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Culture et football au Cameroun. le cas du canon sportif de Yaoundé dans la région du centre; une contribution à  l'anthropologie du football

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par Mouafo Nopi ARNOUX
Université de Yaoundé I - Master en Anthropologie 2014
  

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CONCLUSION

Au terme de ce travail intitulé, « Culture et football au Cameroun ; le cas Canon Sportif de Yaoundé dans la région du Centre : Une contribution à l'anthropologie du football» parce qu'il y'a un intérêt manifeste à connaître les savoirs endogènes du football ainsi que sa pratique au sein d'une population camerounaise partant du sens que les populations concernées donnent à ce sport. La conception socioculturelle joue un rôle important dans la pratique d'un art fût-il le football. Ce travail avait pour ambition d'interroger d'un point de vue anthropologique l'inadéquation entre les pratiques endogènes ewondo de Nkolndongo du football et les normes de la FIFA.

La question principale était formulée ainsi qu'il suit : Comment les Ewondo de Nkoldongo se sont appropriés la pratique du football ? De cette question principale, trois questions secondaires ont été formulées : Comment se déroule le quotidien des actants du football au sein du Canon sportif de Yaoundé ? Quels sont les éléments culturels que les Ewondo utilisent dans la pratique du football ? Quelle est la perception du football par les Ewondo ? Pour répondre à la question principale, nous avons également émis une tentative de réponse comme étant l'hypothèse centrale à savoir : Les Ewondo de Nkolndongo se sont appropriés le football en créant le Kpa Kum-Mekok-Me-Ngonda Y'ongola. En guise de réponse aux questions subsidiaires : le quotidien des actants du football au sein du Canon Sportif de Yaoundé est régi par les entrainements collectifs, individuels, les matchs de compétition et les matchs amicaux ; la distraction avec les paires et la famille. Les pratiques magico-religieuses, les danses, les chants et les instruments de musique sont les éléments culturels que les Ewondo associent à l'activité footballistique. Le football est perçu par les Ewondo comme une activité sportive où tous les moyens doivent être mise en oeuvre pour vaincre et convaincre.

Pour mieux nous imprégner de cette réalité, nous avons organisé une descente sur le site de l'étude avec pour objectif la collecte des données auprès des différents acteurs intervenants dans le domaine du sport et en particulier le football au sein des Ewondo. Ceci a été rendu possible grâce aux différentes techniques de collecte de données que nous avons utilisées à savoir l'observation, les entretiens (individuels), et les récits de vie. L'analyse stratégique et le culturalisme nous ont permis d'appréhender comment les Ewondo perçoivent le football ainsi que les éléments de leur culture qui sont associés à ce sport.

Les principaux résultats de notre étude sont les suivants : les pratiques magico-religieuses font entièrement partie du football chez les Ewondo de Nkolndongo. Les entrainements ne sont pas efficaces à cause de l'insuffisance du matériel et la vétusté de certains équipements. Les conflits de leadership et d'intérêts dans le CSY dérivent des pratiques rituelles, de la popularité et du prestige social des individus. Le football, appelé ndamba meko est perçu par les Ewondo comme une passion, une activité de promotion sociale et de positionnement. Certains footballeurs pensent qu'il est impératif de se protéger contre l'adversaire mais aussi contre les coéquipiers car tous les coups sont permis à condition qu'on reste serein.

En ce qui concerne les perceptions du football, l'origine est associée à la colonisation. Comme le port du costume, la consommation du vin rouge, ou encore la culture du cacao, la pratique du football fait partie intégrale de la culture ewondo. Appelé Ndamba meko, les Ewondo de Nkolndongo font une différenciation du football et les autres sport avec le ballon qui se pratiquent avec les autres parties du corps : le ballon qui se joue avec les pieds. Saisi à travers les règles qui le définissent, à travers les commentaires des supporters ou encore à travers la comparaison avec des jeux de balle qui s'épanouirent à d'autres moments de l'histoire ou dans d'autres civilisations, le football apparaît comme un " jeu profond " qui condense et théâtralise les valeurs fondamentales du monde contemporain. Comme les autres sports, il exalte le mérite, la performance, la compétition entre égaux ; il affiche avec éclat, par le truchement de ses vedettes, que dans nos sociétés, les statuts ne s'acquièrent pas à la naissance mais se conquièrent au fil de l'existence. Tout autant que la performance individuelle, il valorise le travail d'équipe, la solidarité, la division des tâches, la planification et l'évaluation collective à l'image du monde industriel dont il est historiquement le produit.

Le football s'offre comme un terrain privilégié à l'affirmation des identités collectives et des antagonismes locaux. Sans doute est-ce dans cette capacité mobilisatrice et démonstrative des appartenances que réside une des principales raisons de l'extraordinaire popularité de ce sport d'équipe, de contact et de compétition. L'adhésion à un club est perçue par les supporters comme le signe d'une commune appartenance, mais surtout comme le symbole d'un mode spécifique d'existence collective incarné par le style de jeu de l'équipe, style qui renvoie à l'image stéréotypée qu'une collectivité se donne d'elle-même et souhaite donner aux autres. La devise du CSY, " être, vaincre, convaincre " symbolise le " Kpa-Kum style " fait de rigueur, à l'image de la culture de guerre, de la liberté dont le club est l'émanation. Consacrant, sur un mode plus ou moins virulent, les allégeances territoriales, et en particulier les loyautés nationales, le football ne classe donc pas seulement les appartenances, il en énonce le contenu imaginaire. Pour le jeune supporteur ewondo, se familiariser avec le style de jeu de son équipe (CSY) est une forme d'éducation sentimentale aux valeurs qui façonnent sa ville et sa culture. Oscillant entre une activité récréative, économique, de bien être, de promotion sociale, professionnelle et rituelle, la pratique du football s'inscrit au rang des activités ouvertes à toutes les couches sociales. Chacun y trouve son plaisir ou son intérêt dans les activités qui se développent autour du football. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui font du stade un lieu de grand public.

Le stade est un des rares espaces de débridement toléré des émotions, contrepoint à la retenue et aux freins qu'impose, dans les interactions sociales ordinaires, la civilisation des moeurs. Là s'éprouve le plaisir des gestes et des paroles à la limite de la règle. Là, les gros mots ont droit de cité. Là, s'expriment des valeurs dont l'expression est socialement proscrite (affirmer crûment son appartenance sexuelle, son aversion pour l'autre, etc.). Ce langage, pétri de métaphores viriles, guerrières, sacrificielles, d'expressions xénophobes, est profondément ambigu. D'une part, il nous dit les peurs, les haines, les symboles qui travaillent le corps social ; de l'autre, son caractère outrancier participe de la confrontation : tout ce qui peut choquer l'Alter, souligner le soutien extrême que l'on porte aux siens est mis à profit. Les ressorts du langage du " supportérisme " sont donc à chercher à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la logique du jeu. Le stade peut être considéré en ce sens comme un non lieu. C'est le cas avec le stade Ahmadou AHIDJO où le CSY joue généralement ses matchs à domicile.

Tout au long d'une partie, on voit des attitudes, des gestes, des objets à qui une grande partie du public confèrent une valeur quasi-religieuse. Ou serait-ce plutôt de la magie ? Des supporteurs s'appliquent des peintures rituelles sur le visage (les couleurs du club). Des chants montent des gradins, repris par les choeurs des fidèles, lancés par des sortes de célébrants qui tournent le dos à la pelouse. Ces derniers semblent même se désintéresser de la partie qui se joue, tant ils se préoccupent exclusivement de l'animation de la cérémonie que devient la rencontre. Les chants, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, offrent une véritable diversité, "chants spontanés" dit-on dans les églises ! Les convaincus, les fidèles parmi les fidèles les apprennent sans difficulté à force de les entendre et de les répéter. Ces refrains sont scandés par des choeurs d'hommes, parfois impressionnants de force et de conviction. Les chanteurs prennent visiblement du plaisir. Ce sont des encouragements, des invocations, des imprécations dirigées contre l'équipe adverse ou les arbitres, des sortes de chants de louange lorsque l'équipe favorite est en passe de gagner. Le vert et le rouge de Nkonldongo sont soutenus par moult associations de supporters et sympathisants ayant pour objectifs de le pousser à la victoire. Certains supporters ont fait du CSY leur raison même d'existence afin de donner sens à leur vie.

A considérer la place occupée par le football dans la vie des supporters, on découvre que le temps de la rencontre déborde largement dans la vie quotidienne. Un chant des supporteurs d'origine ewondo, déjà ancien, disait à peu près ceci : "Le football, c'est notre vie. Le roi football régente le monde." Il faut se rendre à l'évidence que l'attachement à une équipe favorite peut aller très loin. A Mvog-Mbi, le portrait d'un supporteur du CSY a été réalisé par une équipe de télévision. Les aventures de son Kpa-Kum donnent littéralement un sens à sa vie, qui, sans cette bouffée d'oxygène, se heurterait aux horizons bouchés de la rue. Rien ne manque à un cadre qui petit-à-petit s'est construit. Le jour du match, les couleurs du club sont hissées dans le jardin du petit pavillon où il vit. "Pourvu qu'ils gagnent" est la prière intime qu'un des informateurs clés répète intérieurement plusieurs fois le jour du match. Un véritable rituel domestique se déroule, avant, pendant et après la rencontre. Une grande vitrine joue le rôle d'autel (carapace de tortue sous la toiture). Les amis du club de supporters constituent une communauté éminemment soudée et solidaire. Ce portrait singulier rejoint pourtant une réalité partagée par beaucoup. Un même sentiment d'appartenance se vérifie auprès de tous ceux, et ils sont nombreux, qui soutiennent avec ferveur tel ou tel club. Ceux-là s'engagent, donnent des heures de bénévolat dans les petits clubs, ou bien lorsqu'il s'agit d'un club professionnel, achètent la panoplie complète du parfait supporter, investissent leurs économies dans des déplacements pour assister aux matches "à l'extérieur". Le véritable supporter s'identifie à son club, à son équipe. La confiance parfois aveugle, les espoirs qu'il exprime à travers son comportement au stade, ressemblent étrangement à des sentiments religieux. Comme des milliers d'autres, il ne fait que croire en son équipe, souffrir avec elle lorsqu'elle perd, mais vibrer avec elle lorsqu'elle gagne et le fait rêver. Les supporters accompagnent leurs fanatismes par des chants rythmés aux instruments de la culture ewondo.

Les paroles prononcées sous forme de chants par les supporteurs du Kpa-Kum, sont principalement les chants de concurrence entre les clubs de division d'élite. Ces chants sont exécutés en langue ewondo et surtout lors d'une victoire ou d'un match nul dont le résultat ne change pratiquement rien sur la position du club. Il ne se chante jamais lors d'une défaite. Les instruments musicaux qu'utilisent les fanatiques du CSY sont le produit de l'art musical ewondo. Ces éléments de l'animation culturelle ewondo font parties intégrante d'une partie de football au point où une rencontre de football sans cet arsenal n'aura plus de sens pour les spectateurs. Ces derniers apprécient en même temps le spectacle des 22 acteurs que celui des fans clubs. Mais ils sont également gagnés davantage par le spectre du phénomène magico-religieux qui plane sur le football à quelques niveaux, que ce soient.

Les joueurs eux-mêmes sont depuis longtemps gagnés par une sorte de contagion de la superstition. Ils pratiquent les gris-gris de toute sorte, ils ont leurs chaussures-fétiches, ils embrassent la pelouse après un but. Un seul exemple du gaucher d'un club de la ligue régionale de l'Ouest qui selon ses co-équipiers, ne lave jamais sa godas parce qu'elle a été « configurée » par un tradipraticien à Bali dans le Nord-ouest puisqu' il poussait le fétichisme très loin. La veille du match, ses chaussures trônaient au bout de son lit. Arrivé au stade, il suivait scrupuleusement un rituel compliqué, touchait plusieurs objets qu'il emportait invariablement, massait ses chaussures avant de les enfiler, et achevait ce rituel par une sorte de signe du pied au moment d'engager. Des anecdotes innombrables pourraient être citées, notamment pour le choix des chaussures. Les gardiens semblent particulièrement concernés par ces pratiques superstitieuses, comme s'ils pouvaient, plus que d'autres, interdire l'accès du but au ballon par une quelconque manipulation. Ces pratiques ne se limitent pas aux joueurs, elles sont même parfois collectives et incluent supporteurs et autres dirigeants du CSY. Ces pratiques sont souvent la source de conflit entre partisans et non partisans.

Certains membres du staff administratif dudit club se substituent en staff technique pour recruter les joueurs, limoger le coach et prendre certaines décisions car il existe une sorte de conflit de pouvoir entre le comité de sage, le conseil d'administration et la direction générale. Le système de gestion du football dans les clubs camerounais restant presque fermé au public, laisse croire à l'existence des grands maux tels que la corruption, le détournement des fonds et le conflit d'intérêts. Pour cela, la goutte d'eau ayant débordé le vase vient du système qui a éclaté la tare de l'instance faitière, précisément au niveau du conseil des sages, de la direction administrative et du staff technique. Chaque individu développe alors une stratégie pour sauvegarder ses avoirs et ses relations. Ces acteurs du club sont cependant issus d'ethnies diverses dont de cultures différentes. Ces conflits seraient aussi dus au choc de personnalité de base d'une part issu de ces cultures et d'autre part à l'intérieur de la culture majoritairement représentée.

Les items culturels jouent un très grand rôle dans la configuration de chaque équipe et est porteur d'un message sacré c'est-à-dire restreint aux populations conceptrices et exécutrices. Par conséquent, ces mouvements influencent le staff technique, qui n'a plus que pour rôle de subir la volonté des forces en présence ou de démissionner s'il ne se soumet pas. C'est la raison pour laquelle dans la culture, l'individu rencontre une première enculturation ou socialisation dont les modèles orientent son comportement d'acteur dans le futur système social.

Selon nos hypothèses de départ, Les Ewondo de Nkolndongo se sont appropriés le football en créant le Kpa-Kum Mekok-Me-Ngonda Y'ongola. La logique du football est construite sur un certain nombre de vecteurs culturels notamment les pratiques magico-religieuses, les danses, les chants et les instruments musicaux ewondo. Le football est une activité de promotion sociale et de positionnement selon les Ewondo de Nkolndongo. Le football est perçu par les Ewondo comme une activité sportive où tous les moyens doivent être mise en oeuvre pour vaincre et convaincre.

Il faut relever que le football entant que sport basé sur la performance, le talent ne saurait se réduit à la pratique magico-religieuse. Cet avis est partagé par les Ewondo de Nkolndongo, seulement ils pensent qu'il est aussi impératif de se protéger contre les esprits malveillants d'origine quelconque afin de rester au top niveau. Aucun de nos informateurs n'a avoué faire du mal à Autrui mais tous pense à se protéger. Pourquoi se protéger quand il n'y a personne qui ne veut nuire à l'Autre ? Ne serions nous pas rentré dans cet adage footballistique qui stipule que « la meilleure défense c'est l'attaque ! » ? Nous osons penser que les acteurs du football gagneraient à redescendre sur le stade afin de pratiquer le jeu qu'est le football qui a besoin de joueurs talentueux, performants et non des marabouts et autres prêtres.

La gestion du football chez les Ewondo est ponctuée d'embuches si l'on s'en tient aux nombreux différends récurrents enregistrés au sein du CSY. A ces différends, s'ajoutent les services de l'organigramme qui ne sont pas fonctionnels ou qui ne concordent pas avec la structuration admise par la FIFA. Le Comité de sage se considère comme l'instance souveraine des Mékok-Me-Ngonda et pourtant elle ne devrait pas exister et même intervenir dans la gestion du CSY selon la FIFA.

Suite aux résultats auxquels nous sommes parvenus, les perceptions du football et sa pratique par les Ewondo de Nkolndongo, sont influencées par des constructions locales du sport. Ces constructions font montre d'un certain mysticisme dans les résultats des parties de football parfois collé sur le dos de l'arbitre. Il est communément partagé que les marabouts peuvent changer le sort d'un match. C'est d'ailleurs pourquoi si on a un entraineur dans le staff, très souvent le marabout de l'équipe figure également. Ce dernier peut être occupé un autre poste dans le staff mais son travail consiste à prédire l'avenir, à consulter les mages ou à faire des fétiches pour le rayonnement du CSY. Les joueurs en font également disent-ils pour se protéger. Ces pratiques sont fortement proscrites par la FIFA qui fonde le football sur le talent, la performance et les entrainements réguliers. Cette action de se protéger ou de vouloir se protéger que prônent les joueurs pourrait faire l'objet de recherches futures.

La pratique d'un football serein au sein du CSY commencerait par le fonctionnement effectif de son organigramme et la non ingérence des acteurs périphériques dans les activités du club. Par ailleurs, il est opportun pour les acteurs du football en général et les joueurs en particulier, de comprendre que les gris-gris et autre marabouts ne peuvent pas remplacer le talent, l'application aux entrainements qui sont gages de performances sur le terrain. Il faudrait aussi promouvoir des politiques de football pour les jeunes, soutenir la responsabilité des personnes et limiter l'exclusion par des messages poignants : le football est une activité professionnelle, l'acteur majeur est le joueur et il doit vivre des fruits de son travail. Les hommes d'affaires qui s'impliquent dans la gestion du football ne doivent pas se considérer comme des vautours mais des promoteurs d'entreprises footballistiques.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci