, ce qui, selon l'Agence de l'environnement, est une

donnée au moins aussi importante que le risque de collision avec les rotors. En effet, les oiseaux devront aller plus loin vers le large pour s'alimenter, ce qui représentera une dépense supplémentaire mettant en danger les plus faibles.

Enfin, la production d'électricité est également source d'ondes électromagnétiques. Si celles-ci ne semblent pas affecter la faune marine, bien que les connaissances sur le sujets soient encore faibles, elles provoquent assurément des perturbations sur l'environnement humain les ondes provoquent de nombreux problèmes sur le traitement des données radar, le mouvement des pales entraînant la génération de faux échos. Sont notamment concernés les radars CROSS sur le sauvetage en mer ainsi que les radars de navigation dans les ports et les voies navigables.

Ces études restent majoritairement limitées aux éoliennes et délimitent encore avec imprécision les effets des EMR sur l'environnement. Elles seront donc complétées et affinées avec la multiplication des parcs et l'utilisation de nouvelles technologies.

CONCLUSION

Plusieurs choses sont à dégager des énergies marines renouvelables en France. Tout d'abord, s'il n'existe encore aucune installation en fonctionnement, tous les éléments tendent à accélérer leur installation : le réchauffement climatique, les catastrophes industrielles consécutives (Deepwater Horizon, Fukushima) ainsi que les réglementations internationales et internes, ont eu pour effet d'espérer que les premières installations soient opérationnelles dans les prochaines années.

Ensuite, si le droit maritime privé n'a pas expressément prévu de statut spécifique aux EMR, il repose sur des acquis suffisamment anciens et constants qu'il est d'ores et déjà possible de dégager une ossature juridique applicable aux EMR. Il en ressort que tous ces engins, quelles que soient les technologies dont ils disposent, ont peu d'espoirs d'être qualifiés de navire, ce qui permet de simplifier leur régime. A l'image des plates-formes pétrolières, le plus simple reste donc de les définir par la négative, car c'est moins leur dénomination que les règles maritimes qui leur sont applicables qui importe. Au regard de leurs caractéristiques techniques, on peut écarter l'éolien posé de la majorité des dispositions faisant exception au droit commun, tandis que les autres engins seront plus facilement soumis au droit maritime. C'est indubitablement le cas pour l'assistance maritime, tandis que l'application de l'abordage et de la limitation de responsabilité des armateurs dépendra du type d'engins flottants employés. De même, les travailleurs opérant sur les sites pourront être qualifiés de marins s'ils opèrent à bord des navires, ou

55

56

bien de personnel occasionnel à bord si leur rôle consiste en la maintenance des installations EMR. S'il y a bien un socle juridique qui assure une certaine sécurité dans le développement des EMR en France, la non prise en compte par les autorités de la question des énergies marines sur le plan du droit privé fait ressortir de nombreuses lacunes qu'il est impératif d'effacer avant leur installation en mer. La prochaine étape serait donc d'intégrer les EMR dans les Codes concernés afin de disposer d'un régime, sinon clair, au moins adapté aux problèmes que leur exploitation va susciter. Ce régime pourrait s'inspirer en grande partie de celui applicable aux plates-formes pétrolières.

Du côté du droit public, la situation est plus avancée, mais la prise en compte de la question éolienne a dans un premier temps compliqué à l'extrême les projets EMR. Les barrières administratives à l'entrée n'ont commencé à être gommées que récemment face aux échéances imposées par l'Union Européenne. Il a par ailleurs été fait remarqué, dans le rapport de la mission d'étude sur les énergies marines renouvelables l'opportunité, qu'il fallait encore simplifier le volet administratif en créant dans le Code de l'énergie un chapitre spécifique aux EMR regroupant toutes les procédures existantes, tout en installant un guichet unique pour le suivi des projets. Mais il est fort probable que l'administratif gagnera en simplicité ce que l'environnemental perdra en clarté : avec la découverte progressive de l'impact réel des EMR sur la faune et la flore marine, des mesures contraignantes seront probablement prises, complexifiant de ce fait les procédures liée à leur construction. Si l'initiative est louable, la préservation du milieu naturel local au détriment d'une source d'énergie « propre » à fort potentiel devra néanmoins être soupesée, faute de quoi l'engagement français de porter la production d'électricité issue de sources renouvelables à 23% pour 2020, déjà guère crédible, sera définitivement inenvisageable.

57

BIBLIOGRAPHIE

I. Ouvrages juridiques

- BEURIER Jean-Pierre, Droits Maritimes, Dalloz, 3e édition, 2015-2016, 1793 p.

- BONASSIES Pierre, SCAPEL Christian, Traité de droit maritime, 2e édition, 2010 Lextenso, 946 p.

- DELBECQUE Philippe, Droit Maritime, Dalloz, 13e édition, 2014, 896 p.

- LATTY Jean, Droit maritime appliqué, l'école supérieure du génie maritime, 1952 - SIRONNEAU Jacques, Lamy Environnement, L'eau

II Codes, Textes, Colloques

A. Codes

- Code civil

- Code des douanes

- Code de l'énergie

- Code de l'environnement

- Code de l'expropriation

- Code général de la propriété des personnes publiques

- Code des transports

- Code de l'urbanisme

B. Textes

1. Internationaux

- Convention de Berne du 19 septembre 1979 - Convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 - Convention de Bruxelles du 25 août 1924 - Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 - Convention Colreg du 20 octobre 1972

58

- Convention de Londres du 19 novembre 1976

- Convention de Londres du 28 avril 1989

- Convention MARPOL de 1973-1978

- Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982

- Convention des Nations unies du 7 février 1986

- Convention OSPAR des 21 et 22 septembre 1992

- Convention SOLAS du 1er novembre 1974

- Convention du travail maritime du 7 février 2006

2. Communautaires

Règlements :

- Règlement Rome I du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. - Règlement Rome II du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.

- Règlement no 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale.

Directives :

- Directive 96/92/CE du parlement européen et du conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité.

- Directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité.

- Directive électricité 2009/72/CE du 13 juillet 2009.

3. Nationaux

Lois :

- Loi n°67-545 du 7 juillet 1967 relative aux évènements de mer.

- Loi n°76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République.

- Loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du

59

service public de l'électricité.

- Loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux.

- Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle II.

- Loi n°2013-312 du 13 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.

- Loi n°2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable.

Décrets :

- Décret n°2002-645 du 23 avril 2002 portant publication de la Convention internationale de 1989 sur l'assistance.

- Décret n°67-690 du 7 août 1967 relatif aux conditions d'exercice de la profession de marin.

- Décret 2015-454 du 23 avril 2015 relatif à la qualification de gens de mer et de marins.

- Décret 2006-1064 du 25 août 2006 relatif à l'organisation du travail des personnels n'exerçant pas la profession de marin embarqués à bord des navires de recherche océanographique ou halieutique.

- Décret n°2002-1434 du 4 décembre 2002 relatif à la procédure d'appel d'offres pour les installations de production d'électricité.

- Décret n°2011-757 du 28 juin 2011 relatif à la procédure d'appel d'offres pour les installations de production d'électricité.

- Décret n°2000-877 du 7 septembre 2000 relatif à l'autorisation d'exploiter les installations de production d'électricité.

- Décret n°2004-308 du 29 mars 2004 relatif aux concessions d'utilisation du domaine public maritime en dehors des ports.

- Décret n°2013-611 du 10 juillet 2013 relatif à la réglementation applicable aux îles artificielles, aux installations, aux ouvrages et à leurs installations connexes sur le plateau continental et dans la zone économique et la zone de protection écologique ainsi qu'au tracé des câbles et pipelines sous-marins.

60

Circulaire :

- Circulaire du 20 janvier 2012 relative à la gestion durable et intégrée du domaine public maritime naturel.

Procès-verbal :

- Procès-verbal n° 3 SHOM/GCN/NP des travaux de la grande commission nautique.

Divers :

- Cahier des charges de l'appel d'offres n° 2011/S 126-208873 portant sur les installations éoliennes de production d'électricité en mer en France métropolitaine.

III. Jurisprudence

Cassation

- Chambre des requêtes, 4 janv. 1898

- Chambre des requêtes, 13 janvier 1919

- Assemblée plénière, 10 juillet 1992, n°99-60.355

- 2e chambre civile, 1er avril 1999, DMF 2000 p.315

- 2e chambre civile, 15 mars 2001

- Chambre commerciale, 20 nov. 1963, DMF 1964, p.152

- Chambre commerciale, 9 mars 1966, DMF 1966 p.408

- Chambre commerciale, 6 déc. 1976, DMF 1977 p.513

- Chambre commerciale, 18 novembre 1980

- Chambre commerciale, 19 juin 2007, n°06-14544

- Chambre commerciale, 5 octobre 2010, DMF 2010 p.907

- Chambre commerciale, 3 juillet 2012, n°11-22429

- Chambre sociale, 3 mars 1988, n°86-60507

- Chambre sociale, 26 sept. 2007, n°06-43998

Cours d'appel :

- Aix-en-Provence, 14 avril 1987

- Aix-en-Provence, 2e ch., 26 mai 1993 : JurisData n°1993-044423 - Caen, 12 septembre 1991, DMF 1993 p.523

61

- Paris, 7e ch., 24 sept. 1997 : JurisData n°1997-022804 - Rennes, 18 décembre 1956, DMF 1957, p.538

- Rouen, 2e ch., 27 nov. 1997 : JurisData n°1997-056454 - Rouen, 30 novembre 2000

- Paris, 7e ch., 24 sept. 1997 : JurisData n°1997-022804

Conseil d'Etat :

- CE 22 avril 1988, 6e et 2e s-sections

Sentence arbitrale :

- 10 mars 1952, DMF 1952 p.427

IV. Colloques, rapports

- Avis délibéré 2015-003 de l'Autorité environnementale sur le projet de parc éolien en mer de Courseulles-sur-Mer et son raccordement électrique.

- Compte-rendu de la treizième réunion du processus consultatif officieux ouvert à tous sur les océans et le droit de la mer, 29 mai-1er juin 2012.

- Colloque international « les énergies marines renouvelables », Campus de la mer, 2013.

- « Energies marines renouvelables : étude méthodologique des impacts environnementaux et socio-économiques », Ministère de l'écologie, du Développement durable et de l'Energie, 2012.

- Groupe de travail du CMF sur les EMR, 8 avril 2015

- Journée Ripert, 2013.

- Salon Thetis 2015.

IV. Articles

Articles de doctrine :

- BONASSIES Pierre, « De la faute prouvée, seul fondement de la responsabilité pour abordage », DMF 2010, p.907

62

- BORDEREAUX Laurent , ROCHE Catherine, «Du droit du littoral au droit de la mer : quelques questions autour des énergies marines renouvelables», DMF 2012, p.1049 - CHAUMETTE Patrick, « El Convenio de Trabajo Maritimo - OIT 2006 » DMF 2014, p.60

- CORBIER Isabelle, « Navire et autres bâtiments de mer », Jurisclasseur Transport vol.4, facs. 1045

- DAGORNE Jean-Pierre, « Les éoliennes en mer », DMF 2011, p.847

- De LA BOUILLERIE Pauline, MARTROR Boris, « Projets éoliens offshore : un nouveau souffle électrique en mer », La semaine Juridique Entreprise et Affaires, n°16, 22 avril 2010

- DELBECQUE Philippe, La semaine juridique Edition Générale n°5, 30 janvier 1985, II 20334

- DELBECQUE Philippe, Revue de droit des transports, 2010

- DE CET BERTIN Cécile, « Le remorquage n'est pas une opération de transport maritime », DMF 2008, p.64

- FAURISSON Florent, « Le cadre juridique de l'éolien offshore », Bulletin du droit de l'environnement industriel, 2012

- LE CORRE Laurent, « régime juridique des éoliennes », Jurisclasseur environnement et dévelopement durable, fasc. 4420

- LUQUIAU Antoine, « Navire et autres bâtiments de mer », Jurisclasseur Transport vol.4, facs. 1055

- REMOND-GUILLOU Martine, « quelques remarques sur le statut des installations pétrolières en mer », DMF 1977, p.675

- CORBIER Isabelle, Jurisclasseur Transport vol.4, facs. 1045

Articles de presse :

- « 6 projets innovants pour exploiter les énergies marines renouvelables », Industrie & Technologie, 29 octobre 2014

- « L'énergie éolienne en mer », France Energies Marines, 25 février 2013

- « Le marché de l'éolien en mer atteint le cap des 3 000 turbines en Europe », Les Echos, 19 août 2015

- « Eolien en mer : pas si simple de réaliser les études d'impact », Actu-environnement, 27 mars 2015

63

Sites internet :

- ADEME : ademe.fr

- American Wind Energy Association: awea.org

- Armateurs de France : armateursdefrance.org

- Bourbon Offshore : bourbonoffshore.com

- Campus de la mer : campusdelamer.fr

- Cluster maritime français : cluster-maritime.fr

- Commission de régulation de l'énergie : cre.fr

- Commission OSPAR : ospar.org

- Groupe DCNS : dcnsgroup.com

- Legifrance : legifrance.gouv.fr

- Le portail de l'Union européenne : europa.eu

- Marine Renewable Energy Group : marine-renewable-energy.com

- Ministère de l'écologie : developpement-durable.gouv.fr

- Nations Unies : un.org

- Organisation maritime internationale : imo.org

- Parc éolien Cape Wind (Etats-Unis) : capewind.org

- Projet WindFloat : principlepowerinc.com

- Pôle Mer Bretagne : pole-mer-bretagne-atlantique.com

- Pôle Mer Méditerranée : polemermediterranee.com

- Salon Thetis : thetis-emr.com

64

TABLE DES MATIERES

- Sommaire

- Introduction 1

PARTIE 1 : L'incorporation des énergies marines renouvelables dans les règles organisant les

rapports privés en mer 7

CHAPITRE I : La difficulté d'attribuer un statut juridique aux engins EMR 7

I. Les installations EMR, navires ou engins flottants ? 7

A. Le navire en droit international 7

B. Une définition des engins flottants découlant de la qualification du navire en droit français 9

1) Le navire au regard de la loi 9

2) Le navire au regard du juge français 10

3) Le navire au regard de la doctrine 11

II. Un rapprochement possible entre les engins EMR et les plates-formes pétrolières 12

A. Similitudes technologiques 12

B. Qualification juridique des plates-formes de forage 13

CHAPITRE II : les règles applicables aux installations EMR en matière d'évènements de mer

15

I. L'abordage 15

A. Les engins EMR, exclus des règles de l'abordage en droit international 16

1) Nécessité d'un abordage entre navires 16

2) Loi applicable en cas d'abordage entre un navire et un engin flottant en haute mer 16

B. Les engins EMR, aux frontières entre les règles de l'abordage et du droit commun en droit

français 17

1) Le régime de l'abordage, exclusif du droit commun 17

2) L'abordage, applicable aux engins EMR selon la technologie utilisée 18

a) Extension des règles de l'abordage aux engins flottants non amarrés à poste fixe 18

b) Le cas de la rupture des amarres 20

3) Circulation en mer et faute du propriétaire de l'installation EMR en cas de collision 20

II. Le jeu des limitations de responsabilité appliqué aux engins EMR 21

65

A. Régime de la limitation 21

B. La limitation de responsabilité durant l'exploitation des engins EMR 22

1) Les engins EMR, exclus des règles de limitation en droit français 22

2) Les indécisions en droit international 23

C. Les limitations de responsabilité dans la phase d'acheminement des engins EMR 24

1) Le remorquage de l'engin EMR 24

2) Le transport de l'engin EMR 25

III. L'application de l'assistance maritime aux engins EMR flottants 25

A. L'assistance, applicable à tous les engins flottants 25

B. Régime de l'assistance maritime applicable aux engins EMR 26

1) Une opération de secours 26

2) Une opération sujette à rémunération 27

CHAPITRE III : les règles de droit social en mer résultant de l'implantation d'EMR 28

I. Le statut des travailleurs opérant sur les sites EMR 29

A. Une assimilation possible aux gens de mer 29

1) Les travailleurs qualifiés de marins selon le décret de 1967 29

2) Gens de mer marins et gens de mer non marins 30

B. Le personnel occasionnel à bord 31

1) Notion de personnel à bord 31

2) Une absence de régime attribué au personnel occasionnel à bord 31

II. Les règles de droit social international applicables aux travailleurs opérant sur les

installations EMR 32

A. Loi applicable au contrat de travail des salariés détachés 33

1) La situation des travailleurs français à l'étranger 33

2) Situation de travailleurs étrangers en France 33

3) Le cas des travailleurs en haute mer 34

B. Application éventuelle du droit social issu des plates-formes d'exploration ou

d'exploitation 34

1) Droit applicable au contrat de travail 35

2) Sécurité sociale applicable 35

PARTIE 2 : Un droit public contraignant responsable du retard de la France dans le développement des EMR

37

66

CHAPITRE I : les contraintes administratives relatives aux énergies marines renouvelables

37

I. Les conditions à remplir par les candidats pour exploiter des énergies marines renouvelables

37

A. Le choix des candidats par procédure d'appel d'offres 37

1) Procédure applicable aux appels d'offre 38

a) Textes applicables 38

b) Contenu des appels d'offres 38

2) Contenu des cahiers des charges applicables aux appels d'offres 39

3) Chronologie des appels d'offres lancés en France 39

B. Une obligation pour les exploitants de disposer d'une autorisation d'exploiter 40

II. L'installation d'EMR confrontée au domaine public de la mer 42

A. Les autorisations nécessaires à l'installation d'EMR dans les eaux territoriales 43

1) Une superposition des autorisations liées à l'occupation privative du domaine public

maritime 43

a) Diversité des éléments contrôlés 43

b) Diversité des avis nécessaires à l'autorisation de concession 44

2) Des garanties insuffisantes apportées par les textes aux investisseurs 44

B. Les autorisations nécessaires à l'installation d'EMR hors des eaux territoriales 45

1) Dispositions de droit international 45

2) Dispositions de droit interne 46

CHAPITRE II : Les énergies marines renouvelables face aux contraintes environnementales

47

I. L'existence de zones marines protégées restreignant l'implantation des EMR 48

A. Protection du littoral 48

1) Principe d'interdiction des EMR sur la bande littorale 48

2) Autorisation d'installation de câbles de raccordement dans la zone littorale 49

B. Les autres espaces protégés de la mer 50

1) Parcs nationaux et parcs naturels marins 50

2) Zones Natura 2000 51

II. La prise en compte de l'impact des EMR sur l'environnement marin 51

A. Mesures européennes prenant en compte l'impact environnemental des éoliennes 51

1) Convention de OSPAR 52

67

2) Convention de Berne 53

B. Le constat français de l'impact des EMR sur l'environnement 53

1) Impact lors de l'installation des EMR 53

2) Impact en phase d'exploitation 54

CONCLUSION 55

BIBLIOGRAPHIE 57

TABLE DES MATIERES 64






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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera