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Disparités régionales en matière de scolarisation en Guinée


par Mamadou Dian Dilé Diallo
Université Yaounde II - DESS 2003
  

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1.3. Quelques faiblesses et distorsions du système éducatif guinéen

Il faut remonter aux origines de l'école en Guinée pour cerner tous les problèmes qui bloquent sa généralisation à tous les enfants d'âges scolaires. Implantée en Afrique pour les besoins des colonisateurs, l'école moderne était limitée au début à une toute petite minorité d'individus : fils d'administrateurs coloniaux, d'employés des comptoirs commerciaux, de chefs de cantons,...

Le gouverneur général de l'Afrique occidentale française PONTY(1908) déclarait en ces termes les objectifs de l'école coloniale : « rassurez-vous qu'il n'entre pas dans ma pensée de multiplier les établissements donnant autre chose qu'une instruction primaire très simple, il faut en effet prendre nos populations au stade ou elles sont dans leur évolution. Apprendre à l'indigène à parler notre langue, lui inculquer quelques notions de morale, c'est suffisant pour le moment. Ces données [...], une fois qu'ils les possèdent, l'enseignement doit être pour nos jeunes indigènes et en dehors d'une petite élite dotée d'une culture plus élevée qu'il sera de notre devoir d'encourager, devenir et rester pratique ». Son successeur ROUME(1924) continuera la même politique en affirmant : « [...] considérons l'instruction comme une chose précieuse qu'on ne distribue qu'à bon escient et limitons en les bienfaits à des bénéficiaires qualifiés » (cité par (KOSSOVI, 1993). Au-delà de ces objectifs plus que restrictifs, la lutte de libération que menait les populations africaines empêchaient nombre d'entre elles à scolariser leurs enfants.

Dans les sociétés fortement islamisées comme la Guinée, les parents assimilaient la scolarisation au christianisme. Pour attirer les musulmans dans les écoles, le gouverneur général FAIDHERBE dû instituer des cours du soir pour les enfants fréquentant les écoles coraniques.

Selon (MARTY, 1921) : « le gouvernement guinéen avait créé dans chaque escale une place de moniteur arabe confiée à un Karamoko intelligent. Les cours étaient combinés de façon à permettre aux enfants de faire leurs études dans les deux langues. De :

ü sept heures et demie à dix heures, l'école française

ü dix heures à onze heures et demie, école arabe

ü quatre heures à cinq heures et demie, école arabe

L'expérience ne fut pas sans succès et les indigènes y prenaient goût. Ils devenaient même plus forts en arabe qu'en français et se perfectionnaient dans le coran, le Borhan, la Rissala et le Miyara, avant d'avoir pénétré les secrets du système métrique. Le moniteur calquait d'ailleurs ses leçons sur les leçons de l'instituteur, et profitait de ses bons conseils. On en était arrivé à avoir dans tout le Fouta des sortes de petites médersas, où l'arabe florissait aux dépens de l'instruction moderne. Il est démontré aujourd'hui que cette fusion des deux écoles se fait la plupart du temps au détriment de l'école française. Au surplus, nous n'avons pas à travailler à l'extension de la langue arabe et de la religion du Prophète. C'est pourquoi la dissociation a été opérée, et la plus entière liberté laissée aux parents et aux enfants. On veille seulement à ce que les écoles maraboutiques, qui fleurissent dans le voisinage de l'établissement français lui fournissent, autant que possible, quelques élèves ».

La suppression de ces dispositions et l'application d'une nouvelle législation à partir de 1903 « eurent pour résultat de freiner durablement dans certaines régions l'expansion de l'enseignement. C'est surtout du côté de l'éducation des filles que l'effet retardataire de la laïcisation fut plus sensible, car les soeurs avaient su acquérir, auprès des familles, mêmes musulmanes, un capital de confiance que celles-ci ne reportèrent pas avec la même ampleur sur les instituteurs laïcs » (CAPELLE, 1990).

C'est dans ce contexte que la Guinée accède à l'indépendance en votant « NON » au référendum du général de Gaulle. En représailles, l'administration coloniale rapatria vers les autres colonies tous les fonctionnaires et cadres français qui servaient en Guinée. La plupart des écoles se retrouvent alors sans maîtres. Malgré l'ambition des nouvelles autorités, la scolarisation marquera le pas, faute d'écoles et de maîtres. Suite à la répression brutale de la grève des enseignants en 1961, la plupart des nationalistes africains qui étaient venus prêter main forte à la jeune république quittèrent le pays.

L'introduction hâtive et improvisée de la pratique des langues nationales dans les écoles sans supports didactiques adaptés à la place du français provoqua la baisse de l'enthousiasme des parents. A ces problèmes institutionnels s'ajoute un manque criard des infrastructures. Pour six mille classes existantes dans les années 80, deux mille seulement répondaient à un minimum de normes. Les classes en banco étaient les plus nombreuses dans les zones rurales. La fermeture à partir de 1984 de la quasi-totalité des collèges d'enseignements ruraux (CER) dans les districts et certains arrondissements provoqua une baisse considérable des effectifs scolaires. En effet, des nombreux élèves étaient obligés d'abandonner leurs études faute de tuteurs dans les villes. Entre 1984 et 1988, le taux de scolarisation est passé de 30,8 % à 23,3 % (KI-ZERBO, 1990).

Les politiques d'ajustement structurel dans lesquelles le gouvernement guinéen s'est lancé à la fin des années 1980 et le gel des budgets sociaux qu'elles impliquent notamment le blocage des recrutements des nouveaux enseignants continuent d'empêcher des nombreux enfants du milieu rural d'être scolarisé.

Pour pallier le manque des salles de classes dans les milieux urbains, la pratique des classes à mi-temps fut instituée. Mais que ça soit le matin ou l'après-midi, les classes présentent un niveau d'occupation supérieur à la norme. Les effectifs oscillent entre 100 et 150 à Conakry et dans les grandes villes.

Cette insuffisance des salles de classes traduit à elle seule, la faiblesse des efforts du gouvernement en faveur du secteur de l'éducation. En effet, les dépenses pour le secteur de l'éducation bien que représentant en 2002, 23 % des dépenses courantes de l'État guinéen mais cet effort consacré à l'éducation ne représente que 2,15 % du produit intérieur brut (PIB) estimé à 6325,02 milliards de francs guinéens. Ce qui place la Guinée parmi les pays qui consacrent le moins de ressources publiques au secteur de l'éducation par rapport à la richesse nationale. La moyenne en Afrique subsaharienne s'élève à environ 4 % (EPT, 2002). Ce faible effort de la part de l'État contrarie la demande d'éducation, car l'essentiel des frais de scolarité est supporté par les populations dont plus de 40 % vivent dans l'extrême pauvreté1(*).

Un autre obstacle à la scolarisation identifié par le programme éducation de base pour tous est le phénomène de redoublement. « Le redoublement constitue non seulement un coût supplémentaire pour le système mais il obstrue surtout la fluidité du système. Quand le taux de redoublement est excessif, comme il l'est en Guinée (en moyenne 27%), les enfants redoublants occupent la place des nouveaux candidats qui parfois à force d'attendre leur tour risquent de voir leur âge de scolarisation révolu. Le redoublement est surtout préjudiciable pour la scolarisation des filles qui sont déjà discriminées. Une période d'attente longue les pousse encore davantage aux travaux domestiques et à l'abandon définitif d'entreprendre des études » (EPT, 2002).

Aussi, le rapport de l'EPT, souligne une régression sensible du taux brut d'admission en première année durant la période 2001-2002, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Au niveau national, le taux brut d'admission (TBA) est passé de 66 % en 2001 à 54 % en 2002. Ce recul serait dû à l'insuffisance des enseignants. À préciser qu'en 2002, 948 seulement enseignants ont été recrutés sur un total de 2000 prévus.

* 1 Extrême pauvreté : le niveau de pauvreté du groupe distinct des plus pauvres. Dans cette catégorie, la misère est extrême au point que la totalité du revenu ne suffit pas à assurer le niveau minimum de nutrition (UNICEF, 2000).

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