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Disparités régionales en matière de scolarisation en Guinée


par Mamadou Dian Dilé Diallo
Université Yaounde II - DESS 2003
  

Disponible en mode multipage

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_TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX II

LISTE DES FIGURES II

INTRODUCTION 3

Chapitre 1 : CONTEXTE DE L'ÉTUDE 7

1.1. Situation géographique, administrative et démographique du pays 7

1.1.1. Situation géographique et administrative 7

1.1.2. Situation démographique 8

1.2. Le système éducatif guinéen 8

1.2.1. Historique de l'éducation 8

1.2.2. Organisation du système éducatif guinéen 14

1.3. Quelques faiblesses et distorsions du système éducatif guinéen 18

Chapitre 2 : CADRE THÉORIQUE ET HYPOTHÈSES DE RECHERCHE 22

2.1. Revue de la littérature 22

2.1.1. Les facteurs historiques 22

2.1.2. Les facteurs géographiques 23

2.1.3. Les facteurs socioculturels 23

2.1.4. Les facteurs socio-économiques 26

2.1.5. Les facteurs liés à l'offre scolaire 30

2.1.6. Les facteurs socio-démographiques 31

2.2. Hypothèses et schéma conceptuel 39

2.2.1. Hypothèses 39

2.2.2. Schéma conceptuel : 40

2.2.3. Définition des concepts 41

Chapitre 3 : CADRE D'ANALYSE ET ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES 43

3.1. Source des données 43

3.1.1. Objectifs de l'EDSGII, 1999 43

3.1.2. L'échantillonnage 43

3.1.3. Questionnaires 44

3.2. Variables et indicateurs 44

3.2.1. Variable dépendante 45

3.2.2. Variables indépendantes 45

3.3. Évaluation de la qualité des données 47

3.3.1. Les limites de l'EDSG-II 47

3.3.2. L'évaluation numérique 48

3.3.3. L'évaluation graphique 50

3.4. Schéma d'Analyse : 52

3.5. Méthodes d'Analyses 52

3.5.1. L'analyse descriptive 53

3.5.2. L'Analyse explicative 53

Chapitre 4 : ANALYSE DIFFÉRENTIELLE DE LA SCOLARISATION SELON CERTAINES CARACTÉRISTIQUES 57

4.1. Variation de la scolarisation selon la région 57

4.2. Variation de la scolarisation selon les caractéristiques démographiques 59

4.2.1. Le sexe de l'enfant 59

4.2.2. L'âge de l'enfant 60

4.2.3. Le sexe du chef de ménage 60

4.3. Variation de la scolarisation selon les caractéristiques socio-économiques 61

4.3.1. Le milieu de résidence 61

4.3.2. Le niveau d'instruction de la mère 61

4.4. Variation de la scolarisation selon les caractéristiques socioculturelles 62

4.4.1. L'ethnie de la mère 62

4.4.2. La religion de la mère 63

Chapitre 5 : ESSAI D'EXPLICATION DES DISPARITÉS RÉGIONALES EN MATIÈRE DE SCOLARISATION EN GUINÉE 64

5.1. Présentations et interprétations des résultats 65

5.1.1. Effet brut de la région sur la mise à l'école des enfants 65

5.1.2. Effets nets des variables indépendantes sur la mise à l'école des enfants 65

5.1.3. Analyse des effets nets par milieu de résidence 69

5.2. Quid des raisons de la non-scolarisation des enfants avancées par les mères ? 75

SYNTHÈSE ET CONCLUSION 80

REFERENCES BI BLIOGRAPHIQUE 85

LISTE DES TABLEAUX

Tableau I : Évolution des effectifs des élèves et des étudiants de 1958 à 2002. 2

Tableau II : Évolution des infrastructures de 1958 à 2002. 18

Tableau III : Évolution du personnel enseignant de 1958 à 2002 18

Tableau IV : Taille et couverture des effectifs des ménages et des femmes, identifiés et enquêtés, et taux de couverture selon le milieu de résidence, EDSG-II, 1999 49

Tableau V : Taux de non-réponse des variables de l'étude 49

Tableau VI : Distribution des individus par région et selon quelques variables de l'étude. 50

Tableau VII : Répartition des enfants selon la région et la fréquentation 57

Tableau VIII : Indice de parité des taux de non-scolarisation des différentes régions de la Guinée 58

Tableau IX : Répartition des enfants selon le sexe et la fréquentation scolaire 59

Tableau X : Répartition des enfants selon le sexe du chef de ménage et la fréquentation scolaire 60

Tableau XI : Répartition des enfants selon le milieu de résidence et la fréquentation scolaire 61

Tableau XII : Répartition des enfants selon et le niveau d'instruction de la mère la fréquentation scolaire 62

Tableau XIII : Répartition des enfants selon l'ethnie de la mère et la fréquentation scolaire 63

Tableau XIV : Répartition des enfants selon la religion et la fréquentation scolarisation 63

Tableau XV : Effet brut de la région sur la mise à l'école des enfants 65

Tableau XVI : Effets nets des caractéristiques des enfants, des ménages, des caractéristiques socio-économiques de la mère et de la religion de la mère sur les disparités régionales 68

Tableau XVII : Effets nets des caractéristiques des enfants, des ménages, des caractéristiques socio-économiques de la mère, et de la religion de la mère sur les disparités régionales, milieu urbain 71

Tableau XVIII : Effets nets des caractéristiques des enfants, des ménages, des caractéristiques socio-économiques de la mère et de la religion de la mère, milieu rural 74

Tableau XIX : Distribution des réponses fournies par les mères 75

Tableau XX : Distribution des réponses fournies par les mères. 78

Tableau XXI : Distribution des réponses fournies par les mères par milieu de résidence. 78

Tableau XXII : Distribution des réponses fournies par les mères par région. 79

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Évolution des effectifs scolaires : 1900 - 2000 2

Figure 2 : Courbe des effectifs par âge 51

Figure 3 : Proportions d'enfants n'ayant jamais été scolarisés par région 58

Figure 4 : Indices de parité des taux de non-scolarisation par région 59

Figure 5 : Courbe des proportions d'enfants scolarisés par âge. 60

Figure 6 : Chances relatives de fréquentation scolaire avant (brutes) et après (nettes) 69

Figure 7 : Premier plan factoriel de l'analyse des correspondances multiples. 77

INTRODUCTION

« Faire un enfant est un plaisir mais l'éduquer est un devoir »
Sagesse bambara

Plus de quarante ans après l'accession à l'indépendance de la quasi-totalité des États africains, les priorités définies alors pour l'amélioration des conditions de vie des populations africaines restent toujours d'actualité. Parmi ces priorités, on peut citer : une bonne alimentation, la santé pour tous, l'éducation et la scolarisation de tous les enfants.

Au début des années 1960, tous les dirigeants africains avaient assigné à leur système éducatif, le devoir de procurer à l'État et à l'économie des cadres qualifiés mais aussi de dispenser une éducation de base considérée comme un droit élémentaire de l'homme, de réduire les disparités régionales et sociales, de consolider l'identité nationale et culturelle, etc. (KI-ZERBO, 1990). Ainsi, la conférence internationale d'Addis-Abeba tenue en mai 1961, recommandait la révision des contenus de l'enseignement et fixait des objectifs quantitatifs ambitieux comme la scolarisation universelle en 1980.

Entre 1960 et 1975, les taux de scolarisation ont augmenté de façon remarquable dans tous les pays d'Afrique. Mais la crise économique provoquée par la détérioration des termes de l'échange et les différents chocs pétroliers ont vite freiné cet élan. En effet, le taux de croissance des effectifs scolaires qui était de 8,4% par an entre 1970 et1980 est tombé à 2,9% par an entre 1980 et 1989. Non seulement le taux d'inscription au cycle primaire diminuait mais aussi l'effectif des enfants qui abandonnaient leurs études avant la fin de ce cycle allait croissant dans de nombreux pays africains au sud du Sahara. Et ce, d'autant plus que l'offre scolaire ne suivait pas dans bien des cas l'accroissement rapide de la population.

Or, l'un des outils indispensables au bien-être des personnes et au développement socioéconomique et culturel d'un pays est la scolarisation de sa population (WAKAM, 2000). La scolarisation forme la personnalité de l'individu, ses idées et son comportement ; elle élargit ses contacts avec son environnement proche et avec le monde extérieur(LAMLENN, 1993). Pour (THORIN, 2002) « Savoir lire et écrire est la seconde conquête de l'humanité, après le langage. Echouer dans l'alphabétisation, baisser les bras devant l'ampleur des efforts à faire pour rendre l'éducation accessible à tous, serait dénier aux individus leur qualité d'être humain ».

Le premier engagement de la communauté internationale à assurer l'instruction primaire universelle remonte à 1990, lors de la Conférence mondiale sur l'éducation tenue à Jomtien (Thaïlande) et organisée conjointement par l'UNESCO, l'UNICEF, le PNUD et la Banque Mondiale. En juin 1996 à Amman (Jordanie), lors de la Conférence pour le suivi de la conférence de Jomtien, on a pu constater une augmentation sensible du nombre d'enfants scolarisés, cette augmentation restait cependant insuffisante compte tenu de l'accroissement du nombre d'enfants en âge d'aller à l'école. Dans certaines régions, telles que l'Asie du sud et l'Afrique subsaharienne, les progrès constatés ont été très insuffisants.

Dix ans après la conférence de Jomtien, la communauté internationale a réaffirmé à Dakar (Sénégal) sa volonté de faire en sorte que tous les enfants bénéficient d'un enseignement primaire complet gratuit et de qualité. Malgré l'adhésion des pays et des instances internationales à ce programme, les progrès n'ont pas été à la hauteur des attentes. Aussi, l'objectif principal de cette conférence (à savoir l'éducation pour tous en l'an 2000) a-t-il été finalement repoussé en l'an 2015 vu l'ampleur des tâches à accomplir en Afrique Subsaharienne.

Selon l' (UNESCO, 2002), en Afrique, quatre enfants sur dix ayant atteint l'âge d'aller à l'école n'y vont pas et ce, bien que l'éducation primaire soit une priorité pour ce continent. Pour assurer la scolarisation totale dans bon nombre des pays (africains) sur la base actuelle, le professeur (KI-ZERBO, 1990), affirme qu'il faudrait que ces pays consacrent la totalité de leur budget au secteur de l'éducation du fait que dans bon nombre de pays, le taux de scolarisation est surestimé. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF, 1999), estime que l'Afrique Subsaharienne devra dépenser 1,9 milliards de dollars supplémentaires par an pour assurer une scolarisation primaire pour tous d'ici 2010 (à noter que cette région consacre actuellement près de 9 milliards de dollars par an à l'éducation). Un effort que les dirigeants africains doivent impérativement consentir car il est désormais admis que pour échapper à la pauvreté, les gouvernements doivent faire d'importants investissements dans les services sociaux de base. « L'accès universel aux services sociaux de base de qualité, et en particulier, à l'éducation, la santé, l'eau et l'assainissement donne aux gouvernements des bases solides pour le développement. Et ce qui est tout aussi important, il garantit la réalisation des droits de l'enfant » (UNICEF, 1999). Pour la Banque Mondiale, l'éducation est un droit fondamental, une fin en soi, indissociable de la vie et du développement. « Quand on en considère tous les avantages, l'intérêt d'une revitalisation et du développement de l'enseignement et de la formation en Afrique ne saurait faire de doute, même en cette période d'extrême pénurie »(BANQUE MONDIALE, 1988).

La Guinée est l'un de ces pays d'Afrique Subsaharienne où les taux de scolarisation sont les plus bas du monde notamment en ce qui concerne les filles. Le taux brut de scolarisation (TBS) c'est à dire le rapport de la population scolaire sur la population scolarisable correspondante était estimé en 2000 à 61 % pour l'ensemble des deux sexes et seulement 50 % pour les filles. Quant au taux net de scolarisation qui représente le rapport de l'effectif de la population scolaire ayant l'âge requis sur la population scolarisable correspondante, il était de 48 % pour l'ensemble des deux sexes et 41 % pour les filles. Au niveau régional, le TBS varie entre 45 % dans la région de Labé à 100 % dans la Capitale Conakry. Tandis que le TNS, lui varie entre 35 % à Labé et 81 % à Conakry. La population guinéenne sans aucune instruction avoisine les 80 % pour les femmes et 55 % pour les hommes (EDSG-II, 2001).

En dépit des efforts nationaux et internationaux entrepris pour développer l'offre scolaire et améliorer la qualité des enseignements, la mise à l'école est encore loin de concerner tous les enfants en âge d'être scolarisés en Guinée aussi. Au-delà du constat général d'une sous-scolarisation rurale et féminine, on sait encore peu de choses sur les pratiques scolaires des familles voir des sociétés toutes entières (PILON M. , 1995, 1999 et 2000). Comme le dit(WAKAM, 1999), si l'on peut à juste titre évoquer le manque ou l'insuffisance d'infrastructures et des maîtres ou encore le manque des moyens financiers des parents, il y a tout lieu de penser qu'il ne suffit pas à expliquer cette situation.

Qu'est-ce qui expliqueraient les différences de scolarisation constatées entre les Régions en Guinée ?  Les caractéristiques socio-économiques, culturelles et démographiques des ménages agissent-elles différemment d'une région à une autre ? Voilà deux questions auxquelles nous tenterons de répondre dans ce travail de recherche.

Plus concrètement, nous souhaitons contribuer à une meilleure connaissance des facteurs influents sur la scolarisation des enfants et suggérer des solutions afin de rehausser le niveau de scolarisation des enfants de 6-14 ans et de réduire les disparités entre les régions et les sexes en République de Guinée.

Ce travail a ainsi pour objectif de :

OS1 - identifier la part de chacun des facteurs socio-économiques, culturels et démographiques dans l'explication des différences régionales.

OS2 - identifier la part des caractéristiques des enfants (sexe et âge) dans l'explication des disparités régionales en matière de scolarisation en Guinée.

Pour ce faire, ce travail s'articulera sur cinq (5) chapitres. Le premier présente le contexte de l'étude. Le deuxième est consacré à la synthèse de la littérature, à l'élaboration du cadre conceptuel et à la formulation des hypothèses. Le troisième chapitre est consacré aux aspects méthodologiques. Le quatrième chapitre décrit les variations différentielles de la scolarisation selon les différents facteurs susceptibles de l'influencer. Dans le chapitre 5 nous essayons d'expliquer les disparités régionales de la scolarisation en Guinée. En fin, dans la conclusion, nous présentons la synthèse de nos résultats et leurs discussions.

CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE L'ÉTUDE

Il est question dans cette partie de présenter le cadre de notre étude. Après un bref aperçu de la situation géographique, administrative et démographique du pays, nous présenterons l'historique du système éducatif guinéen, son organisation actuelle et ses faiblesses.

1.1. Situation géographique, administrative et démographique du pays

1.1.1. Situation géographique et administrative

La République de Guinée est un pays côtier située en Afrique Occidentale. Elle couvre une superficie de 245 857 km² et est limitée à l'Est par la Côte-d'Ivoire, au Nord par le Mali et le Sénégal, à l'Ouest par la Guinée Bissau et l'Océan Atlantique et au Sud par la Sierra Léone et le Libéria.

La Guinée est subdivisée en quatre régions naturelles assez bien distinctes et intérieurement homogènes. Ces quatre régions naturelles sont : la Basse Guinée, la Moyenne Guinée, la Haute Guinée et la Guinée Forestière. Le pays doit cette originalité à son milieu naturel qui se caractérise par des contrastes climatiques, des barrières montagneuses et l'orientation des reliefs qui se combinent pour donner à chaque région des particularités du point de vue climat, sols, végétation et mode de vie des populations (DIALLO, 1999).

La Basse Guinée ou Guinée Maritime est située dans la partie ouest du pays. Elle couvre une superficie de 44 000 km² (18 % du territoire national).La Moyenne Guinée ou FoutaDjallon est une région de montagnes et de plateaux. Elle couvre 20 % du territoire national. La Haute Guinée est une région de savanes et de plateaux. Avec 40 % de la superficie du pays elle est la région la plus vaste de la Guinée.La Guinée Forestière, constitue la quatrième région de la Guinée. Elle doit son nom à la forêt humide qui couvre la majeure partie de son territoire. Sa superficie est de 54088 km², soit 22 % du territoire national.

Sur le plan administratif, la République de Guinée est découpée depuis 1994 en huit régions dont Conakry, la capitale, trente-trois préfectures et trente-huit communes dont cinq à Conakry. Les préfectures sont composées de 341 sous-préfectures ou communautés rurales de développement (CRD). À chacune de ces structures administratives correspond une structure de l'éducation. C'est ainsi qu'il y a la direction de l'éducation de la ville de Conakry (DEV-C) et au niveau de chaque région, une Inspection Régionale de l'éducation (IRE). Au niveau préfectoral, une Direction Préfectorale de l'Éducation (DPE) et à Conakry des Directions Communales de l'Éducation (DCE). Au niveau sous-préfectoral, il y a la Délégation Pédagogique Sous-préfectorale (DPSP). Au niveau de chaque école, il y a une Association des Parents d'Élèves et Amis de l'École (APEAE).

1.1.2. Situation démographique

Jusqu'en 1983, les informations disponibles sur la population guinéenne provenaient essentiellement de l'enquête démographique par sondage, réalisée en 1954-55 par l'administration coloniale française. Après l'indépendance, des recensements administratifs ont été organisés à des fins de vote et de planification du développement en 1962, 1967, 1972 et 1977. Le premier Recensement Général de la Population et de l'Habitat a été organisé en 1983 afin  d'obtenir une base de données démographiques et socio-économiques fiables. Et le deuxième Recensement Général de la Population et de l'Habitat a été organisé en décembre 1996.

En 2001, le Bureau National du Recensement (BNR) évaluait la population guinéenne à 8 107 000 habitants. La population scolarisable au primaire c'est à dire celle âgée de 7-12 ans s'élevait à 1 397 064 enfants dont 696 571 filles (soit 49,9 %). La population guinéenne vit essentiellement en milieu rural (70 %) et plus de la moitié de la population urbaine (51 %) réside dans la Capitale Conakry.

1.2. Le système éducatif guinéen

1.2.1. Historique de l'éducation

1.2.1.1. Historique de l'éducation en Afrique 

Selon F. RATH cité par (WAKAM, 2002) on distingue trois types d'éducation : l'éducation formelle (ou scolaire), l'éducation non-formelle (ou périscolaire) et l'éducation informelle (ou non scolaire).

Dans son rapport annuel de 1988 intitulé « l'éducation en Afrique subsaharienne », la Banque Mondiale décrivait en ces termes ce qu'était l'éducation en Afrique traditionnelle :

« Les sociétés africaines ont une longue et riche tradition éducative. Dispensée de tout temps par tous les groupes ethniques et linguistiques ; l'éducation traditionnelle demeure un important moyen de transmission d'identité culturelle. Elle vise à inculquer aux enfants les comportements et les connaissances qu'exigera le rôle qu'ils sont appelés à jouer au sein de la société, mettant l'accent sur les devoirs et les prérogatives qui ont leur source dans les valeurs culturelles. Véhiculée par la parole et l'exemple au foyer, ainsi que par les leçons et le rituel hors du foyer, l'éducation traditionnelle vise à résoudre les problèmes concrets de la vie courante. Elle forme des dirigeants politiques aussi bien que des simples agriculteurs et elle inculque le sens civique aux membres de la collectivité».

Plongeant ses racines bien au-delà de la période coloniale, l'héritage chrétien représente le deuxième apport important à l'éducation en Afrique. Vers l'an 450, l'église chrétienne d'Éthiopie avait mis en place tout un système d'éducation qui allait devenir le support principal de la vie culturelle, spirituelle, littéraire, scientifique et artistique de ce pays.

L'islam représente la troisième influence majeure sur l'éducation africaine d'avant la période coloniale. Des structures de type scolaire et autre dont un petit nombre comme à Tombouctou au Mali, et à Lanus sur la côte EST de l'Afrique allaient connaître un grand rayonnement, furent créées pour enseigner la morale et la théologie de l'islam ».L'éducation du type formelle ne débutera en Afrique qu'avec l'arrivée des missionnaires européens.

1.2.1.2. Historique du système éducatif guinéen 

Suivant la nature des régimes socio-politiques qui se sont succédé en Guinée, le système éducatif guinéen a connu plusieurs mutations.

a) L'époque précoloniale : période avant 1895

Jusqu'en 1875, la Guinée était structurée en des Sociétés-Etats dont les chefs étaient responsables de la gestion politique, économique et militaire du territoire. L'écriture en caractère latin était inconnue. L'éducation de cette époque visait la préparation de l'enfant à la vie collective par le développement de ses aptitudes morales, intellectuelles et physiques. (FEINDOUNO, 1998).

En 1878, la première école des missionnaires fut implantée à Boffa (sur le littoral guinéen) et dix ans plus tard une école laïque française à l'ancien port négrier de Benty(préfecture de Forécariah).

b) L'époque coloniale (1895--1958)

En 1895, la Guinée devient colonie française rattachée à l'Afrique Occidentale Française (AOF). L'éducation qui était jusque-là informelle devient formelle et structurée. Neuf (9) écoles sont créées à Conakry, Boffa, Boké, Kindia, Mamou, Labé, Faranah, Kankan et Siguiri ayant un effectif total de 500 élèves.

Entre 1903 et 1911, l'administration coloniale définit un système éducatif spécial pour les colonies et crée des nouvelles écoles pour la formation des maîtres indigènes, des interprètes et des commis d'administration. A partir de 1920, la métropole procède à l'ouverture de l'école technique professionnelle Georges Poiret de Conakry et des centres d'apprentissages d'Agriculture et d'Élevage de Kindia et de Mamou.

À la fin de la deuxième guerre mondiale en 1945 on assiste à l'émergence des leaders syndicaux et politiques qui réclament l'émancipation des peuples africains par le biais de l'instruction. Le cycle de formation fut ainsi élargi du primaire au secondaire dans de nombreuses régions du pays. Les lycées techniques de Conakry (Donka) et classique de Labé (Popodara) ouvrent leurs portes. Mais l'accès à ces écoles était très limité. Jusqu'en 1957 l'effectif des élèves du secondaire n'était que de 807 élèves.

c) L'époque postcoloniale (à partir de 1958)

c-1. Le système éducatif guinéen sous la 1ère République (1958-1984) 

A la faveur du référendum du 28 septembre 1958 la Guinée accède à la souveraineté nationale. Les nouvelles autorités engagent un vaste programme de réforme du système éducatif. C'est ainsi que l'ordonnance numéro 42 /MEN du 5 août 1959 portant réforme de l'enseignement fut adopté. Cette ordonnance stipule que :

Article 1 : la réforme de l'enseignement a pour but :

de rénover les valeurs culturelles africaines ;

de rendre effectif le droit à l'instruction reconnu à tout citoyen de la République de Guinée par la loi constitutionnelle du 10 novembre 1958 ;

de permettre au peuple de Guinée d'accéder pleinement à la culture scientifique et à des techniques répondant aux besoins réels du pays.

Article 2 : l'enseignement est obligatoire pour tous les enfants et adolescents de 7 à 15 ans.

Article 3 : l'enseignement est dispensé gratuitement à tous les degrés. Cette gratuité s'étend pour la durée de l'enseignement obligatoire aux fournitures scolaires.

Article 4 : des bourses sont accordées à tous les élèves dont les familles ne peuvent pas assurer l'entretien.

Article 5 : l'éducation des enfants inaptes ou déficients intellectuels est assurée par un personnel spécialisé.

Le « NON » de la Guinée au référendum du Général de Gaule en août 1958 eut pour conséquence le départ de la quasi-totalité des enseignants français. Jusqu'en 1958, il n'existait en Guinée que trois cours normaux à Kindia, Kankan et Macenta pour la formation des moniteurs d'enseignement général. La formation des instituteurs était assurée dans les écoles fédérales du Sénégal (Sebikotane et Rufisque), du Mali (Katibougou) et de Côte d'Ivoire (Dabou). Le personnel sortant de ces écoles était loin de satisfaire les besoins du fait du départ des étrangers. Pour pallier ces difficultés, l'Etat fit appel à tous les citoyens jugés capables d'exercer la fonction d'enseignement. Parallèlement à cette action, des nouveaux centres de formation furent créés. C'est le cas de l'école normale primaire de Kankan, l'école des sages-femmes de Kindia, l'école nationale des techniques administratives de Conakry, l'école nationale d'agriculture de Foulaya, etc.).

En 1961, suite à la grève des enseignants, les écoles privées sont supprimées et la gratuité de l'enseignement et son caractère obligatoire jusqu'au baccalauréat proclamé.En 1962, l'Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry, première école d'enseignement supérieur en Afrique francophone, fut créé. Elle comprenait deux facultés : Génie civil et Mines et Géologie.

Les réformes de l'enseignement intervenues à partir de la moitié des années 60 sont marquées par la proclamation de la révolution culturelle socialiste et l'enseignement dans les langues nationales (huit au total) dans les écoles.

Les différents cycles d'enseignement en République de Guinée étaient : le Collège d'enseignement révolutionnaire premier cycle (CER 1er cycle) équivalent actuel au cycle primaire, le Collège d'enseignement révolutionnaire deuxième et troisième cycles (CER 2ème et 3ème cycle) équivalent au collège et au lycée et le CER 4ème équivalent de l'enseignement supérieur.

Le conseil national de la révolution (CNR) tenu à Conakry du 19 au 24 janvier 1970 décida de la création dans chaque unité de base du Parti-État (district ou quartier) d'un Collège d'enseignement révolutionnaire (CER 1er cycle) et chaque CER 2ème& 3ème cycle en était une unité de production et devrait «disposer d'un domaine cultivable de 120 ha et entretenir un cheptel de 60 têtes de bovins au moins ».

Dès 1972, le CNR élargi au conseil supérieur de l'éducation décida de l'introduction pour un quart dans le calcul de la moyenne de composition et des examens, de l'utilisation effective par les CER de 40 % de leur temps aux activités productives ; de l'alphabétisation systématique de tout le peuple ; de la création de l'académie des langues nationales.

Ces années sont aussi marquées par la création de l'école des agents techniques d'exploitations des postes et télécommunications de Conakry, le transfert de la faculté de Mines Géologie près du centre minier de Kamsar, de la création de l'Institut de recherche Agronomique et fruitière de Foulaya et de l'École nationale de zootechnie de Famoila (Beyla), de l'école nationale vétérinaire de Mamou, de l'école des eaux et forêts de Séredou, du transfert de l'école nationale d'agriculture de Foulaya à Faranah.

La 36ème session du CNR tenue à Conakry décida de l'introduction de l'enseignement des langues nationales au secondaire. La charte du 16 février 1975 proclama la création des facultés agronomiques dans toutes les régions administratives du pays. La Guinée comptait à cette date trente facultés d'agronomies du 1er degré et six du 2ème degré.

c-2. Le système éducatif sous la 2ème République (1984 à nos jours) 

La prise du pouvoir par l'armée le 3 avril 1984 marque un autre tournant dans l'histoire de la guinée. Des changements importants furent opérés dans le système éducatif à la suite de la conférence nationale de l'éducation tenue en mai-juin 1984 à Conakry. Les changements concernaient non seulement la restructuration du système éducatif mais aussi les stratégies et les finalités du système. Ainsi dès 1984, le français devient la langue d'enseignement à tous les niveaux. Les activités artistiques et théâtrales sont supprimées des programmes des écoles. Les programmes furent réaménagés, certaines matières telles que l'Agriculture et la Zootechnie supprimées. La quasi-totalité des CER 2ème et 3ème cycles sont fermées dans les PRL (Pouvoir Révolutionnaire Local) et les Arrondissements.

L'amélioration de la qualité de l'enseignement a aussi consisté en un vaste programme de perfectionnement et de recyclage des enseignants. Le contrôle des connaissances est renforcé par l'institutionnalisation de trois compositions annuelles au lieu de deux, la création de la classe de Terminale et l'institutionnalisation du concours d'accès à l'université. Au niveau du lycée, l'option agronomie est supprimée et deux nouvelles options sciences expérimentales et sciences sociales se sont ajoutées à l'option sciences mathématiques. Le brevet qui se passait en 9ème est ramené en 10ème, les baccalauréats premiers et deuxième parties institués en 12ème et en terminales. En 1987, les écoles privées qui avaient été suspendues à la suite de la grève des enseignants de 1961 sont autorisées à reprendre du service.

En 1990, le gouvernement lance un vaste programme d'ajustement structurel du secteur de l'éducation (PASE) et se fixent deux objectifs majeurs :

Sur le plan quantitatif, relever le taux de scolarisation de 27 à 60 % avant l'an 2000 et former 500 enseignants par an et 1400 par an après l'an 2000.Sur le plan qualitatif,

· construire et entretenir les locaux scolaires

· qualifier le personnel enseignant et d'encadrement ;

· le redéploiement des enseignants non qualifiés dans leur formation d'origine ;

· fournir des manuels scolaires à tous les établissements du pays ;

· réduire des disparités entre les sexes et les zones en matière de scolarisation

· promouvoir l'enseignement privé

· doter l'administration scolaire en matériels informatiques.

La réussite de ce premier programme valut à la Guinée son échelonnement par les bailleurs de fonds. Le nouveau programme appelé PASE-II et qui est entré en vigueur en 1996 avait pour objectif de préserver et développer les acquis du PASE-I. Sur le plan quantitatif, il se devait de porter le taux de scolarisation de 34 à 53 % en l'an 2000 et accroître le taux d'accès à l'école à 70 % du taux brut d'inscription en 1ère année en l'an 2000. Le PASE-II avait aussi pour but d'accroître la participation communautaire dans la définition des finalités de l'école et de sa gestion.En l'an 2000 un nouveau programme dénommé Enseignement de base pour tous d'ici l'an 2010 (EPT) fut lancé. L'EPT doit permettre de scolariser tous les enfants en âge d'être scolarisés d'ici l'an 2010.

Au niveau de l'enseignement supérieur, d'importants changements ont été également enregistrés depuis 1984. Dès 1986, les Instituts Polytechniques de Conakry et de Kankan sont érigés en Universités. L'École Normale Supérieure de Manéah est restructurée et rebaptisée Institut Supérieur des Sciences de l'Éducation de Guinée. En 2001, les Centres Universitaires Régionaux de Labé et de Nzérékoré ont été ouverts et rattachés respectivement à l'Université de Conakry et de Kankan.

1.2.2. Organisation du système éducatif guinéen

1.2.2.1. Les niveaux et structures d'enseignements

La structure du système éducatif guinéen est semblable à celle qu'on retrouve dans les pays francophones d'Afrique. Il comprend les niveaux suivants: l'enseignement préscolaire, l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire, l'enseignement technique et professionnel et l'enseignement supérieur.

a- L'Enseignement Préscolaire

Il prépare les tous petits à la vie scolaire par des méthodes appropriées d'éducation. En Guinée, l'enseignement préscolaire relève du Ministère des Affaires Sociales de la Promotion Féminine et de l'Enfance. Le secteur de l'enseignement préscolaire comptait environ 800 centres gérés dans leur quasi-totalité par des opérateurs privés, communautaires et des ONG spécialisées. Seulement 3 centres à Conakry, la Capitale relèvent du secteur public. Les effectifs enregistrés dans ce sous-secteur se chiffraient en 2002 à 75 000 élèves dont 42 % de filles (soit 31 624 enfants). Plus de la moitié des élèves du préscolaire fréquentent les centres se trouvant à Conakry.

b- L'Enseignement Primaire

Il a pour but :

ü d'éveiller l'esprit de l'enfant ;

ü d'assurer sa formation physique, intellectuelle, morale, civique et esthétique;

ü de préparer son intégration propre et harmonieuse dans son environnement.

L'enseignement primaire dure 6 ans et est sanctionné par un Certificat d'Études Primaire Élémentaire - CEPE (classe de 6ème Année). L'âge officiel de recrutement en 1ère Année est de 7 ans.

En 2002, les effectifs scolarisés au primaire étaient de 997 645 élèves dont 41,8% de filles. Le taux brut de scolarisation (TBS) au primaire était estimé en 2002 à 72 % (63 % pour les filles et 79 % pour les garçons). Tandis que le taux net de scolarisation (TNS) lui valait 56 % (52 % pour les filles et 62 % pour les garçons).

c- L'Enseignement Secondaire

L'enseignement secondaire a la double vocation de former les agents du niveau moyen pour les secteurs économiques et administratifs d'une part et d'autre part de les préparer à l'enseignement supérieur. Il comporte deux cycles: le premier d'une durée de quatre ans (7ème - 10ème) est sanctionné par le Brevet d'Études du Premier Cycle - BEPC et le second cycle, d'une durée de trois ans (11ème - Terminale) est sanctionné par le baccalauréat (1ère partie en 12ème et 2ème partie en Terminale) dans trois profils, sciences sociales, sciences expérimentales et sciences mathématiques.

d- L'Enseignement Technique et Formation Professionnelle

Il est destiné à développer les compétences professionnelles par la formation de la main d'oeuvre qualifiée pour le marché de l'emploi. Le recrutement se fait par voie de concours et la durée du cycle de formation est de trois ans. La fin des études est sanctionnée par le Brevet d'Études Professionnelles (BEP) et le Brevet de Technicien Supérieur (BTS) respectivement pour les établissements de type A et B.

e- L'Enseignement Supérieur

Il a pour mission la transmission du savoir à niveau plus élevé et le développement de la recherche scientifique et technique. L'Enseignement Supérieur recrute par voie de concours les élèves titulaires du Baccalauréat complet dans les Universités et les Instituts Supérieurs. La durée des études varie de 2 à 6 ans selon les facultés. Il existe 5 types de diplômes de l'Enseignement Supérieur à des niveaux différents: le DEUG, la Licence, la Maîtrise, le DEA, le Doctorat en Médecine et Pharmacie. En outre, 5 centres de formation, 7 institutions de recherche et 4 centres de documentation délivrent également des diplômes de niveau supérieur.

1.2.2.2. Évolution des effectifs des élèves, des infrastructures et du personnel enseignant

a- Évolution des effectifs scolaires : 1900 - 2000

Les effectifs des élèves ont évolué de façon significative (mais non linéaire) depuisl'implantation de la première école d'expression française par les missionnaires catholiques en1878. Ces effectifs sont passés au niveau du primaire d'environ 500 élèves en 1900, à42 543 en 1958, à 144394 en 1968, à 271 318 en 1978, à 346 807 en 1990 et 853 623 en 2000.

Source : Annuaires Statistiques-MEEPU.

Figure 1 : Évolution des effectifs scolaires : 1900 - 2000

Toutefois, cette évolution masque d'énormes disparités à la fois entre les sexes, les milieux de résidence, les régions, etc. En effet, sur les 853 623 enfants recensés dans les écoles au cours de l'année scolaire 2000-2001, seulement 41% étaient des filles (350446). Les disparités sont tout aussi importantes entre les milieux de résidence. Le TBS était estimé pendant la même période à 97 % en zone urbaine et 43 % en zone rurale. Au niveau régional, la Capitale Conakry reste de loin la plus scolarisée avec un TBS de 100 %. Les régions qui enregistrent les taux de scolarisation les plus faibles sont celles de la Moyenne Guinée et de la Haute Guinée. Dans ces régions, moins d'un enfant sur deux ne fréquente pas l'école. Et, c'est dans ces régions que la discrimination à l'égard des filles est plus prononcée.

Il faut noter que l'évolution des effectifs a même enregistré des chutes durant certaines périodes. Entre 1984 et 1987 le TBS est passé de 33 % à 27 %, soit une diminution de 6 points. Le taux brut d'admission (TBA) est tombé pendant cette même période de 50 % à 35 % dont 54 % dans les zones urbaines et 17 % seulement en zones rurales (KI-ZERBO, 1990).

 Tableau I : Évolution des effectifs des élèves et des étudiants de 1958 à 2002.

Cycles

Genre

Année

 
 

1958

1968

978

1990

1998

2002

Primaire

Total

Fille

% Fille

42 543

9 522

22,38

14 4394

44 211

30.61

271 318

92 005

33,90

346 807

109 351

19,6

674 732

249 088

36,9

997 645

417 556

41,85

Secondaire

Total

Fille

% Fille

2 547

360

14,13

29 118

4 797

16,47

105 550

28 200

26,71

75 674

17 739

23,44

153 661

39 449

25,67

271 089

789 063

29,1

Supérieur

Total

Fille

% Fille

-

-

-

644

42

6,5

2 3691

4 465

18,84

-

-

-

-

-

-

15 593

2 240

14,36

Source : archives du MEPU, Annuaires statistiques du SSP 1998 et Rapport Annuel du Programme EPT 2002.

b- Évolution des infrastructures

La première école d'expression française fût installée en Guinée (Boffa) en 1878 par les missionnaires catholiques. La deuxième l'a été dix ans plus tard à Benty (Forécariah). Jusqu'en 1900, la guinée ne disposait que de neuf (9) écoles. Elle en comptait 287 en 1958, 2370 en 1978, 3723 en 1998 et 4602 en 2002. Toutefois, ce parc d'écoles renferme un nombre important d'écoles à cycles incomplets. À l'exception de la Capitale Conakry, toutes les autres régions présentent une part importante d'écoles à structure incomplètes (EPT, 2002)

Tableau II : Évolution des infrastructures de 1958 à 2002.

Cycles

Année

1958

1968

1978

1990

1998

2002

Primaire

287

1560

2370

2476

3723

4602

Secondaire

9

252

346

230

329

-

Supérieur

0

2

5

5

5

5

Source : archives du MEPU, Annuaires statistiques du SSP 1998 et Rapport Annuel EPT 2002.

c - Évolution du personnel enseignant

Les effectifs du personnel enseignant ont augmenté de façon substantielle depuis 1958, passant de 925 à plus de 20 000 pour l'ensemble du système éducatif. Mais il faut remarquer que sur 61 enseignants qui officiaient au niveau de l'enseignement secondaire en 1958, 59 étaient des étrangers.

Tableau III : Évolution du personnel enseignant de 1958 à 2002

Cycles

Genre

Année

1958

1968

1978

1990

1998

2002

Primaire

Total

Femmes

843

21

3 894

194

6 413

794

8 699

1 957

13 883

3 405

 

Secondaire

Nationaux

-Total

-Femmes

Étrangers

3

0

59

704

34

382

3654

244

78

4846

622

-

5099

573

-

-

-

-

Supérieur

Nationaux

-Total

-Femmes

Étrangers

0

0

0

16

0

54

420

44

225

-

-

-

-

-

-

983

-

98

Source : archives du MEPU, Annuaires statistiques du SSP 1998 et Rapport Annuel EPT 2002.

1.3. Quelques faiblesses et distorsions du système éducatif guinéen

Il faut remonter aux origines de l'école en Guinée pour cerner tous les problèmes qui bloquent sa généralisation à tous les enfants d'âges scolaires. Implantée en Afrique pour les besoins des colonisateurs, l'école moderne était limitée au début à une toute petite minorité d'individus : fils d'administrateurs coloniaux, d'employés des comptoirs commerciaux, de chefs de cantons,...

Le gouverneur général de l'Afrique occidentale française PONTY(1908) déclarait en ces termes les objectifs de l'école coloniale : « rassurez-vous qu'il n'entre pas dans ma pensée de multiplier les établissements donnant autre chose qu'une instruction primaire très simple, il faut en effet prendre nos populations au stade ou elles sont dans leur évolution. Apprendre à l'indigène à parler notre langue, lui inculquer quelques notions de morale, c'est suffisant pour le moment. Ces données [...], une fois qu'ils les possèdent, l'enseignement doit être pour nos jeunes indigènes et en dehors d'une petite élite dotée d'une culture plus élevée qu'il sera de notre devoir d'encourager, devenir et rester pratique ». Son successeur ROUME(1924) continuera la même politique en affirmant : « [...] considérons l'instruction comme une chose précieuse qu'on ne distribue qu'à bon escient et limitons en les bienfaits à des bénéficiaires qualifiés » (cité par (KOSSOVI, 1993). Au-delà de ces objectifs plus que restrictifs, la lutte de libération que menait les populations africaines empêchaient nombre d'entre elles à scolariser leurs enfants.

Dans les sociétés fortement islamisées comme la Guinée, les parents assimilaient la scolarisation au christianisme. Pour attirer les musulmans dans les écoles, le gouverneur général FAIDHERBE dû instituer des cours du soir pour les enfants fréquentant les écoles coraniques.

Selon (MARTY, 1921) : « le gouvernement guinéen avait créé dans chaque escale une place de moniteur arabe confiée à un Karamoko intelligent. Les cours étaient combinés de façon à permettre aux enfants de faire leurs études dans les deux langues. De :

ü sept heures et demie à dix heures, l'école française

ü dix heures à onze heures et demie, école arabe

ü quatre heures à cinq heures et demie, école arabe

L'expérience ne fut pas sans succès et les indigènes y prenaient goût. Ils devenaient même plus forts en arabe qu'en français et se perfectionnaient dans le coran, le Borhan, la Rissala et le Miyara, avant d'avoir pénétré les secrets du système métrique. Le moniteur calquait d'ailleurs ses leçons sur les leçons de l'instituteur, et profitait de ses bons conseils. On en était arrivé à avoir dans tout le Fouta des sortes de petites médersas, où l'arabe florissait aux dépens de l'instruction moderne. Il est démontré aujourd'hui que cette fusion des deux écoles se fait la plupart du temps au détriment de l'école française. Au surplus, nous n'avons pas à travailler à l'extension de la langue arabe et de la religion du Prophète. C'est pourquoi la dissociation a été opérée, et la plus entière liberté laissée aux parents et aux enfants. On veille seulement à ce que les écoles maraboutiques, qui fleurissent dans le voisinage de l'établissement français lui fournissent, autant que possible, quelques élèves ».

La suppression de ces dispositions et l'application d'une nouvelle législation à partir de 1903 « eurent pour résultat de freiner durablement dans certaines régions l'expansion de l'enseignement. C'est surtout du côté de l'éducation des filles que l'effet retardataire de la laïcisation fut plus sensible, car les soeurs avaient su acquérir, auprès des familles, mêmes musulmanes, un capital de confiance que celles-ci ne reportèrent pas avec la même ampleur sur les instituteurs laïcs » (CAPELLE, 1990).

C'est dans ce contexte que la Guinée accède à l'indépendance en votant « NON » au référendum du général de Gaulle. En représailles, l'administration coloniale rapatria vers les autres colonies tous les fonctionnaires et cadres français qui servaient en Guinée. La plupart des écoles se retrouvent alors sans maîtres. Malgré l'ambition des nouvelles autorités, la scolarisation marquera le pas, faute d'écoles et de maîtres. Suite à la répression brutale de la grève des enseignants en 1961, la plupart des nationalistes africains qui étaient venus prêter main forte à la jeune république quittèrent le pays.

L'introduction hâtive et improvisée de la pratique des langues nationales dans les écoles sans supports didactiques adaptés à la place du français provoqua la baisse de l'enthousiasme des parents. A ces problèmes institutionnels s'ajoute un manque criard des infrastructures. Pour six mille classes existantes dans les années 80, deux mille seulement répondaient à un minimum de normes. Les classes en banco étaient les plus nombreuses dans les zones rurales. La fermeture à partir de 1984 de la quasi-totalité des collèges d'enseignements ruraux (CER) dans les districts et certains arrondissements provoqua une baisse considérable des effectifs scolaires. En effet, des nombreux élèves étaient obligés d'abandonner leurs études faute de tuteurs dans les villes. Entre 1984 et 1988, le taux de scolarisation est passé de 30,8 % à 23,3 % (KI-ZERBO, 1990).

Les politiques d'ajustement structurel dans lesquelles le gouvernement guinéen s'est lancé à la fin des années 1980 et le gel des budgets sociaux qu'elles impliquent notamment le blocage des recrutements des nouveaux enseignants continuent d'empêcher des nombreux enfants du milieu rural d'être scolarisé.

Pour pallier le manque des salles de classes dans les milieux urbains, la pratique des classes à mi-temps fut instituée. Mais que ça soit le matin ou l'après-midi, les classes présentent un niveau d'occupation supérieur à la norme. Les effectifs oscillent entre 100 et 150 à Conakry et dans les grandes villes.

Cette insuffisance des salles de classes traduit à elle seule, la faiblesse des efforts du gouvernement en faveur du secteur de l'éducation. En effet, les dépenses pour le secteur de l'éducation bien que représentant en 2002, 23 % des dépenses courantes de l'État guinéen mais cet effort consacré à l'éducation ne représente que 2,15 % du produit intérieur brut (PIB) estimé à 6325,02 milliards de francs guinéens. Ce qui place la Guinée parmi les pays qui consacrent le moins de ressources publiques au secteur de l'éducation par rapport à la richesse nationale. La moyenne en Afrique subsaharienne s'élève à environ 4 % (EPT, 2002). Ce faible effort de la part de l'État contrarie la demande d'éducation, car l'essentiel des frais de scolarité est supporté par les populations dont plus de 40 % vivent dans l'extrême pauvreté1(*).

Un autre obstacle à la scolarisation identifié par le programme éducation de base pour tous est le phénomène de redoublement. « Le redoublement constitue non seulement un coût supplémentaire pour le système mais il obstrue surtout la fluidité du système. Quand le taux de redoublement est excessif, comme il l'est en Guinée (en moyenne 27%), les enfants redoublants occupent la place des nouveaux candidats qui parfois à force d'attendre leur tour risquent de voir leur âge de scolarisation révolu. Le redoublement est surtout préjudiciable pour la scolarisation des filles qui sont déjà discriminées. Une période d'attente longue les pousse encore davantage aux travaux domestiques et à l'abandon définitif d'entreprendre des études » (EPT, 2002).

Aussi, le rapport de l'EPT, souligne une régression sensible du taux brut d'admission en première année durant la période 2001-2002, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Au niveau national, le taux brut d'admission (TBA) est passé de 66 % en 2001 à 54 % en 2002. Ce recul serait dû à l'insuffisance des enseignants. À préciser qu'en 2002, 948 seulement enseignants ont été recrutés sur un total de 2000 prévus.

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET HYPOTHÈSES DE RECHERCHE

Dans ce chapitre, nous présenterons la synthèse de la littérature sur les différents facteurs influençant la scolarisation. Cette synthèse de la littérature nous permettra de construire notre cadre conceptuel et de formuler nos hypothèses. Ce chapitre s'achèvera par la définition des concepts, la présentation des variables d'études et du schéma conceptuel.

2.1. Revue de la littérature 

La scolarisation n'a commencé à faire l'objet d'études par les démographes que pratiquement depuis deux décennies. Cette partie présentera les différents facteurs identifiés par les chercheurs comme étant un frein à la scolarisation dans les pays en développement.

Les différentes études qui ont été menées jusqu'à ce jour ont mis en évidence plusieurs types de facteurs allant des facteurs historiques aux facteurs socio-démographiques en passant par les facteurs socio-économiques, socioculturels, géographiques et régionales et les facteurs liés à l'offre scolaire.

2.1.1. Les facteurs historiques

La pertinence des facteurs historiques et géographiques dans l'étude de la scolarisation réside dans le fait qu'en Afrique la scolarisation est intimement liée à la colonisation. Les premières écoles implantées sur le sol africain par les missionnaires catholiques le furent sur les côtes des océans atlantique et indien. C'est graduellement que l'école moderne gagna les régions de l'arrière-pays. Ce qui fonde aussi l'examen des facteurs historiques c'est que les pratiques coloniales (former pour les besoins de l'administration) se sont perpétuées après les indépendances (BAKAYOKO, 2002).

La faible scolarisation des régions restées longtemps hors de l'influence coloniale ne saurait cependant s'expliquer que par les facteurs historiques. (YARO, 1994)fait remarquer qu'au Burkina Faso, des régions qui ont eu leurs écoles au début des années 1900 demeurent encore sous scolarisés. D'où la nécessité d'examiner l'influence d'autres facteurs tels que les facteurs géographiques.

2.1.2. Les facteurs géographiques 

De même que les facteurs historiques, les facteurs géographiques sont aussi évoqués par certains auteurs pour expliquer la sous scolarisation de certaines régions. C'est le cas de (WAKAM & BENZA, 2001) qui soutiennent que la pénétration de l'éducation formelle s'étend fait par les côtes, il va de soi que les régions côtières soient plus scolarisées que les régions continentales. Et, en Afrique, les régions côtières sont plus urbanisées que les régions continentales. Or, bon nombre d'études ont trouvé que la proportion d'enfants scolarisés est nettement plus élevée en milieu urbain qu'en milieu rural. Le BRUN (1971) justifie cette situation par des considérations économiques, car la construction d'une école dans les régions à faible densité est plus coûteuse que dans les régions fortement peuplées.

(YARO, 1994)a montré qu'au Burkina Faso, les taux de scolarisation oscillaient entre 10 et 15 % dans les provinces de Tapoa et 82 % dans la province de Kadigo (abritant Ouagadougou, la Capitale). Il en est de même au Cameroun, où (WAKAM & BENZA, 2001)ont indiqué qu'il y avait une forte différence de scolarisation entre les régions du Sud (Douala) et du Centre (Yaoundé) d'une part et les régions du Nord et de l'extrême Nord (Maroua) d'autre part. Mais les variations des niveaux de scolarisation observées entre les régions peuvent être le résultat de l'imbrication d'autres facteurs tels que les facteurs socioculturels dont la région est souvent l'un des proxy.

2.1.3. Les facteurs socioculturels 

Les facteurs socioculturels sont indispensables dans toute analyse des phénomènes socio-démographiques. Pour (KOUAME & RWENGE, 1996)« les variables socioculturelles contribuent à la formation des modèles culturels constituant les cadres de pensée et de pratique connus et valorisés socialement par les membres de la communauté. Elles sont des condensés d'un ensemble de normes, d'images d'habitudes, d'idées, de pratiques quotidiennes, de nécessités auxquels se réfère l'individu dans sa vie quotidienne. Ainsi, en est-il de l'ethnie et de la religion qui véhiculent pour l'essentiel les modèles traditionnels ». En tant que lieu de production des modèles socioculturels, ces deux variables affectent le comportement des individus en matière de scolarisation, notamment en ce qui concerne l'évolution des attitudes envers la scolarisation.

Selon (KABRE, 1999) : « en Afrique, l'école a longtemps été considérée comme une institution à la fois prestigieuse et exogène à la culture héritée de nos ancêtres. L'école moderne ne constituait pas à priori une réponse aux besoins de formation de la population. Elle apparaissait au contraire comme une institution importée n'ayant que peu de rapport avec les préoccupations quotidiennes de la plupart des africains. Confrontées à des situations précaires entre besoins et ressources, la population a eu parfois du mal à saisir la portée d'une formation à long terme dispensée par l'institution scolaire ». Toutefois, les individus peuvent avoir des attitudes différentes envers la scolarisation selon qu'ils soient de telle religion ou de telle ethnie.

2.1.3.1. L'ethnie 

Le contact de l'Afrique avec l'Europe et l'Asie a été un facteur important de bouleversement culturel. Les sociétés négro-africaines ont été exposées pendant longtemps aux cultures arabo-musulmane et occidentale et les ont subies comme cultures dominantes. Ces influences ont abouti à une acculturation plus ou moins grande selon l'ethnie le tout étant fonction des caractéristiques propres de chaque groupe ethnique(AKOTO, 1993). Les ethnies soudano-sahéliennes ont vite adopté la culture arabo-musulmane tandis que les bantous ont adopté plutôt la culture occidentalo-chrétienne. Mais si certaines ethnies ont embrassé facilement ces cultures d'autres par contre les ont catégoriquement refusées. « Les Baganda de l'Ouganda par exemple, ayant embrassé le christianisme, ils ont intégré à leurs cultures certaines valeurs, normes et pratiques occidentales véhiculées par cette religion, au nombre desquelles, la scolarisation des enfants des deux sexes » (AKOTO, 1993). D'autres ethnies par contre ont rejeté la culture occidentale. C'est le cas : des Coniagui et Bassari, vivant à cheval entre la Guinée, la Guinée-Bissau et le Sénégal ; les Guerzés de la Guinée; les Senofou du Burkina-Faso et du Mali; les Lobi du Burkina-Faso; les Somba du Bénin; les Kabré du Togo (RAULIN, cité par (AKOTO, 1993)). Le refus de la colonisation aurait amené certaines ethnies comme les Lobi de la Haute Volta (actuel Burkina Faso) à rejeter tout ce qui émane des « blancs », scolarisation y compris (YARO, 1995). A cette liste s'ajoutent les ethnies : Musgun, Guiziga et Arabes Choa du nord Cameroun « qui s'opposent à l'école comme elles s'opposent d'ailleurs à toute forme de modernisation »(WAKAM, 1999).

Certains auteurs comme KI ZERBO expliquent la sous scolarisation de certaines ethnies par l'insuffisance de l'offre scolaire : « l'inégale répartition des écoles (surtout secondaires et supérieures) font que certains groupes ethniques ou professionnels peuvent se trouver privilégiés » (KI-ZERBO, 1990).

2.1.3.2. La religion 

La religion musulmane est souvent citée dans la littérature comme étant l'un des freins à la scolarisation des enfants. (CAPELLE, 1990)rapporte qu'au Soudan (actuel Mali) et en Guinée, pendant la période coloniale, la propagande religieuse dans les milieux islamisés avait conduit bien des familles à penser que la fréquentation d'une école coranique rendait superflu le recours à l'école française. L'école des Blancs était considérée comme la voie la plus directe pour aller en enfer ! « La majorité des chefs religieux estimait que : ce qu'ils (les enfants) apprendront à l'école les amènera à renier leur foi ; ils deviendront des mécréants et des vauriens et seront mis au banc de la société ! » (Chef traditionnel, cité par (BÂ, 1991). Bien que cette position des érudits musulmans et des chefs traditionnels ait évolué, des appréhensions persistent toujours. Au FoutaDjallon, région Nord de la Guinée les chefs religieux et les notables voient d'un très mauvais oeil un enseignant qui ne s'acquitte pas de ses prières quotidiennes car il est susceptible de donner le mauvais exemple.

Dans le département de Bani au Burkina Faso, fortement islamisé, les ménages préfèrent envoyer leurs enfants à l'école coranique, car pour eux « l'école classique est sans valeur » ; et « les enfants de la communauté qui sont allés à l'école classique n'ont jamais été récupérés par la religion musulmane. De tels précédents font que nous ne sommes plus prêts à assister au reniement de la communauté par nos enfants » (extraits d'entretiens, (YARO, 1995).

Dans le département de Baya au Mali où l'influence de l'islam, bien que relativement récente, est grandissante, les familles se détournent de plus en plus de l'école formelle au profit des medersas et des écoles coraniques (GERARD, 1997) cité par (PILON & YARO, 2001). Ces auteurs affirment que si « l'engouement pour l'école coranique et l'école franco-arabe peut être considéré, dans certains cas, comme `une stratégie de substitution ou d'évitement' de l'école formelle, compte tenu des limites et contraintes qu'elle présente (coût des études, conditions de scolarisation, etc.), l'explication de cette `réorientation de la demande d'éducation' se trouverait davantage dans l'islam, tel qu'il est pensé et pratiqué et dans l'enseignement musulman lui-même » (idem., p27).

(ALI & al, 1998) cités par (KOBIANE J. F., 2002) expliquent aussi la sous scolarisation de certains arrondissements du Niger par le facteur religieux. HYDE cité par (PILON & YARO, 2001)pour sa part écrit que : « l'école occidentale est considérée dans ces localités comme une menace aussi bien pour les valeurs de l'islam que pour celles de l'ethnie Haoussa et à ces titre affecte davantage les femmes ».

Mais les résultats des entretiens réalisés par (ALI & al, 1998)cités par (KOBIANE J. F., 2002) dans l'arrondissement de Bouza au Niger tendent à relativiser ce conflit entre l'école formelle et l'islam. L'intérêt pour l'école coranique répondrait davantage à une nécessité d'intégrer l'enfant dans sa communauté, car elle ne s'inscrit pas dans une logique d'opposition à l'école traditionnelle formelle. Ce rôle négatif de l'islam dans la scolarisation constatée en Afrique subsaharienne est d'autant plus à relativiser que pour (ROBERTSON & BERGER, 1986)cités par (KOBIANE J. F., 2002) l'islam ne devrait pas être tenu pour seul responsable des faibles taux de scolarisation féminine en Afrique. Pour preuve, ils citent le cas du Soudan où le Nord musulman présente des taux de scolarisation significativement plus élevés que le sud christianisé et traditionnel.

Même s'il est évident que c'est dans les régions et les communautés islamisées d'Afrique subsaharienne que les taux de scolarisations les plus bas sont enregistrés, rien n'indique que ceux qui refusent de scolariser leurs enfants puisent leurs arguments dans l'islam.

2.1.4. Les facteurs socio-économiques

Parmi les facteurs socio-économiques susceptibles d'influencer l'individu dans sa décision de scolariser ou non ses enfants, on cite généralement le niveau d'instruction, l'occupation, le revenu, le niveau de vie du ménage.

2.1.4.1. Le niveau d'instruction du chef de ménage

Plusieurs études ont montré l'importance du niveau d'instruction du chef de ménage sur la scolarisation des enfants. Plus le chef de ménage est instruit plus il y a de chance que les enfants le soit également.

(CLEVENOT & PILON, 1996)et(LlOYD & BLANC, 1996)ont constaté que plus le niveau d'instruction du chef de ménage est élevé, mieux les enfants sont scolarisés. (DE-VREYER, 1993)étudiant la demande scolaire en Côte d'ivoire, trouve qu'au niveau national, une année supplémentaire d'éducation chez le chef de ménage se traduit par une augmentation de près d'une année chez l'enfant. Au Sénégal, (CLEVENOT & PILON, 1996) ont trouvé que les filles qui ont les deux parents instruits ont 6 fois plus de chance d'être scolarisées que celles de parents analphabètes. Mieux, ils affirment que l'éducation de la mère paraît plus déterminante que celui du père pour la scolarisation des enfants.(MONTGOMERY, KOUAME, & OLIVIER, 1995)sont parvenus à un résultat identique dans le cas du Ghana. En revanche, ces auteurs ont trouvé qu'en milieu rural ivoirien, le niveau d'instruction de la mère avait des effets faibles sur la scolarisation des enfants. (SHAPIRO, 1999) pour sa part a trouvé que dans le cas de la ville de Kinshasa, le niveau d'instruction du père a un effet positif sur celui de la fille. Les chefs de ménage ayant un certain niveau d'éducation ont plus de compétence pour soutenir leurs enfants dans leurs études et ils parviennent à insuffler à ses enfants des ambitions scolaires et professionnelles élevées.

(WAKAM, 2002)a dans le cas du Cameroun constaté que le niveau d'instruction du chef de ménage tend davantage à favoriser la scolarisation des filles que celui des garçons dans les ménages dirigés par les femmes et la scolarisation des garçons dans les ménages dirigés par les hommes.

2.1.4.2. L'activité du chef de ménage

Certains types d'activités se prêtent beaucoup plus au travail familial, augmentant les risques de recours à la force de travail des enfants. En effet, les enfants appartenant à des ménages dont l'activité du chef permet difficilement l'intégration d'autres membres du ménage (à savoir : les salariés des entreprises du secteur moderne ou de l'administration publique), fréquenteraient l'école dans de plus larges proportions. Alors que les enfants appartenant aux ménages où le chef est un travailleur indépendant oeuvrant le plus souvent dans le secteur informel seraient plus exposés au risque de travailler, donc de ne pas fréquenter l'école. Pour (MARCOUX, 1994a), ceci s'explique par le fait que le chef de ménage salarié peut difficilement compter sur la participation d'un enfant à son activité économique afin d'augmenter son rendement ou encore, le revenu de son travail. Cela ne sera toutefois pas le cas du travailleur indépendant qui pourra espérer une augmentation de ses gains monétaires en intégrant un enfant dans la chaîne de production qu'il contrôle. De même, il est logique qu'un commerçant tente d'accroître ses bénéfices en vendant sur autant de marchés qu'il a d'employés.

2.1.4.3. Le niveau de vie du ménage

Des nombreuses études ont mis en exergue, l'existence d'une relation entre le niveau de pauvreté des ménages et la nécessité du travail des enfants (LANGE M. F., Cent cinquante ans de scolarisation au Togo : bilan et perspective, 1991) (UNICEF, 2000).

En Afrique subsaharienne la culture scolaire ne participe pas toujours à une large reproduction de la société. Dans bien des cas, la scolarisation est plutôt apparue comme un acte de conformité par rapport à une attitude générale (GERARD, 2001). « Le fait de ne pas scolariser ses enfants résulte souvent d'une impossibilité (notamment financière) ou correspond à certains paramètres sociaux comme le statut de l'enfant, ses rôles et ses fonctions au sein du groupe d'appartenance véritable maillon dans l'organisation de la production, des rapports matrimoniaux (comme la fillette), il n'est simplement pas libéré par son groupe ». Car, « il est ainsi des rôles rituels que lui seul peut remplir » (ERNY, 1987)Mais le petit africain est aussi appelé très tôt à participer à la marche de la société par son travail et les responsabilités d'ordre économiques qu'on lui demande d'assumer. « Avec l'âge qu'on appelle ailleurs traditionnellement de `raison', et qui correspond en gros au moment de la deuxième dentition, on assiste à un changement important dans l'attitude des adultes vis-à-vis des enfants et dans l'attente qu'ils entretiennent à leur égard. On les considère désormais comme soumis à l'ensemble des obligations coutumières, on commence à leur demander une participation réelle et souvent plus importante au travail commun. Ils représentent aux yeux des adultes une main-d'oeuvre nullement négligeable » (idem). Pour J. KENYATTA, l'enfant doit rendre service, car « la prospérité dépend des activités de tous les membres du groupe familial ».

Ainsi, les caractéristiques économiques des populations jouent un rôle particulièrement important dans la détermination du volume de la demande scolaire, de nombreuses contraintes économiques étant en effet liées à la scolarisation. Les dépenses financières qu'implique l'envoi et le maintien d'un enfant à l'école sont loin d'être négligeables surtout pour des familles disposant d'un revenu aussi faible que celui de la Guinée, s'y ajoute le coût d'opportunité que représente la renonciation par les familles du travail de l'enfant. La vie quotidienne est en effet ponctuée de nombreuses corvées dévoreuses de temps et d'énergie pour lesquelles les enfants sont mis à contribution dès leur plus jeune âge : recherche d'eau au puits, collecte de bois de chauffe, surveillance des enfants en bas âge, aide aux travaux champêtres, aide à la surveillance des troupeaux ou du petit élevage, aide au petit commerce et autres (RWEHERA, 1998). A ce titre, « les conditions de vie et de travail dans lesquelles évolue la société coutumière (africaine) lui interdisent de sécréter des institutions du type scolaire classique qui arracheraient l'enfant à la production et le transformerait ainsi en une charge pour sa famille » (ERNY, 1987) D'où la nécessité selon certains économistes dont GARY BECKER d'employer la méthodologie de la microéconomie pour analyser les décisions familiales comme le mariage, le divorce, le nombre d'enfants désirés, la scolarisation,.... « L'idée sous-jacente à cette démarche est qu'il y a des éléments de choix dans le comportement démographique de sorte que quelques-unes des considérations utilisées par les économistes peuvent être pertinentes dans ce domaine » (CADIER, 1990).

Il est aujourd'hui établit que : « l'utilisation des enfants d'âge scolaire pour des activités économiques n'apporte que des avantages à court terme. En règle générale, un enfant ayant reçu une éducation adéquate fera à la longue un travailleur beaucoup plus utile et plus productif que s'il était analphabète »(FAROOQ & AFOSU, 1992). Les études qui ont cherché à établir une relation de causalité entre la scolarisation et le travail des enfants sont parvenues à la conclusion que l'influence négative du travail des enfants sur la scolarisation varie suivant les modes de production.

(KOBIANE J. F., 1999)dans une étude sur le milieu rural burkinabé a trouvé que la scolarisation croît lorsqu'on passe des ménages pratiquant les cultures extensives aux ménages engagés dans les cultures intensives d'exportations. Cela s'expliquerait par le fait que les premiers demandent plus de main-d'oeuvre que les seconds.

Au Botswana, (CHERNICHOVSKY, 1985) a montré que l'importance des ressources dont dispose un ménage influence le comportement de celui-ci en matière de scolarisation : les ménages disposant d'un grand cheptel auraient la possibilité d'embaucher des ouvriers et par conséquent, ne pas recourir à la force de travail de leurs enfants. Ce qui est tout le contraire des ménages ne disposant pas de suffisamment de terre et de cheptel.

La scolarisation des enfants constitue un coût immédiat non négligeable. En effet, « la fille peut être amenée à participer davantage aux travaux domestiques, permettant ainsi à la mère de consacrer plus de temps aux activités productives ou à appuyer celle-ci dans ses activités génératrices de revenus » (BAZZI-VEIL, 2000).

Dans le cas de la Côte d'Ivoire, (BAKAYOKO, 2002) trouve que les enfants qui consacrent plus de deux heures par jours aux travaux domestiques ont 41 % moins de chance de fréquenter une école que ceux qui font moins de temps. Cette étude s'inscrit dans le sillage de nombreuses autres études qui ont permis de conclure que « le meilleur statut de l'enfant, en termes d'occupation, est la scolarisation ».

2.1.5. Les facteurs liés à l'offre scolaire

La proximité des infrastructures éducatives, mais aussi leurs équipements, leur accessibilité financière, les qualifications du corps enseignant, etc. sont autant des facteurs qui peuvent influencer la propension des familles ou des parents à envoyer leurs enfants à l'école. Comme le souligne (LANGE M. F., Cent cinquante ans de scolarisation au Togo : bilan et perspective, 1991)(LANGE, 1991), si la scolarisation est caractérisée par la volonté que les ménages ont d'inscrire leurs enfants à l'école, elle dépend aussi et surtout de la capacité que l'État a d'offrir des écoles et des maîtres.

C'est surtout au niveau de l'explication des inégalités sexuelles d'accès à l'école qu'intervient bien souvent la question de la distance à l'école : de crainte de les exposer à des agressions physiques ou morales, les parents évitent d'envoyer les filles dans des écoles distantes du lieu d'habitation (KOBIANE J. F., 2002). « Les filles qui ne peuvent se libérer facilement des tâches domestiques disposent de moins de temps que les garçons à consacrer à leur scolarité. Dès lors, le parcours d'une longue distance pour aller à l'école par la fatigue supplémentaire ainsi que la perte de temps qu'il constitue pour les devoirs scolaires ou le loisir, facilite la déscolarisation quand il ne décourage pas tout simplement la scolarisation de la fille »(BAZZI-VEIL, 2000).

ALDERMAN& al. (1996) cités par (KOBIANE J. F., 2002) mettent également en évidence, dans le contexte du milieu rural Pakistanais, que la disponibilité des institutions scolaires est l'un des facteurs déterminants de l'accès des filles à l'école et de leurs performances scolaires.

C'est à juste raison donc que l'offre d'éducation constituait la toile de fond de la conférence de Jomtien (1990). « La déclaration et le cadre d'action de Jomtien partent de l'hypothèse que si l'offre est satisfaisante (sur les plans de quantité, de la localisation et de la qualité), enfants et adultes iront à l'école et l'objectif de l'éducation pour tous sera atteint »(HALLAK, 1994, cité par (PILON & YARO, 2001).

2.1.6. Les facteurs socio-démographiques 

2.1.6.1. Le sexe de l'enfant 

« On aime les filles pour ce qu'elles sont et les garçons pour ce qu'ils vont être »2(*) (..., 1821).

Le fait que les filles soient moins scolarisées que les garçons en Afrique subsaharienne est un phénomène bien connu. Beaucoup voient dans ce phénomène l'influence des pesanteurs socioculturelles. Selon (ORIVEL, 1994), la discrimination faite aux filles varierait quelque peu selon les aires culturelles. Elle est plus forte en Afrique francophone et progresse légèrement moins vite vers l'Afrique anglophone.

Les facteurs socioculturels seraient responsables de la sous scolarisation des filles constatée en Afrique subsaharienne; à cause notamment de la conception traditionnelle affectant la femme aux activités domestiques, la précocité des mariages pour les jeunes filles, le statut « d'étrangère » de la fille, etc. (PILON & YARO, 2001).

Pour MUNGAH (1993), cité par (WAKAM & BENZA, 2001) la marginalisation dont sont victimes les femmes en matière de scolarisation tire ses fondements dans le processus de socialisation et d'éducation familiale, qui met plus l'accent sur la dépendance que sur la réussite scolaire des filles.

Les entretiens réalisés sur ce sujet au Mali par (GUEYE & al., 1993)sont illustratifs des perceptions quant à l'utilité de scolariser les filles : « une fille qui a été à l'école sera tentée d'oublier les règles de conduite vis-à-vis de son mari auquel elle doit respect, obéissance et soumission » (homme khassonké), « quand tu envoies une fille à l'école, souvent elle devient inapte pour les travaux ménagers, c'est une perte » (femme peule).

Pierre COCO (1977), cité par(QUENUM, 1998) rapporte que chez les Yoruba « envoyer les filles à l'école, c'est les jeter dans les bras des instituteurs qui en feront des objets de plaisir et déclineront toute responsabilité en cas de grossesse. Or nombre de ces filles sont déjà promises à de braves fermiers entièrement dévoués aux `beaux- parents'... ».

L'étude de (BONINI, 1998) sur les stratégies éducatives du peuple Masaï du Kenya est aussi révélatrice de cette discrimination faite aux filles : « si la scolarisation des garçons peut avoir certaines retombées positives sur l'unité familiale, celle des filles est en général considéré comme inutile, ne pouvant profiter à la famille. En effet, chez les masaï, patrilinéaires et à résidence virilocale, les filles sont amenées à quitter le foyer parental pour aller vivre dans le boma de leur mari (ou de leur beau-père) dès leur mariage.... Les connaissances que la jeune fille aura accumulées durant sa scolarité ne pourront donc être d'aucun profit à ses parents mais bénéficieront en revanche à sa belle-famille au côté de qui elle réside désormais. Les parents perdent alors le bénéfice de la scolarisation de leur fille sans que cette éducation ait un impact positif sur le mariage lui-même. Par conséquent, à cause du futur mariage de leur fille et du départ qu'il provoque, les parents qui attendent certaines retombées du passage à l'école de leurs enfants préfèrent généralement y envoyer les garçons. Pour autant, ils n'opposent pas de fortes résistances à la scolarisation des filles au primaire qui pour inutile qu'elle soit, n'est pas considérée à ce stade du moins, comme nuisible... ».

Aussi, « c'est sous la condition que la mise à l'école d'une fille ne porte pas atteinte au devenir et au statut de ses frères que les choix scolaires s'effectueront. Le temps de la scolarité, le type d'école ou de filière doivent ainsi être considérés comme des choix sociaux et économiques déterminés autant par le fait d'être de sexe féminin que d'être en concurrence au sein de la famille avec des enfants de sexe masculin » (LANGE & al, 1998).

Cette discrimination à l'égard des filles reste de mise même chez certaines personnes instruites et patrilinéaires. « Si j'ai des problèmes d'argent, je donnerai plus de chance aux garçons même si ça ne marche pas fort par ce qu'ils sont appelés à me remplacer(...). Chez nous en pays Adjoukourou, la femme est appelée à vivre ailleurs, nous la considérons comme l'oiseau qui est toujours parti. Le garçon représente le `palmier', celui qui doit vivre sur le patrimoine des parents » (homme ivoirien, chef comptable d'une entreprise, cité par (PROUTEAU, 1998).

Les structures familiales jouent aussi un rôle déterminant dans la scolarisation des filles. Le type de famille (monoparentale, monogamique, polygamique), sa taille et sa composition, de même que la taille et la composition de la fratrie de la fille interviennent dans les chances d'une fille de bénéficier d'une éducation scolaire (LANGE & al, 1998).

(BOP, 1997) affirme que la détérioration des services publics constatée en Afrique se répercute en premier lieu sur la situation des fillettes, du fait qu'elles constituent l'essentielle de la main d'oeuvre féminine.(LANGE & al, 1998)ont montré qu'au lieu que l'indépendance financière et économique de certaines femmes ne se fasse aux dépens des hommes, elle se construit en premier lieu grâce à l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine féminine. Ceci pour la simple raison que « les femmes sont de plus en plus nombreuses à exercer des activités salariées ou informelles tout en maintenant une fécondité élevée, qui en raison des modèles idéologiques dominants, demeure en fait la seule valeur sociale reconnue aux femmes ».(AGBOGAN, 2003)trouve par exemple qu'au Togo : « c'est à Lomé (région la plus scolarisée du pays) que les disparités sexuelles sont les plus importantes. Les garçons de 6-11 ans ont presque quatre fois plus de chance de fréquentation scolaire que les filles ». Ce résultat contredit le constat d'ensemble fait par (LANGE M. F., 2000). Constat selon lequel « les régions aux taux de scolarisation les plus faibles sont aussi souvent les régions où les inégalités sexuelles en matière de scolarisation sont les plus élevées ».

Au niveau global, la proportion des filles dans le total des enfants scolarisés en Afrique se chiffrait à : 38 % en 1970, 42 % en 1980, 44 % en 1985 et 45 % en 1990. A ce rythme de croissance, il faudra encore vingt ans pour parvenir à l'égalité totale entre filles et garçons (ORIVEL F., 1994). Pour l'(UNESCO, 2001), si « l'augmentation du niveau général de participation paraît conduire à une réduction des disparités entre filles et garçons. Mais cela n'est pas toujours le cas. En effet, certains pays ayant pourtant des niveaux de scolarisation relativement élevés (supérieurs à 75 %) connaissent des fortes inégalités entre les sexes (cas de l'Angola, du Cameroun, du Bénin, de la Côte d'Ivoire, des Comores, du Libéria et du Togo) ».

Les années 1990 auront été celles où les institutions internationales et les États ont accordé plus d'attention à la scolarisation des filles. Mais « pour nombre d'acteurs internationaux, l'augmentation de la scolarisation des filles procède davantage d'une vision utilitariste sachant que les filles d'aujourd'hui seront les femmes, les mères de demain que d'une question éthique posée en termes de droit fondamental à l'éducation qui implique la réduction des inégalités » (PILON & YARO, 2001). (LANGE & al, 1998)pour sa part a pu écrire : « persuadés que certaines entraves au développement de l'Afrique résident dans une croissance démographique trop rapide due à une très forte fécondité des femmes qui s'explique par leur faible niveau d'éducation scolaire, certains décideurs posent comme préalable au développement, un niveau minimum d'instruction féminine, par ailleurs jamais clairement quantifié.... Si certaines institutions internationales comme l'UNICEF, insistent sur le droit fondamental des enfants à l'éducation, en y incluant celui des filles) d'autres raisonnent plutôt selon le schéma classique de l'utilitaire où la scolarisation des filles est une nécessité pour assurer la baisse de la fécondité des femmes, pour améliorer le niveau sanitaire des populations (et réduire la mortalité infantile) et plus accessoirement, pour permettre l'implication des femmes dans le domaine économique ».

2.1.6.2. Taille du ménage ou de la famille

« Qui a moins d'enfants investit davantage dans leur santé et leur éducation » (FNUAP, 1999).

La tradition dit : « épousez des femmes aimantes et prolifiques, car je serai fier de vous parmi les Nations (...). Néanmoins, le législateur2(*) a subordonné le mariage avec une femme prolifique, le mariage procréateur, à la condition de disposer des moyens matériels permettant d'assumer le coût du mariage ainsi que l'éducation et l'instruction des enfants... » Abd Allah Al Qalqili, grand mufti de Jordanie, The Population Council, 1974.

L'étude de la relation entre la taille du ménage ou de la famille et la scolarisation des enfants demeure essentiellement dominée par les théories et modèles économiques de la fécondité. Dans ces théories et modèles (cf. BECKER & LEWIS, 1973), les ménages et les familles sont supposés réaliser des choix entre le nombre d'enfants (la « quantité ») et privilégier l'investissement moyen par enfant (la « qualité »). Dans ces modèles, l'enfant est donc considéré comme un bien économique dont l'utilité dépend de ses avantages et coûts perçus par les parents.

Pour Becker, plus le nombre d'enfants est élevé, moins grandes seront les ressources disponibles en moyenne par enfant (ressources comprises au sens large : ressources matérielles telles que l'argent, mais aussi non matérielles, telles que le temps).

Cette hypothèse (l'existence d'une relation négative) entre la taille de la famille et l'éducation moyenne reçue par enfant, a été vérifiée par les données statistiques des pays industrialisésnotamment celles de LINDERT (1977), BLAKE, (1981et 1989), HANUSHEK, (1992). Ainsi, partant de cette relation BECKER (1991) et KING (1987) ont postulé que la baisse de la fécondité s'accompagnerait d'une amélioration du bien-être des enfants. Dans leur processus, les pays en développement passeraient d'un stade caractérisé par des familles de grande taille avec des faibles niveaux d'investissement dans le capital humain des enfants vers un stade où les familles de petite taille avec des forts niveaux d'investissement dans le capital humain seraient la norme (BIRSDALL, 1988, cité par (KOBIANE J. F., 2002)). Cette relation a aussi été corroborée dans certains pays en développement notamment en Asie du sud-est. En revanche, les études réalisées sur l'Afrique subsaharienne, aboutissent à un tout autre résultat : la relation entre la taille de la famille ou du ménage et la scolarisation des enfants est plus inexistante, voire positive. C'est ce qui ressort des études de (WAKAM, 1999)sur les données du recensement du CAMEROUN (1987), de SHAPIRO (1999) sur la ville de Kinshasa, de (MONTGOMERY, KOUAME, & OLIVIER, 1995) dans une étude comparative sur la Cote d'Ivoire et le Ghana, de (LlOYD & BLANC, 1996) sur sept pays d'Afrique (Kenya, Tanzanie, Cameroun, Niger, Malawi, Namibie et Zambie), de (MARCOUX, 1994a)en Milieu urbain malien, de (CHERNICHOVSKY, 1985) en milieu rural au Botswana, de (GOMES, 1984) au Kenya.

Cette différence entre l'Asie du Sud-est et l'Afrique subsaharienne quant à la relation entre la taille du ménage et le niveau de scolarisation des enfants est généralement expliquée par des différences dans les systèmes familiaux (KOBIANE J. F., 2002). L'existence des réseaux de solidarités familiales en Afrique subsaharienne, qui permettent bien souvent l'accueil de personnes extérieures au ménage (enfants comme adultes) ou l'envoi de certains membres du ménage vers d'autres unités résidentielles, aurait pour effet non seulement de réduire la pression du nombre d'enfants sur les ressources disponibles mais aussi de scolariser ces enfants. Pour (WAKAM, 1999) : « il y a lieu de penser que les ménages qui hébergent ces enfants ne sont pas les seuls à en supporter les frais de scolarisation, une partie de ceux-ci étant financés de l'extérieur par d'autres membres de la famille étendue ». (PARISH & WALLIS, 1993), (SHAPIRO & TAMBASHE, 1997)ont montré que les frères et soeurs aînés payent leurs crédits en prenant en charge l'éducation des plus jeunes.

2.1.6.3. La structure par âge et sexe des membres du ménage

À côté des travaux domestiques tels que la préparation des repas, l'entretien des lieux, il y a une activité non négligeable qui est la prise en charge des plus petits, en l'occurrence les soins à leur accorder ainsi que leur gardiennage. Du fait de la division sexuelle des rôles dans la sphère familiale, qui plus est dans les économies peu développées où les institutions s'occupant de la garde des enfants sont rares, cette responsabilité incombe aux femmes la garde des enfants revient aux femmes et aux jeunes enfants en particulier les filles (KOBIANE J. F., 2002). Ainsi, l'une des hypothèses que l'on a cherché à vérifier était de savoir si le nombre d'enfant d'âge préscolaire (enfants de moins de 6 ans) dans le ménage contribuait à diminuer les chances de fréquentation scolaire des filles. Cette relation négative est observée par (CHERNICHOVSKY, 1985) au Botswana, (LlOYD & BLANC, 1996)dans l'étude portant sur les sept pays d'Afrique subsaharienne et (GLICK et SHAHN 2000) dans une étude portant sur la ville de Conakry en Guinée. Elle est aussi observée dans des nombreux pays en développement. Il y aurait cependant quelques exceptions, (MARCOUX, 1994a)observe en milieu urbain malien que la présence des enfants de 0-4 ans dans le ménage accroît plutôt la fréquentation scolaire des 8-14 ans.

De même (LlOYD & BLANC, 1996) trouvent que pour deux des sept pays qu'elles ont étudié (Niger et Malawi) que la relation même si elle n'est pas statistiquement significative, est positive. Par ailleurs (WAKAM, 1999) dans le cas du Cameroun trouve que c'est dans les ménages n'ayant aucun enfant de 6-14 ans que la scolarisation est élevée, alors qu'elle est faible dans les ménages n'ayant aucun enfant en bas âge et ceux qui en ont au moins deux que la scolarisation des enfants de 6-14 ans est élevée alors qu'elle est faible dans les ménages ayant un seul enfant en bas âge. Toutefois, lorsqu'il considère la fréquentation scolaire des 15-24 ans, la relation négative s'observe quel que soit le sexe, mais est plus forte chez les filles. Ce résultat signifierait peut-être que c'est surtout aux adolescents et non aux enfants d'âge intermédiaire (6-14) que revient la prise en charge des plus petits. « Tout ceci pose la question des mobiles à la base de la présence des membres extérieurs au noyau familial du chef de ménage, informations absente des sources de données classiques utilisées dans ces études. Une telle information permettrait de mieux affiner la relation entre la composition démographique du ménage et la scolarisation des enfants » (KOBIANE J. F., 2002).

(MARCOUX, 1994a)a montré qu'en milieu urbain malien que les enfants appartenant à des ménages qui ont recours à une domestique ont des taux de fréquentation scolaire plus élevés que les autres; les écarts étant plus importants chez les filles. Par ailleurs, (WAKAM, 1999) et (MARCOUX, 1994a), ont observé que plus il y a d'adultes féminins dans le ménage, plus la fréquentation scolaire des enfants est élevée. « Une explication plausible de cette association positive est que la présence et le nombre d'adultes femmes libéreraient les enfants des tâches domestiques et leurs permettraient d'aller et de se maintenir à l'école » (WAKAM, 1999). La présence des personnes âgées dans le ménage aurait également une influence sur la scolarisation des enfants. Ainsi, cité par (KOBIANE J. F., 2002), (CHERNICHOVSKY, 1985)dans le cas du Botswana trouve que plus il y a de personnes de 60 ans ou plus dans le ménage, plus le niveau moyen d'éducation par enfant ainsi que le temps passé à l'école sont important. (WAKAM, 1999)analyse aussi cette relation mais en distinguant les femmes âgées et les hommes âgés et trouve que : le nombre d'hommes âgés de 60 ans et plus a un effet négatif sur la fréquentation scolaire des filles quel que soit le milieu de résidence, alors que pour les garçons la relation est positive, mais cependant non significative, en milieu rural. Quant au nombre de femmes âgées de 60 ans ou plus, son effet sur la fréquentation scolaire des filles comme des garçons en milieu rural est positif alors qu'en milieu urbain, la relation n'est pas significative chez les filles et est curvilinéaire chez les garçons.

2.1.6.4. Le sexe et la situation matrimoniale du chef de ménage

Les ménages ayant à leur tête une femme étant beaucoup plus susceptibles d'être pauvres (BARROS & al, 1997), (BUVINIC & GUPTA, 1997), (LlOYD & BLANC, 1996), on s'attend généralement à ce que le niveau de scolarisation des enfants y soit plus faible que dans les ménages dirigés par un homme. Pour (GUVINIC & GUPTA, 1997) cités par (KOBIANE J. F., 2002) les facteurs qui expliquent cette situation sont que : les ménages dirigés par une femme sont plus dépendant, c'est à dire ayant un rapport inactifs / actifs relativement plus élevé; ces femmes ont en moyenne des revenus plus faibles que les hommes, moins de biens, moins accès aux activités rémunératrices et aux ressources et aux ressources productives telles que la terre, le capital et la technologie, En somme, les ménages dirigés par les femmes sont économiquement plus vulnérables.

(BARROS & al, 1997) cités par (KOBIANE J. F., 2002) ont trouvé qu'en milieu urbain Brésilien, les enfants vivants dans des ménages dirigés par une femme ont des niveaux de scolarisation plus faibles que ceux vivant dans des ménages dirigés par un homme.

Par contre, les analyses menées en Afrique subsaharienne, à l'exception de l'étude de (LUTULALAM.,& al, 1996) cités par (KOBIANE J. F., 2002) sur la ville de Kinshasa, aboutissent au résultat selon lequel ce sont les femmes chefs de ménages qui scolarisent beaucoup plus les enfants. (CHERNICHOVSKY, 1985) dans le cas du Botswana, (PILON M. , 1995) dans une étude portant sur le Togo, (CLEVENOT & PILON, 1996) dans une analyse sur sept pays d'Afrique subsaharienne ; (LlOYD & BLANC, 1996)également dans une étude sur sept pays d'Afrique subsaharienne, (KABORE & al., 1999)dans une étude sur le Burkina Faso, (WAKAM, 2000)montrent que comparés aux ménages dirigés par un homme, les enfants appartenant aux ménages dirigés par une femme ont plus de chances d'être à l'école et y restent plus longtemps. Au Cameroun, WAKAM J. trouve que c'est dans les provinces les moins scolarisées que la différence tend à être plus prononcée en faveur des garçons et en faveur des ménages dirigés par les femmes.

Cette différence entre le résultat trouvé au Brésil et celui trouvé en Afrique au sud du Sahara semble être dû à des différences de systèmes familiaux(KOBIANE J. F., 2002). En effet, si les femmes chefs de ménages arrivent à scolariser aussi bien leurs enfants que les hommes chefs de ménages c'est certainement par ce qu'elles bénéficient d'un soutien économique. Ce qui est soulignent(BUVINIC & GUPTA, 1997) cités par (KOBIANE J. F., 2002), le reflet de la persistance d'un certain type de système familial, notamment celui qui renforce le transfert des revenus des pères vers les enfants. Cette explication est assez plausible dans le contexte africain mais elle reste insuffisante comprendre pourquoi la scolarisation des enfants dans les ménages dirigés par une femme est généralement plus élevée que dans les ménages dirigés par un homme (KOBIANE J. F., 2002). La raison la plus invoquée dans la littérature est que les femmes seraient garantes d'une meilleure allocation des ressources au sein du ménage. Pour Pilon, « Les femmes chefs de ménage investissent davantage que les hommes dans leurs enfants que ce soit en terme de temps, d'argent ou de support affectif, et cela est particulièrement vrai en matière d'éducation. Leur gestion des ressources s'avère plus rigoureuse et plus responsable. On peut penser qu'ayant été elles-mêmes, dans l'ensemble, victimes d'une sous scolarisation, les femmes perçoivent mieux que les hommes l'enjeu de l'instruction pour le devenir de leurs enfants. En outre, leur attente est forte d'un retour sur investissement lorsque leurs enfants auront un emploi ». Mais, « quand on sait qu'elles sont plus démunies, en moyenne, que leurs homologues masculins, il y a lieu de penser qu'elles bénéficieraient davantage d'appuis extérieurs (financiers ou en nature) en provenance notamment de leurs partenaires sexuels et d'autres membres de la famille élargie (c'est à dire en fait des hommes) pour la prise en charge des frais de scolarisation et que beaucoup d'enfants qu'elles accueillent le seraient précisément pour aller à l'école » (WAKAM, 1998).

La polygamie, pratique matrimoniale courante en Afrique subsaharienne, permet souvent des formes d'organisation de la production qui peuvent alléger la demande de main-d'oeuvre enfantine et par conséquent accroître les chances d'un enfant d'être scolarisé. Les résultats trouvés par (MARCOUX, 1994a) cité par (KOBIANE J. F., 2002) en milieu urbain au Mali révèlent que ce lien entre la situation matrimoniale du chef de ménages et la scolarisation des enfants dépend du sexe de l'enfant : les garçons appartenant à des ménages dont le chef est polygame présentent les plus forts taux de scolarisation. Chez les filles, ce sont celles qui appartiennent à un ménage où les coépouses cohabitent qui sont le plus scolarisées ; ce qui suggère « que les ménages polygames en milieu urbain présentent une structure qui leur permet plus facilement de se dispenser du travail des enfants de 8-14 ans. On peut penser en effet que la prise en charge par d'autres membres du ménage des activités habituellement exécutées par les enfants est plus difficile pour les femmes en union monogame » MARCOUX, cité par(KOBIANE J. F., 2002).

Toutefois, dans les études de (PILON, 1993), (LUTULALA & al, 1996), (GERARD E. , 1998), il apparaît que les chefs de ménage monogames scolarisent plus les enfants que les polygames. Si dans ces études, la polygamie est associée à de faibles taux de scolarisation, elle semble tout de même « favoriser la compétition et le plus grand succès des enfants (car la proportion d'enfants diplômés est plus importante chez les enfants surtout les garçons de père polygame). La rivalité entre coépouses (...) conduit en effet nombre de femme à déployer des stratégies pour obtenir les faveurs de leur mari. La scolarité des enfants en est une, car le prestige associé au succès, scolaire en l'occurrence ne manquera pas de rejaillir sur celle qui l'a encouragé. Réciproquement, parvenir à être l'épouse préférée de son mari accroît les chances de ses propres enfants d'être scolarisés, être moins aimée de lui, les prive bien souvent del'instruction ».

2.2. Hypothèses et schéma conceptuel 

L'objectif principal que poursuivent les démographes quand il s'agit d'étudier un phénomène est d'expliquer les variations dans ces niveaux soit dans le temps, soit parmi différents groupes d'une population.

L'explication implique un processus d'identification des mécanismes causals responsables des changements dans les niveaux observés du phénomène (STROOBANT et TABUTIN, 1982, cité par(CAVANOS, 1994). Il s'agit donc pour nous d'identifier les mécanismes par lesquels les facteurs socio-économiques, sociodémographiques et socioculturels influencent (positivement ou négativement) la scolarisation des enfants.

2.2.1. Hypothèses

En Guinée, la scolarisation varie en fonction des Régions. Cette différence est due aux facteurs socio-économiques, sociodémographiques et culturels.

Plus spécifiquement, nous pensons que :

H1 - la scolarisation des enfants des différentes régions augmente avec l'urbanisation. Autrement dit, plus la région est urbanisée, plus les enfants sont scolarisés ;

H2 - le niveau de vie du ménage influence les disparités régionales de la scolarisation, les régions les moins pauvres sont les mieux scolarisées

H3 - les filles sont moins scolarisées que les garçons et les femmes chefs de ménages scolarisent mieux leurs enfants que les hommes chefs de ménages ;

H4 - la scolarisation des enfants est positivement associée avec le niveau d'instruction des parents notamment celui de la mère. Plus la mère est instruite mieux les enfants sont scolarisés ;

H5 - les musulmans scolarisent moins les enfants que les non musulmans.

2.2.2. Schéma conceptuel :

Caractéristiques

Socioéconomiques des mères

Caractéristiques Socio-démographiques des mères

Caractéristiques socioculturelles des mères

Offre scolaire

Scolarisation

des enfants

Demande de scolarisation des ménages

Contexte historique de la région

Contexte socioculturel de la région

Contexte socio économique de la région

Contexte socio-politique de la région

2.2.3. Définition des concepts

Le contexte socio-politique régional

C'est la situation sociale et politique qui règne dans la région.

Le contexte socio-économique : c'est la situation socioéconomique de la région.

Le contexte socioculturel : c'est l'environnement social et culturel dans lequel vit l'enfant caractérisé par des coutumes et des habitudes.

Le contexte socio-historique : c'est la situation sociale et historique qui a prévalu dans la région.

Caractéristiques socio-économiques et culturelles

Par caractéristiques socio-économiques et culturelles, nous entendons l'ensemble des facteurs d'ordre social, économique et culturel situés aussi bien au niveau macro (pays, région), que méso (Communauté, famille) et micro (individu) et susceptibles de conditionner le comportement des mères en matière de scolarisation. Il s'agit des caractéristiques individuelles d'identification (niveau d'instruction, profession, milieu de résidence, région, religion, ethnie) et des normes et valeurs culturelles qui peuvent modifier l'attitude de l'individu et le prédisposer à scolariser ou non ses enfants.

Caractéristiques socio-démographiques

Les caractéristiques socio-démographiques seront comprises comme l'ensemble des caractéristiques sociales et démographiques qui motivent les individus à scolariser les enfants. Ce sont dans notre cas le sexe et l'âge des enfants et du chef de ménage, la taille du ménage, l'état matrimonial de la mère, le statut de résidence de son conjoint.

L'offre scolaire : l'est l'ensemble des structures scolaires pour l'organisation de l'enseignement (locaux, équipements, matériels didactiques), humaines (personnels enseignant et d'encadrement) et institutionnelles (législation nationale).

La demande de scolarisation : c'est l'ensemble des facteurs (scolaires, économiques, sociaux, démographiques, culturels, religieux et politiques) que les individus et les groupes prennent en compte directement ou indirectement, consciemment ou non, dans leurs pratiques de scolarisation ; ces facteurs conditionnent ainsi la mise à l'école , l'itinéraire scolaire et la durée de la scolarité.

La scolarisation

La scolarisation se définit par rapport à la fréquentation d'un établissement scolaire, public ou privé, laïque ou confessionnelle, au cours d'une période donné.

CHAPITRE 3 : CADRE D'ANALYSE ETASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

Ce chapitre sera consacré à la présentation de la source des données utilisées, à l'évaluation de leur qualité et à la présentation, des variables retenues, du schéma d'analyse et des méthodes statistiques d'analyse que nous utilisons dans ce travail.

3.1. Source des données 

Pour cette étude, nous avons exploité les données de l'Enquête Démographique et de Santé (EDS), réalisée en Guinée entre les mois de mai et juillet 1999. Nous n'avons exploité que les informations recueillies à l'aide du questionnaire femme car les questions approfondies sur la scolarisation ont été recueillies grâce à ce questionnaire.

3.1.1. Objectifs de l'EDSGII, 1999

En plus des objectifs standards des Enquêtes Démographiques et de Santé, à savoir : connaître les niveaux et tendances de la fécondité, de la mortalité infantile, juvénile et maternelle, déterminer le niveau de connaissance et d'utilisation des méthodes contraceptives, etc., l'EDSG-II s'est attachée à recueillir des informations détaillées sur les déterminants de la scolarisation en Guinée.

Les objectifs de l'EDSG-II concernant l'éducation étaient les suivants :

· fournir, au niveau national, les données qui permettent de déterminer les niveaux d'instruction et les taux de fréquentation scolaire ;

· évaluer la demande des ménages en matière de scolarisation en étudiant la participation scolaire des enfants, les coûts, les bénéfices de la scolarisation ;

· évaluer la connaissance et les comportements des ménages et de la communauté en ce qui concerne les problèmes de l'éducation.

3.1.2. L'échantillonnage 

L'EDSII a été réalisée par la Direction nationale de la Statistique et s'est déroulée entre les mois de mai et juillet 1999, Elle a couvert l'ensemble des régions naturelles du pays (Basse Guinée, Moyenne Guinée, Haute Guinée et Guinée Forestière) et la Capitale Conakry.

L'échantillon, représentatif au niveau national et au niveau des milieux de résidence était stratifié à 2 degrés. Au premier degré, 293 grappes avaient été sélectionnées en procédant à un tirage systématique avec probabilité proportionnelle à la taille, la taille étant le nombre de ménages. Au second degré, un dénombrement des ménages dans chacune de ces grappes a fourni la liste des ménages.

Au total, 5465 ménages avaient été sélectionnés. Parmi eux, 5216 avaient été identifiés au moment de l'enquête et 5090 avaient été interviewés avec succès donnant un taux de couverture de 97,6%.

Sur l'ensemble des ménages interviewés on avait dénombré 7117 femmes en âge de procréer (15-49ans). Parmi ces femmes, 6753 avaient été interviewées avec succès, soit un taux de couverture de 95 %.

3.1.3. Questionnaires 

Quatre types de questionnaires avaient été utilisés : le questionnaire ménage, le questionnaire femme, le questionnaire homme et le questionnaire sur la disponibilité des services communautaires.

3.1.3.1. Présentation du questionnaire femme 

A l'aide du questionnaire femme  on a collecté des informations relatives à la scolarisation des enfants d'âge primaire (6-15ans). On demandait si l'enfant a déjà fréquenté l'école et, si non, pourquoi il n'a jamais fréquenté l'école. Pour chaque enfant qui a fréquenté l'école, on a posé des questions sur l'âge qu'il avait quand il est allé à l'école pour la première fois, sur son assiduité et sur son niveau d'instruction au cours de l'année actuelle et au cours de l'année précédente. Ces questions constituent des filtres pour d'autres questions concernant le redoublement, l'abandon, l'absentéisme, le type d'école fréquentée et les dépenses pour les frais de scolarité.

3.2. Variables et indicateurs

Pour tester nos hypothèses, nous allons utiliser les variables socioculturelles, socio-économiques, socio-démographiques ci-dessous.

3.2.1. Variable dépendante

Notre souhait était d'étudier la fréquentation scolaire actuelle des enfants selon les différentes région de la Guinée. Mais la question sur la fréquentation actuelle contenue dans le questionnaire ne concerne que les enfants qui fréquentaient une école primaire au moment l'Enquête ou ont déjà eu à fréquenter l'école primaire. Ceux qui fréquentaient le collège n'ont pas été enquêtés. C'est pourquoi nous avons choisi comme variable dépendante la variable qui correspond à la question s711. Elle était libellée ainsi qu'il suit " est ce que (nom) a déjà fréquenté l'école ? ". Celle-ci aussi comporte des biais puisque des enfants qui ne fréquentent plus seront comptés dans le groupe. Néanmoins nous avons estimé qu'elle répond mieux à notre préoccupation à savoir : déterminer les raisons de la non scolarisation de certains enfants âgés de 6 à 14 ans en République de Guinée. Un autre biais lié à cette variable est que la plupart des caractéristiques individuelles de l'enfant et de sa mère et les caractéristiques du ménage peuvent ne pas être celles qu'avaient les individus au moment où il fallait inscrire l'enfant à l'école.

La variable avoir fréquenté l'école prend la valeur 1 si l'enfant a été scolarisé et 0 sinon.

3.2.2. Variables indépendantes

Les variables que nous avons retenues ici sont :

3.2.2.1. Caractéristiques socio-économiques

Le milieu de résidence :

C'est le milieu où vit l'individu. Il a deux modalités : urbain et rural.

Le niveau d'instruction de la mère

Le niveau d'instruction est le niveau le plus haut atteint dans le système formel d'enseignement. Il comprend les modalités suivantes : sans niveau, primaire, secondaire ou plus.

L'activité de la mère

C'est le secteur d'activité dans lequel exerce la mère. La variable secteur d'activité comprend les modalités suivantes : Sans activité, agriculture, commerce et administration.

3.2.2.2. Caractéristiques socioculturelles

La religion de la mère:

C'est la religion déclarée par la mère au moment de l'enquête. Pour cette variable, deux modalités ont été retenues : musulman, non musulmans (chrétiens, animistes et autres).

L'ethnie de la mère

Les ethnies spécifiées dans l'EDSGII, sont soussou, peulh, malinké, kissi, toma, guerzé et autres. Nous avons regroupé les kissi, toma, guerzé et autres dans une seule modalité : ethnies forestières, compte tenu de leur ressemblance sociologique.

3.2.2.3. Caractéristiques sociodémographiques

L'âge de l'enfant

C'est l'âge qu'avait l'enfant au moment de l'enquête. Il va de 6 à 14 ans révolus.

Le sexe de l'enfant

C'est le sexe déclaré de l'enfant. Il comprend deux modalités : masculin et féminin.

Le sexe du chef de ménage

Le sexe du chef de ménage est le sexe de la personne de référence dans le ménage. Elle comprend deux modalités : masculin et féminin.

L'âge du chef de ménage

C'est l'âge individuel du chef de ménage au moment de l'enquête. Il va de 20 à 95 ans.

La taille du ménage

La taille du ménage est le nombre d'individus habitant le ménage. Il va de 1 à 40.

L'état matrimonial de la mère

C'est l'état matrimonial de la mère au moment de l'enquête. Cette variable comprend deux modalités : sans conjoint et avec conjoint. Nous n'avons pas retenue les modalités monogames, polygames, célibataires, veuves ou divorcées compte tenue de la multi-colinéarité supposée entre les femmes chefs de ménages et les femmes célibataires, veuves, divorcées ou polygames.

Le statut de résidence du conjoint

Cette variable rend compte de la corésidence de la femme avec son conjoint. Elle comprend les modalités suivantes : conjoint dans le ménage, conjoint hors du ménage et résidus (les manquants et les sans objet, c'est à dire les femmes veuves ou divorcées).

3.3. Évaluation de la qualité des données

3.3.1. Les limites de l'EDSG-II

La procédure de collecte utilisée par l'EDSG-II est sujette à deux types d'erreurs : les erreurs d'observations et les erreurs d'échantillonnage. Les erreurs d'observations sont imputables à la collecte et à l'exploitation des données tels que :

ü l'omission des ménages sélectionnés ;

ü les problèmes de date des évènements démographiques ;

ü la mauvaise interprétation des questions aussi bien de la part de l'enquêteur que de l'enquêté (e) ;

ü les erreurs de saisie des données.

Ces biais sont difficiles à estimer et on supposera qu'ils ont été minimisés le plus possible.

Une partie des erreurs peuvent être liée à l'exhaustivité de l'échantillon tiré, Les erreurs d'échantillonnage quant à elles sont liées à la base de sondage et à la procédure de tirage de l'échantillon.

La base de sondage utilisée par l'EDSG-II est celle du deuxième Recensement Général de la Population et de l'Habitat qui a été réalisée en décembre 1996. On peut affirmer que cette base est de bonne qualité car elle est récente. Elle peut donc rendre compte de la structure socio-démographique actuelle du pays. Par conséquent, les données collectées par la deuxième Enquête Démographique et de Santé serait de bonne qualité. Toutefois, « il faut souligner que les questions habituellement posées au cours de ces enquêtes touchent de près à la vie privée des individus qu'il est légitime de se demander si l'enquêté(e) a effectivement donné la « vraie » réponse. N'oublions pas que dans certaines sociétés, en particulier en Afrique, toutes les questions ne se discutent pas « au grand jour » encore moins avec une personne extérieure à la cellule familiale » (HOUNDEKON, 1999).

En ce qui concerne les questions sur les motifs de la non scolarisation des enfants, celles-ci sont sujettes à une multitude d'erreurs. Le premier est lié à l'effet de mémoire. En effet, une mère peut difficilement se rappeler sur ce qui l'avait poussé à ne pas inscrire son enfant à l'école si cette décision remonte à plus de 3 ans. Le deuxième biais peut provenir de la situation des enfants qui sont confiés chez d'autres parents. Étant donné qu'en Afrique subsaharienne l'enfant est perçu comme étant l'enfant du groupe, il arrive souvent que ceux qui ont « beaucoup » d'enfants les envoient vivre chez leurs parents généralement chez les jeunes couples ou chez les couples moins féconds. Ce sont donc ces derniers qui décident parfois entièrement de l'éducation de l'enfant (RWENGE, 1999). La mère biologique de l'enfant peut donc ignorer la raison pour laquelle l'enfant qui vit chez un autre parent n'a pas été scolarisé. La troisième raison peut être liée au fait que c'est le mari qui prend très souvent la décision de scolariser ou non l'enfant.

3.3.2. L'évaluation numérique 

Elle consiste à calculer les taux de couverture et de non-réponse et les indices de préférences (attractions ou répulsions) sur certains âges. Il s'agit : des indices de Whipple, de Myers et de Bachi. Étant donné que notre fichier d'analyse n'est composé que des enfants âgés de 6 à 15 ans, nous ne calculerons pas ces indices ici. En effet, le calcul de l'indice de Whipple exige la disponibilité des effectifs de la population âgée de 23 à 62 ans. Tandis que les indices de Myers et de Bachi exigent la disponibilité des effectifs de la population âgée de 10 et plus.

a) Les taux de couverture

Le taux de couverture de l'enquête rend compte des résultats issus de la collecte relativement à ceux attendus.

Il se calcule de la manière suivante : Tc =

Les taux de couverture ont été fournis dans le rapport de l'EDS conformément au tableau ci-dessous.

Tableau IV : Taille et couverture des effectifs des ménages et des femmes, identifiés et enquêtés, et taux de couverture selon le milieu de résidence, EDSG-II, 1999

Milieu de résidence

Enquête

Urbain

Rural

Ensemble

Enquête ménage

 
 
 

Nombre de ménages identifiés

1651

3565

5216

Nombre de ménages enquêtés

1584

3506

5090

Taux de couverture des ménages

95,9

98,3

97,6

Enquête individuelle femme

 
 
 

Nombre de femmes éligibles

2474

4643

7117

Nombre de femmes enquêtées

2344

4409

6753

Taux de couverture des femmes

94,7

95,0

94,9

Source : rapport, EDSG-II, 1999

b) Le taux de non-réponses

Les personnes interrogées au cours des enquêtes peuvent refuser de répondre à une question. De même, l'enquêteur ou l'enquêtrice peut oublier de poser une question ou de remplir le questionnaire. Le problème réside dans le fait que les non-répondants d'un échantillon peuvent présenter des caractéristiques qui les distinguent systématiquement des répondants. D'où l'importance d'examiner les taux de non-réponse et de voir comment ces taux pourraient influencer les résultats.

Tableau V : Taux de non-réponse des variables de l'étude

Variables

Non réponse

Taux de non réponse

Région

0

0,0

Milieu de résidence

0

0,0

Sexe de l'enfant

0

0,0

Age de l'enfant

0

0,0

Niveau d'instruction de la mère

0

0,0

Ethnie

81

1,0

Religion

24

0,3

Sexe chef de ménage

0

0,0

Age du chef de ménage

11

0,1

Activité de la mère

0

0,0

Taille du ménage

0

0,0

Statut de résidence du conjoint

0

0,0

Etat matrimonial de la mère

0

0,0

L'enfant a déjà fréquenté l'école

215

2,7

Les non réponses étant faible, nous estimerons qu'elles n'entacheront pas nos résultats.

Tableau VI : Distribution des individus par région et selon quelques variables de l'étude.

Variables

Modalités

Basse Guinée

Moyenne Guinée

Haute Guinée

Guinée Forestière

Conakry

Milieu de résidence

Urbain

362

116

206

444

1165

Rural

1381

1453

1189

1328

0

Sexe du chef de ménage

Masculin

1550

1398

1352

1602

954

Féminin

193

171

43

170

211

Niveau de vie du ménage

Pauvres

868

880

741

785

136

Moyens

619

584

587

741

380

Riches

256

105

67

246

649

Niveau d'instruction de la mère

Sans niveau

1605

1558

1336

1582

646

Primaire

72

46

64

428

219

Secondaire+

87

48

22

99

335

Religion de la mère

Musulmane

1728

1639

1416

828

1170

Non musulmane

23

11

6

1072

30

Ethnie de la mère

Soussou

975

8

36

4

563

Peul

637

1540

92

10

1650

Malinké

113

85

1162

662

1056

Ethnies de la foret

37

11

18

1056

56

3.3.3. L'évaluation graphique 

L'évaluation graphique est un moyen privilégié de l'étude de la qualité des données. Dans notre cas, l'évaluation graphique portera essentiellement sur l'âge. S'il est facile d'obtenir sur le terrain les informations sur le sexe, il n'en est pas de même pour l'âge. En effet, « une structure par âge enregistrée au cours d'un recensement ou d'une enquête est la résultante de deux types de phénomènes très différents dans leur nature :

§ L'histoire passée des générations : c'est à dire les variations passées de la mortalité, de la fécondité et des migrations-phénomènes réels pouvant entraîner des perturbations importantes des distributions par âge ;

§ Les conditions de la collecte des âges : notamment la nature de la question sur l'âge, le niveau et la formation des enquêteurs, les coutumes, le niveau d'éducation, de la population étudiée. Ces conditions ont une grande influence sur la qualité des résultats et sont bien souvent à l'origine de maintes distorsions observées sur les pyramides des pays africains » (ROGER & al, 1981).

L'évaluation de l'âge se justifie aussi pour la simple raison que les indicateurs de scolarisation sont le plus souvent calculés par âge ou par groupes d'âges.

La population de l'échantillon est répartie de façon quasi uniforme entre les deux sexes.

Pour cet échantillon, il n'y a pas eu omission sur la déclaration de l'âge, ce qui ne signifie pas que la qualité de la déclaration est bonne. En effet, parmi les 7929 enfants enregistrés, 4005 (50,5%) sont de sexe masculin et 3924 (49,5%) sont de sexe féminin.

L'évaluation graphique de l'âge

L'évaluation graphique de l'âge consistera à porter en abscisses les âges des enfants et en ordonnées leurs effectifs. Généralement, la courbe des âges de la population décroît normalement régulièrement au fur et à mesure que l'âge augmente. Car dans les pays d'Afrique subsaharienne, la fécondité et la mortalité restent encore élevées. Les éventuelles perturbations refléteront : les omissions, les doubles comptes et les déclarations erronées qui auront été faites.

Figure 2

 : Courbe des effectifs par âge

Les courbes ci-dessus présentent une allure relativement normale. Seuls les âges 10, 11 et 12 ans présentent des situations aberrantes, On sait qu'en Afrique, les enquêté(e)s ont une préférence pour les âges ronds et les âges paires, Ce qui expliquerait la répulsion pour le chiffre 11.  

3.4. Schéma d'Analyse :

Nous avons adopté le schéma d'analyse ci-après pour tester nos hypothèses :

Age enfant

Sexe enfant

Milieu de résidence

Niv. Inst. mère

Activit. mère

Niv.vie ménage

Age CM

Sexe CM

État matrimonial

Statut conjoint

Taille ménage

Religion mère

Ethnie mère

Mise à l'école

différentielle des enfants selon la région

Les caractéristiques individuelles des enfants (âge, sexe), de même que le milieu et la région de résidence, l'âge des chefs de ménage, leurs sexes, leurs religions, le niveau d'instruction de la mère, son activité, le niveau de vie du ménage, l'état matrimonial de la mère, le statut de résidence de son conjoint, la taille du ménage déterminent la mise à l'école3(*) des enfants selon la région. En effet, la probabilité de rencontrer des femmes de niveau d'instruction secondaire et plus est plus grande en ville qu'en campagne. De même, le type d'activité exercée par la femme dépend de son milieu de résidence. Les ménages des villes sont plus susceptibles d'avoir certains biens d'équipements donc un certain confort matériel. Aussi, le type d'union de la femme et la taille du ménage dépendent de son niveau d'instruction, de son activité et de sa religion.

3.5. Méthodes d'Analyses

Dans l'analyse des données. On distingue les méthodes descriptives et les méthodes prédictives ou explicatives.

3.5.1. L'analyse descriptive

a) L'analyse univariée

L'analyse univariée consiste à faire un tri à plat sur les variables afin de pouvoir recoder certaines modalités. Nous l'avons utilisée pour regrouper certaines modalités.

b) L'analyse bivariée :

L'analyse bivariée  consiste à croiser la variable à expliquer avec les variables explicatives. Elle permet de mettre en relation ces deux variables en établissant par un test de khi2, le niveau de cette relation.

Pour mieux appréhender les disparités régionales, nous calculerons l'indice de parité des taux (IPT) qui est le rapport logistique entre la proportion d'enfants non scolarisés de la région de référence sur chacune des autres régions. La formule de calcul est la suivante :

Où TRf désigne la proportion d'enfants n'ayant jamais été scolarisée dans la région de référence ; TRi la proportion des enfants n'ayant jamais été scolarisés dans la région i.

Un IPT >1 indique une sous scolarisation de la région de référence par rapport à la région i. Un IPT <1 indique le contraire. Par contre, un IPT=1 signifie qu'il y a égalité de chance entre les enfants des deux régions de ne pas être scolarisés.

3.5.2. L'Analyse explicative 

Après avoir considéré les caractéristiques individuelles, et les caractéristiques des ménages de manière indépendante. Nous nous intéresserons à l'analyse de leur mode d'action lorsqu'on contrôle toutes ces variables à la fois. Compte tenu de la nature dichotomique de la variable dépendante (a déjà fréquenté ou non), c'est la régression logistique qui est la méthode la plus adaptée4(*) pour notre étude. Mais son application requiert un certain nombre d'hypothèses :

1-Le modèle doit être complètement spécifié  c'est à dire :

Aucune variable importante ne doit être omise et aucune variable superflue ne doit être incluse dans le modèle ;

Les variables indépendantes sont mesurées sans erreurs ;

La fonction sous tendant le modèle est une fonction logistique ;

2- Les observations sont indépendantes entre elles ;

3- Les variables Xi sont non corrélés entre elles.

a) Présentation du modèle

Au moyen des modèles statistiques, les odds (ratios de chances ou de risques) d'être scolarisés ou non peuvent être mesurées pour les différentes modalités de chaque variable indépendante catégorielle, l'effet des autres variables étant contrôlé.

Pour une variable dépendante binaire, les odds sont définis comme étant les probabilités de succès par rapport aux risques d'échec. Les odds prennent l'expression de proportion, telle que où p représente la proportion des enfants qui ont été scolarisé et les valeurs des paramètres sont calculées en utilisant la méthode de vraisemblance maximale.

Soit Y la variable dépendante et Xi (i= 1.2.....n) n variables indépendantes. Y prend la valeur 1 si l'enfant est scolarisé et 0 sinon.

Puisque p est la probabilité que l'enfant soit scolarisé alors p = Prob (Y=1) et

1-p = Prob (Y=0)

Le modèle de régression logistique permet de transformer la grandeur sous la forme linéaire (0+1X1+ 2X2+....+nXn+ ) à l'aide du logarithme népérien.

On pose ln =logit (p)

Et logit (p) = 0+1X1+ 2X2+....+nXn+

Alors = e (0+1X1+ 2X2+....+nXn+ )

En définitive.

p = e ((0+1X1+ 2X2+....+nXn+ )/ [1+ e(0+1X1+ 2X2+....+nXn+ )] )

1 - p = 1/ [1 + e (0+1X1+ 2X2+....+nXn+ )]

0représente la constante c'est à dire le niveaumoyen de pour toutes les valeurs de Xi, i le vecteur de coefficient qui mesure l'effet de la variable indépendante Xi sur p et constitue le terme d'erreur ou variation aléatoire.

b) Test d'adéquation du modèle

Dans la régression logistique tout comme dans la régression linéaire multiple. Il est difficile de déterminer la contribution individuelle de chaque variable. Elle dépend des autres variables du modèle. Ce qui cause des problèmes quand les variables considérées comme indépendantes sont fortement corrélées. Une mesure de la corrélation partielle entre la variable dépendante et chacune des variables indépendantes est la statistique du pseudo R². Cette grandeur donne la part de la variance expliquée par le modèle. Le pseudo R² varie entre zéro et un. Une valeur du pseudo R² proche de zéro indique une faible contribution partielle de la variable au modèle d'analyse. Mais en sciences sociales, la variance non expliquée par le modèle (la variance résiduelle) est souvent très importante. Et une variance résiduelle importante ne signifie pas que les variables sélectionnées ne sont pas pertinentes. Généralement, on s'attache d'abord à savoir si la variance expliquée par le modèle est suffisante au regard du nombre de variables que l'on a introduit dans le modèle à l'aide d'un test appelé F-test. Ce test est souvent plus rassurant que le pourcentage de la variance expliquée (BOCQUIER, 1996).

Une autre façon de valider le modèle logistique est de considérer la vraisemblance (likelihood) des résultats de l'échantillon étant donné les paramètres estimés. C'est à dire la probabilité d'apparition des résultats obtenus. La mesure de l'ajustement du modèle aux données est égale à moins deux fois le logarithme de la vraisemblance (-2 Log likelihood ou -2LL). Plus la vraisemblance est proche de un plus le modèle est considéré comme bon. Sous l'hypothèse nulle que le modèle est parfaitement ajusté. -2LL a une distribution khi2 avec N-p degrés de liberté, où N est le nombre de cas et p le nombre de paramètres estimés.

Pour évaluer la contribution de chaque facteur à la prédiction nette du modèle final, on utilise la procédure « lroc ». Celle-ci permet de comparer la sensibilité c'est à dire la proportion des réponses positives observées qui sont correctement classées par le modèle et la spécificité c'est à dire la proportion des réponses négatives observées qui sont correctement classées par le modèle.

Sur un graphique, on met en rapport le complément à 1 de la spécificité (en abscisse) et la sensibilité (en ordonnée). Le pouvoir prédictif réel correspond à la surface séparant la courbe ROC (« Receiver Operating Characteristic ») et la diagonale principale. Il est apprécié par rapport aux limites inférieure (50%) et supérieure (100%). Le pouvoir prédictif réel (PPR) est donc calculé par rapport à ces limites dans une relation avec le pouvoir prédictif total (PPT) suivant la relation : PPR= (PPT-0,5) / 0,5 (BOCQUIER, 1996).

c) Interprétation des résultats.

L'interprétation des résultats se fait à l'aide des coefficients i (i= 1.2. .... n). Si i est positif, eiest supérieur à un. Cela signifie que les individus de la modalité considérée ont ei fois plus de chance que leurs homologues de la modalité de référence de subir l'événement étudié (i.e. plus de chance de réaliser l'événement Y=1) ou encore qu'ils ont (ei - 1) % fois plus de chance de connaître l'événement étudié. En revanche, si i est négatif. Les individus de la modalité considérée de la variable indépendante ont (1- ei)% moins de chance que leurs homologues de la modalité de référence de réaliser l'événement étudié.

Les signes (-) et (+) traduisent les influences des variables Xi sur la variable dépendante (Y).

CHAPITRE 4 : ANALYSE DIFFÉRENTIELLE DE LA SCOLARISATION SELON CERTAINES CARACTÉRISTIQUES

Nous rappelons que notre objectif est de déterminer les facteurs qui freinent la scolarisation des enfants en Guinée, notamment ceux qui pourraient expliquer les différences régionales. Pour ce faire, nous procéderons dans un premier temps par décrire les variations de la scolarisation en fonction des caractéristiques socioculturelles, économiques et démographiques des individus et des ménages, et dans un deuxième temps saisir l'intensité des associations au moyen du test de khi2 de Pearson. Nous considérerons que l'association entre deux variables est significative dès lors que la probabilité associée au test de khi2 est inférieure à 10 %.

Les analyses portent exclusivement sur les 7 644 enfants pour lesquels on a fourni des réponses valides.

4.1. Variation de la scolarisation selon la région

La fréquentation scolaire varie fortement avec la région de résidence. En Basse Guinée, près de six enfants sur dix (59,0 %) n'ont jamais fréquenté une école. Cette proportion est de 72,7 % en Moyenne Guinée, 78,2 % en haute guinée, 59 % en guinée Forestière et seulement 21,5 % dans la Capitale Conakry. Les deux extrêmes sont constitués de Conakry et la Haute Guinée. La proportion d'enfants qui n'ont pas fréquenté en Haute Guinée est quatre fois supérieure à celle qu'on retrouve à Conakry. Les régions de la Basse Guinée et de la Guinée Forestière ont les mêmes proportions d'enfants scolarisés. La statistique du khi2 montre que la région est significativement associée avec la scolarisation.

Tableau VII : Répartition des enfants selon la région et la fréquentation

Région

Fréquentation scolaire

N'a jamais fréquenté

A déjà fréquenté

 

Effectif

Pourcentage

Effectif

Pourcentage

Total

Basse Guinée

1015

59,0

706

41,0

1721

Moyenne guinée

1381

72,7

519

27,3

1900

Haute Guinée

1003

78,6

273

21,4

1275

Guinée Forestière

998

58,9

695

41,1

1693

Conakry

226

21,5

828

78,5

1055

Total

4623

59,4

3021

40,6

7644

Prob. Khi2=0.000

Figure 3 : Proportions d'enfants n'ayant jamais été scolarisés par région

Tableau VIII : Indice de parité des taux de non-scolarisation des différentes régions de la Guinée

Indice de Parité des Taux

Moyenne

Guinée

Basse

Guinée

Guinée Forestière

Conakry

Haute Guinée

1,38

2,55

2,56

13,4

Le tableau ci-dessus donne les indices de parité des taux des régions de la Moyenne Guinée, Basse Guinée, Guinée Forestière et Conakry par rapport à la Haute Guinée. Les enfants de la Haute Guinée sont 13,4 fois moins scolarisés que les enfants de Conakry, la Capitale. Ils sont 2,6 fois moins scolarisés que leurs camarades de la Basse Guinée et de la Guinée Forestière. Cependant ils ne sont que 1,38 fois moins scolarisés que les enfants de la Moyenne Guinée.

Figure 4 : Indices de parité des taux de non-scolarisation par région

4.2. Variation de la scolarisation selon les caractéristiques démographiques

4.2.1. Le sexe de l'enfant

La répartition de la population d'étude selon le sexe est la suivante : 50.5% garçons et 49.5% filles. Parmi ces enfants, 60,5% n'ont jamais fréquenté l'école et 39,5 % ont déclaré

Tableau IX : Répartition des enfants selon le sexe et la fréquentation scolaire

Sexe de l'enfant

Fréquentation scolaire

Total

N'a jamais fréquenté

A déjà fréquenté

Effectif

Pourcentage

Effectif

Pourcentage

Masculin

2310

59,8

2313

40,2

4623

Féminin

1552

61,2

1469

38,8

3021

Ensemble

3862

60,5

3782

49,5

7644

Prob khi2=0,272

avoir déjà eu à fréquenter une école même si au moment de l'enquête ils ne fréquentaient plus. En examinant le tableau IX, on trouve que 38,8 % des filles et 40,2 % des garçons ont été scolarisés. Ce résultat laisse croire qu'il n'y a pas de discrimination en fonction du sexe de l'enfant, car la probabilité du khi2 que nous avons trouvée (0.272) est largement supérieure au seuil que nous avons fixé (0,10). Ce résultat va à l'encontre de la quasi-totalité des situations observées en Afrique Subsaharienne. Car, la discrimination faite aux filles est l'un des facteurs du faible niveau de scolarisation répertoriés en Afrique Subsaharienne.

4.2.2. L'âge de l'enfant

L'âge d'entrée à l'école en Guinée est de 7 ans. Mais la loi autorise de recevoir en première année de l'école primaire, tous les enfants âgés de 6 à 15 ans.

Figure 5 : Courbe des proportions d'enfants scolarisés par âge.

Le graphique ci-dessus représente la proportion d'enfants scolarisés par âge. La courbe présente une forme légèrement ascendante entre 6 et 7 ans et des dents de scie entre 10 et 13 ans. Cette courbe traduit l'entrée tardive de certains enfants à l'école.

4.2.3. Le sexe du chef de ménage

Dans notre échantillon, environ, dix pour cent les ménages étaient dirigés par des femmes.

Tableau X : Répartition des enfants selon le sexe du chef de ménage et la fréquentation scolaire

Sexe

Fréquentation scolaire

Total

N'a jamais fréquenté

A déjà fréquenté

Effectif

Pourcentage

Effectif

Pourcentage

Effectif

Masculin

4246

62,0

2612

38,1

6858

Féminin

377

48,0

409

52,0

786

Ensemble

4623

60,5

3021

39,5

7644

Prob. Khi2=0,000

Il se dégage de ce tableau que les femmes chefs de ménage semblent scolariser mieux les enfants que les hommes chefs de ménage. Plus d'un enfant sur deux vivants dans un ménage dirigé par une femme est scolarisé (52,0 %) contre quatre enfants sur dix (38,1 %) dans les ménages dirigés par un homme.

4.3. Variation de la scolarisation selon les caractéristiques socio-économiques

4.3.1. Le milieu de résidence

Les individus sélectionnés en milieu urbain représentaient 30 % et ceux du milieu rural 70 % environ.Parmi les enfants enquêtés en milieu urbain, 69, 2 % ont fréquenté une école et 30,8 % n'ont jamais été inscrits. Quant au milieu rural, seulement 28,4 % ont déclaré avoir fréquenté une école et 71,6 % n'ont jamais fréquenté une école. Pour deux enfants du milieu rural qui ont été scolarisé, 5 enfants du milieu urbain l'ont été pendant la même période. Les disparités entre milieu rural et milieu urbain sont largement répandues en Afrique et expliquent en partie le retard qu'accuse l'Afrique par rapport aux autres continents en matière de scolarisation.

Tableau XI : Répartition des enfants selon le milieu de résidence et la fréquentation scolaire

Milieu de résidence

Fréquentation scolaire

Total

N'a jamais fréquenté

A déjà fréquenté

Effectif

Pourcentage

Effectif

Pourcentage

Urbain

651

30,8

1460

69,2

2111

Rural

3972

71,8

1561

28,2

5533

Ensemble

4623

60,5

3021

39,5

7644

Prob khi2=0,000

4.3.2. Le niveau d'instruction de la mère

La fréquentation scolaire est positivement associée avec le niveau d'instruction de la mère. Comme attendu, on trouve que les enfants des femmes sans éducation sont moins scolarisés que ceux dont les mères ont fréquenté une école. Chez les mères sans niveau, 34 % des enfants ont été scolarisés. Ce pourcentage est de 65 % si les mères ont atteint le niveau primaire et 84 % si elles ont un niveau secondaire ou plus.

Tableau XII : Répartition des enfants selon et le niveau d'instruction de la mère la fréquentation scolaire

Niveau

d'instruction

Fréquentation scolaire

Total

N'a jamais fréquenté

A déjà fréquenté

Effectif

Pourcentage

Effectif

Pourcentage

Sans niveau

4359

66,0

2247

34,0

6606

Primaire

175

36,0

317

64,5

492

Second. et plus

89

16,3

457

83,7

546

Ensemble

4623

60,5

3021

39,5

7644

Prob. Khi2=0.000

4.4. Variation de la scolarisation selon les caractéristiques socioculturelles

4.4.1. L'ethnie de la mère

La pertinence de l'ethnie dans l'explication des phénomènes sociodémographiques tels que la fécondité, la mortalité, la scolarisation, etc. est sujet dedébat. Certains auteurs
(SALA-DIAKANDA, 1980), (AKOTO, 1993) etc.) considèrent que l'ethnie est une variable cruciale pour l'explication des phénomènes socio-démographiques. D'autres à l'image de (NGWE, 1979) par contre soutiennent qu'avec l'urbanisation et la modernisation, l'ethnie perd son rôle de caractéristique de différenciation des comportements des populations

En guinée, il existe une variation forte de la scolarisation selon l'ethnie (probabilité du khi2=0,000). Le taux de scolarisation selon l'ethnie est le suivant : dans l'ethnie Soussou 55,8 % des enfants ont fréquenté l'école, dans l'ethnie Peulh, 34,8 %, dans l'ethnie malinké 34,3 % dans les ethnies de la Guinée forestière, (Kissi, toma, Guerzé) 44,6 %. Ces variations corroborent celles que nous avons observées au niveau des régions. En effet, la Basse Guinée est habitée majoritairement par les Soussou, la Moyenne Guinée par les Peulh, la Haute Guinée par les malinké et la Guinée Forestière par les Kissi, les Toma et les Guerzé.

Tableau XIII : Répartition des enfants selon l'ethnie de la mère et la fréquentation scolaire

Ethnie de la mère

Fréquentation scolaire

Total

N'a jamais fréquenté

A déjà fréquenté

Effectif

Pourcentage

Effectif

pourcentage

Soussou

679

45,4

817

54,6

1496

Peulh

1958

66,0

974

34,0

2966

Malinké

1376

65,9

711

34,1

2088

Ethnies forestières

610

54,1

517

45,9

1127

Ensemble

4623

60,5

3051

39,5

7644

Prob. Khi2=0,000

4.4.2. La religion de la mère

L'échantillon se compose de 86,3 %de musulmans, 13,7 % de non musulmans (chrétiens, animistes et autres religions). Ainsi, le croisement de la variable religion avec la fréquentation scolaire montre que quatre enfants musulmans sur dix (38,6 %) ont fréquenté une école contre deux sur neuf (45,4 %) chez les non musulmans. Des études réalisées dans certains pays d'Afrique subsaharienne ont mis en relief la sous scolarisation des musulmans par rapport aux chrétiens. Ce qui mérite d'être relevé dans le cas guinéen, c'est le fait que la proportion d'enfants scolarisés soit aussi faible même chez les non musulmans (en majorité des chrétiens).

Tableau XIV : Répartition des enfants selon la religion et la fréquentation scolarisation

Religion

Fréquentation scolaire

Total

N'a jamais fréquenté

A déjà fréquenté

Effectif

Pourcentage

Effectif

Pourcentage

Musulmans

4076

61,4

2567

38,6

6643

Non Musulmans

547

54,6

454

45,4

1001

Ensemble

4623

60,5

3021

39,5

7644

Prob. Khi2=0,001

CHAPITRE 5 : ESSAI D'EXPLICATION DES DISPARITÉS RÉGIONALES ENMATIÈRE DE SCOLARISATION EN GUINÉE

L'analyse descriptive (par les tableaux croisés) nous a permis de déceler les variables liées avec la fréquentation scolaire. Le test de khi2 de Pearson indiquait que ces liaisons étaient parfois très fortes. Pour autant, elle ne nous permet pas de tirer des conclusions fiables sur la nature des associations observées. L'analyse multivariée nous permet de répondre à ces préoccupations dans la mesure où elle confirme ou infirme les résultats de l'analyse descriptive.

Dans ce chapitre, nous allons présenter les résultats et les commentaires de la régression logistique entre la scolarisation et les variables indépendantes et de contrôles retenues.Pour ce faire, nous avons opté pour un modèle de régression à pas croissant. L'avantage de cette méthode est qu'elle permet d'évaluer la part de la variance expliquée par chaque groupe de variables introduites dans l'équation de la régression. L'ordre d'introduction des variables dans le modèle est arbitraire. Nous avons introduit les caractéristiques des enfants justes après la région pour la simple raison que la scolarisation concerne en premier chef l'enfant.

Le premier (modèle 0) rend compte de la régression entre la scolarisation et la région de résidence. Le deuxième modèle (modèle 1) intègre les caractéristiques de l'enfant (sexe et âge comme variables de contrôle). Dans le troisième modèle (modèle 2), nous contrôlons l'effet partiel des caractéristiques démographiques de l'enfant, du ménage et de la mère sur la scolarisation. Le quatrième modèle (modèle 3) prend en compte l'influence des caractéristiques sociodémographiques et des caractéristiques socio-économiques sur les disparités régionales de scolarisation. Dans le cinquième modèle (modèle 4) nous essayons d'appréhender l'effet de la religion sur les différences régionales de scolarisation. Le modèle final (modèle5) intègre l'ensemble des variables.

Les analyses sont faites à l'aide du logiciel STATA, version 7.0. La commande utilisée est : logistic. Un des avantages de cette procédure (logistic) est de disposer d'une variante permettant une estimation robuste et non biaisée des paramètres et de rejeter automatiquement les modalités qui sont source de multicolinéarité. Nous utiliserons aussi, la pondération : pweight(probabilityweight). Cette commande permet de pondérée chaque observation par l'inverse de la probabilité de sondage. La pondération, pweight représente le poids recherché pour l'extrapolation et non pas le poids réel dans la population (BOCQUIER, 1998).

5.1. Présentations et interprétations des résultats

5.1.1. Effet brut de la région sur la mise à l'école des enfants

Conformément aux résultats obtenus dans le chapitre précédent, on remarque que la région de résidence exerce un effet brut significatif sur la mise à l'école des enfants. Les enfants résidant dans les régions de la Basse Guinée, de la Moyenne Guinée, de la Guinée Forestière et de la Capitale Conakry ont respectivement 2,56 fois, 1,38 fois, 2,56 fois et 13,45 fois plus de chances d'être mis à l'école que les enfants de la Haute Guinée (modalité de référence). Mais avant de tenter toute explication, nous devons contrôler l'effet des autres variables.

Tableau XV : Effet brut de la région sur la mise à l'école des enfants

Variables

et modalités

Effectif

Effets bruts

Région

 
 

Basse Guinée

1743

2,56***

Moyenne Guinée

1569

1,38***

Haute Guinée (réf)

1395

(1,00)

Guinée Forestière

1772

2,56***

Conakry

1165

13,45***

Observations

7644

0,000

9,63 %

7644

0,000

9,63 %

Prob >chi2

Pseudo R²

5.1.2. Effets nets des variables indépendantes sur la mise à l'école des enfants

A partir du modèle du deuxième modèle (M1), nous intégrons de façon progressive les variables indépendantes (voir tableau XVI).

Ainsi, l'introduction des variables liées à l'enfant dans l'équation de la régression entre la scolarisation et la région renforce légèrement les rapports de chances des régions, hormis Conakry. Les rapports de chances de cette région passent de 13,45 à 13,42.

Dans le troisième modèle (M2), nous avons introduit le groupe de variables qui rendent compte des caractéristiques de la mère et des ménages. On constate que ces variables expliquent partiellement les disparités régionales en matière de scolarisation en Guinée. Les rapports de chances des différentes régions ont sensiblement baissés. Les rapports de chances qui ont le plus baissés sont ceux des régions de Conakry et de la Guinée Forestière. Les enfants résidant à Conakry n'ont plus que 10,33 fois plus de chances d'être scolarisé que leurs camarades de la Haute Guinée contre 13,42 fois dans le modèle précédent.

Le sexe du chef de ménage et le niveau de vie du ménage sont des facteurs de différenciation en ce qui concerne la mise à l'école des enfants. Les enfants issus des ménages dirigés par des femmes ont 43 % plus de chances de fréquenter une école que les enfants des ménages dirigés par des hommes. Cette situation a été observée dans des nombreux autres pays africains. Et, selon Marc Pilon, les femmes chefs de ménages percevraient mieux que les hommes l'enjeu de l'instruction, car  ayant été elles-mêmes victimes dans l'ensemble d'une sous-scolarisation. Mais pour WAKAM, quand on sait que les femmes chefs de ménages sont plus pauvres que les hommes chefs de ménages, il y a lieu de croire qu'elles bénéficieraient d'apports extérieurs qui leurs permettent de s'occuper des enfants sous leurs responsabilités.

Les enfants des ménages de niveau de vie moyen et riche ont respectivement 20 % et 68 % plus de chances d'être mis à l'école que les enfants des ménages pauvres.

Les variables état matrimonial de la mère, statut de résidence du conjoint et taille du ménage ne semblent pas différencier la mise à l'école des enfants des différentes régions.

Dans le modèle 4 (M3) nous intégrons les caractéristiques socio-économiques dans l'équation de la régression. On note une forte variation des rapports de chances des différentes régions. Les enfants vivant à Conakry n'ont plus que 3,24 fois plus de chances d'être scolarisé que les enfants de la Haute Guinée. Les rapports de chances des enfants de la Basse Guinée et ceux de la Guinée Forestière ont également diminués. Cependant, les rapports de chances des enfants de la Moyenne Guinée ont augmentés, passant de 1,35 à 2,16.

Les régions de la Basse Guinée et de Conakry sont les plus urbanisés de la Guinée et c'est dans ces régions qu'on retrouve un plus grand nombre de femmes instruites et travaillant dans le secteur non agricole. Dans ces régions, les ménages ont un meilleur niveau de vie et les rayons d'action scolaire5(*) sont plus petits. Et comme l'écrit (WAKAM, 1994) « les processus d'urbanisation et de scolarisation sont les plus susceptibles d'amener ceux qui y sont soumis à délaisser- consciemment ou inconsciemment et de gré ou de force-les comportements traditionnels et à devenir de puissants vecteurs de changement dans la société ». L'augmentation des rapports de chances des enfants de la Moyenne Guinée par rapport à ceux de la Haute Guinée signifie que si les enfants de ces deux régions étaient dans les mêmes conditions (même sexe, même âge, même milieu de résidence, des mères de même niveau d'instruction, etc.) les enfants de la Moyenne Guinée auraient 2,16 fois plus de chances d'être mis à l'école que leurs camarades de la Haute Guinée.

Le milieu de résidence, le niveau d'instruction de la mère et l'activité de la mère restent des facteurs de différenciation des enfants en matière scolarisation en Guinée.

En fin, dans le dernier modèle, nous avons intégré la religion de la mère. L'introduction de cette variable dans le modèle ne fait varier que légèrement les rapports de chances des différentes régions. Les rapports de chances qui ont le plus variés sont ceux des régions de la Guinée Forestière et de Conakry. Le fait que ces deux régions soient celles où on retrouve le plus de non musulmans pourrait expliquer la tendance à la baisse des rapports de chances de ces régions.

En définitive, après contrôle de toutes les variables, l'effet de la région persiste. La région est donc une variable cruciale pour l'explication de la scolarisation en Guinée. Le fait que les écarts subsistent entre les rapports de chances des différentes régions laisse croire que l'impact de la région sur la scolarisation est médiatisé par d'autres facteurs que nous n'avons pas considérés ici. Toutefois, parmi les facteurs que nous avons pris en compte ceux qui semblent expliquer les différences de scolarisation entre les régions de la Guinée sont : le milieu de résidence, le niveau d'instruction de la mère, l'activité de la mère et le niveau de vie du ménage et la religion. Les variables âge de l'enfant et du chef de ménage, sexe de l'enfant et du chef de ménage, taille du ménage, état matrimonial de la mère, statut de résidence du conjoint sont des médiateurs de l'effet de la région de résidence.

Tableau XVI : Effets nets des caractéristiques des enfants, des ménages, des caractéristiques socio-économiques de la mère et de la religion de la mère sur les disparités régionales

Variables et modalités

Modèle0

Modèle1

Modèle2

Modèle3

Modèle4

Région

Basse Guinée

 
 
 
 
 

2,56***

2,59***

2,45***

2,40***

2,39***

Moyenne Guinée

1,38***

1,39***

1,35***

1,51***

1,53***

Haute Guinée (réf)

(1,00)

(1,00)

(1,00)

(1,00)

(1,00)

Guinée Forestière

2,56***

2,56***

2,43***

2,16***

1,64***

Conakry

13,45***

13,42***

10,33***

3,24***

3,11***

Caractéristiques des enfants

 
 
 
 

Sexe enfant

 
 
 
 
 

Masculin

1,07ns

1,07ns

1,07ns

1,08ns

1,08ns

Féminin

(1,00)

(1,00)

(1,00)

(1,00)

(1,00)

Age enfant

1,04***

1,03***

1,03***

1,03***

1,04***

Caractéristiques des ménages

 
 
 
 
 

Sexe du CM

 
 
 
 
 

Masculin

(1,00)

 

(1,00)

(1,00)

(1,00)

Féminin

1,76***

 

1,43***

1,17*

1,15ns

Age du CM

0,99ns

 

(1,00)

1,00**

1,00**

État matrimonial de la mère

 
 
 
 
 

sans conjoint

1,20ns

 

1,16ns

1,41ns

1,38ns

avec conjoint (réf.)

(1,00)

 

(1,00)

(1,00)

(1,00)

Statut de résidence conjoint

 
 
 
 
 

conjoint dans le ménage

(1,00)

 

(1,00)

(1,00)

(1,00)

conjoint hors du ménage

1,10ns

 

0,98ns

0,94ns

0,94ns

Résidus

1,09ns

 

0,94ns

0,82ns

0,84ns

Taille du ménage

1,01***

 

0,99ns

0,99ns

0,98ns

Niveau de vie du ménage

 
 
 
 
 

Pauvres

(1,00)

 

(1,00)

(1,00)

(1,00)

Moyens

1,37***

 

1,20***

1,05ns

1,05ns

Riches

3,58***

 

1,68***

1,34**

1,29***

Caractéristiques socio-économiques

 
 
 
 

Milieu de résidence

 
 
 
 
 

Urbain

5,71***

 
 

2,98***

3,20***

Rural

(1,00)

 
 

(1,00)

(1,00)

Niveau d'instruction de la mère

 
 
 
 
 

sans niveau

(1,00)

 
 

(1,00)

(1,00)

Primaire

3,51***

 
 

2,16***

2,09***

Secondaire

9,96***

 
 

4,48***

4,38***

Activité de la mère

 
 
 
 
 

sans activité

0,96ns

 
 

0,98ns

0,98ns

Agriculture

(1,00)

 
 

(1,00)

(1,00)

Commerce

1,08ns

 
 

1,09ns

1,08ns

administration

1,51***

 
 

1,57***

1,58**

Religion de la mère

 
 
 
 
 

Musulmane

1,00

 
 
 

(1,00)

Non musulmane

1,32***

 
 
 

1,65***

Observations

7644

7644

7644

7644

7644

Pseudo R²

 

9,76%

10,43%

15,11%

15,35%

Figure 6

 : Chances relatives de fréquentation scolaire avant (brutes) et après (nettes)

Contrôle des effets des autres variables.

Le pouvoir prédictif réel de notre modèle final est 51,6 %.

5.1.3. Analyse des effets nets par milieu de résidence

Dans la section suivante, nous analysons les disparités régionales en distinguant le milieu rural du milieu urbain.

5.1.3.1. Milieu urbain

Le tableau XVII donne les résultats de la régression entre la fréquentation scolaire et les variables indépendantes uniquement pour le milieu urbain. Il apparaît dans ce tableau que les inégalités régionales subsistent même si on ne considère que le milieu urbain. Les enfants de Conakry sont plus scolarisés que les enfants des autres régions. Ils ont 2,17 fois plus chances d'être scolarisés que ceux de la Haute Guinée. Les enfants de la Basse Guinée ont 69% plus de chances d'être scolarisé que les enfants de la Haute Guinée. Ceux de la Moyenne Guinée ont quant à eux, 2,11 fois ou 111 % plus de chances d'être scolarisé que leurs camarades de la Haute Guinée. On remarque que les rapports de chances des enfants de la Moyenne Guinée sont plus grands dans ce modèle que dans le modèle global. A l'opposé, les rapports de chances des enfants de la Guinée Forestière ont quant à eux diminués. Ils ont

33 % moins de chances de fréquenter une école que leurs camarades de la Haute Guinée. Les raisons peuvent être liées au fait que la population de la Moyenne Guinée vit majoritairement en milieu rural. Si les enfants de cette région vivaient tous en ville, ils auraient céterisparibus plus de chances de fréquenter l'école que leurs camarades de la Haute Guinée. Pour ce qui est de la Guinée Forestière, on doit noter que les centres urbains de cette région sont plus peuplés par les immigrés venus de la Haute Guinée. Nous avions remarqué au chapitre 4 que les ethnies forestières présentaient des taux de scolarisation plus élevés que les Malinké (majoritaire en Haute Guinée), 46 % pour les premiers et 34 % pour les seconds.

Il apparaît aussi dans ces résultats que les variables sexe de l'enfant, sexe du chef de ménage, âge du chef de ménage, état matrimonial de la mère, le niveau de vie du ménage, ainsi que la religion ne permettent pas de différencier la mise à l'école des enfants. Par contre, les variables statut de résidence du conjoint, niveau d'instruction de la mère et l'activité de la mère sont des variables de différenciation de la mise à l'école des enfants pour les enfants du milieu urbain. Les enfants dont les mères sont sans conjoint, ou celles dont le conjoint vit hors du ménage présentent moins de chances de fréquenter une école que ceux dont le conjoint est dans le ménage. Les enfants dont les mères ont leurs conjoints hors du ménage ont 27 % moins de chances d'être scolarisé que leurs camardes dont les mères ont leurs conjoints au sein du ménage. Tandis que ceux dont les mères sont célibataires, veuves ou divorcées (les résidus) ont 50 % moins de chances de fréquenter une école que leurs camarades pris comme référence.

Le niveau d'instruction de la mère reste le facteur le plus discriminant en ce qui concerne la mise à l'école des enfants. Les femmes ayant un niveau d'instruction primaire scolarisent 63 % plus leurs enfants que celles qui sont sans niveau. Et, celles qui ont un niveau secondaire ou plus scolarisent 4 fois plus que celles qui sont sans niveau.

Tableau XVII : Effets nets des caractéristiques des enfants, des ménages, des caractéristiques socio-économiques de la mère, et de la religion de la mère sur les disparités régionales, milieu urbain

Variables

et modalités

Effectif

Rapports de chances bruts

Rapports de chances nets

Région

 
 
 

Basse Guinée

363

1,64***

1,65***

Moyenne Guinée

140

1,96***

2,08***

Haute Guinée (réf)

189

(1,00)

(1,00)

Guinée Forestière

455

0,74*

0,68**

Conakry

1146

2,73***

2,16***

Caractéristiques de l'enfant

 
 
 

Sexe enfant

 
 
 

Masculin

1152

0,97ns

1,02ns

Féminin

1141

(1,00)

(1,00)

Age enfant

2293

1,04**

1,04**

Caractéristiques des ménages

 
 

Sexe du Chef ménage

 
 
 

Masculin

1898

(1,00)

(1,00)

Féminin

395

1,01ns

0,91ns

Age du chef ménage

2293

1,00ns

1,00ns

Etat matrimonial de la mère

 
 
 

sans conjoint

84

0,69ns

1,26ns

avec conjoint (réf,)

2209

(1,00)

(1,00)

Statut de résidence conjoint

 
 
 

conjoint dans le ménage

1936

(1,00)

(1,00)

conjoint hors du ménage

241

0,73**

0,73**

Résidus

116

0,64**

0,49**

Taille du ménage

2293

1,00ns

0,99ns

Niveau de vie du ménage

 
 
 

Pauvres

513

(1,00)

(1,00)

Moyens

761

1,11ns

1,01ns

Riches

1019

1,74***

1,03ns

Caractéristiques socio-économiques

 
 

Niveau d'instruction

 
 
 

sans niveau

1534

(1,00)

(1,00)

Primaire

301

1,91***

1,63***

secondaire

457

1,59***

3,96***

Activité de la mère

 
 
 

sans activité

404

1,13ns

1,14ns

agriculture

1222

(1,00)

(1,00)

commerce

586

0,90ns

0,93ns

administration

81

1,38ns

1,46**

Religion de la mère

 
 
 

musulmane

2112

(1,00)

(1,00)

Non musulmane

181

0,59***

1,07ns

observations

 
 

2293

Prob>chi2

 
 

0,000

Pseudo R²

 
 

8,95%

5.1.3.2.Milieu rural

Comme pour le milieu urbain, des disparités existent entre les individus ruraux des différentes régions6(*). Les tendances observées dans ce modèle sont semblables à celles que nous avons observées au niveau global (ensemble du pays).

Les enfants résidant en milieu rural en Basse Guinée ont, 2,74 fois plus de chances d'être envoyé à l'école que leurs camarades de la Haute Guinée. Ceux de la Moyenne Guinée, ont 1,64 fois plus de chances d'être scolarisé que les enfants de la Haute Guinée. Les enfants de la Guinée Forestière qui avaient moins de chances que ceux de la Haute Guinée dans le modèle urbain ont 132 % plus de chances de fréquentation scolaire que les enfants de la Haute Guinée.

Contrairement au modèle urbain, ici, le sexe de l'enfant et celui du chef de ménage sont significatifs. Les garçons, ont, 13 % plus de chances d'être scolarisé que les filles. Les enfants issus des ménages dirigés par des femmes ont 43 % plus de chances d'être scolarisé que les enfants vivants dans les ménages dirigés par des hommes. Le fait que les filles soient plus sollicitées pour la garde des enfants en bas âge pourrait expliquer leur sous scolarisation par rapport aux garçons.

Les variables socio-économiques restent comme dans le modèle urbain, les plus significatives. Les enfants des femmes sans niveau d'instruction ont 2,56 fois moins de chances d'être scolarisé que ceux des femmes ayant un niveau primaire et 5 fois moins de chances d'être scolarisé que les enfants dont les mères ont un niveau secondaire ou plus.

Les enfants des femmes travaillant dans l'agriculture ont au, 14 % moins de chances d'être scolarisé que les enfants des femmes commerçantes et 65 % moins de chances que ceux des femmes travaillant dans l'administration. Les enfants des ménages pauvres ont 32 % de chances en moins d'être scolarisé que les enfants des ménages riches.

La religion est aussi un facteur discriminant de la scolarisation dans ce modèle d'analyse. Les enfants de mères non musulmanes ont 51 % plus de chances d'être scolarisé que leurs camarades dont les mères sont musulmanes. Les individus vivant en milieu rural seraient donc les plus conservateurs car la religion n'était pas significative dans le modèle urbain.

Les variables âge du chef de ménage, taille du ménage, état matrimonial de la mère et statut de résidence du conjoint, se sont révélées non significatives dans ce modèle d'analyse aussi.

Tableau XVIII : Effets nets des caractéristiques des enfants, des ménages, des caractéristiques socio-économiques de la mère et de la religion de la mère, milieu rural

Variables et modalités

Effectif

Rapports de chances bruts

Rapports de chances nets

Région

 
 
 

Basse Guinée

1340

2,80***

2,71***

Moyenne Guinée

1713

1,69***

1,62***

Haute Guinée (réf)

1065

(1,00)

(1,00)

Guinée Forestière

1232

3,3***

2,37**

Caractéristiques de l'enfant

 
 

Sexe enfant

 
 
 

masculin

2709

1,12*

1,13**

féminin

2642

(1,00)

(1,00)

Age enfant

5351

1,03***

1,04***

Caractéristiques du ménage

 
 

Sexe du chef ménage

 
 
 

masculin

4943

(1,00)

(1,00)

féminin

408

1,56***

1,42***

Age du chef ménage

5351

1,00ns

1,00ns

Etat matrimonial de la mère

 
 
 

sans conjoint

210

1,43**

1,29ns

avec conjoint (réf,)

5141

(1,00)

(1,00)

Statut de résidence conjoint

 
 
 

conjoint dans le ménage

4483

(1,00)

(1,00)

conjoint hors du ménage

605

1,01ns

1,01ns

résidus

263

1,37**

1,10ns

Taille du ménage

5351

0,99ns

1,00ns

Niveau de vie du ménage

 
 
 

pauvres

3126

(1,00)

(1,00)

moyens

1755

1,07ns

1,05ns

riches

470

1,73***

1,33**

 
 
 
 

Caractéristiques. socio-économiques

 
 

Niveau d'instruction mère

 
 
 

sans niveau

5022

(1,00)

(1,00)

primaire

208

2,76***

2,56***

secondaire

121

5,99***

5,01***

Activité de la mère

 
 
 

sans activité

963

0,88ns

0,90ns

agriculture

2925

(1,00)

(1,00)

commerce

1298

1,13*ns

1,14*

administration

165

1,56***

1,65***

Religion de la mère

 
 
 

musulmane

4544

(1,00)

(1,00)

Non musulmane

807

2,17***

1,51***

Observations

 
 

5351

Prob>chi2

 
 

0,000

Pseudo R²

 
 

5,81%

5.2. Quid des raisons de la non-scolarisation des enfants avancées par lesmères ?

Une des sections du questionnaire femme était consacrée aux raisons de la non scolarisation des enfants. Il s'agissait de demander à la mère pourquoi tel enfant n'a jamais été inscrit à l'école. Comme l'écrit Rwehera (1998, p208-209) la non scolarisation est l'une des manifestations les plus explicites du défaut de demande scolaire.

Parmi les 4540 enfants n'ayant jamais été scolarisé dans notre échantillon, 84 n'ont pas fourni de réponses valides. Les analyses porteront donc sur les 4456 réponses valides.

Tableau XIX : Distribution des réponses fournies par les mères

Numéro

Raison invoquée

Fréquence

% dans le total des réponses

1

L'enfant était malade, faible/handicapé

189

4,2

2

L'enfant est encore jeune

941

21,1

3

L'école est loin

1040

23,3

4

L'école manque d'enseignant

131

2,9

5

L'école n'a pas du niveau dont l'enfant a besoin

51

1,1

6

L'école n'était pas adéquate

228

5,1

7

L'enfant devait garder les plus jeunes

308

6,9

8

L'enfant devait faire des travaux domestiques

686

15,4

9

L'enfant devait travailler dans une affaire familiale

257

5,8

10

L'école est trop chère

843

18,9

11

L'école est un lieu de délinquance

40

0,9

12

L'école n'est pas importante

59

1,3

13

L'enfant ne s'intéressait pas l'école

181

4,1

14

La fille s'est mariée

35

0,8

15

L'école fait perdre les valeurs

14

0,3

16

La fille est tombée enceinte

26

0,6

17

A cause des coutumes et des traditions

20

0,4

18

L'école manquait de toilettes

0

0,0

19

A cause des menstrues

1

0,0

20

A cause des moqueries des camarades

5

0,1

21

Autres

228

5,1

22

Ne sait pas

25

0,6

Note : plus d'une réponse a été possible.

Afin de mieux voir les raisons de la non scolarisation des enfants invoquées par région, nous avons effectué une analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM). Cette méthode d'analyse permet de mettre en évidence les liaisons, les ressemblances ou les différences. À cet effet, nous avons utilisé la procédure CORMU du logiciel SPAD.

Nous avons retenu les deux premiers axes factoriels qui représentent 18,97 % de l'inertie totale.

Le premier axe factoriel oppose les régions Basse Guinée et Moyenne Guinée aux régions Haute Guinée et Guinée Forestière.

Le deuxième axe oppose le milieu rural du milieu urbain. On constate à cet effet une nette opposition entre Conakry et les régions de Basse Guinée, Moyenne Guinée et Haute Guinée.

Il apparaît sur le graphique que les raisons avancées sont similaires d'une part entre la Basse et la Moyenne Guinée et d'autre part entre la Haute Guinée et la Guinée Forestière. Dans les deux premières régions citées, les raisons invoquées semblent être : l'éloignement de l'école, la délinquance, le manque de commodité de l'école et autres raisons ou ne sais pas.

Dans les régions de la Haute Guinée et de la Guinée Forestière, les raisons les plus invoquées semblent être la garde des enfants les plus jeunes, les travaux domestiques ou champêtres, la cherté de l'école, la perception de l'école (l'école n'est pas importante ou l'enfant ne s'intéresse pas), le travail de l'enfant, la jeunesse de l'enfant, le manque d'enseignant ou de classe et les coutumes et traditions.

Figure 7 : Premier plan factoriel de l'analyse des correspondances multiples.

Nous avons regroupé par la suite les différentes réponses en quatre groupes:

les raisons liées au coût de l'école: l'école est trop cher, l'enfant devait faire des travaux domestiques ou travailler dans une affaire familiale et l'enfant devait garder les plus jeunes.

les raisons liées à l'offre: l'école est trop loin, l'enfant est jeune, l'école manque d'enseignant, l'école n'offre pas le niveau dont l'enfant a besoin, à cause de la délinquance à l'école, à cause des moqueries des camarades, l'école n'est pas adéquate, manque de toilettes.

les raisons liées à la tradition et aux coutumes : l'école n'est pas importante, l'enfant ne s'intéresse pas à l'école, l'école est une perte de valeurs, les traditions et les coutumes, la fille s'est mariée, la fille risque de tombée en enceinte à l'école.

autres facteurs : l'enfant était malade, la fille avait les règles, autres raisons ou ne sais pas.

Les principales raisons pour lesquelles les parents n'ont pas envoyé leurs enfants à l'école sont récapitulées dans le tableau XX. On constate que les raisons liées à l'offre scolaire sont les plus avancés 2180 cas ; viennent en seconde position les raisons liées au coût 1911 cas ; en troisième position, les raisons liées à la tradition et aux coutumes 324 cas et enfin les autres raisons pour 443 cas.

Tableau XX : Distribution des réponses fournies par les mères.

Raisons

Effectif

Pourcentage

Raisons liées au coût

1911

39,3

Raisons liées à l'offre

2180

44,9

Raisons liées à tradition/ coutumes

324

6,7

Autres Raisons

443

9,1

Total

4858

100

Note : plus d'une réponse a été possible

Il se dégage de ces résultats que les raisons liées à l'insuffisance de l'offre scolaire et au coût de l'école sont les raisons les plus invoquées, respectivement par 44,9 % et 39,3 % des répondants. L'éloignement de l'école du domicile des parents est on le sait un facteur important dans la décision des parents d'envoyer l'enfant à l'école en particulier la jeune fille. L'autre principale raison avancée par les mères concerne le dilemme que les parents ont à renoncer au travail des enfants. « Les familles qui sont dans une situation de pauvreté telle que le travail de leurs enfants est indispensable pour subsister ne vont probablement pas être intéressées par l'école » (Rwehera, 1999, p210).

Le tableau XXI donne les raisons de la non scolarisation par milieu de résidence. On remarque que 4130 (soit 85 %) des enfants non scolarisés vivent en milieu rural et seulement 728 (soit 15%) en milieu urbain. Les tendances observées au niveau des milieux de résidence sont identiques à celles observées au niveau des régions. En milieu urbain, les raisons liées au coût sont invoquées par 42,2% et les raisons liées à l'offre par 35,9 % des enquêtées. En milieu rural, les raisons liées à l'offre sont majoritairement citées 46,5 % et les raisons liées au coût, 38,8 %.

Tableau XXI : Distribution des réponses fournies par les mères par milieu de résidence.

Milieu de résidence

Raisons liées au coût

Raisons liées à l'offre

Raisons liées aux coutumes

Autres Raisons

Total

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Urbain

307

42,2

261

35,9

41

5,6

119

16,3

728

Rural

1604

38,8

1919

46,5

283

6,9

324

7,8

4130

Ensemble

1911

39,3

2180

44,9

324

6,7

443

9,1

4858

Note : plus d'une réponse a été possible.

L'analyse7(*) par région de résidence montre que dans les régions de la Basse Guinée, de la Moyenne Guinée et de Conakry, ce sont les raisons liées à l'offre de scolarisation qui sont les plus invoquées par les mères. Tandis que dans les régions de la Haute Guinée et de la Guinée Forestière, ce sont les raisons liées au coût de l'école qui sont avancées comme principales raisons.

Tableau XXII : Distribution des réponses fournies par les mères par région.

Région

Raisons liées au coût de l'école

Raisons liées

à l'offre scolaire

Raisons liées à la tradition et aux coutumes

Autres Raisons

Total

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Basse Guinée

353

31,7

547

49,1

49

4,4

164

14,7

1113

Moyenne Guinée

358

28,3

703

55,6

94

7,4

110

8,7

1265

Haute Guinée

557

48,8

461

40,4

91

8,0

33

2,9

1142

Guinée Forestière

554

51,6

367

34,2

80

7,5

72

6,7

1073

Conakry

89

33,6

102

38,5

10

3,8

64

24,2

265

Ensemble

1911

39,3

2180

44,9

324

6,7

443

9,1

4858

Note : plus d'une réponse a été possible.

Ces résultats rejoignent ceux de l'analyse explicative (section 5.1) car on avait trouvéque les facteurs socio-économiques sont celles qui expliquaient le plus les disparités régionales.Ces résultats montrent que pour que la scolarisation soit universelle en Guinée il faudrait accentuer les efforts sur la satisfaction de l'offre scolaire.

SYNTHÈSE ET CONCLUSION

L'objectif fondamental de cette recherche était de connaître les facteurs qui influencent la mise à l'école des enfants en Guinée surtout ceux qui expliqueraient les différences de niveaux de scolarisation observés entre les régions de la Guinée. Pour parvenir à ce but nous nous sommes fixés deux objectifs. Le premier était d'identifier la part de chacun des facteurs socio-économiques, socioculturels, sociodémographiques dans l'explication des disparités régionales de scolarisation. En deuxième lieu il s'agissait de voir si ces inégalités ne s'expliquent pas par la discrimination faite aux enfants de sexe féminin.

Pour ce faire, nous nous sommes servie d'un cadre théorique et des analyses (descriptives et multi variées) quantitatives. Au niveau du cadre théorique, nous avons fait un tour d'horizon de la littérature sur la scolarisation. Ce qui nous a permis de formuler nos hypothèses et de construire nos schémas conceptuel et d'analyse. L'hypothèse principale était qu'en Guinée, la scolarisation varie en fonction des Régions. Cette différence est due aux facteurs socio-économiques, sociodémographiques et socioculturels.

Pour tester la validité de nos hypothèses nous nous sommes servis des données de l'Enquête Démographique et de Santé (EDS) collectées en Guinée en juin 1999.

Après l'évaluation de la qualité des Données, nous avons fait deux types d'analyses: une analyse descriptive et une analyse prédictive. L'analyse descriptive nous a permis d'une part de mesurer le niveau de la scolarisation des enfants selon les certaines caractéristiques démographiques, économiques et culturelles, d'autre part d'évaluer le degré d'association entre la mise à l'école (variable dépendante) et les certaines variables indépendantes retenues. Nous avons ainsi observé que certaines de ces variables (région, milieu de résidence, religion, ethnie, âge de l'enfant, sexe du chef de ménage) étaient liées avec la mise à l'école. Pour s'assurer que les liaisons observées sont stables, nous avons eu recours à une méthode statistique plus puissante, la régression logistique (méthode prédictive).

Il est ressortit de nos analyses qu'il y a bien des inégalités régionales en matière de scolarisation en Guinée.

Au niveau global, on trouve que:

Les enfants des régions de Conakry (la Capitale), de la Basse Guinée, de la Moyenne Guinée et de la Guinée Forestière avaient les meilleures chances de scolarisation que leurs camarades de la Haute Guinée. Les enfants résident à Conakry ont 3 fois plus de chances de d'être mis à l'école que les enfants de la Haute Guinée. Ceux vivant en Basse Guinée avaient 2,5 fois plus de chances d'être scolarisés que leurs camarades de la Haute Guinée. De même, les enfants de la Moyenne Guinée et ceux de la Guinée Forestière avaient respectivement 56%
et 62 % plus de chances d'être envoyés à l'école que les enfants de la Haute Guinée.

En plus de la région de résidence, d'autres variables sont restées significatives au cours de nos différentes analyses. C'est le cas des variables milieu de résidence, niveau d'instruction de la mère, activité de la mère, niveau de vie du ménage et religion de la mère.Les enfants du milieu urbain ont 3 fois plus de chances d'être scolarisés que ceux du milieu rural.

Les enfants dont les mères sont sans niveau d'instruction sont nettement moins scolarisés que les enfants dont les mères sont instruites. Ces enfants avaient par rapport à leurs camarades dont les mères ont le niveau primaire 2 fois moins de chances de scolarisation et plus de 4 fois moins de chance que ceux dont les mères ont un niveau secondaire et plus.

Du point de vue de l'activité économique de la mère, les enfants dont les mères exercent dans l'administration sont les seuls à se distinguer des autres enfants. Ils ont 57 % plus de chances de fréquenter une école que les enfants dont les mères travaillent dans l'agriculture.

Comme dans d'autres phénomènes tel que la mortalité, le niveau de vie du ménage s'est avérée être un facteur de discrimination des enfants en matière de scolarisation mais à un degré moindre que le milieu de résidence et le niveau d'instruction de la mère. Les enfants des ménages riches ont 29 % plus de chances de subir l'événement scolarisation que les enfants des ménages pauvres. La différence entre les enfants des ménages pauvres et ceux des ménages moins pauvres n'était pas significative.

Nous avons également trouvé que les enfants dont lesmères sont de confession musulmane avaient au seuil de 1 %, 65 % moins de chances d'être scolarisé que les enfants dont les mèressont non musulmanes (chrétiens et animistes).

Les variables sociodémographiques (sexe de l'enfant, sexe du chef de ménage, âge du chef de ménage, taille du ménage, état matrimonial de la femme, statut de résidence du conjoint) n'ont pas d'effet significatif sur la mise à l'école des enfants.

L'analyse par milieu de résidence a montré que les disparités régionales persistent quel que soit le milieu considéré.

Pour le milieu urbain, on trouve que les enfants de la Basse Guinée ont 65 % plus de chances d'être scolarisé que leurs camarades de la Haute Guinée. Les enfants de Conakry, la Capitale ont 2,16 fois plus de chances d'être scolarisés que leurs camarades de la Haute Guinée. Les enfants vivant en milieu urbain en Moyenne Guinée ont quant à eux 2 fois plus de chances d'être scolarisés que les enfants de la Haute Guinée. Cependant, les enfants de la Guinée Forestière ont 33 % moins de chances d'être envoyés à l'école que les enfants de la Haute Guinée.

Pour le milieu rural, on trouve les mêmes tendances sauf en Guinée Forestière. Les enfants vivant en milieu rural en Guinée Forestière ont 2,32 fois plus de chances d'être mis à l'école que ceux de la Haute Guinée. De même, les enfants de la Basse Guinée et ceux de la Moyenne Guinée ont respectivement 2,74 fois et 1,64 fois plus de chances d'être scolarisés que leurs camarades de la Haute Guinée.En plus des régions de résidence, d'autres variables se sont avérées discriminantes en ce qui concerne la mise à l'école des enfants.

En milieu urbain, nous avons trouvé que les enfants des femmes sans conjoint ou celles ayant leurs conjoints hors du ménage présentent moins de chances de fréquenter une école que les enfants des femmes ayant leurs conjoints dans le ménage. De même, les enfants des femmes n'ayant aucun niveau d'instruction ont nettement moins de chances de fréquenter que les enfants des femmes ayant un niveau primaire ou secondaire et plus.

En milieu rural, en plus du niveau d'instruction de la mère, les variables sexe de l'enfant, sexe du chef de ménage, activité de la mère, religion de la mère et niveau de vie du ménage sont apparues comme étant des variables discriminantes en matière de scolarisation en Guinée.

Toutefois, le fait que des écarts subsistent entre les odds ratios (rapports de chances) des différentes régions indiquent que d'autres facteurs qui n'ont pas été pris en compte ici expliqueraient cette différence. Il s'agit par exemple des caractéristiques des conjoints, de l'activité économique dominant dans la région, du statut de la femme (prise de décision en matière de scolarisation), des facteurs environnementaux, etc. Nous entendons par facteurs environnementaux, l'environnement géographique et culturel de la région.

Du point de vue historique, on remarquera que les régions de Conakry, Basse Guinée, Moyenne Guinée et Haute Guinée ont vu naître leurs premières écoles dès 1900, alors que la Guinée Forestière elle n'a été dotée que bien plus tard.

Notons aussi que les régions de la Haute Guinée et de la Moyenne Guinée qui sont les région les moins scolarisées, font partie de la bande Soudano-Sahélienne de sous scolarisation et qui s'étend du Tchad au Sénégal en passant par le Niger, le Burkina Faso, le Mali et la Guinée. Ce groupe de pays est le moins scolarisés d'Afrique Subsaharienne tant pour les filles que pour les garçons. Les ethnies vivant dans ces pays sont en majorité musulmanes et font partie des sociétés qui se sont le plus illustrées dans la lutte contre la pénétration coloniale. L'on peut croire comme l'a écrit (PÈRE 1995), parlant des Lobi du Burkina Faso que le refus de l'école serait lié aux antécédents de la colonisation. Car la scolarisation était assimilée à l'époque coloniale à un acte d'avilissement aux colons.

A l'opposé, la Guinée Forestière, région sud de la Guinée fait frontière avec la Cote d'Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone. Trois pays qui ont des taux de scolarisation meilleurs8(*) que la Guinée. Les non musulmans (chrétiens, et animistes) y sont majoritaires. Le contexte environnemental est donc plus favorable à la scolarisation. En plus, la proportion des pauvres est plus faible dans cette région qu'en Moyenne et en Haute Guinée. En effet, d'après le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP, 2001, p30-31), le pourcentage des personnes vivant avec moins de 300$ US par an était en 1995 de 7 % à Conakry, 42 % en Basse Guinée, 51 % en Moyenne Guinée, 62 % en Haute Guinée et 33 % en Guinée Forestière.

En conclusion, nous pouvons affirmer que cette recherche a permis de dévoiler quelques aspects non connus de la scolarisation en Guinée. Bien entendu, les facteurs que nous avons identifiés comme étant responsables des disparités régionales ne sont pas exhaustifs et nos arguments loin d'être irréfutables. Car le fichier que nous avons exploité bien que très riche présente quelques limites. Le premier est le taux élevé des manquants au niveau de certaines variables que nous voulions intégrer dans nos régressions (les caractéristiques des conjoints par exemple). Le deuxième biais est lié à la collecte des informations. Nous savons que les questionnaires EDS sont des questionnaires lourds. Et, la section consacrée à la scolarisation était à la fin du document. Il n'est pas exclu que sous l'effet de la fatigue l'enquêtée donne des réponses non exactes à certaines questions ou que l'enquêtrice ne pose pas bien les questions. Les résultats que nous avons trouvénous incite à approfondir cette étude en utilisant d'autres données (recensement).

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* 1 Extrême pauvreté : le niveau de pauvreté du groupe distinct des plus pauvres. Dans cette catégorie, la misère est extrême au point que la totalité du revenu ne suffit pas à assurer le niveau minimum de nutrition (UNICEF, 2000).

* 2citée par J. Remy NGONON, Radio Siantou, Yaoundé (septembre 2002)

* 2 Législateur = le prophète, Mohamet

* 3 Nous emploierons le terme mise à l'école plutôt que fréquentation scolaire, car il s'agit de la fréquentation scolaire passée. C'est à dire le fait que l'enfant ait fréquenté l'école au moins une fois.

* 4 La méthode la plus indiquée pour notre étude était l'analyse multiniveaux, voir annexe 2.

* 5 Le rayon d'action scolaire est défini comme étant la moitié de la distance moyenne séparant deux écoles

* 6 Les habitants de Conakry étant tous considérés comme urbains, la région de Conakry ne figure donc pas dans ce modèle.

* 7 Les analyses ont été faites par la procédure multiple réponses de SPSS

* 8du moins avant les Guerres civiles qui ont ravagé ces deux derniers pays entre 1989 et 2003.






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