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Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.

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par Koffi Afandi KOUMASSI
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015
  

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B-) LA COMPROMISSION DE LA STABILITÉ POLITIQUE

Comme le professeur G. D. Lavroff l'a si bien écrit, « les régimes militaires n'ont pas de constitution au sens technique du terme »163(*). Du coup, en l'absence de la norme suprême fondant le pouvoir, l'organisant, prévoyant les modalités de son exercice et enfin servant au moins formellement de frein à l'absolutisme des gouvernants, les agissements arbitraires répondent souvent présents (2) dans la mesure où le pouvoir lui-même repose sur des mécanismes de pur fait (1).

1-) L'instauration des régimes de fait164(*)

Généralement, les auteurs de coup d'État comblent assez rapidement le vide institutionnel induit par la suppression de la constitution et la dissolution des institutions républicaines. Ils créent à cet effet une institution partisane unique, qui est généralement, un Conseil ou un Comité militaire, destinée à consolider leur pouvoir et aussi à pallier les insuffisances structurelles et fonctionnelles de l'État. De ce fait, l'État est gouverné suivant une organisation sommaire des pouvoirs publics.

Conquis et exercé en dehors de toute légitimité démocratique, le pouvoir baigne dans une instabilité presque absolue sur fonds de crises incessantes. Les nouveaux gouvernants sont privés de toute onction démocratique. Ils utilisent le pouvoir de l'État suivant des données factuelles purement politiques. La conduite des affaires publiques relève pendant toutes ces périodes de la compétence des organes de la transition et sur le fondement de l'ordre juridique circonstanciel institué. Ces régimes de fait, souvent militaires, constituent une régression des efforts de stabilisation politique des jeunes démocraties africaines en construction. Ils peuvent régenter le pays pendant une période plus ou moins longue ; tout dépendant de l'intention de leurs tenants. Assez souvent, ceux-ci s'empressent d'effacer toutes les traces de l'anticonstitutionnalité qui avait diabolisé leur accession au pouvoir par l'organisation d'élections simulacres. On assiste à la légalisation d'un pouvoir conquis par la force et à la légitimation d'une classe dirigeante a priori non-démocratique. Dans cette veine, l'Afrique renoue avec le paradoxe des putschistes-démocrates. Il s'agit en clair du « caméléonage politique »165(*) des auteurs de coup d'État. Ainsi en dehors de toute légitimité initiale, le régime de fait mis en place ne peut que basculer dans l'autoritarisme (2).

2-) Les risques de retour à l'autoritarisme

« Nul ne peut exercer, par des moyens honnêtes, un pouvoir conquis par le crime ». Cette leçon politique de Tacite se révèle fort réelle à l'observation des pratiques autoritaristes qui caractérisent la plupart des régimes de fait. Les coups d'État sont souvent sanctionnés par l'instauration des régimes plus attentatoires aux libertés. Même les intrusions militaires qui semblent portées en elles une coloration messianique se soldent quelques fois par le durcissement du régime. Non seulement les militaires se montrent incapables de résoudre les crises qui ont motivé leur intervention, mais également ils provoquent l'enlisement du pays sous un régime militaire parfois plus dictatorial que le précédent.

Est saisissant à cet égard le constat selon lequel « le régime militaire en Afrique a donné au malade un traitement pire que la maladie qu'il était censé soigner »166(*). En 1993, le général Sani Abacha avait pris le pouvoir afin de faire entrer le Nigeria dans la transition démocratique sclérosée par le régime précédent. Contre toute attente, le groupe militaire au pouvoir réinstaure une dictature armée féroce sans grande considération ni respect pour les droits de l'homme. C'est par un hasard de l'histoire lié à la mort subite du dictateur Abacha que le Nigeria a pu connaître un retour relativement contrôlé à la civilité démocratique. Aussi, à la mort du président guinéen Lansana Conté en décembre 2008, le capitaine Moussa Dadis Camara prend le pouvoir en tant que chef du Conseil National pour la Démocratie et le Développement (C.N.D.D). Rapidement, il se transforme en dictateur et n'hésite pas à réprimer dans le sang toute manifestation réclamant le retour à la normalité constitutionnelle.

Ainsi toute tentative de prendre le pouvoir par des moyens anticonstitutionnels produit des effets néfastes durables sur la vie politique du pays. La violence devient souvent et généralement le mode le plus courant de protestation contre l'État et d'endiguement des contestations de l'autorité des gouvernants. Ce qui revigore l'idée selon laquelle la force en lieu et place du droit équivaut à l'anarchie et chaque comportement anarchique est une épine dans le talon des États en marche vers la démocratie.

En définitive, le coup d'État fait souffler sur l'Afrique l'air d'un éternel recommencement. Il remet en cause les acquis démocratiques et bouscule la stabilité politique des États. On revient finalement à la case départ pour reprendre le même processus sous la menace constante de l'armée couplée à la connivence négativiste de l'inculture démocratique de la plupart des dirigeants africains. En conséquence, le développement économique de l'Afrique et l'épanouissement intégral de ses peuples déclinent toujours le rendez-vous (section II).

* 163 G. D. Lavroff, Les systèmes Constitutionnels en Afrique noire : les États francophones, op. cit., p. 53.

* 164 Pour une étude plus détaillée des régimes de fait, voir K. AHADZI-NONOU, Éssai de réflexions sur les régimes de faits : Le cas du Togo, Thèse de Doctorat d'État en Droit public, Université de Poitiers, 1985, 846 p.

* 165 « Le caméléonage politique » traduit le fait que du jour au lendemain, les autocrates militaires se soient transformés en chantres de la méthode démocratique de gouvernement. Il s'agit des « militaires-devenus-démocrates ». R. BANEGAS, La démocratie à pas de caméléon. Transitions et imaginaires politiques au Bénin, Paris, Karthala, 2003, 494 p.

* 166 Allocution du Général Olusegun Obasanjo au Colloque du Niger, « Armée et Démocratie en Afrique : Le cas du Niger », op.cit., p. 40.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld