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Le graffiti à  Beyrouth: trajectoires et enjeux d'un art urbain émergent

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par Joséphine PARENTHOU
Sciences Po Aix-en-Provence - Aix-Marseille Université - Diplôme de Sciences Politiques 2015
  

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CONCLUSION

La phase de réflexivité correspond à une séquence de mise en discours rétrospectif de l'activité des graffeurs. Comprendre comment celle-ci s'opère et à quelles fins supposées permet de comprendre plus largement la vision que ces jeunes ont de leur art, de la manière dont ils le mettent en mots, de ce qu'ils veulent expliquer par les mots. Ne pas lier la pratique du graffiti aux discours de ses pratiquants eut été un manquement considérable à la compréhension de ce que représente le graffiti à Beyrouth. Bien sûr, cette réflexivité n'est pas propre au graffiti, puisqu'elle est présente dans les autres disciplines artistiques. Cette mise en discours n'a, de fait, rien de spécialement novateur ; ce sont plutôt les discours en eux-mêmes, soit le contenu plus que le contenant, qui rend la pratique spécifique à un contexte, un territoire, et un groupement d'artistes définis. Dans le cas beyrouthin, c'est l'ambiguïté des discours et représentations des acteurs qui nous informent sur le monde social dans lequel ils évoluent personnellement et en tant qu'artiste : cette ambiguïté est autant le fait d'un rejet virulent du politique que d'un défaitisme qui peine à s'effacer, même parmi les plus jeunes générations. Les graffeurs se posent dans une situation parfois délicate, puisqu'ils bénéficient de la « souplesse » juridique d'un État qu'ils critiquent par ailleurs. Il en va de même pour les critiques, nombreuses, des inégalités sociales ou de l'instabilité économique et politique chronique du Liban. Cela les amène à rejeter en bloc le « politique », tout en recréant un discours qui, s'il ne se revendique pas « politique », fait basculer la position parnassienne du graffiti à une formule plus proche de l'art engagé. L'engagement se traduit par un message qui se veut apolitique par peur d'être confondu avec les tenants « officiels » de la sphère politique. Prendre ces discours en compte montre alors combien il est nécessaire de justement comprendre leurs représentations de la politique : à n'en pas douter, elles sont négatives, et reprochent à l'État et aux élites économiques - supposées cooptées - d'avoir vendu, trahi et détruit leur pays.

Effectivement, ces revendications ne sont que peu contrôlées, peu harmonisées et calculées de manière à inscrire la scène graffiti sous un message commun. Mais, outre ce que chacun reproche individuellement à tel ou tel autre, ces critiques marquent surtout l'idée d'une fatigue générale, d'une absence d'espoir pour la jeunesse. Elles sont aussi un regret face à une société atomisée par son histoire et ses dénis successifs alors qu'ils leur restent toujours une certaine envie d'apprécier leur pays et ses potentialités. En ce sens, la mise en discours révèle une face positive, qui vise à placer le graffiti dans une posture active. La sortie de l'assignation communautaire permise par le blase et la constitution de la figure de l'artiste se déploie également dans l'espace urbain. Cela a pour conséquence de le « décommunautariser » factuellement, même dans une infime mesure. Plus concrètement, les initiatives visent à « redonner la ville aux habitants », à y mettre de la couleur et effacer les traces d'un espace initialement déplaisant. Cette posture semble mieux fonctionner parce que plus agréable, mais aussi parce qu'elle est indissociable des stratégies

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de visibilité des graffeurs ; la reconnaissance de la scène graffiti en tant que monde de l'art local et de ses graffeurs en tant qu'artiste nécessitent des adaptations face aux acteurs de cette attribution de la réputation. Enfin, une critique trop revendicative, trop violente, risquerait de diviser les graffeurs, leur public, et de fermer l'opportunité ouverte par les acteurs institutionnels.

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