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La formation des enseignants et les enjeux de l'enseignement de l'histoire de 1880 à  1905 et leurs héritages.

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par Sophie VAN-WAESBERGE
URCA - Master 2 MEEF HG 2015
  

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Université de Reims Champagne-Ardenne

U.F.R de Lettres et de Sciences Humaines.
École Supérieure du Professorat et de l'Éducation.

La formation des enseignants
et les enjeux de l'enseignement de l'histoire
de 1880 à 1905 et leurs héritages.

Mémoire

de fin de Master 2 MEEF Histoire-Géographie

présenté par Sophie VAN-WAESBERGE

sous la direction de Mme Delphine DIAZ et Mme Frédérique MONNIER.

Session 1.

Année universitaire : 2015 / 2016.

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS : 3

Introduction 4

I- Des écoles normales aux écoles supérieures du professorat et de l'éducation : l'évolution de

la formation des enseignants du premier et du second degrés 10

1) La mission première des maîtres de la III ème République : former des citoyens patriotes : 10

a- Le cadre : L'école, lieu républicain, microcosme de la société. 10

b- La préparation à la formation des futurs citoyens à travers l'enseignement de l'histoire. 14

c- La suppression progressive des cours religieux au profit des cours de morale : Un moyen pour

former des citoyens patriotes sous la IIIème République. 20

2) La formation des enseignants du primaire de 1880 à 1905 : le cas de l'École Normale

d'institutrices de Châlons-sur-Marne : 27

a- Les conditions de recrutement : Des élèves-maîtresses devant être de « bonne morale ». 29

b- Le contenu des cours et le cadre de la formation : 32

c- Les enjeux civiques des conférences pédagogiques : 36

3) L'héritage des Écoles Normales de la III ème République: le cas des ESPE : 40

a- Une demande civique et politique : Préparer les futurs enseignants à faire de leurs élèves des

citoyens-responsables 41

b- La formation historique des enseignants du premier et du second degré au sein des ESPE : 46

c- La formation didactique et civique dispensée aux futurs enseignants du premier et du second degré

au sein des ESPE : 48

3

II-les finalités et les outils de l'enseignement de l'histoire en France dans le premier et second

degrés depuis la III ème République : 51

1) La place de l'enseignement de l'histoire dans les programmes scolaires depuis la III ème

République : 51

a- La place de l'histoire dans les programmes scolaires sous la IIIème République. 53

b- La place de l'histoire dans les programmes scolaires des années 2000 57

c- La place de l'histoire dans les nouveaux programmes scolaires 62

2) La formation des futurs-citoyens grâce à l'usage des manuels scolaires : 64

a- La formation des citoyens patriotes grâce aux manuels scolaires à la fin du XIXème siècle 64

b- La contribution des manuels scolaires actuels à la formation civique des élèves de l'école

primaire : l'exemple de l'enseignement de la IIIème République 71

3) La formation actuelle des futurs citoyens à travers l'enseignement de l'école de la III ème

République : 76

a- Présentation du corpus de manuels des années 2000 76

b- Jules Ferry, au coeur de l'étude de la IIIème République dans le second degré 82

c- Les limites de l'école de la IIIème République passées sous silence dans les manuels scolaires. 86

CONCLUSION : 89

ANNEXES & TABLE DES ILLUSTRATIONS 92

BIBLIOGRAPHIE 96

4

REMERCIEMENTS :

J'adresse mes remerciements à l'ensemble de personnes m'ayant apporté aide et soutien pour la réalisation de ce mémoire de MEEF et pour le bon déroulé de ma seconde année de Master.

Tout d'abord, je tiens à manifester toute ma gratitude envers mes directrices de mémoire, Madame Delphine DIAZ et Madame Frédérique MONNIER. Je les remercie pour le temps qu'elles m'ont accordé tout au long de l'année. Je les remercie de m'avoir guidé et soutenu à la fois dans mes recherches et la rédaction de mon mémoire, mais également de m'avoir soutenue dans ma pratique professionnelle.

Je tiens également à remercier Madame Catherine MIOT et Monsieur Jérémie DUBOIS pour leurs cours de didactique et de méthode de réalisation d'un mémoire MEEF.

Je remercie aussi le personnel des Archives Départementales de la Marne installées à Châlons-en-Champagne, ainsi que le personnel de la Bibliothèque Universitaire Robert de Sorbon et le personnel de la Bibliothèque de l'ESPE pour m'avoir permis d'accéder à de nombreuses sources et ressources ainsi que pour leur aide apportée au cours de mes recherches.

Enfin, je tiens à remercier famille et amis pour leur soutien apporté tout au long de cette

année.

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INTRODUCTION.

Selon Paul BERT, Ministre de l'Instruction Publique entre 1881 et 1882, l'école républicaine a une double vocation. Elle doit d'une part « modeler un homme éduqué et raisonné » et d'autre part « fonder le citoyen afin qu'il agisse et combatte pour supporter toutes les épreuves de la patrie »1.

Ces mots ayant été prononcés il y a plus d'un siècle trouvent encore un sens aujourd'hui. En effet, les enseignants du premier comme du second degrés sont quotidiennement confrontés à cette problématique. Face à un public de plus en plus difficile, il est devenu délicat d'assurer la mission éducative du métier d'enseignant. Pourtant, l'intitulé du Ministère auquel les enseignants sont rattachés rappelle l'importance de cette mission. Le passage du Ministère de l'Instruction Publique au Ministère de l'Éducation Nationale en 1932 montre bien que la mission première des enseignants est désormais d'éduquer les élèves, et notamment de les éduquer à la citoyenneté avec pour objectif de former de futurs citoyens responsables. L'instruction n'est donc plus la mission première de l'enseignant. Le savoir disciplinaire est relégué au second rang au profit de l'éducation.

L'éducation à la citoyenneté débute dès l'école primaire, c'est-à-dire dès l'âge de six ans. Elle se poursuit et se développe ensuite dans l'enseignement secondaire. La formation des citoyens est assurée par l'ensemble du corps enseignant. Elle se traduit par l'apprentissage de notions associées à la citoyenneté telles que le respect, le savoir-vivre, le vivre ensemble, la responsabilité, la vie en collectivité... L'ensemble des enseignants doit également apprendre aux élèves à développer leur sens critique, à se forger une opinion, à défendre et argumenter ses idées. L'enseignant d'histoire-géographie occupe aujourd'hui encore une place centrale dans la formation des futurs citoyens puisque la transmission de l'Enseignement Moral et Civique (EMC) instauré en 2016 lui est confiée. Lors de ces cours, les enseignants doivent apprendre aux élèves quel est le fonctionnement de la société et le fonctionnement de la démocratie française. Cela se traduit par l'explication du fonctionnement de nos institutions, par l'apprentissage du rôle du citoyen. L'Enseignement Moral et Civique vient compléter les cours d'histoire dans lesquels les élèves découvrent comment les Français sont-ils parvenus à acquérir leurs libertés, leurs droits et leurs devoirs. Face aux difficultés auxquelles sont confrontés les Français ces derniers mois, il est devenu indispensable de faire réfléchir les élèves sur les libertés et leurs limites.

Aujourd'hui, l'enseignant est lui-même formé au sein des ESPE (École Supérieure du

1 DALISSON, Rémi, Paul Bert, l'inventeur de l'école laïque, Paris, Armand Colin, 2015,

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Professorat et de l'Enseignement). Cette formation doit lui permettre d'appréhender au mieux sa mission d'éducateur et de formateur de citoyens. À l'époque de Paul BERT, c'est-à-dire sous la IIIème République, cette formation est assurée par les Écoles Normales. Celles-ci ont ouvert tardivement en France par rapport aux pays voisins. Dès le XVIIIème siècle les philosophes des Lumières réclament la gratuité à l'accès à l'éducation ainsi que la laïcisation de l'école. Ils considèrent que l'éducation permettrait de faire de l'Homme un être éclairé. Frédéric II, roi de Prusse entre 1740 et 1746, proche de Voltaire, a mis en place en 1771 le Ministère de l'Instruction Publique en Prusse. Il a fait de l'école primaire une école obligatoire mais non gratuite. Il a également créé des Écoles Normales afin qu'y soient formés les futurs enseignants et que des méthodes leur soient prodiguées pour assurer la formation citoyenne de leurs élèves. La France accuse donc du retard en matière d'éducation publique par rapport à ses voisins.

Après la Révolution Française, la volonté de développer l'accès à l'éducation se renforce. La Constitution de 1791, constitution qui n'a jamais été appliquée réclame la mise en place d'un enseignement commun, public et gratuit pour tous. Le 20 et 21 avril 1792, le marquis de CONDORCET présente son rapport sur l'instruction à l'Assemblée. Il demande que soit créé un enseignement laïc, gratuit mais non obligatoire. Il prévoie qu'il soit divisé en cinq cycles : le primaire (de 9 à 13 ans), le secondaire (de 13 à 16 ans), les instituts (de 16 à 21 ans), le lycée (à partir de 21 ans), et enfin l'enseignement académique avec une sélection des élèves au mérite. Ce projet n'a jamais été appliqué. Cependant, ces plans témoignent de la volonté de développer l'accès à l'éducation au peuple français. Une volonté d'améliorer la formation des maîtres apparaît elle aussi. Le décret du 8 Brumaire an II (30 octobre 1794) oblige l'entretien d'une École Normale de garçons pour chaque ville de plus de 20 000 habitants. Des hommes âgés d'au moins 21 ans viennent suivre des cours à Paris pendant quatre mois. De retour en province, ces maîtres sont ensuite autorisés à ouvrir à leur tour des Écoles Normales régionales. Toutefois, dès 1795 l'École Normale de Paris ferme ses portes. Ses cours sont jugés beaucoup trop théoriques. Aucune école n'a été créée en province.

Sous le Premier Empire, les lycées sont créés par Napoléon Ier. Ce-dernier décide également d'instaurer une formation des maîtres contrôlée par l'État. En 1810, la première École Normale d'instituteurs ouvre à Strasbourg. Jusque sous la Restauration, l'école de Strasbourg reste l'unique École Normale en France. Dans les années 1820 quelques Écoles Normales de garçons sont créées, par exemple en Moselle. Sous la Restauration le recrutement dans les Écoles Normales est confié à des structures locales. En 1833, le Ministre de l'Instruction Publique François GUIZOT rédige deux textes de lois majeurs pour développer et encadrer l'accès à l'éducation. Tout d'abord, par la loi du 28 juin 1833 il accroît la liberté de l'enseignement primaire. Il demande à ce que chaque commune

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de plus de 500 habitants assure l'entretien d'une école primaire pour garçons. L'article 11 de cette même loi oblige chaque département à entretenir une École Normale de garçons seul ou avec l'aide de départements voisins. Le cas de la scolarisation des filles n'est pas abordé dans cette loi. Il a fallu attendre la loi PELET adoptée le 23 juillet 1886 pour qu'il soit demandé à chaque département d'entretenir une École Normale d'institutrices. Ainsi, en apparence la formation des maîtres et maîtresses s'améliore sous la Monarchie de Juillet. Toutefois, la scolarisation des filles en primaire et dans l'enseignement secondaire accuse un retard par rapport à la scolarisation des garçons.

Sous la IIème République et le Second Empire, l'enseignement primaire s'ouvre progressivement aux filles. La loi FALLOUX adoptée le 15 mai 1850 demande à toute commune de plus de 800 habitants d'entretenir une école primaire pour les filles. Treize ans séparent donc la loi GUIZOT valable pour les garçons et la loi FALLOUX valable pour les filles. En 1867, sous le Second Empire, la loi Victor DURUY encourage l'enseignement primaire féminin. Elle demande aux communes de faire des impositions spéciales pour permettre aux familles à faibles revenus de scolariser leurs enfants. La fréquentation de l'école primaire par les garçons et par les filles progresse. Ainsi, à la veille de l'adoption des lois scolaires de Jules FERRY de 1881 et 1882, la plupart des enfants français fréquentent l'école primaire. Cependant, nombreux sont ceux qui ne fréquentent pas l'école de manière régulière. En milieu rural notamment, les élèves fréquentent l'école en dehors des périodes de travaux dans les champs. De même, la fréquentation de l'école par les filles demeure inférieure à la fréquentation des garçons. Face à l'augmentation de la fréquentation des écoles primaires, il est devenu urgent d'améliorer et de développer la formation des instituteurs et institutrices de l'école primaire. En 1863, soit vingt-sept ans après la loi PELET seuls onze départements sont pourvus d'École Normale de filles. À l'arrivée au Ministère de Jules FERRY en 1879, onze départements ne possèdent pas d'École Normale d'instituteurs et soixante-sept départements ne possèdent pas d'École Normale d'institutrices. Face à ce retard, le Ministre oblige tous les départements à ouvrir une école pour filles et une école pour garçons dans un délais de quatre ans. L'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne ouvre ses portes l'année suivante.

Notre sujet débute en 1880 avec l'ouverture de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne et s'achève en 1905 avec la loi de Séparation de l'Église et de l'État. La création de l'École de Châlons-sur-Marne intervient un an après la loi FERRY qui renouvelle l'obligation d'ouverture d'une école pour former les instituteurs et d'une école pour former les institutrices dans chaque département. La période retenue pour notre mémoire nous permet de mesurer l'amélioration de la formation des maîtres ainsi que l'ouverture de l'accès à l'éducation pour le peuple français. Elle

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nous permet également de mesurer l'évolution des enjeux de l'enseignement de l'histoire et des valeurs républicaines à l'école primaire. Parmi ces valeurs, celle de la laïcité occupe une place grandissante au sein des écoles et dans la société de la fin du XIXème siècle. La loi du 9 décembre 1905 entérine la laïcité en France.

L'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne ouvre le 4 octobre 1880. Cette école qui a peiné à ouvrir est un exemple révélateur de l'histoire de la scolarisation des filles en France. Dès 1838 une École Normale de garçons est créée dans la Marne alors qu'il a fallu attendre 1880 pour qu'un équivalent apparaisse pour les filles. Cet exemple a également été choisi pour comprendre comment les institutrices de l'école primaire étaient formés à la fin du XIXème siècle. En effet, l'étude des archives départementales de l'École Normale d'institutrices montre comment le contenu des cours enseignés au sein de ses écoles est minutieusement choisi. Chaque discipline doit contribuer à la formation de « guides républicains ». L'enseignement de la morale, de l'instruction civique et de l'histoire occupe une place centrale dans les programmes des écoles primaires et également dans ceux des Écoles Normales. Ils contribuent à développer le sentiment patriote et l'amour de la patrie chez les enseignants et chez les élèves.

Pour étudier le fonctionnement type d'une École Normale de la fin du XIXème siècle, j'ai fait le choix de m'intéresser au cas de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne. L'étude de cet exemple local s'est faite à partir des archives de l'école conservées aux archives départementales de la Marne de Châlons-en-Champagne. Au total, onze cartons d'archives traitent de l'École Normale pour la période qui nous intéresse, 1880 - 1905. Parmi ces cartons, j'ai fait le choix de me concentrer sur sept cartons qui traitent de l'administration de l'École, du contenu des cours, des dossiers des élèves et des conférences pédagogiques. L'essentiel de ces archives se compose d'échanges écrits entre les directrices de l'École Normale et les inspecteurs académiques. Dans leurs courriers ils abordent surtout des questions administratives (devis pour les travaux de l'école, absences des professeurs ou des élèves-maîtresses...). Ces archives comportent également des

circulaires ministérielles envoyées à la Directrice de l'école. Ces découvertes m'ont permis
d'orienter mon sujet d'étude vers les enjeux de la formation des élèves-maîtresses de l'École Normale et les missions des enseignants de l'école primaire à la fin du XIXème siècle. Pour exploiter ces archives, je me suis rendue durant quatre jours aux archives. J'y ai effectué le travail de dépouillement : prise de notes rapides de chaque source (date, auteur, destinateur, présentation du thème abordé) et prise de photographies des sources. Ensuite, en octobre et novembre j'ai procédé à l'analyse plus précise des sources pour en dégager une problématique plus générale. Les deux mois

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suivants ont été consacrés au choix des archives utilisées dans le mémoire et à leur analyse fine. Celle-ci s'est opérée avec l'aide de manuels pour replacer ce cas précis à plus petite échelle. En février, j'ai débuté la rédaction de la première partie plus orientée sur la dimension scientifique. Le mois suivant a été consacré à l'adaptation pédagogique de mon sujet. L'objectif étant de comprendre quels sont les héritages des Écoles Normales et de l'école républicaine de Jules FERRY, et comment la IIIème République est-elle aujourd'hui encore utilisée par les enseignants du premier et second degrés pour assurer la formation civique des élèves. Pour ce faire, j'ai analysé les programmes d'histoire de la IIIème République, ceux des années 2000 et ainsi que les futurs programmes appliqués dès la rentrée prochaine. J'ai également travaillé à partir de manuels scolaires afin de comprendre comment ces ouvrages sont-ils utilisés comme des outils pour la formation civique des élèves.

En effet, depuis plusieurs années, le Ministère de l'Éducation Nationale ne cesse de rappeler aux enseignants qu'ils doivent avant tout former leurs élèves à devenir de futurs citoyens responsables ayant connaissance des valeurs républicaines. Le contexte actuel nous rappelle l'importance de notre mission. Face à un public de plus en plus difficile, connaissant peu voire pas les valeurs républicaines, il est de plus en plus compliqué de former des futurs-citoyens responsables en France. L'école de la IIIème République est aujourd'hui présentée comme un idéal. Son étude occupe une place importante dans le cadre de la formation civique des élèves assurée par les enseignants du premier et du second degrés.

Tout au long de ce mémoire, il s'agira de comprendre en quoi le rôle de l'enseignant du premier degré, puis du second degré est-il d'assurer la formation civique des élèves depuis la IIIème République.

Pour ce faire, nous nous intéresserons dans un premier temps à l'évolution de la formation des enseignants depuis la IIIème République. L'exemple de l'École Normale de Châlons-sur-Marne nous permettra de comprendre comment les institutrices étaient-elles formées sous la IIIème République et comment les enseignants assuraient-ils ensuite la mission de formation civique auprès des élèves. L'analyse du fonctionnement de l'École Normale de la Marne nous permettra de comprendre quel est l'héritage de ces infrastructures dans la formation actuelle des enseignants du premier et du second degrés.

Dans un second temps, nous étudierons les enjeux de l'enseignement de l'histoire depuis la IIIème République ainsi que les outils mis à la disposition des enseignants pour former des citoyens responsables. Nous verrons comment les programmes, les manuels scolaires ainsi que l'étude de la IIIème République et de l'école de Jules FERRY constituent-ils un outil de transmission des valeurs

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républicaines.

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PREMIÈRE PARTIE :

DES ÉCOLES NORMALES AUX ESPE :
L'ÉVOLUTION DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS
DU PREMIER ET DU SECOND DEGRÉS.

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I- DES ÉCOLES NORMALES AUX ÉCOLES SUPÉRIEURES DU PROFESSORAT ET DE L'ÉDUCATION : L'ÉVOLUTION DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DU PREMIER ET DU SECOND DEGRÉS.

1) La mission première des maîtres de la III ème République : former des citoyens patriotes :

Sous la IIIème République, la fonction première des instituteurs et institutrices de France était de former des citoyens patriotes. Cet apprentissage débutait dès leur entrée dans le système scolaire, c'est-à-dire dès l'école primaire soit à l'âge de 6 ans. Après la défaite de 1870 face à la Prusse, l'accès à l'éducation pour tous et l'image de l'école comme moyen d'apprentissage de la vie civique s'imposent. Selon Paul BERT, fondateur de l'école républicaine laïque :

« c'est l'infériorité de notre éducation nationale qui nous a conduit au revers. Même dans les conflits modernes c'est l'intelligence qui reste maîtresse »2.

Selon lui, l'école républicaine a une double vocation. Elle doit d'une part « modeler un homme éduqué et raisonneur » et d'autre part « fonder le citoyen afin qu'il agisse et combatte pour supporter toutes les épreuves de la patrie ». Les instituteurs et institutrices ont donc pour mission de former des citoyens patriotes. Pour ce faire, différents outils sont mis à leur disposition. Ils profitent du cadre de l'école perçue comme un lieu républicain et un microcosme de la société. Les programmes, et notamment ceux d'histoire et d'instruction morale leur permettent également de transmettre des valeurs républicaines.

a- Le cadre : L'école, lieu républicain, microcosme de la société.

L'école des années Ferry est un lieu républicain par excellence. L'école primaire est une représentation à plus grande échelle de la société de la fin du XIXème siècle. Elle peut être définie comme un microcosme de la société visant à former de futurs citoyens patriotes. Le cadre lui-même de l'école, c'est-à-dire le bâtiment et les salles accueillant les élèves participent au formatage des futurs citoyens. En effet, les écoles primaires communales sont très souvent construites à proximité

2 DALISSON, Rémi, Paul Bert, l'inventeur de l'école laïque, Paris, Armand Colin, 2015, chapitre 3.

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des mairies voire même partagent un bâtiment commun. Cette proximité a pour vocation de rappeler le caractère républicain de l'école des années 1880-1890. Elle permet aux élèves de se familiariser à la fréquentation des lieux républicains. L'école et la mairie sont indissociables. L'école constitue le lieu d'apprentissage de la vie civique, et la mairie constitue le lieu d'exercice de la citoyenneté. M.T LAURIN relève cette imbrication dans un article publié en 1918 3:

« Cette mairie, centre modeste d'une vie civique encore rudimentaire, a naturellement pour voisine cette école où commence l'éducation des citoyens de demain ».

L'école permet donc aux élèves de se familiariser avec ce bâtiment républicain et leur permet d'apprendre les rouages de la vie politique. Une fois devenus majeurs, spontanément, les Français se rendent de nouveau dans ces lieux pour assurer leurs devoirs de citoyens comme le souligne M.T LAURIN :

« L'homme fait, sacré souverain de la cité, franchit le même seuil que dix ou vingt ans plus tôt, lorsqu'il faisait son apprentissage intellectuel et moral »4.

Par ailleurs, en zone rurale les maîtresses et maîtres assurent fréquemment des fonctions de secrétaires de mairie en dehors de leurs heures de classe. Cette double fonction leur garantit un suivi de leurs élèves. Lorsque les citoyens se rendent en mairie pour exercer leur droit de vote, les instituteurs retrouvent des Français à qui ils ont inculqué quelques années plus tôt les valeurs républicaines.

Au sein même de l'école, plusieurs éléments de décors rappellent le caractère républicain du lieu. Tout d'abord, sur le fronton de l'école est gravée en majuscules la devise : « Liberté, égalité, fraternité ». Mentionnée dans la Constitution Républicaine de 1848, cette devise avait été délaissée par le Second Empire. Elle est remise en valeur et enracinée sous la IIIème République. La gravure des trois valeurs républicaines est souvent accompagnée d'un drapeau tricolore, symbole révolutionnaire créé en 1794. Ces deux symboles permettent aux élèves de prendre connaissance du caractère républicain et des missions de l'école primaire dès leur entrée dans le bâtiment. L'école

3 LAURIN, M.T, « La mairie-école et l'instituteur secrétaire de mairie », Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieur, 1918, p 34-35

4 LAURIN, M.T, « La mairie-école et l'instituteur secrétaire de mairie », Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieur, 1918, p 34-35

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instaurée par Jules FERRY se veut être une école équitable, dans laquelle garçons et filles, enfants d'ouvriers, de paysans, ou de riches industriels soient égaux. Par l'enseignement de la morale et de la civique, elle doit permettre aux futurs citoyens d'apprendre à profiter de leurs libertés tout en respectant celles des autres. Au sein de l'école doit également se développer un esprit de solidarité et de fraternité entre les élèves. D'autres symboles tels que le buste de la Marianne sont également présents dans les écoles primaires de la fin du XIXème siècle. Généralement ce buste se situe dans le préau de l'école et parfois-même dans les salles de classe. La Marianne symbolise la liberté et la république.

L'édifice n'est pas le seul élément de l'école utilisé pour la formation des futurs citoyens. En effet, les tenues portées par les élèves, les maîtresses et les maîtres permettent elles aussi d'affirmer certaines valeurs républicaines telle que l'égalité et la laïcité. Tous les élèves portent la blouse, qu'il s'agisse de filles et de garçons. Cette blouse est grise ou noire. Le port de la blouse s'inscrit dans la démarche de laïcisation de la l'école républicaine entamée en 1882 et achevée en 1905. Tous les élèves peuvent dissimuler les insignes religieuses sous leur uniforme. Les signes religieux ne sont donc pas interdits sous la IIIème République, mais ils sont généralement dissimulés sous la blouse. L'uniforme a une autre fonction, celle d'égalité. En effet, en obligeant tous les élèves à porter un vêtement similaire, on gomme ainsi toutes les différences de richesses pouvant exister entre les écoliers. Tous les élèves deviennent ainsi égaux. Les élèves ne sont pas les seuls à porter l'uniforme. Les maîtresses et maîtres portent eux aussi un uniforme noir. Dans son ouvrage publié en 19135, Charles PEGUY les surnomme les « hussards noirs de la République » de part leur vêtement. Dans sa description de ses propres maîtres d'écoles, Charles PEGUY insiste sur l'uniforme qu'ils portent :

« Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés et sérieux et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence ».

Le terme de hussard fait référence aux hussards hongrois vêtus de noir, reconnus pour leur efficacité et leur dévouement. L'uniforme civique porté par les institutrices et instituteurs vise lui aussi à gommer les différences de richesses et les croyances religieuses. Charles PEGUY prend soin d'énumérer les éléments composant l'uniforme des maîtres : « le long pantalon noir », « le gilet noir », « la redingote noire » et « la caquette plate, noire ». Chaque élément composant la tenue de l'enseignant est associé à la couleur noire. Ce costume très sobre de couleur austère inspire la

5 PEGUY, Charles, L'Argent, 1913.

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sévérité.

Enfin, la IIIème République prône la valeur d'égalité. L'école se doit donc d'appliquer cette valeur, et notamment l'égalité entre les filles et les garçons. À partir de la fin du XIXème siècle, débute une timide volonté d'égalité des genres au sein de la société française. Au niveau de l'enseignement également, des progrès sont réalisés. Des réformes en faveur des Femmes sont adoptées. En mars 1850, la loi FALLOUX oblige toute commune de plus de huit cents habitants à entretenir une école primaire de filles. Mais, c'est surtout la loi du 28 mars 1881 établie par Jules FERRY qui ouvre véritablement l'accès à l'éducation aux filles. En effet, cette loi rend l'école obligatoire pour tout enfant âgé de six à treize ans, sans distinction de genre. Les filles, de plus en plus nombreuses à fréquenter l'école avant l'adoption de ces lois sont désormais toutes tenues de suivre un enseignement entre six et treize ans. Elles fréquentent donc l'école primaire dès 1882 et apprennent elles aussi les valeurs républicaines aux côtés de leur institutrice. L'apprentissage de la morale et de la civique peut surprendre compte tenu du fait que les Femmes ne possèdent pas encore le droit de vote à cette époque. Les finalités de l'enseignement de ces thématiques est donc autre. Il s'agit de soustraire les femmes à l'influence de l'Église et d'éveiller leur sentiment patriotique et leur esprit critique. Le gouvernement a fait le choix d'enseigner les valeurs républicaines aux filles dans l'objectif qu'elles transmettent, à leur tour, ces valeurs à leurs enfants. La loi GOBLET du 30 octobre 1886 renforce l'égalité filles-garçons en instaurant la mixité dans les écoles des communes de moins de cinq cents habitants.

Ainsi, le cadre même de l'école républicaine et les réformes adoptées entre 1880 et 1905 permettent de formater les élèves. Ils aident les institutrices et instituteurs à préparer leurs élèves à devenir de futurs citoyens patriotes. Ils permettent à eux-seuls de sensibiliser les élèves aux valeurs républicaines de laïcité, de liberté, d'égalité, et de fraternité.

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b- La préparation à la formation des futurs citoyens à travers l'enseignement de l'histoire .

Outre le cadre dans lequel évoluent les élèves, les institutrices et instituteurs ont recours à l'enseignement de l'histoire pour préparer leurs élèves à devenir de futurs citoyens patriotes. Le 15 juillet 1891, lors de son discours d'inauguration d'une école à Nouvion-en-Thiérarchie, Ernest LAVISSE, historien français de la seconde moitié du XIXème siècle, énonce clairement le rôle des maîtres d'école primaire :

« Il leur dira qu'à l'enseignement historique incombe le devoir glorieux de faire aimer et de faire comprendre la patrie ».

L'enseignement de l'histoire au sein des écoles primaires est récent. Cela s'explique par le fait que l'histoire soit mal perçue jusqu'au début du XIXème siècle. Les représentants des régimes politiques passés redoutent l'enseignement de l'histoire aux enfants issus des classes populaires. En effet, ils considèrent que l'ouverture d'esprit suscitée par l'histoire pourrait entraîner des soulèvements de la part du peuple et donc constituer un danger potentiel. Les révolutionnaires ont accordé une place importante à l'éducation du peuple. Et pourtant, eux aussi ont renoncé à l'introduction de l'histoire dans leurs projets de programmes scolaires. Nous pouvons remarquer que cette discipline n'est pas mentionnée dans le projet sur l'organisation générale de l'instruction publique proposé par le marquis de CONDORCET à l'Assemblée en 1792. Il a fallu attendre 1833 pour que François GUIZOT, alors Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux Arts, intègre l'histoire dans les programmes des écoles primaires. Toutefois, cette introduction de l'histoire ne concerne que les écoles primaires supérieures, écoles réservées à l'élite sociale. Ce n'est qu'en 1867 que Victor DURUY introduit l'histoire à l'école élémentaire en justifiant son choix par le fait que l'enseignement de l'histoire permette de distinguer le bien du mal à travers des exemples historiques. Il permet également de montrer la grandeur de la France et de mettre en valeur les progrès qu'elle a réalisé. Jules FERRY intègre l'enseignement de l'histoire dans les programmes d'école primaire du 27 juillet 1882 pour les enfants âgés de six à treize ans. Lorsque l'histoire apparaît dans les programmes scolaires, il est nécessaire d'établir les enjeux et finalités de l'enseignement de cette récente discipline. Pour Jules FERRY, le but de l'enseignement de l'histoire à l'école primaire est « d'inscrire le futur citoyen dans la démocratie, dans la patrie et dans une identité nationale ». Cette mission revient donc aux instituteurs et institutrices d'école primaire.

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Afin de connaître les attendus du Ministère de l'Instruction Nationale et des Beaux-Arts, les maîtresses et maîtres doivent se référer à la partie « éducation intellectuelle » du programme scolaire du 27 juillet 1882. Concernant la démarche à suivre, il est précisé que :

« L'idéal de l'école primaire n'est pas d'enseigner beaucoup, mais de bien enseigner. L'enfant qui en sort sait peu, mais sait bien ; l'instruction qu'il a reçue est restreinte, mais elle n'est pas superficielle »6.

Cela signifie que l'accent est mis sur l'éducation et non l'accumulation des connaissances. Celles-ci sont donc volontairement réduites. Maîtresses et maîtres doivent donc sélectionner les exemples historiques les plus pertinents pour former leurs élèves à la citoyenneté. Ils ne doivent pas abuser des dates. Ils doivent sélectionner les dates faisant référence à des événements qui montrent la grandeur de la France. Les dates finement choisies ont pour vocation d'être des bornes chronologiques qui permettent aux élèves de se repérer dans le temps. Ernest LAVISSE a lui-même souligné la difficulté de la chronologie pour des enfants :

« Ils n'ont aucune idée ni de l'âge, ni des transformations de l'humanité. Si l'on n'y prend pas garde, ils mettront tous les faits sur le même plan »7.

L'utilisation de la chronologie par l'enseignant permet donc de hiérarchiser les idées. Toutefois, une utilisation trop importante de dates dans un cours d'histoire pourrait porter préjudice dans le sens où elle désintéresserait les élèves. Ce désintérêt entraînerait une incapacité à l'appropriation de l'histoire et de l'amour pour la partie.

En terme de démarche à suivre, l'enseignant doit partir de ce que savent déjà les élèves, c'est-à-dire partir d'éléments concrets. Il doit guider les élèves du monde connu vers un monde inconnu et les aider à mieux l'appréhender. Le programme de 1882 mentionne cet attendu :

6 Programmes du 27 juillet 1882 : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf

7 KAHN, Pierre, L'école républicaine et la question des savoirs. Enquête au coeur du Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, Paris, CNRS Éditions, 2015.

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« L'instituteur met les enfants en présence de réalités concrètes, puis peu à peu il les exerce à en dégager l'idée abstraite, à comparer, à généraliser, à raisonner sans le recours d'exemples matériels ».

Ainsi, les institutrices et instituteurs doivent réutiliser les connaissances historiques des élèves et leur donner un sens. Cette méthode permet de valoriser le savoir historique des élèves. Il leur est également recommandé de faire des passerelles entre le présent et le passé pour faciliter la compréhension d'événements historiques, ou pour comprendre quelles seraient les conséquences d'un événement en cours. Selon LAVISSE, les liens passé présent ont pour objectif de transporter les élèves dans le temps. Ils ont également pour vocation d'éveiller la curiosité historique des élèves et donner du sens au cours.

Les maîtresses et maîtres doivent également faire appel à leurs propres émotions et à celles de leurs élèves pour les sensibiliser à l'histoire de leur pays. Ils doivent laisser apparaître leurs émotions comme le mentionne Brigitte DANCEL dans son ouvrage :

« Le maître laisse voir son émotion, s'apitoyant sur les malheurs de la France et se réjouissant de ses succès et de ses grandeurs »8.

Il doit donc travailler sur les sentiments de joie et de tristesse avec ses élèves. En laissant transparaître ses émotions, l'objectif de l'enseignant est de sensibiliser les élèves. Le travail sur la sensibilité permet de transmettre son intérêt pour l'histoire de son pays. L'institutrice et l'instituteur apparaissent alors comme des guides, voire comme des témoins du passé auxquels les élèves peuvent s'identifier.

Le processus d'identification est quotidiennement utilisé par les maîtresses et maîtres dans les cours d'histoire. Pour faire de leurs élèves des futurs citoyens patriotes, les enseignants de la IIIème République estiment que les enfants doivent connaître les personnages qui ont fait la grandeur de la France. Pour ce faire, ils choisissent pour leurs études des personnages emblématiques. Ils les décrivent précisément en insistant sur leur caractère, leurs qualités et leurs vertus. En les décrivant de manière précise, l'objectif est de permettre aux élèves de s'identifier à eux, par un trait de caractère commun par exemple. De la même manière, dans la mesure du possible, les maîtresses et maîtres choisissent des personnages locaux pour renforcer cette appropriation. En insistant sur les grandeurs d'un personnage, ils invitent leurs élèves à la rêverie et à l'imagination. Les élèves

8 Brigitte DANCEL, Enseigner l'histoire à l'école de la IIIème République.

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deviennent donc admiratifs de ces personnages. Ils prennent également rapidement conscience d'être leurs « descendants » et de leur devoir de s'inscrire dans cette lignée. Cette méthode permet en outre de créer un sentiment de communion de la nation autour de son passé glorieux. Le Maréchal de Turenne, par exemple, est étudié en cours élémentaire. Né à Sedan, ce personnage constitue une figure locale pour les habitants du Nord-Est de la France. Lors de son étude, l'accent est mis sur ses compétences militaires et sur ses victoires.

Pour former les élèves à la citoyenneté grâce à la transmission de l'amour pour la patrie, les maîtresses et maîtres s'aident des programmes scolaires. Pour notre période étudiée, les programmes d'histoire en vigueur sont ceux du 27 juillet 1882 établis sous le mandat de Jules FERRY comme Ministre de l'Instruction Publique et des beaux Arts, et ceux du 3 janvier 1894 sous le mandat d'Eugène SPULLER. Les nouveaux programmes établis en 1894 n'enregistrent pas de changements notoires si ce n'est l'étude de la guerre de Cent Ans déplacée au cours élémentaire au lieu d'être réalisée au cours moyen. Ce changement libère du temps en cours moyen et permet à l'enseignant d'étudier plus en profondeur l'époque contemporaine. Le découpage des programmes d'histoire suit le découpage tripartite en des niveaux : élémentaire pour les enfants âgés de six à neuf ans, moyen pour les enfants âgés de neuf à onze ans, et supérieur pour les enfants de plus de onze ans. Pour chaque niveau, une heure d'enseignement d'histoire, géographie et de civique confondues est prévu chaque semaine. La répartition hebdomadaire s'organise de la manière suivante : deux heures d'histoire, deux heures de géographie et une heure d'instruction civique.

En observant le contenu de ces programmes, nous remarquons que l'accent est mis sur l'Histoire de France. En cours élémentaire, maîtresses et maîtres doivent enseigner l'histoire de France jusqu'au commencement de la guerre de Cent Ans. Comme le public est relativement jeune, ils travaillent essentiellement à partir de récits ou d'iconographies. En cours moyen, les institutrices et instituteurs doivent dispenser un cours élémentaire d'Histoire de France en insistant sur les faits essentiels depuis la guerre de Cent Ans. Ainsi, si en cours élémentaire le travail se concentre sur les personnages, en cours moyen, il se concentre davantage sur les événements. L'objectif est de faire comprendre quel rôle ont joué les personnages précédemment étudiés dans l'événement abordé en cours. Enfin, en cours supérieur, les maîtresses et maîtres doivent sensiblement élargir leur espace d'étude historique. En effet, dans le cycle doivent être traités « l'Antiquité, l'Égypte, les Juifs, la Grèce et Rome ». Toutefois, ces thèmes doivent être brièvement abordés et doivent être en lien avec l'histoire de France. Le programme du cours supérieur se concentre une nouvelle fois sur l'histoire nationale contemporaine. Les institutrices et institutrices doivent réutiliser les

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connaissances établies en cours élémentaire et cours moyen. L'objectif est ici de sensibiliser les élèves aux causes et conséquences des événements phares de l'Histoire de France. À l'issue de sa scolarité, chaque élève doit donc être à même de comprendre le monde qui l'entoure, le fonctionnement de la démocratie, et sa place en tant que futur citoyen au sein de la République.

Pour mettre en application les programmes scolaires et former au mieux ses élèves à la citoyenneté, l'institutrice et l'instituteur ont recours à différents outils. Ils peuvent utiliser le manuel d'histoire acheté par leur école dans le cadre d'une leçon dite « écrite ». Il faut entendre par « leçon écrite » une leçon qui utilise le manuel. Elle se distingue de la leçon orale qui se fait exclusivement grâce aux connaissances des élèves et de l'enseignant. Celle-ci prend la force d'un cours dialogué qualifié d' «entretien » par Ernest LAVISSE. L'enseignant doit faire en sorte que les élèves apprécient leurs manuels scolaires pour qu'ils aient ensuite envie de s'intéresser aux livres de manière générale. Il s'appuie également sur les tableaux d'histoire de France, et sur les cartes placardées sur les murs de la salle de classe. Il peut s'agir de supports achetés par l'école ou bien de documents créés par le personnel enseignant lui-même. Généralement les institutrices et instituteurs notent sur le tableau noir le thème de la leçon du jour ainsi que le sommaire du chapitre. Très peu d'éléments sont notés au tableau, toujours dans le soucis de réalisation d'un cours clair et concis. Le tableau noir est réservé à l'enseignant. Aucun élève ne vient y noter des éléments lors des leçons d'histoire. Le début de la séance commence par un contrôle oral de la leçon passée. Cette vérification des apprentissages se fait sous la forme de questions posées à un ou des élèves.

En terme de pédagogie, la IIIème République tente de rompre avec les traditions lassalliennes qui consistaient notamment à demander aux élèves les plus avancés d'aider ceux qui avaient le plus de difficultés. Toutefois, nous pouvons remarquer que dans la pratique cette technique est encore répandue à la fin du XIXème siècle. Cette pédagogie offre la possibilité aux élèves d'apprendre la solidarité au sein de la classe de manière à ce qu'ils l'appliquent ensuite dans leur vie personnelle. La réactivation des connaissances peut également prendre la forme de récitation de la trace écrite du cours d'histoire passé. L'objectif de ces répétitions est de permettre aux élèves de s'approprier les valeurs évoquées lors des cours d'histoire. Ensuite, débute la leçon du jour. L'institutrice et l'instituteur énoncent le thème du jour ainsi que le sommaire. Ils partent des connaissances historiques des élèves afin qu'ils se sentent davantage impliqués et qu'ils s'approprient le cours. La leçon se termine généralement par la prise en note de la trace écrite du cours d'histoire. Elle est relativement brève puisqu'elle se limite à trois à six lignes pour une heure de cours. Une nouvelle fois, l'objectif pour l'enseignant n'est pas que les élèves accumulent des savoirs, mais que les élèves

ressentent et s'approprient l'histoire de leur pays. Parfois, l'enseignant organise une « promenade scolaire », c'est-à-dire une sortie scolaire dans un lieu historique emblématique local. Enfin, dans l'objectif de faire travailler la mémoire des élèves et de leur permettre de s'approprier davantage les thèmes étudiés en cours, l'enseignant propose un devoir d'histoire à raison d'un par semaine. Ceux-ci peuvent prendre différentes formes telles que : retracer la leçon orale en entier ou en partie, raconter un fait historique, établir une biographie, juger le gouvernement d'un ancien ministre ou ancien souverain tel que Louis XIV...

Ainsi, tout au long de sa scolarité en école primaire sous la IIIème République, un élève suit des cours d'histoire. Dispensés par les institutrices et instituteurs, ces cours ont pour vocation de former des futurs citoyens patriotes comme le souligne le discours tenu par Ernest LAVISSE à Nouvion-en-Thiérarchie en 1891 :

«S'il ne devient pas un citoyen pénétré de ses devoirs et un soldat qui aime son drapeau, l'instituteur aura perdu son temps »9.

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9 HERY, Évelyne, Un siècle de leçons d'histoire. L'histoire enseignée au lycée, 1870, 1970, Rennes, PUR, 2015.

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c- La suppression progressive des cours religieux au profit des cours de morale : Un moyen pour former des citoyens patriotes sous la III ème République .

L'un des enjeux du développement de la formation des maîtres et maîtresses assuré par le gouvernement républicain est de soustraire le personnel enseignant de l'influence de l'Église. Pour ce faire, différentes lois et circulaires sont adoptées entre 1880 et 1905 afin de transférer le monopole de l'enseignement de l'Église aux mains de l'État. La suppression progressive des cours d'enseignement religieux dans les Écoles Normales et dans les écoles primaires s'opère au profit de la laïcisation du personnel enseignant et du développement de l'enseignement de la morale.

Ce processus de laïcisation des institutions républicaines débute par la loi du 27 février 188010 proposée par Jules FERRY, alors Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts. Cette proposition de loi approuvée par le Sénat et la Chambre des Députés prévoit la laïcisation du Conseil Supérieur de l'Instruction Publique. Ce Conseil compte parmi ses membres, six maîtres primaires élus au scrutin de liste pour une durée de quatre ans. Il a notamment pour vocation d'établir les programmes scolaires, les modalités d'examens, ou d'entrée dans les Écoles Normales, de décider l'ouverture de nouvelles Écoles Normales primaires, de choisir les listes d'ouvrages devant être présents dans les bibliothèques pédagogiques des Écoles Normales. Ainsi, cet exemple montre que le processus de laïcisation du personnel dépendant du Ministère de l'Instruction Publique débute par la laïcisation de ses dirigeants.

Deux ans après l'adoption de cette loi, le Sénat et la Chambre des députés adoptent la loi sur l'instauration de l'école républicaine laïque et obligatoire proposée par Jules FERRY. Cette loi s'insère dans le cadre des grandes mesures scolaires suggérées par le Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts dans l'optique d'entièrement refonder l'école primaire. La loi du 16 juin 188111 a établi la gratuité de l'enseignement primaire destiné aux élèves âgés de six à treize ans. L'instauration de la gratuité permet ensuite de rendre obligatoire l'enseignement primaire. L'obligation de suivre cet enseignement est couplée d'une obligation de laïcisation des écoles

10 Loi du 27 février 1880: http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/fev1880.pdf

11 Loi du 16 juin 1881 : http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/juin1881.pdf

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primaires mentionnée dans la loi du 28 mars 188212 proposée par Jules FERRY et adoptée par le Sénat et la Chambre des Députés. La laïcité et l'enseignement de l'instruction morale et civique sont au coeur de cette loi comme en témoigne l'article premier qui aborde le contenu de l'enseignement primaire en mentionnant en premier « l'instruction morale et civique ». L'instruction morale et religieuse instaurée par FALLOUX13 disparaît donc des programmes de l'école primaire au profit de l'instruction morale et civique comme le mentionne l'article 3. L'article 2, quant à lui, indique que :

« Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent, à leurs enfants, l'instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires ».

Cet article marque donc la rupture entre les congrégations religieuses dans lesquelles la mission principale des maîtres et maîtresses était de transmettre une idéologie religieuse, et les écoles primaires républicaines dans lesquelles les maîtres et maîtresses ont pour principal objectif d'instruire leurs élèves aux valeurs morales et civiques. L'enseignement de l'instruction religieuse revient donc non plus aux enseignants mais aux parents des élèves.

L'application de cette réforme est rapide. Dès la promulgation de la loi, des programmes précis d'instruction morale et civique sont établis et des manuels sont rédigés de manière à ce que l'enseignement de cette discipline nouvelle soit effectif dès la rentrée de septembre 1882. Pour répondre à cette demande et afin de faciliter la tâche des maîtresses et maîtres, soixante-cinq manuels d'instruction morale et civique sont édités au cours de l'année 1882. Les programmes concernant cet enseignement sont promulgués le 27 juillet 188214. Pour la première fois, l'élaboration des programmes scolaires revient entièrement à la charge de l'État et le contenu concerne l'ensemble des Français âgés de six à treize ans. L'objectif de ces nouveaux programmes est de construire une unité nationale autour de valeurs républicaines. Cet enjeu permet de comprendre l'importance accordée à l'instruction morale et civique assurée par les maîtres et maîtresses de l'école primaire. L'article 1 mentionne que l'enseignement primaire se divise en trois cours : l'élémentaire pour les enfants âgés de six à neuf ans, le moyen pour les enfants âgés de neuf à onze ans et le supérieur pour les élèves de onze à treize ans. Les disciplines sont quant à elles

12 Loi du 28 mars 1882 : http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/mars1882.pdf

13 Loi FALLOUX du 15 mars 1850 : Instauration de l'instruction morale et civique.

14 Programmes du 27 juillet 1882 : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf

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réparties en trois champs : l'éducation physique, l'éducation intellectuelle et l'éducation morale. Chacun de ces champs d'enseignement est dispensé à chaque niveau, élémentaire, moyen et supérieur. Cela signifie donc que dès leur entrée à l'école primaire élémentaire, les Français âgés de six ans suivent des cours d'instruction morale et civique. La répartition des disciplines dans cette organisation tripartite témoigne de l'importance accordée à l'instruction civique et morale. Cette discipline fait l'objet d'une partie entière du programme tandis que la partie intitulée « éducation intellectuelle » regroupe différentes disciplines que sont : la lecture, l'écriture, la langue française, l'histoire, la géographie, l'instruction civique, l'économie, le calcul, la géométrie, le dessin, les sciences physiques et naturelles, l'agriculture et le chant.

Dans le programme d'instruction civique de 1882 le rôle de l'instituteur et de l'institutrice dans cet enseignement est clairement établi. Il est mentionné que :

« L'instituteur et l'institutrice sont chargés de cette partie de l'éducation comme représentant de la société : la société laïque et démocratique a en effet l'intérêt le plus direct à ce que tous ses membres soient initiés de bonne heure et par des leçons ineffaçables de leur dignité et à un sentiment non moins profond de leur devoir et de leur responsabilités personnelle ».

Cet extrait montre bien que l'intérêt de l'instruction morale dès le plus jeune est de rendre « ineffaçables » les notions transmises par les maîtres et maîtresses aux élèves. L'objectif est de rendre naturelles ces valeurs chez les Français. L'extrait montre également que ces préoccupations concernent l'ensemble des enfants âgés de six à treize ans, c'est-à-dire les garçons et les filles. Tous doivent partager des valeurs communes apprises à l'école primaire républicaine. Il est également précisé que les maîtres et maîtresses ne doivent pas juger les croyances religieuses de leurs élèves :

« Il peut remplir cette mission sans avoir à faire personnellement, ni adhésion, ni opposition à aucune des diverses croyances confessionnelles auxquelles ses élèves associent et mêlent les principes généraux de la morale ».

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La distinction entre l'instruction morale et religieuse et l'instruction morale laïque est clairement mentionnée dans les programmes lorsqu'il est indiqué que :

« L'instituteur ne se substitue ni au prêtre, ni au père de famille ; il joint ses efforts aux leurs pour faire de chaque enfant un honnête homme ».

L'honnêteté est une notion importante qui apparaît à plusieurs reprises dans les programmes scolaires. Maîtres et maîtresses doivent donc former des citoyens honnêtes. Ils se doivent donc de l'être eux-mêmes. L'instruction morale et civique dispensée par les maîtres et maîtresses dans les écoles primaires doit également permettre de créer un esprit de corps chez les élèves. Cet objectif transparaît à travers cet extrait du programme de 1882 : « Il doit insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes ». L'enseignant doit faire comprendre aux élèves que les droits, devoirs, et la citoyenneté permettent de créer un esprit de corps.

Après avoir énoncé l'objet de l'enseignement de la morale, le programme propose aux maîtres et maîtresses une méthode à suivre. En réalité, cette méthode à suivre par les élèves ressemble davantage à des conseils prodigués aux maîtresses et maîtres. Dans cette méthode, il est précisé que l'objectif de l'instruction morale n'est pas tant de faire apprendre par coeur des notions et définitions de valeurs républicaines, mais de les faire ressentir par les élèves comme le montre la citation suivante :

« On demande à l'instituteur non pas d'orner la mémoire de l'enfant, mais de toucher son coeur, de lui faire ressentir, par une expérience directe, la majesté de la loi morale ».

Les institutrices et instituteurs doivent donc transmettre la morale en travaillant sur les émotions des élèves. Pour ce faire, ils doivent avoir recours à des exemples précis et minutieusement sélectionnés. Ces exemples doivent être parlants et concrets pour leur jeune public. Le programme scolaire de 1882 explique en outre la posture que doivent tenir les institutrices et instituteurs. Ces-derniers y sont présentés comme des guides, comme des modèles à suivre de la part des élèves. De par leur statut, maîtresses et maîtres se doivent donc d'être d'une moralité irréprochable et doivent eux-mêmes être convaincus de leur rôle comme le montre l'extrait suivant :

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« Pour que l'élève se pénètre de ce respect de la loi morale qui est à lui seul toute une éducation, il faut premièrement que par son caractère, sa conduite, par son langage, il soit lui-même le plus persuasif des exemples. Dans cet ordre d'enseignement, ce qui ne vient pas du coeur ne va pas au coeur »15.

L'instruction morale ne peut donc être réalisée que par des personnes reconnues de bonne moralité et conscientes de constituer un exemple à suivre. Ceci explique donc pourquoi les Écoles Normales accordent autant d'importance à la morale de leurs élèves-maîtresses et élèves-maîtres puisqu'elles ont pour vocation de déceler les personnes habilitées à remplir cette mission. Le rôle des institutrices et instituteurs de l'école primaire est donc de faire aimer la morale à leurs élèves. Le caractère laïc de l'école de la IIIème République nécessite un respect de la part des enseignants envers les croyances de leurs élèves. Ils ne doivent donc pas rejeter un élève à cause de ses croyances religieuses, mais ils doivent au contraire les tolérer et les respecter.

Concernant le contenu même de l'instruction morale, les institutrices et instituteurs doivent respecter le programme scolaire établi par la loi du 28 juillet 1882. Les recommandations faites aux maîtres et maîtresses sont organisées suivant le découpage tripartite de l'école primaire : les objectifs à atteindre au cours élémentaire, au cours moyen et au cours supérieur. Pour les élèves de cours élémentaire, soit des élèves âgés de six à neuf ans, cet « enseignement par le coeur » doit s'appuyer sur des « exercices pratiques tendant à mettre la morale en action dans la classe même ». La salle de classe constitue donc un lieu d'apprentissage et d'exercice de la morale. Elle est en quelque sorte une représentation de la société de la fin du XIXème siècle dans laquelle ces élèves exerceront leur citoyenneté. Il est d'ailleurs intéressant de relever le fait que le programme parle de « donner l'exemple dans le gouvernement de la classe d'un scrupuleux esprit d'équité ». Le terme de gouvernement n'est pas sans rappeler une dimension dimension politique. Il montre que l'institutrice et l'instituteur représentent l'État au sein de leur salle de classe. Ces guides doivent également utiliser l'instruction morale de manière à responsabiliser les élèves. Pour cela, dès le cours élémentaire les maîtres doivent donner des responsabilités aux élèves telles que :

« Faire souvent les élèves juges de leur propre conduite, et les amener à découvrir par eux-mêmes leurs erreurs ou leurs torts »16.

15 Circulaire de 1883, programme d'enseignement moral et civique :

http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Morale/62/6/morale_Jules_Ferry_190626.pdf

16 Programmes de 1882.

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Les enseignants doivent également dès le cours élémentaire les élever « au sentiment d'admiration ». Même si le terme de république n'est pas mentionné, nous pouvons en déduire que l'objectif de cet enseignement est de d'amener les élèves à admirer leur régime politique politique, la République, et son gouvernement.

Après avoir éveillé la morale chez les élèves du cours élémentaire, les institutrices et instituteurs approfondissent ce travail grâce à des exemples concrets et en variant les échelles en cours moyen. L'accent est mis sur les notions de devoirs, obéissance et respect. Tout d'abord, les maîtres et maîtresses doivent à partir d'exemples concrets faire réfléchir les élèves sur leurs devoirs envers eux-mêmes, envers leurs aînés et envers leurs frères et soeurs. Ils mènent donc une réflexion à l'échelle de la famille. Dans un second temps, la réflexion s'opère à l'échelle de l'école. L'étude porte sur les devoirs des élèves envers l'institutrice ou l'instituteur ainsi que leurs devoirs envers leurs camarades. Maîtresses et maîtres conduisent les élèves à une réflexion sur les devoirs envers la patrie et envers la société. Cette démarche et cette réflexion faites à différentes échelles montre bien que l'enseignant doit partir du quotidien des élèves, de leur environnement pour les amener à réfléchir sur leur future place de citoyen au sein de la société.

Enfin, dans le cours supérieur, l'objectif est d'approfondir les réflexions entamées en cours élémentaire et en cours moyen. Pour cela, l'institutrice et l'instituteur doivent réutiliser le schéma intégrant différentes échelles de réflexion : la famille, la société et la patrie. La partie concernant la famille comporte peu de précisions. Il est simplement mentionné que doivent être étudiés les « devoirs des parents et des enfants ». Pour ce qui concerne la société, l'enseignant doit susciter la réflexion des élèves à propos de la liberté, de la justice, de la solidarité et de la fraternité. Nous retrouvons ici des valeurs républicaines. Enfin, concernant la patrie, maîtresses et maîtres doivent amener les élèves à réfléchir sur le vote, les droits, les devoirs, les différentes libertés. Ainsi, à l'issue de leur scolarité obligatoire, c'est-à-dire à treize ans, chaque Français et chaque Française doit connaître les rouages de la République Française, doit aimer sa Patrie et être paré pour devenir un citoyen patriote et responsable. L'institutrice et l'instituteur assurent tout au long de la scolarité des élèves le rôle de guide et d'exemple à suivre concernant la morale. Ils doivent pour cela transmettre l'amour de la Patrie et de la République à leurs élèves.

Pour que le personnel enseignant puisse travailler la morale et la laïcité avec les élèves, le processus de laïcisation des enseignants et plus largement de l'État se poursuit sous la IIIème

République. Après avoir laïcisé les programmes scolaires avec la loi du 28 mars 1882, le gouvernement républicain décide de laïciser les enseignants. L'école étant devenue républicaine et laïque, il est devenu nécessaire de posséder un personnel laïc de manière à transmettre ces valeurs. La loi GOBLET, Président du Conseil des Ministre Français entre 1886 et 1887, adoptée par le Sénat et la Chambre des Députés le 30 octobre 1886 décrète que :

« Dans les écoles publiques de tout ordre, l'enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque »17.

L'article 18 précise qu' « aucune nomination nouvelle, soit d'instituteur, soit d'institutrice congréganistes, ne sera faite dans les départements où fonctionnera depuis quatre ans une école Normale ». Ce délais s'explique par le fait que la formation des élèves-maîtresses et élèves-maîtres au sein des Écoles Normales dure trois ans. Cela permet donc au minimum à deux promotions d'élèves-maîtresses et élèves-maîtres laïcs d'assurer les cours dans les écoles primaires. La laïcisation de l'école républicaine comme instrument de l'État est entérinée grâce à la loi de séparation définitive de l'Église et de l'État du 9 décembre 1905. Les élèves préparés à la laïcité par les instituteurs et institutrices lors des cours de morale peuvent donc pleinement s'intégrer dans la société nouvellement laïque.

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17 Loi du 30 octobre 1886 : http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/oct1886.pdf

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2) La formation des enseignants du primaire de 1880 à 1905 : le cas de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne :

La mission première des institutrices et instituteurs de la fin du XIXème siècle est de sensibiliser leurs élèves aux valeurs républicaines et à l'histoire de leur pays de manière à en faire de futurs citoyens patriotes. Sous la IIIème République, les membres du gouvernement considèrent que pour élever l'enseignement du peuple, il faut d'abord améliorer la formation des maîtresses et maîtres. Jusqu'à présent délaissée par l'État, la formation des instituteurs et institutrices dans les Écoles Normales devient une priorité. Au cours des trois années de formation, les formateurs veillent à la bonne morale des élèves-maîtres. L'objectif est de recruter et former des personnes portant en elles l'amour de leur patrie de manière à ce qu'elles transmettent ensuite cet intérêt à leurs élèves. Des critères de recrutement au contenu des cours, en passant par les conférences pédagogiques, tout vise à préparer les élèves-maîtresses et élèves-maîtres à leurs futures missions civiques.

Le processus de scolarisation des filles s'entame réellement en 1836 La scolarisation des filles s'opère à deux niveaux, celui de l'école primaire et celui des Écoles Normales. Afin d'ouvrir l'enseignement primaire aux filles, il est d'abord nécessaire de former des institutrices. La loi GUIZOT de 1833 oblige chaque département à entretenir une École Normale pour garçons et délaisse les filles. Il faut attendre 1836 pour que l'accès aux Écoles Normales pour les filles soit facilité. En effet, la loi PELET du 23 juillet 1836 oblige chaque département à entretenir une École Normale de filles. Suite à cette loi, le nombre de candidates aux Écoles Normales augmente. De plus en plus de filles issues de familles d'agriculteurs ou d'ouvriers se portent candidates, comme en témoignent les procès verbaux dressés par l'École Normale de Châlons-sur-Marne à partir de 1881. La plupart sont issues de villages situés dans un rayon de cent kilomètres autour de l'École Normale. Après avoir ouvert l'accès au métier d'enseignant aux filles, le gouvernement leur ouvre l'accès à l'école primaire. La loi FALLOUX adoptée le 15 mars 1850 demande l'ouverture d'une école primaire pour filles dans chaque commune de plus de huit cents habitants. La loi DURUY du 10 avril 1867 encourage l'enseignement primaire féminin. Elle demande aux communes de proposer des impositions réduites aux familles à faibles revenus qui scolarisent leurs enfants. Peu à peu, le nombre d'enfants fréquentant les écoles primaires augmente. À la veille des lois scolaires de FERRY, une majorité des enfants français fréquentent déjà l'école primaire. Toutefois, les progrès de massification de l'école primaire sont plus présents chez les garçons que les filles. La loi du 28

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mars 1882 rend l'école obligatoire pour tout enfant âgé de six à treize ans, filles et garçons. La mixité dans les classes étant peu répandue et face à la massification de l'accès à l'école primaire pour les filles il a été nécessaire de former davantage d'institutrices. Afin d'accélérer le processus d'ouverture des Écoles Normales pour filles, la loi Jules FERRY du 9 août 1879 rend obligatoire l'ouverture d'une École Normale de filles dans chaque département dans un délais de quatre ans. C'est ainsi que l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne voit le jour.

L'exemple de l'École Normale des institutrices de Châlons-sur-Marne ouverte le 4 octobre 1880 va être utilisé tout au long de ce développement pour nous permettre de comprendre comment les élèves-maîtresses sont préparées à former leurs élèves et à transmettre leur amour pour la France. Mon choix s'est porté sur cette École Normale afin de privilégier un exemple local. La difficile ouverture de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne est également révélatrice des contradictions de l'époque. Projets et réalité s'opposent. Dès 1808, sous le Premier Empire, un décret est adopté afin d'instaurer une formation des enseignants contrôlée par l'État. Si la première École Normale d'instituteurs ouvre en 1810 à Strasbourg, elle demeure la seule infrastructure de formation des maîtres jusque sous la Monarchie de Juillet. Face à ce retard, en 1833, le Ministre de l'Instruction Publique François GUIZOT oblige chaque département à entretenir une École Normale d'instituteurs. Il étend cette mesure aux Écoles Normales d'institutrices. Toutefois, cette nouvelle mesure ne suffit pas à développer un système de formation efficace. En 1879, lors de l'arrivée au Ministère de Jules FERRY, soixante-sept départements sont encore dépourvus d'École Normale de filles. La formation des maîtres, et notamment, la formation des institutrices peine donc à se mettre en place. Si la Marne possède une École Normale de garçons depuis 1838, elle ne possède toujours pas d'équivalent pour les filles à cette date. Face à l'augmentation de la fréquentation des écoles primaires, et à l'aube des grandes lois scolaires l'amélioration de la formation des instituteurs et institutrices devient une nécessité. C'est pourquoi en 1879 Jules FERRY oblige chaque département actuellement dépourvus d'École Normale de filles ou de garçons d'ouvrir une infrastructure dans un délais de quatre ans. L'École Normale d'institutrices de la Marne ouvre ses portes l'année suivante.

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a- Les conditions de recrutement : Des élèves-maîtresses devant être de

« bonne morale ».

Les candidates aux Écoles Normales doivent être habilitées à enseigner pour être recrutées. Pour ce faire, des règles strictes sont mises en place pour le recrutement des élèves-maîtresses, et ce notamment comme en témoignent les archives de l'École Normale des institutrices de Châlons-sur-Marne. Tout d'abord, depuis 1816, tout aspirant au métier d'enseignant doit fournir un « certificat de bonne vie et de bonnes moeurs ». Ce certificat est délivré par le maire de la commune dans laquelle habite l'aspirante à l'École Normale. Pour qu'il soit accordé, la personne doit justifier une durée minimale de trois ans de résidence dans ladite commune. Elle doit également répondre aux critères de « bonne vie et de bonnes moeurs ». Les fréquentations, le parcours scolaire et l'engagement de cette personne dans sa commune sont pris en compte. Le règlement des Écoles Normales du 2 juillet 1866 instaure un nouveau certificat à fournir pour entrer en École Normale, à savoir le certificat de moralité. Celui-ci est délivré par les chefs des établissements scolaires précédemment fréquenté par les candidates. Cette procédure est maintenue sous la IIIème République. Enfin, à partir de 1886, le Certificat d'Aptitude Pédagogique doit être obtenu par l'ensemble des élèves-maîtres et élèves-maîtresses pour qu'ils soient titularisés.

Sous la IIIème République, l'enquête visant à vérifier la bonne vie et les bonnes moeurs des candidats aux Écoles Normales est confiée aux inspecteurs académiques. Ils font part de leurs résultats lors de la réunion de commission de surveillance. Ces réunions se tiennent de manière régulière à l'École Normale de Châlons-sur-Marne. Elles se tiennent en présence de la directrice de l'École Normale, Madame GRANET, puis Madame BROCARD pour notre période, et de l'inspecteur académique, Monsieur MAUCOURT. L'inspection des dossiers des aspirantes a lieu en juillet, soit trois mois avant la rentrée scolaire. Le 15 juillet 1881, par exemple, la commission de surveillance se réunit pour établir la liste des aspirantes à l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne pour l'année scolaire 1881-1882. Cette séance se tient en présence de la directrice, de l'inspecteur académique, de Monsieur MARSON et de Monsieur PELICIER (ordonnateur des dépenses). La commission procède à l'examen de l'ensemble de ces dossiers pour établir la liste des futures élèves-maîtresses.

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Illustration 1: Liste des aspirantes pour l'année 1881-1882. 1T1840.

Un premier examen a été réalisé par les inspecteurs primaires afin de vérifier les conditions morales de ces aspirantes. Chaque dossier est donc accompagné du procès-verbal individuel de l'enquête faite par les inspecteurs académiques. Il est parfois arrivé que des aspirantes ne répondent pas aux critères de bonne conduite et ne puissent donc pas intégrer l'École Normale. Nous pouvons ici mentionner le cas de Marguerite CHARLIER, aspirante à l'École Normale de Châlons-sur-Marne pour l'année scolaire 1882-1883. Cette jeune fille âgée de quinze ans n'a pas été retenue. Le motif fourni est celui de non respect des règles de bonne conduite. Aucun détail n'est fourni pour justifier le choix fait par la commission de surveillance le 13 juillet 1882.

Outre le fait de devoir fournir certains certificats attestant leur bonne moralité, les aspirantes à l'École Normale de Châlons-sur-Marne sont recrutées à un âge stratégique. Les aspirantes à

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l'École Normale ont entre quinze et seize ans. Cela signifie donc qu'elle ont quitté l'école primaire moins de trois ans avant leur recrutement. Elles ont donc encore en mémoire le fonctionnement de l'enseignement et notamment les finalités de l'enseignement de l'histoire et de la morale. Les aspirantes doivent posséder le certificat d'études, certificat perçu comme une récompense républicaine. Le fait de célébrer celles et ceux qui réussissent cet examen de fin d'études primaires permet de célébrer l'école et la République qui lui a donné une place importante. Les aspirantes ont donc obtenu ce certificat il y a deux ans en moyenne. L'âge minimal d'entrée à l'École Normale est de seize ans. Il est abaissé à quinze ans en 1888 face à une crise des vocations. En recrutant des élèves-maîtresses si jeunes, l'objectif est de recruter les meilleures élèves et ainsi éviter qu'elles ne choisissent une autre orientation à la sortie de l'école primaire. Cela permet également de recruter des jeunes filles célibataires, sans vie de famille. Ces aspirantes peuvent donc se consacrer entièrement à leur formation puis à leur métier. La commission de surveillance de l'École Normale de Châlons-sur-Marne vérifie si les aspirantes possèdent bien l'âge minimal requis lorsqu'elle procède à l'examen des dossiers. Lors de la commission du 15 juillet 1881, l'une des aspirantes âgée de 14 ans seulement est automatiquement ajournée puisqu'elle ne possède pas l'âge minimal requis18.

Enfin, pour intégrer l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, les aspirantes doivent réussir un concours. L'examen des dossiers vise à recruter des élèves-maîtresses de « bonnes moeurs ». L'obtention du concours vise à recruter des élèves de bon niveau. Rappelons que les membres du gouvernement de la IIIème République considèrent que pour élever l'enseignement du peuple, il faut élever le niveau des élèves-maîtresses. Afin de sélectionner les meilleures élèves, l'École Normale de Châlons-sur-Marne fait passer deux séries d'épreuves à ses aspirantes. La première série vise à établir la liste des élèves admissibles. Pour être admissibles, les élèves doivent réussir une dictée de vingt minutes, répondre aux questions qui suivent la dictée, réussir l'épreuve d'écriture, réussir l'exercice de composition française s'appuyant sur l'enseignement de la morale, réussir l'épreuve d'arithmétique et enfin réussir la composition de dessin. La seconde série d'épreuves permet de choisir les élèves admises. Elle comporte des interrogations, notamment sur l'histoire de la France, des résumés de leçons, un examen de chant, et des exercices de gymnastique. Chaque épreuve est notée de 0 à 20. Un classement est établi à l'issue des épreuves. Les élèves sont classées selon leur mérite.

18 Archives départementales, 1 T 1841, 15 juillet 1881.

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b- Le contenu des cours et le cadre de la formation :

Le cadre de la formation des instituteurs et des institutrices, c'est-à-dire les Écoles Normales, ainsi que le contenu des cours qui y sont enseignés contribuent eux aussi à l'apprentissage des valeurs devant ensuite être transmises aux élèves d'école primaire.

Le contexte d'ouverture de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne qui intervient au moment où de nombreuses Écoles Normales sont créées témoigne de la massification de l'accès à l'école entamée à la fin du XIXème siècle. L'égalité est une des valeurs clés de la IIIème République, valeur que les instituteurs et institutrices doivent transmettre à leurs élèves. Une fois arrivés au pouvoir en 1879, les Républicains ont fait en sorte que l'école, lieu d'apprentissage des valeurs républicaines, devienne à son tour une institution plus juste. Pour ce faire, les membres du gouvernement se sont, en apparence, attachés à développer l'égalité hommes, femmes face à l'accès à l'éducation. En réalité, en éduquant les filles, ils souhaitent qu'elles transmettent les valeurs républicaines apprises à l'école à leurs futurs enfants. Le discours prononcé par l'historien Pierre PONCIN lors de l'inauguration du cours pour filles d'Abbeville le 15 décembre 1880 illustre cette idée :

« L'absence d'enseignement secondaire pour les femmes entretient l'anarchie intellectuelle de la nation. La plupart des femmes sont restées étrangères aux idées, aux sentiments de la France républicaine et moderne. C'est l'institutrice française, c'est la mère française qui formeront pour l'avenir une robuste génération de citoyens et de soldats »19.

À cette époque encore, la femme est perçue comme une génitrice, et plus particulièrement comme une génitrice de futurs citoyens et soldats comme le souligne la citation de René GOBLET :

« Père républicains, vous avez un devoir à remplir ; c'est de donner une éducation solide, virile, à vos filles ; faire des hommes, donner des citoyens à la patrie, voilà la grande fonction de la femme, et, en

19 Archives départementales de la Somme 1T70, discours de Pierre FONCIN à l'inauguration du cours pour jeunes filles d'Abbeville, 15 décembre 1880.

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même temps, sa grande responsabilité »20.

L'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, comme toutes les Écoles Normales de la IIIème République est encadrée par l'État. Comme le mentionne le décret du 29 juillet 188121, l'École Normale primaire est placée sous la tutelle du recteur d'académie et dirigée par une directrice, Madame GRANET, puis Madame BROCARD, choisies par le Ministère de l'Instruction Publique. En plus de choisir la directrice de l'École Normale, l'État intervient pour financer le traitement du personnel de l'École : professeures, économe, secrétaire, directrice... L'État fournit également des subventions pour l'achat de livres placés dans la bibliothèque pédagogique. Le département de la Marne et la ville de Châlons-sur-Marne prennent en charge l'entretien du bâtiment, les éventuels travaux, ainsi que l'achat du matériel utilisé en classe, à l'internat ou au réfectoire. L'État intervient donc pleinement dans la gestion financière et matérielle de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne. Désormais, l'éducation est uniquement encadrée par l'État et non plus encadrée par l'Église et l'État conjointement.

Concernant son architecture, l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, comme la plupart des Écoles Normales est construite sur deux étages. La normalisation des bâtiments contribue elle aussi à l'enracinement du caractère républicain du lieu. L'École Normale d'institutrices possède une cour de récréation, un jardin. Le bâtiment est en forme de H. L'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, à l'image de l'ensemble des Écoles Normales possède un internat. Jules FERRY a rendu la fréquentation de l'internat obligatoire pour les élèves-maîtres et élèves-maîtresses en formation. Ce procédé permet au personnel de l'École Normale, c'est-à-dire aux agents de l'État de contrôler en permanence les futurs maîtres et maîtresses. Cet encadrement continu permet aux élèves-maîtresses de s'imprégner du caractère républicain du lieu. Conformément au décret du 29 juillet 1881, « l'internat est gratuit ». Les sorties des élèves-maîtresses sont très encadrées. Les documents d'archives de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne montrent que les permissions se limitent aux vacances scolaires et aux jours fériés. Le reste de l'année scolaire, les élèves-maîtresses restent au sein des locaux de l'École. Elles sont autorisées à y sortir uniquement lors des sorties pédagogiques ou lors des promenades hebdomadaires. Toutefois, les jeunes filles ne sont pas livrées à elles-mêmes lors de ces sorties.

20 René GOBLET, Le Progrès de la Somme du 30 août 1881.

21 Décret du 29 juillet 1881 : « La réorganisation républicaine des Écoles Normales primaires ».

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Elles sont systématiquement contrôlées par des professeurs ou membres de la direction. Les promenades sont elles aussi encadrées par le décret du 29 juillet 1881 qui précise que :

« Tous les jeudis et tous les dimanches ainsi que les jours de fêtes, les élèves-maîtres sont conduits en promenade »22.

Les visites des personnes extérieures sont autorisées uniquement au parloir et en présence d'une maîtresse.

Outre le cadre très strict, le port de l'uniforme est de rigueur au sein des Écoles Normales d'institutrices. Chaque élève-maîtresse doit porter une tenue très austère composée d'une robe noire en laine ou cachemire, une jupe noire, un corsage uni, et en manteau de drap noir. Cette tenue n'est pas sans rappeler l'habit religieux. Cet uniforme montre que les élèves-maîtresses appartiennent à un ordre, non pas religieux, mais laïc et républicain. Hugues LETHIERRY qualifie les Écoles Normales d'institutrices de « couvents laïcs »23. Cette expression s'explique par le port d'un uniforme noir, très austère et par la vie des élèves-maîtresses en un espace clos, surveillé et coupé du reste de la société. L'uniforme doit également être porté lors des promenades hebdomadaires comme le stipule le décret du 29 juillet 1881 : « Tous les élèves ont un costume d'uniforme pour les sorties et les promenades. ». Il s'agit là de montrer à l'ensemble de la société que les élèves-maîtres et élèves-maîtresses respectent les traditions républicaines. L'économe et la directrice de l'École Normale ont pour mission d'inspecter chaque matin les tenues des élèves-maîtresses. Le trousseau est à la charge de la famille.

Les journées des élèves-maîtresses de l'École Normale de Châlons-sur-Marne sont chargées. D'après les documents d'archives, le lever des élèves-maîtresses a lieu dès cinq heures du matin. S'en suivent deux heures d'étude pendant lesquelles les élèves-maîtresses peuvent travailler leurs cours. À sept heures, les élèves-maîtresses se réunissent au sein du réfectoire pour prendre leur petit déjeuner. S'en suivent ensuite les tâches d'entretien de l'École Normale assurées par les élèves. De huit heures à seize ans ont lieu les cours entrecoupés par des récréations et par la pause du déjeuner. Les cours du matin sont réservés à l'enseignement des matières fondamentales telles que les sciences, le français, les mathématiques, la morale et l'histoire. Entre seize et dix-sept heures, les

22 Archives départementales de la Marne, 1 T 1841, 29 juillet 1881.

23 LETHIERRY, Hugues, Feu les écoles Normales (et les IUFM), Paris, L'Harmattan, 1994.

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élèves se retrouvent généralement pour leur cours de gymnastique. S'en suivent ensuite quatre heures d'étude entrecoupées par le souper. Le coucher est prévu à 21 heures pour l'ensemble des membres de l'École Normale. Ce rythme laisse peu de temps libre, et peu d'opportunité de déroger au cadre. L'objectif est de contraindre les élèves-maîtresses à s'habituer à respecter un cadre bien défini. Ce rythme est défini par la loi du 3 août 1881.

Le contenu des cours dispensés en Écoles Normales est également encadré par la loi du 3 août 1881. Cet arrêté prévoie vingt-neuf heures hebdomadaires pour les élèves-maîtresses de première année, vingt-sept heures pour les élèves de seconde année et vingt-six heures pour les élèves de troisième année. La première discipline mentionnée dans les programmes de 1881 est l'instruction morale et civique. Cela montre l'importance accordée à cette discipline dans la formation des élèves-maîtresses. Une heure d'instruction morale et civique est prévue par semaine pour les filles, contre deux heures pour les garçons. Une heure est consacrée à la pédagogie, une heure à la géographie et une heure aux sciences naturelles. L'arithmétique, l'écriture et les travaux de couture font l'objet de trois heures de cours hebdomadaires. Le chant, la musique et la gymnastique occupent chacune les élèves durant deux heures par semaine. Le dessin fait l'objet de quatre heures par semaine. La littérature française donne lieu à six heures de cours hebdomadaires. Dans ce programme, l'histoire occupe une place importante. Quatre heures hebdomadaires sont consacrées à l'enseignement de cette discipline. À l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, les cours de dessin, de musique, de gymnastique et d'arithmétique sont assurés par les maîtres de l'École Normale d'instituteurs. Le faible nombre d'heures accordé à ces disciplines ne leur permet pas de travailler dans un unique établissement.

Cette répartition horaire suscite une incohérence, à savoir le faible nombre d'heures consacré à la pédagogie alors même que la mission principale des enseignants est d'éduquer les élèves et de former des futurs citoyens. Cela s'explique par le fait que les membres du gouvernement considèrent à cette époque que la familiarisation valeurs républicaines s'opère au quotidien à travers l'apprentissage de l'histoire de France et à travers la vie en internat dans un espace républicain notamment. La dimension pédagogique de la formation des élèves-maîtresses de l'École Normale de Châlons-sur-Marne est assurée par les conférences pédagogiques mensuelles.

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c- Les enjeux civiques des conférences pédagogiques :

Pour apprendre aux futurs maîtres et maîtresses à enseigner et à transmettre les valeurs républicaines ainsi qu'à former des futurs citoyens, les Écoles Normales départementales organisent mensuellement des conférences pédagogiques auxquelles participent le personnel de l'École Normale ainsi que ses élèves. Des instituteurs et institutrices déjà en poste peuvent également assister à ces conférences.

Chaque École Normale a pour obligation d'organiser des conférences pédagogiques pour son personnel et ses élèves-maîtresses. Une conférence est organisée chaque mois entre le mois de novembre et le mois de juin. Les conférences n'ont pas lieu en juillet car cette période est réservée aux examens de passage. De la même manière, aucune conférence n'est organisée en août et septembre, période de vacances. Le cycle des conférences reprend seulement au mois de novembre, soit un mois après la rentrée scolaire. D'ordinaire la première conférence de l'année scolaire prend la forme d'une réunion de présentation des thématiques qui seront abordées tout au long de l'année. Le choix des thématiques revient aux directeurs et directrices des Écoles Normales. Bien souvent, ils proposent des thèmes proches de ceux abordés dans les autres Écoles Normales de manière à ce qu'il y est une certaine cohérence dans la formation des différents instituteurs et institutrices. Ces conférences permettent d'offrir une dimension didactique et pédagogique à la formation des futurs instituteurs et institutrices. En effet, comme nous l'avons souligné précédemment, la pédagogie semble en marge dans les contenus des programmes des Écoles Normales.

L'objectif de ces conférences pédagogiques organisées dans toute la France est d'homogénéiser et de renforcer l'identité de l'instruction publique. Elles permettent de créer un esprit de corps. Le fait que chaque élève-maître, et chaque maître et maîtresse en poste puisse assister aux conférences pédagogiques leur permet de se retrouver et d'échanger sur les finalités de leur enseignement. Le 30 juin 1829, le Conseil royal de l'instruction publique a voté un arrêté offrant la possibilité à tout instituteur d'école primaire protestante d'assister : « à des conférences ayant pour but le perfectionnement des méthodes d'enseignement primaire ». Le terme de conférences pédagogiques apparaît en 1837, sous la Monarchie de Juillet et sous le Ministère de François GUIZOT. À cette époque, elles sont assurées par les inspecteurs primaires. Elles sont l'occasion pour les maîtresses et maîtres de nouer des liens avec leur hiérarchie autour de valeurs communes. L'arrêté du 10 février 1837 prévoie une conférence une fois par mois dans le semestre

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d'hiver et deux fois par mois dans le semestre d'été. Toutefois, dès les premières conférences des problèmes sont dénoncés. Le manque d'organisation est reproché. Le coût des conférences fait également l'objet de critiques et a contribué à leur suppression. C'est pourquoi elles sont peu à peu délaissées, puis abandonnées sous la Seconde République. Elles sont rétablies par l'arrêté du 5 juin 1880 proposé par Jules FERRY. Cette réhabilitation a nécessité une réorganisation complète des conférences pédagogiques afin d'affiner leurs finalités et de les rendre plus efficaces. Selon Jules FERRY, les conférences pédagogiques doivent permettre aux instituteurs et institutrices de :

« discuter en commun les questions de méthode, les procédés et les livres ».

Jules FERRY mentionne dans cet arrêté qu'il conçoit la conférence pédagogique comme :

« une comparaison des expériences individuelles, une critique des procédés en usage, une mise en valeur de ceux qui comportent une part d'originalité »24.

Ces conférences doivent donc être un lieu d'échanges dans lesquels les maîtres et maîtresses, et les élèves-maîtres, élèves-maîtresses sont pleinement acteurs. Ils ne doivent pas se contenter d'assister à la conférence, mais doivent s'y impliquer. Ils prennent la parole pour échanger leurs expériences, leurs points de vue, leurs méthodes et notamment les manières utilisées pour former des futurs citoyens.

Ces conférences mensuelles sont également l'occasion de nouer des relations de fraternité entre instituteurs et institutrices. Le gouvernement républicain intervient dans les conférences pédagogiques car il souhaite créer une culture commune avec des valeurs et des idéaux communs à l'ensemble du corps enseignant.

Un cahier tenu par l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne regroupant les procès verbaux et comptes-rendus des conférences pédagogiques ayant eu lieu à l'École Normale entre 1881 et 1893 nous permet de prendre connaissance du contenu de celles-ci. Par exemple, le 18 février 188925 les élèves-maîtresses ainsi que les enseignantes, les maîtresses-adjointes, les membres de la direction sont réunis pour assister à une conférence pédagogique qui a pour thème :

24 Arrêté du 5 juin 1880.

25 Carton 1T1866, Conférences pédagogiques, photo 6079, annexes.

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«Un pédagogue contemporain a dit : « L'instituteur a deux sujets à étudier : les élèves et lui-même, deux buts à poursuivre : leur éducation et la sienne ». Quelles conclusions pratiques peut-on tirer de cette pensée ?». Cette conférence se déroule sous la présidence de Madame BONNET, directrice de l'École Normale d'institutrices à cette date. Les interventions sont réalisées par Madame la Directrice ainsi que par différents membres du personnel dont Madame BROCARD professeur, Madame BIDAULT, professeur, Madame MARCHAND, professeur, ainsi que l'économe et la secrétaire de l'École Normale. À l'issue de chaque conférence, la secrétaire dresse une analyse du rapport ainsi qu'un procès-verbal résumant le contenu de la séance. Le procès-verbal reprend le plan de la séance et note les éléments d'analyse apportés par les participants. La première partie de la conférence du 18 février 1889 porte sur : « la nécessité de connaître l'enfant pour le diriger ». Dans cette partie, les intervenants conseillent aux élèves-maîtresses de prendre le temps de « connaître les aptitudes intellectuelles et morales de l'élève ». Cette citation montre bien, une nouvelle fois, l'importance accordée à la morale des élèves. Celle-ci est en effet au coeur de leur formation de futurs citoyens.

La seconde partie de la conférence porte sur la « nécessité pour l'instituteur de se connaître lui-même ». Les intervenants abordent ici l'importance du comportement et de la posture à adopter en tant qu'enseignante. Ils rappellent qu'en premier lieu l'élève-maîtresse doit : « s'interroger pour savoir si elle a les qualités essentielles de l'éducatrice ». Il leur est également conseillé de procéder régulièrement à « leur examen de conscience », c'est-à-dire à vérifier s'ils sont eux-mêmes de bonne morale et s'ils constituent bien un bon exemple à suivre pour leurs élèves. Rappelons que le maître et la maîtresse doivent quotidiennement être des modèles civiques et moraux pour les élèves qu'ils forment.

La troisième partie de cette conférence s'intitule « l'éducation de l'élève est le but de l'école ». Cette formulation rappelle bien que l'école a un rôle éducatif et qu'il ne s'agit pas de former des élites, mais qu'il s'agit de former des citoyens responsables et éduqués. Il est également rappelé au cours de cette conférence que, bien souvent, les parents voient en l'école un lieu d'instruction. Or, la priorité de l'école et de l'institutrice est en premier lieu d'éduquer, de former les futurs citoyens et seulement ensuite d'instruire les élèves. Il est rappelé que : « l'institutrice doit veiller au développement moral de ses élèves ». La quatrième partie est consacrée à « la nécessité pour le maître de se perfectionner ». Au cours de cette partie, il est rappelé aux institutrices qu'elles doivent elles aussi travailler à leur éducation personnelle. L'enseignement de la morale contribue à ce perfectionnement individuel comme le souligne un intervenant de la conférence du 18 février

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1889 : « L'enseignement moral profite autant à celui qui le donne qu'à ceux qui le reçoivent ». Le double intérêt de l'enseignement de la morale est ici mis en valeur.

La conférence du 20 mars 1890 soulève la problématique de l'enseignement en milieu rural. En effet, en milieu rural, les effectifs réduits des élèves entraînent le regroupement de différents niveaux de classes en un groupe. Ces rassemblements nécessitent l'utilisation de nouvelles pédagogies pour assurer l'enseignement et l'éducation des élèves. Les intervenants rappellent les avantages et les inconvénients des classes à plusieurs niveaux. Ils mentionnent que cette méthode peut être utilisée notamment pour les cours de « morale, d'histoire, de géographie, de leçons de choses ». Cette méthode pédagogique, issue de la tradition lassallienne permet notamment de développer certaines valeurs chez les élèves telles que la solidarité ou la fraternité. En effet, les élèves plus âgés vont ainsi venir en aide aux élèves les plus jeunes. Ils vont ainsi leur apporter leurs connaissances et leurs savoir-vivre. Dans les cours d'enseignement moral, les élèves apprennent notamment ce qu'est la fraternité, la solidarité. L'institutrice doit partir d'un cas concret, qui est familier aux élèves pour leur inculquer cette notion. Elle doit ensuite leur apprendre à appliquer cette valeur dans leur vie quotidienne. L'enseignement à plusieurs niveaux dans une même classe constitue un cas concret pour les élèves pour appliquer cette valeur qu'est la fraternité. Cette méthode est donc bénéfique aux élèves les plus jeunes mais également aux élèves les plus âgés. L'enseignement dans des classes à plusieurs niveaux permet aux plus âgés de réactiver leurs connaissances. Cela leur permet de mieux s'approprier les connaissances et valeurs évoquées en classe.

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3) L'héritage des Écoles Normales de la III ème République: le cas des ESPE :

Aujourd'hui supprimées, il subsiste néanmoins un héritage des Écoles Normales visible dans la formation actuelle des enseignants du premier et du second degrés. Dès 1888, les Écoles Normales rencontrent quelques difficultés. Après avoir peiné à se mettre en place, les Écoles Normales ont connu un essor au début des années 1880. Le nombre d'aspirants et d'aspirantes est passé de 28 000 à 56 000 pour l'ensemble du territoire français entre 1880 et 1882. Quelques années plus tard, le nombre d'aspirants stagne. Cette crise du recrutement s'explique par la faiblesse du salaire des enseignants, et notamment des maîtres stagiaires qui ne perçoivent que 800 Francs par mois. Cette crise s'explique également par l'obligation d'avoir le brevet élémentaire pour espérer intégrer une École Normale. Pour remédier à ce problème, le député Alfred MASSE propose de réorganiser les Écoles Normales qu'il juge trop nombreuses par rapport au nombre de candidats actuels. Afin de limiter les dépenses, le député réclame une suppression des Écoles Normales. Il propose que la formation des enseignants reviennent aux lycées. Le Ministère de l'Instruction Publique adopte une série de réformes au cours de l'année 1905. Cette réforme se traduit par une réorganisation du cursus. Désormais, les deux premières années de formation des enseignants du premier degrés sont consacrées à la préparation du brevet supérieur. La troisième année est quant à elle orientée vers la didactique et comporte deux mois de pratique sur le terrain. Peu à peu, la formation des élèves-maîtres et élèves-maîtresses se professionnalise.

Après avoir connu une série de réformes, les Écoles Normales sont supprimées par le décret du 10 juillet 1989. Elles sont remplacées par les IUFM, Instituts Universitaires de Formation des Maîtres. À la différence des Écoles Normales primaires, les IUFM assuraient la formation des enseignants du premier et du second degrés. Ces IUFM sont à leur tour supprimés en 2012 et remplacés par les Écoles Supérieurs du Professorat et de l'Éducation instaurées par la loi du 8 juillet 2013. Les ESPE forment actuellement les enseignants du premier et du second degré en deux années. La première année est consacrée à la préparation du concours, CRPE pour le premier degré, et CAPES pour le second degré. La seconde année se divise entre le stage et la formation didactique. Tout comme les Écoles Normales, les ESPE doivent répondre à une commande ministérielle et adapter le contenu de la formation des maîtres aux exigences du gouvernement. En observant les référentiels de compétences des enseignants de ces dernières années, le contenu de la formation des enseignants ainsi que le contenu des concours du premier et du second degrés, nous pouvons relever quelques points communs entre les Écoles Normales et les ESPE.

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a- Une demande civique et politique : Préparer les futurs enseignants à faire de leurs élèves des citoyens-responsables.

À l'époque de Jules FERRY, l'accès à la culture (théâtres, livres...) était encore limité à une élite. L'école permettait d'offrir une culture commune à l'ensemble de la population. Les enseignants formés dans les Écoles Normales avaient donc pour vocation de former des futurs citoyens patriotes et d'instruire le peuple, comme en témoigne l'intitulé du Ministère de l'Instruction Publique. Peu à peu, la culture devient accessible à l'ensemble de la population. Aujourd'hui, la majorité de la population française peut avoir accès à la culture grâce aux bibliothèques, aux musées, aux médias, à Internet... L'école ne possède donc plus le monopole d'instruction du peuple. Les finalités de l'enseignement et le rôle de l'enseignant ont donc évolué depuis la mise en place de l'école républicaine. Les commandes institutionnelles et notamment les référentiels de compétences des enseignants du premier et du second degrés s'adaptent à l'évolution de la société.

Afin de prendre conscience du fait que les finalités de l'enseignement et le rôle des instituteurs dépendent pleinement d'une commande institutionnelle, nous allons analyser l'évolution des référentiels de compétences professionnelles des métiers de l'enseignement de 1997 à 2013. Les référentiels de compétences de 1997, 2010 et 2013 correspondent aux trois derniers référentiels en vigueur. Chacun est produit par le Ministre de l'Éducation Nationale, par le secrétaire général et par le directeur général de l'enseignement secondaire.

La circulaire n°97-123 du 23 mai 1997 est adoptée sous le premier mandat de Jacques CHRIRAC, sous le gouvernement JUPPE. François BAYROU, Ministre de mars 1993 à juin 1997, était alors à la tête du Ministère de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Après avoir réformé les programmes du collège en vigueur depuis 198126, François BAYROU a redéfini le rôle de l'enseignant. Cette circulaire s'attache à définir les missions des professeurs exerçant en collège, lycée d'enseignement général et technologique, et en lycée professionnel. Il est intéressant de souligner le fait que l'enseignement du premier degré et celui du second degré soient encore distincts dans cette circulaire. Établie en fin d'année scolaire, cette circulaire est transmise aux recteurs et aux directeurs des Instituts de Formation Universitaire des

26 Arrêté du 10 janvier 1997, refondation des programmes scolaires :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=A9B4DAC8E28412EF97E29313898E4FC5.tpdila19v_2? cidTexte=JORFTEXT000000745912&dateTexte=20160405

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Maîtres. Ainsi, les enseignants du second degré à la fois titulaires, stagiaires ou en formation ont l'opportunité de prendre connaissance de ces mesures.

Il est intéressant de souligner que dans cette circulaire l'enseignant est encore défini comme étant avant tout un instructeur et non un éducateur :

« Il se réfère à la mission du professeur, qui est d'instruire les jeunes qui lui sont confiés, de contribuer à leur éducation et de leur assurer une formation en vue de leur insertion sociale et professionnelle »27.

Les expressions « contribuer à leur éducation » et « assurer une formation en vue de leur insertion sociale » font référence à l'éducation à la citoyenneté. À travers cette circulaire, le Ministre de l'Éducation Nationale François BAYROU place cet enjeu en second rang. Selon lui, les enseignants du second degré doivent avant tout transmettre des connaissances. Toutefois, au sein de la transmission des connaissances, le Ministre accorde une place importante à la transmission de connaissances historiques, de valeurs civiques et républicaines.

Dès l'introduction de cette circulaire il est mentionné que :

« Le professeur exerçant en collège, en lycée d'enseignement général et technologique ou en lycée professionnel participe au service d'éducation qui s'attache à transmettre les valeurs de la République, notamment l'idéal laïque qui exclut toute discrimination de sexe, de culture ou de religion ».

Le rôle de l'enseignant du second degré présenté ici diffère quelque peu de celui de l'enseignant du premier degré de l'époque Ferry. En effet, ce-dernier devait sensibiliser les élèves aux valeurs républicaines et non pas se contenter de transmettre des valeurs comme il transmettrait de simples connaissances. Après avoir inculqué les valeurs républicaines à ses élèves, l'enseignant du second degré doit, selon la circulaire de 1997 :

« Aider les élèves à développer leur esprit critique, à construire leur autonomie et à faire comprendre aux élèves le sens et la portée des valeurs qui sont à la base de nos institutions ».

27 Circulaire n°97-123 du 23 mai 1997 : https://www.reseau-canope.fr/savoirscdi/metier/le-professeur-documentaliste-textes-reglementaires/acces-chronologique-aux-textes-reglementaires/1990-1999/circulaire-n-97-123-du-23-mai-1997.html

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La formation à la citoyenneté s'opère en deux phases : la transmission des valeurs (l'apprentissage) et la compréhension des valeurs (l'assimilation).

Il a fallu attendre 2010 pour qu'une nouvelle circulaire définissant le rôle des enseignants soit promulguée. La circulaire du 12 mai 201028 est adoptée sous le mandat de Nicolas SARKOZY et sous le gouvernement FILLON. À cette date, Luc CHATEL était Ministre de l'Éducation Nationale et porte-parole du gouvernement. Cette circulaire est établie par le Ministre de l'Éducation Nationale, sa délégation, le secrétaire général, Pierre-Yves DUWOYE et le directeur de l'enseignement scolaire, Jean-Michel BLANQUER. Cette circulaire établit une liste de dix compétences devant être maîtrisées par les futurs et actuels professeurs du premier, du second degrés, ainsi que par les documentalistes et conseillers d'éducation. La première des compétences est : « agir en fonctionnaire de l'État et de façon éthique et responsable ». Le devoir premier de tout enseignant est d'être de bonne éthique, et de bonne moralité. Cela n'est pas sans nous rappeler l'importance accordée à la moralité des élèves-maîtres et élèves-maîtresses fréquentant les Écoles Normales de la IIIème République. Il est mentionné dans cette circulaire de 2010 que « tout professeur contribue à la formation sociale et civique des élèves ». Le rôle de formateur civique de l'enseignant sous-entendu dans la circulaire de 1997 est ici clairement identifié. Il est également mentionné que le professeur se doit d'être un exemple éthique pour ses élèves : «L'éthique et la responsabilité du professeur fondent son exemplarité et son autorité dans la classe et dans l'établissement ». L'enseignant défini comme étant un guide, un exemple à suivre pour ses élèves rappelle le rôle de l'enseignant primaire sous la IIIème République.

Les compétences civiques mentionnées dans le référentiel de compétences de 2010 devant être maîtrisées par les enseignants se déclinent sous trois formes : les connaissances, les capacités et les attitudes. Tout d'abord, les enseignants du premier et du second degrés ainsi que les conseillers principaux d'éducation doivent connaître : « les valeurs de la République et les textes qui la fondent : liberté, égalité, fraternité, laïcité, refus de toutes les discriminations, mixité, égalité entre les hommes et les femmes » ainsi que : « les institutions qui définissent et mettent en oeuvre la politique éducative de la nation », et « la politique éducative de la France, les grands traits de son histoire et ses enjeux actuels ». Outre le fait de devoir connaître les valeurs républicaines, les enseignants doivent être capables de « faire comprendre et partager les valeurs de la République » ainsi que de « prendre en compte la dimension civique de son enseignement ». Ainsi, les enseignants doivent non plus se contenter de transmettre ses valeurs au même titre qu'ils

28 Arrêté du 12 mai 2010, Référentiel des compétences des enseignants : http://www.education.gouv.fr/cid52614/menh1012598a.html

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transmettent des connaissances, mais ils doivent les partager. Cette approche des valeurs républicaines rappelle celle utilisée par les instituteurs et institutrices de l'école primaire de la fin du XIXème siècle. Les enseignants doivent également avoir une connaissance de l'histoire de l'enseignement en France afin de comparer les finalités de l'enseignement d'autrefois et les finalités de l'enseignement aujourd'hui. Nous pouvons supposer que l'école républicaine de Jules Ferry constitue un exemple, un idéal.

Enfin, si nous observons l'ordre d'énumération des compétences devant être maîtrisées par les futurs enseignants et par les enseignants en poste, nous pouvons remarquer que la maîtrise de la discipline n'apparaît qu'en troisième position. L'éthique et la moralité sont quant à elles de nouveau mises en valeur telles qu'elles l'étaient dans les Écoles Normales de la IIIème République. Il est également intéressant de remarquer que le référentiel de compétences de 2010 s'applique aux enseignants du premier, du second degré ainsi qu'aux conseillers principaux d'éducation. Cela signifie donc que la formation civique des élèves est désormais l'oeuvre de tout membre de l'Éducation Nationale et qu'elle n'est plus réservée uniquement aux enseignants. De même, ce référentiel nous montre que le parcours civique des élèves assuré par les enseignants du premier degré à l'école primaire se poursuit grâce aux enseignants du second degré au collège et au lycée. Peu à peu se met donc en place une progression dans la formation du citoyen.

Un nouveau référentiel de compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation est établi par Vincent PEILLON, Ministre de l'Éducation Nationale de 2012 à 2014, Frédéric GUIN, secrétaire général, et Jean-Paul DELAHAYE, directeur général de l'enseignement scolaire. Ce référentiel est adopté le 1er juillet 201329 sous la présidence de François HOLLANDE et le gouvernement AYRAULT. Ce renouvellement du référentiel de compétences des enseignants du premier et du second degrés s'inscrit plus largement dans la refondation de l'école de la République entamée en 2013. Pour le gouvernement, cette refondation de l'école républicaine ne peut s'opérer que grâce à une amélioration de la formation des enseignants et grâce à une réaffirmation de leurs missions. Dans ce référentiel de compétences de 2013, le champ lexical de la république est omniprésent : « nation », « exercice de la citoyenneté », « citoyenneté pleine et entière », « valeurs de la république », « liberté », « égalité », « fraternité »... Parmi les quatorze compétences mentionnées dans cette circulaire, celle qui s'intitule « faire partager les valeurs de la République » occupe la première place. Cela montre bien l'importance accordée par le gouvernement à cette mission assurée par les enseignants. Pour refonder l'école républicaine, il est

29 Arrêté du 1er juillet 2013 : Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation : http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=73066

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nécessaire que les enseignants connaissent ses valeurs, qu'ils y soient sensibilisés au cours de leur formation afin de les partager avec leurs élèves. Le référentiel de 2013 rassemble les principes des référentiels de 2010 et 1997 puisqu'il est demandé aux enseignants d'une part de « transmettre » et d'autre part de « faire partager les principes de la vie démocratique ainsi que les valeurs de la République ». L'enseignant ne doit donc ni se contenter de transmettre les valeurs, ni se contenter de sensibiliser les élèves à ces valeurs. Mais il doit combiner ces deux enjeux. Ainsi, les missions des enseignants définies dans cette dernière circulaire et aujourd'hui encore en vigueur sont proches de celles définies sous la IIIème République. En effet, les futurs enseignants sont sensibilisés aux valeurs républicaines tout au long de leur formation de manière à être capables, quelques années plus tard, de sensibiliser à leur tour leurs élèves. Selon le référentiel de 2013, l'enseignant est également celui qui doit :

« Aider les élèves à développer leur esprit critique, à distinguer les savoirs des opinions ou des croyances, à savoir argumenter et à respecter les pensée des autres ».

L'enseignant doit donc progressivement amener les élèves à réfléchir sur les valeurs républicaines, à être capables de juger si les valeurs républicaines sont respectées ou non dans notre société actuelle.

Ainsi, en observant les trois derniers référentiels de compétences devant être appliqués par les professeurs stagiaires et par les professeurs titulaires du premier et du second degrés, nous pouvons remarquer que peu à peu, la mission de formation des citoyens est devenue la priorité. Si en 1997, les enseignants devaient uniquement transmettre les valeurs républicaines à leurs élèves, ils doivent aujourd'hui les transmettre et les partager. Cette mission d'éducateur à la citoyenneté rappelle celle des instituteurs et institutrices de l'école primaire de la IIIème République. Ce besoin de réaffirmation des valeurs républicaines de la part du corps enseignant s'explique par le contexte actuel et par le fait que les valeurs républicaines soient de plus en plus méconnues de la part des élèves. Les enseignants retrouvent donc pleinement leur rôle de transmetteur et d'éducateur aux valeurs républicaines, comme en témoigne le référentiel de compétences en vigueur.

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b- La formation historique des enseignants du premier et du second degré au sein des ESPE :

Après avoir observé l'héritage des Écoles Normales à travers les référentiels de compétences, observons la formation actuellement dispensée aux étudiants qui préparent le CRPE (Concours de Recrutement du Professorat des Écoles) ou le CAPES (Certificat d'Aptitude au Professorat de l'Enseignement du Second Degré). Une formation historique est aujourd'hui encore dispensée aux étudiants du premier et du second degrés. Elle leur permet de prendre connaissance de l'histoire de l'institution scolaire française et de l'histoire des valeurs républicaines, valeurs qu'ils partageront ensuite avec leurs élèves. Ces dernières années, nous avons pu observer une réaffirmation de l'histoire de l'institution scolaire dans la formation des enseignants ainsi qu'une réaffirmation de l'histoire de la IIIème République dans la formation des futurs enseignants d'histoire-géographie. L'école de Jules FERRY est présentée aux futurs enseignants comme étant la première pierre à l'édifice de l'école républicaine et comme étant un modèle à suivre. L'importance aujourd'hui accordée à l'histoire rappelle la place occupée par l'histoire dans la formation des élèves-maîtres et élèves-maîtresses fréquentant les Écoles Normales.

Nous avons vu précédemment que sous la IIIème République, les élèves-maîtresses et élèves-maîtres suivaient des cours d'histoire, d'instruction civique et morale lors de leur formation dans les Écoles Normales. Nous avons également remarqué que ces disciplines font l'objet d'une épreuve lors du concours d'entrée dans les Écoles Normales.

L'histoire occupe aujourd'hui encore une place importante dans le CRPE. L'organisation des épreuves du CRPE est encadrée par l'arrêté du 27 avril 201330. Les futurs enseignants du premier degré passent deux épreuves écrites d'admissibilité : l'une de français et l'autre de mathématiques. Lorsque les candidats sont admissibles, ils doivent ensuite passer deux épreuves orales. La première épreuve orale est une mise en situation professionnelle dans un domaine au choix du candidat. Parmi les sept thèmes au choix figure l'histoire, la géographie, et l'enseignement moral et civique. L'objectif de cette épreuve est d'évaluer les compétences didactiques, pédagogiques et scientifiques des futurs enseignants du premier degré. Il est demandé aux élèves de choisir leur thématique lors de leur inscription au CRPE. Ils doivent préparer un dossier de dix pages sur la thématique de leur

30 Arrêté du 27 avril 2013, organisation des épreuves du CRPE :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=4B5FAD37E266AEDD8F261CB05505F4F6.tpdjo15v_1? cidTexte=JORFTEXT000027361520&categorieLien=id

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choix afin de le présenter au jury lors de l'épreuve orale d'admission. Les thèmes pouvant être choisis sont soit un thème du programme, par exemple : Enseigner « La République s'enracine en France », soit une mission de l'enseignant, par exemple : « Transmettre et partager les valeurs de la République ». Pour cette épreuve, le jury accorde vingt points au dossier et quarante points à la prestation orale. Les candidats présentent leur dossier pendant vingt minutes et répondent ensuite aux questions du jury pendant quarante minutes. Le jury juge les candidats sur la maîtrise historiographique, la maîtrise scientifique, la maîtrise didactique de la question. L'entretien est l'occasion pour le jury de vérifier la maîtrise des compétences du référentiel métier et notamment la maîtrise des valeurs républicaines.

L'histoire des valeurs républicaines et de la IIIème République est quant à elle au coeur du CAPES d'histoire-géographie depuis septembre 2014. En effet, parmi les trois questions d'histoire proposées au CAPES et les quatre questions proposées à l'agrégation, l'une s'intitule : « Citoyenneté, République, et démocratie en France (1789-1899) ». La lettre de cadrage relative à cette question a été publiée le 6 mai 201431. Elle indique explicitement que l'éducation, l'histoire culturelle et sociale font partie de la question. En effet, cette question a pour vocation d' « analyser les mutations sociales et culturelles, l'éducation, la croissance des mondes ouvriers, la presse, l'iconographie... ». Cette étude met l'accent sur ce que François FURET nomme Le siècle de l'avènement républicain. L'école de Jules FERRY est étudiée comme l'un des moyens utilisés pour enraciner la république naissante. Cette question du CAPES permet aux étudiants de comprendre que l'école était utilisée pour façonner l'esprit des jeunes Français et éveiller en eux un sentiment patriote. Les symboles républicains étaient omniprésents dans les écoles primaires de la fin du XIXème siècle. Ils permettaient aux élèves de s'imprégner de ces valeurs. Le contenu des cours et notamment des cours d'histoire, de géographie et d'instruction civique et morale était lui aussi mûrement réfléchi. Il devait permettre de réveiller l'amour de la Patrie chez les élèves. Cette question du CAPES permet également aux futurs enseignants d'histoire-géographie de découvrir que les instituteurs et institutrices de la IIIème République étaient eux aussi formés aux idées républicaines au sein des Écoles Normales. Leur surnom de hussards noirs de la République se suffit à lui-même pour comprendre le rôle et la mission des instituteurs de la fin du XIXème siècle. Enfin, cette question permet de s'interroger sur la place des Femmes dans la société de la fin du XIXème siècle et sur leur rôle joué dans la République.

31 Lettre de cadrage, question d'histoire contemporaine (CAPES et agrégation sessions 2015-2016) : http://cache.media.education.gouv.fr/file/agregation_externe/83/6/p2015_agreg_ext_histoire_2_318836.pdf

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c- La formation didactique et civique dispensée aux futurs enseignants du premier et du second degré au sein des ESPE :

Outre le fait de recevoir une formation historique, les étudiants préparant le CRPE ou le CAPES reçoivent également une formation didactique et civique. Cette formation autrefois dispensée au sein des Écoles Normales, puis des Instituts de Formation est aujourd'hui dispensée dans les Écoles Supérieures du Professorat et de l'Éducation. Il est d'abord nécessaire de former les enseignants d'un point de vue civique, pour qu'ils puissent ensuite à leur tour former leurs élèves à devenir des citoyens responsables.

La formation civique et didactique est dispensée à l'ensemble des étudiants préparant un concours d'enseignement. Elle s'inscrit dans le tronc commun. L'historienne et didacticienne Annie BRUTER définit la didactique comme étant :

« L'étude des pratiques enseignantes d'aujourd'hui pour analyser leur fonctionnement (ou leur non-fonctionnement) et expérimente des pratiques nouvelles qu'elle espère plus adaptée »32.

Les apports didactiques et pédagogiques sont ajoutés en 1990 à la formation initiale des étudiants qui préparent le concours. Les cours de didactique ont pour vocation de nous apprendre comment transformer nos connaissances universitaires en savoirs transmissibles à nos élèves. Il s'agit notamment de comprendre comment nos savoirs scientifiques portant sur les valeurs républicaines peuvent-ils nous être utiles pour ensuite transmettre et faire partager ces valeurs à nos élèves. Ces cours doivent nous permettre de découvrir de nouvelles méthodes pédagogiques pouvant être utilisées en classe pour la formation civique. Dans ces cours de tronc commun, l'accent est mis sur l'une des valeurs républicaines, à savoir la laïcité. Bien que la loi de séparation de l'Église et de l'État ait été votée il y a plus de 110 ans, la laïcité et la laïcité à l'école continuent de faire débat. Les enseignants d'aujourd'hui doivent donc être préparés pour affronter les difficultés auxquelles ils seront confrontés lorsqu'ils tenteront de remplir leur mission de partage des valeurs.

32 BUTER, Annie, « Didactique de l'histoire et histoire des disciplines : deux approches complémentaires », Didactique et histoire, des synergies complexes, Rennes, PUR, 2016.

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Outre le fait de suivre des cours de didactique, tous les étudiants de Master MEEF 2 ont passé au moins une épreuve de concours dans laquelle leur maîtrise des valeurs républicaines a été évaluée. Pour le jury, il est nécessaire de vérifier que les futurs enseignants du premier et du second degrés seront aptes à transmettre et faire partager les valeurs de la République à leurs élèves. Suite aux attentats de janvier 2015, la Ministre de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, Najat VALLAUD-BELKACEM a adressé une lettre aux présidents de jury dans laquelle elle leur demande de systématiquement vérifier la maîtrise des valeurs républicaines chez les candidats, quelque soit le concours passé :

« Je vous demande de veiller à ce que dans ce cadre, les thématiques de la laïcité et de la citoyenneté trouvent toute leur place. Je sais compter sur vous pour que l'École soit en mesure, par la formation et le recrutement de nos futurs enseignants, de valider la mission première que lui fixe la Nation, à savoir de transmettre et de faire partager aux élèves les valeurs et principes de la République »33.

Chaque jury a ainsi pu procéder à la vérification de la maîtrise des valeurs de la République auprès des candidats au CRPE lors du second oral d'admission, et auprès des candidats au CAPES lors de l'oral d'admission d'analyse de situation professionnelle. Instaurée en 2014, cette épreuve remplace l'épreuve sur dossier (ESD), qui, elle-même succédait à l'épreuve : « Agir en fonctionnaire d'État ». Les valeurs républicaines sont au coeur de ces épreuves orales. Pour le CAPES d'histoire, par exemple, la question : « Enseigner la laïcité au collège » a été posée lors des sessions 2014 et 2015.

Ainsi, la formation des enseignants a évolué depuis la IIIème République. Autrefois, la formation des instituteurs et institutrices de l'école primaire s'opérait dans les Écoles Normales. L'accent était mis sur les connaissances et notamment sur la maîtrise de l'Histoire de la France afin que le personnel enseignant puisse ensuite assurer la formation civique de leurs élèves. Aujourd'hui, la formation des enseignants du premier et du second degrés s'opère dans les ESPE. Ces-dernières années, le soucis de transmission des valeurs de la République s'est renforcé. Il a entraîné une réorganisation de la formation des maîtres dans laquelle la part de formation historique, didactique et civique tend à s'accroître. Une fois reçus au concours, les enseignants disposent de différents outils afin de les aider à transmettre et faire partager les valeurs républicaines.

33 Lettre de Najat VALLAUD-BELKACEM adressée aux présidents de jury de CAPES et CRPE, 27 janvier 2015 : http://cache.media.education.gouv.fr/file/2015/72/5/lettre_presidents_jurys_389725.pdf

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SECONDE PARTIE :

LES FINALITÉS ET LES OUTILS DE L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE EN FRANCE DANS LE PREMIER ET SECOND DEGRÉS DEPUIS LA IIIÈME RÉPUBLIQUE

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II- LES FINALITÉS ET LES OUTILS DE L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE EN FRANCE DANS LE

PREMIER ET SECOND DEGRÉS DEPUIS LA IIIÈME RÉPUBLIQUE :

Après s'être intéressés à l'évolution de la formation des enseignants depuis la IIIème République et après avoir vu que la mission première des enseignants est aujourd'hui de transmettre et partager les valeurs républicaines, nous allons désormais nous intéresser aux moyens mis à la disposition des enseignants pour remplir cette mission. Pour les aider à réaliser cette mission, les enseignants du premier et second degrés ont à leur disposition des programmes scolaires, ainsi que des manuels dans lesquels il est intéressant d'analyser la place accordée à l'histoire depuis l'époque de Jules FERRY, et notamment la place accordée à l'école de la IIIème République. Cette thématique constitue, aujourd'hui encore, l'un des principaux moyens utilisés par les enseignants pour faire découvrir aux élèves l'idéal républicain et pour les sensibiliser à ses valeurs.

1) La place de l'enseignement de l'histoire dans les programmes scolaires depuis la III ème République :

Les programmes scolaires sont des textes officiels qui regroupent l'ensemble des compétences, et connaissances devant être enseignées par les professeurs et devant être maîtrisées par les élèves à la fin de leur scolarisation. Ces compétences sont classées par discipline et par année scolaire. Toutefois, à partir de la rentrée 2016, des programmes organisés non plus par année scolaire, mais par cycle scolaire seront appliqués.

Le rôle de l'enseignant, les finalités de l'enseignement et son contenu dépendent d'une commande institutionnelle, comme nous l'avons vu pour les référentiels de compétences notamment. Les programmes scolaires ne dérogent pas à cette règle. Depuis leur instauration, l'élaboration des programmes scolaires, quelque soit la discipline, relève du Ministère de l'Instruction Publique, devenu Ministère de l'Éducation Nationale en 1932.

Le premier programme scolaire national d'histoire est établi sous la Restauration, lorsque ROYER-COLLARD était Président de la Commission de l'Instruction Publique. Auparavant, le contenu des cours d'histoire n'était pas encadré. Rappelons que l'histoire a été pendant longtemps une discipline rejetée, car considérée comme dangereuse. L'histoire permet une ouverture d'esprit et un développement de l'esprit critique de la part du peuple, chose qui a longtemps inquiété les dirigeants français. Au XVIIème siècle, quelques cours d'histoire étaient prodigués dans les

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établissements parisiens comme le collège Louis-Le-Grand. L'histoire était, à cette époque, réservée à une élite. Il s'agissait davantage d'une histoire sainte. Sous le Premier Empire, l'enseignement de l'histoire se limite à la mythologie, à l'histoire ancienne et à l'histoire de France, histoire axée sur l'histoire sainte. Il a donc fallu attendre la Restauration pour qu'un système national de l'enseignement de l'histoire se mette en place. Toutefois, cet enseignement de l'histoire était réservé au second degré. Sous la Restauration, deux heures sont réservées chaque semaine à l'enseignement de l'histoire dans le secondaire. Le champ d'étude s'élargit lui aussi, tout en accordant le monopole à l'histoire ancienne et histoire sainte. Sous la Monarchie de Juillet, François GUIZOT introduit l'enseignement de l'histoire dans les programmes du primaire supérieur. Ses programmes de 1833 prévoient deux heures d'histoire hebdomadaires pour les plus petites classes contre quatre heures pour les plus hautes. Selon lui, il est important de développer l'enseignement de l'histoire afin modérer le peuple :

« Chez un peuple curieux de son histoire, on est presque assuré de trouver un jugement plus sain et plus équitable, même sur ses affaires présentes, ses conditions de progrès et ses chances d'avenir ».

L'histoire est donc utilisée à cette époque pour développer le jugement, l'esprit des élites.

L' histoire nationale, omniprésente sous la IIIème République, fait son apparition dans les programmes scolaires du IInd Empire. L'histoire nationale est, selon Suzanne CITRON, une histoire qui permet de rassembler la Nation autour d'une histoire, et de valeurs communes. Sous le IInd Empire, l'histoire est présentée dans les programmes comme devant être une histoire politique et économique. En réalité, il en ressort une histoire qui se réduit à une accumulation de faits et de dates, méthode qui ne suscite pas la curiosité des élèves. Le nombre d'heures d'histoire dans le secondaire est réduit à deux heures hebdomadaires. Le Ministre Victor DURUY introduit l'histoire contemporaine dans ses programmes en 1866. Cette historie contemporaine portant sur le Second Empire jusqu'en 1863 est étudiée en classe de Terminale.

Après la défaite de 1870 face à la Prusse, l'enseignement de l'histoire de la France à l'école primaire et dans le secondaire s'impose. Rappelons que selon Paul BERT,

« C'est l'infériorité de notre éducation nationale qui nous a conduit au revers. Même dans les conflits modernes c'est l'intelligence qui reste

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maîtresse »34.

Pour remédier à ce problème, les membres du gouvernement républicain choisissent d'attribuer une place plus importante à l'histoire dans les programmes scolaires. L'histoire, qui était jusqu'à présent une histoire sainte, devient une histoire laïque et patriotique. Cette modification des finalités de l'enseignement de l'histoire entraîne une refondation des programmes scolaires au début des années 1880. L'histoire devient une discipline à part entière.

a- La place de l'histoire dans les programmes scolaires sous la III ème République.

Sous la IIIème République, l'élaboration des programmes scolaires est supervisée par le Ministre de l'Instruction Publique. Après avoir réformé le système scolaire français et rendu la scolarisation obligatoire pour les enfants de six à treize ans, Jules FERRY a réformé l'ensemble des programmes scolaires par l'arrêté du 27 juillet 188235. L'article 16 de cet arrêté fixe le nombre d'heures hebdomadaires consacrées à chaque discipline. Trente heures d'enseignement sont prévues dans l'emploi du temps des élèves de primaire, du cours élémentaire au cours supérieur. Rappelons que les élèves travaillent cinq jours par semaine. Le jeudi est chômé pour permettre aux parents d'assurer l'instruction religieuse à leurs enfants. L'article 14-2 précise que : « l'enseignement de l'histoire et de la géographie comportera une heure de leçons tous les jours ».

Grâce à cette répartition horaire, cinq heures sont consacrées à l'histoire-géographie chaque semaine. L'article 16 de l'arrêté du 27 juillet nous permet d'établir une grille du volume horaire pour chaque discipline à l'époque de Jules FERRY.

Discipline

 

Volume horaire hebdomadaire

Français

 

10 h

Enseignement scientifique

 

5 h

Histoire-géographie

 

5 h

Instruction civique et morale

 

5 h

Travaux manuels

 

2 h

Chant

 

1 h

Dessin

 

1 h

Gymnastique

 

1 h

 

TOTAL

30 h

34 DALISSON, Rémi, Paul Bert, l'inventeur de l'école laïque, Paris, Armand Colin, 2015,

35 Arrêté du 27 juillet 1882 : Programmes scolaires de Jules FERRY : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf

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Ainsi, en observant le nombre d'heures consacré à chaque discipline, nous pouvons remarquer que l'histoire-géographie ainsi que l'instruction civique et morale occupe une place importante dans l'emploi du temps des élèves de l'école primaire. À l'époque, 1/3 du volume horaire était consacré à ces trois disciplines. Le programme de 1882 préconise aux enseignants de consacrer 3 heures hebdomadaires à l'histoire, soit 10 % du volume horaire, et 2 heures hebdomadaires à la géographie. Par comparaison, aujourd'hui, les élèves de cycle 2 et cycle 3 (élèves de primaire) ont vingt-deux heures de cours hebdomadaires dont trois heures réservées à l'histoire-géographie et EMC réunis. Aujourd'hui, 4% du volume horaire hebdomadaire est consacré à l'enseignement de l'histoire.

Après s'être interrogés sur la place de l'histoire parmi les disciplines enseignées à l'école primaire de la fin du XIXème siècle, intéressons-nous aux formes que prend l'histoire. Rappelons, que les programmes scolaires établis par Jules FERRY en 1882 répartissent les différentes disciplines en trois catégories : l'éducation physique et la préparation à l'éducation professionnelle, l'éducation intellectuelle et l'éducation morale. Dans ces programmes, l'histoire, tout comme la géographie, le français, le dessin, le chant et les sciences, appartiennent à la catégorie « éducation intellectuelle ». Les programmes de 1882 se divisent en trois parties : l'objet de l'éducation intellectuelle, la méthode, et le contenu du programme. D'après la commande institutionnelle, l'éducation intellectuelle doit :

« Donner un nombre limité de connaissances. Mais ces connaissances sont choisies de telle sorte, que non seulement elles assurent à l'enfant tout le savoir pratique dont il aura besoin dans la vie, mais encore elles agissent sur ses facultés, forment son esprit, le cultivent, l'étendent et constituent vraiment une éducation »36.

Les programmes scolaires de 1882 demandent donc aux instituteurs et institutrices du premier degré de ne pas réaliser des cours d'histoire qui seraient une accumulation de thématiques, événements et personnages. Au contraire, les programmes d'histoire de Jules FERRY recommandent aux enseignants de procéder à une sélection des éléments étudiés en cours. D'après Didier CARIOU37, maître de conférences en sciences de l'éducation, l'enseignant d'histoire doit

36 Programmes scolaires de 1882 : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf

37 CARIOU, Didier, Ecrire l'histoire scolaire. Quand les élèves écrivent en classe pour apprendre l'histoire. Rennes, PUR, 2012.

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sélectionner ses informations afin de leur donner du sens. Selon lui, lorsque nous étudions l'histoire, il ne s'agit pas d'étudier l'histoire dans ses moindres détails, mais il s'agit d'étudier les événements, les personnages marquants et révélateurs de leur époque. La sélection d'informations permet de mieux questionner l'histoire. Les programmes établis par Jules FERRY permettent cette interrogation de l'histoire puisqu'ils se basent sur une sélection des informations étudiées en classe.

Par ailleurs, d'après le programme de 1882, l'histoire doit « former les esprits ». Cette expression est très révélatrice du caractère que prend l'histoire dans les programmes et dans les salles de classes sous la IIIème République. Dans son ouvrage publié en 200738, l'historienne Laurence de COCK relève la fonction de formation de l'esprit critique permise par l'enseignement de l'histoire.

En réalité, les travaux de recherches menés sur l'école de Jules FERRY montrent que la « formation des esprits » se décline sous trois formes. Tout d'abord, l'enseignement de l'histoire a pour vocation, depuis Jules FERRY, de contribuer à la formation de l'esprit critique des futurs citoyens. À cette époque, lorsque le Ministre de l'Instruction Publique parle d'esprit critique de la patrie, il sous-entend que l'école doit permettre au peuple de se méfier des opposants politiques. Rappelons le contexte dans lequel les programmes de Jules FERRY sont publiés en 1882. À cette date, le souvenir de la défaite militaire de la France face à la Prusse en 1870 est encore très présent. L'école de Jules FERRY s'est construite sur ce souvenir et a été notamment créée pour apprendre au peuple français à se méfier de leurs ennemis de 1870. Rappelons également que la IIIème République connaît des débuts difficiles dans les années 1870. Elle devient véritablement républicaine à partir le 30 janvier 1879 lorsque Jules GREVY, premier Président de la République républicain, est élu. L'école de Jules FERRY, et plus particulièrement l'enseignement de l'histoire, doit permettre aux futurs citoyens de se méfier des opposants au régime. De plus, la IIIème République nouvellement installée a besoin d'un outil pour s'affirmer. C'est ainsi que l'école primaire républicaine devient un moyen d'ancrage de la IIIème République.

Par ailleurs, l'enseignement de l'histoire au sein des écoles républicaines a pour vocation de former des soldats. Nous pouvons le remarquer au sein des programmes de 1882. En effet, dans ces programmes, nous pouvons remarquer que les « exercices militaires » sont mentionnés au même titre que l'histoire, le français ou encore les sciences. Lors de ces exercices militaires, les élèves garçons apprennent à former des pelotons, apprennent des marches militaires, le mécanisme des

38 DE COCK, Laurence, Mémoires et histoire à l'école de la République, Paris, Armand Colin, 2007.

armes... Toutefois, cette formation de futurs soldats ne se cantonne pas uniquement à ces exercices militaires. Elle transparaît également dans le programme d'histoire. Elle passe notamment par l'enseignement d'une « histoire militaire » et d'une « histoire-bataille ». En effet, au sein des programmes de 1882, l'accent est mis sur les grandes batailles historiques menées par la France, sur les personnages historiques guerriers tels que Jeanne d'Arc étudiée au cours moyen.

Enfin, les programmes scolaires établis par Jules FERRY en 1882 montrent que l'histoire doit permettre de former des citoyens patriotes. Cette ambition se traduit par l'enseignement d'une histoire qualifiée de « roman national »39. Dans son ouvrage publié en 1987, Suzanne CITRON souligne le fait que l'histoire scolaire doit servir le politique et notamment sous la IIIème République. Comme le décrète Ernest LAVISSE, l'histoire doit « s'apprendre par le coeur ». Pour ce faire, le programme de 1882 recommande aux instituteurs et institutrices de l'école primaire de s'appuyer sur :

« le récit des plus grands personnages et les faits principaux de l'histoire nationale »40.

Le Ministère demande donc aux enseignants de travailler à partir de héros français, souvent masculins. Ces personnages sont choisis pour leur dévouement pour la France et leurs actions en faveur de leur patrie. Les défauts de ces héros sont passés sont silence. L'objectif de cette méthode d'enseignement est une identification des élèves à ce personnage héroïque. À l'inverse, les enseignants peuvent choisir des exemples de personnages considérés comme ennemis de la France pour, cette fois-ci, mettre en valeur leurs failles.

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39 CITRON, Suzanne, Le mythe national, L'histoire de France revisitée, Paris, 1987.

40 Programmes scolaires de 1882 : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf

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b- La place de l'histoire dans les programmes scolaires des années 2000.

Si à la fin du XIXème siècle l'histoire était au coeur des programmes scolaires, sa place a quelque peu évolué depuis. Pour mieux comprendre cette évolution, intéressons-nous aux grilles horaires des élèves de cycle 2 et cycle 3 (primaire), et de cycle 4.

Aujourd'hui, le Bulletin Officiel du 10 février 200241 fixe les horaires et les contenus des programmes pour les écoles primaires. Aujourd'hui, les élèves inscrits à l'école primaire ont quatre jours et demi d'école, contre cinq à la fin du XIXème siècle. Les élèves de cycle 2 et 3 suivent actuellement vingt-six heures de cours par semaine contre trente heures à l'époque de Jules FERRY. Le B.O nous offre des grilles horaires pour chaque discipline, ce qui nous permet ensuite de juger la place accordée à l'enseignement de l'histoire.

Illustration 2: Horaires en cycle 3 (BO du 10/02/2002).

41 Bulletin Officiel du 10 février 2002 : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_2002.pdf

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Nous pouvons remarquer que désormais trois heures hebdomadaires sont consacrées à l'enseignement de l'histoire-géographie et EMC, contre cinq à l'époque de Jules FERRY. À la fin du XIXème siècle, 30% du volume horaire était exclusivement consacré à l'histoire-géographie, et à l'instruction morale et civique. 10 % du volume horaire total était consacré à l'histoire. Nous avons vu précédemment qu'en réalité l'histoire était bien plus présente puisque les exercices de rédaction, de mathématiques comportaient souvent une dimension historique. Aujourd'hui, en primaire, seuls 12 % du volume horaire total sont consacrés à l'enseignement des trois disciplines confondues. La part de l'enseignement de l'histoire à l'école primaire a donc considérablement diminué en l'espace d'un siècle.

Concernant l'enjeu de l'enseignement de l'histoire à l'école primaire, les programmes stipulent que :

« L'histoire et la géographie aident l'élève à construire une première intelligence du temps historique et de la diversité des espaces transformés par l'activité humaine. Elles lui donnent les références culturelles nécessaires pour que le monde des hommes commence à prendre du sens pour lui. . L'histoire et la géographie fournissent enfin un appui solide à l'éducation civique par les savoirs qu'elles apportent et la méthode critique qu'elles développent. »42.

L'enseignement de l'histoire et de la géographie doit donc permettre de construire une culture commune à l'ensemble des élèves. Il doit leur offrir l'opportunité de mieux appréhender et mieux comprendre le monde qui les entoure. L'apport de l'histoire et de la géographie à l'éducation est clairement identifié. Ici, il est sous-entendu que l'apprentissage de l'histoire et de la construction des valeurs permet de mieux comprendre le sens qu'elles ont aujourd'hui.

Dans ce même programme, il est précisé que l'enseignement de l'histoire et de la géographie doit offrir une place importante à l'exemple de la France, mais que les instituteurs et institutrices doivent également travailler ces thématiques à l'échelle européenne et mondiale. Ces variations d'échelles étaient absentes sous la IIIème République. L'histoire et la géographie étaient centrées sur la France. Ces confrontations d'exemples contribuent au développement de l'esprit de critique de l'élève.

42 Bulletin Officiel du 10 février 2002 : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_2002.pdf

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Au sein du cycle 3 (CM 1, CM2, 6ème), les enseignants doivent travailler la IIIème République et la question de l'école de Jules FERRY avec leurs élèves. Il leur est demandé de faire comprendre à leurs élèves comment, ce régime politique né dans un contexte tourmenté et ayant connu des difficultés à ses débuts parvient-il à s'installer durablement. L'école de Jules FERRY est un exemple devant être traité pour témoigner du développement de l'instruction et des libertés. Cette thématique fait également l'objet d'une étude plus approfondie en classe de Quatrième puis en classe de Première.

Actuellement, les élèves de Quatrième suivent vingt-six heures de cours réparties sur quatre jours et demi, soit autant que les élèves de primaire. Parmi ces vingt six heures hebdomadaires, trois heures sont consacrées à l'enseignement de l'histoire, de la géographie et de l'EMC confondus. La part de ces trois matières représente 11 % des heures d'enseignement comme en témoigne la grille horaire ci-dessous.

Illustration 3: Répartition horaire au collège.

Le programme d'histoire de l'année de Quatrième est axé sur les changements de la société entre le XVIIIème et le XXème siècle, ainsi que sur l'histoire nationale. En Quatrième, l'enseignant doit consacrer 50% du temps dédié à l'histoire, soit environ 20 h, à l'étude du thème 2. Cette thématique porte sur le XIXème siècle. Dans cette partie, l'étude des évolutions politiques de la France entre 1815 et 1914 fait l'objet d'une analyse détaillée.

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Illustration 4: La place de la IIIème République dans les programmes de 4ème (BO du 26/08/2008)

Au sein de ce chapitre, il nous est demandé d'étudier les différents régimes politiques qui se succèdent entre 1815 et 1848, mais aussi d'étudier les révolutions de 1830 et 1848, la Commune de 1871, les moments les plus marquants de la IIIème République comme les lois scolaires, l'affaire Dreyfus ou la séparation entre l'Église et l'État.

À l'issue de ce chapitre, les élèves devront être capables de situer dans le temps les régimes politiques qui se sont succédés entre 1815 et 1914. Il devront être capables de situer dans le temps l'abolition de l'esclavage et le suffrage universel. Concernant notre mémoire, les élèves devront être capables de raconter des moments significatifs de la IIIème République tels que la mise en place de l'école gratuite laïque et obligatoire par Jules FERRY. Il nous est également demandé de choisir un personnage représentatif de la IIIème République et de l'utiliser tout au long de notre chapitre. Jules FERRY serait un bon exemple pour ce chapitre.

Le thème de l'école républicaine s'insérant dans un chapitre qui traite une large période historique, 1880-1905, il est nécessaire d'avoir recours à la périodisation. CARRIOU dénonçait le fait que l'histoire soit trop chronologique et pas assez périodisée. Dans ce chapitre qui couvre une très large période historique (près d'un siècle) marquée par des événements importants, nous ne pouvons pas faire une histoire chronologique et noyer les élèves dans une quantité trop importante de dates. Il est nécessaire de périodiser. Nous devons d'emblée définir une période pour notre thème de la mise en place de l'école républicaine, période qui s'étendrait de 1880 à 1905.

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Enfin, cette même étude de l'école du XIXème pourrait s'insérer dans les programmes d'EMC du cycle 3, dans le programme d'histoire de Première Littéraire et Première Économique et Sociale. Dans l'actuel programme d'Enseignement Moral et Civique, une thématique est consacrée à « L'accès à l'éducation » dans le cycle 3 (primaire - Sixième). Il serait possible d'envisager une étude de l'accès à l'éducation en France entre 1880 et 2015. Par ailleurs, cette étude de l'école républicaine pourrait également s'insérer dans le thème « Les Français et la République » en classe de Première. L'enseignant doit consacrer quinze à seize heures à l'étude des IIIème, IVème et Vème Républiques et aux évolutions politiques durant ces périodes.

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c- La place de l'histoire dans les nouveaux programmes scolaires.

Le 22 janvier 2015, soit quelques jours après les attentats qui ont Paris, Najat VALLAUD-BELKACEM a tenu une conférence de presse pour présenter son plan de refondation de l'école républicaine. Lors de son discours, la Ministre de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche y a exposé les onze mesures qui seront appliquées dès la rentrée 201643 dans le cadre de la grande mobilisation de l'École pour les valeurs de la République. Parmi ces mesures celle de « renforcer la transmission des valeurs de la République » figure à la première place. Toutefois, le terme de « transmission » peut être discuté puisque l'importance n'est pas tant la transmission, mais plutôt le partage et la sensibilisation à ces valeurs. La troisième mesure de ce programme annonce la création d'un nouveau parcours éducatif allant de l'école élémentaire à la terminale intitulé : parcours du citoyen. La mission de l'enseignant qui consiste à assurer la formation civique de leurs élèves afin d'en faire de futurs citoyens responsables est ici clairement mentionnée. Ainsi, la revalorisation des valeurs républicaines et de la mission civique assurée par les enseignants du premier et du second degrés est devenue l'un des principaux objectifs du Ministère de l'Éducation Nationale depuis janvier 2015. Cette ambition s'est accompagnée du projet de réforme du collège et d'une refondation des programmes des cycles 2, 3 et 4.

L'analyse de ces nouveaux programmes nous permet de prendre connaissance de la place qui sera accordée à l'enseignement de l'histoire dès la rentrée 2016 dans un contexte de revalorisation des valeurs républicaines. Tout d'abord, si nous observons la grille horaire prévue pour le cycle 4 (5ème, 4ème et 3ème), nous pouvons remarquer que le nombre d'heures consacrées à l'histoire-géographie et EMC reste inchangé : 3 heures hebdomadaires en 5ème, 4ème et 3 heures 30 en 3ème contre 3 heures uniquement consacrées à l'histoire à l'école primaire à la fin du XIXème siècle. Le nombre d'heures n'est donc pas revalorisé.

Concernant les enjeux et les finalités de l'enseignement de l'histoire, les attendus apparaissent clairement dans les nouveaux programmes. La priorité est la formation de la personne et du citoyen comme en témoigne cet extrait de programme :

43 Discours de la grande mobilisation pour l'École pour les valeurs de la République, 22 janvier 2015 : http://www.education.gouv.fr/cid85665/presentation-grande-mobilisation-pour-ecole-pour-les-valeurs-republique.html

« Une attention particulière est portée aux liens à construire avec l'enseignement moral et civique, auquel l'enseignement de l'histoire et de la géographie au cycle 4 est étroitement lié, dans la perspective de la maîtrise par les élèves en fin de cycle des objectifs fixés par le domaine 3 du socle commun, « La formation de la personne et du citoyen »44.

L'étude de la IIIème République et de l'école de Jules FERRY reste au programme de la classe de Quatrième. Toutefois, nous pouvons relever un changement notable dans le découpage des chapitres dans les nouveaux programmes de cycle 4. Pour la première fois, un chapitre complet est dédié à l'étude de la IIIème République. Ce chapitre s'insérera lui-même dans le thème « Société, culture et politique dans la France du XIXème siècle ». Le Bulletin Officiel précise le contenu de ce chapitre :

« Après les événements de 1870 et 1871, l'enjeu est de réaliser l'unité nationale autour de la République : l'école, la municipalité, la caserne deviennent des lieux où se construit une culture républicaine progressiste et laïque ».

Nous pouvons ici remarquer que l'école est le premier élément énuméré. Ces nouveaux programmes, tout en soulignant le lien entre l'école et la république insisteront davantage sur le lieu en lui-même et le fonctionnement de cette infrastructure. Comme c'est déjà le cas actuellement avec l'enseignement de la laïcité, l'objectif de cette étude est de réaliser l'unité de la Nation. Enfin, en observant l'ensemble de ces programmes nous pouvons constater que le récit et la chronologie semblent être remis en valeur.

65

44 Programmes de 2016, cycle 4 :

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/programme4nov.pdf

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2) La formation des futurs-citoyens grâce à l'usage des manuels scolaires :

a- La formation des citoyens patriotes grâce aux manuels scolaires à la fin du XIX ème siècle.

Pour les aider à former de futurs citoyens, les instituteurs et institutrices de la IIIème République possèdent différents moyens à leur disposition. Les manuels scolaires constituent leur principal outil. Deux manuels scolaires majeurs sont utilisés dans le premier degré sous la IIIème République. Le premier est Le Tour de la France par deux enfants rédigé par Augustine FOUILLE et publié sous le pseudonyme G. Bruno en 187745. Le second est l'ouvrage de l'historien Ernest LAVISSE, Histoire de France publié en 1901 et surnommé « le petit Lavisse »46. Ces deux ouvrages phares ont été utilisés par les écoliers français jusque dans les années 1950. Ils ont constitué un outil important permettant aux instituteurs et institutrices de réaliser leur mission. Leur analyse nous permet de comprendre comment les manuels scolaires étaient utilisés à cette époque pour enraciner la république, diffuser ses valeurs, former des citoyens patriotes, former des soldats, forger l'esprit critique des élèves et éveiller le sentiment patriotique.

Le Tour de la France par deux enfants est un ouvrage qui permet d'assurer l'enseignement de différentes disciplines que sont : le français, les sciences, l'histoire, la géographie, la morale et la civique. Ce manuel a connu un succès fulgurant. Chaque année près de 200 000 exemplaires étaient vendus aux écoles primaires. En 1914, près de 3 millions d'exemplaires ont été vendus. Le succès de ce manuel s'explique notamment par le fait qu'il réponde aux attentes dictées par le Ministère de l'Instruction Publique dans les programmes de 1882. En effet, ce manuel scolaire est construit à partir de récits, de dialogues. Il fait également apparaître des personnages héroïques français.Ces héros sont présentés par les deux personnages de l'ouvrage, André et Julien VOLDEN. Ces deux garçons sont âgés de sept et quatorze ans. Leur âge est stratégique puisqu'il permet aux élèves de s'identifier à eux.

Dès la préface, l'auteur montre que son ouvrage répond à la commande institutionnelle puisqu'il permet de contribuer à la formation des citoyens en leur apportant des connaissances et en développant leur esprit patriotique :

45 BRUNO, G. Le Tour de la France par deux enfants, Paris, Éditions Belin, 1877.

46 LAVISSE, Ernest, Histoire de France, Paris, Armand Colin, 1901.

« On se plaint continuellement que nos enfants ne connaissent pas assez leur pays : s'ils le connaissent mieux, dit-on avec raison, ils l'aimeraient encore davantage et pourraient mieux le servir. Mais nos maîtres savent combien il est difficile de donner à l'enfant une idée nette de la patrie, ou même simplement de son territoire et de ses ressources. La patrie ne représente pour l'écolier qu'une chose abstraite. Pour frapper son esprit, il faut lui rendre la patrie visible et vivante ».

La dernière phrase résume bien l'enjeu de l'histoire et de ce manuel, à savoir « rendre la patrie visible et vivante ». Afin de la rendre visible, Le Tour de la France par deux enfants comporte de nombreuses gravures. Ces illustrations permettent de personnifier la Nation, la patrie et les valeurs républicaines. Pour rendre la patrie plus vivante et ainsi l'histoire plus attrayante pour les élèves, différents procédés sont utilisés. Tout d'abord, les récits permettent aux élèves de s'imaginer et de visualiser les personnages ou événements narrés. Ensuite, Julien et André, les jeunes narrateurs, sont présents de manière à ce que les élèves s'identifient à eux.

En parcourant ce manuel nous pouvons remarquer que les bonnes actions des personnages historiques sont mises en valeur. Nous pouvons le percevoir à travers l'exemple du maréchal Turenne47.

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47 Extrait du Tour de la France par deux enfants : http://www.icem-pedagogie-freinet.org/sites/default/files/254_Ecole3degR.pdf

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Illustration 5: Exemple d'une étude de personnage dans Le Tour de la France par deux enfants.

Cet exemple est particulièrement révélateur du rôle patriotique accordé aux manuels scolaires publiés à la fin du XIXème siècle. En effet, il est précisé que ce personnage est né en France, à Sedan. Ensuite, ce récit ne cesse de faire l'éloge du personnage en utilisant un champ lexical très laudatif : « il s'illustra », « en trois mois seulement », « admirable campagne », « son chef d'oeuvre », « modèle de bonté », « ce grand Turenne ». Nous pouvons également remarquer que le narrateur insiste sur les victoires militaires de Turenne et notamment sur la défense de l'Alsace. Le souvenir de la défaite de Sedan du 1er septembre 1870 est encore présent dans toutes les mémoires. Ce récit vise à rappeler aux enfants que l'Alsace appartient à la France et que leur rôle sera de récupérer et défendre ce territoire. Lorsque le narrateur évoque le « désintéressement » de Turenne, il souhaite faire comprendre aux enfants qu'ils doivent suivre son exemple et se battre uniquement pour défendre leur pays. Le dévouement de ce personnage est mis en avant par l'expression : « Il épargnait le sang de ses soldats ». La comparaison avec la bataille de Sedan de 1870 est clairement établie : « Quel malheur que ce grand Turenne n'ait pas commandé à la bataille de Sedan. Bien sûr, une nouvelle fois il aurait sauvé l'Alsace». Le devoir de défense du territoire français est clairement mentionné.

Le Tour de la France par deux enfants est donc un manuel scolaire très utilisé par les

instituteurs et institutrices de primaire de la fin du XIXème siècle. Ce manuel, tout comme le « Petit Lavisse » est mis à profit des enseignants pour leur faciliter la tâche de formation de citoyens patriotes.

Le « Petit Lavisse » publié en 1901 constitue le second ouvrage majeur utilisé pour l'enseignement de l'histoire. Ernest LAVISSE est un historien. Issu d'une famille modeste, cet historien doit sa promotion à une bourse reçue sous le Second Empire, bourse qui lui a ensuite permis de faire des études supérieures. L'école a donc été son ascenseur social. LAVISSE est persuadé que l'école et l'éducation constituent le meilleur moyen de formation des futurs citoyens. Selon lui, cette formation passe par l'enseignement de l'histoire à l'école primaire notamment. Il souhaite que l'histoire montre des modèles et des symboles aux élèves. Grâce à son manuel scolaire, Ernest LAVISSE souhaite montrer l'unité de la patrie. Cette unité se construit grâce au passé et grâce à l'histoire. Comme pour Le Tour de la France par deux enfants, le « Petit Lavisse » comporte de nombreuses gravures. Celles-ci permettent notamment de personnifier la république et ses valeurs. En somme, son ouvrage constitue un réel évangile républicain, ce qui lui a valu le surnom d'« instituteur national »48 attribué par Pierre NORA.

L'analyse de l'ouvrage nous permet de comprendre en quoi ce manuel scolaire était-il un outil utilisé par les instituteurs et institutrices pour former les esprits républicains. La couverture même de l'ouvrage49 participe à cette formation.

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48 NORA, Pierre, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997.

49 LAVISSE, Ernest, Histoire de France, ouvrage numérisé par Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k648847/f8.item.langFR.zoom

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Illustration 6: Couverture de l'Histoire de France, Ernest LAVISSE.

Un décor constitué de produits du terroir présent sur la couverture du manuel permet de planter le décor. Cet ouvrage porte exclusivement sur le territoire français. La citation d'Ernest LAVISSE témoigne de sa conception de l'enseignement de l'histoire :

« Enfant, tu vois sur la couverture de ce livre les fleurs et les fruits de la France. Dans ce livre, tu apprendras l'histoire de la France parce que la nature l'a faite belle, et parce que son histoire l'a faite grande ».

Pour Ernest LAVISSE, les élèves, futurs citoyens, se doivent d'aimer l'histoire de leur pays. L'expression : « la nature l'a faite belle » montre que l'auteur va insister sur la grandeur et les victoires de la France et qu'il va passer sous silence ses failles et limites. L'esprit de revanche suite à la défaite de 1870 face à la Prusse est omniprésent dans son manuel scolaire comme en témoigne cet extrait :

71

72

Illustration 7: Extrait de l'Histoire de France d'Ernest LAVISSE, chapitre: "De Napoléon à aujourd'hui", numérisation de Gallica.

Cette leçon d'histoire enseignée à des élèves de cours élémentaire âgés de six à neuf ans montre comment les manuels scolaires sont-ils utilisés pour développer le sentiment patriotique des futurs citoyens. Tout d'abord, l'accent est mis sur la grandeur de la France, sur le courage de son peuple et de ses soldats. L'épisode de 1870 est ici résumé sous le titre de : « La belle défense de Paris en 1870 ». La France est présentée comme courageuse. Les Français sont tous unis pour assurer leur devoir de défense de leur pays comme en témoigne l'extrait suivant : « Le bombardement ne fit pas peur aux Parisiens. Ils étaient tous soldats et montaient la garde sur les remparts ». Cette leçon appelle donc à l'unité de la patrie et participe pleinement à la formation des soldats et citoyens patriotes de la fin du XIXème siècle.

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Cette image de la France grande et courageuse contraste avec l'image de l'Allemagne décrite comme étant lâche et barbare. En une phrase, les Allemands sont rendus coupables des difficultés de ravitaillement rencontrées par les Parisiens lors de cette guerre : « Les Allemands empêchèrent les vivres d'entrer ». L'image de l'Armée allemande est noircie par l'auteur : « Les Allemands, furieux de voir que la ville ne se rendait pas assez vite, la bombardèrent ». Le sentiment de barbarie de la part du peuple allemand est renforcé par le fait qu'ils s'attaquent à des femmes et des enfants. La gravure donne à voir la violence des combats en mettant en scène les conséquences de l'attaque allemande. Ainsi, ce manuel scolaire suscite ainsi un esprit de revanche de la part des élèves, futurs citoyens. Il les appelle à faire leur devoir de défense de leur pays en cas de nouvelle attaque : « Si la France est attaquée, tous feront leur devoir ».

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b- La contribution des manuels scolaires actuels à la formation civique des élèves de l'école primaire : l'exemple de l'enseignement de la III ème République.

Aujourd'hui encore, les manuels scolaires, et notamment ceux d'histoire sont utilisés par les enseignants du premier degré pour assurer leur rôle de transmission et de partage des valeurs républicaines. Ils constituent une banque de données regroupant des documents de différentes natures, ainsi que des exercices et leçons mis à disposition des élèves.

Nous allons analyser deux manuels scolaires d'histoire du cycle 3 (CM1 - CM2 - 6ème) afin de comprendre comment la IIIème République et la question de l'école de Jules FERRY sont étudiées aujourd'hui dans le premier degré. Ces deux manuels sont conformes aux programmes scolaires en vigueur (programmes publiés en 2008).

Pour procéder à l'analyse des manuels scolaires, j'ai établi une grille de lecture dans laquelle

figurent différents critères que sont :

- Titre du manuel, édition, année de publication.

- Titre du chapitre dans lequel la IIIème République est évoquée.

- Démarche adoptée pour l'étude de la IIIème République : étude, exercices, leçon,

documents...

- Problématique de la séquence et de la séance.

- Thèmes de la IIIème République abordés (politique, social, culturel, civique, militaire).

- Notions évoquées dans le chapitre en lien avec l'école de Jules FERRY.

- Place de la IIIème République et de l'école républicaine dans le manuel étudié.

Manuel, niveau,

Titre du chapitre

Démarche (étude,

Thèmes de la III ème

Problématique

Notions,

Nombre de pages

édition, année

 

reportage, fiche

République

 

vocabulaire.

consacré au thème

 

d'activité, leçon)

abordés (social,

 

(% dans le

 

politique...)

manuel).

Histoire, cycle 3, Magnard, 2010.

« La vie politique en France de 1815 à 1875 ».

- Frise

chronologique.

- Documents variés (photographies, caricatures).

- Leçon.

-0 document sur l'école.

- Politique. - Social.

- Militaire.

Pas de

problématique.

- République.

- Commune de Paris.

- Liberté de la presse.

- Liberté syndicale. - Partis politiques. - Associations.

6 pages.

3%

« La République s'enracine en France ».

- Documents variés (gravures, textes, photographies, partitions).

- Leçon.

- 3 documents sur l'école (photographie de Jules FERRY, photographie d'une salle de classe, sujet de rédaction, billet de satisfaction).

- Politique. - Social.

- Civique.

Pas de

problématique.

- République.

- Fête nationale.

- Marianne.

- Devise.

- Hymne national.

- Laïcité.

- Nation.

- École

républicaine.

- Patrie.

-Symboles

républicains.

6 pages.

3%

- Militaire. - Politique. - Social. - Civique.

- « Qu'est-ce qui marque les débuts de la IIIème République ? ».

Histoire-

géographie, CM2, Belin, 2012.

« La Révolution Française et le XIXème siècle ».

- Leçon : « Les débuts de la IIIème République ».

- Dossier : « Les grandes lois républicaines » dont 3 documents sur l'école (2 photographies + 1 leçon).

- Pouvoir exécutif. - Pouvoir législatif. - Symboles républicains.

6 pages.

3%.

- École publique. - Laïcité.

- Démocratisation. - Libertés.

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Cette grille d'analyse nous permet de voir que l'étude de la IIIème République occupe une part faible dans les manuels d'histoire-géographie de CM2. Environ 3% des pages de ces deux manuels sont consacrées à l'étude de la IIIème République. Parmi les six pages consacrées à la IIIème République, une seule page est dédiée à l'école de Jules FERRY.

La IIIème République apparaît dans deux chapitres : « La vie politique de la France de 1815 à 1875 » et « La République s'enracine en France ». Dans le premier chapitre, l'école républicaine n'est pas évoquée. L'accent est mis sur la difficile naissance de la IIIème République et sur l'affirmation des libertés à cette époque. La République est ici étudiée d'un point de vue politique. Le thème militaire est également abordé à travers l'étude de la guerre de 1870. Celle-ci est évoquée pour faire comprendre aux élèves que ce régime politique est établi dans un contexte particulier. Dans ce chapitre, la principale valeur républicaine étudiée est la liberté.

Le second chapitre, « La République s'enracine » est quand à lui exclusivement consacré à la IIIème République. Dans ce chapitre, l'objectif des instituteurs et institutrices de CM2 est de faire comprendre à leurs élèves, comment ce régime politique né dans la tourmente et ayant connu de nombreuses difficultés à ses débuts, parvient-il à s'enraciner. Pour ce faire, les valeurs, symboles républicains ainsi que l'école de Jules FERRY sont présentés comme étant des outils d'enracinement du régime. Le drapeau français, le 14 Juillet, la Marseillaise, la Marianne et la devise sont au coeur de ce chapitre. Outre le fait de travailler sur les valeurs républicaines, les élèves étudient également les représentations de la République. Ces valeurs sont présentées comme un moyen d'unir la nation. La mise en place de l'école de Jules FERRY est quand à elle présentée comme un moyen utilisé par les républicains pour permettre aux enfants de la fin du XIXème siècle d'éviter le travail aux champs et à l'usine. Il est également rappelé que :

« Les Républicains veulent que l'école publique forme des hommes fidèles à la République et à la patrie. Tous les enfants doivent être instruits pour devenir des citoyens capables de décider librement ».

Le rôle civique de l'école de FERRY est donc mis en valeur. La laïcité est également au coeur de cette étude. Il est expliqué aux élèves que l'école devient laïque, c'est-à-dire que le catéchisme religieux est remplacé par l'instruction civique et morale.

78

Les deux manuels étudiés sont construits de la même manière. Chacun comporte une leçon sur l'enracinement de la République et l'école de Jules FERRY, ainsi que des documents traitant de l'école. Aucun dossier ne porte exclusivement sur ce thème. Nous pouvons remarquer que les documents insérés sont principalement des iconographies : cinq photographies au total contre un extrait de texte. Rappelons que les élèves de CM2 ont dix ans environ. Pour les captiver, il est nécessaire d'utiliser davantage des documents iconographiques. Ils sont plus concrets pour eux et leur permettent de visualiser l'école de la fin du XIXème siècle.

Dans ces deux manuels figure notamment une gravure de Jules FERRY accompagnée de ses dates de naissance et de mort. Il est regrettable que cette illustration ne soit pas accompagnée d'une courte biographie du personnage.

Chaque manuel comporte une photographie d'une classe à l'intérieur de l'école pour l'une, et à l'extérieur pour l'autre. Ces photographies permettent de travailler différentes thématiques : le bâtiment scolaire (la mairie-école), les hussards noirs, le port de l'uniforme, le tableau noir et la leçon de morale, la mixité, la laïcité et la salle de classe à la fin du XIXème siècle. Les questions relatives à ces documents sont les suivantes : « Observe bien comment sont vêtus les élèves et ce qu'ils sont en train de faire », « Observe les élèves de cette classe. Que remarques-tu ? Explique la phrase inscrite sur le tableau ».

Le manuel Belin comporte une gravure qui représente un hussard noir qui chasse une représentation de Jésus-Christ hors de l'école. Ce document permet d'aborder le thème des hussards noirs, de la devise française inscrite sur le fronton du bâtiment, le thème des uniformes ainsi que la laïcité. La question posée aux élèves est la suivante : « Selon toi, qui est symboliquement chassé de l'école ? ». Cette question semble être difficile pour des élèves de CM2. Elle serait plus adaptée pour des élèves de Quatrième. Toutefois, cette question nous montre qu'actuellement nous travaillons beaucoup sur les représentations des valeurs républicaines.

Ensuite, le manuel comporte une photographie d'un billet de satisfaction distribué à l'école primaire en 1900. Une nouvelle fois, il s'agit d'un document iconographique qui permet de travailler sur les représentations des valeurs républicaines. Ce billet de satisfaction représente une allégorie de la République à travers la figure de l'institutrice. Sont également mentionnées les citations suivantes : « De l'instruction naît la grandeur des Nations », « République Française », « Liberté, égalité, fraternité ». Ce billet de satisfaction donne à voir l'intérieur d'une salle de classe.

Enfin, le manuel Magnard comporte un extrait de sujet de rédaction proposé aux élèves de l'école primaire à la fin du XIXème siècle. Ce document permet aux élèves de comprendre qu'à l'époque l'enseignement des valeurs républicaines est transdisciplinaire.

79

3) La formation actuelle des futurs citoyens à travers l'enseignement de l'école de la III ème République :

Afin de comprendre l'impact et l'héritage de l'école républicaine, notre étude s'achève avec une analyse de la formation actuellement dispensée aux élèves afin de forger des citoyens responsables. Les manuels scolaires, mêmes s'ils sont moins utilisés qu'à l'époque de Jules Ferry, demeurent un des principaux outils utilisés par les enseignants afin de transmettre et faire partager les valeurs républicaines.

La construction et le contenu des manuels scolaires ont beaucoup évolué depuis l'époque de Jules FERRY. À cette époque, et ce durant de nombreuses années l'élaboration des manuels scolaires était réservée aux historiens et scientifiques. Jusque dans les années 1970, les manuels scolaires étaient encyclopédistes. Les manuels étaient une accumulation de documents et de connaissances et laissaient peu de place à la didactique. Peu à peu, les maquettes des manuels scolaires sont redessinées. Le nombre de documents diminue au profit du caractère didactique. Cela s'explique par la modification du comité d'écriture des manuels scolaires. De plus en plus d'inspecteurs, et de professeurs agrégés ou certifiés participent à l'élaboration des manuels. Ainsi, de nombreux schémas, cartes mentales, points de méthode et exercices de révisions sont ajoutés aux manuels scolaires. Ces-derniers prennent aujourd'hui la forme de guides qui permettent d'accompagner les élèves tout au long de leur scolarité. Ils sont aujourd'hui beaucoup plus « attrayants » avec des titres, mots-clés, encarts de vocabulaire... mis en valeur par des couleurs. La nature des documents, aujourd'hui davantage iconographiques rompt avec les anciens manuels essentiellement composés de textes.

a- Présentation du corpus de manuels des années 2000.

Pour comprendre comment l'exemple de la IIIème République et de l'école de Jules FERRY sont encore utilisés aujourd'hui par les enseignants du premier et du second degré pour contribuer à la formation civique de leurs élèves, nous allons analyser un corpus de manuels scolaires datant des années 2000. Ce corpus se compose volontairement d'ouvrages édités à différentes dates et utilisés à différents niveaux afin de comprendre leur évolution. Deux manuels scolaires de 4ème appliquant les anciens programmes (1998), quatre manuels de 4ème appliquant les actuels programmes ainsi qu'un manuel de Première ont été analysés sous la forme d'un tableau.

Manuel, niveau,

Titre du chapitre

Démarche (étude

Thèmes de la

Problématique

Notions,

Nombre de pages

édition, année

 

de cas, reportage,

IIIème République

 

vocabulaire.

consacré au thème

 

fiche d'activité,

abordés (social,

 

(% dans le

leçon)

politique...)

manuel).

 
 
 

Histoire- géographie, 4ème, Magnard, 2006 (anciens programmes).

« La France de

1815 à 1914 ».

- Leçon : « La troisième République (1871-1914).

- Étude : « L'école de la République » (3 documents : 2 photographies d'écoles, une photographie de Jules FERRY, un extrait de cahier d'écolier, un extrait de la lettre aux instituteurs, un portrait des hussards noirs de PEGUY ).

- Politique. - Social.

- Civique.

- « Comment la République finit- elle par s'imposer ? ».

- Laïcité.

- École républicaine. - Séparation de l'Église et de l'État. - Symboles républicains. - Lois scolaires. - Hussards noirs.

15 pages.

4%

« La France de

1815 à 1914 ».

- Politique. - Social.

- Civique.

Histoire-géographie, 4ème, Nathan, 2006 (anciens programmes).

- Leçon : « 18701879 : Les débuts difficiles de la IIIème République.

- Leçon : « 18791914 : La République s'enracine ».

- Étude (double-page) : « L'oeuvre de la République de 1879 à 1914 : 1 extrait des lois de Ferry, une photographie d'une salle de classe, un extrait de manuel scolaire, un extrait de la loi de 1905, une caricature sur le service militaire, une photographie sur la difficile application de la loi de 1905.

« Dans quelles conditions la IIIème République

s'installe t-elle ? ».

- Comment la République surmonte t-elle les crises auxquelles elle est confrontée ?

- « Quelles sont les grandes réformes menées par la IIIème République ? ».

- Laïcité.

- Anticlérical.

- École

républicaine.

- Séparation de

l'Église et de l'État.

- Patrie.

- Symboles

républicains.

20 pages.

6 %.

- Allégorie.

- Marianne.

- Hymne national.

- Service militaire.

- Lois scolaires.

- Hussards noirs.

- Dossier : « Les symboles de la République ».

« L'évolution politique de la France de 1815 à 1914 ».

Histoire-géographie, 4ème, Magnard, 2011 (programmes en vigueur).

- Leçon : « 18711914 : la naissance et l'enracinement de la IIIème

République ».

- « Quels régimes politiques se succèdent en France entre 1815 et 1870 et comment la République

s'impose t-elle ? ».

- Laïcité.

- Séparation de l'Église et de l'État. - Lois scolaires. - École républicaine.

20 pages.

5 %.

- Leçon : « L'oeuvre de la IIIème République » : 2 documents sur l'école (extrait des lois scolaires, photographie d'une salle de classe).

- Militaire. - Politique. - Social. - Civique.

- « Quelles sont les

grandes réformes de la IIIème

République ? ».

Histoire-géographie, 4ème, Hâtier, 2011 (programmes en vigueur).

« L'évolution politique de la France de 1815 à 1914 ».

- Leçon : « La République s'enracine (18711914).

- Étude : « Jules FERRY, un père de la République » (1 portrait de FERRY, une biographie de Ferry, présentation des lois scolaires, discours de Ferry, extrait de la loi de 1882, une photographie d'une mairie-école).

6%

22 pages.

- Grandes lois scolaires. - Laïcité. - Libertés. - Hymne national.

- Symboles républicains.

- Séparation des Églises et de l'État.

- « Comment passe t-on de l'instabilité des régimes politiques à l'installation durable de la

République ?».

- Militaire. - Politique. - Social. - Civique.

- « Comment la République parvient-elle à s'installer durablement ? ».

- « Comment

FERRY consolide t-il la République ? ».

Histoire- géographie, 4ème, Hachette, 2011 (programmes en vigueur).

« L'évolution politique de la France de 1815 à 1914 ».

- Leçon : « L'enracinement de la IIIème République ».

- Étude : « L'action d'un homme

 

- « Pourquoi la vie politique au XIXème siècle est-elle marquée par une succession de régimes

politiques ? ».

- Lois scolaires.

- Hussards.

- Laïcité.

- Libertés.

- Séparation de

l'Église et de l'État.

- Valeurs

 
 
 

politique : Jules

- Militaire.

 

républicaines.

21 pages.

 
 

FERRY, l'école et la

- Politique.

 
 

6%.

 
 

République »

- Social.

- « Pourquoi Jules

 
 
 
 

(biographie de Ferry, discours de P. Robiquet sur les hussards, extraits des lois de 1882, photographie d'une classe, lithographie du défilé des élèves)

- Civique.

Ferry est-il considéré comme un des pères de la république ? ».

 
 

Histoire-

« L'évolution

- Leçon : « La IIIème

 

- « Comment les

- Libertés.

 

géographie, 4ème, Bordas, 2011

politique de la France de 1815 à

République de 1870 à 1914 ».

 

régimes politiques se succèdent-ils et

- Laïcité.

- Séparation des

 

(programmes en

1914 ».

 
 

comment la

Églises et de l'État.

 

vigueur).

 

- Étude : « Jules

 

République

- Lois scolaires.

 
 
 

Ferry : un des pères de la IIIème Rép » : caricature de Ferry, illustration de Ferry, extrait de loi scolaire, article sur

- Militaire. - Politique. - Social.

- Civique.

s'installe t-elle ? ».

- « Comment Jules Ferry contribue t-il à enraciner la République ? ».

 

26 pages.

6 %.

 
 

Ferry et photographie d'un monument à la gloire de Ferry.

 
 
 
 

- « Comment la République s'est-elle enracinée à la fin du XIXème siècle ? ».

- « Comment les Français sont-ils devenus républicains ? ».

- « En quoi la laïcité assure t-elle la cohésion de la société depuis 1881 ? ».

- « Comment et pourquoi la République est-elle devenue laïque ?

Histoire, 1ère, Hatier, 2015 (programmes actuels).

« La République : trois républiques ».

« La République et
les évolutions de la
société française ».

- Leçon :

« L'enracinement de la culture républicaine (18801900) » : 1 document sur l'école : extrait d'un manuel scolaire.

- Leçon : « La République, les religions et la laïcité » (1 document sur l'école : discours de F. Buisson sur la formation des citoyens).

- Étude : « L'école, enjeu de la laïcité » (circulaire aux instituteurs de 1883, article de 1882 sur la réaction des catholiques, caricature).

- Dossier : « Le regard des historiens sur la laïcité ».

- Sociale. - Civique.

- Sociale.

- Valeurs

républicaines. - Laïcité.

- Laïcité. - Anticléricalisme. - Valeurs républicaines.

26 pages.

7% .

39 pages.

15 %.

85

b- Jules Ferry, au coeur de l'étude de la III ème République dans le second degré .

Après avoir procédé à une grille de lecture des différents manuels scolaires de 4ème et de Première qui traitent de l'école de la IIIème République, nous allons procéder à une analyse critique de ces ouvrages.

Rappelons qu'une étude sur l'école du XIXème pourrait s'insérer dans le programme d'histoire de Quatrième ainsi que dans le programme de Première Littéraire et Première Économique et Sociale. Dans l'actuel programme d'Enseignement Moral et Civique, une thématique est consacrée à « L'accès à l'éducation » dans le cycle 3 (primaire - Sixième). Il serait possible d'envisager une étude de l'accès à l'éducation en France entre 1880 et 2015 en classe de Sixième. L'école républicaine est également étudiée en classe de Quatrième dans le cadre du chapitre sur : « L'évolution politique de la France de 1815 à 1914 ». Enfin, cette étude de l'école républicaine s'insère dans le thème « Les Français et la République » en classe de Première. L'enseignant doit consacrer quinze à seize heures à l'étude des IIIème, IVème et Vème Républiques et aux évolutions politiques durant ces périodes.

Tout d'abord, dans l'ensemble des manuels scolaires étudiés (manuels conformes aux programmes du collège de 1995, et 2008 ; programmes du lycée de 2012 ), la question de l'école du XIXème siècle ne fait pas l'objet d'un chapitre particulier. Cette thématique s'insère à chaque fois dans le chapitre sur « La France de 1815 à 1914 » (Programme de 1995) devenu « Les évolutions politiques de la France de 1815 à 1914 » (Programme de 2008). Il intéressant de relever le fait que la manière de traiter cette thématique, bien que présente en filigrane dans les programmes, a subi quelques modifications ces dernières années. Comparons l'étude de la question dans les différents manuels scolaires.

Dans les manuels d'histoire de 2006, « l'école de la République » fait l'objet d'une double page, et d'une étude. L'accent est mis sur l'école comme oeuvre de la IIIème République. L'étude est relativement détaillée. Ces études présentent de manière brève la figure de Jules FERRY. Généralement les manuels offrent un portrait succinct de Jules FERRY ainsi que des extraits des lois scolaires. Les études sur l'école républicaine regroupent essentiellement des documents qui traitent du fonctionnement de l'école au XIXème siècle. Elles proposent des photographies d'écoles,

86

d'intérieurs de classes, de cahiers d'élèves, mais également des descriptions des hussards noirs. Les questions qui accompagnent ces études amènent les élèves à réfléchir sur le déroulement d'une journée type d'un enfant du XIXème siècle, sur le contenu des cours à la fin du XIXème siècle, sur l'architecture du bâtiment scolaire et sur la figure de l'instituteur. Les capacités mobilisées par les élèves à travers ce travail sont celles de la description, et de la recherche d'informations dans les documents. Très peu de tâches complexes sont proposées hormis l'exercice de rédaction (« Rédigez un paragraphe argumenté d'une quinzaine de lignes sur l'école de la République en vous aidant du plan suivant : I - Les objectifs de l'école républicaine. II- Les moyens mis en oeuvre »).

Dans les manuels scolaires de 2011, l'école républicaine ne fait plus systématiquement l'objet d'une étude complète, d'une double-page complète. Cette thématique est davantage imbriquée au chapitre, et à sa dimension politique. Il intéressant de souligner l'évolution de l'intitulé du chapitre appelé « La France de 1815 à 1914 » en 2006 et devenu « Les évolutions politiques de la France de 1815 à 1914 » en 2011. En 2006, l'école républicaine est donc étudiée comme étant un aspect de la France de cette époque alors que depuis 2011, l'école républicaine est étudiée comme étant un outil utilisé par les Républicains pour enraciner leur régime politique. Dans les manuels de 2011, l'école et la société sont donc reléguées au second rang au profit de la République et de la dimension politique. Dans les manuels de 2011, la thématique de l'école républicaine est systématiquement associée à celle de Jules FERRY, Père de la République. Les problématiques proposées sont les suivantes : « Comment Jules FERRY contribue t-il à enraciner la République ? », « Comment Jules FERRY consolide t-il la République ? », et « Pourquoi Jules FERRY est-il considéré comme un Père de République ». L'école n'est plus qu'un simple moyen d'enraciner la IIIème république. Concernant la construction des études sur l'école républicaine, nous pouvons remarquer que dans les manuels de 2011 la biographie de Jules FERRY occupe une place centrale. Cela s'explique par l'un des attendus du programme qui stipule que l'enseignant doit

construire son chapitre autour de l'action d'un homme politique. Les autres documents,
minoritaires, sont des photographies des bâtiments ou de l'intérieur des salles de classes. Les exercices des manuels scolaires de 2011 amènent les élèves à se poser les questions suivantes : qui est Jules FERRY ? Quelle est son oeuvre politique ? Comment l'école de FERRY permet-elle de renforcer la IIIème République ? Les compétences travaillées par les élèves sont plus nombreuses que dans les précédents programmes. Dorénavant, les élèves peuvent travaillent la description, l'analyse de documents, la recherche d'information dans les documents, la situation dans le temps, ainsi que le « travail croisé » à partir de différents documents.

87

Ainsi, après avoir procédé à une analyse des manuels scolaires de 2006 et 2011, nous pouvons désormais proposer une réflexion critique de la manière dont cette question est aujourd'hui traitée.

Concernant les programmes et manuels, la part de l'étude de l'école républicaine a diminué dans le programme de 2008. L'idée d'associer la politique aux changements de société et changements culturels est intéressante. Cependant, avec cet angle d'attaque notre sujet perd de l'importance. Le fait de choisir un personnage politique comme fil directeur pour l'ensemble du chapitre est lui aussi intéressant. Cette démarche nous permet avec un même personnage d'étudier différents aspects du chapitre. Laurence de COCK relève dans l'un de ses articles50 le retour de figures emblématiques, et de volonté de faire un roman national dans les programmes. Ainsi, la figure de Jules FERRY , en tant que père de la République est proposée à différentes reprises dans les manuels scolaires.

Les manuels scolaires proposent assez peu de liens passé-présent dans leurs études comme le dénoncent l'historienne Laurence de COCK et Sylvain DOUSSOT51. Pour remédier à ce problème, il serait envisageable d'imaginer une activité en fin de séance qui consisterait en une rédaction d'un paragraphe comparant l'école d'aujourd'hui et l'école des années 1880 (bâtiment, salle de classe, professeur, contenu des cours). Les liens entre passé et présent permettent aux élèves de mieux comprendre. Ils les rassurent également puisqu'ils ont un outil de comparaison qu'ils maîtrisent, à savoir leur quotidien. Ces liens permettent surtout de donner de l'intérêt à l'enseignement aux yeux des élèves. Ils comprennent alors pourquoi nous étudions aujourd'hui des événements qui datent de centaines voire milliers d'années. Cela leur permet de mieux comprendre les héritages de ces bouleversements culturels et politiques. Ainsi, nous pourrions donc reprocher aux manuels de proposer des études de l'école républicaine qui soient trop figées dans le temps et pas assez connectées au quotidien.

Par ailleurs, nous pouvons remarquer que les manuels scolaires de 2011 n'insèrent plus d'archives tels que des photographies de cahiers d'élèves. Le didacticien François AUDIGIER,

50 DE COCK, Laurence, « L'histoire scolaire, une matière indisciplinée », Annales. Histoire, Sciences Sociales 2015/1 (70e année), p. 179-189

51 DOUSSOT, Stéphane, « Pour une progression des programmes qui associe savoirs et méthodes historiques », Contribution aux travaux des groupes d'élaboration des projets de programmes , C3 et C4. http://www.education.gouv.fr/csp/

88

célèbre pour sa théorie des « 4 R » regrette que les enseignants d'histoire privilégient aujourd'hui les résultats à la démarche, et qu'ils travaillent plus à partir de documents qu'à partir de sources52. Afin de palier à ce problème et de susciter l'intérêt de la part des élèves, il serait envisageable d'insérer à leur travail une source écrite par Jules FERRY en personne. Cela leur permettrait de travailler à partir de sources, de leur montrer un aspect du travail des historiens. Bien entendu, s'agissant de collégiens, les questions portant sur cette source devront être simples et guidées.

52 LENOIR, Yves, L'histoire, la géographie et l'éducation civique : quelle discipline ? Regards sur l'expérience française, Québec, Presses de l'Université de Laval, 2004.

89

c- Les limites de l'école de la III ème République passées sous silence dans les manuels scolaires .

Après avoir analysé différents manuels scolaires, utilisés sous la IIIème République dans les écoles primaires, ainsi que des manuels d'histoire utilisés aujourd'hui dans le premier et second degrés, un élément surprend. Les limites de l'école républicaine, celles de la IIIème République ainsi que celles de ses « héros » comme Jules FERRY sont passées sous silence. Suzanne CITRON est une des rares historiennes à avoir relevé les faiblesses de la IIIème République53.

Historiens, ministres, enseignants, tous s'entendent sur le fait que l'enseignement de l'histoire doit contribuer à l'éveil de l'esprit critique des élèves. Or, en réalité, lorsque nous observons les manuels scolaires qui traitent de la IIIème République, nous pouvons remarquer que tous offrent une vision idéalisée de cette époque. Il y a donc une contradiction entre les objectifs dictés par les programmes scolaires et la réalité des manuels scolaires.

Tout d'abord, nous avons constaté que Jules FERRY est choisi comme fil conducteur pour l'étude de la IIIème République. Il y est présenté comme un militant républicain dont son oeuvre scolaire a contribué à l'enracinement du régime politique. Nous pouvons souligner le fait que bien trop souvent, les manuels scolaires offrent une vision biaisée de Jules FERRY puisque seule la dimension du fondateur de l'école républicaine y est présentée. L'intérêt de Jules FERRY pour les colonies est généralement passé sous silence. Afin d'offrir un portrait complet de Jules FERRY, il serait donc judicieux d'utiliser ce personnage comme fil directeur du chapitre sur les évolutions politiques de la France de 1815 à 1914 et de l'utiliser de nouveau dans le chapitre sur les colonies. Cela permettrait donc de présenter d'une part le républicain soucieux de l'instruction de son peuple, et d'autre part de présenter l'homme partisan de la colonisation.

Outre le fait de passer son silence l'implication de Jules FERRY dans l'exploitation des colonies, les manuels scolaires actuels ainsi que ceux produits à la fin du XIXème siècle passent sous silence les failles de l'école elle-même. En effet, aucun ouvrage scolaire n'évoque les châtiments corporels subis par les élèves à cette époque. Si une loi est adoptée en 1887 pour interdire les châtiments corporels à l'école, de nombreux témoignages et archives prouvent que ces-derniers ont

53 CITRON, Suzanne, L'histoire des hommes, Paris, Syros, 2000.

90

persisté durant des années. L'ouvrage de Jules VALLES, L'Enfant54, publié en 1881 est le premier à dénoncer les châtiments corporels infligés aux élèves à l'école primaire. Jérôme KROP, maître de conférences à l'Université de Rennes a travaillé sur les châtiments corporels infligés aux élèves des écoles primaires de la Seine entre 1880 et 191455. Jérôme KROP a analysé les dossiers des instituteurs et institutrices ayant enseigné dans les écoles primaires de la Seine durant cette période. Il a constaté que plus de 10% des instituteurs ont fait l'objet d'au moins une plainte de parents dénonçant les actes de violence commis en classe. Les violences semblent être davantage commises par des instituteurs. 11,5 % des dossiers d'instituteurs étudiés comportent au moins une plainte pour des violences contre 2,5 % pour les dossiers des institutrices. Les plaintes font état de gifles, coups, violences commises avec un objet (cahier par exemple) ou avec une férule. L'usage de la férule, instrument doté d'une lamelle de cuir divisée en deux est encore très répandu dans les écoles primaires à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle.

Par ailleurs, en observant les manuels scolaires, nous pouvons remarquer qu'ils passent sous silence le fait que seule l'école primaire était accessible aux enfants du peuple. Il est important de rappeler qu'à cette époque le système scolaire se fait à deux vitesses. D'une part, nous avons l'école primaire gratuite et obligatoire pour les enfants âgés de six à treize ans. D'autre part, nous trouvons les écoles primaires supérieures chargées de l'enseignement secondaire accessible uniquement aux titulaires du certificat d'études. Les écoles primaires supérieures étaient payantes. Seuls les notables et bourgeois avaient donc la possibilité de les intégrer. L'école primaire de Jules FERRY est donc un ascenseur social discutable où l'égalité des chances n'est pas toujours respectée.

Enfin, les manuels scolaires n'abordent pas la difficile scolarisation des filles dans le secondaire. L'histoire du genre et la question de la mixité à l'école sont passées sous silence dans les manuels scolaires. Pourtant, ils permettraient d'interroger la valeur républicaine d'égalité et permettrait d'amener les élèves à réfléchir sur les limites des grandes lois scolaires de la fin du XIXème siècle. Dès la fin du XVIIIème siècle, des hommes comme CONDORCET réclament une égalité des genres concernant l'accès à l'éducation. Il affirmait l'idée qu'on ne pouvait pas prôner l'égalité politique de tous et maintenir l'inégalité des institutions comme l'école. La loi de Jules FERRY qui rend l'école obligatoire pour les garçons et pour les filles âgés de six à treize ans

54 VALLES, Jules, L'Enfant, Paris, Livre de Poche, 1972.

55 KROP, Jérôme, « Punitions corporelles et actes de brutalité dans les écoles primaires publiques du département de la Seine (1880-1914) », Histoire de l'éducation, 118, 2008, 109-132.

gomme en apparence les inégalités du genre au sein de l'école. En réalité, cette loi n'est qu'une étape dans le processus de scolarisation des filles comme le souligne l'historienne Françoise LELIEVRE dans son ouvrage56. Si elles ont en effet accès à l'éducation primaire à partir de 1882, peu de filles ont accès à l'enseignement secondaire. Elles sont souvent cantonnées au rôle de mère par leur famille. Lorsqu'une famille aux revenus moyens a l'opportunité d'offrir des études secondaires à l'un de ces enfants, celle-ci privilégie les garçons. Outre le fait que la famille ferme l'accès à l'éducation aux filles, l'institution elle-même limite leur opportunité de faire des études. En effet, il a fallu attendre 1880 et la loi Camille Sée pour que soit créé l'enseignement secondaire laïque pour les filles.

Enfin, la thématique de l'école républicaine peut être considérée comme étant une question socialement vive d'après la définition proposée par CHEVALLARD en 1997. Selon lui, une question est socialement vive lorsqu'elle prend une forme scolaire et fait l'objet de débats relatifs aux savoirs savants de référence dans la sphère scientifique, mais aussi dans la sphère médiatique et sociale. Les questions socialement vives sont des questions que se pose une société. Dans le cadre de notre étude, la société actuelle se demande s'il ne serait pas judicieux de revenir à une école qui ressemblerait à l'école de la IIIème République. Cette école et ses finalités demeurent, aujourd'hui encore, un idéal.

91

56 LELIEVRE, Françoise, Histoire de la scolarisation des filles, Paris, Nathan, 1991.

92

CONCLUSION :

Ainsi, ce mémoire rédigé dans le cadre de la validation du Master des Métiers de l'Enseignement, de l'Éducation et de la Formation visait à comprendre quel est le rôle de l'enseignant français dans la formation civique des élèves depuis la IIIème République. L'histoire de l'éducation, et plus particulièrement de la création de l'école républicaine de Jules FERRY qui intervient dans un contexte particulier nous permet de comprendre comment les enseignants sont formés pour assurer cette mission.

L'étude de l'histoire des Écoles Normales nous a permis de voir que la formation des enseignants est récente. Si les philosophes des Lumières réclamaient la mise en place d'une réelle formation pour les enseignants du primaire dès le XVIIIème siècle, il a fallu attendre 1808 pour que le décret de création des Écoles Normales d'instituteurs soit promulgué. Malgré cela, les Écoles Normales peinent à se mettre en place et les institutrices en sont exclues. Il a fallu attendre 1833 et la loi Guizot pour qu'une loi oblige chaque département à entretenir une École Normale de garçons. À partir de 1836 cette mesure est étendue aux Écoles Normale d'institutrices. Malgré ces obligations, la mise en place de ces infrastructures s'avère difficile. Nombreux sont les départements qui ne respectent pas cette loi. C'est le cas notamment pour la Marne qui possède une École Normale de garçons depuis 1838 et qui ne possède toujours pas d'école pour les institutrices. Ainsi, en 1979, soit plus de quarante ans après les lois GUIZOT, on recense encore huit départements dépourvus d'Écoles Normales d'instituteurs et soixante-sept départements dépourvus d'Écoles Normales d'institutrices. À son arrivée au Ministère de l'Instruction Publique en 1879, Jules FERRY rend obligatoire l'ouverture d'une École Normale de garçons et d'une École Normale de filles dans chaque département dans un délais de quatre ans. C'est dans ce contexte que naît l'École Normale d'institutrices de la Marne implantée à Châlons-sur-Marne.

L'étude des archives de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne nous a permis de mieux comprendre comment l'État s'est servi de la formation des enseignants comme moyen d'enracinement de la IIIème République. L'exemple de l'École Normale de la Marne montre comment ces infrastructures permettaient de forger des enseignants patriotes. Le contenu des cours, de l'histoire à l'instruction morale et civique en passant par les conférences pédagogiques était choisi pour éveiller le sentiment patriote et républicain des futurs enseignants. Cette formation leur permet ensuite d'assurer la formation civique de leurs élèves.

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La IIIème République naît en 1870 dans un contexte de guerre et connaît des débuts difficiles. Ses dirigeants sont donc à la recherche de moyens qui leur permettraient d'asseoir leur régime politique. La formation des enseignants et plus largement l'école devient rapidement un outil d'affirmation de la République. Pour ce faire, une série de lois scolaires est adoptée entre 1880 et 1905. Jules FERRY rend l'école primaire obligatoire pour tous les enfants âgés de six à treize ans. Cette obligation ne pouvait s'opérer que grâce à la gratuité. Ces mesures s'expliquent par le fait que les membres du gouvernement considèrent que le manque d'instruction et d'éducation est à l'origine de la défaite de Sedan face à l'Armée allemande. De plus, les Républicains souhaitent affaiblir l'emprise de l'Église sur la société. Les cours d'instruction civique et morale permettent d'instaurer un catéchisme républicain qui se substitue au catéchisme religieux. Le processus de laïcisation de la société s'opère à partir de 1881 et s'achève en 1905, à la fin de notre étude, avec la séparation de l'Église et de l'État.

L'enseignement de l'histoire occupait une place centrale dans les programmes scolaires de la fin du XIXème siècle. Il avait pour objectif de former des citoyens patriotes sous la IIIème République. Les valeurs républicaines étaient au coeur des leçons d'histoire. La principale valeur enseignée était la liberté, héritage des Lumières. La liberté, et notamment la liberté de pensée, liberté de culte, liberté d'expression sont présentées comme des moyens d'échapper à l'emprise de l'Église. Dans les manuels scolaires d'histoire de cette époque, la France est présentée comme grande, courageuse et indétrônable. Les instituteurs et institutrices avaient pour mission de transmettre ces idées, et de sensibiliser leurs élèves aux valeurs républicaines. Ils ne devaient pas se contenter de transmettre des connaissances sur la France, mais ils devaient avant tout faire aimer la France.

L'analyse de la formation des institutrices au sein de l'École Normale de Châlons-sur-Marne, des finalités et enjeux de l'enseignement de l'histoire sous la IIIème République ainsi que des moyens pédagogiques mis à la disposition du personnel enseignant nous amène à réfléchir sur nos pratiques sociales, culturelles et professionnelles. Généralement présentée comme un idéal, l'école de l'époque de Jules FERRY possède également des failles souvent passées sous silence. Les recherches aux archives départementales montrent notamment les faiblesses de la formation didactique prodiguée aux élèves-maîtresses. En effet, peu de cours leur sont donnés pour faire face aux problèmes de gestion des élèves, pour préparer les cours... Cette étude nous amène également à nous interroger sur la place de l'histoire dans les programmes depuis la IIIème République. Nous avons vu que les Républicains contemporains de Jules FERRY accordaient une place importante à

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l'histoire, et que depuis plusieurs années, sa place au sein des programmes ne cesse de diminuer. Cela va en contraction avec la volonté de renouer avec l'attachement républicain et les valeurs républicaines prônée par le Ministère de l'Éducation Nationale.

Ce mémoire m'a également permis de réfléchir sur mes pratiques professionnelles en tant que professeure d'histoire-géographie. Tout d'abord, il m'a permis de mieux comprendre comprendre l'évolution des enjeux et finalités de l'enseignement de l'histoire. Sous la IIIème République, l'enseignement des valeurs républicaines et de l'histoire servait à renforcer l'amour de la patrie, le dévouement du peuple et également l'esprit de revanche. Aujourd'hui, l'enseignement des valeurs républicaines passe essentiellement par l'apprentissage de la laïcité. Les valeurs sont enseignées pour souder la Nation, pour contribuer à la formation civique des élèves et surtout pour développer leur esprit critique.

Ensuite, ce mémoire m'a également permis de réfléchir sur les méthodes pédagogiques utilisées par les les enseignants d'histoire pour assurer leurs cours et susciter l'intérêt de leurs élèves. Les travaux menés par des didacticiens m'ont donné de nouvelles idées pour le déroulé de mes cours. Je retiendrai notamment l'idée d' Alexandre BERTHON-DUMURGIER et de ses « ateliers d'apprentis ». Il conçoit les séances de cours comme des ateliers dans lesquels les élèves jouent le rôle d'apprentis et participent pleinement à la construction de leurs apprentissages. Cette technique permet de rendre les élèves pleinement acteurs et permet ainsi de pallier à leur passivité et désintéressement ponctuels. Ce mémoire m'a également permis de m'interroger sur la construction des programmes et manuels scolaires. Tout au long de mes recherches, j'ai eu accès à des documents extraits de manuels scolaires et à des sources qui pourront m'être utiles dans la construction de mes prochaines séquences. Certains documents iconographiques m'ont permis de me rendre compte qu'il était parfois plus simple d'enseigner certaines valeurs abstraites pour les élèves, comme la laïcité, en ayant recours à des images.

Enfin, ce mémoire m'a permis de prendre goût au travail mené à partir de sources trouvées dans les archives. Ce mémoire, venant clore mon cursus scolaire, m'a offert la possibilité de vivre, l'espace de quelques mois, le travail d'enquêteur mené par les historiens. Il me donne envie de continuer les investigations à titre personnel et professionnel au sein des archives. J'envisage à l'avenir de consulter davantage les archives et d'utiliser certaines sources en classe afin de rendre certaines études plus concrètes pour les élèves.

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ANNEXES & TABLE DES ILLUSTRATIONS.

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TABLE DES ILLUSTRATIONS :

Illustration de couverture : Jean GEOFFROY, En classe, le travail des petits, 1889. http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/henri-jules-jean-geoffroy_en-classe-le-travail-des-petits

Illustration 1: Liste des aspirantes pour l'année 1881-1882. 1T1840 31

Illustration 2: Horaires en cycle 3 (BO du 10/02/2002) 58

Illustration 3: Répartition horaire au collège 60

Illustration 4: La place de la IIIème République dans les programmes de 4ème (BO du 26/08/2008) 61

Illustration 5: Exemple d'une étude de personnage dans Le Tour de la France par deux enfants 67

Illustration 6: Couverture de l'Histoire de France, Ernest LAVISSE 69

Illustration 7: Extrait de l'Histoire de France d'Ernest LAVISSE, chapitre: "De Napoléon à

aujourd'hui", numérisation de Gallica. 71

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·

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