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Dynamiques citoyennes et acteurs de développement en Afrique. L’exemple de la société civile ivoirienne.


par Hervé Rabet
Université Bordeaux Montaigne - Master II études interdisciplinaires des dynamiques africaines 2020
  

Disponible en mode multipage

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    Année universitaire 2019/2020
    UNIVERSITE BORDEAUX MONTAIGNE
    U.F.R Sciences des Territoires et de la Communication
    MEMOIRE DE MASTER II interdisciplinaire des dynamiques africaines (géographie)

    Dynamique citoyenne et acteurs de développement en Afrique : L'exemple de la société civile ivoirienne

    Sous la direction de Monsieur Alhadiji Bouba Nouhou, enseignant à l'Université Bordeaux Montaigne et chercheur au Centre Montesquieu de Recherche politique (CRMP)

    Présenté et soutenu le 15 septembre 2020 par Hervé RABET

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    Année universitaire 2019/2020

    UNIVERSITE BORDEAUX MONTAIGNE

    U.F.R Sciences des Territoires et de la Communication

    MEMOIRE DE MASTER II interdisciplinaire des dynamiques africaines (géographie)

    Dynamique citoyenne et acteurs de développement en Afrique : L'exemple de la
    société civile ivoirienne

    Présenté et soutenu le 15 septembre 2020 par Hervé RABET

    Sous la direction de Monsieur Alhadiji Bouba Nouhou, enseignant à l'Université Bordeaux Montaigne et chercheur au Centre Montesquieu de Recherche politique (CRMP).

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    Abréviations

    AOF - Afrique occidentale française

    BM - Banque Mondiale

    CFSI - Comité français pour la Solidarité internationale

    CIRAD - Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le

    développement

    FANCI - Forces nationales armées de Côte d'ivoire

    FAO - Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture

    FESCI - Fédération estudiantine de Côte d'ivoire

    FMI - Fonds monétaire international

    FPHN - Forum politique de haut niveau pour le développement durable

    FPI - Front populaire ivoirien

    MPCI - Mouvement patriotique de Côte d'ivoire

    MPIGO - Mouvement Populaire ivoirien du Grand Ouest

    OCDE - Organisation de coopération et de développement économiques

    ODD - Objectifs du Développement Durable

    OMC - Organisation mondiale du commerce

    OMD - Objectifs du millénaire pour le développement

    ONG - Organisation non gouvernementale

    ONU - Organisation des Nations unies

    ONUCI - Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire

    OSC - Organisations de la société civile

    PDCI - Parti démocratique de Côte d'Ivoire

    PDCI - RDA Parti démocratique de Côte d'Ivoire- Rassemblement démocratique

    africain

    RDA - Rassemblement démocratique africain

    RDR - Rassemblement des républicains

    RHDP - Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix

    UE - Union européenne

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    SOMMAIRE

    SOMMAIRE 5

    INTRODUCTION 6

    CHAPITRE 1 : ETAT DE L'ART ET CONTEXTE DE L'ETUDE 14

    1.OBJET DE L'ETUDE 14

    2. METHODOLOGIE ET CONTEXTE DE L'ETUDE 48

    CHAPITRE 2 : EVOLUTION DE LA CITOYENNETE EN COTE D'IVOIRE DEPUIS 1960 73

    1.RESTRICTION DE LA CITOYENNETE DANS LA COTE D'IVOIRE D'HOUPHOUËT-BOIGNY 73

    2. HYPERPOLITISATION DE LA CITOYENNETE IVOIRIENNE A PARTIR DES ANNEES 1990 85

    CHAPITRE 3 : L'ACTION DES OSC IVOIRIENNES DU DEVELOPPEMENT DEPUIS 2011 135

    1.ANALYSE DES ENJEUX ET LIMITES DE L'ACTION DES OSC IVOIRIENNES DU DEVELOPPEMENT 138

    2. RECONTEXTUALISATION DE L'ACTION DES OSC EN AFRIQUE 168

    CONCLUSION 185

    ANNEXES 207

    BIBLIOGRAPHIE 218

    TABLE DES FIGURES 225

    TABLE DES MATIERES 226

    RESUME ET MOTS CLEFS 227

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    Introduction

    Quels liens entre citoyenneté et Développement ?

    Figure 1 : Les Objectifs du développement durable (ONU 2020)

    Le concept de « développement », apparait après la seconde guerre mondiale et dans le contexte de la décolonisation, visant au « rattrapage » d'un hémisphère « Sud » sous développé vis-à-vis d'un hémisphère « Nord » industrialisé et de ce fait développé. En 2000, les Nations unies adoptent huit Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) à destination des « pays du Sud », recouvrant les principaux enjeux humanitaires pour l'horizon 2015.

    Pendant quinze ans, ces OMD structurent la solidarité internationale et la mobilisation de l'ensemble des acteurs de l'aide au développement. Ils permettent ainsi d'enregistrer des améliorations notables, bien qu'inégales et insuffisantes, notamment dans les domaines de la scolarisation universelle, de la diminution de la mortalité infantile et maternelle et dans la lutte contre les grandes pandémies.

    Concomitamment, les Sommets de la Terre, organisés tous les 10 ans à partir de la conférence de Stockholm en 1972, inscrivent progressivement au niveau mondial les principes de la préservation de l'environnement, puis de la recherche d'un

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    développement durable incluant également la dimension sociale. La définition « Brundtland » de 1987 y ajoute les principes de la satisfaction des besoins, notamment des plus démunis, et des limites de la planète. Sur cette base, le Sommet de Rio en 1992 mène à l'adoption de la convention sur la diversité biologique, de la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques, et de celle sur la lutte contre la désertification. Il est à mentionner la forte implication de la France pour la bonne intégration des enjeux de genre, de couverture sociale universelle, de bonne gouvernance et des enjeux environnementaux et climatiques. C'est à la conférence de Rio de 2012, dite « Rio+20 », que les États conviennent de l'élaboration des "Objectifs de développement durable" (ODD) pour tous les pays.

    Trois années de négociation permettent en premier lieu d'acter que les ODD fusionnent avec les OMD « post-2015 » puis, au terme d'un processus participatif inédit par son ampleur multilatérale, c'est-à-dire incluant l'ensemble des parties prenantes" ou "groupes majeurs", dont les collectivités territoriales, le secteur privé et la société civile, d' d'aboutir à l'adoption le 25 septembre 2015 de 17 Objectifs de Développement Durable couvrant pratiquement l'ensemble des questions de société et du devenir de l'humanité. L'adoption des ODD est étroitement liée à celle du plan d'action d'Addis-Abeba pour le financement du développement de juillet 2015 et de l'Accord de Paris pour le Climat de décembre 2015. Le champ et l'ambition des ODD sont donc considérablement élargis et renforcés par rapport aux OMD tout en offrant une caractérisation plus précise du chemin à suivre que ne le faisait la définition du développement durable reposant sur la « rencontre des dimensions économiques, sociales et environnementales ». Le nouvel Agenda 2030 s'organise autour des « 5P », car il est conçu dans l'optique d'être au service de la planète, des populations, de la prospérité, de la paix et des partenariats.

    Les 17 ODD sont décomposés en 169 cibles plus précises, qui en forment le coeur et en décrivent l'horizon idéal pour 2030 d'un développement durable qui induit autant la justice sociale que la croissance économique, la paix et la solidarité que la préservation des écosystèmes. Sur le plan social, nous pouvons mettre en exergue la présence d'un objectif dédié à l'égalité de genres (ODD 5), d'un objectif sur le droit au travail décent (ODD 8) ainsi que l'éradication de la pauvreté (ODD 1) et la réduction des inégalités sociales et internationales (ODD 10). S'agissant des enjeux environnementaux et

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    climatiques, on retrouve des ODD dédiés spécifiquement à l'eau et à l'assainissement, à l'énergie durable, aux villes durables, aux modes de consommation et de production durables, au climat, aux océans et aux écosystèmes terrestres.

    L'ambition globale de l'Agenda 2030 se traduit aussi par sa transversalité et par la reconnaissance des liens entre les différentes dimensions du développement. Chaque ODD fait ainsi référence aux autres objectifs à travers l'intitulé de ses cibles. Par exemple, on retrouve les enjeux environnementaux dans des cibles relatives à la lutte contre la pauvreté, l'agriculture, la santé, l'éducation ou la croissance. À l'inverse, les ODD environnementaux mettent l'accent sur les questions d'accessibilité aux ressources naturelles, notamment des personnes les plus vulnérables. La mise en oeuvre de l'Agenda 2030 doit donc prendre en compte ces connexions ou « interrelations » entre les différents objectifs. D'autant plus que les ODD ne sont opératoires que si le principe d' « insécabilité des ODD », qui veut que chaque objectif ne puisse et ne doit pas être relevé que pour sa seule finalité sans considération des autres, est respecté et appliqué (Roca, 2019). Par exemple, en agissant sur l'ODD 11 (villes et communautés durables), on peut également agir en faveur de l'ODD 5 (égalité entre les genres). Une approche genrée de l'aménagement de la ville, permettant d'améliorer la sécurité des femmes dans les espaces publics ou les transports.

    L'ensemble des 193 États membres de l'ONU ont négociés ces 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) et leurs 169 cibles, tous se sont accordés pour les adopter et tous se sont engagés à tout mettre en oeuvre pour les atteindre. À ce titre, l'Agenda 2030 plus qu'une dimension internationale prend donc une dimension universelle. Aucun pays n'atteint par ailleurs l'ensemble des cibles, même si les chemins à parcourir diffèrent selon les uns les autres. À ce titre, tous les pays sont donc en voie de développement durable. Par ailleurs, le succès de l'Agenda 2030 n'est pas que de la responsabilité des gouvernements : Il dépend également de la contribution des acteurs de la société civile, du secteur privé et financier mais aussi des syndicats, des ONG, des autorités ou gouvernements locaux, qui ont participé aux négociations des ODD dans un processus participatif inédit de par sa représentativité et sa multilatéralité.

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    Enfin, tous les pays, du Nord comme du Sud, devront veiller à intégrer les ODD dans leurs politiques et stratégies nationales et seront invités à rendre compte annuellement de leurs progrès devant les Nations unies, lors du Forum politique de Haut Niveau (FPHN).

    Les Objectifs du Développement Durable doivent être atteints par tous les états membres de l'ONU d'ici à 2030. Cela signifie que tous les pays sont appelés à relever conjointement les défis urgents de la planète. Il s'agit ici de souligner l'urgence révélée par l'agenda 2030 de la mise en oeuvre d'une citoyenneté planétaire. Et pour construire cette citoyenneté, les états doivent mobiliser leurs populations dans leurs ensembles. Que ce soit, celles qui sont déjà engagées ; par le soutien d'initiatives multi-acteurs et multilatérales, mais également par le renforcement de capacités et de capabilités des plus vulnérables Ainsi elles ne considéreront pas la globalisation comme une perte d'identité et de ressources, mais au contraire comme l'occasion de solidarités nouvelles. En fait, la question de l'anthropocène, la question de la lutte contre le réchauffement climatique sont sans doute nos seuls agendas universels. (Agenda 2030, 2020)

    La citoyenneté environnementale est particulièrement mise en avant ces dernières années avec une réappropriation de l'espace public et notamment de l'espace naturel qui est ressenti comme étant précisément un bien commun.

    Les Objectifs du Développement Durable permettent l'élaboration de cet agenda universel. Il s'agit là de mobiliser toutes les parties prenantes dans un objectif mondial de prospérité sociale, notion supplantant celle de progrès, remplacée au sens où elle révèle qu'il y a une face sombre du progrès. L'enjeu est aussi d'inclure toute la protection, non seulement des plus vulnérables, mais également de la biosphère. Autrement dit, la citoyenneté construite à travers les Objectifs de Développement Durable est le sens individuel et collectif de l'agenda mondial. On peut alors en définir deux grands enjeux. Le premier est un enjeu de préservation de l'État de droit qui est indissociable d'un nouvel âge de la mondialisation. Il faut rappeler l'importance démultipliée de la question migratoire pour l'Europe et l'Occident plus globalement , qui est en train tout simplement de rappeler tous les impensés, tous les manqués de la mondialisation, à savoir : une mobilité contrainte, non choisie pour les Hommes face à une expérience de schisme très forte et très traumatisante entre les destins des travailleurs, les destins des producteurs,

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    les destins des consommateurs, les destins des citoyens. Et on arrive à la fin, tout simplement, à la fin de ce système qui consiste à déporter sur les autres l'impensé d'un modèle de justice sociale. La Terre est ronde, elle n'est pas infinie et l'Occident fait actuellement face au retour de bâton de son développement. Donc, on a un État de droit qui risque d'être détruit par l'intérieur et par l'extérieur précisément parce qu'il se dessaisit trop de la question sociale désormais indissociable de la question migratoire, elle-même indissociable de la question environnementale. Il s'agira au cours de cet étude d'interroger l'adéquation d'un modèle sociale désiré ou du moins institué à l'échelle d'un état avec une dynamique de mondialisation dont les récentes crises démontrent nécessairement de l'utilité d'un nouvel âge de régulation. Et l'état de l'art est considérable : les économistes, les anthropologues, les juristes, s'accordent autour de la dialectique des vulnérabilités ou à l'inverse des capacités. Cependant si l'on veut préserver une pensée et une réalisation possible de l'État de droit, des États de droit, de ne pas dissocier ces questions de celles de la justice sociale, de l'environnement et de la gouvernance mondiale.

    La base du contrat social, c'est la nature. Elle est le premier pilier du contrat social et de ce fait opposer contrat social et contrat naturel n'a que peu de sens. Nous vivons grâce aux services écosystémiques, c'est-à-dire à ces services de la nature rendus à l'Homme. Cependant il est à présent impératif de repenser nos modèles de gouvernance afin d'inventer des modes de gouvernance nouveaux et de nouvelles combinaisons de souverainetés.

    C'est ce que Cynthia Fleury nomme « rematérialisation » de la gouvernance mondiale : c'est-à-dire, que nous allons vers un âge de la mondialisation qui non pas, porte plus de technocraties, mais au contraire, reterritorialise et relocalise la mondialisation. On ne reviendra pas à l'âge d'antan, mais on doit absolument penser des modèles de justices sociales et environnementales qui sont adaptés à des territoires, et qui dans le même temps, dialoguent toujours, sans cesse avec la question de la gouvernance mondiale. L'enjeu de ces combinaisons de souverainetés réside donc dans l'articulation entre d'un côté l'État de droit national, et de l'autre côté la gouvernance mondiale.

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    La citoyenneté en Géographie

    Un sujet portant sur la citoyenneté peut sembler être éloigné de la géographie si celle-ci n'est pas appréciée au-delà de la seule question paysagère. Pourtant elle demeure une incitation, pour ceux et celles qui ont l'esprit scientifique, à une réflexion sur la relation Nature/Homme et Homme/Nature. Pour d'autres ce sont les techniques de gestion politico-administrative, résumées par « l'aménagement du territoire » qui passionnent. Yves Lacoste en 1976, affirmait même que la géographie servait « d'abord à faire la guerre ». Toutes ces facettes, apparemment diverses, se regroupent pourtant dans une même réflexion sur la citoyenneté : la citoyenneté est liée au paysage, aux relations avec le milieu naturel, à l'organisation de l'espace social, et à sa défense éventuellement. C'est ce concept clé qui sous-tend et justifie la pensée géographique. Cependant évoquer la « citoyenneté » ne semble plus être un geste innocent à l'heure où la citoyenneté est devenue un thème de prédilection du discours politique. C'est une notion polysémique, mais sa polysémie s'efface au profit d'un sens pseudo-politique dont la vulgarisation médiatique est plus que jamais remise en cause. Juridiquement, il s'agit simplement de « l'attribution de droits par un pouvoir politique en compensation d'un certain nombre de devoirs vis-à-vis de ce pouvoir ». Avec la volonté de dépasser ces débats, nous considérerons, plus simplement, que « la citoyenneté » c'est avant tout la participation active à la vie d'une cellule territoriale qui, dans le contexte des 19ème et 20ème siècle, a été la structure étatique. La citoyenneté n'est pas qu'une question de civisme, mais bien de civisme actif, et c'est plus généralement l'intérêt porté à la « chose publique », au débat public, c'est se sentir responsable et participant d'une démarche collective, à quelque échelle géographique que ce soit. C'est à partir de là que la géographie peut intervenir. Cet intérêt n'est pas nécessairement contestataire et extérieur aux décisions du « pouvoir ». Il peut s'exprimer par l'insertion dans des organismes administratifs, politiques et gouvernementaux, mais en gardant une capacité de jugement et d'appréciation critique.

    Dans notre société en mutation, la géographie a la vocation d'aider à reconstruire les rapports qui unissent les hommes aux lieux. En ce sens Yves Guermond nous dit que « la géographie, ça sert à faire des citoyens » (Guermond,2018). Au cours de l'Histoire récente ces rapports ont connu des évolutions, qui sont sans doute autant un reflet de l'évolution de la société qu'une simple évolution de la préoccupation géographique. Ils se

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    développent d'abord dans le cadre de l'Etat-Nation mais progressivement, à la fin du 20ème siècle, le nationalisme s'est atténué le temps de la reconstruction en Europe, par rapport au reste du monde, au profit d'une ouverture internationale facilitée par la fin du conflit européen, puis par la fin de la guerre froide. Sans devenir vraiment « citoyens du monde », les individus ont pris conscience de leurs responsabilités dans le cadre de structures supranationales, à l'échelle régionale ou même mondiale. Cette ouverture planétaire, qui a suscité de grands espoirs, a rencontré à son tour des interrogations et des craintes devant l'uniformisation du monde et la perte des repères identitaires, et elle conduit, dans le cadre de crises politiques, à un retour en force des nationalismes. Plus profondément elle a conduit aussi à un certain repli sur la microsociété, les communautés locales et accentuée de l'entre-soi. Il semble vain de chercher là une quelconque « évolution historique ». Toutes ces configurations coexistent dans la société contemporaine, elles se renforcent ou s'atténuent selon les événements politiques et sociaux. Il reste que chacun de ces cadres territoriaux suscite une forme spécifique de citoyenneté, de lien entre la prise de responsabilité collective et le cadrage géographique, sans qu'aucune de ces formes ne surpasse l'autre, car elles ont toutes également leur côté positif, qui est la prise en charge par l'individu du destin collectif. C'est l'investissement des géographes dans ces diverses échelles spatiales d'attitude citoyenne que nous devons chercher à mieux comprendre et à bien interpréter (Guermond, 2018)

    Pourquoi m'intéresser à la citoyenneté ?

    Quelle que soient les évolutions de la citoyenneté, le phénomène marquant est le développement de la démocratisation informatique. L'évolution technique et surtout l'amélioration de la convivialité des logiciels, de même que la disponibilité accrue des données en open source, conditionnent de plus en plus la participation citoyenne à l'élaboration, mais aussi à la critique, des politiques d'aménagement de l'espace. La « veille démocratique » renforce le suivi des politiques publiques et de leur impact sur les espaces régionaux, et les outils techniques favorisent la participation plus générale à la recherche, notamment dans le domaine écologique sur lequel les données sont actuellement mal connues et discutées. La responsabilité citoyenne du géographe, qui émerge progressivement depuis un siècle ou deux sous diverses formes se développe d'année en année et ce, parce qu'elle est inhérente aux objectifs fondamentaux de la

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    discipline. Elle se développe même d'autant plus que, dans le cadre d'une société mondiale confrontée à la finitude de l'espace terrestre, les questions d'organisation de l'espace social prennent une place de plus en plus importante dans les préoccupations des sociétés, à des rythmes différents selon les continents.

    Plus que de décrire la citoyenneté dans le monde, ce qui serait alors une « géographie de la citoyenneté », ce qu'on peut attendre du géographe c'est bien la promotion d'une «

    citoyenneté géographique ». Au sens où la géographie n'est pas l'étude de la façon dont l'homme occupe l'espace terrestre, mais bien l'étude de l'agencement de l'espace par l'homme. (Guermond, 2018).

    A propos de la citoyenneté en Côte d'ivoire

    Le 6 août 2020, Alassane Ouattara a annoncé sa décision de concourir à un troisième mandat présidentiel en octobre prochain. Agé de 78 ans le chef de l'État ivoirien a pris cette décision au mépris de la Constitution que lui-même a fait modifier. Cette situation demeure à la fois surprenante et inquiétante. Surprenante car elle intervient suite à de nombreuses interventions du président en faveur de l'alternance démocratique et de la fin d'une ère politique ivoirienne. Inquiétante car le spectre d'un nouveau conflit civil plane de nouveau sur un pays qui depuis 2011 connait une forme de paix mais n'est toujours pas parvenu à la résolution des tensions sociales ni à la définition d'un contrat social liant tous les ivoiriens et favorisant un « vivre ensemble » durable.

    Après les printemps arabes, le balai citoyen ou encore y'en a marre, il semble que ce soit au tour des citoyens ivoiriens d'être à nouveau face au choix de la démocratie. L'acteur citoyen majeur que constitue la société civile apparait plus que jamais outillé pour prévenir de la déconvenue démocratique des années 60 ou encore de la brutalisation des années 2000 ou encore de celle de 2011.

    Il s'agira à travers l'étude de la construction de la représentation de la citoyenneté en Occident et en Afrique Sub-Saharienne puis du processus de construction de la citoyenneté ivoirienne de définir et d'analyser les actions de la société civile ivoirienne actuelle afin de répondre au questionnement suivant :

    Dans quelle mesure les organisations de la société civile ivoiriennes agissent dans un contexte favorisant la finalité de leurs actions, à savoir le changement social ?

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    Chapitre 1 : Etat de l'art et contexte de l'étude

    1.Objet de l'étude

    A. La construction de la Citoyenneté en Europe et en Afrique de l'ouest De la construction de la citoyenneté occidentale

    Selon Anicet Le Pors, la citoyenneté provient du terme latin de « civitas ». Le citoyen se définit comme un individu qui s'inscrit dans les finalités et les règles d'une cité dont il dépend. Ainsi il dispose de prérogatives, de droits et de devoirs inhérent à son « droit de cité » (Le Pors, 2011).

    La Grèce antique constitue le point de départ de la construction de la citoyenneté des sociétés occidentales, dont les valeurs, us et coutumes s'imposent comme paradigme d'organisation civique et citoyenne dominant actuellement à l'échelle mondiale. Cette notion de citoyenneté dans la Grèce antique est incarnée par le terme « politeia » définissant la citoyenneté par le prisme de la communauté de citoyens et de ses règles constitutives.

    La démocratie athénienne du 5ème siècle avant Jésus-Christ, est une démocratie dite « directe » qui se fonde sur une communauté de citoyens. Chaque citoyen peut participer aux assemblées du peuple tenues sur l'Agora. Divers sujets d'intérêts généraux tels que la guerre, les lois ou encore les finances sont débattues et votées, à la majorité des citoyens présents. Tous les citoyens, égaux, peuvent prétendre à la magistrature, au gouvernement ou à l'administration de la cité.

    Les vertus de la démocratie athénienne, premier modèle de démocratie sont cependant limitées. Elles ne permettent qu'à un résident, de la cité sur dix d'accéder au rang de citoyen. Les femmes, les métèques, les étrangers et les esclaves sont exclus de la vie citoyenne.

    La Rome républicaine permet à un plus grand nombre d'habitant d'accéder à la citoyenneté. Cependant le principe d'égalité inhérent à la citoyenneté ne dépasse pas sa fonction juridique, en raison d'une société oligarchique. Ainsi, les citoyens sont avant tout identifiés pour être protégés. Pour la majorité des citoyens, l'exercice de la citoyenneté est assimilé au simple respect des lois. La gouvernance, l'administration et la magistrature sont assurés par une aristocratie politique. Cette « aristocratie » préempte la vie politique

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    de la république romaine en rendant l'essentiel des fonctions de gouvernance héréditaire, et ce, malgré la contestation populaire. Face aux nombreux conflits d'intérêt que cette concentration des pouvoirs (économique, politique et judiciaire) entraîne, la République s'effondre pour laisser place à l'Empire où le pouvoir effectif et la citoyenneté sont distingués. Au sein de l'Empire Romain, l'accès au statut de citoyen devient un instrument d'expansionnisme. Tout homme libre d'une province conquise peut alors prétendre à la citoyenneté et à une assimilation à l'empire. La citoyenneté romaine, intégratrice mais inégalitaire s'inscrit comme l'opposé de la citoyenneté grecque, qui était, exclusive mais fortement égalitaire entre citoyens.

    Le moyen-âge marque l'avènement du féodalisme en Europe. Dans ce système, le bien commun est la préoccupation du Prince. Les valeurs civiques sont alors délaissées au profit de valeurs chrétiennes. Ainsi pendant le millénaire du moyen-âge, le système politico-social transforme la majorité de la population en sujet et non en citoyen.

    Cependant, les valeurs de la citoyenneté ne disparaissent pas totalement pendant cette période. Une partie de la population du Tiers-état qui deviendra la bourgeoisie, en raison de sa puissance économique parvient, au fil des années à obtenir de nouveaux droits individuels et sociaux, qui la distingue des simples sujets. Sur le plan philosophique des auteurs tels que Hobbes, Bodin ou encore Machiavel contribuent à rationnaliser la pensée politique. Dans leurs écrits, l'Homme est replacé au centre de la pensée et de la cité à l'opposé de la doctrine dominante de Saint Augustin où la cité de Dieu était supérieure à la cité des Hommes.

    Le travail de ces précédents auteurs permet l'émergence d'auteurs comme Rousseau (Du Contrat Social) ou Montesquieu (De l'esprit des lois) qui remettent en cause l'absolutisme de la monarchie de droit divin. Ils considèrent la volonté générale supérieure à la volonté monarchique et souligne la nécessité d'un développement de contre-pouvoirs. Ces postulats constituent le socle des revendications qui aboutissent aux révolutions américaines et françaises.

    La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et la constitution de 1793 sont les bases de la conception moderne de la citoyenneté occidentale (Le Pors, 2011).

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    De la construction de la citoyenneté en Afrique de l'ouest

    En Afrique de l'ouest, la construction de la citoyenneté est tout autre. Elle est caractérisée par trois périodes. La période coloniale marque une rupture séparant un exercice de la citoyenneté que l'on qualifiera de « précolonial » et une autre que l'on qualifiera de « post-colonial ». Contrairement à la construction de la citoyenneté européenne, il n'y a qu'une faible présence d'éléments d'archives relatant de la période précoloniale.

    Globalement les sociétés d'Afrique de l'ouest n'ont pas eu le même cheminement que les sociétés européennes, qui ont pu, au fil de l'Histoire, parvenir à consolider l'Etat-Nation.

    L'État-nation est un concept théorique, politique et historique, désignant la juxtaposition de l'Etat, en tant qu'organisation politique et de la nation, c'est-à-dire des individus qui se considèrent comme liés et appartenant à un même groupe. C'est donc la concrétisation d'une notion d'ordre identitaire et d'appartenance à un groupe, la nation, et une notion d'ordre juridique, l'existence d'une souveraineté et d'une gouvernance exercée par l'Etat et ses institutions politiques et administratives.

    La gouvernance caractérise la manière d'administrer et de gérer un territoire et ses citoyens. Celle-ci, considérée comme vitale pour le devenir humain des sociétés est sacralisée au sein des sociétés ouest africaines précoloniales.

    Selon Bruno Doti Sanou, la plupart des empires de l'Antiquité et du Moyen-Âge établis en Afrique de l'ouest ont pour doctrine de gouvernance la théocratie. Le souverain et son gouvernement ne sont alors considérés que comme simple lieutenant du pouvoir. L'autorité suprême est de Droit Divin. C'est en vertu de cette théocratie qu'ils favorisent la décentralisation et l'émergence d'institutions locales répondant aux besoins des populations. Ces institutions locales disposant de marges de manoeuvre dans l'application de la loi. Certaines autres sociétés africaines expérimentent ainsi la théocratie pour permettre à chaque communauté de s'organiser et de développer des initiatives adaptées et appropriées à leurs besoins.

    Les chasseurs fondateurs de l'empire du Mali disaient : « Toute vie (humaine) est une vie. Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre vie, mais une vie n'est pas plus ancienne, plus respectable qu'une autre vie, de même qu'une vie n'est pas supérieure à

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    une autre vie. » Afin d'éviter l'émergence d'une dictature, le pouvoir du souverain est contrôlé et ses décisions peuvent être contestées. Il s'agit de permettre aux différentes catégories représentatives de la société de participer au débat libre, à la gestion et à la recherche des voies pour l'épanouissement communautaire.

    Des proverbes répandus en territoire mandé soutiennent que : « Le chef qui refuse la contestation ne dit jamais la vérité ; dire ensemble est une grâce, agir ensemble est une grâce sans pareille » ou « aucun chef ne s'intronise lui-même » ou encore « le pouvoir d'aucun chef n'est éternel ». La gestion du pouvoir au sein des théocraties ouest africaines est donc collégiale et oligarchique. Les institutions de contrôle peuvent être un collège de sages, un gouvernement, une femme (la reine mère dans les royaumes mossi ou la soeur du chef (une forgeronne) dans certaines sociétés de l'Ouest du Burkina, les griots, les forgerons, une assemblée de notables, les responsables des classes d'initiations, etc.

    Nous pouvons par exemple citer le « Mande Kalenkan » encore appelé Charte du Mande ou Charte de Kurukanfuga pour illustrer un exemple de conception d'« une citoyenneté » en Afrique de l'Ouest.

    La charte dit que :« L'homme en tant qu'individu fait d'os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau couverte de poils et de cheveux, se nourrit d'aliments et de boissons ; mais son « âme », son esprit vit de trois choses : voir ce qu'il a envie de voir, dire ce qu'il a envie de dire, et faire ce qu'il a envie de faire ; si une seule de ces choses venait à manquer à l'âme humaine, elle en souffrirait et s'étiolerait sûrement. En conséquence, les chasseurs déclarent que : « chacun dispose désormais de sa personne, chacun est libre de ses actes, chacun dispose désormais des fruits de son travail. Tel est le serment du Mandé à l'adresse des oreilles du monde entier. »

    L'organisation des différents empires de la Boucle du Niger, comme dans le royaume Mossi ou encore des sociétés de l'ouest du Burkina Faso de l'époque repose essentiellement sur une décentralisation du pouvoir et une participation de chacun au développement de sa communauté. La charte du Mande a ainsi développée les principes de l'égalité de tous devant les coutumes de l'empire, de l'altérité, de la liberté d'entreprise, de la liberté d'association et de la liberté de parole et d'action des contre-pouvoirs (SANOU,2010).

    La période de la traite négrière vient bouleverser les rapports entre les sociétés ouest africaine. Certaines sociétés littorales vont s'enrichir par le trafic d'esclaves et favoriser

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    l'implantation européenne sur le continent contribuant elle-même à l'essor du capitalisme industriel.

    En parallèle de la traite négrière, l'Etat-nation se construit en Europe à partir des territoires issus du traité de Westphalie (1648), qui institue un ordre basé sur le partage de l'identité religieuse du souverain d'un territoire (catholique ou protestante) et de celle de ses sujets. Le système féodal qui a renforcé les liens sociaux au sein des royaumes en Europe, a laissé place à une territorialisation des identités religieuses plus stable et de ce fait plus favorable à la coexistence pacifique des peuples européens.

    La conscience de l'appartenance à un peuple, à une nation, prépare le terrain à l'avènement d'un nouveau modèle qui s'est développé avec la modernité : l'Etat-nation qui est associé à un territoire délimité par des frontières linéaires précises, cartographiées.

    Les deux formes d'Etats antérieures sont les cités-Etats, aux territoires limités à une ville et son environnement rural proche, ou l'empire au territoire beaucoup plus vaste, englobant plusieurs ethnies ou nations, aux limites zonales mal définies, à l'image des marches. Ces deux types d'Etats plus anciens sont caractérisés par la pluralité des identités ethniques et/ou nationales, par un cosmopolitisme plus ou moins développé, alors que l'Etat-nation est caractérisé par une seule nation dominante, qui admet éventuellement la coexistence à ses côtés d'autres individus dotés ou non d'un statut et de droits particuliers.

    La colonisation est inscrite dans un contexte, d'émergence du capitalisme industriel, de rivalités et de compétitions accrues entre les nations européennes. Lors du « scramble for Africa » qui a pris fin lors de la conférence de Berlin, l'Afrique est prospectée et partagée selon une logique économique. Les critères, sociaux, ethnographique et historique ont été relégué à la marge, ce qui n'a pas été sans conséquences.

    L'empire colonial français va imposer le modèle de l'Etat aux sociétés autochtones de l'AOF (Afrique Occidentale Française).

    Un Etat présent et fort est mieux à même de contrôler les velléités des indigènes et de les rappeler à l'ordre préconçu par la métropole. C'est selon cette logique que le concept de commandement est central dans le vocabulaire colonial. En effet, les cercles, plus petite unité d'administration coloniale, regroupent plusieurs cantons et villages qui sont dirigés par un administrateur, le commandant de cercle, venu de métropole. Pour neutraliser la

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    gouvernance précoloniale, les chefs qui se sont opposés à l'armée de conquête sont déposés. Ensuite dans l'organisation de l'administration coloniale est mis en place un nouvel échelon désacralisé, celui du chef de canton qui assure le lien de transmission entre l'administration coloniale et les indigènes. Les chefs de canton ont été installés pour supplanter les chefs traditionnels garant du pouvoir théocratique décentralisé.

    Bien que des commissions municipales existent, le statut de l'indigénat est un frein à la participation et à la prise en compte des intérêts locaux. Seul quelques élites locales peuvent accéder à un poste de gouvernance, sur appréciation du pouvoir colonial. Ce sont ces élites qui prennent le leadership des diverses luttes sociales menant aux indépendances. Lorsque celles-ci sont acquises, le principe d'intangibilité des frontières instaurés par la colonisation a été immédiatement confirmé par l'ensemble des nouveaux Etats.

    Le modèle de l'Etat-nation à la française s'est alors diffusé dans la majorité des pays d'AOF. A la différence des états européens dont les nations se sont déterminées de manières endogènes, les nations africaines, héritages de la colonisation, ne se sont pas déterminés elles-mêmes. La colonisation française a mené au recul voire à l'effacement de l'Histoire, de la conception et de la pratique de la citoyenneté ouest africaine. Cette citoyenneté est devenue, depuis les indépendances, un syncrétisme entre les valeurs et pratiques des périodes précoloniales et coloniales.

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    B. Le cosmopolitisme et la citoyenneté mondiale Genèse du cosmopolitisme

    Pour Louis Lourmes, « les grandes découvertes » européennes des XVe et XVIe siècles constituent une rupture historique. La finitude du monde est enfin prouvée. L'époque moderne est donc celle du monde fini. Cette finitude du monde, alors intégrée dans les consciences individuelles, s'inscrit dans la pratique politique.

    L'acceptation d'un monde fini et limité, est une étape décisive dans le rapport occidental au monde, à la différence et à la morale. Les travaux de Paul Valéry permettent de comprendre les conséquences de la disparition de la terra incognita.

    Cette terre inconnue dans la représentation n'est pas seulement une « terre inconnue », mais une « terre à conquérir » qui déclenche une féroce concurrence entre les royaumes européens. Trois principales choses ont changées à ce moment de l'Histoire : Dans son ensemble le monde est connu, les distances à l'intérieur du monde sont réduites et les décisions politiques autonomes ne sont plus permises.

    Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le postulat concernant notre rapport au monde est le suivant : Nous ne savons pas tout de celui-ci et de ce qu'il abrite mais nous en connaissons ses limites et ses espaces.

    Paul Valéry démontre dans ses travaux la présence d'une période de prospection, qui s'achève avec la fin de l'inventaire coloniale et une période de relation. Cette période de relation est marquée par une réduction géographique et un développement de l'interdépendance. Deux villes comme Abidjan et Paris sont plus dépendantes et moins éloignés l'une de l'autre qu'elles ne l'ont jamais été.

    Il ne s'agit pas ici de se méprendre à propos de cette période de relation. Plus que consenti, on pourrait la qualifier de contrainte. Tant que l'oekoumène1 était infini, il était encore possible d'avoir le choix de la relation ou de l'absence de relation, d'avoir des ennemis et des amis permanents, et d'anticiper les relations sur le long terme.

    1 Espace habitable de la surface terrestre ; ensemble des milieux habités par l'être humain.

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    Actuellement les individus n'ont plus le choix de la relation et la multiplication des points de contact fait qu'il devient de plus en plus délicat d'anticiper l'avenir. Le caractère inédit de notre période vient donc de ce changement qui ne doit pas être compris sous un angle seulement optimiste : la relation entre les peuples ou les nations est contrainte par la finitude du monde et la croissance démographique, et quasiment tous ne peuvent plus éviter d'entrer en relation. (Valéry,1931)

    Emmanuel Kant théorise dans Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique, « l'insociable sociabilité » de l'Homme. C'est l'insociabilité qui pousse les individus à se répandre sur terre. Paradoxalement, cette insociabilité, couplée à une sociabilité rendue nécessaire par la géographie et l'instinct grégaire, contraint les hommes à imaginer la forme que pourrait prendre une rencontre pacifiée et un partage organisé du monde commun. L'insociabilité dans un espace fini contraint donc les hommes à organiser juridiquement leurs relations. (KANT,1784).

    Le droit cosmopolitique

    La théorie de l'insociable sociabilité kantienne, est plus que jamais d'actualité, puisque nous sommes passés durant cette période de 1 à 7 milliards d'habitants sur un même espace fini. Il faut donc penser les conditions d'une coexistence juridique, d'une vie réglée par autre chose que la violence naturelle ou la volonté de domination. C'est l'objet du droit cosmopolitique. C'est ce qui pourrait nous pousser à conclure que le droit cosmopolitique ne s'inscrit pas à proprement parler dans une philosophie historique, au terme de laquelle, évolution après évolution, le droit se serait constitué mais plutôt dans une philosophie géographique. On entend par ceci que si la terre n'avait pas de limites, alors il n'y aurait aucune nécessité de régler par le droit les relations humaines.

    Deux concepts déterminent le « citoyen du monde », la citoyenneté et le monde. Se considérer comme citoyen du monde, c'est intégrer « le monde » comme un ensemble unitaire où chaque peuple, chaque nation, chaque relation sont interdépendant l'un de l'autre. Or, cette unité ne va pas de soi. Il y a même une sorte de paradoxe dans le fait que, au moment où l'on rencontre effectivement le monde, il semble impossible d'en penser l'unité. L'Histoire du monde a souvent révélée des crises de l'idéal cosmopolitique, bouleversé par l'extension de l'oekoumène au fil de l'histoire. La découverte d'autres

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    peuples et d'autres coutumes a pu historiquement s'accompagner d'une mise en crise du concept de cosmopolitisme tant il a semblé délicat de penser une unité de tous les Hommes au-dessus des si nombreuses différences culturelles. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale le cosmopolitanisme existe politiquement.

    Le cosmopolitanisme politique

    Les États se trouvent aujourd'hui pris dans des liens internationaux contraignants et se doivent d'intégrer les échelons régionaux et mondiaux dans leurs stratégies de gouvernance. La géopolitique mondiale s'est globalisée. Les États souverains ne peuvent plus exercer leurs souverainetés de la même façon qu'avant. Une « érosion » de l'autonomie est ainsi observable. Ce recul de l'autonomie politique est dû à plusieurs facteurs. Tout d'abord la présence d'une gouvernance mondiale multicentrique, celle-ci induit une nouvelle pratique de la souveraineté nationale. Les Etats ne gouvernent plus de manière autonome ; ni pour ce qui relève de la politique extérieure, ni même pour ce qui relève de la politique intérieure traditionnellement considérée comme étant le domaine exclusif de l'État. (Arichibugi,2009).

    Les États ne sont plus les seuls centres de pouvoir légitime à l'intérieur de leurs propres frontières (Held,1997). Les organisations politiques mondiales tels que l'ONU, transnationales, comme le FMI, la Banque mondiale ou l'OMC, et régionales à l'instar de l'Union Européenne, ont un droit de regard sur la politique intérieure des États membres ou des États qu'ils aident. Ainsi les gouvernants ne peuvent plus, de fait, se cacher derrière le concept de la souveraineté nationale pour gouverner de manière exclusive. Plus qu'un droit de regard, ces différentes structures disposent de pouvoirs coercitifs sur le gouvernement intérieur d'un État particulier, puisque des conditions d'entrée ou des conditions d'aide parfois très contraignantes sont fixées et peuvent impacter l'exercice du pouvoir politique ou la gestion économique. Les aides que peuvent apporter le FMI ou la Banque mondiale sont conditionnées par certaines prérogatives politiques et économiques directement liées à la politique intérieure des États (Held, 2001).

    Nous pouvons également remarquer une crise mondiale de la démocratie due à l'inachèvement de la mise en oeuvre d'une démocratie cosmopolitique. La difficulté que révèle l'effectivité d'une démocratie cosmopolitique est l'articulation entre des intérêts supranationaux qui nécessiteraientt une gouvernance mondiale et des intérêts locaux

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    comme le renforcement du contrôle citoyen sur les décisions politiques les impactant. Il semble en effet que les citoyens des États du monde sont éloignés des prises de décisions politiques importantes, à cause du réseau complexe d'enchevêtrement d'organisations internationales et locales qui participent à la gouvernance mondiale. Le contrôle et la participation, caractéristiques des démocraties libérales, semblent plus difficiles pour les citoyens (Lourmes,2014).

    Cependant, le fait que l'exercice de la citoyenneté démocratique soit plus complexe ne signifie pas nécessairement sa disparation mais plutôt l'évolution de sa pratique. Prenons le cas de l'Union Européenne (UE). Les institutions européennes reposent sur une double légitimité, qui se traduit par la « codécision » législative. Les lois y sont votées à la fois par le Parlement, instance représentative des citoyens européens, et par le Conseil des ministres instance représentative des Etats. Il existe une démocratie sui generis qui combine plusieurs types de représentation. La représentation égale des citoyens et des États, la représentation quasi directe par les élections au Parlement européen et la représentation à l'indirecte. Les Français sont ainsi représentés au Conseil européen et au Conseil des ministres par le chef du gouvernement et les ministres qui ont été élus nationalement et au parlement européen par des députés européens élus au suffrage universel direct. L'union européenne n'est pas représentative de l'ensemble des organisations internationales, mais son exemple permet de démontrer que la démocratie est exportable à d'autres échelles que l'échelle nationale, et qu'elle ne peut pas obéir aux mêmes procédures selon les échelles de gouvernance où elle s'applique. La distinction de plus en plus difficile des citoyens entre acteurs politiques et économiques vient s'ajouter à la défiance des citoyens aux institutions et personnes représentatives de leurs intérêts. Cette défiance a pour effet un recul de la participation électorale et une montée des extrémismes. (Ferry,2012)

    La gouvernance mondiale, multi-acteurs, se pratique à différentes échelles du local au global. Elle intègre des États, des associations, des syndicats, des organisations gouvernementales, des collectivités territoriales des entreprises etc....Cependant ces acteurs sont confrontés au même enchevêtrement de compétences et de responsabilités au sein d'un réseau d'acteurs participant tous à la vie politique, qui se densifie rapidement. Par voie de conséquence, cette juxtaposition de compétences et de responsabilités aboutit

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    à une complexification des mécanismes de décision politique dont on peut remettre en cause l'efficacité et la légitimité politique qui est régulièrement questionnée.

    Plusieurs points de rupture entre notre époque contemporaine et ce qui la précède sont observable. Les individus sont directement sujets du droit international, les mécanismes de prise de décisions politiques sont internalisés dans de nombreux domaines , les démocraties nationales ne sont plus considérées comme ayant une faculté de décision autonome face aux nouvelles dimensions de la sécurité internationale , la globalisation des systèmes de communication facilite la constitution de communautés de choix et affaiblit les identités nationales ,et l'économie et les capacités de décision des États nationaux ne coïncident plus. Nous pouvons observer chacun de ces points à travers la mise en oeuvre du développement.

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    C. Le développement et la solidarité internationale Le développement

    « La course au développement » a eu d'importantes répercussions sociales, économiques, climatiques et environnementales auxquelles sont confrontés l'ensemble des Etats. Le cosmopolitisme atteint donc son paroxysme. Les récentes crises migratoires, qu'elles soient dues à la guerre, à l'économie, au dérèglement climatique ou encore à une épidémie sanitaire rappellent à l'ensemble de l'humanité la finitude de l'oekoumène et la nécessité de repenser notre modèle de développement.

    Le développement est un concept qui a été introduit par le président Harry Truman en 1949. A travers son discours, il distingue des Etats « développés » et des Etats « sous-développés ». L'industrialisation et l'achèvement de l'Etat-nation sont alors les principaux indicateurs de développement d'un pays. Au moment de l'indépendance, la Côte d'Ivoire, comme l'ensemble des anciennes colonies, débute sa course au développement.

    Bernard Bret définit le développement comme l'amélioration des conditions et de la qualité de vie d'une population, l'organisation sociale servant de cadre à la production du bien-être. Il est à distinguer de la croissance économique qui mesure la richesse produite par un Etat en une année et son évolution d'une année à l'autre.

    Le Produit Intérieur Brut (PIB) est l'indicateur de référence de la croissance économique. Le PIB n'est pourtant qu'un agrégat d'attributs économiques, qui ne permet pas de mesurer les effets sociaux réels qu'une croissance économique engendre. Il informe peu sur le niveau de vie et la qualité de vie. Le développement peut contribuer à la croissance économique, mais il n'est en aucun cas indispensable à cette dernière et à contrario, il peut y avoir une forte croissance économique sans création de développement, tout du moins sans amélioration sociale.

    On parle alors de croissance sans développement quand la production de richesse ne s'accompagne pas de l'amélioration des conditions de vie. Par opposition, la priorité donnée aux productions les plus utiles et une plus grande équité dans la distribution des biens produits améliore les conditions de vie des populations et crée du développement et ce même sans croissance économique.

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    Le développement révèle ainsi la notion de bien-être. L'Indicateur de Développement Humain (IDH) considère que la qualité de la vie ne se réduit pas au bien-être matériel et comprend aussi des valeurs telles que la justice sociale, l'estime de soi et la qualité du lien social.

    Ces trois valeurs constituent les bases du « pouvoir d'agir », venant de l'anglais « empowerment ». Le pouvoir d'agir désigne la capacité d'un individu ou d'un groupe à décider pour lui de ce qui le concerne et à participer au débat citoyen. En effet, le développement ne peut pas pleinement se réaliser sans la participation des citoyens, c'est-à-dire sans système démocratique. Il faut donc porter attention à la possibilité effective que les personnes ont ou n'ont pas de définir leur projet de vie et de conduire ce dernier en fonction des conditions réelles qui leur sont imposées. Ces conditions dépendent, certes, de ressources financières et matérielles, mais aussi de données propres à chaque individu, telles que la santé etc. mais aussi de données relatives à l'organisation sociale et politique et la représentation de la place de chacun au sein de la société (SEN,1990). Le développement peut donc être apprécié selon différents prismes qu'ils soient économiques, sociaux ou politiques.

    En définissant la « capabilité » par le champ des possibilités qui s'offrent aux personnes et la liberté qu'ont ces dernières de choisir, Amartya Sen affirme que la liberté apparaît comme la fin ultime du développement. La liberté apparaît comme le principal moyen de consolider le développement car il peut être considéré comme un processus d'expansion des libertés réelles dont jouissent les individus. Les expériences historiques montrent d'ailleurs que les systèmes autoritaires, dans l'économie de marché comme dans l'économie planifiée, ont échoués. Qu'ils aient ou non produit une croissance économique forte, les uns et les autres ont dû se transformer et s'ouvrir à la démocratie pour atteindre le développement.

    Le développement transforme la planète depuis la seconde Révolution industrielle du XIXème siècle. En parallèle, il creuse les écarts entre les territoires et leurs populations. Non seulement le développement n'a pas supprimé les inégalités entre les Hommes, selon leurs origines, mais il les accentue parfois voire en crée. L'opposition entre les pays développés et les pays sous-développés, révélé par le président Truman, repose

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    néanmoins sur une base fragile, la faute à un seuil entre les deux catégories, trop subjectif pour être intangible.

    Le développement a néanmoins pu être considéré comme un phénomène historique, linéaire et universel. L'économiste Eugen Rostow définit l'histoire des peuples comme une succession de périodes où les sociétés traditionnelles évoluent en sociétés de consommation. Le décollage (take-off), est l'élément qui déclenche le processus cumulatif de production élargie, qui augmente et diversifie les biens consommables par les hommes, augmentant de ce fait les niveaux de vie. Certains pays, comme les Etats-Unis, ont entamés cette marche avant les autres, il était donc cohérent avec cette lecture du passé d'identifier la situation des pays pauvres comme un retard historique. (ROSTOW,1963)

    Il est plus convaincant de voir les inégalités de développement à l'échelle mondiale comme le résultat de relations asymétriques établies entre les pays « développés » et ceux dits « sous-développés » du fait de la domination que les premiers ont fait subir aux seconds. La colonisation en est la forme la plus brutale, sans être la seule. Le sous-développement résulte selon de nombreux économistes tels que André Gunder Frank ou encore Celso Furtado, de la dépendance à l'égard de l'extérieur. Certains ont préféré parler de pays dominés ou de pays exploités, plutôt que de pays sous-développés.

    L'espace-monde peut être considéré comme un espace où les pays développés constituent un centre exerçant une domination sur une « périphérie » constituée par les pays sous-développés (AMIN,1973). Les faits à l'échelle mondiale confirment cette théorie de la dépendance. Cependant elle doit être nuancée. Le couple Centre-périphérie se vérifie à toutes les échelles géographiques, aussi bien dans les pays dits développés que dans ceux dits sous-développés. Il est observable entre les régions, entre la ville et la campagne, entre les quartiers d'une même ville.

    La géographie allemande a précédé Amin sur la relation centre-périphérie, comme le démontre les travaux de Walter Christaller. Le géographe Alain Reynaud a systématisé cette relation centre-périphérie dans un modèle général qui offre une grille de lecture des territoires à un moment donné autant que l'évolution de leurs relations dans le temps, dans la perspective de la géohistoire.

    Bien qu'à nuancer, la réflexion d'Amin a révélé l'insuffisance de la terminologie du développement. En effet, les inégalités ne sont conséquence, ni d'un retard historique pris

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    par certains territoires, ni de dysfonctionnements dans le processus du développement. Elles sont la conséquence du développement lui-même. On entend par cela qu'il bouleverse les hiérarchies existantes, en créé d'autres, produit des dépendances et des inégalités de nature sociale et spatiale. L'inégalité est un élément constitutif du développement, observable à toutes les échelles géographiques et requérant donc une analyse géographique à plusieurs échelles. Si on admet l'idée que le développement comporte inévitablement une référence à la justice, et que l'on admet également que le développement est inévitablement inégal, nous pouvons alors nous interroger sur la nature des conditions à remplir pour rendre compatible ces deux affirmations.

    Après les économistes, les géographes ont investi le champ du développement. Le développement s'exprime en effet dans l'organisation des territoires en ce qui concerne les conditions de vie des populations, l'urbanisation, la densité et la configuration des réseaux de circulation, la distribution des équipements publics, l'intensité des activités économiques, la répartition des pouvoirs décisionnels, les asymétries de flux etc. L'approche géographique des territoires permet de remarquer la distinction faite initialement entre croissance économique et développement, et d'opposer ce qui est croissance économique extravertie et développement autocentré.

    La première, pierre angulaire de la globalisation Saskia Sassen, désigne une croissance économique orientée vers l'extérieur et dans la dépendance de l'extérieur. Ses activités, et donc ses emplois, relèvent de décisions prises ailleurs et pensées pour servir d'abord des intérêts extérieurs. Les retombées à en attendre sont donc limitées et souvent ambiguës. L'économie de plantation et l'extraction minérale en Côte d'Ivoire en sont de parfaits exemples. Elles sont majoritairement opérées par des firmes étrangères versant des salaires faibles et contrôlant assez les marchés internationaux pour maintenir les cours à un bas niveau (SASSEN,1988).

    Un développement est dit « autocentré » quand la croissance économique est au service des populations du territoire dont provient cette croissance. La dynamique sociale des populations s'inscrit alors dans un rapport de forces favorable avec les intérêts extérieurs.

    La politique de décentralisation de la France a favorisé l'émergence des collectivités territoriales. Celles-ci sont en charge de l'articulation entre intérêts locaux et intérêts globaux. Ce questionnement sur l'articulation de la société « du local au global » est la

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    conséquence de citoyens qui sont de plus en plus en demande d'initiatives de développement autocentrées. Cela en vertus du fait qu'elles sont, plus à « l'échelle humaine », moins injustes économiquement à l'échelle du monde et moins dégradantes pour l'environnement.

    Les dégradations que le développement peut faire subir aux équilibres naturels ont longtemps été ignorées parce que la nature avait une capacité de résistance et de résilience suffisante. Mais nous connaissons actuellement la crise des relations Sociétés-Nature, qui ont permis l'émergence du concept de développement durable.

    Ce terme est utilisé largement, par les géographes comme par les écologistes, les économistes et les sociologues. Il s'est imposé dans le langage courant. Le développement durable est avant tout un développement viable sur le plan économique, qui se veut équitable sur le plan social et durable sur le plan environnemental. Ces trois piliers du développement durable sont indissociables, mais ils ne peuvent s'articuler les uns avec les autres que si le contexte démocratique et citoyen les met en cohérence et leur donne une efficacité systémique.

    La viabilité économique est nécessaire pour produire le bien-être matériel. L'équité sociale est nécessaire pour la qualité de vie de tous. La durabilité environnementale est nécessaire dans l'intérêt des générations futures. Inscrite dans le processus de développement, elle ne peut signifier la conservation en l'état de l'existant, mais elle implique que l'environnement légué aux générations futures donne à celles-ci les conditions pour penser et réaliser leur propre développement.

    Les trois piliers du développement durable que sont l'environnement, l'économie et le social, ne sont donc pas des contraintes qui, chacune, devrait limiter ses ambitions pour ne pas ébranler les deux autres. Il ne s'agit pas de brider le développement pour ne pas agresser la nature, ni d'être timide en matière de justice sociale pour ne pas gêner l'économie, mais d'inventer un mode de développement où chacune des dimensions constitue un atout pour le système d'ensemble.

    Ainsi pensé, le développement durable est un objectif difficile que certains jugeront utopique. N'est-ce pas parce que le développement lui-même est une utopie ? Le développement est un processus de progrès de la qualité de la vie à qui il serait arbitraire de fixer un terme, mais auquel il est nécessaire de fixer un cap (Bret,2006).

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    La Solidarité Internationale

    Un des corolaires du développement de Truman est le devoir de solidarité des nations développés envers les nations sous-développés. La Solidarité Internationale se définit comme l'ensemble des initiatives qui permettent, l'éveil des consciences des citoyens au sujet des inégalités ou injustices entre pays ou entre un pays et des entités d'autres pays, ou entre les individus d'un pays..., de permettre à chacun de comprendre les causes de ces injustices afin de, tant que possible, agir manière solidaire pour les combattre ou les résoudre. On peut distinguer deux types de pratiques de la Solidarité Internationale. Une pratique politique voir géopolitique illustrée par la création d'organismes internationaux (FMI, Banque Mondiale, ONU, etc...), la mise en place par les Etats d'une Aide Publique au Développement et d'entités paraétatique (Agence Française de Développement). Mais également une pratique citoyenne illustrée par l'essor des ONG depuis 1945.

    Le terme Organisation Non Gouvernementale (ONG) est née de l'article 71 du chapitre 10 de la Charte des Nations Unies qui donne un rôle consultatif à des organisations ne faisant pas partie d'un gouvernement. La première définition du terme ONG voit le jour dans la résolution 288 du Conseil économique et social des Nations Unies : ainsi une ONG est « une organisation internationale qui n'est pas fondée par un traité international ».

    La pratique citoyenne de la Solidarité Internationale a évolué au cours du temps. De la fin de la Seconde Guerre mondiale jusque dans les années 60, la Solidarité Internationale a été essentiellement motivé par « Charité Chrétienne ». On peut citer l'exemple de l'Association Care qui a été fondée par des Européens immigrés aux Etats-Unis et des Américains afin de venir en aide aux populations européennes sinistrées ou du Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement (aujourd'hui CCFD-Terre Solidaire) première ONG française de développement.

    C'est après la décolonisation que les ONG ne se sont plus seulement focalisées sur les victimes de guerre mais ont commencées à participer au développement des sociétés du « Tiers-monde », ce qui marqua l'émergence de l'Aide au Développement. Les conflits sécessionnistes du Biafra (1968) et du Bangladesh (1970), ont fait émerger le Sans frontiérisme, avec des structures tels que Médecins sans Frontières. Il y a eu à partir des 80 une émergence des ONG dans les pays dit « du Sud », notion qui a remplacé celle de pays du « Tiers-monde » et de pays « sous-développés ».

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    Cette émergence révèle la prise de conscience des populations bénéficiaires de l'Aide au Développement de la nécessité de passer de simple bénéficiaire à partie prenante de leur développement. La conséquence de ce changement de mentalité transforme les relations de coopération entre acteurs mais également entre Etats. La politique de décentralisation a permis l'émergence des collectivités territoriales. Des coopérations décentralisées sont nées de l'autonomie financière accru des collectivités territoriales et de la multiplication des actions de la part de citoyens et d'ONG dépendant de ces collectivités en Europe comme en Afrique de l'ouest.

    Depuis les années 1990 et l'avènement de l'Altermondialisme, le nombre d'acteurs et d'actions de Solidarité Internationale a augmenté et a complexifié la pratique de la cette dernière. L'émergence de la société civile et l'accélération de la décentralisation a transformé la pratique du développement jusqu'alors domaine exclusif de l'Etat en Afrique de l'ouest. Cette société civile, en transcendant sa seule vocation de contrepouvoir s'est muée en acteur majeur du développement. Connaissant le potentiel et les limites de son continent, elle milite en faveur d'un renouveau des relations entre l'Afrique et le reste du monde. Son action suit donc deux logiques. La première dite « up-down », mène à l'action politique. Ce n'est qu'avec un renouveau politique en rupture avec le passé que l'Afrique pourra se développer. Cependant, ce renouveau politique est sine qua non d'un renouveau de pratique de la citoyenneté.

    La seconde logique dite « bottom-up » mène à l'initiative citoyenne et à la multiplication de projets de développement menés localement afin de sensibiliser les populations et transformer les mentalités et pratiques.

    Les dynamiques associatives bénévoles françaises et ivoiriennes sont croisées. Vieillissantes en France, elles peinent à se renouveler et à attirer. Un décalage d'approches et de pratiques, existe entre « une ancienne » et « une nouvelle génération ». La technocratisation de la Solidarité Internationale, illustrée par les appels à projets, a précipité la professionnalisation du milieu associatif. En Afrique, les acteurs associatifs, à l'image de la population, sont majoritairement jeunes, volontaires, éduqués mais non qualifiés en ce qui concerne la coopération internationale et la gestion de projet de Solidarité Internationale. Dans le souci de s'inscrire dans une logique de transfert de compétences, étape indispensable à l'autonomisation et la pérennité des projets plus que

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    d'assistanat, considérée néocoloniale de la part de la nouvelle génération d'acteurs, les acteurs associatifs ouest africain collaborent de plus en plus avec des professionnels de la Solidarité Internationale.

    Nous avons vu que la construction de l'exercice citoyen est le résultat d'un long processus. A l'échelle du monde, il a été conditionné par la représentation et la pratique du cosmopolitanisme. De la part des nations, à travers l'établissement d'un cosmopolitisme politique qui régule les relations internationales mais également de la part des individus, traduit par l'émergence de la Citoyenneté Mondiale. Si l'avènement du développement marque l'acceptation d'un droit inaliénable des populations au bien être, le développement durable rappelle à l'humanité la finitude de l'oekoumène. C'est dans ce contexte que la Côte d'Ivoire, indépendante depuis 1960 poursuit sa construction démocratique et citoyenne. Avec une population jeune, à prédominance rurale, l'enjeu de la transformation des mentalités et des pratiques en vue d'un développement durable apparaissent cruciaux, tant l'impact du dérèglement climatiques pourrait être désastreux pour ce pays qui panse encore les vives plaies de sa douloureuse construction identitaire.

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    D. La société civile ivoirienne

    D'une définition de la société civile ivoirienne

    René Otayek met en avant que l'émergence de la société civile, à partir de 1990 en Côte d'ivoire et plus globalement en Afrique de l'ouest témoigne du démarrage d'un processus de transition démocratique au sein des pays d'Afrique francophone. Cette émergence de la société civile révèle également une problématique relative à son analyse politique, dans la mesure où sa définition trop large permet encore son instrumentalisation politique.

    Comprendre la nature et le fonctionnement de la société civile d'un pays ouest africain tel que la Côte d'ivoire permet de mieux appréhender la question des changements politiques que l'Afrique connaît depuis une trentaine d'années maintenant. Elle est donc à mettre en corrélation avec la problématique anti-autoritaire et la remise en cause quasi-universelle des modes de régulation politiques caractérisés par la prééminence absolue de l'Etat. Tel est le cas en Côte d'ivoire où la rhétorique de la société civile s'impose avec d'autant plus de vigueur qu'elle s'articule autour de l'idée que la société civile a un rôle majeur à jouer dans la démocratisation et le développement économique du pays libéré depuis 1990 du joug du parti unique.

    Aussi populaire qu'imprécis, le concept de société civile est un concept « vénérable » mais « fuyant » (C. Young, 1994), « ambigu » (V. Pérez-Diaz,1993), « gadget » (D. Lochak, 1986) voire « mythique » (J.-J. Chevallier,1986). Nous sommes face à un concept éminemment polysémique dont la difficulté de définition est compensée par la richesse et la complexité de la généalogie scientifique (Otayek,2009).

    Comme Seligman nous admettons que l'idée de société civile se réfère à celle de civilité. Celle-ci, au coeur des relations sociales implique l'existence d'une vision éthique de l'ordre social et de l'harmonisation entre intérêts individuels et bien commun, partagée par l'ensemble des individus d'une société (Seligman, 1992).

    L'imprécision de ce concept favorise la remise en cause de sa pertinence en tant qu'outil d'analyse des processus de transition et de consolidation démocratique engagés en Côte d'ivoire, dans la mesure où son instrumentalisation politique rend difficile la lecture claire des relations entre acteurs de la gouvernance. Alors que le monde plébiscite l'émergence

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    d'une société civile internationale, figure vertueuse de l'opposition altermondialiste à la mondialisation libérale, la méfiance caractérise la relation des ivoiriens à la société civile.

    La société civile ivoirienne peut être analysée selon deux conceptions opposées. La première, contractuelle, identifie la société civile à l'Etat, y voyant l'élément autorisant la distinction entre la société politique organisée et l'état de nature. C'est la conception des philosophes du 18ème siècle. La seconde, repose sur une opposition entre l'Etat et la société et entre intérêts publics et privés incarnés par l'opposition entre doctrines libérales et marxistes (Otayek,2009).

    Pour les libéraux, la société civile constitue l'espace d'harmonisation des intérêts privés, sur la base d'un contrat social excluant par principe l'intervention d'un Etat qui se poserait comme le garant du bien commun. Pour les marxistes, il y a inéluctablement opposition, mais entre dominants - qui contrôlent l'Etat et les moyens de production - et dominés. La production contemporaine de la société civile renvoie ainsi à trois ordres de critiques : celui du marxisme, celui de la nature et du culte de l'Etat, et celui du totalitarisme, tel qu'il s'exprime à partir des années 1970 (M.Offerlé, 2003).

    Paradoxalement l'émergence de la société civile est étroitement liée à la montée de l'individualisme dans la société ivoirienne dans la mesure où sans l'affirmation d'une citoyenneté « libre et égalitaire » symbole de la primauté de l'intérêt individuel sur l'intérêt collectif, son existence est difficile à concevoir (A. Seligman,1992).

    Bernard Badié souligne que cette individualisation de la société a pour conséquence de modifier les pratiques sociales. La Côte d'ivoire vit actuellement une période de transition où les liens sociaux fonctionnels tels que les relations entretenues dans l'espace public supplantent peu à peu les liens de solidarités « mécaniques », inhérents aux relations de filiations ethniques et familiales, héritages de la société précoloniale. Cette représentation nouvelle de la pratique sociale, vient bouleverser la culture politique et civique ivoirienne, où intérêts publics et privés s'amalgament encore trop souvent (B. Badie,1992).

    L'émergence de la société civile ivoirienne à partir des années 1990, est en définitive à mettre en corrélation avec la fin du totalitarisme « houphouëtien » qui a permis dès lors l'espérance d'un idéal de société s'appuyant sur la distinction du public et du privée,

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    l'individualisation des relations sociales et la primauté des solidarités horizontales sur les allégeances verticales.

    Si l'on considère l'association comme la condition sine qua non de l'existence de la société civile, on peut néanmoins se questionner si son existence induit de fait de l'existence d'une société civile « politisée », et de ce fait de la culture démocratique en Côte d'Ivoire. La question est importante, en particulier au regard des thèses de R. Putnam (1993, 1995) sur le « capital social ».

    Le capital social peut être défini comme un stock de ressources sociales (confiance, normes de réciprocité généralisée, engagement civique) ayant le pouvoir de faciliter la coopération, donc de renforcer l'efficacité de l'action collective et de la participation citoyenne, et de favoriser ainsi la régulation démocratique. On peut donc affirmer que plus une société coopère, plus conséquent est le capital social et plus la démocratie a de chances d'être effective (Otayek,2009).

    Pour Michel Camau, si les associations constitutives de la société civile n'entrent pas dans un processus de politisation, leurs actions ne saurait engendrer d'« investissement démocratique » des citoyens comme des dirigeants politiques. En Côte d'ivoire, les associations ne se donnent pas toujours des objectifs civiques ou d'intérêt collectif et sont susceptibles de servir des intérêts privés. Leur contribution au développement d'une culture démocratique est donc loin d'être toujours avérée (Camau,2002).

    Les associations ivoiriennes, dont les fonctions principales ont été en premier ressort les entraides ethniques et communautaires ont pu être instrumentalisées comme « fusible » permettant d'éluder toute contestation politique sérieuse. Plusieurs Etats autoritaires subsahariens ont également entrepris d'instrumentaliser la société civile, non sans succès, la vigueur du principe associatif témoignant de l'incomplétude de la domination étatique. La critique du culturalisme absolu serait incomplète si la problématique de l'individualisation posée par Seligman, sans laquelle l'existence de la société civile était impossible dans les sociétés holistes subsahariennes n'est pas mentionnée (Otayek, 2009).

    Pourtant, les recherches anthropologiques les plus récentes tendent à nuancer très sensiblement notre perception de ces sociétés, en y identifiant des processus multiformes

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    d'individualisation, en particulier dans les milieux urbains (Marie, 1997). La thèse centrale qui oriente ces recherches est que les différentes crises économiques qu'ont traversé les Etats africains ont jusqu'ici profondément déstabilisées les systèmes communautaires de solidarité tout en fragilisant les réseaux clientélistes qui permettaient une certaine redistribution.

    On assisterait donc, en réaction, à l'amorce d'un processus d'individualisation dont témoigneraient l'explosion du secteur informel, la généralisation des « petits boulots », la montée de la criminalité ou la multiplication des dissidences religieuses, en rupture avec l'ordre traditionnel. Mais les auteurs de ces recherches anthropologiques n'assimilent pas ces processus à ceux qui ont mené à l'émergence de l'individu en Occident. Ils préfèrent plutôt parler d'une trajectoire africaine en la matière, fruit d'un compromis dynamique entre l'individualisation subjective et la recomposition des solidarités communautaires.

    On peut d'avantage relativiser la thèse de Seligman, pour autant qu'on la mette en perspective avec l'hypothèse de Christophe Jaffrelot selon laquelle l'émergence d'une société civile et de la démocratie dans les sociétés prétendument holistiques est susceptible de se réaliser au travers de la capacité des groupes « organiques » à s'organiser en politique. L'ethnie, la caste ou encore la tribu semblent donc être le cadre structurant d'une société civile non-individualiste, le groupe faisant fonction d'individu collectif au sein duquel s'exprimeraient les stratégies individuelles (Otayek,2009).

    Fondement de l'action de la société civile ivoirienne

    L'entrée de la Côte d'ivoire en situation de crise politique a manifestement surpris la communauté internationale. La locomotive d'Afrique de l'Ouest, le modèle économique gagnant et le bon exemple d'intégration sociale se sont effondrés le 24 décembre 1999. Si avant cela le développement du pays est surtout une question d'investissements dans de grandes infrastructures, désormais les problématiques sont plus celles de situations de sous-développement assez aigues. Que ce soit dans les quartiers populaires caractérisés par un habitat toujours plus informel où l'accès aux services de base est presque impossible (eau potable, assainissement, santé, éducation, etc.) ou en milieu rural. Pour la première fois depuis des décennies la pauvreté se généralise non seulement dans le Nord du pays mais aussi dans les régions plus développées du Sud.

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    L'enquête concernant le niveau de vie des ménages, conduite par l'Institut National de la Statistique de Côte d'ivoire en 2008, donne des indications précises relatives à l'évolution des dépenses de ménage ainsi qu'aux structures de la pauvreté en Côte d'Ivoire. Elle a servi à la préparation du Document de Stratégie de la Relance du Développement et de Réduction de la Pauvreté (DSRP).

    Une comparaison des résultats des enquêtes 2002 et 2008 sur les dépenses des ménages, permet de constater une baisse de 25 % de ces dépenses entre ces deux dates passant de 461 243 FCFA (704€) en 2002 à 342 730 FCFA (523€) en 2008 et à laquelle il convient d'ajouter l'impact de l'inflation entraînant une baisse du pouvoir d'achat réel de 45 % en moyenne et conduisant près de la moitié de la population au-dessous du seuil de pauvreté soit 220 000 FCFA (336€) par personne et par an en 2008/2009 (Floridi et Verdecchia,2010).

    Si la dépense moyenne annuelle par individu était de 342 730 FCA (523€) en 2008, des écarts importants existent cependant entre les différentes zones du pays allant de 191.540 FCFA (292€) dans la zone Nord à 561 575 F CFA (857€) à Abidjan.

    La décennie de crise (2002-2011) traversée par le pays est donc marquée par l'augmentation du nombre de pauvres (38,4 % de la population totale en 2002 ; 48,9% en 2008) mais s'inscrit cependant dans une tendance lourde constatée depuis plusieurs décennies puisque ce taux n'était que de 10 % en 1985.

    Pour la période 2002-2008 la pauvreté rurale représente le double de celle en zone urbaine et a très fortement augmentée dans le Centre-Nord, le Nord, et dans une moindre mesure dans le Centre-Ouest, le Centre et le Sud.

    Ce sont bien les Ivoiriens comme les partenaires techniques et financiers actifs dans le cadre de la coopération au développement qui ont été désorientés par ce processus de dégradation rapide. L'approche de la sortie de crise adoptée à partir de 2003 est celle de l'urgence où les protagonistes principaux sont les acteurs internationaux spécialisés dans l'action humanitaire. Malheureusement, il apparait clair que l'on peut qualifier leur réaction de « partielle » tant l'approche et la posture des acteurs internationaux spécialistes de l'humanitaire ont été celles de l'urgence et non du développement.

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    Avec l'installation longue de la crise, ce sont donc les logiques et approches humanitaires qui ont prévalues avec des conséquences négatives sur le fonctionnement des Organisation de la Société Civile (OSC) ivoiriennes existantes à l'époque et avec une très forte influence sur la dynamique plus générale de la société civile.

    Bien évidemment l'approche humanitaire n'est pas négative en soi mais elle n'a de sens que dans le court terme. Si une telle approche est perpétuée dans le temps, le risque est d'alimenter un cercle vicieux qui éloigne toujours plus la possibilité d'inventer le futur et de résoudre les problèmes structuraux, tant sur les plans économiques, politiques et sociaux, et donc d'agir dans une optique de moyen et long terme.

    En d'autres termes, les logiques et les approches humanitaires adoptées dans un contexte d'urgence, peuvent augmenter davantage l'urgence si elles inspirent le seul mode opératoire possible des propositions techniques et financières. C'est justement le cas de la Côte d'Ivoire où l'urgence est devenue pérenne également parce que les outils pour la combattre en réalité ne font que la reproduire. Finalement, le cercle vicieux s'instaure et le court terme s'impose comme le seul contexte qui justifie l'intervention extérieure.

    Dans ce cadre, le risque est que la sortie de la crise soit le seul univers sémantique possible pour agir dans une temporalité où imaginer ce qu'il y a au-delà de la crise devient impossible simplement parce qu'une génération entière n'a vécu que dans cette condition de « pérenne urgence ». Certes, il est difficile d'imaginer que des partenaires techniques et financiers puissent agir et investir dans un pays dont le présent est désormais cristallisé et le futur incertain. Cela produit un bouleversement non seulement de la manière de concevoir la solidarité internationale mais aussi du rôle de la société civile et de ses organisations (Floridi et Verdecchia,2010).

    En effet, trop souvent les partenaires techniques et financiers, plus spécifiquement les ONG internationales considèrent les OSC ivoiriennes comme des prestataires de services. Au lieu de les accompagner ou d'accompagner les processus sociaux dans lesquels elles s'inscrivent dans la perspective de valoriser leur rôle d'acteur de développement, on « achète » simplement leurs activités selon des directives et des choix qui sont faits ailleurs. Dans ce contexte de crise pérenne, les bailleurs interviennent souvent sur des problèmes très ponctuels selon la logique de l'urgence sans pour autant jamais intervenir sur les

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    racines de ces problèmes. C'est le cas, par exemple, de l'enfance abandonnée qui fait l'objet de plusieurs interventions de la part d'organisations et ONG internationales ou celui du SIDA qui est devenu un des secteurs de l'urgence le plus « économiquement rentable » pour les OSC ivoiriennes.

    Dans ce cadre, il n'est pas étonnant que des coopérations bilatérales, comme celle de la France, optent pour une forme d'attentisme en évitant d'appuyer les acteurs de la société civile qui pourraient s'avérer fondamentaux pour la sortie de la crise et l'avenir du pays et ouvrent un guichet pour financer des petits projets dont la logique et l'efficacité restent à prouver.

    Ce n'est pas étonnant non plus que la GIZ (agence allemande de la coopération internationale) pour ses projets et actions de coopération, surtout dans le domaine de la justice, préfère la collaboration avec le secteur privé y compris les bureaux d'études ou les associations professionnelles de magistrats et d'avocats, car il est plus « motivé » que la société civile qui en réalité serait, hormis quelques exceptions, « léthargique ».

    Par ailleurs il est intéressant de noter que la GIZ est parmi les rares acteurs qui ont refusés l'approche de l'urgence et de l'humanitaire et qui travaillent exclusivement dans une optique de développement. En réalité à la base du comportement des bailleurs il y a toujours la même attitude : vivre dans l'attente que le pays sorte de sa crise sans pour autant s'attaquer véritablement aux causes profondes qui sont à son origine. Impliquer des acteurs qui pourraient assurer, comme la société civile, le saut qualitatif nécessaire dans l'exercice difficile du dialogue social et politique devient une entreprise impossible si l'on reste dans l'univers sémantique de l'humanitaire. Et ce, surtout parce que les acteurs de la société civile ne sont plus légitimés ni motivés à exercer leur rôle d'acteurs de développement.

    Sortir de la crise c'est donc avant tout sortir de la logique de sortie de crise tout en commençant à imaginer le futur et à ce qu'il y aura au-delà du mur de cette crise qui peut sembler infinie lorsque qu'elle atteint son paroxysme. En d'autres termes, il faut commencer à « sortir de la sortie de crise » et à considérer cela non comme la seule prérogative du pouvoir politique ou des institutions mais surtout comme une aptitude de la société ivoirienne toute entière, et notamment de la société civile.

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    Pour ce faire il faut que l'énergie sociale des Ivoiriens soit canalisée sur des objectifs qui puissent aller aussi au-delà des simples mais non moins difficiles « élections démocratiques et apaisées » et qui puissent investir la possibilité même d'imaginer le futur et les solutions pour y arriver. C'est justement le rôle qui incombe à la société civile et surtout à ses organisations collectives, de celles qui sont actives au niveau de la base dans les villages et les quartiers du pays jusqu'aux organisations faîtières.

    En somme, il s'agit de faire en sorte que les organisations de la société civile puissent canaliser cette énergie sociale vers les objectifs du développement du pays selon une perspective de dialogue social et politique avec les autres acteurs. Dans ce sens il faut que les organisations de la société civile aient le courage et la détermination d'affirmer que leur rôle ne peut pas être cloué uniquement à la prestation de services, comme malheureusement la tendance et l'approche de bon nombre des partenaires techniques et financiers induisent.

    En effet, la société civile a aussi une autre fonction fondamentale : être un acteur de dialogue sur les politiques et les stratégies nationales et sectorielles de développement. Pour ce faire les organisations collectives de la société civile qui ont une orientation à la responsabilité sociale et qui agissent selon la perspective de l'intérêt collectif, doivent commencer à s'intéresser à leur investissement au sein d'un espace public qui doit tout d'abord être construit et ensuite géré avec toutes les autres familles d'acteurs, étatiques et non étatiques (Floridi et Verdecchia,2010).

    De la typologie de la société civile ivoirienne

    La société civile ivoirienne est composée de l'ensemble des acteurs collectifs qui agissent au niveau local, régional ou national et qui sont porteurs d'une orientation à la responsabilité sociale. Ces acteurs de la société civile, dans ces conditions, expriment une intentionnalité et opèrent en faveur du développement social et économique de leur propre territoire, dans l'intérêt général, souvent à travers la production de biens ou de services d'intérêt public, en concertation avec les acteurs publics compétents.

    Pour définir une typologie des dynamiques de la société civile ivoirienne nous nous appuierons sur une analyse différenciée selon 4 niveaux d'analyses qui définissent quatre types de structure couramment utilisés par les chercheurs et les experts en mouvements

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    associatifs. Cette typologie suggérée également par le « Manuel à l'usage des acteurs non étatiques » promu par le Secrétariat Afrique caraïbes Pacifique (ACP), permet en outre d'éviter toute confusion sur le rôle et le positionnement de chacun des acteurs présents au sein de la société d'un pays, mais aussi d'éviter la mise en concurrence entre acteurs qui ne peuvent pas partager le même point de départ. En effet, les valeurs, la mission des organisations, les compétences techniques, le fonctionnement et le leadership d'un acteur de base ne peuvent pas être comparés avec ceux d'une organisation faîtière de niveau supérieur même s'ils agissent dans le même secteur ou domaine d'activités.

    Figure 2: Typologie des acteurs de la société civile ivoirienne (UE,2010)

    Notre typologie se base sur quatre niveaux d'analyse (ou de structuration) qui sont présentés dans la figure ci-dessus. Dans cette figure, chacune des 4 grandes flèches reportées dans la colonne gauche représente un des 4 niveaux de structuration des acteurs non étatiques, à savoir (du haut vers le bas) : les organisations faîtières de 4ème

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    niveau ; les organisations faîtières de 3ème niveau ; les organisations intermédiaires et d'accompagnement ; et les organisations de base.

    Les organisations de bases

    Les organisations de base regroupent les coopératives, les organisations socio-économiques, les syndicats de paysans, les associations féminines, de jeunes, culturelles, sportives, groupements d'intérêt commun, etc. Constituées en milieu rural et urbain, sous l'initiative d'un groupe de personnes qui s'associent pour proposer des solutions conjointes à des problèmes du contexte local immédiat, défendre leurs droits ou améliorer leurs conditions de vie et d'accès aux services publics (santé, éducation, etc.).

    De manière générale, les organisations de base semblent disposer d'un fort potentiel dans la recherche de solutions « collectivisées » aux nombreux problèmes posés par un contexte difficile, tant sur le plan de la pauvreté que de façon générale sur des problématiques politiques, sociales voire aussi sécuritaires, que la Côte d'Ivoire connait depuis quelques années (Floridi et Verdecchia,2010).

    En première analyse, bon nombre de ces organisations dont l'origine se trouve dans la tentative de faire face à une crise qui, au niveau de certaines régions a été et continue à être, assez critique. En effet, même là où l'environnement semble favorable pour les activités du secteur primaire, et notamment pour l'agriculture, ce sont l'accès aux services basiques, en particulier la santé et l'éducation ainsi que l'écoulement et la commercialisation de produits divers qui représentent autant d'entraves au développement de ces zones et ce également du fait de la situation déficitaire sur le plan de la sécurité.

    En réalité, les organisations de base n'échappent pas à la logique de la « sortie de crise » que nous évoquons depuis le début de notre propos. Au nom de laquelle les dynamiques sociales y compris à la base, semblent avoir pris une autre trajectoire, plus précisément celle liée aux logiques de l'intervention humanitaire. Cela semble assez évident à l'analyse du comportement des organisations de base autour de 5 axes fondamentaux ou variables tels que :

    ·

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    La mission

    · Le processus d'institutionnalisation et la consolidation

    · L'ouverture de l'organisation vers l'extérieur

    · Le système de financement

    · Les besoins en renforcement de capacités

    Le premier élément à prendre en compte est l'information relative à l'année de création des organisations de base. En effet, bien que certaines organisations soient nées avant le début de la crise on remarque qu'à partir de 2004, nous avons une importante croissance du nombre de création d'associations.

    Contrairement aux autres pays de la sous-région, en Côte d'Ivoire la création des organisations de base semble être liée aux besoins des partenaires techniques et financiers ou des ONG nationales et internationales impliquées dans la conduite d'actions humanitaires plutôt qu'à la concrétisation d'une dynamique sociale et associative visant l'accès des populations aux services sociaux de base, l'augmentation des revenus des ménages et un meilleur respect des droits fondamentaux.

    Ces différences témoignent d'un lien très fort entre la demande des partenaires techniques et financier et des ONG nationales et internationales et la mission dont se sont dotées les organisations de base. Si l'on prend par exemple la région de Korhogo en 2010, 31,8% des organisations ont déclaré avoir dans leur mission l'engagement en faveur de la situation des femmes, alors qu'aucune organisation d'Abidjan n'a mentionné cet aspect. Quant à la région de Bouaké, à peine 3,2% (en réalité 1 seule organisation) ont au coeur de leur mission les questions de genre.

    En nous interrogeant sur une telle disparité existante au sein d'un même pays nous pouvons nous rendre compte que cette disparité provient très probablement d'un effet induit auprès des organisations de base par les exigences des partenaires techniques et financier et des ONG nationales. C'est en déterminant des conditions d'accès spécifiques aux financements que les partenaires techniques et financiers et ONG nationales comme internationales influent ainsi non seulement le processus de création des organisations de base mais aussi le fondement de leur mission (Floridi et Verdecchia,2010).

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    A cela il faut ajouter qu'une bonne part des missions revendiquées par les organisations ne sont pas tellement compatibles avec la perception et les dynamiques propres à une organisation de ce type.

    En effet, si le développement d'un village de l'ouest ou d'un quartier d'Abidjan dont l'entraide entre les membres et même l'assistance aux immigrés peuvent rentrer très fréquemment parmi les buts d'une organisation de base, il est beaucoup plus rare de trouver des aspects tels que les questions de genre, la protection de l'enfance ou les thématiques de la démocratie et la gouvernance qui sont plutôt propres à des organisations de deuxième niveau de structuration.

    De même, l'importante ferveur autour de l'allocution « lutte contre la pauvreté » auprès des organisations de base ne reflète pas le rôle que d'habitude une organisation de base joue au sein de son contexte social. Ce qui nous amène à affirmer qu'une certaine tendance à se comporter comme des ONG est assez présente chez les organisations de base au moins sur le plan de l'intention (Floridi et Verdecchia,2010).

    Les organisations de deuxième niveau

    Le deuxième niveau de structuration est composé par les acteurs formellement constitués et avec un niveau avancé de structuration, orientés à la responsabilité sociale, qui travaillent au bénéfice de la population et de ses formes organisationnelles du premier niveau, qu'ils accompagnent. Les ONG de développement, les organisations à but non lucratif d'accompagnement de dynamiques de développement, les associations de Droits de l'Homme, les organisations syndicales, etc. appartiennent à cette typologie.

    Quant au deuxième aspect qui nous sert à comprendre la mission des organisations deuxième niveau, celui des domaines d'intervention, le cadre général présente un double intérêt : d'une part le nombre de domaines d'intervention revendiqués et de l'autre le type de domaine de ces interventions.

    Pour ce qui est du nombre de domaines d'intervention, il ressort très clairement que les organisations ivoiriennes de deuxième niveau manifestement des organisations «

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    généralistes ». En effet si l'on prend en considération la moyenne de domaines de spécialisation revendiqués par ces organisations, la moyenne nationale est de 5 par organisation.

    Cette donnée illustre très clairement ce qu'on peut nommer « dérive généraliste » des organisations ivoiriennes de deuxième niveau, dont le comportement n'est guidé que par la recherche des financements. Or, en réalité une organisation de 2ème niveau ne peut en principe opérationnelle de manière efficace que si elle s'engage dans 2 ou 3 domaines d'activités maximum. Au-delà de ce seuil pour ainsi dire « physiologique », l'action risque de ne plus être cohérente avec la mission vu qu'il est assez rare qu'au sein de l'organisation l'on puisse trouver les compétences, l'expérience et le temps pour opérer dans plus de trois domaines (Floridi et Verdecchia,2010).

    En réalité, pour pallier à cette contrainte les organisations de deuxième niveau ont recours à un recrutement exogène, le personnel dont elles ont besoin pour la mise en oeuvre d'activités qui ne rentrent pas dans le cadre de leurs compétences. En agissant de la sorte, l'organisation prends le risque de se transformer en un petit bureau d'étude qui adopte une logique marchande plutôt que celle propre aux organisations de la société civile où la vision et la vocation revêtent une fonction primordiale aux fins de la survie même de l'organisation.

    Bien évidemment, ce comportement ne pourrait pas s'expliquer uniquement par le fait d'une dynamique vicieuse exclusivement endogène. En effet, la présence de partenaires techniques et financiers qui agissent pour la plupart dans l'humanitaire et qui sont demandeurs de collaborations, souvent dans l'optique de la sous-traitance, représente de fait une incitation au rôle de prestataires de services des OSC plutôt que celui d'acteurs de développement.

    Il s'agit en réalité d'une véritable « dérive généraliste » des OSC de 2ème niveau dont la plupart se positionnent comme des « fournisseurs » de services pour les partenaires techniques et financiers, ces derniers étant souvent trop cloués au statu quo de l'univers sémantique de la « sortie de crise » (Floridi et Verdecchia,2010).

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    Les organisations de troisième niveau

    Le troisième niveau est composé par les organisations faîtières fondamentalement coordinations, fédérations et réseaux, constituées par un collectif d'organisations qui décident de s'associer et de collaborer selon une logique thématique et/ou géographique. L'organisation découlant de cette collaboration est souvent conçue et perçue comme un espace d'échanges, de communication et de concertation entre les organisations membres, ainsi qu'un outil pour la prestation de services aux organisations membres dans des domaines comme le renforcement de capacités, la projection à l'extérieur, la défense des intérêts du collectif, etc.

    Les organisations de quatrième niveau

    Les plateformes et les espaces de concertation, qui composent le quatrième niveau, sont constitués d'organisations faîtières" (c'est à dire, composées souvent de réseaux, de coordinations nationales et locales, etc.) qui se caractérisent par leur degré de souplesse et de perméabilité (la structuration est pratiquement inexistante ; souvent il n'existe pas une formalisation de la relation entre les membres). Elles sont créées pour "faire front commun" face à une problématique externe commune ; face aux pouvoirs publics, etc.

    Cette typologie des organisations de la société civile nous permet, finalement, de comprendre le positionnement des différentes organisations ainsi que les problèmes liés à chaque niveau et les solutions à préconiser dans le cadre d'un futur programme d'appui à la société civile. Si les vocations et les caractéristiques des 4 niveaux de structuration des OSC diffèrent de manière importante, l'analyse et les stratégies d'intervention et d'appui devront donc tenir compte du rôle que chaque niveau joue et peut jouer davantage dans le développement de la Côte d'Ivoire.

    En effet, si les organisations de base de premier niveau peuvent assurer la mobilisation sociale et l'ancrage territorial, les organisations de deuxième niveau peuvent mettre à disposition leurs compétences parfois extrêmement pointues au service du développement.

    Quant aux organisations faîtières de troisième niveau, elles peuvent faciliter l'accès aux ressources de leurs membres, l'information et surtout la capitalisation des expériences. Ce niveau est également fondamental pour assurer une vision nationale des

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    problématiques de la gouvernance et du développement, outre des actions de plaidoyer et de lobbying tant au niveau des politiques que des conditions opérationnelles de leurs organisations membres.

    Enfin, les organisations faîtières de quatrième niveau ont un rôle primordial non seulement dans le dialogue politique sur les stratégies nationales de développement mais aussi sur le plan de la coordination entre les différentes familles d'acteurs non étatiques (Floridi et Verdecchia,2010).

    Chaque niveau de structuration, grâce à son rôle et son positionnement stratégique spécifiques, peut apporter sa propre contribution tant aux efforts du pays dans la bonne gouvernance et la lutte contre la pauvreté que dans cette phase de « sortie de crise » que le pays est en train de vivre. Cette stratégie de la différenciation s'avère donc pertinente et nécessaire pour que chaque niveau soit renforcé dans l'exercice de ses fonctions et dans ses prérogatives au service de l'intérêt collectif et du développement de la Côte d'Ivoire.

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    2. Méthodologie et contexte de l'étude

    A. Méthodologie d'étude

    Après avoir défini les concepts clefs de notre étude dans cette première partie nous allons au cours de nos seconds et troisième chapitre nous intéresser au processus de détermination de l'engagement citoyen et de l'action citoyenne en Côte d'ivoire depuis 1960 puis aux actions de la société civile en matière de développement afin de répondre à la problématique suivante :

    Dans quelle mesure les organisations de la société civile ivoiriennes agissent dans un contexte favorisant la finalité de leurs actions, à savoir le changement social ?

    Que ce soit d'un point de vue politique ou encore associatif comme le démontre l'émergence de la société civile, cet engagement a été défini par un long processus entamé au lendemain de la seconde guerre mondiale lorsque la côte d'ivoire était encore colonie française.

    Aujourd'hui, après 10 ans de reconstruction suite à la décennie de crise politico-militaire les bons résultats économiques ne parviennent pas à assurer le bien-être de l'ensemble de la population. La croissance démographique, l'explosion urbaine et le dérèglement climatique à venir vont se révéler être des défis de taille à relever pour la nation ivoirienne qui se devra d'apporter des réponses politiques, mais également citoyennes afin que ces phénomènes entrainent des cycles vertueux et non vicieux.

    Afin de répondre à notre problématique nous utiliserons une approche hypothético-déductive. La méthode de l'approche hypothético-déductive est une démarche scientifique qui consiste à émettre des hypothèses et recueillir des données afin de vérifier ou réfuter ses hypothèses. Celle-ci sera argumenter à l'aide de travaux issus des sphères géographiques, sociologiques ,économiques mais également de par mes observations et d'une enquête que nous avons pu mener lors de mon stage, afin de répondre à nos 5 hypothèses que sont :

    1-La stabilité politique, la sécurité du pays et l'importante croissance économique qui fait de la Côte d'ivoire la « locomotive » africaine au temps de Félix Houphouët-Boigny est favorable à l'émergence démocratique et citoyenne

    2-

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    La notion de « l'ivoirité » caractérise une xénophobie intrinsèque à la population ivoirienne

    3- La pratique de la citoyenneté s'est brutalisée pendant la décennie de crise politico-militaire

    4- La paix et la reprise économique s'accompagnent d'un meilleur respect des libertés individuelles et d'un changement par le soutien de l'Etat ivoirien aux initiatives des organisations de la société civile agissant en ce sens.

    5- Les organisations de la société civile sont préparées et opérationnelles à la mise en oeuvre de projets de développement et plus spécifiquement ceux concernant le changement social et alternance démocratique et ce de manière autonome.

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    B. Contexte géographique de la Côte d'Ivoire

    Figure 3: Présentation de la Côte d'Ivoire (France Diplomatie,2020)

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    La Côte d'Ivoire est un Etat dont le territoire de 322 463 km2 est située en Afrique de l'Ouest. Elle est frontalière du Liberia et de la Guinée à l'Ouest, du Mali et du Burkina Faso au Nord et du Ghana à l'Est. Le Golfe de guinée borde l'ensemble du littoral au sud du pays. Le district d'Abidjan est composé de 13 communes, est la capitale économique de la Côte d'Ivoire. Yamoussoukro est la capitale Politique.

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    Figure 4: Climat et végétation en Côte d'Ivoire ( RABET, 2020)

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    En Côte d'Ivoire, on distingue, du Sud au Nord, trois zones biogéographiques distinctes. La zone du Sud et de l'Ouest, en dessous du 8ème parallèle, excluant le V Baoulé, est caractérisée par une forêt primaire comprenant la forêt littorale, la forêt ombrophile ou sempervirente de plaine, les forêts et savanes de montagnes. Cette zone présente de nos jours un aspect de forêt secondaire, avec des jachères et quelques îlots de forêts primaires. Le « V Baoulé se localise au centre de la Côte d'Ivoire. C'est un espace de contact entre la zone forestière au sud et la zone de savane au nord. Dans cette partie centrale de la Côte d'Ivoire, la végétation de la zone bioclimatique pré forestière forme un « v » (carte 2) Le « V » Baoulé est caractérisé, au niveau climatique, par une transition entre le climat tropical humide au sud et le climat tropical sec au nord (Gautier, 1990 ; Brou et al., 1998). C'est un espace de forte densité de population rurale (Lassailly-Jacob, 1984). La zone de savane soudanaise, au-dessus du 9ème parallèle, avec des couloirs de forêts de galeries et ses forêts claires, est composée de savanes arborées et arbustives. Entre ces deux zones, se situe la zone de transition ou pré-forestière avec le V Baoulé. Elle comporte une mosaïque de milieux, composée de forêt mésophile (ou semi-décidue) et de savane.

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    Figure 5: Topographie de la Côte d'Ivoire (Vennetier P. et al in Atlas de la Côte d'Ivoire 1978)

    La topographie de la Côte d'Ivoire est caractérisée par un relief peu élevé. Les terres sont constituées en majeure partie de plateaux et plaines. Les altitudes oscillent généralement entre 100 et 500 mètres, la plupart des plateaux se situant autour de 200 à 350 mètres. L'ouest du pays, région montagneuse, présente toutefois quelques reliefs au-delà de mille mètres tel que le mont Nimba culminant à 1752 m.

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    Figure 6 : Pédologie de Côte d'Ivoire (Vennetier P. et al in Atlas de la Côte d'Ivoire 1978)

    97,5% de la surface du territoire ivoirien est composée de formations cristallines issues de la formation géologique du craton Ouest africain où nous retrouvons la dorsale de Man. Ces formations cristallines sont bornées, au Nord par le bassin de Taoudéni ainsi que par les Dahomélydes à l'Ouest, les Rockellides à l'Est et l'atlantique au Sud. Trois processus de formation de la croute terrestre ont contribué à la création de deux domaines géologiques précambriens, « le libérien » et « l'éburnéen ».

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    Figure 7 : Carte des ressources minérales de Côte d'Ivoire (RABET & TOBBI, 2019)

    Nous retrouvons dans le sol ivoirien plusieurs types de minerais diversement exploités. Comme nous le présente la carte n°4 nous avons (1) les région de l'or : Sanwi-Asupiri, Anuiri, Hiré, Kokumbo, Bonikro, Yaouré, Korhogo et Ity ; (2) Les régions de colombo-tantalité : Issia et Touvré ; (3) les régions du nickel : Sipilou, Fongouessou, Touaoba, Moyango, Lefoi, Viala et Saabela (4) les régions de bauxite : Digo-Mokouedou et Bangouanou ; Et (5) les régions du fer : Mont Nimba et Mont Goa.

    C. Contexte Socio-économique de la Côte d'Ivoire

    Figure 8 : Carte de la répartition de la population ivoirienne sur le territoire (RABET,2020)

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    Figure 9: Carte des densités de population par territoire en Côte d'ivoire (RABET,2020)

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    Répartition ethnolinguistique

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    Figure 10 : Carte de la répartition des principales aires ethnolinguistiques de la Côte d'ivoire (RABET,2020)

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    La Côte d'Ivoire abrite plus de 60 ethnies différentes réparties en quatre grands espaces linguistiques ainsi :

    · Dans le sud-est, nous retrouvons le groupe akan/baoulé dont les langues principales sont « kwa », également présent dans moitié sud-ouest du Ghana ;

    · Dans le sud-ouest, le groupe krou/bété avec dont les langues principales sont « krou », présent également dans la partie Sud-Est du Liberia ;

    · Dans le nord-est, les Malinkés dont les langues principales sont « voltaïques », sont les principaux occupants du Burkina Faso et du nord du Ghana ;

    · Enfin dans le nord-ouest, nous avons le groupe mandé dont les langues principales sont « mandées », présent également dans l'est de la Guinée, l'ouest du Mali et le nord du Liberia.

    Ces espaces ethnolinguistiques, bien que transcendant les frontières nationales, constituent un point de repère utile mais ne suffisent en aucun cas à l'analyse sociopolitique ivoirienne. Les espaces urbains ivoiriens sont aujourd'hui très mixtes, accueillant toutes ethnies confondues. La crise politique qu'a connu la Côte d'Ivoire a révélée des tensions d'ordre ethniques entre les populations du nord et du sud, nous y reviendrons plus tard.

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    Le système agraire ivoirien

    Figure 11 : Les cultures de rentes ivoiriennes (RABET & TOBBI, 2020)

    Les cutures de rentes composent l'essentiel de la balance commerciale ivoirienne. Elles sont essentiellement cultivées au sud du pays dans les régions ombrophiles.

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    Figure 12: L'agriculture vivrière en Côte d'Ivoire (RABET & TOBBI,2020)

    L'agriculture vivrière ou agriculture familiale est un système agraire reposant sur des exploitations de petite dimension travaillées chacune par une famille consommant une partie de sa production. L'expression tend à remplacer d'autres termes équivalents sans être exactement synonymes : agriculture paysanne (pour insister sur la dimension sociétale majoritaire de ce système dans certaines régions du monde encore largement rurales) ou agriculture vivrière (pour insister sur l'autoconsommation).

    L'agriculture familiale est très largement le fait des pays dits du Sud où elle concerne plus de la moitié des actifs. Elle occupe 2,6 milliards de la population humaine qui produit 70% de la production alimentaire mondiale. L'agriculture familiale n'a pas disparu des pays dits du « Nord » où elle représente une part infime de la production, mais concerne quelques millions de très petits producteurs, souvent non recensés dans la statistique

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    agricole qui ne comptabilise que les exploitations dites professionnelles. L'agriculture familiale subsiste également sous la forme de jardins ruraux ou urbains, ou dans le cadre d'une multi-activité pour compléter des petits revenus (retraités, ouvriers...) (CFSI,2020).

    L'agriculture familiale englobe toutes les activités agricoles reposant sur la famille, en relation avec de nombreux aspects du développement rural. L'agriculture familiale permet d'organiser la production agricole, forestière, halieutique, pastorale ou aquacole qui, sous la gestion d'une famille, repose essentiellement sur de la main-d'oeuvre familiale, aussi bien les hommes que les femmes (FAO,2015). Le CIRAD précise des critères de définition : dans 81 pays étudiés, les exploitations de moins de 5 ha représentent 94 % du total, celles de moins d'un hectare, 72 % (moyenne française en 2010 : 55 ha).

    Le CIRAD ajoute trois critères :

    -seuls travaillent à plein temps les membres de la famille : ils ne sont pas liés par des rapports de salaire, mais par des liens domestiques. Le travail crée des liens forts entre la famille et l'exploitation,

    -une partie de la production est consommée par la famille elle-même : Les agricultures familiales alimentent, certes, les marchés, mais l'autoconsommation est aussi un produit de ce travail,

    -le capital est familial : il est indissociable du patrimoine familial. Situation politique actuelle

    Alors que la Côte d'Ivoire est redevenue « stable » depuis la fin du conflit armé post-électoral de 2010-2011, l'approche de l'élection présidentielle de 2020 est sources incertitudes. L'annonce du 6 aout 2020 du président de la République Alassane Ouattara qui brigue un troisième mandat anticonstitutionnel met en péril la sécurité et l'ordre public d'un pays encore marqué par ses violentes dérives politiques récentes.

    L'ancien président Laurent Gbagbo a pour sa part été acquitté par la Cour pénale internationale et libéré sous conditions dans l'attente d'un éventuel procès en appel. Au terme de cette procédure, il pourrait être en mesure de participer au scrutin présidentiel. Les récentes tensions au sein de la coalition au pouvoir, le Rassemblement des

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    houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), ont abouti à la démission du président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro.

    Par ailleurs une nouvelle commission électorale indépendante (CEI) chargée d'organiser les prochaines élections, a été mise en place à la suite des discussions entre le gouvernement et une partie de l'opposition. Le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) d'Henri Konan Bédié et le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, ainsi que les partis proches de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro, n'ont pas participé aux discussions. Ils réclament un nouveau dialogue autour de la réforme de la CEI.

    Les affrontements intercommunautaires du mois de mai 2019 dans le centre du pays et les arrestations récentes d'opposants politiques suivis d'affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants font craindre une montée des tensions politiques à l'approche de l'élection présidentielle prévue en octobre 2020.

    Situation économique

    Figure 13 : Taux de croissance de la Côte d'ivoire depuis 2011 (Banque mondiale 2019)

    Les rapports de la banque mondiale mentionnent que depuis 2011, l'économie ivoirienne a progressé à un rythme moyen de 8 % par an, ce qui en fait l'un des pays les plus dynamiques du monde. La croissance du PIB a cependant progressivement ralenti pour

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    passer de 10,1 % en 2012 à 7,7 % en 2017, tandis que les estimations de la Banque africaine de développement sont d'une croissance de l'ordre de 7 % pour l'exercice 20202021. Précisons que ces estimations ont été faite avant la crise du COVID-19.

    Le pays doit cependant relever un double défi : maintenir un rythme de croissance rapide tout en favorisant une croissance plus inclusive (le taux de pauvreté s'élève encore à 46,3 %) tout en réduisant les déséquilibres budgétaires.

    La proximité des élections nationales, programmées en octobre 2020, risque de générer un climat d'incertitude et d'avoir une incidence négative sur les investissements privés.

    Situation sociale et enjeux de développement

    L'excellente performance économique de la Côte d'Ivoire n'a pas donnée les résultats attendus sur le plan de l'inclusion sociale et de la réduction du taux de pauvreté, qui reste élevé. Le pays se trouvait au 170e rang sur 189 pays dans le rapport 2018 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur l'indice de développement humain et possède un faible indice de capital humain (0.35) selon le classement de la Banque mondiale.

    Malgré des efforts récents, la Côte d'Ivoire demeure l'un des pays du monde où les inégalités de genre sont les plus marquées.

    Le faible taux d'achèvement scolaire au collège (35,5 %), les disparités d'instruction entre les filles et les garçons (elles sont 42,7 % à achever le secondaire contre 55,5 % des garçons), la mortalité maternelle (645 décès pour 100 000 naissances vivantes), la malnutrition infantile et le chômage des jeunes (36 % des jeunes de 15 à 35 ans) figurent parmi les principaux enjeux de développement de la Côte d'Ivoire.

    Après avoir fortement augmenté de 10 à 51 % de la population entre 1985 et 2011, le taux de pauvreté aurait reculé à 46,3 %, selon la dernière enquête sur les niveaux de vie réalisée par l'administration ivoirienne.

    La Côte d'Ivoire gagnerait à redistribuer davantage les fruits de sa bonne performance économique aux populations les plus vulnérables, à intégrer davantage les femmes dans l'économie et à développer son capital humain afin de mieux répondre aux besoins du

    marché du travail. En effet, la création de produits et services modernes requière des compétences qui manquent encore à la main-d'oeuvre locale (Banque mondiale 2020).

    D. Contexte de la mission

    Mon expérience au Sein de No Vox Côte d'ivoire s'est déroulée du 13 janvier au 10 juillet

    2020 à Abidjan.

    Figure 14 : La répartition de la population abidjanaise (RABET,2020)

    Abidjan est la capitale économique et administrative de la Côte d'ivoire, la majorité de la population, et des OSC ivoiriennes et la quasi-totalité des bureaux des partenaires techniques et financiers internationaux s'y trouvent.

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    Figure 15: Distribution spatiale de la pauvreté dans le district d'Abidjan (RABET,2020)

    Le siège de No-vox est basé à Locodjoro, quartier de la commune d'Attécoubé comme nous le montre la carte précédente.

    No-vox est un réseau d'associations, de mouvements et d'organisations, qui mènent concrètement des luttes sociales sur le terrain. Fondé lors du 1er Forum social européen à Florence, le réseau a pris une dimension internationale lors du 1er Forum social mondial de Porto Alègre en 2003. Ces mouvements de lutte sont composés de femmes et

    d'hommes qui s'auto-organisent pour la défense et l'application des droits fondamentaux

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    définis par la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789 et la naissance de nouveaux droits.

    L'altermondialisme désigne un mouvement international promouvant l'idée qu'une autre organisation du monde est possible, sans rejeter la mondialisation, mais plutôt en la régulant. L'hétérogénéité et la diversité des associations altermondialistes incite à parler davantage de mouvements altermondialistes au pluriel que de mouvement au singulier. De manière générale, le mouvement s'oppose au libéralisme économique et à la mondialisation des pratiques financières pour favoriser une économie plus sociale et mieux répartie. Ces revendications se traduisent par une recherche d'alternatives, globales et systémiques, à l'ordre international de la finance et du commerce. Marqué par une culture qui pourrait se rattacher à la tradition libertaire ou à l'écologie radicale, le mouvement oscille entre réformisme et radicalisme.

    On y trouve un certain nombre de prises de position et de revendications communes à de nombreuses organisations :

    · Une contestation de l'organisation interne, du statut et des politiques des institutions mondiales, telles que l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds monétaire international (FMI), l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le G7 et la Banque mondiale ;

    · La justice économique

    · L'autonomie des peuples

    · La protection de l'environnement et l'arrêt de la surexploitation des ressources

    · La protection des droits humains fondamentaux

    · La démocratisation des institutions

    Le mouvement se rassemble parfois autour du slogan « Un autre monde est possible » ou plus récemment, « D'autres mondes sont possibles ».

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    Figure 16 : Photo de l'équipe de No-vox Côte d'ivoire (rapport d'activité No-vox ,2018)

    No-Vox Côte d'ivoire, représentation ivoirienne de No-vox International contribue essentiellement à la défense des droits fondamentaux des communautés et le renforcement des capacités de ces dernières. La structure apporte ainsi son soutien, à la lutte de la communauté de N'dakouassikro contre l'extractivisme non régulé, aux mareyeuses d'Abobo Doumé contre l'expropriation de leurs commerces et aux pêcheurs lagunaires dans la lutte contre la pollution lagunaire. L'action sociale et citoyenne de No-vox prend toute sa dimension politique dans la mesure où intérêts économiques et responsabilités politiques semblent faire la paire en Côte d'ivoire. Depuis l'annonce de la candidature d'Alassane Ouattara, No-vox fait partie d'une coalition de la société civile contre un 3e mandat anticonstitutionnel d'Alassane Ouattara.

    Les actions de No-vox Côte d'Ivoire sont essentiellement politiques et militantes mais la structure est actuellement en transition et développe de plus en plus de projet de développement. Mon stage s'est inscrit dans cette dynamique. J'ai occupé le poste de Chargé de projet au sein de No-vox Côte d'Ivoire. Au sein d'une équipe technique au départ composé de 2 personnes, En tant que Chargé de projet principal, mes missions ont été

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    celles de la conception de projets, de la recherche de financement et de la représentation de la structure à divers événements. J'ai souvent été mis à disposition de la Coalition Tournons la page ! structure partenaire de No-Vox pour le montage de projets et la recherche de financement.

    Figure 17 : Photo de l'Equipe Tournons la page Côte d'ivoire (Tournons la page, 2020)

    Tournons La Page (TLP) est un mouvement réunissant des acteurs des sociétés civiles africaines soutenus par des organisations européennes dont l'objectif est la promotion de l'alternance démocratique en Afrique, en menant des actions pacifiques et non partisanes.

    Le mouvement est aujourd'hui actif dans 10 pays africains (Burundi, Cameroun, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Niger, RDC, Tchad, Togo) grâce à plus de deux-cents organisations de la société civile et avec le soutien d'associations européennes.

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    Le mouvement vise particulièrement à :

    · Mettre en réseau, soutenir et protéger les mouvements qui se mobilisent pour l'alternance démocratique en Afrique, en particulier en période électorale

    · Former une large alliance non-partisane de citoyens, intellectuels, artistes, associations, syndicats et responsables religieux autour de cette ambition.

    · Donner un écho international aux mobilisations pour faire vivre l'alternance démocratique en Afrique, et délégitimer les régimes dynastiques aux yeux de l'opinion publique.

    · Obtenir l'arrêt de la caution apportée par les dirigeants européens aux pratiques anti-démocratiques en Afrique et promouvoir des relations diplomatiques plus justes.

    · Imaginer l'après-alternance en soutenant l'émergence, parmi les intellectuels, les forces économiques et les mouvements africains, d'une vision partagée de l'avenir de la démocratie en Afrique.

    Afin d'atteindre ses objectifs, les organisations et individus membres de Tournons La Page se mobilisent par des modes d'actions variés et complémentaires. Des actions de mobilisation telles que l'organisation de conférences/débats publics, d'événements culturels et artistiques, de manifestations et interpellations pacifiques des décideurs. Une démarche de plaidoyer institutionnel auprès de nombreux décideurs et de leurs sphères d'influence. Cela se traduit par la publication de communiqués liés à l'actualité, ainsi que des rencontres régulières avec les décideurs politiques européens et notamment français.

    · La construction d'une expertise solide à travers une diversité d'outils et d'approches (production d'un rapport sur l'alternance au pouvoir et un deuxième sur la fiscalité ; observations électorales au Congo, Gabon et Cameroun ; veille stratégique ; organisation de conférences-débats et participation à des colloques universitaires...)

    · Un travail de communication et de relais de mobilisations citoyennes auprès des médias et des réseaux sociaux : revues de presse hebdomadaires, conférences de presse, publication d'articles de vulgarisation.

    ·

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    Une mise en réseau des acteurs, par la consolidation d'alliances et de partenariats entre les mouvements de la société civile. En mettant en réseau de nombreux partenaires européens et africains, TLP permet le renforcement des capacités d'action des associations de la société civile africaine, donnant lieu à davantage de visibilité et à un meilleur écho des revendications démocratiques. (Tournons la Page ! 2020)

    C'est donc au sein de ses structures que j'ai pu observer et contribuer à des actions d'OSC ivoirienne.

    Le prochain chapitre nous permettra de comprendre la genèse de la conception et de la représentation de l'action citoyenne dans la société ivoirienne. Au regard de cette genèse nous pourrons par la suite disposer d'un ensemble d'éléments qui nous permettrons d'analyser et de comprendre les tenants et aboutissants de l'action de la société civile ivoirienne.

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    Chapitre 2 : Evolution de la citoyenneté en Côte d'ivoire depuis 1960

    1.Restriction de la citoyenneté dans la Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny

    A. L'éveil politique ivoirien et l'accès à l'indépendance

    La citoyenneté indigène

    Figure 18: La situation coloniale en Afrique en 1945 (RABET,2020)

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    Amadou KONE considère que l'éveil citoyen, débute à partir de la seconde guerre mondiale au sein de l'Afrique Occidentale Française (AOF). L'effort de guerre mobilise les citoyens indigènes tant sur l'aspect militaire, comme en atteste les bataillons de tirailleurs sénégalais que sur l'aspect des ressources alimentaires et agricoles. Cette mobilisation est mise en oeuvre par un régime indigène dont les dérives attisent la colère de la population. Un décret de 1904 a instauré le travail forcé en Côte d'Ivoire concernant les emplois agricoles et d'aménagements public. L'essentiel de la main d'oeuvre forcé en Côte d'Ivoire est issu de la Haute Côte d'Ivoire (Burkina Faso actuel). Les chefs de Canton, issus de l 'élite coutumière comme Houphouët-Boigny qui bénéficient de la confiance et du soutien de l'administration coloniale fournissent également de la main d'oeuvre locale. Les critères de sélection étaient laissés à l'appréciation des chefs de canton. L'instauration du régime de Vichy a eu pour conséquence, en Côte d'Ivoire, une tentative de ségrégation entre colons et autochtones. Cette tentative vient s'ajouter au grief de la population envers un régime coloniale de plus en plus contester. Entre 1940 et 1943 on peut observer une hausse des associations à caractères tribales ou ethniques pour faire face aux pénuries que la colonie ivoirienne connait en raison de sa participation à l'effort de guerre. Ces associations bien qu'illégales sont tolérées. L'arrivée à partir de 1943 de nouveaux administrateurs coloniaux plus sensibles aux revendications autochtones du fait qu'ils ont combattus pour la liberté aux cotés des tirailleurs sénégalais, a favorisée la sortie de la clandestinité des associations et leurs émergences.

    Dans le souci de pacifier les colonies, le général de Gaulle a organisé la conférence de Brazzaville en 1944. Celle-ci a eu pour conséquence la reconnaissance du droit de jouir des libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cela s'est traduit par la légalisation des dynamiques syndicales et associatives mais surtout par le droit à la représentation politique au sein des instances gouvernementale. La revendication égalitaire s'accentue par l'intermédiaire du Syndicat Agricole Africain présidé alors par Félix Houphouët-Boigny, chef du Canton de Yamoussoukro. Celui-ci désirait obtenir les mêmes droits économiques que les colons disposant d'un cadre juridique et fiscal plus favorable aux affaires.

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    En 1945 après de nombreux concours de circonstances, Félix Houphouët-Boigny devient députés de la Côte d'Ivoire à l'assemblé coloniale. Comme l'ensemble des néo députés coloniaux, il rejoint le camp des progressistes, qui regroupe le Parti communiste français et le Mouvement Unifié pour la Résistance (MUR). En raison de leur idéologie marxiste, les députés progressistes étaient en faveur de l'émancipation des colonies. A la tête d'une commission de travail à l'assemblée coloniale, Houphouët-Boigny est le dépositaire de la loi 46-645 du 11 avril 1946 mettant fin au travail forcé dans les colonies d'outre-mer. Cet acte propulse le député ivoirien en véritable héros pour la population ouest africaine. Ce statut prélavera jusqu'à la mort « du vieux » dans les zones les plus reculés. Jouissant de son nouveau statut de héros du peuple noir et appuyé par le Groupe d'Etudes Communistes pour l'Idéologie et le plan d'action politique, il crée le 26 avril 1946 le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). La contribution des communistes fut celle de l'appui à la stratégie d'enracinement du parti et à la maitrise des rouages clefs d'un culte de la personnalité débuté à partir du 11 avril 1946. Dans le souci d'étendre son influence politique à l'échelle de l'AOF il organise la conférence de Bamako qui se tient le 4 septembre 1946. Le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) est créé lors de la conférence de Bamako. Seul candidat, Félix Houphouët-Boigny est alors élu président du RDA. La création du RDA, fut un puissant moteur pour l'émancipation politique des africains. Entre 1946 et 1950, le député Houphouët-Boigny est quasiment absent du continent. Il n'assiste donc pas à la lutte menée par les jeunes cadres du RDA, face à un colonat vexé par une émancipation qu'il parvient de moins en moins à maitriser.

    Le 22 mars 1950 Houphouët-Boigny embarque précipitamment pour la métropole. Cette fuite s'inscrit dans un contexte de tension sur le territoire ivoirien. Les principaux leaders du PDCI, sont emprisonnés et en attente de jugement suite aux événements du 6 février 1949. D'un point de vue personnel, Houphouët-Boigny est appelé à témoigner dans la sombre affaire de l'assassinat du sénateur Biaka Boda. Mais surtout Houphouët-Boigny semble fuir l'idole africaine qu'il est devenu. Sa volte-face politique, préméditée dans le plus grand secret est en marche.

    A son arrivée en France, il rompt ses liens avec le PCF et le camp des progressistes pour se rallier, ainsi que le RDA au camp de la droite et des colonialistes. Ce changement de posture s'accompagne d'un changement de discours. De combattant du capitalisme

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    coloniale il se transforme en chantre du libéralisme et fustige vertement le communisme. Afin de consolider cette nouvelle amitié, il fait entrer des représentants du camp des libéraux coloniaux aux assemblées territoriales ivoiriennes et obtient le limogeage du très contesté gouverneur Péchoux.

    Cette volte-face politique de Houphouët-Boigny considérée comme une trahison de la part des cadres du RDA, détériore l'unité de ce mouvement, à l'échelle ivoirienne comme dans la sous-région. Gabriel D'Arbousier, un des plus proches collaborateurs du président la condamna fermement. Il n'obtient que raillerie et humiliation, l'instrument préféré du futur président face à toute forme d'opposition.

    A partir de 1951, Félix Houphouët-Boigny est majoritairement en métropole où il occupe les fonctions de député et de ministre. Il ne fait que de brefs retours pour les élections législatives de 1956 et surtout pour la première élection à l'investiture suprême de 1959. En 1956 une loi-cadre détermine le suffrage universel comme voie d'accès à la présidence. La principale tâche de Félix Houphouët-Boigny à partir de ce moment est alors d'écarter tout prétendant et opposant du pouvoir (KONE,2003).

    En définitive, l'éveil politique ivoirien débute dans les années 1920 par l'intermédiaire d'actions clandestines et à la marge. Le statut de citoyen indigène, a longtemps proscrit la pratique associative et citoyenne. Ce n'est qu'à partir de la seconde guerre mondiale qu'il s'accélère avec l'émergence de syndicats et des associations ivoiriennes. Ces syndicats ont bénéficié du soutien de leurs homologues français. L'idéologie marxiste dominante des mouvements syndicaux de la métropole les rapprochaient des aspirations égalitaires des citoyens indigène. De 1944 à 1951 la Côte d'Ivoire, comme l'ensemble de l'AOF, se fédère et se mobilise massivement autour du héros Félix Houphouët-Boigny, porteur de l'espoir d'une Afrique de l'ouest libre, autonome et indépendante.

    La volte-face politique et la conquête du pouvoir de Félix Houphouët-Boigny va peu à peu éteindre cet espoir et conditionner la pratique citoyenne ivoirienne.

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    B. Hégémonie politique et citoyenneté contenue : Le règne d'Houphouët-Boigny

    En tant que « père de l'indépendance » de la Côte d'Ivoire, la principale tâche qui incombe à Félix Houphouët-Boigny le 6 aout 1960 est de structurer un Etat et de forger une nation prête à relever les défis de la mondialisation et du développement. La Constitution de la Côte d'Ivoire au moment de l'indépendance, qui s'inscrit dans l'esprit des lumières, permet aux ivoiriens de jouir des libertés fondamentales, tels que les libertés d'expression et d'association inscrite en son article 7. Le principe de séparation des pouvoirs est censé se matérialiser par l'articulation entre l'Assemblée nationale, la cour suprême et le président de la république.

    Des communistes, Houphouët-Boigny rejettera l'idéologie, pas les pratiques. Nous pensons ici à la pratique du parti unique et du culte de la personnalité dont bénéficiera F. Houphouët-Boigny. Le PDCI-RDA restera jusqu'en 1990 le parti unique de Côte d'Ivoire.

    Un régime à parti unique est un système politique dans lequel la législation ne permet qu'à un seul parti de gouverner. Le parti dispose alors du monopole de l'activité politique, concentre le pouvoir entre les mains de ses cadres, préempte l'ensemble de l'activité de la société et ne tolère pas d'opposition.

    Mamadou Gazibo estime que les partis uniques apparaissent sur la scène politique africaine au moment des indépendances. Ils sont la réponse des « pères des indépendances » aux défis du développement et l'unité nationale. Ainsi l'introduction du parti unique, la suppression de la séparation des pouvoirs et la mainmise sur l'ensemble de l'appareil étatique ont été présentés comme la meilleure façon de faire le développement et de réaliser l'unité nationale. Le retour au parti unique a également été présenté comme une façon de renouer avec les formes africaines précoloniales de gouvernement fondées sur le consensus. Le parti unique était alors vu comme plus favorable à la cohésion sociale dans les sociétés multiethniques africaines que le multipartisme hérité de la colonisation européenne présenté comme une source de division (Gazibo, 2010). Le culte de la personnalité du Houphouët-Boigny est né avec la loi d'abrogation du travail forcé dans les colonies de 1946.

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    Bien que son image soit écornée auprès de l'intelligencia ivoirienne du fait de sa volte-face politique, Houphouët-Boigny dispose toujours, au moment de l'indépendance de l'image de héros auprès de la population.

    La JRDACI, le rendez-vous manqué entre F.Houphouet-Boigny et la jeunesse ivoirienne

    De 1960 à 1962, aucun des problèmes qui cristallisent l'opinion jusqu'à l'indépendance ne sont résolus. La France, ancienne puissance colonisatrice devenue « la vieille amie » selon Houphouët-Boigny, occupe dans le pays, dans tous les domaines, la même position qu'avant l'indépendance. Le pillage des ressources naturelles et des finances du pays continu voir s'accentue. Les exploitants de bois écument ainsi la forêt ivoirienne jusqu'à la dépeupler de toute essence de valeur. Le déficit de la balance des paiements atteint un seuil critique.

    Dans ces conditions, les dirigeants du mouvement de Jeunesse du rassemblement Démocratique Africain de Côte d'ivoire (JRDACI), entrés au gouvernement après le IIIe Congrès, comprennent sans doute trop tard qu'ils n'y sont que des figurants, voire otages, tant leur influence y est insignifiante (KONE,2003).

    Pour comprendre cette situation il est important de comprendre le contexte de création de la JRDACI. Le mouvement de la Jeunesse du Rassemblement Démocratique Africain de Côte d'ivoire (JRDACI), est né en 1951 suite aux préconisations de la conférence de Bamako. Afin de rendre l'action du RDA plus efficiente, la création d'antennes nationales ont été décidé. Cependant la JRDACI ne devient active qu'à partir de l'intégration des leaders de la Ligue des Originaires de Côte d'Ivoire (LOCI).

    Le mouvement de contestation sociale composé essentiellement de jeunes ; la LOCI acquiert de la visibilité en octobre 1958. Alors que les membres fondateurs étaient emprisonnés depuis plusieurs semaines, les militants, devant les refus des autorités de libérer leurs leaders, se livrent à des agressions mortifères à caractères xénophobes envers les ressortissants togolais et béninois du territoire ivoirien. Selon les militants de la LOCI, ces étrangers étaient alors coupables d'un accaparement du marché de l'emploi condamnant les autochtones à la pauvreté. Ces « cabales » de 1958 ne sont pas les premiers faits du genre. 20 ans plus tôt, le même type d'exactions a été commis à l'encontre des mêmes communautés. Ministre du général de Gaulle au moment des faits,

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    Houphouët-Boigny, est profondément affecté par ces événements. D'une part, en colère contre les membres du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) en charge du maintien de l'ordre et d'autre part, désolé envers les ressortissants étrangers de Côte d'Ivoire. A son retour sur le sol ivoirien, il ramène le calme et l'ordre en quelques heures, fait libérer les leaders de la LOCI, rapatrie et dédommage les ressortissants étrangers chassés lors des cabales, à la charge du trésor ivoirien.

    Devant la menace pour la cohésion sociale et l'ordre publique que constitue la LOCI, F. Houphouët-Boigny, selon qui « en politique on ne résout pas un problème, on le déplace », préfère s'attaquer à l'organisation plutôt qu'aux causes de ses actions. Le rapprochement entre les jeunes cadres du PDCI et les leaders de la LOCI établi, le président, appliquant les préconisations de Bamako soutient la création de la JRDACI. Il ne manque pas au passage de prétendre, à un geste de générosité à l'attention de la jeunesse ivoirienne (KONE,2003).

    Le congrès constitutif de la JRDACI qui se déroule du 14 au 16 mars 1958, demeure le seul et unique de la JRDACI. Deux listes s'affrontent pour constituer le comité exécutif, l'une comprend des leaders de la LOCI, l'autre victorieuse, n'en comprends pas. Ce congrès dont la clôture est officiée par Houphouët-Boigny lui-même, est gage d'espoir d'intégration politique pour une jeunesse ivoirienne alors en marge des processus de décision. Cependant, les actes ne se révèlent rapidement pas à la hauteur de l'espoir suscité. L'influence des cadres de la JRDACI est moins déterminante que celle de leurs directeurs de cabinet, exclusivement français (Amondji,1984). Une des principales revendications des cadres de la JRDACI est que, les postes de directeurs de services soient principalement pourvus aux africains (Amondji,1984). Il est probable que par naïveté, utopisme ou simple jeunesse, ils espèrent mettre à profit leur appartenance à la direction du PDCI pour, dans ce cadre, influer plus efficacement sur la politique générale du parti qui ne leur semble alors, pas en adéquation avec les intérêts du pays.

    Dérive autoritaire et faux complots

    A l'occasion de la présentation « du Plan de dix ans » en 1962 le président annonce la tenue prochaine d'un congrès de la JRDACI. Nous pouvons affirmer, au regard des événements qui suivront que ce congrès n'a jamais eu vocation à se tenir. Au cours de

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    l'année 1962, la JRDACI est pratiquement interdite d'activité publique. Sa liberté d'initiative politique lui est déchue. Son sigle même n'est plus visible sur aucune communication, ni dans la presse, ni à la radio. Dès 1960, le droit d'éditer ses propres cartes d'adhérent lui est retiré, sonnant le glas de l'autonomie de mouvement des jeunes dans la Côte d'Ivoire houphouëtiste.

    De manière générale le chef de l'État renforce sans cesse le caractère autoritaire du régime à partir de l'indépendance. Le 5 avril 1962, il demande aux députés de voter une loi qui autorise le gouvernement à prendre des mesures d'internement et d'assignation à résidence, voire d'obligation de travail, contre tout opposant au régime. Cette loi alors rejetée par l'assemblé nationale, sera finalement votée dans un climat de terreur le 17 janvier 1963 et servira à couvrir « a posteriori » les auteurs du « guet-apens de Yamoussoukro ». (Amondji,1984)

    Le président Houphouët-Boigny convoque le 3 janvier 1963 les dirigeants du parti, les élus et les hauts fonctionnaires à une réunion prévue dans sa ville natale de Yamoussoukro. Celle-ci, ajournée à plusieurs reprises n'a finalement lieu que le 14 janvier. Ce jour, un tiers des membres du bureau politique issu du IIIe Congrès du PDCI sont arrêtés et jetés en prison. (Amondji,1984). Des milliers de citoyens toutes catégories sociales et professionnelles confondues sont également embastillés dans toutes les régions de la Côte-d'Ivoire. Les ivoiriens diplômés de l'enseignement supérieur, rentrés au pays après la fin de leurs études sont une cible prioritaire de la vague d'arrestation de janvier 1963 (KONE,2003). La répression est si brutale et arbitraire qu'aucun citoyen ne peut se sentir en sécurité. Les motifs d'arrestation vont de la complicité avec des supposés comploteurs contre le régime supposé à un manque d'enthousiasme à propos du régime. Les autorités de police arrêtent des citoyens sur de simples dénonciations, qui se multiplient en raison de rétributions. La population comprends très rapidement qu'il ne s'agit pas que d'endiguer la turbulence de quelques dizaines de personnes déjà arrêtées et enfermées à Yamoussoukro, mais bien de conjurer une crise générale qui affectait la société dans son ensemble. De très nombreuses arrestations sont restées secrètes. C'est le cas notamment d'une cinquantaine d'officiers et sous-officiers des Forces armées nationales de la Côte-d'Ivoire (FANCI), mais aussi de plusieurs civils bien connus des mouvements syndicaux ou estudiantins. C'est dans ce climat que Houphouët-Boigny

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    resoumet au vote le projet de loi repoussé par les députés le 5 avril 1962, à l'Assemblée nationale le 17 janvier 1963.

    La loi n° 63-4 du 17 janvier 1963 est largement votée par des parlementaires terrorisés par les événements que le pays traverse. En vertu de cette loi, tout Ivoirien peut être requis pour l'accomplissement de certaines tâches d'intérêt national. Les réquisitions, renouvelables, ne peuvent néanmoins excéder 2 ans. Toute personne dont l'action s'avère préjudiciable à la promotion économique ou sociale de la nation peut être assignée à résidence par décret (Afrique Nouvelle,1963). Il va de soi que cette loi ne visait plus seulement les citoyens déjà incarcérés mais s'inscrivait bien dans une légalisation de la terreur en visant la majorité contestataire et silencieuse.

    Bien que le président Houphouët-Boigny, le plus solide allié de la France dans la sous-région, soit soutenu en vertu de son exemplarité en matière de libéralisme économique, il inquiète par la « stalinisation » de son régime. Le vocable employé alors par le régime étant également inquiétant.

    Il suffit, pour s'en convaincre, de citer Philippé Yacé cadre du PDCI : « Le parti a décidé de procéder à une épuration dans tous les secteurs de la nation ». Les journalistes internationaux n'adhèrent que peu aux versions officielles. Et ce en vertu de leur intime conviction, qui s'appuie sur une bonne connaissance du terrain et les mènent vers des conclusions divergentes du régime. L'arrestation, en septembre 1963, de plusieurs autres ministres et de dirigeants du PDCI confirme leur intuition.

    Dans une tentative désespérée de minorer la brutalité dont sont victimes les citoyens ivoiriens ainsi que le soutien populaire aux embastillés, de vaines opérations de propagande sont menées. Elles consistent en la tenue de manifestations de soutien au président. Les cortèges de ces manifestations sont essentiellement composés de villageois, dont le soutien au régime reste indéfectible malgré tout.

    Le discours du 28 septembre 1963 semble également s'inscrire dans ces opérations de propagande, et apparait comme un véritable désaveu de celui du 15 janvier 1962. Si le discours du président se veut arrogant et menaçant en le 15 janvier 1962, il est protecteur et miséricordieux en 1963. Une batterie de promesses à l'attention des planteurs, des fonctionnaires, des médecins... sont faites. Pourtant la crise demeure. C'est ainsi qu'Ernest

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    Boka, président de la cour suprême est officiellement arrêté, le 2 avril 1964. Le 6 avril, la nouvelle de sa mort dans sa cellule de « la bastille de Yamoussoukro » est le choc de trop pour l'opinion ivoirienne. La justification publique de Houphouët-Boigny ne redore son blason déjà meurtri, bien au contraire. La « grande réconciliation » marque la fin de la période des faux complots.

    La période des faux complots, dont la raison demeure encore mystérieuse, apparait comme la première crise de la démocratie ivoirienne. Les arrestations arbitraires et les souffrances qui s'en suivirent constituent un profond traumatisme pour les citoyens ivoiriens. La jeunesse ivoirienne, qui au moment de la création du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) et du mouvement de jeunesse du rassemblement démocratique Africain de Côte d'ivoire (JRDACI) a nourri l'espoir de participer pleinement au développement du pays, fut la plus impactée par ces faux complots.

    Pour les élites contestataires du régime, l'exil fut la meilleure solution pour certains, pour le reste ce fut la contrition. Cette brutalisation de la jeunesse relative à l'exercice de la citoyenneté eu 2 effets pervers. Le premier est celui d'avoir contenu, si ce n'est amputé à la Côte d'Ivoire l'essentiel de ses forces vives qui auraient pu contribuer à un développement plus inclusif de l'ensemble des acteurs ivoiriens. Le second est d'avoir instauré l'usage de la violence comme moyen de communication entre les dirigeants politiques et la jeunesse ivoirienne (KONE,2003).

    F. Houphouët-Boigny pour sa part, se retrouva dos au mur sur la scène internationale pour n'avoir pas su prévoir les conséquences de sa politique d'abandon des ivoiriens.

    Le néocolonialisme ivoirien est fondé sur le mythe du dirigeant charismatique. A l'origine, et une fois franchi le cap de l'instauration du pouvoir personnel, on prévoyait sans doute que cela suffirait à conserver à ce mythe une pureté telle que la Côte-d'Ivoire pourrait être véritablement un modèle du genre, caractérisé notamment par la stabilité politique et une « paix sociale » à toute épreuve. Mais il n'a pas été possible d'obtenir le consentement des Ivoiriens à cette duperie. La démocratie et la citoyenneté seront alors supplantées par le totalitarisme et l'assujettissement au régime jusque dans les années 80.

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    C. La fin du miracle ivoirien et l'avènement du multipartisme

    La période de forte croissance économique que connait la cote d'ivoire entre 1960 et 1980 est appelée le miracle ivoirien. Cette forte croissance économique repose alors essentiellement sur la culture d'essences à vocation d'exportation telles que le cacao ou l'hévéa.

    L'activité agricole est grandement stimulée par la politique foncière de Houphouët-Boigny, lui-même planteur. Selon le principe que « la terre appartient à celui qui la cultive », de nombreux travailleurs agricoles burkinabè immigre dans le sud- ouest de la Côte d'ivoire afin de travailler dans les exploitations agricoles. Cette dynamique s'observe avec le secteur de la pêche où ce sont de nombreux ghanéens qui ont immigre et pratique la pêche dans le sud-est ivoirien.

    La politique d'ouverture ivoirienne a deux effets vertueux. Le premier est qu'elle dynamise l'activité économique du pays et le second est qu'elle créé un véritable melting-pot africain sur le sol ivoirien. Bien qu'il permette au président de s'enrichir, ce miracle ivoirien basé sur un modèle économique de la dépendance rend l'économie ivoirienne très fragile. C'est ainsi qu'à partir de 1981 la Côte d'Ivoire signe successivement différents accords d'ajustement structurel avec le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale (Jarret ; François régis, 1991). Les impératifs démocratiques de l'indépendance, balayés auparavant par les « faux complots » sont les conditions sine qua non des aides internationales. Houphouët-Boigny parviendra à retarder l'avènement de l'ouverture démocratique jusqu'aux années 1990. C'est ainsi qu'à l'occasion de l'élection présidentielle de 1990, la Côte d'Ivoire connait pour la première de son histoire le multipartisme.

    Face au Parti Démocratique de Côte d'ivoire-Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) de Houphouët-Boigny se dresse le Front populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. Celui-ci originaire du sud-ouest, rappelle sans doute fort le président aux souvenirs de la Ligue des Originaires de Côte d'ivoire (LOCI) et des citoyens de l'ouest martyrisés à l'occasion des faux complots et qui se considèrent les principales victimes de la politique d'ouverture du président. La principale revendication du FPI concerne la mise en oeuvre d'une réforme foncière permettant l'accès exclusif des autochtones à la propriété foncière.

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    Si, en 1960, c'est en héros de la nation que Houphouët-Boigny brigue l'investiture suprême, c'est en ballotage défavorable qu'il aborde celle de 1990. S'il a permis l'émergence du district d'Abidjan et de son Canton originaire de Yamoussoukro, il a délaissé le nord du pays qu'il n'appréciait guère, et exploité les ressources de l'ouest, sans en enrichir la population. La brutalité des faux complots a traumatisé les citoyens qui voient en ce scrutin l'espoir démocratique se concrétiser enfin. Lors de cette élection présidentielle de 1990, Houphouët-Boigny joue son dernier atout politique en octroyant le droit de vote des étrangers aux élections locales et nationales. Bénéficiant d'un capital sympathie conséquente chez les « étrangers » bénéficiaires de sa politique d'ouverture il est, avec 75% des voix, massivement réélu en 1990.

    Il est alors fort diminué par sa santé et a pour principale tâche d'organiser sa succession.

    En 1962, F. Houphouët a voulu se présenter en homme d'État moderne et efficace, résolument tourné vers l'avenir et le progrès. Il est malgré cela, devenu dirigeant d'un état totalitaire et brutal, en 1964. Si, après les purges de 1963, le pays est dépourvu de ses meilleurs cerveaux, il bénéficie en revanche de la présence de nombreux cadres « expatriés ».

    Le régime de Houphouët-Boigny peut, certes, être qualifié de stable mais qu'advient-il de la démocratie et de la citoyenneté dans une Côte d'Ivoire ou le président incarne à lui seul l'État, le gouvernement et le législateur, grâce au soutien et la protection de forces étrangères ? La paix sociale, bien qu'apparente à l'échelle internationale, n'a jamais été présente en Côte-d'Ivoire du temps de Houphouët-Boigny. Son régime, dont la raison d'être est l'organisation du consensus nécessaire à la rentabilité optimale d'une économie néocolonialiste n'a jamais réussi à séduire les ivoiriens. En Côte-d'Ivoire, les mouvements sociaux et professionnels se font autant contre le patronat et le pouvoir que contre la direction officielle de la centrale syndicale unique. Il est arrivé parfois que le sentiment d'injustice pousse les individus à s'organiser spontanément et illégalement pour faire valoir leur droit. Par la brutalisation de sa population, Houphouët-Boigny conditionne l'exercice d'une citoyenneté individualiste et violente. Le régime de F. Houphouët demeure une dictature, prospère économiquement nous en conviendrons ; mais c'est un avant tout une dictature qui ne s'est jamais revendiqué comme telle.

    2. Hyperpolitisation de la citoyenneté ivoirienne à partir des années 1990

    A. Succession, jeu politique et dérive sociale

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    Figure 19: Carte des principaux acteurs de la vie politique ivoirienne depuis 1960 (RABET,2020)

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    La période que nous allons maintenant aborder va de 1990 à 2011. Celle-ci, qui concerne principalement la succession de Houphouët-Boigny, demeure le théâtre d'une construction identitaire et citoyenne gangrénée par la violence dont les principaux acteurs sont Henri Konan Bédié, Robert Gueï, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et les citoyens ivoiriens eux-mêmes.

    Fin de règne

    Les travaux de Claudine Vidal nous permettent de supposer que Houphouët-Boigny, sachant surement que son état de plus en plus délétère ne lui permettra pas d'achever son ultime mandat, prend un ensemble de décisions censées garantir sa paisible succession. La modification de l'article 11 de la Constitution en 1990, donne la possibilité à Henri Konan Bédié, alors président de l'assemblée nationale, d'achever le mandat présidentiel en cas de disparition du président. Une autre disposition, à savoir la nomination inédite d'Alassane Ouattara au poste de premier ministre est simultanément mise en oeuvre. Celui-ci dont la tâche principale est le redressement économique, est également garant de l'ordre public lors des nombreuses absences curatives du président (Vidal,2003).

    Christian Bouquet ne manque pas de nous mentionner qu'hostile envers la modification de l'article 11 de la constitution, le Front Populaire Ivoirien (FPI) de l'opposant historique Laurent Gbagbo propose le 27 novembre 1993 la création d'une assemblée constituante et d'un gouvernement de transition dont la mission pendant 12 mois serait de réécrire la constitution et de concevoir un nouveau code électoral plus en adéquation avec les aspirations démocratiques du pays. (Bouquet,2005).

    En vertu de l'application de l'article 11 de la constitution, Henri Konan Bédié succède à feu Félix Houphouët-Boigny le 7 décembre 1993. Deux mois de deuil national sont décrétés, durant lesquels les Ivoiriens contribuent à un immense rituel funéraire collectif. Le 7 février 1994, des chefs d'État et délégations du monde entier se rendent à la basilique de Yamoussoukro pour assister à la messe funéraire du père de l'indépendance ivoirienne. Ces funérailles extraordinaires, qui font l'unanimité, suscitent une conscience d'unité nationale. Cette unité au-delà de la symbolique, est également opérationnelle comme en témoigne les nombreuses mobilisations de toutes les catégories sociales et

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    professionnelles sur l'ensemble du territoire. L'adieu au père de l'indépendance est pour la Côte d'Ivoire l'unique moment de son Histoire où le sentiment de fierté et d'appartenance des ivoiriens à la « nation ivoirienne » sont éveillés.

    Les premières pratiques brutales qui transgressèrent les normes de la paix civile, revendiquée par le régime houphouëtiste comme son emblème, furent bien du fait de Houphouët-Boigny lui-même via l'action de son gouvernement. Que ce soit au travers d'assassinats de personnalités supposées trop en savoir sur la corruption gouvernementale par de mystérieux escadrons de la mort, de rumeurs de coups d'État commandités par l'opposition, de violences (tabassages, viols) à l'encontre des étudiants en mai 1991 et l'interdiction de leur nouveau syndicat ainsi que l'emprisonnement de leurs leaders ou encore de l'enrôlement de nervis (les « loubards ») par le pouvoir afin de maitriser les rues. L'arrestation, en février 1992, des organisateurs d'une marche de protestation parmi lesquels Laurent Gbagbo et le président de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO), marque l'avènement de la loi anticasseur. Si elle ne le revendique pas dans le texte, cette loi induit par sa mise en oeuvre l'interdiction des citoyens de manifester. Paradoxalement, l'avènement du multipartisme, la libéralisation syndicale ainsi que celle de la presse a pour conséquence une rupture de l'équilibre fragile de la « paix civile » ivoirienne.

    Le « dialogue à l'ivoirienne », qui permis à Houphouët-Boigny de parfaire sa stature de Sage et à la Côte d'ivoire d'être en « paix », s'est essentiellement reposé sur la capacité de Houphouët-Boigny à se montrer homme de modération, conciliateur, réconciliateur et parfois oppresseur. La ligne de conduite adoptée depuis la fin de la période de faux complot par Houphouët-Boigny fut pacifique. Cependant, à partir de 1990, il ouvre une ère de brutalisation de la vie politique et met en péril, ce qui aurait pu constituer l'essentiel de son héritage, à savoir l'évitement de la violence. Loin d'être perçues comme des épisodes passagers, les violences d'État commises lors des années 1991 et 1992 sont un basculement dans la pratique politique et citoyenne ivoirienne dans la mesure où elles ancrent définitivement la violence comme moyen d'expression politique acceptable (Vidal,2003).

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    Succession politique

    La nomination de Henri Konan Bédié à la tête du pays, n'est dans un premier temps pas reconnue par Alassane Ouattara qui se ravise très vite face à la réticence des militaires menés par le Général Robert Gueï à embrasser sa cause. Laurent Gbagbo, quant à lui réaffirme sa volonté du 27 novembre 1993, à savoir la constitution d'un gouvernement de transition dont la tâche principale serait la réécriture de la constitution ainsi que ses revendications de 1990 relatives au droit exclusif des autochtones à la propriété foncière et la suppression du droit de vote des étrangers favorables selon lui au maintien de l'hégémonie politique du PDCI-RDA.

    Henri Konan Bédié, à partir de 1994, tente de s'inscrire dans la continuité de la politique d'ouverture de son prédécesseur en proposant un projet de loi accordant le droit de vote aux citoyens non-nationaux ressortissants de la Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), en application du protocole portant citoyenneté de la communauté et inscrits sur la liste électorale. Ce projet de loi rencontre une vive opposition menée par le FPI, qui obtient gain de cause le 8 décembre 1994 avec l'adoption d'un nouveau code électoral retirant le droit de vote aux étrangers. Les articles 49 et 77 du nouveau code électoral vont encore plus loin, en posant des conditions d'éligibilité présidentielle et législative nationalistes. Dès lors, il fallait disposer d'une ascendance ivoirienne remontant à au moins 2 générations, n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne et être résident de la Côte d'Ivoire pendant les 5 années précédant le scrutin en question sauf en cas de mandat international.

    Alassane Ouattara, créateur du Rassemblement des Républicains (RDR) apparait comme victime principale de cette réforme électorale. L'ex premier ministre, né dans le nord de la Côte d'Ivoire de parents originaires de la Haute Côte Ivoire devenue Burkina Faso a occupé des fonctions au FMI avec la nationalité burkinabè. Malgré l'exclusion législative de Alassane Ouattara et le refus de la création d'une commission nationale électorale indépendante souhaitée par Laurent Gbagbo, la guerre de succession tant redoutée n'a finalement pas lieu mais il apparaît clair qu'aucun des trois principaux prétendants au pouvoir présidentiel, Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ne désarmerait et que chacun se réserve pour l'échéance électoral de 1995.

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    Les principales inquiétudes liées à l'élection présidentielle de 1995 relèvent des doutes populaires sur la capacité des 3 principaux prétendants à l'investiture suprême à respecter les modalités démocratiques. Le climat de grande peur, induit par l'annonce du décès d'Houphouët-Boigny, aurait pu devenir de plus en plus oppressant, jusqu'à susciter de dangereuses méfiances entre personnes et entre groupes supposés prêts à l'offensive. Là encore, rien de tel ne se passa et la peur se dissipa. Non parce que Henri Konan Bédié était devenu Président de manière pacifique mais parce que la Côte d'Ivoire toute entière s'est consacrée aux funérailles d'Houphouët-Boigny

    L'élection présidentielle se tient le 23 octobre 1995. Elle est, pour l'opposition, essentiellement constituée par le Rassemblement des Républicains (RDR) d'Alassane Ouattara et du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, l'occasion d'user de la violence comme levier politique. Ce recours à la violence constitut une rupture essentielle des modalités de la confrontation politique qui avaient jusqu'alors existés. Bien que la gouvernance du Parti démocratique de Côte d'ivoire (PDCI) ne soit pas immaculée de violence, il en avait cependant l'exclusivité et usait de celle-ci en premier lieu à l'encontre des opposants politiques déclarés, des étudiants et des journalistes. Cette violence mobilisait ainsi des corps spécialisés : forces de l'ordre, personnel judiciaire, et plus rarement hommes de main.

    Le président Henri Konan Bédié, durant les vingt-trois mois de sa présidence, ne se prive pas d'utiliser les moyens de coercition disponibles malgré sa volonté supposée de parvenir à une « démocratie apaisée ». Il faut dire que le PDCI-RDA, essentiellement composé des vieux éléphants zélés du parti, guère préparé au multipartisme, vient d'imploser : une partie de ses membres a rejoint le RDR de Alassane Ouattara, allié de circonstances du FPI au sein d'un front Républicain d'opposition

    Cependant, Henri Konan Bédié, qui ne lâche rien ou presque rien, notamment en matière de transparence des élections, bénéficie d'un effet heureux de la dévaluation du franc CFA et tient pour l'occasion un long discours favorablement reçu par la population. Bien des signes montraient qu'il serait le vainqueur des élections présidentielles. En 1995, l'initiative de la violence est du fait des adversaires du pouvoir en place qui déclenchent, en octobre, un « boycott actif » des élections présidentielles. Ils engagent leurs militants dans le combat de rue, provoquant ainsi destructions de biens, pillages et morts. Le slogan

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    du boycott actif lancé par le Front républicain tient en une formule : « empêcher la tenue des élections par tous les moyens possibles » (Vidal,2003).

    Les répercussions les plus graves se produisent dans l'Ouest du pays où les communautés baoulés « allogènes » sont victimes d'exactions de la part des « autochtones ». Dans certains quartiers d'Abidjan, les manifestants se livrent à toutes sortes de brutalités et terrorisent ceux qui souhaitent voter. Cet épisode violent est rapidement contenu et l'ordre public très vite rétabli. Cependant, pour la première fois, depuis l'établissement du multipartisme, des organisations politiques ont volontairement provoqué un climat d'émeute qui aurait pu dégénérer en affrontements beaucoup plus meurtriers. Cet épisode a été favorable à l'émergence de deux formes de violence : les affrontements ouverts entre communautés rurales « autochtones » et « allochtones » et celle engendrée par la mobilisation des jeunesses urbaines défavorisées qui estiment qu'elles ont plus à gagner qu'à perdre dans ces désordres. De fait, les dirigeants politiques du front républicain ont pris une décision qui n'eut peut-être pas, sur le coup, des conséquences tragiques pour l'ensemble de la nation, mais qui rendit concevable en tant que moyen politique le recours à la violence de leurs partisans.

    Devenu, malgré les tensions, président de la république ivoirienne par la voie des urnes, Henri Konan Bédié, doit faire face aux premières conséquences de la dévaluation du Franc CFA de 1994 qui transforme la récession, en crise économique. Pour la population, cela se traduit par une baisse des revenus liés aux produits d'exportation, notamment du cacao, première source de revenus du pays et premier secteur d'emploi (25% de la population) ainsi que par une hausse des prix des produits de consommation de base.

    Le mécontentement populaire prend rapidement une dimension de conflit interethnique. Dans le cas du conflit opposant les bétés, ethnie de Laurent Gbagbo et les baoulés, ethnie d'Henri Konan Bédié, il semble que la rivalité ne concerne non plus seulement l'accession foncière mais traduit bien de la volonté des bétés de mettre fin à l'hégémonie socio-politique baoulé. Dans ce contexte, le Général Robert Gueï, refuse d'engager ses troupes dans les opérations de maintien de l'ordre de l'Etat, lors des violentes manifestations de septembre et d'octobre 1995. Il est condamné pour cela à de la prison mais bénéficie d'une grâce présidentielle ainsi que d'une retraite anticipée dans

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    son village natal situé non loin de Man, dans l'ouest du pays. Il ne reviendra sur le devant de la scène qu'en 1999 (Bouquet,2005).

    L'étranger dans la société ivoirienne

    Dans le but d'apaiser les tensions sociales liées aux enjeux de nationalité, de propriété foncière et d'éligibilité politique, Henri Konan Bédié par l'intermédiaire de la Cellule Universitaire de recherche et de diffusions des idées des actions politiques de Henri Konan Bédié (CURDIPHE) tente de redéfinir le contrat social ivoirien en 1994 (Bouquet,2005).

    Figure 20: Carte de la migration ouest africaine en Côte d'ivoire (TOBBI,2020)

    Selon Alfred Babo, la période coloniale fut vectrice d'une immigration massive de pays voisins pour dynamiser l'économie de la colonie ivoirienne. La politique d'ouverture d'Houphouët-Boigny s'est inscrite dans la continuité de la politique d'intégration des

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    étrangers menée par l'administration coloniale. C'est alors qu'en 1998, la Côte d'Ivoire compte 15 366 672 habitants dont 4 000 047 de non nationaux, soit 26 % de la population totale (Babo,2012).

    La Côte d'Ivoire se présente donc comme une terre d'accueil pour les étrangers, principalement originaires d'Afrique de l'Ouest. Ces derniers, totalement intégrés à la société ivoirienne, bénéficient de conditions favorables d'accès à la terre, à l'emploi et au droit de vote. Si l'on considère l'intégration comme un processus qui mène au fait qu'une population dans un milieu donné ne pose plus de problème ni à elle-même ni à son environnement, alors à partir des années 1990 l'importante population d'origine étrangère en provenance d'Afrique de l'Ouest, a recommencée, comme en 1958, à poser un problème à la société ivoirienne. La politique de l'ivoirité, mis en oeuvre à partir de 1994 par le président Henri Konan Bédié, a fortement accentué si ce n'est influencé le regard nouveau porté par les Ivoiriens sur les étrangers et précipité la fracture sociale. (Babo,2012).

    Au-delà de la définition de l'étranger comme un individu ne bénéficiant pas de la nationalité du pays dont il est résident, il convient de rappeler que la notion d'étranger est l'une des plus discutées dans la sociologie. Cela démontre que cette notion est évolutive, construite et déconstruite selon les paradigmes dominant de l'époque dans laquelle elle s'inscrit.

    Nous pouvons légitimement nous interroger sur l'influence politique exercée par l'administration où celle du discours populaire dans le processus de construction de la représentation de l'étranger au sein d'une société. Sur la base de la dialectique de l'intériorité et de l'extériorité, l'idéal-type de l'étranger, est défini comme celui « d'une personne arrivée aujourd'hui et qui restera demain » et dont l'obligation ou le désir de rester dans le pays d'accueil provoque, inéluctablement la naissance de relations entre l'immigré et ce pays (Simmel,1908).

    S'inspirant de l'analyse simmélienne, Otthein Rammstedt définit l'étranger comme le symbole des relations entre hommes, mais souligne surtout que l'objet sociologique de l'étranger pose l'unité entre le détachement d'un point spatial et la fixation à ce même point. Si la notion d'étranger s'est construite chez Simmel avec l'idée d'espace et de

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    mobilité, on peut noter que les nouvelles formes de mobilité et le lien disparate des immigrés avec leurs pays d'origine permettent de repenser cette notion (Babo,2012).

    Mahamadou Zongo montre comment en l'absence de relations avec le territoire d'origine, des enfants de parents burkinabés, nés en Côte d'Ivoire, sont doublement étrangers. Considérés comme des étrangers en Côte d'Ivoire, ils le sont également au Burkina Faso où la majeure partie d'entre eux d'entre eux ont été contraints de rentrer par la force à l'occasion du conflit foncier de Tabou en 1999 et de la crise militaro-politique débuté en 2002.

    Finalement, ces « diaspos », ont eu le sentiment d'être des étrangers chez eux, comme en témoigne un émigrant en 1945 : « Le pays étranger n'est pas devenu notre patrie, mais notre patrie est devenue un pays étranger ». Si cela est vrai pour les premiers émigrants, c'est encore plus vrai pour leurs descendants qui ne disposent d'aucunes attaches au lieu de provenance de leurs parents. Toutefois, contrairement à ce qu'affirmait cet émigrant en 1945, le pays étranger est devenu bien leur patrie. Ainsi, dans le cas des jeunes burkinabè, beaucoup d'entre eux sont retournés en Côte d'Ivoire où ils se sentent membres à part entière de la société d'accueil. Si nous nous inscrivons dans la perspective de Georg Simmel, ces reflux montrent que l'étranger ne demeure pas en dehors de la société d'accueil. Bien au contraire, « l'étranger est membre du groupe et la cohésion du groupe est déterminée par le rapport particulier qu'il entretient avec cet élément » (Zongo,2003).

    Mais ce que ne révèle pas G. Simmel, c'est le fait que les rapports sociaux dans la construction ou la déconstruction de la notion d'étranger changent sous l'effet de facteurs sociaux, économiques et politiques. Ainsi l'intégration de l'étranger fait parfois place à son rejet. Historiquement, l'appel, voire la course à l'étranger, considéré comme principale richesse dans le cadre de la frontière interne, fut à la base de l'établissement de communautés plus larges et plus développées dans les sociétés précoloniales ouest africaines (Babo,2012).

    Plus récemment, en Côte d'Ivoire, comme dans plusieurs pays africains, le tutorat a été le principe des relations à la fois sociales, affectives et sacrées qui se sont nouées entre les membres des communautés locales et « leurs étrangers ». Cependant, la crise du tutorat lui-même ainsi que les mutations subséquentes dans ces relations dues aux

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    revendications et aux émancipations des «étrangers» sont à la base d'une nouvelle citoyenneté.

    En Europe comme en Afrique, les «étrangers» qui sont installés revendiquent désormais des droits sociaux et politiques dans un monde où paradoxalement les instruments qui ont contribué à son ouverture sont également sources de craintes et de repli sur soi. L'inscription sur les listes électorales est le premier rapport entre un individu issu de l'immigration et l'accession à la citoyenneté (Césari, 1993). Mais on ne saurait limiter la citoyenneté aux droits politiques, car chez Pierre Milza, ou encore Dominique Schnapper, l'acquisition de droits sociaux est une des premières voies pour accéder à la citoyenneté. Cette nouvelle citoyenneté ne serait plus « purement représentative » mais « participative et collective », liée à « une implication effective dans la vie locale » En effet, l'individu étranger ne souhaite plus être assimilé à la notion d'immigré rattaché à une considération de l'étranger comme un individu « assisté et objet de la politique », mais bien à celle de citoyen à part entière ayant des droits et des devoirs. Il veut ainsi établir de nouveaux rapports non plus d'assistance ou d'entraide, mais d'égalité au sein de la communauté de citoyens qui l'accueil.

    L'accès à la citoyenneté marque de nouveaux rapports d'égal à égal avec autrui, effaçant ainsi toutes différences, en particulier dans la vie civique (Withol de Wenden,1996). Cette transformation à la fois mentale et administrative révèle un paradoxe de l'intégration ivoirienne, provoquant un sentiment de répulsion de l'étranger croissant à l'origine d'une idéologie telle que l'ivoirité (Babo,2012).

    L'ivoirité

    C'est à travers l'expérience social de l'ensemble de ses individus qu'une société définit sa représentation de l'étranger qu'elle exprime à travers sa culture (Baxandall,1981). L'expérience sociale en Côte d'Ivoire, au début des années 1990, a été marquée par une crise d'identité à travers l'ivoirité (Babo,2012).

    Tentative de Konan Bédié de conciliation d'un chauvinisme structurel des peuples ivoiriens et de l'écriture de sa propre légende au coeur d'un nouveau contrat social ivoirien, l'ivoirité s'appuie aussi sur une autre composante, qui va précisément à

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    l'encontre des principes qui en font un instrument utile et sain d'unité nationale et de clarification de la citoyenneté ivoirienne.

    Dans la mesure où, par son signifiant, elle implique une définition essentialiste du peuple ivoirien, l'ivoirité est conçue comme l'idéologie d'un pouvoir instrumentalisé par l'Etat qui se doit d'être dirigé par un Homme fort pour atteindre son plein potentiel (Vidal,2003). Nous retrouvons ici les derniers vestiges des apprentissages idéologiques communistes d'Houphouët-Boigny.

    La légitimité prétendue de Henri Konan Bédié repose sur plusieurs considérations ethnico-politiques. La première, est que son occupation de la plus haute fonction de l'Etat démontre de sa force et de son exemplarité. La seconde, est que son origine baoulé lui assure une légitimité sociale à gouverner le pays. Henri Konan Bédié ainsi que bon nombre de représentants éminents de l'appareil d'État et du PDCI-RDA de l'époque, sont baoulés, ethnie du pays akan implanté dans les parties orientales et centrales du Sud ivoirien.

    Henri Konan Bédié s'inscrit à la fois dans la continuité du culte de la personnalité instauré par Houphouët-Boigny mais également dans la rupture en tentant d'étendre celui-ci à un culte de l'univers akan. Ce culte, reflet d'une vision ethnocentrée de ceux qui exerçaient jusqu'alors le pouvoir et au travers duquel l'ivoirité, par un pur jeu autoréférentiel, pouvait prendre sa pleine dimension d'idéologie nationale (Vidal,2003).

    Soutenue par un appareil d'intellectuels et d'écrivains rassemblés au sein de la Cellule Universitaire de Recherche et de Diffusion des Idées du Président Henri Konan Bédié (CURDIPHE), la justification de la légitimité de l'ivoirité repose sur deux arguments principaux. Le premier ethnocentré, admet que les traditions, les systèmes de pensées et d'organisations akans sont les plus à même de servir de moteur à la modernisation du pays. Henri Konan Bédié prend inspiration sur les « Dragons d'Asie » dont la croissance spectaculaire à partir des années 1990 s'est appuyée sur un profond enracinement culturel permettant l'émergence de régimes forts encadrant les sociétés dans leurs processus de développement. Henri Konan Bédié considère également que l'organisation sociale baoulé bénéficie d'un harmonieux équilibre entre une « aristocratie » qui exerce le pouvoir et une « plèbe », travaillant la terre et prédisposée à l'obéissance au pouvoir

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    (Bédié, 1999). De filiation royale tribale, Henri Konan Bédié s'estime ainsi être le légitime leader de la nation ivoirienne.

    Autrement dit, l'entreprise de Henri Konan Bédié est une tentative de conciliation de l'héritage de Houphouët-Boigny et de son propre legs, s'appuyant sur l'expérience historique ivoirienne par laquelle le monde baoulé n'a cessé de jouer au sein d'une Côte d'Ivoire où se conjuguaient croissance économique et stabilité politique, tout à la fois le rôle des gens de la terre et des gens du pouvoir, et de figurer ainsi au premier plan de la vie nationale.

    Cependant, malgré cet héritage essentiel, deux choses distinguent l'ivoirité de Henri Konan Bédié de la politique ethnocentrée d'Houphouët-Boigny. Contrairement à cette dernière elle n'est pas compensée par les subtils rééquilibrages ethnico-régionaux dans l'accès à l'appareil d'État qu'Houphouët a pu d'autant mieux se permettre que, durant la période du « miracle ivoirien », l'État fut un remarquable fournisseur d'emplois et redistributeur de deniers publics, donnant au contraire à l'ivoirisation des emplois publics, notamment des hautes fonctions politico-administratives, une tonalité nettement baoulé, assimilant plus que jamais l'exercice du pouvoir à l'ethnocratie baoulé.

    Mais l'ivoirité se distingue encore plus nettement par le fait d'utiliser la « baoulisation » comme un modèle de défense d'intérêts plus étroitement nationaux, c'est-à-dire en rompant effectivement avec cette autre dimension de la politique « houphouëtienne » qui a permis à quantité d'étrangers de travailler en Côte d'Ivoire et de s'y assimiler. Autrement dit l'ivoirité en faisant du monde baoulé, et plus largement akan, son fer de lance exclusif, attise le sentiment d'exclusion des régions du nord méprisées depuis l'indépendance et des krous, leurs principaux rivaux ethnique et politique. (Babo,2012)

    La tentative de redéfinition du contrat social ivoirien par Konan Bédié est désavouée dans un contexte où plus du tiers de la population issue de l'immigration est exclu de la communauté ivoirienne, dès le début des débats sur l'ivoirité. Sur une considération ethno-politique, les individus présents dans le nord du pays commencent à être considérés comme des citoyens de « seconde catégorie » par les populations présentes dans le sud du pays qui s'estiment être « les véritables ivoiriens ». Au sein des espaces urbains tel que celui du district d'Abidjan, l'essentiel de l'activité économique informelle

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    est réalisé par des immigrés. Cela a pour effet d'accentuer la stigmatisation des populations du nord du pays amalgamées à la figure de l'étranger spoliant le travail des ivoiriens (Babo,2012).

    La rivalité politique qui oppose le Parti Démocratique de Côte d'ivoire -Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) de Henri Konan Bédié, le Front Populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le Rassemblement des Républicains (RDR) d'Alassane Ouattara a pour conséquence l'instrumentalisation de la quête d'identité populaire, transformant celle-ci en une lutte intercommunautaire plus en plus violente, contribuant à la brutalisation la société urbaine. L'élection présidentielle de 1995 boycottée par l'opposition est un moment clef de la légitimation politique de la violence et d'un enrôlement inédit des jeunes sous des bannière politique et partisane.

    Dans les régions rurales de l'Ouest, les revendications foncières autochtones font particulièrement échos auprès des jeunes déscolarisés et sans emploi, rentrés dans leurs villages en quête d'un lopin de terre, qui en viennent à s'organiser de façon martiale et autonome pour défendre ce qu'ils considèrent être « leur territoire » et à en chasser toute personne considérée comme étrangère.

    Dans la seconde moitié des années 1990, bien avant le surgissement de la violence armée, on voit ainsi se multiplier dans les villages et les petites localités du Sud-Ouest ivoirien, des mouvements d'autodéfense et des milices plus ou moins ethniques dirigées contre les allogènes. En réaction, les allogènes s'organisent en structures analogues. L'institution sociale du « barrage » se développe ce moment-là, avec ses règles et ses acteurs, et la violence milicienne devient maître dans certaines régions, prenant parfois la forme de pogroms comme à Tabou, près de la frontière libérienne, en novembre 1999 (Vidal, 2003).

    Quelques années plus tard, on retrouvera pendant la guerre, certains « barragistes » dans des groupes d'autodéfense villageois, reproduisant leur savoir-faire du road-block dans la lutte patriotique contre les « assaillants » rebelles, ou le réaffecte à d'autres fonctions miliciennes.

    C'est dans ce contexte de contingence des luttes sociales et politiques que s'amorce la transition militaire, qui accélére malgré elle, la militarisation et la « milicianisation » du champ politique ivoirien. Cependant considérer le putsch de 1999 comme le basculement

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    de la société ivoirienne dans la violence est une erreur manifeste. La violence était déjà considérée, par l'essentiel de la population, comme partie intégrante du système, comme indiquent les nombreux témoignages des victimes des faux complots d'Houphouët-Boigny ou de la coercition importante du régime Bédié. La chasse aux étrangers de 1958 menée par les partisans de la LOCI qui a mené à la création de la JRDACI est également témoin de cet usage antérieur de la violence comme levier de décision politique.

    Hormis les épisodes précités des années 1990, l'usage de la violence politique, toutefois, n'était pas ostentatoire comme dans certains pays ; elle était plus subtile et ciblée. La stabilité du régime était plus assurée par le clientélisme institutionnalisé que par la terreur. Certes, l'armée occupait une place importante dans le système, notamment au sein de l'administration (douanes, corps préfectoral) et des entreprises publiques, où les officiers étaient nombreux. Mais, sur le plan symbolique, Houphouët-Boigny a toujours veillé à déconnecter l'appareil militaire du processus de légitimation politique. Le « Président-planteur » tirait son aura d'autres registres que celui du fusil. Se méfiant de sa propre armée, il la choyait financièrement et toléra la pratique de la corruption de la part de ces derniers. Il s'est tout du long de son règne reposé quasi exclusivement sur la « vieille amie » française pour assurer la sécurité de son pays et faisait en sorte que les FANCI (Forces armées nationales de Côte d'Ivoire) demeurent une armée fantoche, composée d'officiers fidèles, cantonnés à des taches de maintien de l'ordre (Vidal,2003).

    L'incapacité des héritiers d'Houphouët-Boigny à fédérer la nation et à proposer un avenir prospère au pays, a sans doute effrité l'allégeance de l'armée dont le principal leader Robert Gueï se trouvait exilé dans son village natal pour insubordination depuis quelques années.

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    B. Résistance patriotique et rébellion : brutalisation de la pratique citoyenne ivoirienne Transition militaire et exclusion politique

    D'après les travaux de Christian Bouquet nous pouvons estimer qu'en 1999, après 6 années de gouvernance de Henri Konan Bédié, la situation du pays est alarmante. La Côte d'Ivoire fait face, à l'escalade de la violence interethnique entretenue par la rivalité entre le Front Populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le Rassemblement Des Républicains (RDR) d'Alassane Ouattara, une crise économique, une corruption généralisée, un népotisme ostentatoire et surtout un désengagement des bailleurs de fonds internationaux.

    Si le coup d'Etat du 24 décembre n'est pas du fait d'une mobilisation sociale mais bien d'une initiative militaire, il ne souffre d'aucune hostilité populaire. Dans ses premiers discours, le « Général-Président » Gueï fait l'unanimité populaire par son appel à la paix, la réconciliation nationale et la tolérance. Sa ligne politique est celle du renouveau et de l'assainissement des organes de gouvernance du pays. En outre il déclare ne pas aspirer au pouvoir et s'engage à se retirer une fois les conditions d'un suffrage universel sain établies.

    Adepte du multipartisme, il consulte dès le 27 décembre 1999, 48 formations politiques sur 112 recensées pour la composition de son gouvernement de transition. Si celui-ci eut pour vocation de faire redescendre les tensions interethniques, il ne fera hélas que les attiser. Sa composition jugée « trop nordique », pousse le FPI à décliner sa participation. Il obtiendra 2 postes supplémentaires pour revenir sur sa décision. Il faut dire que le spectre d'Alassane Ouattara, président du RDR alors en exil politique, cristallise l'action du FPI et la vie politique ivoirienne (Bouquet, 2005).

    Le putsch de 1999 créer inexorablement une rupture entre la Côte d'Ivoire et le reste monde. La nature putschiste du régime de Robert Gueï est inacceptable pour la communauté internationale dans la mesure où celui-ci vient se substituer à un président élu démocratiquement. En interne, la situation de conflit s'accentue avec de nombreux affrontements observés dans l'ouest du pays. Accusé de complaisance à l'égard des étrangers par le FPI, le Général-Président Robert Gueï, dont les velléités de durée

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    politique se sont finalement révélées, s'aligne au fil de sa régence sur la ligne politique du FPI et du PDCI-RDA. Il déclare ainsi le 28 février 2000 que l'ivoirité est un « bon concept ».

    En adéquation avec le discours démocratique du Général-président Gueï, le Comité National de Salut Public (CNSP) propose en janvier 2000, un calendrier électoral comprenant un référendum sur la constitution en juillet, une élection présidentielle en septembre et une élection législative en décembre. Ce référendum est l'occasion d'un arbitrage citoyen relatif aux conditions d'éligibilités des candidats à l'élection présidentielle, présentes dans l'article 35 de la nouvelle constitution ivoirienne. Le débat public s'articule essentiellement autour du conflit politico-ethnique opposant le FPI de Laurent Gbagbo et le RDR de Alassane Ouattara sur l'éligibilité de ce dernier (Bouquet, 2005).

    Marc le pape met en exergue qu'au coeur de ce conflit, se trouve un antagonisme entre deux thèses irréconciliables. D'un côté, les preuves de la nationalité d'Alassane Ouattara sont fausses et en outre il s'est prévalu d'une autre nationalité de ce fait il ne peut donc être candidat. La déclaration de Henri Konan Bédié en 1999, qui qualifie Ouattara de « burkinabè qui n'a pas à se mêler de nos affaires de succession » démontre du ressentiment du sud ivoirien à l'égard du président du RDR. De l'autre, l'identité ivoirienne d'Alassane Ouattara est affirmée, démontrée, et sa négation est vécue comme un acte insultant, humiliant pour ceux dont le nom, l'origine et la carte d'identité rapprochent de lui (Le pape, 2003).

    A de fréquentes reprises, l'ancien Premier ministre doit présenter, lors de ses discours, la généalogie témoignant de ses origines ivoiriennes (Le Pape,2003). C'est ainsi, qu'en août 1999, à l'occasion du congrès de son parti il se déclare candidat à la présidentielle malgré les conditions requises en matière de nationalité, de filiation et de résidence qui sont censées l'en empêcher. Il se justifie à travers les propos suivants : " Ma mère Hadja Nabintou Cissé, originaire de Gbéléban au nord-ouest de la Côte d'Ivoire, vit à Cocody, et tout le monde la connaît. Mon père, El Hadj Dramane Ouattara, originaire de Kong au nord-est de la Côte d'Ivoire, installé naguère à Dimbokro, y était bien connu, notamment par le président Félix Houphouët Boigny, et notre cour familiale est toujours là, habitée par mon frère Sinaly Ouattara. Je suis né à Dimbokro et tout le monde le sait".

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    Pour comprendre l'intensité des passions suscitées par ce problème de nationalité, il est nécessaire de rappeler qu'elles ne sont que la conséquence de l'usage de l'ivoirité dans la vie publique et politique. L'ivoirité ne recouvre rien de précis, c'est ce qui fait sa force. Malgré des conditions hostiles, Alassane Ouattara se présente malgré tout à l'élection présidentielle (Le pape,2003).

    L'avant-projet de constitution présenté le 28 février par la Commission consultative constitutionnelle et électorale (CCCE), va dans le sens d'un durcissement des conditions d'éligibilité. Ainsi l'article 35 stipule que : « le président de la République doit être ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne et ne s'être jamais prévalu d'une autre nationalité. En outre il doit avoir résidé sur le territoire ivoirien les 5 années précédant le scrutin duquel il est candidat ».

    Si les conditions de présence sur le territoire et la non prévalence d'une autre nationalité sont clairement des critères qui vise à l'éviction politique de Ouattara, la procédure de justification de l'ascendance nécessaire à l'éligibilité politique et à l'accès à la citoyenneté ivoirienne est perçue comme une exclusion par la population présente dans le nord du pays, issue pour la majorité de la tradition d'immigration ivoirienne (Bouquet,2005).

    Le changement de vocable des opposants à la candidature de Ouattara transformant « l'ivoirité » en « identité ivoirienne » ne parvient pas à masquer la dimension xénophobe de l'application politique de celle-ci. D'autant plus que le RDR est alors accusé par son opposition et la Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO), d'entretenir une vaste fraude à la carte d'identité depuis la nomination de Ouattara au poste de premier ministre en 1990. En conséquence de cette accusation, la LIDHO exige une révision des titres d'identité remis entre 1990 et 2000. Il n'est pas aberrant de penser que dans le contexte de corruption généralisée et structurelle de la Côte d'Ivoire, des fraudes à la carte d'identité aient bien eu lieu, mais l'accusation ouverte et ciblée de la LIDHO démontre du manque de recul et maturité politique des citoyens et organisations présentes en Côte d'ivoire à ce moment-là. En réponse à la création de la LIDHO, jugée trop complaisante du pouvoir et vectrice de la xénophobie sudiste, le Mouvement ivoirien des droits de l'homme (MIDH) est créé. Celui-ci opère en premier lieu dans la clandestinité et se fait porte-parole des populations du nord, dont la stigmatisation attise la colère.

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    Les sorties médiatiques de la première dame ivoirienne de l'époque, Rose Doudou Gueï, précipitent un peu plus le schisme entre un nord considéré alors par les populations du sud comme acquis aux étrangers et un sud, lui-même considéré comme envahi par ces mêmes étrangers, marquant par ailleurs la fin de l'état de grâce de Robert Gueï, qui ne parvient plus à se défaire de l'étiquette du fascisme.

    Dans le souci d'apaiser les populations du nord, il propose le 27 avril 2000 une révision des conditions d'éligibilité politique et d'accès à la citoyenneté. Si désormais tout prétendant à l'investiture doit être né de père « ou » de mère ivoirien d'origine, Alassane Ouattara demeure exclu des prétentions présidentielles dans la mesure où il s'est prévalu d'une autre nationalité politique. Cette clause retirée par la Commission consultative constitutionnelle et électorale (CCCE) précédemment est alors réintroduite par Robert Gueï.

    La montée des tensions consécutives à cette décision pousse Robert Gueï à dissoudre son gouvernement. Ce remaniement est l'occasion, d'évincer le RDR du gouvernement. Si à partir de ce 27 avril 2000, l'essentiel de la préoccupation de Robert Gueï est de soigner sa stature présidentielle, il doit néanmoins faire face aux conséquences de la « milicianisation » de l'armée initiée par son putsch. La mutinerie provoquée par les militaires le 4 juillet 2000, qui réclame un « trésor de guerre » de 6 millions de francs CFA par homme, soit dans les environs de 9000€ par tête démontre de cela (Bouquet,2005). Si elle fut maitrisée par la répression, cette mutinerie témoigne également du désengagement du corps militaire de sa vocation première à servir et protéger les citoyens.

    L'allégeance militaire ivoirienne au politique dépend dès lors de 3 facteurs : la capacité du meneur à répondre aux exigences économiques de ses troupes, sa provenance ethnique et de sa volonté et capacité à intégrer les nouvelles recrues à l'appareil politico-militaire.

    Six jours avant le référendum, le « Général-président » Gueï modifie à nouveau l'article 35 de la constitution qui est soumise au vote. Ainsi il fallait bien être né de père « ET » de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Cet acte se présente comme un contre-pied à l'appel d'Alassane Ouattara à voter en faveur de la constitution le 26 mai 2000. En dépit de la

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    période de tension, la constitution est massivement adoptée par 86,3% des suffrages exprimés avec un taux de participation de 65,05% (Bouquet,2005).

    Le reste de la campagne est marquée par l'éviction définitive du RDR de l'élection ainsi que du PDCI-RDA. Les deux candidats principaux à la présidence du 22 octobre 2000 sont alors Robert Gueï et Laurent Gbagbo. Si le premier ne fait pas réellement campagne, le second certainement sur de sa victoire profite de sa campagne pour mettre en garde le président sortant sur la nécessité d'accepter pacifiquement les résultats du 22 octobre.

    L'élection du 22 octobre 2000 marque le retour des « conflits ouverts » sur le territoire ivoirien. Le FPI de Laurent Gbagbo met en oeuvre un dispositif d'observation reposant sur l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication ainsi que sur la mobilisation de la force armée pour bénéficier de la lecture des résultats en temps réel. Ceci n'est pas du goût du président sortant qui fait alors intervenir la « Brigade rouge », une des milices qui lui est fidèle, à la Commission Nationale Electorale, pour faire pression sur cette dernière. Le ministère de l'intérieur annonce la dissolution de celle-ci après qu'elle ait proclamée la victoire du Général Gueï à 52,72% des votes exprimés.

    La contestation de Laurent Gbagbo est suivie d'une mobilisation de « patriotes », invités à descendre dans la rue pour faire barrage à l'imposture du résultat. Si dans un premier temps les affrontements entre les pro « Gueï » et les « patriotes » de Laurent Gbagbo gangrènent les rues et l'armée, causant 9 morts, la nature des heurts change rapidement. A la proclamation des résultats définitifs faisant de Laurent Gbagbo le nouveau président ivoirien, les « patriotes » composés de civils et de militaires pour la plupart armées, prennent alors pour cible les militants du RDR qui ont profités de l'incertitude des résultats pour manifester en faveur de la tenue d'une nouvelle élection. Les rues d'Abidjan prennent ainsi des airs de 1958 quand une véritable « chasse aux dioulas » ethnie assimilée à Alassane Ouattara, est menée nous rappelant les agissements de la Ligue des Originaires de Côte d'ivoire (LOCI). Le bilan est de 155 morts, 316 blessés et 50 disparus. En outre, le premier charnier, pratique qui se démocratisera pendant la rébellion nordiste est découvert dans le quartier de Yopougon (Bouquet, 2005).

    Le climat de violence ne s'efface pas fin avec la proclamation définitive de Laurent Gbagbo à la tête de la Côte d'Ivoire, dans la mesure où les élections législatives de décembre 2000

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    s'inscrivent dans la continuité des présidentielles, et ne donne qu'une victoire politique au FPI, qui en au printemps 2001 préempte l'ensemble des sphères législatives et exécutives ivoiriennes.

    Longtemps considérée comme un modèle de paix et de stabilité en Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire, poumon économique de la sous-région, bascule à la fin des années 1990 dans un cycle de crise militaro-politique, qui met fin à l'hégémonie du PDCI-RDA, le 24 décembre 1999.

    Mené par le général Guei, surnommé pour ce fait le « père Noel en treillis », le putsch de 1999 selon Richard Banégas constitue un séisme dans la trajectoire somme toute assez tranquille de la « révolution passive » ivoirienne, une rupture dans les mécanismes de dérégulation sociopolitique jusqu'alors en vigueur qui s'exprimaient dans une idéologie politique de la paix et de la cohésion sociale.

    Mais, comme nous avons pu voir, ce putsch fait suite à une montée des tensions qui s'amorce dès le début des années 1990, sous le règne d'Houphouët-Boigny, avec la répression féroce du mouvement démocratique qui est mené par le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et un syndicat étudiant qui allait devenir très puissant, à savoir la Fédération estudiantine de Côte d'Ivoire (FESCI). Ces violences d'Etat, qui ciblent les dirigeants des partis d'opposition et les leaders étudiants, ont un important effet de crantage, dans la mesure où elles légitiment en retour l'usage de la force et de la rue contre un régime dont la forte répression est considérée comme illégitime par la majorité de la population. Elles constituent aussi un des premiers moments de la « milicianisation » des luttes politiques ivoiriennes, le pouvoir n'hésitant pas à louer les services de loubards surnommés « vagabonds salariés » et plus communément nommés « VS » dans les quartiers où ils sévissent, pour casser les grèves et réprimer tout forme d'oppositions au régime.

    Les enquêtes menées par Richard Banégas montrent que certains épisodes de cette période demeurent des références importantes de la grande gente milicienne d'après-guerre : ceux qui ont été les victimes directes ou indirectes de cette coercition déléguée aux nervis du régime y font souvent référence dans les justifications de leur engagement, notamment les membres de la FESCI.

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    Le putsch de décembre 1999 rompt également avec la trajectoire historique de cantonnement politique de l'armée. Il inaugure un cycle de violence marqué par la multiplication de tentatives de coups d'Etat et la radicalisation de la répression politique. On peut retenir 3 effets majeurs de cette séquence. Elle contribue d'abord à légitimer l'usage de la violence armée comme moyen d'arbitrage politique. Dès lors les militaires en rupture de ban et les jeunes miliciens deviennent les faiseurs de rois et les juges de paix de la compétition politique. Bien entendu ils ne détiennent pas le monopole de la légitimité politique mais la classe politique et plus particulièrement les héritiers de l'houphouëtisme ne peuvent plus gouverner sans eux. Le second effet majeur de la transition militaire est l'accélération du double processus de « milicianisation » de l'armée et de la société qui s'était engagée dans la décennie précédente.

    Dès le début de la junte militaire, on peut observer une désagrégation immédiate de l'appareil de sécurité dont la gendarmerie, jusque-là réputée pour sa discipline, qui se divise en de multiples factions, qui obéissent souvent moins à la chaine de commandement officiel qu'à des hiérarchies informelles et à des clans personnels. En vérité, ce processus débute pendant la gouvernance de Henri Konan Bédié, qui n'est pas parvenu à garantir la cohésion des Forces armées nationales de Côte d'ivoire (FANCI) comme son prédécesseur. Les sous-officiers originaires de l'Ouest et surtout du Nord, très nombreux dans l'armée et souvent d'extraction modeste, ont mal vécu la dégradation de leurs conditions sous la présidence Bédié.

    Ce sont ces officiers qui mettent fin au régime de Henri Konan Bédié en décembre 1999, confiant ensuite les rênes du pays au général Robert Gueï. Dans le sillage de ces jeunes mutins de décembre 1999, on voit alors se constituer des factions militaires plus ou moins autonomes au sein de l'armée et des structures parallèles qui deviennent très vite des milices urbaines, plus ou moins affiliées à un « leader » politique mais qui n'obéissent en vérité qu'à leurs petits chefs militaires, dont le lieutenant Boka Yapi et le sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit « IB » que l'on retrouvera à la tête de la rébellion de 2002. Leurs dénominations que l'on peut qualifier de mafieuses tel que « Camorra », « Cosa Nostra », « Brigades rouges » ou « Mafia » traduisent des dérives criminelles de ce régime de transition se livrant à toutes formes de violences et de pillages.

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    La veine tentative du général Guei de restitution de l'ordre dans ces structures durant l'été 2000 par le démantèlent du « PC Crise » et l'exil de « IB » démontre de la grande inquiétude du « Général-Président » relative à sa capacité à les contrôler. Au vu de l'Histoire, il apparait clair que le mal était déjà fait. Robert Gueï est rapidement dépassé par les velléités de ses partisans militaires comme civils qui l'ont fait roi et qui se considèrent dès lors au-dessus des lois. De fait, le troisième effet notable de cette transition militaire a été de contribuer à une diffusion rapide de la violence dans l'espace public et, surtout, de renforcer le sentiment d'impunité de ceux qui l'utilisaient pour accumuler richesses et pouvoir (Banégas,2010).

    Rébellion et démocratisation des milices en Côte d'Ivoire

    Figure 21: La crise ivoirienne entre 2002 et 2007 (PARMENTIER, 2007)

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    La notion de milice, qui, de façon générale, prête déjà à confusion, définit ici plusieurs types de regroupements et modes d'action. On peut en distinguer trois : les forces paramilitaires de l'Ouest, les groupes d'autodéfense villageois et les milices urbaines constituées pour l'essentiel des « jeunes patriotes » de Laurent Gbagbo. Toutes ces structures n'ont pas forcement pris une part active aux combats, certaines se spécialisant plutôt dans l'action de rue, l'intimidation et la mobilisation de masse comme les Jeunes patriotes d'Abidjan ou la FESCI.

    Précisons d'ailleurs que la situation de conflit ouvert est très brève entre septembre 2002 et l'été 2003, avec quelques épisodes de violences sporadiques par la suite. Bien que ces affrontements donnent lieu à des violences extrêmes dans certaines zones, il faut souligner que les anciens combattants ont, en comparaison d'autres situations, pas beaucoup ou pas longtemps combattu. La typologie milicienne présentée plus haut est purement analytique et non exhaustive car, d'une part, on constate que les frontières entre ces divers mouvements sont très poreuses sur le terrain et, d'autre part, on sait que ces mouvements participent d'une même nébuleuse de forces parallèles qui ont été organisées et financées en haut lieu par les premiers cercles du pouvoir présidentiel (Banégas,2010).

    Quoique non homogènes et pas toujours coordonnées, ces diverses forces parallèles s'inscrivent dans un continuum de privatisation de la violence et de para-militarisation du pouvoir dont l'exercice, durant la guerre, s'est informalisé. Ces structures sont très actives aux débuts du conflit ; ce sont elles qui permettent au régime de se maintenir. Leurs activités par la suite, varient en fonction des évènements ; certaines disparaissent, d'autres font évoluer leurs fonctions et leurs raisons sociales, mais la plupart se maintiennent et posent le défi majeur de l'après-guerre. De par sa signification sociale et politique, le phénomène milicien et son devenir s'est rapidement révélé un facteur à considérer dans l'appréciation du processus réconciliation post-conflit (Banégas,2010).

    Les racines de la guerre civile ivoirienne débutée en 2002 sont rendues complexes par une pluralité de causes allant de la crise économique et du chômage des jeunes à la question de la citoyenneté en passant par la politique foncière. Par conséquent, les acteurs que cette guerre civile implique sont motivés par des logiques et des représentations différentes rendant compte des dynamiques les impactant au début du conflit.

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    L'approche des perceptions du conflit permet ainsi de comprendre certaines logiques, souvent sous-jacentes, qui motivent les jeunes combattants ivoiriens. Leurs représentations et leurs compréhensions de la guerre diffèrent dans la majorité des cas de celles de leurs hiérarchies politiques et militaires, essentiellement communautaires. Mais ils trouvent cependant des justifications de leur enrôlement dans les expériences de frustrations identitaires.

    L'évocation d'une lutte pour la liberté dans laquelle les jeunes ivoiriens perçoivent des valeurs telles que le sacrifice, l'abnégation ou encore le courage est à mettre en rapport avec leurs volontés d'être partie prenante du processus de transformation sociale, politique et économique du pays. La violence des jeunes ivoiriens au plus fort de la crise repose sur un socle social et communautaire qui fournit au conflit son ancrage local. Aussi, on peut observer parmi les déterminants de leur enrôlement, l'implication de ceux-ci à divers niveaux de l'instance familiale et communautaire. L'enrôlement au sein d'une milice constituant le gage d'une sécurité familiale et communautaire.

    Michel Galy note par ailleurs, que la légitimation du recours à la force armée tire ses arguments des événements de l'histoire politique de la Côte d'Ivoire. Cette approche nous permet d'explorer les différentes significations que prend le conflit dans les représentations collectives. Ainsi, il a été mis en évidence le lien entre les perceptions de la nature du conflit et un processus social de légitimation de l'enrôlement des jeunes. Cependant, ces derniers s'opposent à l'idée d'une sécession ou d'irrédentisme tout en définissant l'idée de la patrie sur la base d'une idéologie valorisée dans leur aire culturelle exclusive (Galy,2010).

    En somme, selon Moussa Fofana le conflit ivoirien s'établit sur la base d'ancrages locaux et d'une accumulation de frustrations antérieures, terreau fertile dans lequel chacun a trouvé les justifications de son engagement. On ne peut occulter la prédominance d'une idéologie victimaire dans la mobilisation des combattants. La question identitaire posée au départ du conflit est devenue une entrée possible pour attirer l'attention sur les perceptions variées de la citoyenneté et les insuffisances des mécanismes de régulation politiques, sociales et mêmes économiques de la société ivoirienne (Fofana,2011).

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    Si les rebellions locales ont tout intérêt, pour asseoir leur légitimité, à se poser dans un contexte national et à nier les influences ou alliances extérieures, un comparatisme rapide dévoile au contraire bon nombre de liens étonnants, au-delà des discours. Si des chercheurs comme Stephen Ellis et surtout Paul Ritchards ont mis l'accent sur les catégories d'âge et d'ethnicité de rébellions socialement et politiquement dominées, nous pouvons mettre en avant le caractère spatialement périphérique, dans une double acceptation spatiale et sociale de ces mouvements dans la crise ivoirienne.

    Au regard de la période de conquête coloniale, procédant des côtes vers l'intérieur, le caractère politique des périphéries ivoiriennes dominées et délaissées prend alors une dimension structurelle. Des chercheurs comme Claude Raffestin, comparant les modes de construction de l'Etat, n'ont pas hésité à généraliser ce phénomène : quand l'Etat se montre fort et juste en son centre, il est au contraire plus distant et coercitif au sein de ses territoires constituant ses marges. Pour autant, nous nous abstiendrons de tout déterminisme dans la mesure où un guérillero ne naît pas tout armé à chaque frontière. Il faut pour cela des circonstances particulières, une histoire propice, des financements, une organisation, etc. Les mouvements rebelles d'Afrique de l'ouest ont souvent été appréhendé au regard d'autres Etats africains, la plupart d'entre eux patrimoniaux. Ainsi, l'économiste Paul Collier prête aux « War Lords » des mentalités exclusivement entrepreneuriales et des moeurs seulement capitalistiques.

    Le discours structurant des rébellions peut avoir une certaine consistance idéologique bien que leurs pratiques en diffèrent sensiblement. Qu'il s'agit du discours anti-corruption et anti-Krio (créole) du Front Révolutionnaire Uni (RUF) de Sierra Leone, des revendications libératrices du Front national patriotique du Libéria (NPLF) de Charles Taylor contre la dictature de Samuel Doe au Libéria, ou encore des revendications pro-Rassemblement des Républicains (RDR) illustrant des revendications nordistes contre l'ivoirité défendu par le Mouvement Patriotique de Côte d'ivoire en Côte d'Ivoire (MPCI). Autant de registres évocateurs de revendications politiques, même s'ils heurtent l'idéal marxiste des guérillas anciennes. A travers ces idéologies mobilisatrices se dessinent les failles et les faillites des Etats concernés.

    Fonction tribunitienne des guérillas devant la corruption du système électoral, elles se heurtent cependant aux structures sociales. Nous pensons ici à l'émancipation brutale

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    d'une jeunesse, dont la démographie galopante, conduit à sa subordination structurelle. Elles ne proposent au mieux qu'une alternance de prédation basée sur une certaine logique autochtone du pouvoir : « à chacun son tour... de bouffer ! ».

    L'imaginaire populaire ivoirien de la rébellion, s'appuie essentiellement sur une logique complotiste qui considère que l'instigateur véritable de celle-ci demeure caché, attendant patiemment son heure. Selon cette considération, bon nombre d'ivoiriens considèrent encore les mouvements insurrectionnels, dans sa seule dimension de bras armé du RDR et de ses alliés, nonobstant les terribles sévices subit par la population du nord de la part de rebelles devenus très rapidement incontrôlables au fil de la rébellion. Cette représentation comporte l'avantage provisoire de rendre compte de l'autonomisation partielle de la rébellion et de son ancrage territorial, l'un expliquant partiellement l'autre sans toutefois en épuiser le sens.

    Le mystère des origines de la rébellion qui n'est pas sans rappeler celui des sociétés secrètes, attire de nouveaux combattants, aventuriers des temps modernes de toute la région, qui ont trouvé dans le nomadisme guerrier une situation pérenne. Pour le camp présidentiel, dont les patriotes et l'armée loyaliste constituent les forces, les rebelles sont à la fois des militaires putschistes assoiffés de pur pouvoir, terroristes islamistes, bataillon détaché burkinabé, ou encore mercenaires déployés par les occidentaux en général, français en particulier. Parfaitement contradictoires, ces considérations ont le mérite de s'appuyer, tour à tour sur d'indéniables indices tirés de la chronologie du mouvement rebelle (Galy,2007)

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    Figure 22: Les principales factions de la rébellion ivoirienne (BOUQUET, Pau-Martinez, 2016)

    Bien que la croissance rapide des effectifs rebelles soit due au ralliement des militaires déchus de l'armée officielle, la présence au début de la rébellion de mercenaires venus du Libéria et de la Sierra Léone atteste indéniablement du phénomène de nomadisme guerrier ouest-africains. Ce nomadisme entraine l'importation de méthodes utilisées en Sierra Leone et au Libéria telles que l'utilisation d'enfants soldats. Une majeure partie des travailleurs de l'informel et des chômeurs urbains et ruraux du Nord ivoirien se constitue en troupes supplétives aux soldats d'une rébellion, au début inférieur à un millier d'hommes. La rébellion bénéficie également à travers eux d'un certain enracinement ethnique.

    Plus hypothétique encore, la présence de soldats burkinabè, avec ou sans uniforme, même s'il est de notoriété publique que Ouagadougou sert de base arrière aux leaders

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    rebelles qui y possédaient, grâce au président Compaoré, villas et 4x4, subsides et armes, ainsi que des facilités de voyage à l'étranger et d'entraînement militaire. (Galy,2007).

    De ces contingents hétérogènes, les médias internationaux en ont trop vite fait une unité, à la fois guérilla et mouvement politique. L'« opération MPCI » a bien été, de l'avis de beaucoup, montée à posteriori, après l'échec du putsch amenant à la rébellion et son cantonnement par la force Licorne au Nord de la Côte d'Ivoire. Celle-ci a néanmoins introduit des réalignements inédits tout en favorisant un clivage inattendu militaires/civiles. Le pouvoir rebelle, en dehors du clivage factionnel entre les principaux leaders Ibrahim Coulibaly dit IB et Guillaume Soro, est plus à concevoir comme une nébuleuse, faite d'agencements changeants, de chefs de guerre et de leurs troupes, que comme un système de commandement hiérarchisé. La reconnaissance des leaders locaux tels que les « commandants de zones » dit « coms zone », en charge d'un périmètre dont la surveillance est assurée par des « commandements opérationnels » assignés à des postes urbains, peut faire illusion de la réalité qui est celle de rivalités incessantes pour les rackets, régulées par les armes. Ainsi, une logique de fiefs se développe, symbole d'une territorialisation de la violence, qui oblige les leaders rebelles à tenter de nouer des alliances avec les pouvoirs autochtones, comme Koné Zackaria, le chef de guerre de Vavoua. Un certain repli sur les fiefs est observable, à partir de l'exécution du caporal-chef Bamba Kassoum, taxé de pro-Ibrahim Coulibaly (IB) et bien avant, celle du chef de guerre Adams, à Korhogo.

    La violence militaire, criminelle ou politique, en zone rebelle, est mal connue et documentée ce qui permet une importante spéculation à son sujet. En termes de gouvernance et de définition de la légitimité de la rébellion, de la cohérence de ses pratiques avec son idéologie, le sujet est pourtant crucial. La représentation de la violence peut cependant se nuancer selon les temps et les lieux. Dans sa dimension chronologique, elle est le fait de « violences de guerre » à l'encontre de l'armée ivoirienne et des « corps habillés », de massacres de fonctionnaires et de civils sudistes qui restent à élucider, d'« épuration ethnique » largement sous-évaluée, notamment de la part des acteurs humanitaires qui collabore avec la rébellion en zone nord, en particulier dans la ville de Bouaké ; et par un massacre ethnico-factionnel au sein de la rébellion, lors de l'épuration violente par les miliciens de Guillaume Soro.

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    Cela n'empêche pas une « violence ordinaire » contre la population locale, régulière et sanglante, encore plus mal connue, due en particulier à l'absence de forces de l'ordre au sein de l'appareil militaire rebelle. A ce propos, la représentation populaire de l'action rebelle est incarnée par le massacre gratuit, par une des factions de la rébellion, de jeunes filles baoulés exécutant dans un petit village près de Sakassou une danse rituelle d'exorcisme de la violence. Cet épisode mineur, qui touche autant les représentations que l'immolation des enfants de gendarmes sudistes de Bouaké, a bien sûr à voir avec la perte d'une certaine innocence du vivre ensemble et du temps des rituels remplacés par celui de la violence pure.

    Dans l'ouest, une « libérianisation » du conflit conduit à des formes de violences plus anomiques, du moins proches de celles observées lors du conflit du Libéria, à tel point que la rébellion elle-même se débarrasse de leaders comme le « pseudo Doe » et de groupes nomades qui enfreignent les pratiques de la rébellion de Bouaké, elle-même pourtant peu regardante sur les exactions contre les civils. Ainsi on peut évoquer une « épuration ethnique sporadique » sur plusieurs points de la zone rebelle, dans les territoires proches du Libéria, contre les guérés en particulier. Il est vrai que cette « libérianisation » du territoire ivoirien reste partagée, puisque les deux camps loyalistes comme rebelles, ont instrumentalisé des couples d'oppositions ethniques transfrontaliers, depuis longtemps sous-jacentes ainsi que des groupes nomades mercenaires, issus des conflits du Libéria et de la Sierra Leone, en quelque sorte recomposés pour poursuivre leurs carrières guerrières (Galy,2007).

    L'évolution sanglante de l'Ouest porte tellement préjudice à la rébellion que l'éviction du « pseudo Doe », leader éphémère de l'inconsistant Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) apparaît du fait du leader Guillaume Soro. A Bouaké, capitale rebelle, les pratiques des groupes « militaro-mafieux », dénommée « Camorra », « Cosa nostra » ou encore « Ninja », qu'a connu Abidjan sous la transition militaire du général Gueï, se perpétuent voire s'accentuent. Cela n'étonne aucun analyste, tant il est connu qu'un groupe des « fondateurs » de la rébellion est justement issu de cette mouvance. Selon une enquête de la Ligue des droits de l'Homme ivoirienne (LIDHO) de février 2003, « environ 80 % des violences sont perpétrées par les rebelles ». Il est important de mentionner ce fait dans la mesure où il est quasiment absent du traitement médiatique

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    international de la rébellion et constitue dès lors un différentiel de représentation de la guerre entre ivoiriens et étrangers, notamment européens.

    A ce jour, un important travail d'enquête villageoise reste à effectuer en particulier dans la zone nord. Des ONG françaises, telles Action contre la faim (ACF), remarquent que la violence systématique contre les populations civiles de l'Ouest au moment des faits est sous-évaluée. Il faut y voir la conjugaison d'incursions libériennes et de pratiques extrêmes, qui échappent en partie au pouvoir de Bouaké, avec une criminalisation des forces en présence, aggravée par un système de représailles non seulement interethniques (inter-ivoirien), mais avec les immigrants nordistes au sens large (« dioulas » et sahéliens) dans une compétition foncière aiguë (Galy 2007).

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    Les dimensions mystiques du conflit ivoirien

    Bien que mis à la marge des considérations relatives à la guerre civile ivoirienne, l'approche par un angle mystique du conflit peut apporter un éclairage sur les allures de « guerre sainte » que peut prendre le conflit ivoirien à son Momentum.

    Figure 23 : Répartition ethnique et religieuse en Côte d'ivoire (Bouquet, Pau-Martinez, 2016)

    La Côte d'ivoire abrite essentiellement deux aires cultuelles sur son territoire. L'islam est la religion la plus représentée sur le territoire tandis que le christianisme est majoritaire dans la zone ivoirienne la plus peuplé, à savoir la région des lagunes.

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    Le spiritisme ivoirien se caractérise par un syncrétisme entre les dogmes des religions monothéistes dominantes et des pratiques et croyances vernaculaires tels que l'animisme et le vodou.

    Les jeunes patriotes menés par Charles Blé Goudé, au-delà d'une certaine connivence ethnique avec le président voue un véritable culte à celui surnommée « Le christ de Mama », nom du village natal de Laurent Gbagbo. Le président Gbagbo, ancien professeur de géographie et membre de l'international socialiste, est un orateur né qui sait galvaniser les foules, alternant les postures, allant d'un Mandela Ouest africain de par son combat politique l'ayant mené en prison à un Thomas Sankara de par sa relation tumultueuse au monde et à l'occident. Et manifestement d'Houphouët-Boigny de par sa volonté de restaurer la pratique du « dialogue à l'ivoirienne » disparu avec « le vieux ».

    C'est en vertu de ces considérations, que la représentation des jeunes patriotes, fervents chrétiens évangélistes, pratiquants pour la plupart, du « Christ de Mama » est celle d'un élu prophétique dont le rôle est de restaurer la grandeur de la Côte d'Ivoire. Cette vision est largement diffusée au sein de la population par un appareil religieu proche du pouvoir, composée de pasteurs et de prophètes dont l'intégrité au vu des événements peut être remise en cause.

    Cette représentation « messianique » de Laurent Gbagbo est renforcée à mesure que sa ligne politique est empreinte d'une valeur communautaire qui fait de l'ère Gbagbo, l'ère de l'hégémonie bété, où chaque membre de sa communauté « pourrait bouffer à son tour ». Ainsi l'accès aux privilèges du peuple bété est récompensé par une allégeance que l'on peut qualifier de fanatique de celui-ci à son président.

    On peut retrouver actuellement à travers des meetings du mouvement « Gbagbo Revient ! dit Gbor » les derniers vestiges du culte voué à Laurent Gbagbo, devenu martyr depuis son déferrement à La Haye. Le spectre d'un retour à la vie politique de l'ancien leader du Front Populaire Ivoirien constitue une menace majeure au fragile équilibre de « paix » présent sur le territoire ivoirien depuis 2011.

    L'essentiel des forces armées rebelles, composé de jeunes pour la plupart désoeuvrés issus des villages du nord du pays, est essentiellement de confession musulmane. Le courage de ces troupes sur le champ de bataille provient, outre de l'alcool et de la drogue, de la

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    confiance en la protection des « fétiches » prescrits par leurs marabouts familiaux. Il va de soi que l'efficacité de ce que certains nommeraient placebo, ou encore efficacité magique n'est rendu possible que par l'acceptation collective de l'existence d'une transcendance dépassant la compréhension humaine.

    L'émergence des dozos au coeur du conflit ainsi que l'institutionnalisation de ceux-ci à partir de 2011 traduit d'un amalgame entre des considérations mystiques et des impératifs sécuritaires. On pourrait considérer cet amalgame comme un retour à une forme d'organisation sociale précoloniale mais lorsque que l'on s'intéresse de plus près à cette institutionnalisation des dozos, il apparait évident qu'il s'agit plus d'un opportunisme politique des principaux leaders des associations de dozos que d'un retour à des valeur passés de la société ivoirienne.

    Entre modernisme et tradition ; l'institutionnalisation des dozos

    Rodrigue Fahiramane Koné met en avant que pour comprendre son émergence politique et institutionnelle, il est primordial de comprendre le caractère multidimensionnel du phénomène dozo. En plus de la profondeur historique et de l'épaisseur culturelle qu'évoque la confrérie dozo, son association avec la problématique sécuritaire ivoirienne permet d'éclairer sous un angle original l'histoire politique récente du pays.

    En Côte d'Ivoire la majeure partie des adeptes de la confrérie dozo appartiennent aux ethnies Mandé (Malinké, Bambara, Dioula) et Voltaïque (Sénoufo et Lobi). Les mandés et voltaïques ont historiquement été implantés dans la partie septentrionale du pays.

    La plupart des travaux spécialisés sur ces chasseurs font des empires Mandingue et du Mali le foyer originel de la confrérie dozo. L'Empire mandingue fut une importante entité politique du Moyen-Age ouest africain fondé au XIIIe siècle par le souverain Soundjata Kéita. Cet Empire a su fédérer sur une longue période un ensemble de communautés reconnues aujourd'hui sous le vocable de communautés mandingues. La chute de cet empire qui connait son apogée au XIVème siècle a marqué l'expansion géographique, après plusieurs migrations, des différentes communautés mandingues dans une large partie de l'Afrique de l'Ouest.

    Les associations de dozos en Côte d'Ivoire sont avant tout des confréries de chasseurs traditionnels reflétant, du point de vue anthropologique, une institution socio-culturelle

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    propre aux traditions de l'aire culturelle Mandé répandue en Afrique de l'Ouest. L'institution fonde sa légitimité à la fois sur une expérience historique et culturelle ainsi qu'une chaine de valeurs, de principes et de croyances relevant du symbolisme religieux.

    La pratique magico-religieuse des dozos, n'est pas sans influence, militairement efficace car elle est socialement acceptée et ancrée au coeur de la croyance populaire. Ainsi il est populairement admis que les chefs dozos comme Zakaria Koné, Bamba, Ibrahim Konaté ou encore Chérif Ousmane disposent de pouvoir tel que la transformation en animaux, l'invisibilité, l'invulnérabilité aux balles, et la prescience.

    Comme au Libéria, le look rebelle est une « panoplie ethnique » du mysticisme des chasseurs : dreadlocks, kaolin, attirail de miroirs, colliers de cauris, amulettes et tuniques destinés à terrifier et terrasser l'adversaire.

    L'affaiblissement de l'appareil sécuritaire de l'Etat et l'instabilité politique ivoirienne au moment de la crise ivoirienne se révèle être des opportunités savamment exploitées par les associations de dozos. En s'appuyant sur la symbolique culturelle, religieuse et l'imaginaire historique, les dozos ont su construire un consensus au sein des populations sur l'efficacité de leur offre sécuritaire. Toutefois l'engagement politique de certaines associations de dozos au compte de la rébellion armée dans un contexte national polarisé autour des identités ethniques a fini par éroder l'image d'acteurs sécuritaires neutres et politiquement indépendants.

    Les associations de dozos tout en exerçant dans un environnement politique contingent et un cadre légal flou, négocient astucieusement leur ancrage dans l'espace public. Ces stratégies d'adaptation laissent transparaitre une hybridation organisationnelle, entre logique de fonctionnement traditionnel de la confrérie et logique d'organisation administrative selon les exigences de l'Etat moderne.

    Les influences sur le système sécuritaire officiel ainsi que les imaginaires et croyances associés aux dozos, le positionnement des adeptes de la confrérie dans le système sécuritaire et les collaborations officieuses entre autorités sécuritaires et la confrérie à maints endroits sont autant d'éléments témoignant de l'influence de la confrérie dans le système sécuritaire officiel. La description des abus imputés aux dozos a permis de mettre également en évidence l'implication des dozos dans la production de l'insécurité et de

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    soulever la question de leur responsabilité juridique face à de tels abus. Si l'investissement sécuritaire dozos en Côte d'Ivoire ne peut se comprendre qu'à la lumière de l'histoire politique ivoirienne, il devient évident que les modèles de structuration des associations de dozos au niveau national se diffuse dans d'autres pays avec le recentrage sur des questions sécuritaires.

    Il demeure néanmoins que les dozos ont été une force déterminante de l'accession au pouvoir d'Alassane Ouattara en 2011. Celui-ci a également pu compter sur le soutien de la communauté internationale et plus particulièrement la France pour accéder à la fonction suprême ce qui laissera une empreinte considérable dans les représentations des ivoiriens et de la communauté internationale (R.F. Koné,2018)

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    C. De la complexité de l'aide internationale : La sortie de crise ivoirienne

    Figure 24 : Répartition des forces internationales du maintien de la paix en Côte d'ivoire

    A la lecture des travaux de I.Bergamaschi et S.Dezalay , il semble qu' un principe implicite au sein des Nations unies pendant la guerre froide interdit aux membres permanents du Conseil de sécurité ou à toute puissance régionale, tout pays supposé avoir des intérêts particuliers dans la zone d'intervention ou ayant une relation historique ou géographique étroite avec le pays où l'intervention est envisagée, d'envoyer des troupes sur le terrain. Ce principe est remis en cause à partir de 1989, et les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU sont les premiers à encourager l'émergence d'opérations menées par coalition sous la responsabilité du pays mandataire de l'intervention, comme l'ont fait la Grande-Bretagne en Sierra Leone, l'Australie au Timor oriental ou encore la France en Côte-d'Ivoire. L'absence d'armée effective et permanente rend l'ONU dépendante de la bonne volonté et des contributions humaines et matérielles de ses États membres. Dans le cadre de son intervention en Côte-d'Ivoire, cette forme de « délégation » n'en constitue pas moins un désaveu de la communauté internationale tout entière.

    Dans la majorité des cas, l'absence de consensus international sur les modalités d'intervention conduit à la supervision de la mission par un État qui, en fonction des circonstances et pour des raisons diverses, trouve une motivation, et bien souvent un intérêt, à prendre la tête de la force multilatérale onusienne. La communauté

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    internationale, méfiante depuis les revers de la Somalie et du Rwanda, hésite à intervenir en terre africaine (Bergamaschi et Dezalay,2005).

    C'est en vertu de cela que le Conseil de sécurité s'empresse de saluer l'intervention française dans la crise ivoirienne, faisant au passage des accords de Lina-Marcoussis la base de son action jusqu'à la fin de son intervention en Côte d'ivoire, et de plébisciter le déploiement militaire de la CEDEAO et des troupes françaises. Le conseil de sécurité, en acceptant de déléguer la conduite de la mission de rétablissement de la paix en Côte d'Ivoire à la France, lui octroie également le droit de disposer d'une marge d'appréciation et d'action dans la conduite de celle-ci. Bien entendu, la mission générale reste sous la supervision de l'ONU qui demeure le tributaire du résultat final.

    Lorsque qu'un état prend le leadership d'une coalition internationale, il est très souvent démontrable qu'outre ses aspirations à la paix et à la sécurité mondiale, l'état en question, dispose dans le territoire de son intervention, d'intérêts stratégiques. En revanche, il est dès lors amené à composer avec la pression qu'engendre la responsabilité éthique et morale d'une intervention sous mandat international. Le poids de cette responsabilité n'éradique pas les agissements relatifs aux conflits d'intérêts mais permet néanmoins de raisonner les aspirations prédatrices.

    L'éthique, critère principal d'évaluation de l'action internationale, ne constitue cependant pas le premier élément de motivation de l'Etat en charge d'une opération. C'est dans cette contradiction que se révèle la complexité et la problématique majeure de l'intervention française en Côte d'ivoire.

    Lors des débats sur la façon de contribuer à la gestion de la crise ivoirienne, qui anime le milieu décisionnel français, une considération domine : Ainsi nous citons « Aujourd'hui, il est aberrant de séparer sécurité et développement ; tout le monde sait bien que les deux sont liés et que les conflits en Afrique sont le principal frein au développement du continent. Et pourtant, c'est ce que l'on fait. En Sierra Leone, on a participé à la réinstallation et à la restauration d'infrastructures, à la réconciliation, on a soutenu les collectivités locales. Alors en Côte-d'Ivoire, on a voulu faire la même chose. Mais on nous a opposé un refus catégorique. » (Bergamaschi et Dezalay,2005).

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    La représentation du conflit Ivorien n'est alors que « politique ». Nous pouvons également observer une certaine réticence française à intégrer les dimensions régionales de la crise. Pourtant, au regard de celles-ci il apparait aujourd'hui évident que le rôle des voisins burkinabè et libériens a été considérable dans l'entretien des tensions dans le nord et l'ouest ivoirien. Plus qu'une crise politique, la guerre civile ivoirienne est avant tout une crise identitaire dont la résolution définitive ne peut être qu'endogène à la Côte d'ivoire.

    Les accords de Linas-Marcoussis que la France obtient en janvier 2003 traduisent de la considération essentiellement politique qui met l'accent sur une « réconciliation nationale » et l'établissement de nouveaux codes de nationalités, électoraux et fonciers. Ces accords de Linas-Marcoussis servent pourtant de bases aux accords d'Accra de juillet 2004 initiés par la CEDEAO et ceux de Prétoria d'avril 2005 initiés par l'Union Africaine constituant l'essentiel de la solution africaine à la crise. De fait, la France n'a de cesse depuis le début de la crise ivoirienne d'internationaliser la gestion de celle-ci. L'explication de ce choix tient en partie au fait que l'ONU donne à la France un capital de légitimité considérable.

    A partir des années 1990, l'action sous la bannière de l'ONU est un vecteur de légitimité géopolitique (Inis,1966). On comprend dès lors que la France, qui désavoua publiquement l'intervention américaine en Irak qui se fit sans l'aval des Nations-Unies, recherche le soutien de l'ONU pour pouvoir affirmer agir au nom de la communauté internationale et non au nom de ses propres intérêts. Ce rôle majeur de légitimation collective comme fonction politique des Nations Unies a été souligné par Claude Inis dès 1966.

    L'ONU accepte ainsi des accords ou des désaccords relatifs aux revendications, aux politiques ou aux actions des Etats, y compris, mais pas seulement, à leurs revendications d'un statut de membre indépendant du système international (Inis, 1966). Claude Inis montre également que les « grandes puissances » cherchent particulièrement à acquérir la légitimité internationale dans leurs actions, pour justifier leurs puissances et leurs actions, et pour se sentir en phase avec leurs consciences ».

    Appliquée à la gestion par la France de la crise ivoirienne, cette analyse montre que la situation de la France est plutôt celle d'une ancienne puissance coloniale, familière d'un terrain donné, que celle d'une grande puissance hégémonique à proprement parler. Le

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    statut de la France sur la scène internationale faisant l'objet d'un autre débat, celui de la quête de légitimité et de la reconnaissance des pairs. Puissance et légitimité ne sont ainsi pas contradictoire mais bien complémentaires.

    Les dirigeants cherchent généralement la légitimation non pas seulement pour satisfaire leurs propres consciences mais bien pour renforcer leurs positions. Dans le cadre de la gouvernance en Afrique de l'Ouest, la légitimité, à condition qu'elle s'établisse sur la base de considérations politiques, sociales et traditionnelles doit permettre une efficacité accrue du président, lui permettant sérénité et sécurité dans la détention et l'exercice du pouvoir.

    Cependant, le processus de légitimation onusien révèle la principale faille institutionnelle des Nations Unies. L'usage courant des Nations Unies comme agence se prononçant sur l'acceptabilité politique des politiques et positions nationales, invite les chefs d'État à agir avec modération. Leur préoccupation quant aux résultats des délibérations de l'organisation peut favoriser un consensus leurs permettant d'obtenir l'approbation collective. D'un autre côté, cet usage des Nations unies peut conduire à une instrumentalisation de celle-ci à des fins propagandistes, au détriment de son rôle de promoteur d'accords diplomatiques internationaux.

    La légitimation collective peut favoriser les changements légaux et rendre le droit international plus digne de respect et plus susceptible d'être respecté, mais cela peut aussi valoriser les calculs de ce que la situation politique rendra possible aux dépens des considérations qui recherchent ce que les principes de l'ordre exigent (Inis,1966).

    Dans le cas ivoirien, l'accord et l'encadrement de la mission par l'ONU ainsi que le soutien manifeste aux organisations régionales africaines sont censés se constituer gage d'une intervention « internationale » et non d'une intervention « néocoloniale » française. Mais dans ce cas précis, la faiblesse institutionnelle et politique de ces organisations a rapidement démontrée des limites de l'alternative régionale (Smith,2003).

    Cependant, le manque de clarté du mandat de l'opération multilatérale portée par la France, caractéristique de la plupart des interventions onusiennes favorise, en l'occurrence, une certaine confusion dans les objectifs fixés et constitue le socle des premières mises à l'épreuve des forces françaises sur le terrain. Officiellement, la mission

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    de l'opération Licorne est destinée à éviter un affrontement le temps qu'une force de paix ouest-africaine se mette en place sous l'égide de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Philippe Leymarie souligne pourtant que, dès les premières actions de la force LICORNE les objectifs spécifiques de l'opération se révèlent, à savoir la protection d'Abidjan, ainsi que celle des régions sud et les centres «utiles» du pays, la dissuasion à la progression des armées rebelles et la consolidation de la ligne de front, le temps que se ressaisisse l'armée ivoirienne avec le risque assumé de consacrer, au moins provisoirement, une partition de fait du pays. (Leymarie, 2002).

    Le glissement des missions attribuées à l'opération Licorne montre d'ailleurs à quel point la frontière est poreuse entre une opération dite « humanitaire » et un engagement de nature à conforter sur le terrain l'une ou l'autre des parties. Jusqu'au milieu des années 1990, les interventions militaires d'urgence dans l'ancien pré-carré francophone avaient le plus souvent débouché sur des actions en faveur de régimes alliés. L'armée française intervenait dans le cadre d'accords de défense signés avec sept États et de coopération militaire avec vingt-cinq pays, et ce grâce à un réseau de forces prépositionnées sur cinq bases ainsi qu'à des échanges permanents avec les armées locales comme en attestait la quinzaine d'exercices et les 250 escales de bâtiments de la Marine nationale réalisées chaque année (Bergamaschi et Dezalay,2005).

    L'intervention de l'armée française en Côte d'Ivoire constitue la première fois que la France agit sous mandat de l'ONU dans l'un des pays de son aire d'influence. Sur demande insistante du gouvernement d'Abidjan, Paris se résout, tout en se refusant à faire jouer le traditionnel accord de défense franco-ivoirien, qui ne peut être actionné qu'en cas d'« agression extérieure », à fournir à l'armée ivoirienne régulière, au titre de la coopération militaire « normale », un soutien en matière de transmissions, de transport et de ravitaillement.

    Trois motifs centraux sont alors évoqués : la sécurité des ressortissants français, l'unité de la Côte-d'Ivoire et l'appui à la médiation de la CEDEAO. La France semble donc dès le départ avoir le souci « d'internationaliser » la gestion de la crise, par son appui à la médiation de la CEDEAO et la recherche d'une légitimation par l'ONU, certes a posteriori, de son intervention. Cependant, le caractère flou du mandat de la force Licorne ainsi que l'évolution de son contenu montre que la position française oscille entre la bilatéralisation

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    de la gestion de la crise ivoirienne par l'actionnement de la coopération militaire, la multilatéralisation, et depuis les événements de novembre 2004, la re-bilatéralisation de celle-ci (Bergamaschi et Dezalay,2005).

    La première action de la force Licorne consiste en l'évacuation des civils français et occidentaux des villes de Bouaké et de Korhogo, et la sécurisation de la délégation diplomatique de la CEDEAO venue rencontrer les rebelles du Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI). La France dès le début de son intervention est critiquée par les deux parties. Que ce soit par les forces loyales au Président Laurent Gbagbo, pour son refus d'appliquer les accords de défense de 1962 ou par les Forces nouvelles (ex-rebelles) pour l'entrave à leur progression vers le sud. Une fois l'accord de cessez-le-feu accepté par les deux parties, les objectifs de la mission Licorne sont redéfinis : le 20 octobre 2002, à la demande du Président Laurent Gbagbo, les troupes françaises se voient confier la tâche de veiller à la sécurisation de la ligne née des accords de cessez-le-feu. Avec la résolution 1464 du 4 février 2003, les missions du contingent français sont étendues au soutien de la force CEDEAO et à la prévention d'une déstabilisation générale de la Côte-d'Ivoire.

    Les événements de novembre 2004 montre toute l'ambiguïté d'une intervention actionnée dans un cadre bilatéral par la mise en oeuvre des accords d'assistance technique entre la France et la Côte-d'Ivoire, mais effectuée sous couvert de neutralité onusienne. Cette ambiguïté concerne en premier lieu l'utilisation des moyens de la guerre pour des missions comportant une fonction importante de maintien de l'ordre. Les soldats français sont en partie chargés de tâches classiques : s'interposer entre des groupes armés, surveiller le cessez-le-feu, établir et maintenir une « zone de confiance », mais ils le font dans un environnement très volatil où il n'est pas toujours aisé de distinguer les acteurs entre eux ou de suivre les logiques de leurs actions. Confrontés à des « émeutiers », les militaires de la force Licorne doivent donc, nécessairement, adapter les outils militaires à des fonctions de « police », en ayant recours, notamment, à la gendarmerie mobile française. Cela les amène à exercer l'une des fonctions régaliennes d'un État pourtant encore considéré comme « souverain ». La force Licorne devient donc le bras armé mais cependant ambigu du mandat par ailleurs « souple », du moins jusqu'en novembre 2004, de la force onusienne envoyée sur le terrain.

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    Les « Forces impartiales » que sont celles de l'ONUCI et de la force Licorne déploient ainsi en Côte-d'Ivoire environ 10 000 soldats, soit la moitié du contingent britannique déployé précédemment en Sierra Leone, pays cinq fois moins vaste. Quant à l'ordre de mission onusien, il se durcit à partir de l'automne 2004. Alors qu'il ne pouvait jusqu'alors qu'« observer et rendre compte » des violations du cessez-le-feu, le tandem Licorne-ONUCI peut depuis lors « dissuader et empêcher ». Le durcissement de l'embargo sur les armes autorise l'inspection sans préavis de tout avion, navire, camion, port ou aéroport, et contraint les Forces nouvelles, l'armée loyaliste et les milices à livrer un inventaire exhaustif de leurs arsenaux.

    Sa mise en oeuvre demeure cependant aléatoire. Philippe Leymarie citait ainsi plusieurs militaires de l'opération Licorne, dont le colonel Patrice Dumont Saint-Priest, chef des opérations de l'ONUCI : « On nous invite à éviter tout clash inutile [...]. » « Pas question de mettre le pays à feu et à sang pour trois kalach' chopées à une frontière », précise un officier de Licorne. « Posture intenable », grommelle un témoin privilégié du divorce franco-ivoirien. Il ne suffit donc pas d'intercepter un jour un commando des Forces nouvelles puis, le lendemain, de bouter un détachement des FANCI hors de la frange démilitarisée. Sur le terrain de l'intervention, l'intervenant ne peut en effet arriver comme un agent neutre et extérieur.

    En l'occurrence, il semble a priori difficile que les troupes françaises se débarrassent de la perception qu'elles se sont faite traditionnellement d'elles-mêmes, de leur rôle et de leurs interlocuteurs africains. Aussi l'opération Licorne est-elle paradigmatique des ambiguïtés et difficultés que rencontre tout État dans l'intervention dont il assure le leadership, tout en mettant en relief certaines spécificités liées à la nature particulière des relations qui lient cet État et le terrain de l'intervention (Bergamaschi et Dezalay,2005).

    Il apparait clair aujourd'hui que penser que la France pouvait prendre la tête de l'opération de l'ONU en faisant fi du poids de ses relations historiques avec le continent africain, et en particulier la Côte-d'Ivoire, ancienne « vitrine » de son ancien « pré-carré » relève de l'ingénuité. Activement impliquée dans la construction de l'État ivoirien, la France est donc, nécessairement, un protagoniste de la crise ivoirienne. Par ailleurs, même la bannière de l'ONU n'a pu débarrasser la force française de son « imaginaire » de l'Afrique et de sa perception de soi sur le continent.

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    À cela s'ajoute une croyance assez largement partagée par les dirigeants et les militaires français de détenir une grande expertise du terrain et une compréhension profonde du continent, et particulièrement de l'Afrique de l'Ouest. En témoigne la déclaration du Président Chirac, qui, devant les difficultés rencontrées par le Président sud-africain, Thabo Mbeki, médiateur du conflit ivoirien mandaté par l'Union africaine, n'hésite pas à accuser ce dernier de ne pas « comprendre la psychologie et l'âme » ouest-africaine. Contrairement aux élites françaises, qui seraient « naturellement » liées par l'Histoire à cette partie du continent, le Président sud-africain, anglophone est issu d'une Afrique Australe éloignée tant géographiquement, qu'historiquement et culturellement, ne pourrait pas se prévaloir du « savoir-faire » à la française. Par ce biais la France renvoie le continent africain à ses propres divisions spatiales, linguistiques, historiques et « culturelles ».

    Les difficultés rencontrées par les forces françaises en Côte-d'Ivoire illustrent cependant également un problème que rencontrent toutes les interventions onusiennes, qui vient du fait que les acteurs locaux (population civile et hommes en armes) dans les pays en développement ne partagent pas les illusions bienveillantes de la communauté internationale et obéissent au contraire à des logiques différentes. Quand la population locale n'est pas réellement informée de façon adéquate de la mission des Casques bleus, il est facile pour les « faiseurs d'opinion » de crier à la conspiration néocoloniale et impérialiste. Dans le cas ivoirien, la critique est d'autant plus facile à diffuser que l'acteur principal de la mission onusienne est l'ancien colonisateur. Les critiques inhérentes aux opérations onusiennes se transforment alors en accusations anti-françaises. Pourtant, Christian Bouquet met en garde contre le risque de lire le conflit ivoirien comme une « guerre coloniale » et de limiter les dynamiques du conflit à un affrontement franco-ivoirien.

    On assiste plutôt à une instrumentalisation facile et utile de la haine anti-française mis en avant par Christian Bouquet : le pouvoir en place, en manque de légitimité, espère pouvoir recréer une identité nationale autour de lui-même en usant de la résistance à la domination française. Cependant il ne faut pas s'y tromper : les sources et interactions locales sont largement dominantes dans la compréhension du conflit : « Derrière le rideau de fumée créé par les évènements les plus intéressants à médiatiser [...], et surtout

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    derrière ces discours en forme d'accusation de la France colonialiste, demeurait bel et bien la réalité profonde de la crise ivoirienne, qui n'était rien d'autre que le spectre sans cesse réactivé de la guerre civile » (Bouquet,2005).

    D'ailleurs, la communauté internationale, y compris africaine, ne semble pas convaincue par l'argument séduisant de la guerre coloniale. La solidarité anticolonialiste souhaitée par le président Gbagbo échoue et les accords de Linas-Marcoussis, dont le contenu est repris par ceux d'Accra III et de Pretoria, sont relégitimés par tous comme le socle d'un consensus ou du moins une référence indispensable à toute sortie de crise possible en Côte-d'Ivoire.

    Malgré la dénonciation de son impuissance (Rwanda, Somalie...) ou du scandale des dérapages des troupes onusiennes (abus sexuels, trafics en tous genres), l'ONU est confrontée à une demande accrue de ses interventions. Lorsque l'organisation décide du déploiement d'une mission, le message politique qu'elle envoie est fort mais il se voit affaibli lorsque le gros des bataillons provient de pays dit en développement. Si les Casques bleus des Nations unies viennent seulement d'une certaine partie du monde, la position de l'institution est affaiblie parce qu'elle ne donne pas de signe politique fort. L'absence de forte implication de la part de la «communauté internationale» peut vite être interprétée comme un «apartheid humanitaire» » (Guéhénno, 2004).

    Le dispositif Licorne, déployé à partir de septembre 2002, compte environ 4 000 hommes y compris les forces françaises de Côte-d'Ivoire du 43e Bima. Disposant de chars, de véhicules blindés et d'hélicoptères d'attaque, il intervient, en avril 2004 avec le soutien de l'Opération des Nations unies en Côte-d'Ivoire (ONUCI). Ce soutient permet une capacité de réaction rapide. La Mission de la communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest en Côte d'ivoire (MICECI) mise sur pied par la CEDEAO, à la suite du sommet d'Accra I, le 29 septembre 2002 est également déployée en soutien de la force LICORNE et de L'ONUCI. Comptant 1 300 soldats ouest-africains en 2003, celle-ci bénéficie de l'appui logistique français avec la fourniture de matériel pour le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP).

    L'ONUCI compte pour sa part 6 010 Casques bleus déployés en deux secteurs : à l'ouest avec trois bataillons bangladais à Zuénoulo et un bataillon sénégalais à San Pedro et au

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    nord avec un bataillon béninois à Korhogo, un bataillon ghanéen à Bondouro, un bataillon marocain à Bouaké et un bataillon nigérien. En outre, environ 200 militaires français sont intégrés à l'ONUCI et participent à la mission des Casques bleus, sous le nom d'opération « CALOA ». Les troupes françaises forment donc le gros du couple Licorne-ONUCI révélant les problématiques mentionnées précédemment, auxquelles viennent s'ajouter celles nées du fait que les Casques bleus de l'ONUCI proviennent tous de pays en voie de Développement et pour certains, de pays voisins de la Côte d'Ivoire, impliqués directement ou indirectement dans la crise.

    Depuis le Rwanda, l'action française en Afrique se limite à des actions de coopération ou de soutien à des forces de paix régionales, ou à l'évacuation ponctuelle de ses ressortissants comme en 1997, sur les deux rives du fleuve Zaïre, lors de la prise de Kinshasa par les rebelles, puis durant la guerre civile à Brazzaville. Cette nouvelle posture fut résumée en quelques mots par Lionel Jospin : « Ni indifférence ni ingérence ». Le contexte de la cohabitation a empêché le Président Chirac, qui y était favorable, d'envoyer des troupes lors du coup d'État du général Gueï en décembre 1999. L'intervention française en Côte d'Ivoire aurait potentiellement pu avoir lieu en 1999. Surtout, elle ne débute aucunement en 2002, dans un État bâti sur l'extraversion et l'ouverture vers la France.

    Cette illusion d'un « début » de l'intervention constitut pourtant le socle de la « neutralité » des interventions onusiennes, selon laquelle l'acteur onusien détient le monopole de la neutralité sur le terrain. Ce principe de neutralité peut être analysé sous l'angle de la théorie de l'agence (agency), selon laquelle chacun des acteurs sur le terrain a ses propres perceptions de lui-même et des autres, de sa mission, de ses objectifs, de ses méthodes d'action et de ses intérêts.

    Dans le cas ivoirien, il y aurait, dans cette optique, trois acteurs principaux à savoir la Côte-d'Ivoire, l'ONU et la France. Cependant, aucun de ces acteurs n'est unitaire, monolithique, et ne poursuit de buts cohérents, bien au contraire. Ils sont tous partie prenante de la crise, et ne jouent donc pas un rôle neutre. La crise somalienne avait déjà montré que cette règle de neutralité en partie idéalisée peut basculer vers une implication directe des Casques bleus dans les affrontements (Bergamaschi et Dezalay,2005).

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    Enlisés dans un conflit qu'ils jugent insolubles, exaspérés par les provocations et séduits par les propositions de partition territoriale de ses rivaux, les Américains désignent un ennemi : le général Aïdid. Sa tête fut mise à prix et de nombreux civils somaliens furent tués lors des nombreuses missions urbaines visant à le capturer qui ont été menées. Tirant leçon de l'expérience somalienne, les responsables de l'organisation internationale ont reconnu que leurs troupes avaient franchi la « Mogadishu line », c'est-à-dire celle du principe du consentement des parties et surtout de la neutralité des Casques bleus. Dès lors, l'intervention en Somalie a créé un précédent qui a conduit à l'établissement d'un seuil symbolique entre le maintien de la paix et la lutte contre un ennemi, et a montré les limites de l'action onusienne en situation de conflit.

    La France ne semble pourtant pas s'être prémuni contre ce danger de « fabrication de l'ennemi ». Ainsi, le détenteur du pouvoir politique ivoirien s'est vu être désigné par des termes qui ont évolué, prenant parfois un caractère péjoratif. Si au début de la crise les porte-parole de la France qualifient le Président Laurent Gbagbo de « légitime » ou « démocratiquement élu », le ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin, qualifie quelques mois plus tard le régime de Gbagbo d'« État voyou »(Smith,2003).

    Surtout, on note que les dirigeants français invoquent les principes du droit et de la justice internationale, en prédisant que « tout cela pourrait finir devant les tribunaux internationaux », reprenant parfois à leur compte les comparaisons entre messieurs Gbagbo... et Slobodan Milosevic, ancien président yougoslave déféré à La Haye pour crime de guerre en vertu de ses actions lors de la crise du Kosovo. Ainsi voit-on, de façon assez intéressante, les logiques militaro-policières et judiciaires se superposer dans la sortie de crise envisagée en Côte-d'Ivoire, du moins côté français.

    À l'inverse, les représentants français semblent beaucoup moins critiques vis-à-vis des mouvements dits « rebelles » qui obtiennent une « reconnaissance quasi pleine et entière ». En effet, leur capacité à contrôler une frange du territoire ivoirien leur permet d'obtenir une crédibilité. Le fait que le ministre des Affaires étrangères rencontre les chefs rebelles à Bouaké leur permet d'être reconnus comme interlocuteurs crédibles en leur garantissant une légitimité pas encore accordée jusque-là par les urnes. Cette capacité à définir les acteurs en acteurs viables ou non, légitimes ou non, explique que pendant la

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    phase d'intervention de la communauté internationale, naît une situation de concurrence entre les acteurs locaux pour accéder à la reconnaissance internationale vis-à-vis de l'ONU ou des forces qui la composent.

    La crise ivoirienne serait ainsi en partie une guerre d'égo, menée notamment par Charles Blé Goudé, chef des Jeunes Patriotes, fidèle à Laurent Gbagbo, et Guillaume Soro, porte-parole des Forces nouvelles. Anciens « frères d'armes » au sein de la FESCI la fédération estudiantine ivoirienne renommée et redoutée pour sa culture de la violence. De même, on pourrait dire que l'ivoirité a été instrumentalisée par tous les chefs de partis ivoiriens pour se garantir une visibilité politique : une politique certes mobilisatrice à l'interne et à l'externe, mais perdant tout sens au vu des incessants revirements d'alliance dont sont férus les hommes politiques ivoiriens, ce dont témoigne le rapprochement des « ennemis », Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, au sein d'un « G7 » regroupant l'opposition à Laurent Gbagbo.

    L'alignement partisan propre à la politique d'ivoirité, facilitant la lecture de la crise serait ainsi remis en cause par ce que Jean-François Bayart appelle « l'assimilation réciproque des élites », explicative selon lui de la formation historique de l'État africain. C'est dans un contexte comme celui-ci que le pouvoir structurant de l'intervenant dans sa mission est à son comble. On peut également mettre en évidence les logiques à l'oeuvre dans l'articulation entre populations locales et missions onusiennes. En entrant directement dans les logiques d'affrontement pendant le conflit, l'intervenant acquiert la possibilité de participer à la configuration politique et sociale du conflit mais aussi de la situation de « post-conflit » supposée la suivre (Pouligny, 2004).

    La France, en orchestrant les accords de Marcoussis et en menant l'opération Licorne, s'est mise dans une position où le danger, de façonner la vie et le jeu politique ivoirien et de se le voir reprocher par les acteurs locaux du conflit ou ses partenaires internationaux, est aussi grand qu'inévitable. Dès lors la frontière entre l'intervention et l'occupation devient poreuse. En l'occurrence, la sortie de crise ivoirienne malgré les revendications locales du moment, ne dépendait aucunement d'un départ des troupes françaises. Elle illustre ainsi la conception erronée d'un protocole de sortie de crise se résumant en 5 étapes : cessez-le-feu, intervention, retrait, élections, alternance. Les développements précédents ont cependant tenté de démontrer que cette vision reste ancrée dans la

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    philosophie et la sémantique de l'urgence et donc, dans bien des cas, vouée à l'échec. Cela car elle manque d'historicité (tant du passé que du futur), n'englobant la réalité du terrain que de façon ad hoc, et bien souvent trop tard (Bergamaschi et Dezalay,2005).

    La sortie de crise ivoirienne en 2011, demeure fondamentale dans la mesure où si elle marque le retour de la « paix » sur le territoire ivoirien, elle en demeure ni plus ni moins de l'expression la plus manifeste de l'échec ivoirien à achever sa construction identitaire de manière endogène, laissant planer le spectre d'un retour de conflit.

    Pour Henri Yebouet , la chute du Président Laurent Gbagbo, le 11 avril 2011, met fin à l'épisode tumultueux de la succession politique de Houphouët-Boigny. Les stigmates de cette violente période restent malgré tout visibles, ne serait-ce qu'en raison de l'engagement armé des forces onusiennes et françaises. Cette incursion internationale dans le débat ivoirien a été diversement interprétée, compte tenu du contexte général de la crise. L'intervention occidentale s'est résumée à un parti pris en faveur de l'un des protagonistes, au nom de l'urgence de protéger les populations civiles et d'empêcher l'utilisation d'armes lourdes. Sans avoir nécessairement explorée toutes les options de résolution pacifique, telle la voie du recomptage envisageable comme ce fut le cas en Haïti, l'intervention française a suscité maintes suspicions que le mandat onusien n'a pas suffi à dissiper. Le comportement des rebelles, reconvertis en FRCI (Forces Républicaines de Côte d'Ivoire), n'a été ni clairement dénoncé, ni condamné en huit années de crise (2002 - 2010), tandis que les exactions décriées n'ont fait l'objet d'aucune sanction. Au lendemain de cette crise post-électorale, des messages de paix et de réconciliation sont lancés et traduits par la mise en place d'une commission « Dialogue, Vérité, Réconciliation », présidée par l'ancien premier ministre Charles Konan Banny mais ne parviennent, si ce n'est en apparence, à garantir un climat de paix sociale et de sécurité (Yebouet, 2011).

    Aujourd'hui, après une décennie de gouvernance Ouattara, l'élection présidentielle de 2020 et les incertitudes politiques qu'elle révèle, laisse les ivoiriens face un choix capital : « sois nous prenons le chemin du Ghana et commençons à prospérer soit nous prenons le chemin de la Sierra Léone et du Libéria », me citait « Guillaume Gbato » président du Syndicat National des Professionnels de la Presse de Côte d'Ivoire.

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    En définitive la pratique de la citoyenneté ivoirienne entre 1990 et 2011 se caractérise par son hyperpolitisation ainsi que par sa brutalisation du fait d'une guerre civile qui a vu les jeunes ivoiriens descendre dans la rue et prendre les armes afin d'être une partie prenante active et reconnu de la vie politique et citoyenne ivoirienne. Cette hyperpolitisation de la pratique citoyenne ivoirienne est la conséquence de la bataille politique menée par les principaux héritiers politique de F.Houphouët-Boigny.

    Le dauphin Henri Konan Bédié, par sa tentative de redéfinir le contrat social ivoirien à travers l'ivoirité a voulu transcender sa seule légitimité institutionnelle et acquérir une légitimité sociale. Cette tentative a eu pour principale conséquence d'attiser des tensions sociales que F.Houphouët-Boigny a su contenir à travers une brutalisation traumatisante des ivoiriens lors de la période des faux complots. Son éviction lors du putsch du Général Gueï, qui ne rencontre aucune contestation populaire démontre bien du manque d'amour et de légitimité sociale de ce dernier

    L'opposant historique, Laurent Gbagbo, est sans doute celui dont le charisme et la gouvernance du pays se rapproche le plus de ce qu'a pu faire Félix Houphouët-Boigny. Sa période à la tête du pays, plus qu'une révolution structurelle de la société ivoirienne et de la manière de la gouverner apparait aujourd'hui comme une tentative continuité de ce qu'a pu être la gouvernance sociale Houphouët-Boigny, l'ethnocentrisme bété supplantant l'ethnocentrisme baoulé. Son discours politique hostile à l'étranger, responsable selon lui de sa défaite politique en 1990 face au « vieux caïman » qu'il n'aura jamais pu tenir en respect de son vivant, a eu des conséquences sociales désastreuses. La population alors instrumentalisée politiquement a pris la voie d'une xénophobie dont elle a déjà fait preuve par le passé. Si en 1958 elle est la réponse à l'abandon social de ses dirigeants de l'époque, elle est à partir de 1990 l'expression d'un peuple bété qui ne reculera devant rien pour jouir de son Momentum politique. En somme l'élection présidentielle de 2000 apparait comme une instrumentalisation de la démocratie de la part du Front populaire Ivoirien qui a pour but d'exclure définitivement un prétendant à l'investiture suprême. Mais ce seront bien une partie des ivoiriens qui se sentiront exclus de la vie citoyenne et politique ivoirienne. La rébellion débutée en 2002 constitue le retour de bâton de cette instrumentalisation démocratique qui donna certes, une légitimité politique à Laurent Gbagbo mais aucunement une légitimité sociale, que aucun

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    président à part Houphouët-Boigny n'a réussi à obtenir dans la jeune histoire de la Côte d'ivoire.

    Depuis la fin crise post-électorale de 2011, le « christ de mama » a pris la dimension d'un « martyr » dans la mesure ou son éviction (temporaire ?) est encore considérer par une partie de la population comme le fait d'une ingérence internationale.

    Le président Alassane Ouattara, héritier politique de Houphouët-Boigny et grand vainqueur de la « guerre de succession » est une personnalité remarquable dans la mesure où elle est celle qui incarne le plus les problématiques liées à l'exercice de la citoyenneté ivoirienne. Que ce soit par les débats liés à sa nationalité et à son éligibilité politique qui révéleront au monde l'inachèvement du processus de détermination de la nation ivoirienne, ou encore par son accointance avec l'appareil politique français comme en témoignent ses liens d'amitié avec Nicolas Sarkozy, dont l'impartialité au moment de la crise post-électorale de 2011 se doit d'être questionnée. Et enfin de par sa gouvernance depuis 2011 qui s'inscrit dans la continuité de celle qu'il a démarré en 1990 lors de sa primature caractérisée par une intense libéralisation économique et une restriction de l'espace civique.

    A la différence des années 1990, le peuple ivoirien a grandi et appris de son histoire et aujourd'hui le « nouveau miracle ivoirien » se heurte à une population qui contrairement au premier miracle ivoirien ne compte pas être mis à la marge du développement du pays.

    Nous allons nous intéresser dans le prochain chapitre à l'action des organisations de la société civile ivoirienne agissant dans la sphère du développement pour comprendre dans quelle mesure elle agissent dans un contexte favorisant la finalité de leurs actions, à savoir l'alternance démocratique et le changement social.

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    Chapitre 3 : L'action des OSC ivoiriennes du développement depuis 2011

    Deux logiques, complémentaires par essence, que sont l'approche humanitaire qui intervient dans une situation de crise et l'approche développementaliste qui intervient en amont de la crise s'opposent et s'affrontent en Côte d'ivoire.

    C'est l'amalgame fait entre ces 2 approches par l'ensemble des acteurs ivoiriens qui caractérise l'action de la société civile ivoirienne.

    Selon le mapping des OSC ivoiriennes réalisé en 2010 par Maurizio Floridi et Stefano Verdecchia pour l'Union européenne, la plupart des Organisations de la Société Civile (OSC) ivoirienne qui opèrent actuellement sont nées au coeur de la crise ivoirienne. Il s'agit donc d'une génération entière d'OSC qui sont quasi-exclusivement projetées dans la logique de l'urgence et de l'intervention humanitaire et qui ne connaissent que le mode opératoire de la prestation de services, souvent au travers de relations asymétriques de sous-traitance avec les ONG internationales.

    Cette situation que l'on peut qualifier d'inquiétante, contribue à vider les acteurs de la société civile de leur essence à l'exercice du dialogue social et politique ainsi que dans la création et la gestion de l'espace public. Le principal risque pour cette société civile étant d'être marginalisée et maintenue davantage à des fonctions subalternes de simple exécution d'actions conçues et coordonnées par d'autres acteurs.

    A cela il faut ajouter deux aspects qui renforcent cette situation : d'une part l'incapacité des hommes politiques ivoiriens à reconnaitre la société civile en dehors des tentatives d'instrumentalisation politique de celle-ci et d'autre part la création d'une culture de la dépendance relative aux ressources financières des OSC.

    La question primordiale n'est donc pas celle qui interroge, comme chez certains partenaires techniques et financiers (PTF), l'existence d'une société civile en Côte d'Ivoire mais bien celle de son rôle et de sa place dans le pays. Sur le plan historique la société civile ivoirienne n'a que peu été impliquée dans les questions de développement. Les deux grandes sécheresses des années 80 ont contribué indirectement à création de centaines d'OSC et de leaders à la gestion de l'espace public mais n'ont principalement concerné que les pays voisins du nord et une partie de la Côte d'ivoire de la zone subsahélienne.

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    La société civile ivoirienne n'était probablement pas prête à gérer une catastrophe sociale telle qu'elle s'est manifestée à partir de septembre 2002. Mais il apparaît aujourd'hui évident que la mise en oeuvre de pratiques d'urgences humanitaires a contribué dans le temps à déposséder les OSC de leurs prérogatives et de leurs valeurs ajoutées. Aujourd'hui les rares Organisations Non Gouvernementales (ONG) ivoiriennes qui opèrent dans le développement sont malgré elles dans une situation de concurrence, laquelle pourrait être sans doute être considérée comme déloyale, des organisations et des acteurs agissant dans l'humanitaire.

    Un exemple-type de notre propos peut être celui d'une ONG basée à Korhogo, dans le nord de la Côte d'ivoire, opérationnelle bien avant le début de la crise débuté en 2002. Sa longue pratique de partage des coûts de la formation en faveur des organisations et coopératives de base qu'elle accompagnait est entrée en conflit avec l'approche humanitaire dans laquelle la logique du don prédomine (Floridi et Verdecchia,2010).

    Les organisations de base de la région de Korhogo se trouvent désormais face à un dilemme. Celui de choisir d'être accompagné par l'ONG en maintenant le principe du partage des coûts des activités comme elles le font depuis une vingtaine d'années, ou de s'adresser à des organisations « concurrentes » financées par des ONG internationales agissant dans l'humanitaire dont les services ne sont pas payants. Dans ce cas, l'aspect de la concurrence est assez clair mais celui de l'appropriation des processus de changement par le milieu rural devient plus floue.

    Enfin, un dernier aspect de la « dérive humanitaire » chez les OSC ivoiriennes est représenté par leur faible capacité d'innovation. La longue période de sortie de crise, l'approche et la pratique de l'humanitaire, l'attentisme de la plupart des bailleurs de fond et l'absence de toute stratégie de reconnaissance et de renforcement de la société civile ivoirienne, ont de fait contribué à la perte de capacité des OSC à innover et à identifier des solutions efficaces aux problèmes ayant menés la situation de crise (Floridi et Verdecchia,2010).

    Après 10 années de « réconciliation nationale », de « reconstruction économique » et de « paix », le risque d'avoir une génération passive au sein de la société civile ivoirienne, incapable d'imaginer et de mettre en oeuvre son futur est toujours d'actualité. En perdant

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    sa créativité et sa capacité d'innovation, les OSC ivoiriennes risquent d'être spectatrices d'une pièce qui est et sera jouée par d'autres acteurs ou, dans le meilleur des cas, d'être de simples prestataires de services dans un marché dysfonctionnel où ce qui prédomine est l'offre (celle de l'humanitaire) et non de la demande (celle de commencer à penser le devenir du pays et des citoyens).

    Malgré tout, les acteurs de la société civile mènent un combat au quotidien pour parvenir à un climat démocratique et sociale propice à l'émergence d'OSC aptes à jouer pleinement leurs rôles.

    Nous nous intéresserons maintenant aux principaux enjeux que révèle l'action de la société civile ivoirienne ainsi qu'à ses limites.

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    1.Analyse des enjeux et limites de l'action des OSC ivoiriennes du développement

    A. Une activité limitée par la restriction de l'espace civique

    Fils spirituel et héritier politique de Houphouët-Boigny, Alassane Dramane Ouattara de par sa gouvernance depuis 2011 est parvenu à redonner à la Côte d'Ivoire son lustre d'antan. La croissance économique ivoirienne se place parmi les plus importantes de la sous-région et la Côte d'ivoire a su redevenir un arbitre politique de premier choix pour ses voisins. La période que connaît actuellement la Côte d'ivoire constitue un véritable « nouveau miracle ivoirien ».

    Nous retrouvons associés à la forte croissance économique et la stabilité sécuritaire interne, les mêmes caractéristiques de gouvernance que le régime du PDCI-RDA de Houphouët-Boigny. Celles-ci concernent autant la corruption généralisée, que la gérontocratie civique et politique, que la restriction ferme de l'espace civique.

    Une jeunesse toujours à la marge malgré son explosion démographique

    Après plus d'une décennie de crises socio-politiques à répétition, la Côte d'Ivoire s'est résolument engagée dans un processus de transformation structurelle de son économie et positionnée sur la trajectoire de l'émergence. Le pays a notamment bénéficié d'une croissance économique soutenue depuis la fin de la crise post-électorale de 2011, mais celle-ci ne s'est pas accompagnée d'une hausse significative du bien-être des populations et de la jeunesse en particulier.

    À cet égard, la situation de la jeunesse préoccupe tout particulièrement, compte tenu de son poids démographique et des défis majeurs auxquels elle fait face. Actuellement 70% des ivoiriens ont entre 15 et 35 ans et la Côte d'Ivoire ne peut faire l'économie d'un investissement massif en faveur des jeunes et laisser cette frange considérable de la population en marge du processus de développement du pays.

    L'examen du bien-être et des politiques de la jeunesse en Côte d'Ivoire réalisé en 2017 dans le cadre du projet Inclusion des jeunes cofinancé par l'Union européenne et mis en oeuvre par le Centre de développement de l'OCDE dresse un état des lieux exhaustif de la situation des jeunes en matière d'inclusion sociale et de bien-être, en utilisant les dernières données disponibles et en suivant une approche multidimensionnelle.

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    De nombreux aspects sont explorés dans le domaine de la santé, l'éducation et les compétences, l'emploi, l'engagement civique et politique, le capital social, et le bien-être subjectif des jeunes. L'examen se focalise notamment sur des thématiques spécifiques qui revêtent une importance particulière dans le cadre ivoirien, à savoir l'insertion des jeunes dans les secteurs porteurs de l'économie, l'entrepreneuriat jeune, et les grossesses précoces.

    L'examen montre que, malgré les efforts déployés et les progrès réalisés, la jeunesse reste confrontée à de nombreux défis. L'engagement civique, le capital social et le bien-être subjectif des jeunes ont connu une embellie depuis la fin de la crise politico-militaire, mais les jeunes restent peu éduqués et leur situation sur le marché du travail demeure largement précaire. Les jeunes sont peu insérés dans les secteurs porteurs de l'économie en raison de l'inadéquation des compétences qui les confinent en outre dans des emplois précaires. Face au défi de l'emploi, de nombreux jeunes se tournent vers l'entrepreneuriat où les nombreuses activités de subsistance prédominent à cause de multiples contraintes.

    Concernant les grossesses précoces, l'ampleur et la propagation de ce phénomène sont préoccupantes notamment au regard de ses effets hautement dommageables sur l'éducation féminine.

    Malgré la volonté politique affichée, la Côte d'Ivoire a souffert de l'absence d'une stratégie globale adressant les multiples défis rencontrés par la jeunesse. En outre, les politiques sectorielles mises en place à ce jour n'ont pas été à la hauteur des enjeux. Cependant, les résultats de la mise en oeuvre à venir de la Politique Nationale de la Jeunesse 2016-2020 et des stratégies qui en sont issues restent à étudier (Centre de développement de l'OCDE,2017).

    La restriction de l'espace civique ivoirien

    Pour notre propos qui va suivre, nous allons nous appuyer sur l'enquête concernant la restriction de l'espace civique que nous avons menée avec Tournons la page Côte d'ivoire.

    Selon l'ONG Civicus, spécialisée sur la question, l'espace civique est : « [...] le lieu, physique, virtuel et légal, au sein duquel les individus exercent leurs droits à la liberté d'association, d'expression et de réunion pacifique. ». Pour une démocratie effective, cet espace doit rester ouvert, l'État doit respecter, protéger et rendre effectives ces libertés. Si les

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    citoyens ne disposent pas d'un espace civique ouvert, ils ne peuvent participer aux décisions collectives, rendant donc inopérant le principe de démocratie et impossible la tenue d'élections libres, transparentes et encore moins apaisées. L'espace civique ouvert est un prérequis nécessaire pour la vie démocratique

    L'espace civique est le lieu permettant la discussion, il est animé par des acteurs que nous avons identifiés comme étant : les journalistes, les activistes de la société civile et les partis politiques.

    Pour dépeindre l'état de l'espace civique en Côte d'Ivoire, nous avons décidé de nous focaliser sur ces acteurs, d'abord parce que leur traitement par les autorités influence tout l'espace civique, ensuite, pour des raisons pratiques, nous n'avons pu nous pencher sur toute la société ivoirienne. Nous avons donc réalisé en janvier et février 2020 dix-sept entretiens : quatre avec des journalistes, huit avec des personnes de la société civile oeuvrant dans le domaine des droits humains et cinq personnes pour les partis politiques. Certaines de nos demandes d'entretien adressées à des journalistes et partis politiques sont restées sans réponse.

    Lors de notre enquête nous avons cherché à rencontrer les leaders des organisations travaillant à la protection des droits humains et de la démocratie. Parmi ces organisations on trouve des associations de type ONG, de plus petites associations et des mouvements ou réseaux d'organisations.

    Si nous avons choisi ces organisations c'est parce qu'elles animent l'espace civique, d'abord en défendant les libertés le constituant, ensuite en structurant les débats sur la question.

    Toutes les organisations que nous avons contactées ont accepté de nous rencontrer.

    Des contraintes de temps et de moyens nous ont empêchées de nous rendre hors d'Abidjan pour y rencontrer des organisations locales. Néanmoins, toutes les organisations à vocation nationale se trouvent à Abidjan.

    Selon le Directeur Général d'Amnesty International Côte d'Ivoire2, les organisations en Côte d'Ivoire se séparent entre celles nées avec la libéralisation de la société civile et la fin

    2 Entretien avec Hervé Delmas Kokou, Directeur Général d'Amnesty International Côte d'Ivoire, le

    14 février 2020

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    du parti unique dans les années 1990 et entre celles nées après la crise post-électorale de

    2010-2011.

    En réalité, il existait déjà des organisations sur les droits humains avant 1990, mais elles opéraient dans une certaine clandestinité. Ainsi, la section Côte d'Ivoire d'Amnesty International a été fondée en 1979 et la Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO) en 1987. Ces organisations sont aujourd'hui bien installées et se sont, pour certaines, institutionnalisées en se rapprochant du pouvoir.

    En ce qui concerne les organisations plus récentes, elles fonctionnent plus sur le modèle des mouvements sociaux ou des réseaux d'organisations. Celles que nous avons rencontrées se veulent très éloignés des partis politiques et du pouvoir.

    Ces deux catégories d'organisations n'ont pas les mêmes méthodes de revendications et ne rencontrent pas les mêmes difficultés. Cependant, toutes les personnes que nous avons pu interroger ont subi ou sont très proches de personnes qui ont subi une persécution. Si nous allons principalement évoquer des épisodes de répression récents, ne remontant pas avant 2017, la répression a commencée bien avant cela, bon nombre d'acteurs de la société civiles ont en mémoire la crise de 2010-2011, mais aussi 2016 et le changement de Constitution qui avait mené à une vague de répression. Toutes les personnes interrogées ont donc une expérience de la répression, cela les mène à beaucoup de prudence et, ici aussi, à une forme d'auto-censure.

    On peut classer les violations et répressions de libertés, les pratiques de ces libertés rencontrant la plupart du temps une répression spécifique.

    La liberté de manifestation

    La liberté de manifestation est extrêmement restreinte en Côte d'Ivoire, au point que le Directeur Général d'Amnesty Côte d'Ivoire considère qu'il n'y a eu aucune manifestation citoyenne autorisée depuis 2010. De fait, les organisations les plus institutionnalisées que nous avons rencontrées, comme l'APDH3 (Action pour les droits humains) ou la LIDHO4

    3 Entretien avec Arsène Nene, Président de l'APDH, le 18 février 2020

    4 Entretien avec Willy Alexandre Net, Président par intérim de la LIDHO, le 17 février 2020

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    (Ligue des droits de l'homme), ont même renoncé à user de cette liberté, la manifestation ne fait plus partie de leur stratégie d'action.

    La LIDHO relai parfois des appels à manifester, mais cela ne concerne que des cas très concrets, et jamais des revendications générales et/ou rattachées à la vie politique. Une fois l'appel relayé, le déroulé de la manifestation est de la responsabilité individuelle des personnes qui s'y rendent. Le Président par intérim, Willy Alexandre Net, cite comme exemple un appel pour une marche pour les déguerpis de Port-Bouët. Dans ces cas, il s'agit souvent de petits rassemblements spontanés, plutôt que de grandes marches publiques.

    Le responsable d'une autre organisation, qui souhaite rester anonyme, regarde les manifestations comme étant un mode d'action trop rattaché au politique et de ce fait dangereux. Le pouvoir réagissant face aux manifestations comme étant toujours des attaques politiques partisanes. Ils ne s'associent donc jamais à des appels à manifester ou à se rassembler.

    Si au début de la décennie la crise post-électorale servait d'excuse à la restriction de cette liberté, il est vite apparu que le pouvoir de Alassane Ouattara n'avait aucune intention de laisser les citoyens se servir de cette liberté. Les autorités ne veulent absolument pas que les citoyens descendent dans les rues pour manifester leurs revendications. De ce fait, elles les privent non seulement d'une liberté fondamentale, mais aussi d'un outil d'expression démocratique.

    La violation de la liberté de manifestation repose sur plusieurs piliers. Le premier est l'absence d'autorisation de manifestation. Tous les acteurs que nous avons rencontrés racontent avoir rencontré le silence après une demande d'autorisation de manifestation. Un obstacle supplémentaire à la demande d'autorisation est que nulle part dans le corpus juridique ivoirien est indiqué quelle autorité est compétente pour autoriser une manifestation. La plupart des organisations se tournent vers le maire de la commune dans laquelle ils souhaitent défiler, parfois vers la préfecture territorialement compétente. Depuis juillet 2019, le nouveau code pénal punit clairement et sévèrement les manifestations faites sans autorisation, l'obtenir devient donc crucial. Avant 2019, nombre d'organisations partaient du principe que leur demande valait notification et que

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    les autorités ainsi prévenues ne pouvaient les empêcher de jouir de leur droit. Cependant, la plupart face au silence des autorités renonçaient à tenir leurs marches.

    Le second pilier de cette violation est la répression systématique des marches. Le dernier exemple en date concerne directement Tournons la Page Côte d'Ivoire. Le 11 mars 2020, la coalition a organisé une distribution de tracts dans un des quartiers de la commune de Yopougon. Une quarantaine de membres se sont retrouvés pour distribuer un tract expliquant leurs désaccords avec la révision de la Constitution qui était alors en cours. Ils sont restés tout au long de la distribution en dehors de la voie publique, ne gênant la circulation ni des véhicules, ni des piétons. Il ne s'agissait donc en soi même pas d'une marche ou d'une manifestation à proprement parler. Pourtant, peu de temps après le début de leur action, la police est intervenue pour y mettre fin sans raison et a interpellé, pour certains avec violence, dix participants, dont le coordonnateur Didier Amani. Ils ont été relâchés le lendemain matin, après avoir été auditionnés pendant plusieurs heures. Lors de cette audition il leur a été reproché d'avoir fait une manifestation sans autorisation, pour autant aucune judiciaire n'a été donnée à cette arrestation. Il s'agit clairement d'une arrestation arbitraire ayant pour seul objectif l'intimidation.

    Un autre exemple de ce type, concerne la coalition des Indignés. En juillet 2019, le gouvernement a mis fin à la « concertation » qu'il menait avec les organisations de la société civile et les partis politiques d'opposition, sur la réforme de la Commission Électorale Indépendante (CEI). Il rend alors publique la proposition de loi qu'il compte soumettre aux votes des députés et sénateurs. Un certain nombre d'organisations de la société civile ont critiqué cette proposition, parmi elle la coalition des Indignés. Pour marquer son désaccord la coalition a décidé de faire un sit-in devant la CEI le 23 juillet, ce qu'ils ont annoncé publiquement. Or, peu de temps avant la date de leur action, ils sont invités par la CEI a une réunion, qui prendrait la place de leur action. Ils sont invités par courrier signé du Secrétaire permanent de la CEI : André Gogognon Zano5. Ils se rendent donc au rendez-vous, sauf qu'au lieu d'être reçus par le Secrétaire Permanent, ils sont reçus, d'après leur témoignage, par quatre chars et vingt-deux pick-ups de la police. Ils

    5 Nous avons pu consulter ce courrier lors de notre entretien avec des membres de la coalition, le 5

    février 2020

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    sont alors arrêtés et conduits à la préfecture de police d'Abobo. Ils sont relâchés le lendemain à 20h, après plus de 24h de détention.

    Lors de notre entretien avec Samba David6, le coordonnateur des Indignés, il a rappelé qu'à aucun moment il était prévu que le sit-in gène la circulation ou trouble l'ordre publique, de plus ils avaient informé toutes les autorités possibles de leur intention, jusqu'au Ministère de l'Intérieur.

    Lors de notre entretien avec lui, il nous a expliqué que la veille il avait eu le Préfet au téléphone et lui avait assuré qu'il n'y aurait pas de sit-in. Cette invitation était donc une excuse pour pouvoir les arrêter et ainsi les intimider.

    Les deux exemples que nous venons d'évoquer sont révélateurs du durcissement du régime à l'approche des élections. Dans les deux cas, les organisations critiquaient la politique du gouvernement concernant les élections à venir, ce que le pouvoir ne semble pas pouvoir supporter. Il s'agit bien de violations flagrantes de la liberté de manifester et de réunion. De plus, en ce qui concerne l'arrestation des membres de Tournons la Page, il est à noter que deux jours avant cela, des femmes ont défilé dans les rues d'Abidjan pour demander qu'Alassane Ouattara se représente à la Présidence, cette marche a bien évidemment été autorisée et encadrée par les forces de l'ordre.

    Enfin, le pouvoir ne se permet pas encore d'empêcher toutes manifestations puisque l'Église catholique de Côte d'Ivoire avait obtenu une autorisation pour une marche de la paix en février 2020. On notera cependant que cette marche a été annulée par ses organisateurs à cause de la polémique qu'a déclenché l'appel à y participer par le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). L'intrusion politicienne dans cette initiative a immédiatement donné lieu à de très vives tensions. Le pouvoir d'Alassane Ouattara, dont la base électorale est majoritairement musulmane, n'a quant à lui pas insisté sur sa capacité à assurer le bon déroulement de la marche.

    Après ce constat sombre sur la liberté de manifestation, il nous faut évoquer la situation de la liberté de réunion. Cette liberté est bien plus respectée que celle de manifestation, tant que cela n'a pas lieu sur l'espace public. Les organisations les plus ancrées que nous

    6 Entretien avec Samba David, Coordonnateur de la coalition les Indignés, le 5 février 2020

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    avons rencontrées peuvent tenir des réunions de sensibilisation et éducations aux droits humains sans être entravés. Il en va de même pour le mouvement citoyen « Ça suffit ».

    Liberté d'expression

    Toutes les personnes auxquelles nous avons demandé si la liberté d'expression était respectée en Côte d'Ivoire ont répondu non. De fait, de graves tendances sont à l'oeuvre venant fermer l'espace d'expression des ivoiriens

    La première est que certains sujets sont tabous, nous les avons évoqués dans notre partie sur les journalistes, ils sont sensiblement les mêmes pour les activistes : mutinerie, corruption, prisonniers politiques. On y ajoutera la vie politicienne ivoirienne, en effet tous les activistes que nous avons rencontrés nous ont affirmé se tenir le plus éloignés possible des questions politiciennes. Tous racontent calibrer leurs prises de paroles pour qu'elles ne puissent pas être interprétées comme partisanes. Cependant, il semble que cela soit impossible, en effet après l'arrestation de membres du mouvement de Guillaume Soro, Génération et Peuples Solidaires (GPS), et le retour avorté de ce dernier, la LIDHO et Amnesty Côte d'Ivoire ont publié des communiqués pour dénoncer les violations des droits humains de plusieurs personnes arrêtées. Les deux organisations ont été immédiatement associées à ce mouvement et accusées d'être partisanes. Pourtant, dans les deux cas les faits avaient été évoqués d'un point de vue purement juridique. Le Président de la LIDHO a même été contacté par une personne haut placée afin de discuter de ce communiqué et lui dire de « faire attention ».

    Un autre sujet tabou est récurrent : les prisonniers politiques de la crise post-électorale de 2010-2011. Nathalie Kouakou7, lors de son mandat de Présidente de la section ivoirienne d'Amnesty International entre 2013 et 2017, a beaucoup travaillé sur le sujet, ce qui lui a valu des représailles. Dans le cadre de son mandat, elle a fait part au public des résultats d'enquêtes menées sur les conditions de détention de ces prisonniers et sur le respect de leurs droits. À la suite d'une interview donnée à Radio Canada8, en 2016, sur les tortures subies par ces prisonniers, elle est convoquée, avec le Directeur général

    7 Entretien avec Nathalie Kouakou, Présidente de Vivre sans violence, ancienne Présidente de la

    section ivoirienne d'Amnesty International, le 14 février 2020

    8 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1002674/torture-injustice-cote-ivoire-amnistie-
    internationale

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    d'Amnesty, au Ministère des droits de l'Homme, où ils sont « auditionnés » pendant plusieurs heures. Cette interview a même déclenché une petite crise diplomatique, l'ambassade ivoirienne au Canada faisant savoir que cette interview lui a beaucoup déplu. Mais, bien plus grave que cela, ils apprennent ensuite par plusieurs sources personnelles et concordantes qu'une réunion a eu lieu au sein du Rassemblement des Républicains (RDR) - le parti d'origine d'Alassane Ouattara - afin d'évoquer leur élimination. Nathalie Kouakou profite alors d'une rencontre à Rome pour quitter le pays, elle reste ensuite un mois en Suisse, puis un mois au Sénégal. Elle finit par choisir de rentrer de peur de devenir une exilée, mais pas avant d'avoir alerté plusieurs ambassades occidentales de sa situation et de son retour.

    Cet exemple est parlant à plusieurs titres. Tout d'abord, il démontre la difficulté à aborder la question des prisonniers politiques et de la gestion post crise. Ensuite, il met en lumière le fait que le pouvoir d'Alassane Ouattara ne supporte pas de voir son image dégradée à l'internationale, son image internationale lui importe plus que celle nationale. Même s'il est impossible de savoir ce qui se serait passé si Nathalie Kouakou n'avait pas quitté la Côte d'Ivoire, il est tout de même très inquiétant de penser qu'une telle tentative se préparait et contre la Présidente d'une organisation, avec autant d'appui qu'Amnesty International. Cela démontrerait jusqu'où est prêt à aller le pouvoir pour faire taire ceux qui lui déplaise. Enfin, cela montre aussi les dilemmes auxquelles font face les activistes menacés, entre partir et rester. Ils doivent trouver le juste milieu entre se protéger et continuer la lutte, ainsi que la limite à ne pas franchir pour ne mettre en danger ni leur personne, ni leur cause.

    Bien que certains sujets soient très difficiles à aborder, les organisations de la société civile continuent à user de tous les moyens possibles pour faire connaître leur opinion sur l'état des droits humains en Côte d'Ivoire.

    Pour ce faire ils passent soit par les réseaux sociaux, soit par la presse. Selon le moyen choisit ils ne rencontrent pas les mêmes restriction et répression de leur liberté d'expression.

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    Sur les réseaux sociaux

    Le principal réseau social pour s'exprimer en Côte d'Ivoire reste Facebook. Les organisations ont donc des pages et profils publics dédiés sur ce réseau, ce qu'ils y publient et partagent peut-être vu par tout le monde.

    C'est donc sur ce réseau que le gouvernement opère la plus grande surveillance. Comme nous l'avons dit dans notre partie sur le cadre juridique ivoirien, une loi de 2017 permet de poursuivre pénalement une personne pour des propos tenus en ligne. Cette loi a été utilisée à plusieurs reprises pour faire taire des voix critiques.

    Fin 2018, un jeune homme, avec le pseudo de Carton Noir, est interpellé après avoir posté une vidéo dans laquelle des policiers commettraient une extorsion sur des civils. Depuis, il a été condamné à un an de prison en premier instance et deux ans en appel. Ces condamnations sont absolument disproportionnées et révèlent la complicité de l'appareil judiciaire avec celui exécutif. La corruption reste un immense tabou et la moindre dénonciation a de graves conséquences.

    Il nous a été rapporté lors de nos entretiens que le Procureur Général de la République, Richard Adou, serait personnellement sur Facebook et suivrait des pages d'organisations et de cyber-activistes. En 2018, à l'occasion d'une affaire d'appels à la haine ethnique, il avait affirmé que « tous les réseaux sociaux sont surveillés9 ». Le Procureur de la République est perçu comme entièrement à la solde du pouvoir et particulièrement sévère avec les critiques du pouvoir. Dans ce contexte, les activistes se sentent épiés et en danger.

    Ce sentiment d'être constamment épié a eu pour effet de faire naître le phénomène des avatars : plus aucun internaute ne publie sous son véritable nom, tous utilisent un faux nom de peur des représailles.

    Ce phénomène a une part obscure, il permet un harcèlement en ligne des activistes. Ce harcèlement prend la forme d'insultes et de menaces. Des menaces parfois graves et très violentes et à caractère sexiste lorsqu'il s'agit de femmes.

    9 https://www.yeclo.com/procureur-adou-reseaux-sociaux-sont-surveilles/

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    Ce harcèlement a le plus souvent lieu lorsqu'une publication est en lien avec un aspect de la vie politique ivoirienne. Le harcèlement est tout simplement habituel entre les adhérents de partis politiques rivaux. Ils ne font alors que reproduire la même technique d'intimidation envers les activistes qu'ils ne considèrent pas comme faisant partie de leur « camp ». Ainsi, la moindre critique envers un Homme politique ou la dénonciation d'un point de vue juridique du traitement de l'un d'entre eux par le pouvoir, sera immédiatement commentée de façon insultante et menaçante et l'auteur pourra aussi recevoir des messages privés du même ordre.

    Ces groupes en ligne sont une menace pour la liberté d'expression. S'ils ne sont pas directement la création du gouvernement, le RHDP - le parti présidentiel - a clairement les mêmes pratiques, qui profitent donc au pouvoir. Le Gouvernement et le Président devraient être bien au-dessus de cela, appeler à faire cesser ces pratiques et surtout donner l'exemple d'une façon de faire de la politique responsable et respectueuse.

    Enfin, l'État a l'obligation de garantir le droit à la liberté d'expression et les menaces en ligne ne devraient pas rester impunies.

    No-vox Côte d'Ivoire a publiée en décembre 2019 un rapport dénonçant la violation des droits d'une communauté en lien avec un projet de mine. No-Vox avait avant cela rendu publique la détention d'un des membres de cette communauté et le procès bâillon en cours contre lui. Or, ce projet de mine est celui de Henriette Lagou, ancienne Ministre sous Laurent Gbagbo, tout récemment nommée à la CEI. Après avoir rendu public le rapport, la Secrétaire Générale de No-Vox a reçu des menaces en ligne en lien avec son activité. Ses détracteurs allant jusqu'à menacer sa famille.

    Ces menaces sont clairement le fait de personnes ne supportant pas la mise en cause du pouvoir, il y a un certain endoctrinement à l'oeuvre qui empêche toute critique et tout débat. Ces réactions violentes qui visent les défenseurs des droits humains sont laissées totalement impunies.

    Si les réseaux sociaux sont utilisés pour leur instantanéité, les médias classiques restent sollicités par les organisations lors de leurs plus importants événements. Cependant, l'accès à ces médias n'est que partiel. Comme nous l'avons expliqué dans la partie consacrée aux journalistes, les médias sont loin d'être libres en Côte d'Ivoire.

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    Ainsi, lorsque nous avons interrogé les responsables d'organisations de la société civile, tous ont assuré qu'il est impossible de voir leurs actions relayées par la télévision publique et par le journal d'État Fraternité Matin. Seul Amnesty International est relayé par la radio publique. Certains nous ont raconté avoir déjà invité et payé le per diem des journalistes des médias d'État sans que rien ne soit publié ensuite.

    En ce qui concerne la presse écrite, les organisations les plus anciennes et établies ont un accès relativement facile aux journaux, surtout ceux de l'opposition mais parfois aussi du pouvoir.

    Les organisations plus récentes, comme les Indignés ou No Vox, peuvent faire passer leurs idées uniquement dans la presse écrite d'opposition, ou en ligne.

    Dans tous les cas et pour toutes les organisations, le paiement de per diem est incontournable.

    Le fait de n'avoir un accès que très limité aux médias vient en miroir limiter la liberté d'expression de ces organisations. Elles doivent choisir entre avoir un discours critique radical et ne jamais être publiée, ou délayer leur propos pour qu'il ne soit jamais une critique directe du gouvernement.

    La Liberté d'association

    La liberté d'association est relativement bien respectée en Côte d'Ivoire. La liberté d'association selon le droit ivoirien permet toute association entre individus à condition qu'elle ait une fin non lucrative. Pour respecter ce droit, l'Etat ne doit pas empêcher les activités des associations et doit leur permettre d'avoir une personnalité juridique si cela est souhaité. La personnalité juridique permet d'agir au nom de l'association.

    En Côte d'Ivoire, les associations sont déclarées en préfecture, celles-ci remettent ensuite un récépissé d'enregistrement. Cette étape est presque toujours respectée, les préfectures délivrant toujours un récépissé. Or, une étape supplémentaire est nécessaire, il s'agit de l'obtention d'un agrément. L'agrément nécessite une publication au Journal officiel, sauf que cela est presque toujours refusé. Nous n'avons rencontré qu'une seule organisation, Amnesty Côte d'Ivoire, avec un agrément, toutes les autres fonctionne seulement avec leur récépissé.

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    Si ces refus sont clairement des violations du droit d'association, d'autant qu'ils ne sont jamais justifiés, ils n'empêchent pas le fonctionnement des associations. Comme nous l'explique Arsène Nene, Président de l'APDH, le récépissé est tout à fait suffisant puisque le régime des associations reste déclaratif, elles doivent seulement être déclarées à l'État et non autorisées par lui.

    Pour conclure, il nous faut revenir à notre distinction initiale entre organisations plus anciennes et plus récentes. Les organisations les plus anciennes ont eu le temps se créer un réseau international, comprenant les institutions internationales, les chancelleries occidentales et les ONG internationales. Cela a deux conséquences, elles se sont institutionnalisées afin de correspondre aux normes établies par ces partenaires internationaux et elles sont beaucoup moins inquiétées par le pouvoir. Plusieurs responsables de ces organisations nous ont affirmés que leur sécurité dépendait principalement de leur bonne intégration à des réseaux internationaux. Ils se savent plus à l'abri que les organisations plus récentes de type « mouvement social », et encore plus que les activistes indépendants. De fait, ce sont ces derniers qui sont les plus exposés. Non seulement parce qu'ils tiennent des propos plus critiques envers le pouvoir, mais surtout parce qu'en cas de répression ils n'ont que peu de soutien international.

    Le pouvoir ivoirien cherche désespérément à maintenir une image de démocratie respectueuse des droits humains au niveau international. Comme expliqué précédemment, Alassane Ouattara est bien plus inquiet de l'opinion internationale que de celle de son peuple. De plus en plus d'organisations cherchent donc à intégrer des réseaux internationaux afin d'y trouver une forme de protection, peut-être au détriment de leur identité propre et de leur autonomie.

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    B. Les difficultés de mobilisation des OSC ivoiriennes

    Dans le cas d'une Côte d'ivoire qui sort d'un conflit civil qui l'a paralysé une décennie, la tentation de mesurer les « progrès » de la pacification et de la réconciliation en mettant en exergue les principales causes qui empêchent d'y parvenir pleinement est grande.

    Nous sommes pourtant avertis de la futilité d'une telle entreprise que Richard Banégas qualifie de normative et téléologique. Elle néglige trop souvent l'historicité des conjonctures de la crise ivoirienne et la complexité des situations de violence, qui ont produit tout autant qu'elles ont détruit de la relation sociale et du dialogue politique.

    En Côte d'Ivoire, ces longues années de rébellion et de « résistance patriotique » ont provoqué un bouleversement majeur des modalités d'action politique et citoyenne. On peut résumer ce bouleversement par un double processus. Tout d'abord la militarisation des luttes politiques autour des enjeux de la citoyenneté qui consacre le rôle des Hommes en armes comme « faiseurs de rois » au plus fort de la crise. Viens ensuite le phénomène de « milicianisation » de l'État et de la société qui fait du contrôle de la rue, la principale variable de l'accès au pouvoir et levier privilégié de décision politique.

    Désormais, pour être crédible dans la vie politique et citoyenne il faut désormais que les acteurs démontrent de leur capacité à mobiliser les citoyens et à « tenir le pavé », fut-ce par une violence armée que chaque ivoirien redoute. À l'instar des loubards et « vieux pères » du ghetto, chacun doit constituer son « gbonhi » (sa bande, son groupe ou sa famille en « nouchi », l'argot des faubourgs d'Abidjan) pour faire entendre sa voix ou se voir reconnaître dans la société (Banégas,2010). Mais avec l'explosion associative et le début de la mise en oeuvre de projets de développement la notion de « gbonhi associatif » se révèle. Mais, la consistance et la survie d'un « gbonhi associatif », au-delà de l'amitié et des valeurs que partagent bien souvent ses membres, dépend indéniablement de la capacité de celui-ci à permettre à ses membres de « bouffer ».

    Pardonnez mon langage qui peut paraître familier mais il est essentiel de le maintenir en l'état dans la mesure où il constitue un élément de langage partagé, accepté et inhérent aux actions de développement menées en Côte d'ivoire.

    Cette métaphore nous permet d'introduire le prochain objet d'étude qu'est la pratique du perdiem. Notion nécessitant d'être comprise par toute personne désirant contribuer

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    durablement au développement en Afrique. L'engagement associatif ivoirien plus qu'une opportunité sociale de contribuer, ou économique de gagner de l'argent constitue véritablement une opportunité physiologique, celle de manger.

    Le gombo, la clef de voûte du développement en Côte d'ivoire

    Figure 25 : Photo de gombos sur un marché et préparés en sauce (wikipédia,2020)

    Le gombo est un petit légume vert rugueux cueilli sur une plante du même nom. Ecrasé, ce légume produit une pâte gluante qui sert comme ingrédient de soupe, très succulent et très prisé dans certaines sociétés africaines. On dit souvent que la caractéristique gluante du gombo favorise la déglutition de l'aliment avec lequel sa soupe est accompagnée, ce qui facilite la digestion (Gnonzion,2012).

    Par un processus linguistique de créativité lexicale, mais par changement de sens, le gombo, aliment dont la caractéristique gluante favorise et adouci la déglutition et la digestion, est arrivé à symboliser toute ressource financière parallèle et acquise en dehors du salaire officiel. Tout comme le gombo au sens propre, à savoir le légume vert, favorise la déglutition et la digestion, le gombo au sens figuré, à savoir la somme d'argent acquise « sous la table », en dehors du salaire officiel, « arrondie » les fins de mois.

    Compte tenu de la paupérisation généralisée et des salaires sensiblement bas dans les administrations publiques, la course aux « gombos » semble être croissante au fil des années, depuis la période des ajustements structuraux de la Banque Mondiale, et peut-être même avant, jusqu'à aujourd'hui (Gnonzion,2012). Appliqués au domaine des actions de développement, les gombos sont des sommes acquises par des participants à une action mise en oeuvre dans le cadre d'un projet.

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    Du gombo au perdiem.

    Si l'attrait du gombo n'est plus une valeur publiquement assumable, le perdiem, qui désigne une compensation financière donnée à une personne pour une collaboration, une disponibilité ou tout autre service, s'est démocratisé. C'est ainsi qu'on donnera des perdiems à chacun des conférenciers qu'on invite pour un colloque ou des participants à un atelier, un focus groupe etc.

    Ce phénomène n'est pas propre aux seuls bénéficiaires d'actions ni aux bénéficiaires finaux des projets. Lors des stages ou séminaires internationaux organisés par des associations partenaires, par exemple, on prévoit des perdiems pour les participants provenant souvent des organisations locales de deuxième niveau, afin de les aider à faire face aux besoins (nourriture, transport, logement) que leur déplacement aura suscité (Gnonzion,2012).

    Jusqu'à maintenant, et bien que le perdiem soit soldé de manière tout à fait transparente, il n'échappe pas au tabou originel de son essence à savoir la rétribution monétaire d'une action qui devrait être issue des logiques altruistes, volontaristes et non de la logique pécuniaire. Il est donc très fréquent que l'usage d'une périphérie sémantique qu'est « le paiement du transport » ne soit utilisé par un participant au moment de son départ (Gnonzion,2012).

    Finalement, malgré le processus de réconciliation et la reprise économique, les Ivoriens ne sont toujours pas parvenu, à l'étape de leur Histoire où l'intérêt et l'action collective désintéressée constituent le socle de leur engagement. Ainsi, la capacité d'une structure à rétribuer l'engagement des personnes à leur cause, constitue une valeur socle de l'engagement des ivoiriens.

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    C. Les enjeux de la professionnalisation des OSC ivoiriennes Le renforcement des capacités et le transfert de compétences

    Le renforcement de capacités doit être considéré et conçu comme un processus qui vise à faciliter la consolidation, conjointement avec les acteurs, de leurs capacités pour leur permettre d'évoluer et s'adapter aux nouvelles exigences du contexte afin de jouer le rôle qui leur appartient dans un schéma/modèle de partenariat, dans la mesure où il se focalise sur trois dimensions :

    · La dimension du renforcement des compétences individuelles où les questions liées au leadership stratégique sont également traitées ;

    · La dimension de l'organisation avec une attention particulière aux aspects de l'identité, ainsi que les critères d'efficacité et d'efficience ;

    · La dimension du renforcement relationnel et du contexte où les questions primordiales sont celles du développement de compétences et de capacités pour la collaboration avec d'autres acteurs et l'élaboration d'un cadre juridique et institutionnel adapté aux besoins des organisations et aux exigences en matière de participation à la gestion des politiques publiques. L'environnement est conçu ainsi non seulement comme un facteur conditionnant (de manière positive ou négative) les possibilités de renforcement institutionnel des acteurs, mais aussi comme élément que l'on peut aspirer à transformer.

    Cette définition opérationnelle se fonde sur certains principes de base de l'analyse des acteurs au cours de l'exercice de mapping réalisés par Maurizio Floridi et Stefano Verdecchia, à savoir :

    · Le développement de capacités est une affaire de dynamisation de l'apprentissage plutôt que de transfert de connaissances. La question de l'appropriation est alors si ce n'est centrale, fondamentale ;

    · Le point de départ du renforcement des capacités est de construire sur ce qui existe déjà ;

    ·

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    Le renforcement des capacités doit viser l'apprentissage durable et reconnaître que les solutions types n'existent pas. Chaque initiative doit être considérée dans son contexte et conçue en fonction des besoins spécifiques.

    · Il convient de faire la différence entre l'appui aux organisations de la société civile (dont le but principal est celui de développer leurs capacités) et l'appui à travers/via les organisations de la société civile (approche selon laquelle les bailleurs appuient les activités mises en oeuvre par les OSC dans plusieurs domaines : prestation de services, actions de gouvernance, d'éducation civique et plaidoyer, etc.)

    De ces principes se décline une série de conditions requises pour l'aide en matière de renforcement de capacités ;

    · Toute initiative doit être fondée sur une analyse de la situation actuelle. Le personnel des OSC doit être impliqué dans ces analyses, car il est responsable du changement créé, et pour cela il doit reconnaître ses propres besoins. Le développement des capacités est donc orienté par la demande ;

    · Les objectifs et méthodes varient en fonction de chaque environnement considéré, et chaque dimension (individuelle, organisationnelle et institutionnelle) ;

    · Le développement des capacités ne consiste pas à envoyer une assistance technique, il consiste à libérer le potentiel déjà existant

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    De la modélisation du renforcement de capacités

    Figure 26 : modélisation du renforcement de capacités (UE, 2010)

    Comme on peut le constater, ce modèle de renforcement de capacités se base sur trois niveaux : le niveau du renforcement des compétences individuelles où les questions liées au leadership stratégique sont également traitées ; le niveau de l'organisation avec une attention particulière aux aspects de l'identité ainsi que les critères d'efficacité et d'efficience ; et le niveau du renforcement institutionnel ou du secteur où la question primordiale est celle du développement de compétences et des capacités pour la collaboration avec les autres organisations agissant dans le même secteur.

    Nous allons maintenant mettre en avant les nécessités prioritaires en termes de renforcement de capacités des organisations de base ainsi que de deuxième et troisième niveau selon le modèle que nous venons de vous présenter.

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    Axes prioritaires de renforcement des capacités des Organisations de base

    Les organisations de bases sont très souvent situées en milieu rural ou dans les quartiers défavorisés des zones urbaines. Ses membres, paysans pour la plupart, ne disposent très souvent que d'un faible niveau d'instruction. De ce fait la préparation des membres des organisations de base (OB) aux activités réalisés (atelier, focus groupe etc.) est faible. Bien souvent la finalité d'une organisation de base n'est pas unanime et des divergences existent parmi ses membres pour diverses raisons (rivalité foncière, conflit interpersonnel sous-jacent, etc.). Le respect des textes et règlements nécessaire au bon fonctionnement associatif n'est pas permis dans la mesure où ils ne sont pas régulièrement consultés.

    Le problème intrinsèque des organisations de bases est le défaut d'instruction et d'éducation civique de leurs membres. La plupart d'entre eux, dont l'instruction ne dépasse pas le premier cycle ne disposent la plupart du temps ni du temps, ni des compétences nécessaires à la pratique du développement local tel qu'il est fait actuellement. Sans une politique éducative nationale plus forte ou complétée par une éducation citoyenne préalable à l'exercice associatif, les membres des organisations de bases ne pourront être force de proposition. Aussi peut-on penser à d'autres moyens de communication et de capitalisation de l'information innovants et nécessaire à la mémoire et à l'accumulation d'expériences collectives. Cependant, la mise en oeuvre d'un processus de réflexion de ce type nécessite la participation d'organisations de deuxième niveau dont ce n'est pas la priorité.

    L'identification et la cartographie des organisations de bases demeurent imprécises dans la mesure où l'existence d'un groupe, plus que l'origine de sa création et sa vocation est considéré comme une fin en soi par les acteurs de niveau supérieur. Du fait du manque de compétences et du manque d'informations relatives aux subventions associatives, les organisations de bases ont des capacités financières limitées et une forte dépendance aux organisations de niveau supérieur, interface principale des bailleurs.

    La corruption généralisée présente dans le pays depuis son fondement n'épargne pas la sphère associative. Celle-ci démocratisée par la célèbre maxime d'Houphouët-Boigny qui dit « qu'on ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille des arachides ». Très appréciée

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    des ivoiriens, l'arachide grillé, présente à chaque coin de rue est la plupart du temps vendue par des femmes dioulas. Par cette métaphore qui admet que la tentation du grilleur d'arachide de consommer une part de sa propre production est légitime, et que sa prédation est acceptable, F.Houphouët-Boigny a démocratisé la corruption généralisée ivoirienne. Une conséquence directe de ce phénomène pour les associations est très souvent relative à un défaut de gestion. Celui-ci peut mener à une absence de démocratie et de participation au sein du groupement voir à des détournements de ressources matérielles et financières (Floridi et Verdecchia,2010).

    La faible instruction des membres des organisations des bases ne permet pas la capitalisation autonome de leurs actions. Cela ne permet pas l'accumulation d'expérience nécessaire à l'autonomie de ces OB et les rend d'autant plus tributaires des organisations de deuxième niveau avec lesquelles elles collaborent.

    D'autres problématiques plus logistiques concernent l'absence de matériel, sa vétusté s'il est présent, sa difficulté d'approvisionnement et de présences des partenaires en raison d'axes de circulation en mauvais état.

    La dissymétrie de compétences et de visibilité entre les organisations de base et les ONG présentes pour l'ensemble à Abidjan, mène à une logique de coopération « Top down » (descendante) des organisations de second niveau. La plupart du temps celles-ci imposent des projets plus « bankable » que nécessaires et souhaités par les organisations qui n'ont pas le luxe du refus. Les organisations de second niveau en charge de la capitalisation et de la veille informative et pécuniaire des organisations de base sont cependant occupées par leurs propres activités et ne s'investissent pas outre l'obtention d'un financement dédié.

    En l'état, les organisations de base n'ont que très peu de chances de transcender leur condition de bénéficiaire pour parvenir à devenir des parties prenantes actives de leur développement. Le renforcement de compétences organisationnelles doit alors mener à l'évolution de ces organisations de base en organisation de second niveau mais les contraintes individuelles constituent le principal frein à cette évolution. La mise à disposition de « micro-fonds associatif » à destination de groupes plus nucléaires au sein des espaces ruraux peut être une piste de réflexion pour permettre aux bénéficiaires de

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    se familiariser à la gestion financière dans le cadre de projet. Le renforcement de la capacité d'innovation organisationnelle reste cependant la priorité. Le modèle de l'organisation de base ne semble pas être une formule adéquate à l'autonomisation de ses membres et des citoyens ruraux. Il faut donc requestionner ce modèle avec des acteurs locaux dont le modèle actuel de développement local n'est pas en adéquation avec leur désir de changement.

    Sur le plan sectoriel, l'ensemble des organisations de bases sont holistiquement considérées. Cette représentation est la conséquence de l'existence des organisations de deuxième niveau, interfaces entre les problématiques locales et les fonds nationaux et internationaux. En l'absence d'une décentralisation opérationnelle et efficace, ces organisations ne bénéficient très souvent, ni de fonds locaux ni de l'aval des autorités politiques locales, qui ne perçoivent les OSC qu'à travers la menace politique qu'elles représentent.

    L'accélération du processus de décentralisation apparaît comme la condition sine qua non de l'efficacité durable, pérenne et visible de l'action des organisations de bases.

    Axe prioritaire de renforcement des capacités des organisations de deuxième niveau

    Les organisations de deuxième niveau telles que No-vox Côte d'ivoire sont souvent confrontées à des problèmes structuraux relatifs aux ressources humaines. Le personnel, y est souvent intermittent selon les financements disponibles pour la mise en oeuvre de projets. Bien que la majorité des membres de ces organisations soit instruite et éduquée, elle ne bénéficie pas d'une formation spécifique à la mise en oeuvre de projet. Seuls quelques leaders associatifs ont une connaissance globale du contexte et des enjeux posés par les actions de leurs associations. Dans le cadre des associations de défenses des droits humains, certains acteurs associatifs se constituent en véritables « activistes » politique.

    Les organisations de deuxième niveau pour être pleinement efficace ont un besoin conséquent de personnel qualifié. La mise en oeuvre du cycle de projet de la conception à l'évaluation, ainsi que la recherche de financement et le montage de projets nécessitent des compétences professionnelles. La technocratisation internationale associative a vu les

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    différents outils nécessaires à l'obtention de financement évoluer et se complexifier pour les profanes du développement.

    Dans la majorité des cas de coopérations entre des organisations de deuxième niveau et des partenaires associatifs internationaux, les OSC ivoiriennes abordent la posture d'une organisation de base. Cette attitude apparait comme celle d'un complexe. Ce complexe, consiste en une intériorisation des désaccords et des ressentiments et en une infériorisation des compétences et des connaissances des acteurs associatifs ivoirien. Cette situation induite par la logique de nécessité pécuniaire qui se rapporte aux projets et aux partenariats, mène à un décalage subtil entre les coopérants qui créé un sentiment amer en fin de projet. La faute souvent à une incompréhension « qu'on évitera une prochaine fois ! »

    Lorsque deux chargés de projet de développement (durable) et de solidarité internationale ivoiriens et français sont en partenariat sur un projet, ce sont bien deux mondes qui entrent en collision. Les chargés de projet en France, disposent d'une spécialisation (communication, projets agricoles, droits humains, etc.) mais ont en commun de comprendre et de maitriser un ensemble d'outils indispensables à toutes mises en oeuvre de cycle de projet. Dans la plupart des OSC ivoiriennes de deuxième niveau, la gestion de projet est assurée par les principaux leaders de la structure. Ils ont divers profils, des militants qui par leurs forces de mobilisation sont parvenu à obtenir un partenariat international aux jeunes diplômés en sciences sociales dans l'attente d'une insertion professionnelle. Au coeur de cette relation partenariale « égalitaire » l'équité est bien à remettre en question. La maitrise des outils et du vocable des appels à projets s'avère être un véritable blocage pour des acteurs ivoiriens ne parvenant pas à faire comprendre les subtilités ou « réalités » d'un terrain dont le concepteur principal du projet est éloigné. Il apparait donc impératif de mettre en oeuvre des dispositifs concernant la création de plus de formations en gestion de projet de développement et de solidarité internationale permettant aux gestionnaires de projets présent au sein des OSC ivoiriennes de pouvoir disposer des mêmes capacités que leurs homologues internationaux. En revanche, si de nombreux ivoiriens sont formés à la gestion de projet en Solidarité Internationale et en Développement Durable, il faut qu'une solution politique soit apportée concernant leur employabilité. Cela serait bénéfique car les

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    acteurs associatifs disposeraient d'une sécurité financière qui leur permettrait d'être consacrés aux actions des OSC. Ils auraient également plus de recul sur ce qu'ils veulent faire et non ce qu'ils doivent faire pour obtenir des financements. Cela pourrait contribuer à l'affaiblissement de la « dérive généraliste » des OSC ivoiriennes. De plus, bénéficier d'une part plus importante de personnels du développement qualifiés aurait une incidence sur le complexe évoqué précédemment. C'est seulement formé et confiant que le chargé de projet ivoirien parviendra à mettre en oeuvre des actions autant efficaces sur le plan de la logistique que de la symbolique.

    Il existe une fracture entre les OSC de deuxième niveau, en termes d'approche et de vision (développement/urgence ; Politique/bien commun etc.), mais également avec les organisations de base. Le manque de temps d'investissement possible et de capacité de planification met en péril la propension des structures à s'interroger sur leurs valeurs et missions, leurs visions du futur et leurs positionnements stratégiques. Les organisations évoluent souvent sans direction claire, selon les opportunités du contexte, dictées par les politiques des bailleurs de fonds et par le contexte dominant qui est celui de l'humanitaire. La question du leadership efficace se pose à différents niveaux, en raison de l'inexpérience de certains dirigeants d'OSC. Les structures de gouvernance interne ne fonctionnent pas toujours selon des règles démocratiques et souvent les conflits qui en découlent peuvent paralyser les activités ordinaires. Les OSC de deuxième niveau sont confrontées à une situation presque généralisée de « précarité » en termes de ressources matériels disponibles. Exception faite de quelques structures, il n'y a pas de systèmes « professionnels » de gestion visant l'efficacité et l'efficience des activités.

    Trop souvent, les OSC sont fortement personnalisées, sans une vraie délégation de pouvoir et sans un vrai partage de responsabilités. Les procédures sont rarement explicitées et les manuels pour la gestion des ressources financières, matérielles et humaines sont encore une exception. « La dérive généraliste des OSC ivoiriennes » entraine un faible niveau de spécialisation de celles-ci. Un bon nombre d'organisations dites « de lutte contre la pauvreté » n'ont pas de périmètre d'action défini et change de mission selon les diverses opportunités de financement offertes par les bailleurs de fonds, notamment dans l'humanitaire.

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    En définitive on peut remarquer la faible capacitée d'innovation organisationnelle des OSC de deuxième niveau, notamment en matière d'approches participatives visant à se structurer et à accompagner les acteurs à la base. Encore une fois il s'agit d'un défaut de formation mais cette fois-ci des leaders associatifs dont la position acquise par un engagement exemplaire et de longue durée souffre de la concurrence des compétences de membres qui peuvent parfois constituer une « menace ».

    La position de leader associatif est la plus délicate à tenir sur l'échiquier du développement ivoirien. Si la légitimité nécessaire à la fonction s'est obtenue à travers la lutte, elle le fut au prix de l'acquisition des compétences nécessaires à la gestion de l'association dont ils ont la charge. Les phénomènes d'instrumentalisation politique et de « mercenariat » associatif ont eu pour conséquences de développer la partition des taches données par un leader aux membres. Si dans le cas d'une association possédant des salariés, chacun est assigné à une tâche et peut bénéficier du soutien éventuel des autres membres de la structure, dans le cas d'une OSC ivoirienne de deuxième niveau le leader confit des morceaux de tâche à certains membres disponibles. La responsabilité finale lui revient toujours et il ne peut blâmer tout manquement à l'exécution des taches sous peine de perdre ses membres en raison de « l'absence de respect et de considération » envers leur engagement. De plus, le leadership est souvent effectué à titre bénévole et ne permet pas aux leaders de vivre de leur engagement. La formation et la professionnalisation de ces leaders associatifs est plus que jamais nécessaire car sans celle-ci la structuration et la gestion de ces OSC de deuxième niveau ne permettra la mise en oeuvre de cycles de développement vertueux.

    D'un point de vue sectoriel, les principales carences des OSC de deuxième niveau concernent le manque de capacités des leaders à créer un dynamique de confiance et d'unité au sein de leurs structures. La segmentation de l'information est un enjeu vital dans un contexte où l'action associative peut être motif d'intimidations et de sanctions pénales. On observe également que l'absence d'un code de conduite ou d'une charte déontologique coercitive ne permet pas aux structures de s'appuyer sur un texte pour arbitrer les conflits et sanctionner ses membres, ce qui peut susciter le sentiment chez les membres, d'une justice arbitraire du leader.

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    On peut également souligner l'absence d'espaces effectifs suffisamment participatifs pour échapper au phénomène des « dictateurs éclairés » et promouvoir les échanges et la concertation. Un défaut de transparence du leadership au sein des structures a pour conséquence la faible circulation de l'information favorisant la présence de litiges entre membres.

    Axe prioritaire de renforcement des capacités des Organisation de troisième niveau

    Les OSC de troisième niveau sont constituées par des structures telles que les coalitions associatives, les fédérations ou encore les réseaux associatifs dont le leadership est assuré par d'anciens leaders d'OSC de deuxième niveau. Ces leaders sont par ailleurs encore actifs parmi les OSC de deuxième niveau. Les compétences techniques requises pour le dialogue avec le gouvernement et les bailleurs de fonds sur les stratégies de développement sont exclusivement mis à la disposition de la prestation de services et de la recherche de financements pour les organisations membres. Ces organisations ont une organisation et une gouvernance similaire aux OSC de deuxième niveau reposant essentiellement sur la personnalisation du pouvoir par le leader.

    Sur le plan organisationnel, l'absence d'une vision partagée des stratégies de développement à mettre en oeuvre pour l'avenir du pays et d'une mission claire pour ces organisations a pour conséquence la précipitation de celles-ci privilégiant l'urgence humanitaire au détriment d'actions de développement pour la recherche de financements.

    Ces organisations disposant pour la majorité de ressources humaines, matérielles et financières similaires aux OSC de deuxième niveau, en viennent également à en adopter les mêmes logiques de fonctionnement. Elles s'écartent ainsi de leur fonction première de plateforme au service de ses membres. De ce fait la distance entre les « élites associatives » et les membres à la base augmente.

    Si les OSC de troisième niveau permettent le partage d'informations et la rencontre entre ses membres, elle ne garantit pourtant pas leur unité. Souvent les organisations membres des organisations faîtières se perçoivent comme des concurrents aux financements internationaux et à l'accès aux réseaux de partenaires et de bailleurs.

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    Le manque d'expérience de travail en réseau et de maitrise des méthodes et outils adaptés aux besoins ne facilite pas la mise en oeuvre des projets.

    La faible existence d'un quatrième niveau d'OSC ne permet aux leaders associatifs de bénéficier de « personnalités-pont » qui permettraient de faciliter la coopération entre les services de l'Etat et les citoyens engagés. En définitive les leaders des associations de troisième niveau devraient avoir pour mission la seule représentation de ses membres. Or l'absence d'institutions de quatrième niveau légitime au dialogue avec les ministères et les grandes institutions internationales ainsi que de l'autonomisation des organisations de base et OSC de deuxième niveau ne permet pas aux organisations de troisième niveau d'effectuer leur rôle de plateforme dédiée aux membres et d'interface avec les acteurs institutionnels ivoirien.

    C'est principalement sur les aspects présentés ci-dessus que devra être mis la priorité des actions de renforcement des capacités des acteurs de la société civile et leurs partenaires afin de faire progresser la qualité générale des actions de développement en Côte d'ivoire.

    La décentralisation

    Il est indéniable que la société civile ivoirienne a un rôle primordial à jouer dans la construction et la gestion de l'espace public et civique, et ce aux différents échelons : national, régional et communal.

    Dans ce contexte, la décentralisation représente une grande opportunité pour le pays d'intégrer la société civile dans ce processus grâce à la contribution qu'elle pourrait offrir non seulement pour que le dispositif puisse être efficace mais de manière plus générale pour l'instauration d'un véritable Etat de droit.

    La décentralisation pour être achevée et efficiente nécessite un changement de mentalités et d'approches dans la gestion de l'espace public qui est avant tout lieu de rencontre et de dialogue politique, notamment au niveau local. On peut dès lors affirmer que le processus d'appropriation de la part des populations et des forces vives et actives, de la société civile dans le territoire est un laboratoire formidable, d'une part, pour apprendre à considérer

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    la chose publique comme une affaire universelle, et d'autre part comme un facteur d'accélération du processus de production du leadership au sein de la société civile.

    Bien évidemment, il s'agit de faire en sorte que les différents acteurs participent à la gestion de cet espace au travers de la production de règles et modes de fonctionnement propres à la démocratie communales selon une logique relationnelle élus-électeurs qui est avant tout politique. Et ensuite il faudra passer par une étape qui consiste à construire tout d'abord une nouvelle identité de l'espace délimitée par le dispositif de la décentralisation, où chaque acteur sera appelé à jouer le rôle qui lui est propre, ce qui comporte un exercice de redéfinition des relations économiques, sociales et culturelles, et dans un deuxième temps à gérer ce nouvel espace.

    Dans ce cadre, il revient à la société civile et à ses organisations de base ainsi que celles vouées à l'appui et l'accompagnement d'autres , le rôle de dépasser la logique purement administrative du dispositif de la décentralisation pour être un acteur actif et pour remplir de contenus pertinents les plans locaux de développement selon l'exercice de la responsabilité sociale et de l'intérêt collectif et dans une logique de co-gouvernance.

    La gestion de l'espace local, la création de son identité et la démocratie locale ne peuvent pas se faire par décret ministériel mais bien au travers de la mobilisation et de la canalisation de l'énergie sociale dans la solution des problèmes du territoire local et dans l'élimination des contraintes qui entravent le développement social et économique.

    Pour ce faire, les organisations de la société civile doivent promouvoir le dialogue social et politique avec tous les autres acteurs (administration et secteur privé) en exerçant leurs droits et devoirs, ce qui est à la base de la notion de citoyenneté.

    En effet, à travers la décentralisation la vie publique du pays s'enrichit d'une arène dans laquelle les différents acteurs locaux peuvent se rencontrer pour définir leur propre avenir au travers de la définition de politiques et stratégies pour atteindre le développement durable de leur propre territoire.

    Le processus de décentralisation amène l'ensemble des acteurs concernés à se poser des questions par rapport au développement local. Ces questionnements se justifient au regard de la volonté affichée des communes d'accéder à des financements publics et à des investissements privés.

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    Dans un tel contexte, les collectivités locales ont intérêt à élaborer un plan de développement et à inscrire leurs actions dans le cadre de la réalisation de ce plan qui devient un cadre de référence pour les acteurs concernés et un cadre de négociation pour les intervenants externes. Finalement le développement local devient « un processus d'enrichissement économique, social et culturel de la commune ».

    La localité, doit donc impulser le processus de décentralisation et veiller à une meilleure coordination du développement au sein de son territoire. La commune peut devenir ainsi le moteur du développement communal à condition que tous les acteurs locaux y soient impliqués.

    Cette conditionnalité est directement liée à la question de la fiscalité : les populations d'une commune s'attendent à recevoir des services de leur municipalité. Mais elles ont également le devoir de contribuer aux recettes des communes à travers le paiement des taxes et impôts. Les organes des municipalités ont donc intérêt à répondre aux besoins et aspirations de leurs populations pour respecter leurs promesses électorales d'une part et pour respecter une prescription légale vis à vis de la tutelle. Dans ces conditions, la commune doit élaborer son plan de développement communal.

    L'élaboration de ce plan de développement locale relève de la responsabilité de la commune. En principe, l'élaboration de ce plan doit commencer et s'achever par une décision du conseil municipal. Mais pour que ce plan puisse répondre aux besoins et aspirations des populations, ces communes doivent associer l'ensemble des acteurs concernés.

    Les acteurs, formels ou informels, de la société civile sont des partenaires fondamentaux des communes en matière de développement local vu qu'ils ont un ancrage social et une connaissance approfondie de leur territoire. La commune a donc intérêt à exploiter ce potentiel de développement en encourageant la participation mais aussi en les responsabilisant dans la mise en oeuvre de plans communaux de développement (principe de subsidiarité) (Floridi et Verdecchia,2010).

    Enfin, la décentralisation représente une des portes d'entrée pour tenter de briser le cercle vicieux de la « sortie de la crise » et commencer à inventer le futur. Bien

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    évidemment en passant par la notion clef de citoyenneté dans le contexte qui lui est le plus adéquat : la gestion de l'espace public.

    En définitive l'ensemble des défis auxquelles fait face la société civile ivoirienne ne seront surmontable que si les leaders politiques ivoiriens parviennent à fédérer l'ensemble des ivoiriens et à proposer un cadre politique, législatif et technique propice à une action efficiente de la société civile.

    Nous allons maintenant nous intéresser à la stratégie mise en oeuvre par le Rwanda pour l'action de sa société civile en matière de développement.

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    2. Recontextualisation de l'action des OSC en Afrique

    A. Comparaison avec le modèle rwandais

    Il s'agira ici de comparer les dynamiques des sociétés civiles ivoiriennes et rwandaises en matière d'atteinte des ODD. Le choix du comparatif avec le Rwanda est motivé par le fait que ce pays est considéré par les acteurs associatifs ivoiriens et ouest africains comme le modèle à suivre en matière de développement africain. De plus la Cote d'ivoire et le Rwanda partage des similitudes qui nous permettent de comparer leurs politiques publiques en matière de développement.

    Le Rwanda est un pays qui a d'abord été colonisé par les Allemands ensuite par les Belges et ce jusqu'à son indépendance en 1962. L'indépendance est suivie par l'instauration de la première République hutue de 1962 à 1973, et la seconde de 1973 à 1994. Au début des années 90, le pays est le théâtre d'une guerre civile qui oppose le régime d'Habyarimana au Front Patriotique Rwandais (FPR), mouvement politique créé par des réfugiés tutsis en exil, et qui donna lieu au génocide de 1994. Ce dernier est considéré comme l'un des évènements les plus violents du 20ème siècle et de l'histoire contemporaine.

    Depuis la fin du génocide, le pays est dirigé par le FPR et son président Paul Kagame. En 25 ans, le pays a réalisé de nombreuses avancées sociétales. Selon les autorités, cela s'explique par «la création d'emplois dans le secteur non agricole, la croissance de la production agricole et un degré accru de commercialisation de l'agriculture ». En outre, le gouvernement a initié une transition démocratique avec la mise en place d'élections locales en 1999, suivi en 2003 par les élections parlementaires et présidentielles. Malgré ces progrès, le pays est confronté à divers défis que partage actuellement la Côte d'ivoire. (Swinnen, 2019)

    Le premier est celui de la gestion des traumatismes engendrés par la guerre civile (1990 -1994) et le génocide ainsi que la réconciliation entre les Rwandais. Ces derniers sont encore choqués par cette période et souffrent de séquelles physiques et/ou psychiques. L'UNICEF évoque une « génération traumatisée » dans son rapport de 1995. Les personnes présentes comme absentes au moment des faits vivent dans la crainte que les évènements se répètent. La particularité du génocide des tutsis est qu'il s'agit d'un

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    génocide de proximité, perpétré à l'intérieur du cercle social par des membres de ce cercle. Cela a eu pour conséquence de briser le lien social qui unissait le peuple rwandais. A l'heure actuelle, il est essentiel pour les autorités de traiter en priorité la question du « vivre ensemble » et de la réconciliation nationale.

    Le second concerne la forte croissance démographique. En 2017, la population comptait de 12 208 000 habitants, c'est-à-dire près de 498 personnes par km2 (Banque mondiale, 2019). Selon l'étude prospective des Nations Unies de 2017, la population rwandaise devrait doubler d'ici 32 ans (variante de fécondité élevée), d'ici 40 ans (variante de fécondité moyenne) et d'ici 42 ans (variante de fécondité faible). Cependant les progrès effectués restent considérables. En 1994, le taux de fécondité est de 6 enfants par femme, et en 2016 de 4 enfants par femme, il y a donc eu une baisse du taux de fécondité de 38,57% en l'espace de 22 ans (BM, 2019). Mais comme en Côte d'ivoire, il s'agit d'une population jeune : les moins de 25 ans représentent 60,45% de la population totale. Au cours de ces dernières années, la pression démographique a été un facteur déclencheur de conflits dans plusieurs pays africains, la rareté des ressources intensifiant la concurrence et exacerbant les tensions entre ethnies, religions et régions. Le clivage intergénérationnel s'est également accentué lorsque les jeunes ont compris les limites de la gérontocratie, à savoir la préemption des biens du pays et des postes de pouvoir par une part de la population vieillissante et plus en accord avec l'essentiel de la population.

    Le troisième défi est lié à la qualité de l'éducation nationale. Les autorités ont fortement encouragé la scolarisation, et le taux de diplômés est en augmentation. Malheureusement, l'éducation offerte n'est pas de bonne qualité. Beaucoup d'universitaires ne trouvent pas d'emploi, soit parce qu'ils n'ont pas les compétences requises soit parce que le marché de l'emploi n'est pas adapté à l'offre croissante de main-d'oeuvre qualifiée. En 2017, le taux de chômage représentait 17,36% de la force de travail (BM, 2019). En parallèle, la dernière évaluation intégrée des conditions de vie des ménages pour la période 2016/17 révèle que le taux de pauvreté est de 38,2%, dont 16% de pauvreté extrême, et le coefficient de Gini est de 0.429. Il n'y a pas eu de changement significatif par rapport à l'évaluation précédente comme ce fut le cas entre 2010/11 et 2013/14.

    L'avant-dernier défi est relatif à la ruralité de la société rwandaise. En effet, 80 % de la population vit de l'agriculture. Cependant, le foncier est en tension car il est de plus en

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    plus difficile de trouver des terres arables disponibles. Couplé à l'augmentation de la population, cela déclenche une recrudescence des conflits fonciers. En 2005, les autorités ont promulgué un ensemble de lois foncières dans le but de sécuriser la propriété et de faciliter les transactions foncières. Cette formalisation est à double tranchant, car la titrisation des terres, l'absence de reconnaissance des parcelles dont la taille est inférieure à un hectare et le manque de restriction concernant la taille maximale favorisent les gros investisseurs en augmentant leurs pouvoirs de négociation. Cela fragilise dans le même temps la position des petits exploitants. Dans le pire des cas, cela pourrait encourager l'accaparement des terres. En 2007, les autorités lancent un nouveau programme d'intensification de la production agricole pour assurer la sécurité alimentaire et atteindre l'autosuffisance alimentaire. Le programme d'intensification agricole, qui promeut la monoculture, identifie six cultures prioritaires orientées vers le marché international et à haute valeur ajoutée.

    Le dernier défi porte sur le régime politique et ses carences démocratiques. Au pouvoir depuis 2000, le président Kagame a été élu en 2017 pour un 3ème mandat grâce à la modification de la Constitution. Bien que se revendiquant démocratique, le Rwanda s'apparente à un régime autoritaire. Le caractère démocratique des élections a été remis en cause à plusieurs reprises étant donné les résultats surprenants : depuis l'instauration des élections, le président et son parti ont été élus avec plus de 90% des voix.

    La démocratie, comme projet sans cesse à construire, implique la liberté d'opinion, le respect des droits des minorités, la confrontation pacifique des intérêts, la liberté d'organisation, l'État de droit, la responsabilité des gouvernants, etc. Cela suppose pouvoirs et contre-pouvoirs et donc un espace libre, celui d'une société civile forte, indépendante du pouvoir de l'État et de celui de l'économie (de l'argent). Ce qui n'est actuellement pas le cas selon plusieurs défenseurs des droits humains. En effet, les autorités politiques ne tolèrent que très peu les critiques qui peuvent émaner des acteurs de la société civile. Les libertés d'expression, de presse et d'association sont très contrôlées et de fait limité. Le FPR fait régner un climat de peur et de surveillance qui empêche les citoyens de critiquer ouvertement les politiques mises en place par peur de représailles. (Swinnen, 2019)

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    Le principal argument du FPR pour justifier sa politique autoritaire est la lutte contre le divisionnisme et l'idéologie génocidaire (Front Line Rwanda [FLR], 2005). Les citoyens évitent donc généralement la critique du pouvoir par peur de tomber dans ce que le gouvernement pourrait qualifier de divisionnisme ou d'idéologisme ethnique, d'où l'importance de s'en tenir au discours public (Front Line Rwanda, 2005). Depuis plusieurs années, nous assistons à la personnification du FPR sous les traits de Paul Kagame. La concentration du pouvoir décisionnel entre les mains de l'Exécutif, qui, selon les cas, se confond avec la Présidence, aboutit souvent au ballottage de l'opposition, mais aussi au

    ballottage des pouvoirs législatifs et judiciaires, garants de gouvernance
    démocratique. Malgré les critiques, le président Kagame est considéré par la plupart des Rwandais comme un héros national, car il a su redresser le pays après évènements de 1994. Dans la plupart des imaginaires, il est le seul capable de gérer correctement le pays ce qui justifie certaines dérives de son gouvernement. Les discours du FPR peuvent être assimilés à ceux des régimes autoritaires asiatiques puisqu'on y retrouve l'idée que : «la spécificité multiethnique, les risques de division et l'incertitude économique du monde sont autant de menaces potentielles qui justifient le pouvoir fort d'un État paternaliste puissamment structuré, à l'opposé du pluralisme politique ».

    Jusqu'en 2012, le gouvernement encourage la bonne gouvernance à travers le maintien de la paix et de la sécurité, la réforme des systèmes judiciaires, fiscaux et financiers, la décentralisation, mais aussi la promotion des libertés d'expression et d'association. Ainsi, les autorités accordent de l'importance aux actions des OSC et cherchent à les intégrer dans la stratégie gouvernementale en renforçant leurs compétences et capacités, et en promouvant un cadre légal propice à leurs finalités .Depuis 2013 la vision du gouvernement et des OSC est globalement que la gouvernance doit être améliorée «en favorisant la participation et la mobilisation des citoyens pour la prestation du développement, en renforçant la responsabilité publique et en améliorant la prestation de services». La responsabilité publique fait référence d'une part au rôle de monitoring des politiques gouvernementales, des citoyens, des communautés et des parties prenantes (OSC et bailleurs de fonds), et d'autre part à la responsabilité vers le bas des représentants élus (Swinnen,2019).

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    En 2017, le plan septennal du gouvernement présente la bonne gouvernance comme la prestation de services et le renforcement de la participation des citoyens et des OSC via les mécanismes de décentralisation. Un des objectifs est la création d'un partenariat durable entre le secteur public, le secteur privé, les OSC et les autorités afin d'accélérer le développement. Pour atteindre leurs objectifs, les autorités prônent une coordination à tous les niveaux, c'est-à-dire une coordination horizontale entre les divers organes du pouvoir et une coordination verticale entre les citoyens et les autorités ainsi qu'entre les OSC et les autorités. Cette coordination passe principalement par une politique de décentralisation initiée en 2005 dont l'objectif est de faciliter l'implémentation des politiques nationales aux échelons locaux. Les autorités préconisent également une coordination avec les acteurs extérieurs en exigeant une harmonisation et un alignement des bailleurs de fonds et des ONG internationales avec les priorités nationales. Depuis l'arrivée au pouvoir du FPR, la politique gouvernementale se focalise progressivement sur l'aspect économique de la société. À titre d'exemple, en 2009, le Rwanda occupait la 143èmeplace du classement Doing Business de la Banque mondiale, aujourd'hui il occupe la 29èmeplace (BM, 2018). Dans les documents stratégiques, cela se traduit par l'emploi d'un vocabulaire entrepreneurial tandis que le vocabulaire en lien avec les libertés n'apparaît plus.

    « Pour le gouvernement rwandais, il ne s'agit plus de faire de l'humanitaire, mais du développement. » (Swinnen,2019). Dès lors, il y a un transfert de la société civile vers le secteur privé. La société civile qui, pendant les années précédentes, était le partenaire privilégié des autorités est remplacée au profit du secteur privé. Les OSC se trouvent donc concurrencées par un secteur privé fortement soutenu par l'État. Pour les OSC, cette stratégie de coordination se traduit, dans un premier temps, par la formalisation et la professionnalisation, et par la suite par l'insertion des OSC dans les stratégies du gouvernement. Ces transformations se sont principalement opérées à travers l'adoption de lois et le renforcement de structures étatiques responsables de la société civile. Dès lors, les OSC sont perçues comme un partenaire privilégié du gouvernement qui l'aide à réaliser ses objectifs de développement local. Par exemple, lorsque le gouvernement a mis en place le programme « une vache par famille pauvre », ce sont des organisations de la société civile qui l'ont mis en oeuvre. Les OSC doivent aussi faire le monitoring des politiques gouvernementales et encourager la participation des citoyens dans les

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    décisions politiques locales. Aux niveaux locaux et sectoriels, les OSC doivent aligner leurs actions avec les priorités des Plans de Développement.

    Dans le cadre de la formalisation et la professionnalisation des OSC, divers structures et organes créées. La Rwanda Civil Society Platform, les contrats de performance et les Joint Action Development Fora ont été instaurés avant 2010, mais la participation à ceux-ci a été fortement encouragée après. En revanche, le Rwanda Governance Board est un organe créé en 2011.

    En 2004, les autorités créent la Rwanda Civil Society Platform (RCSP) pour soutenir, promouvoir et contrôler les actions gouvernementales au sein de la société civile ainsi que pour administrer les relations entre les collectifs et le gouvernement (Swinnen,2019). Les collectifs sont des groupes de coordination qui regroupent les organisations d'un même domaine. La RSCP, composée de 15 collectifs, gère les OSC de manière décentralisée à travers le pays. De cette façon, les actions locales s'inscrivent dans un programme national. Les acteurs de la société civile rwandaise peuvent être classés en 4 niveaux : les groupes d'initiatives locales (coopératives, groupes de jeunes, syndicats...), les ONG internationales et les organisations basés sur la foi, les collectifs et la RCSP. Certaines organisations dénoncent « une surveillance » exercée par la RSCP, car ils y voient un moyen supplémentaire des autorités limiter l'action de certaines OSC, agissant notamment sur les thématiques de justice sociale et d'alternance démocratique. Cet avis n'est pourtant pas partagé par tout le monde. Il serait réducteur de dire que les collectifs servent uniquement de mécanismes de contrôle car des OSC travaillent étroitement avec les autorités. Par exemple, c'est de notoriété publique que l'ONG Pro-femme est proche du pouvoir, mais cela ne l'empêche pas de produire de très bons résultats, au contraire. Selon certains acteurs, la RSCP augmente la force du plaidoyer puisqu'elle facilite l'accès à l'information et la diffusion d'un message.

    Les contrats de performance sont mis en place à partir de 2006. Le contrat de performance (Imihigoen kinyarwanda) a pour but de consolider le système de planification, le suivi et l'évaluation des résultats prévus par les Plans de développement à tous les niveaux de pouvoir à travers une démarche participative. Dès que le contrat est signé par le président, il est intégré dans les priorités des entités décentralisées (du village au District). Ce contrat est applicable aux hôpitaux, aux centres de santé, aux écoles et aux

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    ménages. À titre d'exemple, lorsqu'il a été décidé que chaque ménage devait avoir une mutuelle, des contrats de performance ont été mis en place au niveau de la cellule familiale. À la fin de chaque année, le contrat de performance est évalué via un formulaire. De plus, certaines organisations sont sélectionnées pour des entrevues complémentaires avec des représentants du gouvernement, des membres de la société civile, des partenaires de développement, et des spécialistes. Cependant, loin de dépendre du hasard, ces entretiens complémentaires peuvent être un moyen supplémentaire pour approcher les organisations « qui dérangent » et les écarter. La mise en place de ces contrats pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, il faut souligner la pression exercée sur le District pour que les résultats soient atteints, car s'ils ne le sont pas, les membres du District sont démis de leurs fonctions. De plus, au niveau local, « la responsabilité vers le bas est très importante ». Par exemple, si un citoyen dénonce une personne de l'administration locale pour corruption, mauvaise gestion ou autre, elle sera quasi immédiatement démise de ces fonctions si l'accusation est avérée. La pression exercée sur l'administration locale est double : elle vient des autorités et de la population. Pour avoir de bons résultats, les Districts appliquent les objectifs de manière rigide sans tenir compte des possibles effets néfastes ou pire, falsifient les résultats (Swinnen,2019).

    Pour lutter contre la falsification des résultats, les autorités ont pris de nouvelles mesures plus strictes. Celles-ci risquent d'accentuer les pressions exercées sur les autorités locales. Ensuite, nous pouvons souligner la mise en place d'objectifs parfois « irréalistes » et non adaptés au contexte local et de politiques qui ne tiennent pas compte des besoins locaux. Dès lors, ces contrats peuvent être perçus comme un autre moyen de surveiller et contrôler ce qu'il se passe à l'échelle locale puisque les résultats sont évalués à tous les niveaux administratifs. Et pour finir, cette course aux résultats a un impact sur l'exercice des OSC. Il arrive que les Districts octroient des fonds aux OSC « bien cotées » pour qu'elles s'installent dans leur District, et ce même si l'offre de ces ONG n'est pas en adéquation avec les besoins du District. Nous pouvons également assister au « parachutage » de nouvelles ONG créées uniquement pour répondre à un besoin identifié par les autorités et la disparition tout aussi soudaine de celles-ci. En outre, les contrats de performance exigent des résultats « tangibles » et quantifiable ce qui n'est pas toujours possible sur un délai « post-projet » court.

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    En 2007 apparaissent les Joint Action Development Fora (JADF). Ces plateformes ont pour mission de garantir le développement socio-économique et la qualité des prestations de services. Celles-ci sont chargées de la communication entre le gouvernement, la société civile et le secteur privé. Les OSC ont des obligations envers le JADF puisqu'elles sont tenues d'y participer ainsi qu'aux plans de développement districtuels et sectoriels et aux contrats de performance annuels. La participation à la plateforme JADF, aux plans de développement locaux et aux contrats de performance peut modifier complètement les activités des OSC selon la façon dont elles sont perçues par les autorités locales (une opportunité ou une obligation). Dans le cas des ONG internationale, cette participation, bien que non obligatoire légalement peut être une condition sine qua non à l'obtention de la lettre de recommandation, nécessaire à l'enregistrement et à la reconnaissance de l'organisation (Swinnen,2019).

    En 2011, le Rwanda Governance Board (RGB) est créé. Il se définit comme un organe étatique indépendant dont la principale préoccupation est la bonne gouvernance. Cette position indépendante est critiquée puisque selon certaines sources, le RGB et les autorités entretiennent une étroite collaboration. Au fil des modifications législatives, le rôle du RGB au sein de la société civile rwandaise prend de l'ampleur. Peu après la mise en place du RGB, des nouvelles lois sur l'organisation et le fonctionnement des ONG et ONG internationales sont publiées et la loi relative aux associations sans but lucratif. Cela conduit à la disparition du statut d'association. Depuis, le gouvernement ne reconnaît que trois acteurs principaux de la société civile à savoir les organisations basées sur la foi (OBF) et les ONG nationales et internationales. Ces mesures semblent avoir été prise pour, d'une part, limiter et freiner la multiplication des OSC, et d'autre part, pour augmenter l'effectivité de celles-ci. La restructuration du milieu associatif était nécessaire et cela a permis un meilleur contrôle. Lors d'une discussion, nous avons appris que la disparition de certaines associations était perçue par certains acteurs comme une autre stratégie des autorités pour limiter l'autonomie des organisations en leur imposant de nouvelles contraintes administratives. Le RGB est chargé d'enregistrer les OSC et de leur accorder une personnalité juridique. Il s'occupe aussi du suivi et de l'évaluation de la société civile rwandaise. Tandis que le gouvernement le considère comme un partenaire privilégié de la société civile rwandaise, plusieurs chercheurs et acteurs dénoncent la mainmise qu'il a sur les OSC puisqu'il est établi que le RGB peut demander

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    des explications relatives à la gouvernance, à la performance et à la prestation de services des institutions publiques et privées et éventuellement les sanctionner administrativement. Cela peut aller de l'avertissement à la suspension du droit d'exercer (Swinnen,2019).

    Depuis 2013, les JADF sont coordonnés par le RGB (Décret ministériel n° 004/03 du 27/12/2013, 2013). Et depuis2016, le RGB est responsable de l'enregistrement et du suivi des activités des ONG internationale qui jusque-là dépendaient de la direction générale de l'immigration et de l'émigration (Loi n°05/2012 du 17/02/2012). En 2018, la loi portant sur l'organisation et le fonctionnement des Organisations basées sur la foi est abrogée par la loi n°72/18. Une nouvelle loi concernant les ONG et les collectifs est en train d'être formulée en collaboration avec la RSCP et d'autres organisations. Entre la première version et la seconde, le référencement aux lois internationales de défense des libertés a été supprimé. Dans ce projet de loi, le RGB peut imposer des conditions supplémentaires pour l'octroi de la personnalité juridique et pour les conditions d'enregistrements des organisations si elle le juge nécessaire. En fonction du type d'organisation, un certificat de collaboration ou des lettres de recommandation du District seront demandés. Bref, l'augmentation de conditions concernant la création et le fonctionnement des organisations nationales (ONG, collectifs, syndicats, fondations...) réduit le champ de définition et d'action de ces organisations. Ces nouvelles restrictions sont une façon d'évincer les OSC qui posent un problème à l'élite politique et économique au pouvoir. De manière générale, les initiatives telles que la RSCP, les contrats de performance, les JADF peuvent améliorer l'action des OSC. Cependant, il faut s'interroger sur les réels objectifs de ces initiatives : Est-ce qu'il s'agit de lutter contre la corruption et l'inefficacité ? Ou est-ce qu'il s'agit de contrôler et d'instrumentaliser les OSC ? Il faut aussi se demander : Quelle est la limite entre coordination et contrôle ? De plus, à partir du moment où il est impossible de sortir du cadre imposé, il y a un problème d'atteinte aux libertés.

    Les relations entre le Rwanda et les pays occidentaux sont parfois tendus. Des critiques surgissent quant à la façon dont le pays est gouverné par le président Kagame et son parti politique, mais aussi sur les relations avec ses pays limitrophes. Lorsqu'il s'agit de répondre aux critiques, nous remarquons que les autorités rwandaises utilisent trois

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    types d'arguments : la position de la communauté internationale lors du génocide, la situation particulière rwandaise et la vision anticolonialiste.

    Avec son premier argument, le FPR accuse certains pays d'avoir participé au génocide du fait de l'absence d'intervention de la communauté internationale malgré les appels à l'aide. En ayant recours à cet argument, le FPR joue avec le sentiment de culpabilité des pays occidentaux. Le second argument fait référence à l'état de ruine du pays après 1994 et à l'ensemble des progrès réalisés depuis. Pour Kagame, étant donné le passé lourd, le pays nécessite des mesures particulières. Grâce à cet argument, la communauté internationale a tendance à fermer les yeux sur les abus du FPR. Comme indiqué précédemment les dérives autoritaires sont souvent acceptées au nom du progrès économique. De plus, Kagame parle d'une démocratie adaptée aux particularités rwandaises. En 2017, Kagame s'exprime : « C'est un principe auquel chacun de nous veut être associé, du moment que le contexte, l'histoire et la culture d'un pays le permettent. Mais l'Occident dit à tout le monde de rentrer dans le moule de la démocratie occidentale ». (Swinnen,2019). Le troisième argument critique la position paternaliste des pays occidentaux, voire colonisatrice, vis-à-vis des pays africains ainsi que son attitude moralisatrice. En 2012, la ministre rwandaise des Affaires étrangères et de la Coopération a accusé les pays occidentaux «de se servir de l'aide accordée aux pays pauvres pour les considérer comme de petits enfants » et a ajouté qu'« une relation semblable au paternalisme devrait s'arrêter...». En 2016, Kagame souligne la tendance de certains États à s'immiscer dans la souveraineté des États africains : « Certains participants au système international ont tendance à considérer ce changement comme un défi à leur leadership historique. Ils continuent à revendiquer le droit de définir des objectifs et d'imposer des résultats, sans consultation véritable des personnes concernées. » (Swinnen,2019).

    Bien que le Rwanda et la Côte d'ivoire présentent des similitudes en matière de développement, la principale différence réside dans la mise en oeuvre de politiques publiques en matière de développement. Une politique publique est un concept de science politique qui désigne les « interventions d'une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire ».

    Le Rwanda, modèle de développement pour une nouvelle génération de leaders et d'acteurs associatif, s'appuie sur l'autoritarisme de son Etat, qui loin d'être parfait

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    présente au moins l'avantage de permettre la mise en oeuvre de dynamique vertueuse et observable de développement. Contrairement au président Ouattara, Paul Kagame semble parvenir à l'achèvement du processus de réconciliation national indispensable à la légitimité d'un pouvoir autoritaire, qui loin d'être exécrer par la plupart des acteurs de la société civile africaine, peut être plébisciter à condition qu'il soit vertueux. Par là nous entendons que l'autoritarisme n'est pas inéluctablement associé au manque d'alternance démocratique et à la privation des libertés citoyennes mais bien à la capacité de coercition de l'état en cas de manquement citoyen à la mise en oeuvre de dynamique vertueuse de développement.

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    B. Des dynamiques d'atteinte des ODD contrastées à l'échelle du continent

    Figure 27: Performance des états africains en termes d'atteinte des ODD (ONU,2019)

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    Le Rapport sur l'Indice et les Tableaux de Bord des ODD pour l'Afrique 2019 réalisé par le Centre des ODD pour l'Afrique et le Réseau de Solutions pour le Développement Durable (SDSN) traite de la mise en oeuvre des ODD par l'ensemble des 54 pays africains.

    Cette enquête s'articule autour de six axes d'études que sont les stratégies nationales et évaluations de base au niveau de l'exécutif, les pratiques et procédures budgétaires de l'exécutif, l'engagement des parties prenantes, les unités de coordination de l'exécutif, les actions législatives, et les principaux défis pour la mise en oeuvre.

    Ce qu'il en ressort c'est que les ODD sont largement adoptés et incorporés dans de nombreux plans d'action et stratégies nationales des gouvernements africains. Cependant il y a encore de la part des pays des lacunes généralisées concernant la compréhension des distances qui les séparent de l'atteinte des cibles des ODD. Tant sur l'aspect de la territorialisation de ces ODD qui doivent intégrer les spécificités territoriales afin d'être pleinement atteint mais également très peu de considération pour les ressources financières à mobiliser et pour la provenance des financements nécessaires.

    L'engagement vis-à-vis du public et des autres parties prenantes peut être amélioré d'une manière significative par les états. A titre d'exemple, seuls quatre pays à ce jour ont un portail en ligne où les citoyens peuvent constater les progrès de leurs pays vers la réalisation des ODD, et moins de la moitié des pays ont mené des activités de sensibilisation. Selon les experts locaux, qui ont validé les résultats pour 21 pays, le manque de financement et de ressources est identifié comme étant le défi le plus significatif pour la mise en oeuvre et aussi pour le suivi des ODD. Concernant le statut actuel et les tendances vers la réalisation des ODD en Afrique, les analyses présentent un cadre de suivi complet et comparable des ODD au niveau continental, sous régional, et national (ONU, 2019)

    La nouvelle caractéristique de ce rapport 2019 consiste en une analyse et un regroupement des pays suivant leur performance dans chacun des ODD. Les principaux résultats concernent les changements dans la méthodologie et les sources de données utilisées ont aboutis à des résultats différents de ceux du rapport de 2018. Le score moyen de l'Indice des ODD est resté quasi inchangé, mais certains classements ont changé. La

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    comparaison entre cet indice et le classement de 2018 n'est pas possible à cause des changements en termes de portée, de méthodologie, et d'indicateurs.

    Dans l'ensemble, l'Afrique du Nord est en moyenne la région la plus performante, alors que l'Afrique Centrale est la moins performante. La Tunisie a remplacé le Maroc en tant que pays en tête du classement. A tous les niveaux, la performance des pays africains est relativement bonne en termes de production et de consommation durables ainsi qu'en terme de changement climatique (ODD 12 et 13), mais sa performance est décevante pour les objectifs liés au bien-être social (ODD 1 à 7 et 11). Il existe une grande diversité quant aux principaux défis des ODD dans les sous-régions africaines. Les pays peuvent être classés en cinq grands groupes : les leaders continentaux, qui obtiennent de meilleurs résultats en termes de bien-être humain mais doivent améliorer les performances environnementales; les pays en croissance, qui rattrapent les leaders mais ont de fortes inégalités; les pays intermédiaires, qui doivent maintenir leur performance environnementale tout en améliorant le bien-être humain; les pays émergents, qui connaissent également une croissance mais qui accusent encore un retard en termes de bien-être humain; et les pays en détresse, dont la plupart connaissent des conflits, qui nécessiteront le plus de soutien pour atteindre les ODD.

    L'Afrique du Nord est séparée du reste du continent par le Sahara et, est la région la plus développée économiquement. Si l'on se base sur les sphères culturelles, religieuses et linguistiques, cette région est aussi la plus homogène. Elle est aussi la plus performante sur le continent, ayant 4 de ses 6 pays classés parmi les 6 premiers. Historiquement, cette région a eu les niveaux les plus bas de pauvreté qui ont tous constamment déclinés depuis l'an 2000. Cela est lié au fait que le secteur industriel est le plus développé sur le continent. Dans ces pays, l'ODD 5 (égalité entre les sexes) reste un problème critique. Les autres problèmes concernent l'ODD 7 (énergie) et l'ODD 2 (faim zéro). En termes de tendances, l'Afrique du Nord est plus en voie d'atteindre les ODD 1 et 6, avec des progrès modérés des ODD 3,4,5,7,9, et 15 ; et une stagnation des ODD 2,8,11,13,14,16,17. Il n'y a aucun ODD pour lequel une baisse de performance a été observée, bien qu'il y ait une baisse pour les ODD 2 et 13 dans quelques pays. Pour la Libye toujours enfoncée dans son conflit, il y a un manque de données sur la plupart des objectifs. Dans l'ensemble, L'Afrique du Nord

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    semble bien placée pour rester au meilleur niveau de performance, bien que les progrès réalisés sur plusieurs objectifs soient insuffisants pour atteindre les cibles des ODD.

    L'Afrique de l'Ouest est la plus grande région avec 15 pays. Elle abrite le pays le plus peuplé ayant l'économie la plus grande sur le continent, le Nigeria. Les mieux placés sont le Cap Vert et le Ghana, qui se classent 5ème et 9ème dans l'indice. L'ODD 3 (santé) ainsi l'ODD 9 (infrastructure) constituent des problèmes urgents. L'ODD 4 (éducation), L'ODD 6 (eau propre et assainissement) ainsi que l'ODD 11 (consommation et production durables) font aussi face à de grandes difficultés. Les meilleures performances sont les ODD 13 (changement climatique) et l'ODD 12 (consommation et production durables). Ceci peut s'expliquer surtout par le fait que le secteur industriel et manufacturier n'est pas développé au maximum et la pollution est limitée. Sur la plupart des objectifs, l'Afrique de l'Ouest stagne dans sa progression vers les ODD. Le changement climatique constitue cependant une exception notable pour laquelle tous les pays sauf un seul sont en bonne voie d'atteindre l'objectif. La région connait une progression modérée vers les objectifs 2, 6, 14,15, 17. Le défi auquel les pays de l'Afrique de l'Ouest devront faire face est celui de venir à bout de la performance stagnante en termes de bien-être social sans faire tort à la viabilité environnementale.

    Grâce à la Communauté de l'Afrique de l'Est, cette sous-région est la plus économiquement intégrée sur le continent. Dans ce groupe, les pays les plus performants sont le Kenya, le Rwanda et les Seychelles.Les problèmes les plus considérables concernent l'ODD 3 (santé et bien-être), l'ODD 9 (infrastructure) et l'ODD 16 (paix et institutions efficaces) pour lesquels tous les pays, excepté les Seychelles, ont de faibles résultats. L'ODD 4 (éducation) et l'ODD 17 (partenariat mondial) font face à des problèmes similaires. Les objectifs qui ont une meilleure performance sont l'ODD 13 (changement climatique) et ODD 12 (consommation et production durables). La Somalie et le Soudan du Sud, qui souffrent d'instabilité politique, de l'absence d'état de droit, et de la présence de conflit, sont au bas du classement. Comme pour l'Afrique de l'Ouest, cette région connait une stagnation dans sa progression vers la plupart des objectifs. Cette région est plutôt sur la bonne voie d'atteindre ses cibles concernant le changement climatique, à l'exception des Seychelles. Il y a surtout un progrès modéré vers les objectifs 3, 5, et 14, mais la progression stagne pour tous les autres objectifs. Pour certains objectifs,

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    dont les objectifs 8 et 11, il n'y a pas de données provenant d'un nombre suffisant de pays pour faire une évaluation régionale des tendances.

    L'Afrique centrale semble être la moins performante en matière d'atteinte des ODD. L'ODD 3 (santé et bien-être), l'ODD 16 (paix et institutions efficaces), et l'ODD 17 (partenariat mondial) sont dans une situation. Des défis importants subsistent pour l'ODD 1 (pauvreté), l'ODD 6 (eau potable et assainissement), l'ODD 9 (infrastructure) et l'ODD 11 (villes et communautés durables). Les objectifs les plus performants sont l'ODD 13 (changement climatique) et l'ODD 12 (consommation et production durables). Le pays le plus performant est le Gabon. En bas du classement il y a le Tchad et la République Centrafricaine, des pays qui ont fait face à des niveaux élevés de pauvreté, de discorde politique et de violence. Les pays de l'Afrique centrale stagnent sur 10 des 15 objectifs qui ont été évalués. Pour les autres objectifs, la performance de l'ODD 13 est bonne, et la progression des ODD 5, 8, et 15 s'améliore modérément. Atteindre les ODD demanderait une transformation drastique dans tous les pays de la région.

    L'Afrique australe est une région hétérogène qui comprend des pays enclavés, une petite île, et des économies de tailles moyennes et larges. Les principaux problèmes auxquels cette région fait face est l'ODD 3 (santé et bien-être), suivi de l'ODD 9 (infrastructure), l'ODD 16 (paix et institutions efficaces), ODD 7 (énergie) et ODD 2 (faim zéro). Les objectifs les plus performants sont l'ODD 12 (consommation et production durables) et l'ODD 13 (changement climatique). Les pays les plus performants sont l'Ile Maurice et São Tomé et Príncipe, se classant 2ème et 7ème dans l'indice. Le Mozambique, la Zambie et l'Angola sont les pays les moins performants de la sous-région . En tant que région, l'Afrique australe n'est pas en voie d'atteindre un seul des ODD, mais sa performance n'empire pas non plus. Les progrès augmentent modérément pour 7 des 15 objectifs et stagnent pour les 8 objectifs restant. La tendance vers la réalisation des ODD est ainsi meilleure que dans les autres régions de l'Afrique subsaharienne, mais reste insuffisante pour atteindre les objectifs. (UN,2020)

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    Conclusion

    Finalité de l'étude

    Notre problématique d'étude était la suivante :

    Dans quelle mesure les organisations de la société civile ivoiriennes agissent-elles dans un contexte favorisant la finalité de leurs actions, à savoir le changement social ?

    Dans le souci de répondre à cette problématique nous avons émis 5 hypothèses.

    1-La stabilité politique, la sécurité du pays et l'importante croissance économique qui fait de la Côte d'ivoire la « locomotive » africaine au temps de Félix Houphouët-Boigny est favorable à l'émergence démocratique et citoyenne

    2- La notion de « l'ivoirité » caractérise une xénophobie intrinsèque à la population ivoirienne

    3- La pratique de la citoyenneté s'est brutalisée pendant la décennie de crise politico-militaire

    4- La paix et la reprise économique s'accompagnent d'un meilleur respect des libertés individuelles et d'un changement par le soutien de l'Etat ivoirien aux initiatives des organisations de la société civile agissant en ce sens.

    5- Les organisations de la société civile sont préparées et opérationnelles à la mise en oeuvre de projets de développement et plus spécifiquement ceux concernant le changement social et alternance démocratique et ce de manière autonome.

    Nous avons premièrement supposé la stabilité politique, la sécurité du pays et l'importante croissance économique qui fait de la Côte d'ivoire la « locomotive » africaine au temps de Félix Houphouët-Boigny est favorable à l'émergence démocratique et citoyenne. En nous intéressant à la gouvernance de Houphouët-Boigny nous avons pu nous apercevoir que si le miracle ivoirien a permis à la Côte d'ivoire d'être érigée en locomotive économique de la sous-région et à Abidjan de devenir le « Paris de l'Afrique de l'ouest », il possède une part d'ombre symbolisée par la décennie des faux complots.

    A travers celle-ci F.Houphouët-Boigny semble avoir conditionné l'exercice de la citoyenneté ivoirienne mais également ouest africaine.

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    L'importante croissance économique, la forte urbanisation, l'ouverture des frontières et les conditions favorables d'accueil de l'étranger ont longtemps constitués un trompe-l'oeil pour les pays voisins de la Côte d'ivoire comme pour l'opinion internationale. Très rapidement l'action politique du président Houphouët-Boigny est dédiée à la concentration et à la conservation d'un pouvoir dont il sera le seul maître. La mystérieuse décennie de faux complots en est d'ailleurs la démonstration la plus brutale. Celle-ci qui ne manque pas de traumatiser les ivoiriens et de conditionner leur engagement dans la vie civique et citoyenne, semble également avoir été un message à destination de l'ensemble de l'Afrique de l'ouest et de ses jeunes élites panafricaines du RDA. Il a démontré qu'il ne comptait pas partager les rênes du parti et que de son vivant cette organisation demeurerait une coquille vide dans le meilleur des cas, un instrument du néocolonialisme dans le pire.

    L'avènement du multipartisme aurait pu s'avérer être l'occasion idoine de l'avènement démocratique mais la manipulation politique de F.Houphouët-Boigny lors des élections présidentielles de 1990 et les violences d'états commises en 1991 et 1992 semblent démontrer de l'autre voie prise par Houphouët-Boigny. En instrumentalisant politiquement les étrangers et en usant de la violence une nouvelle fois contre les citoyens, il a dilapidé ce qui aurait pu constituer son principal héritage, à savoir la paix et le renouveau démocratique et citoyen. Lorsqu'il s'éteint en 1993, la Côte d'ivoire est au bord de la crise. Si depuis 1980 elle est déjà en crise économique, les rivalités ethnico-politiques menacent désormais pleinement un pays dont la jeunesse trouvera chez chacun des héritiers du vieux, un idéal d'engament et de développement du pays.

    Il est important de mentionner la véritable dissonance engendrée par la gouvernance Houphouët-Boigny. Le miracle ivoirien et la politique d'accueil menée par Houphouët-Boigny semblent avoir installé durablement dans les esprits que la Côte d'ivoire n'était aucunement un pays souffrant de carence de développement. Aujourd'hui encore l'aide internationale est plus dédiée à la gestion de « crise » post-crise qu'à la mise en oeuvre d'une réelle stratégie nationale de développement.

    On peut donc affirmer que notre hypothèse s'avère erroné. La mise à la marge des jeunes, la sanction de tout investissement citoyen et la pratique d'une violence d'Etat arbitraire

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    et démesurée vont dans le sens d'une sens d'une citoyenneté qui si elle n'est pas inhibée est néanmoins timoré.

    Nous avons ensuite supposé que le concept « d'ivoirité » est issue d'une xénophobie intrinsèque à la population ivoirienne

    En nous intéressant à la période de succession politique d'Houphouët-Boigny nous avons pu voir que la rivalité ethnico-politique que s'est livrée le PDCI-RDA, le FPI et le RDR fut l'occasion pour chacun des candidats d'user de la violence et de « coups politiques » tels que l'application de l'ivoirité politique. Le concept d'ivoirité est donc avant tout un concept politique destiné à évincer de la course à la présidence un candidat, qui malgré tout, symbolise encore aujourd'hui les problèmes identitaires du pays. L'instrumentalisation du droit des votes des étrangers par F.Houphouët-Boigny a auparavant suscitée un sentiment d'injustice chez une majorité des ivoiriens qui n'auraient surement pas reconduit le président sortant en 1990.

    Si le putsch de 1999 s'avère être une révolution militaire épisodique, la crise militaro politique qui se déroule entre 2002 et 2011 est bien une crise identitaire, sociale et citoyenne. Cette crise est en premier lieu celle d'une jeunesse, mise à la marge des processus décisionnaires du pays pendant le mandat d'Houphouët-Boigny, et qui tente par le recours à la violence physique, morale et armée de devenir actrice et non spectatrice de la décision politique ivoirienne. Notre troisième hypothèse affirmant que la pratique de la citoyenneté s'est brutalisée pendant la décennie de crise politico-militaire est donc vérifiée.

    Depuis 2011 et l'arrivée au pouvoir du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), nous avons affaire à un nouveau « miracle ivoirien » qui se caractérise par une forte croissance économique mais également par un retour aux conditions de pratique de la citoyenneté du temps du premier miracle ivoirien. Notre hypothèse affirmant que la paix et la reprise économique s'accompagnent d'un meilleur respect des libertés individuelles et d'un soutien de l'Etat ivoirien aux initiatives des organisations de la société civile agissant en ce sens n'est donc pas vérifiée. De ce fait nous avons pu observer à travers l'étude de l'action des organisations de la société civile ivoirienne, qu'elles ne sont pas assez préparées et opérationnelles pour être autonome à

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    la mise en oeuvre de projets de développement et plus spécifiquement ceux concernant le changement social et alternance démocratique.

    Notre cinquième hypothèse s'avère donc erronée.

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    Le problème du développement selon Ki Zerbo

    Selon Joseph Ki-Zerbo la dépendance commence par le verbe. Par sa seule présence ce terme interprète le réel et l'enferme dans une grille mentale déterminée et restreinte. L'élaboration et la maîtrise d'un corpus de concepts relatifs à la stratégie et à la mise en oeuvre du développement constituent la première étape méthodologique et culturelle d'acceptation de la nécessité du développement.

    Le terme de « pays développés » apparait au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ce terme, vecteur d'actions de solidarité positive a néanmoins au fil du temps pris une dimension péjorative voire déterministe C'est ainsi qu'une pirouette sémantique nous a plus fait parler de pays « en voie de développement » que de pays « sous-développés ». Plus doux à l'oreille ce changement de vocable n'ôte pourtant pas à cette expression son essence intrinsèque. Ainsi nous pouvons nous demander vers quel développement tendent les pays en voie de développement. Lors d'un échange consacré à la crise du développement en 1977, Cornelius Castoriadis déclare que : « Le développement, c'est le développement de type occidental capitaliste, il n'y en a pas d'autre jusqu'ici, et on n'en connaît pas d'autre... ce qui importe, c'est d'économiser, de produire, de gagner. »

    En somme, dans un oekoumène finit et dans un paradigme capitaliste c'est en sous développant d'autres qu'on se développe soi-même. Le socio-économiste Wilfriedo Pareto (1848-1923) à conceptualiser l'optimum de Pareto. Un optimum de Pareto est une allocation des ressources pour laquelle il n'existe pas d'alternative dans laquelle tous les acteurs seraient dans une meilleure position. L'optimum de Pareto est utilisé pour décrire un état de la société dans lequel on ne peut pas améliorer le bien-être d'un individu sans détériorer celui d'un autre.Selon cette considération, le « sous-développement » africain n'est donc ni un mystère, ni une malédiction mais bien une conjoncture. C'est un processus historique réparable, qui est induit en grande partie de l'extérieur et auto-entretenu par les africains eux-mêmes.

    Après 80 ans de développement, bien que les pratiques, vocables, représentations et outils aient évolués, sommes-nous pour autant parvenus à transcender le développement ? Les citoyens africains et plus particulièrement ivoirien censés être consacrés par le développement sont-ils parvenus à une autonomie suffisante à l'autodétermination ?

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    Avec l'avènement du « village monde » permis par le développement d'internet, les crises écologiques, environnementales et migratoires, le concept d'interdépendance s'est révélé à la conscience collective. Cependant cette représentation de l'interdépendance dans notre société occidentale dont le développement se fait bien souvent au détriment d'autres sociétés omet bien souvent qu'en l'occurrence, les uns sont plus interdépendants que les autres.

    Si le développement se devait d'évoluer, n'irait-il pas dans le sens d'une co-responsabilité plus que d'une interdépendance ?

    La pratique du développement met en confrontation deux représentations.

    Si l'on prend pour critère la participation à la vie civique et citoyenne, elle serait d'un côté particulariste, les citoyens agissant selon des logiques « coutumières » et n'ayant d'intérêt que le bien familial et communautaire, tandis que dans la société moderne il est universaliste. La sanction de l'autorité, peut prendre une dimension divine ou sacrée pour le groupe traditionnel, mais demeure hérétique dans la société moderne.

    Les motivations seraient d'un côté le conformisme à l'égard de la coutume et des traditions, et de l'autre l'innovation. Les critères de rémunération seraient, pour le monde traditionnel, le privilège du statut, et pour l'autre les performances contribuant à la réalisation d'un but objectivement défini.

    Comme on a pu l'évoquer précédemment, tout cela n'est pas neutre. Les actions de développement s'inscrivent bien dans un schéma où la rationalité, la cohérence logique, l'objectivité et même la justice se trouvent du même côté, et ces critères sont très souvent adaptés aux citoyens des sociétés occidentales. Le terme d'élite sert souvent alors à désigner la minorité assez occidentalisée pour servir d'avant-garde à cet exode vers la terre promise de la modernité.

    S'agissant de l'Afrique, la soi-disant modernité, que constituent les influences occidentales, n'est pas plaquée sur la tradition. Il s'agit de faisceaux de forces, mues par des intérêts ou des engagements individuels ou collectifs. Il n'y a pas de secteur qui ne soit uniquement traditionnel, dans le sens péjoratif qu'on donne à ce terme.

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    Dans les conceptions de l'existence comme dans les forces et rapports de production, tous les secteurs sont ébranlés ou bouleversés par les principes du système capitaliste. En outre les principes de cohérence, de logique, de rationalité ne sont pas absents du monde dit traditionnel.

    Si le terme de « modernité » se réfère à la période de la Renaissance et des grandes découvertes ou redécouvertes, sans référence à un Moyen Âge prétendument obscurantiste, nous pouvons prétendre qu'aujourd'hui le paysan africain, qui sait inventer et inventorier les 448 plantes présentes dans son environnement qui guérissent, qui sait les apprêter et les administrer et qui essaie d'améliorer ses méthodes est incomparablement plus moderne que le citadin scolarisé qui sait à peine déchiffrer l'ordonnance qu'on vient de lui remettre et avaler les comprimés. En fait, plus on est dépendant, moins on est moderne. Moins on applique son propre esprit à son propre progrès, moins on est moderne, car on ne développe pas, on se développe.

    Enfin les apports du capitalisme ne sont pas tous pris par les sociétés africaines. Celles-ci assument et transforment la forme ou le fond des inputs venant d'autres systèmes mais la hiérarchie sociale, les unités d'innovation, la démocratie se moulent dans des réalités préexistantes. Dans les couloirs des bureaux de vote, on découvre parfois un homme placé là par le chef traditionnel pour aider les villageois, naguère des sujets, à voter correctement.

    Sous son masque inoffensif, le vocable de modernisation recèle donc un double vice : au niveau de la connaissance et de l'action. Au premier plan, il empêche d'analyser en profondeur le rôle des citoyens africains. Au niveau de l'action, il impose cette idée que le salut se trouve dans l'imitation et dans les sacrifices nécessaires pour accéder au statut supérieur du modèle. Dans ces conditions, le développement consiste à élargir et à additionner les secteurs modernes. Ce terme contribue donc à entretenir, à maintenir la confusion entre deux réalités qui, même si elles se recouvrent partiellement, sont tout de même foncièrement dissemblables à savoir la croissance et le développement.

    En somme nous pouvons constater que quatre terrains interconnectés constituent les sièges privilégiés de la dépendance de l'Afrique :

    · la détention physique des ressources naturelles des pays et l'imprécision politique

    ·

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    l'exploitation économique

    · l'exacerbation des contradictions sociales

    · l'aliénation culturelle

    Mais après 75 ans d'exercice du développement, ne peut-on pas supposer que pour y parvenir au pire et le transcender au mieux, la solution ne pourra qu'être apportée par les ivoiriens eux-mêmes. Aujourd'hui il apparaît manifeste que les ivoiriens demeure plus spectateur qu'acteurs de leurs développements.

    Si l'ivoirien n'est pas capable de se tenir debout...Laissez le tomber !

    Pour conclure nous prendrons inspiration chez Venace Konan, journaliste ivoirien né en 1958. Il est depuis 2010 le directeur de publication du quotidien « Fraternité Matin ». Reconnu de ses pairs, il a plusieurs fois remporté le Prix Ebony10. Également écrivain et essayiste il a notamment écrit le best-seller « les prisonniers de la haine » en 2003 et fut récompensé par le prix de la presse panafricaine pour son essai qui se nomme Si le noir n'est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber (tout ce que je vous demande est de ne pas l'empêcher de se tenir debout) ».

    Afin de parvenir à « transcender » le développement et à proposer un modèle de « vivre ensemble » sain et durable, il est primordial que pour devenir citoyen actif les ivoiriens se doivent de définir de manière autonome leur identité et leurs aspirations.

    Le développement de l'engagement citoyen qui doit mener les ivoiriens à l'autodétermination de leur avenir passera inéluctablement par la réappropriation d'un ensemble d'éléments.

    En premier lieu l'éducation civique et nationale afin que l'ensemble des ivoiriens ruraux comme urbains puissent bénéficier du minimum d'instruction et de valeurs citoyennes nécessaire à leur éveil citoyen. Nous pensons particulièrement à l'éducation dans les zones rurales, les plus impactées par les crises (économiques, migratoires, environnementales...). Ensuite, un processus de réappropriation historique doit être

    10 Créé par le journaliste Ivoirien Essy Kouamé Noël et organisé chaque année par l'UNJCI (Union nationale des journalistes de Côte d'Ivoire)

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    entrepris afin de connaitre et comprendre les divers systèmes de vivre ensemble et de gouvernance précoloniale. Ce retour aux racines peut permettre les prises de consciences sur la capacité collective à imaginer la société, sa gouvernance et son vivre ensemble. Ceci doit permettre, je l'espère, à la population de retrouver de la confiance en soi. Non pas de manière générale, mais bien lorsqu'elle doit s'affirmer pour conceptualiser et mettre en oeuvre des solutions pour améliorer son bien-être.

    Tout ce que je vous demande est de ne pas l'empêcher de se tenir debout

    Pour agir en ce sens deux dynamiques sont déjà présentes en Nouvelle-Aquitaine et en France mérite notre attention.

    La première politique, est incarné par des organisations tel que Survie ou encore Tournons la page. Survie est une association loi 1901 créée en 1984 qui dénonce toutes les formes d'intervention néocoloniale française en Afrique et milite pour une refonte réelle de la politique étrangère de la France en Afrique. Survie propose également une analyse critique des modalités d'actions politique et militaire de la France dans le monde, encourageant chacun à exiger un contrôle réel sur les choix politiques faits en son nom. Elle rassemble les citoyens et citoyennes qui désirent s'informer, se mobiliser et agir.

    La seconde citoyenne, est illustrée par l'émergence de l'éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale. L'Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI) anciennement Education au Développement et à la Solidarité International (EAD-SI) vise à faire comprendre les interdépendances internationales dans le processus de mondialisation, la complexité des mécanismes qui sont sources d'inégalités sociales, économiques et culturelles, et à réfléchir à des solutions efficaces pour construire un monde solidaire.

    L'ECSI se veut une éducation dynamique, ouverte à la participation active et créative, orientée vers le changement et l'action. Sa démarche pédagogique peut se résumer par la formule : s'informer - comprendre - agir, des éléments constitutifs de l'apprentissage de la citoyenneté.

    Les acteurs intervenant dans le domaine de l'Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale sont de plus en plus nombreux mais aussi de plus en plus divers :

    ·

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    Les ONG et les associations. Elles sont engagées dans l'Education Au Développement de la solidarité internationale ou du développement durable.

    · En France, une plateforme nationale regroupe les associations, campagnes et collectifs, pour lesquels l'ECSI est une des priorités d'actions : il s'agit d'EDUCASOL. Ce regroupement agit en faveur d'une concertation entre les acteurs de l'ECSI en France, organise des rencontres nationales et représente les acteurs auprès des pouvoirs publics français et dans les instances européennes.

    · Les pouvoirs publics. Ils sensibilisent et informent les citoyens au sujet de leurs droits et devoirs. Ils soutiennent également des actions destinées à l'ECSI comme par exemple le Festival des Solidarités, la quinzaine du commerce équitable, la semaine du développement durable...

    De la nécessité d'une interculturalité exigeante

    Gustave Massiah évoque qu'à partir de la crise financière qui se transforme en crise alimentaire en Afrique de l'ouest en 2008, une nouvelle séquence de l'histoire du développement démarre. Il faut partir de cette situation et de ses contradictions pour identifier les questions et les défis principaux de l'Afrique du XXI ème siècle.

    Dès 2011, les réponses des peuples à la crise du capitalisme se déclinent sous la forme d'insurrections populaires qui peuvent être qualifiées de révolutionnaires. Ce sont des dizaines de mouvements populaires sur l'ensemble qui mettent dans des dizaines de pays des millions de personnes sur les places. Rappelons les printemps arabes à partir de Tunis et du Caire ; les indignés en Europe du Sud, les « occupy » à Londres et New York, les étudiants chiliens, le parc Taksim à Istanbul, les carrés rouges au Québec, les parapluies à Hong Kong, les « gens ordinaires » à New Delhi et d'autres ... On retrouve partout les mêmes motivations : le refus de la pauvreté et des inégalités, le rejet des discriminations, les libertés et le refus des répressions, la revendication d'une démocratie à réinventer, l'urgence écologique. Et partout, un nouvel enjeu, le refus de la corruption, le rejet de la fusion des classes politiques et des classes financières qui annule l'autonomie du politique et entraîne la méfiance envers le politique des peuples. A partir de 2013, le paradigme néolibéral reprend le dessus et confirme les tendances qui ont émergé dès la fin des années 1970. Les politiques dominantes, d'austérité et

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    d'ajustement structurel, sont réaffirmées. La déstabilisation, les guerres, les répressions violentes et l'instrumentalisation du terrorisme s'imposent dans toutes les régions. Des courants idéologiques réactionnaires et des populismes d'extrême-droite sont de plus en plus actifs en Europe.

    Les racismes et les nationalismes alimentent les manifestations contre les étrangers et les migrants. Ils prennent des formes spécifiques comme le néo-conservatisme libertarien aux Etats-Unis, les extrêmes-droites et les diverses formes de national-socialisme en Europe, l'extrémisme djihadiste armé, les dictatures et les monarchies pétrolières, l'hindouisme extrême, etc. Dès 2013, commencent les contre révolutions avec la montée des idéologies racistes, sécuritaires, xénophobes. Le néolibéralisme durcit sa domination et renforce son caractère sécuritaire appuyé sur les répressions et les coups d'état. Les mouvements sociaux et citoyens se retrouvent en position défensive. Mais, dans le moyen terme, rien n'est joué.

    Il nous faut revenir à cette situation pour prendre la pleine mesure des conséquences d'une période de contre-révolutions. Actuellement nous vivons une période de plusieurs contre révolutions conservatrices : la contre révolution néolibérale, celle des anciennes et nouvelles dictatures, celle du conservatisme évangéliste, celle du conservatisme islamiste, celle du conservatisme hindouiste. Elle rappelle que les périodes révolutionnaires sont généralement brèves et souvent suivies de contre révolutions violentes et beaucoup plus longues. Mais, les contre-révolutions n'annulent pas les révolutions et le nouveau qui a explosé continue de progresser et émerge, parfois longtemps après, sous de nouvelles formes. Le durcissement des contradictions et des tensions sociales explique le surgissement des formes extrêmes d'affrontement. Mais, il y a aussi une autre raison à la situation, ce sont les angoisses liées à l'apparition d'un nouveau monde. Trump aux Etats Unis, Bolsonaro au Brésil, Orban en Hongrie, Modi en Inde et Duterte aux Philippines, ..., en sont les visages grimaçants (Massiah,2019). Nous pouvons nous interroger sur les changements profonds qui construisent le nouveau monde et qui préfigurent les contradictions de l'avenir. Nous pouvons identifier cinq mutations en cours, des révolutions inachevées dont nous percevons déjà les premiers bouleversements :

    ·

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    La révolution des droits des femmes remet en cause des rapports de domination millénaires ;

    · La révolution des droits des peuples, deuxième phase de la décolonisation, après l'indépendance des Etats met en avant la libération des peuples et interroge les identités multiples et les formes de l'Etat-Nation ;

    · La prise de conscience écologique, véritable révolution philosophique, qui repose l'idée d'un temps fini ;

    · Le développement du numérique qui renouvelle le langage et l'écriture ainsi que des biotechnologies interrogent les limites du corps humain. Le bouleversement du peuplement de la planète est en cours ;

    · Il ne s'agit pas d'une crise migratoire mais d'une révolution démographique mondiale.

    Il y a plusieurs bouleversements en cours, des révolutions inachevées et incertaines. Rien ne permet cependant d'affirmer qu'elles ne seront pas écrasées, déviées ou récupérées. Mais rien ne permet non plus de l'affirmer. Elles bouleversent le monde ; elles sont aussi porteuses d'espoirs et marquent déjà l'avenir et le présent. Pour l'instant, elles

    provoquent des refus et des grandes violences
    A partir des contradictions révélées par la situation actuelle, nous pouvons identifier les défis et les questions. On peut proposer une liste des thèmes que devra prendre en compte

    l'invention d'une nouvelle pensée du développement.
    Plusieurs questions résultent des limites du système dominant ; l'épuisement du néolibéralisme et les hypothèses de renouvellement ou de dépassement du capitalisme. Plus directement aujourd'hui la question de la pauvreté et des inégalités mondiales, le lien entre la justice sociale et la justice fiscale.

    Le nouveau paradigme écologique et le rapport entre l'espèce humaine et la Nature définit la rupture et pose aussi la question de la justice environnementale. Les grandes mutations identifiées autour de la révolution des droits des femmes, de la révolution des droits des peuples, du numérique et des biotechnologies, de la scolarisation des sociétés. Le nouveau schéma géopolitique, avec la tendance à la multipolarité, les guerres, le droit international et les multinationales, la nouvelle phase de la décolonisation après celle de l'indépendance des Etats, le rapport entre les Etats, les nations et les peuples et la redéfinition de la

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    souveraineté. Aussi, la question de l'hégémonie culturelle, des idéologies racistes, xénophobes et sécuritaires, des droits fondamentaux et de l'universalité des droits. L'interrogation fondamentale sur le politique, la délégation et la représentation, sur la corruption, sur les formes de la démocratie. La définition et le rôle des acteurs du changement, la mutation des classes sociales et du rapport entre les classes, le genre et les origines. Le rôle des mouvements sociaux et citoyens et la stratégie internationale des mouvements de toute natures. Si la pensée du développement occupe une place aussi importante, c'est parce qu'elle se présente comme la référence pour comprendre et agir sur l'évolution des sociétés. Il faut tout de suite souligner le biais dans la place qu'a pris l'économie dans la compréhension des transformations sociales par rapport à la philosophie, aux sciences, aux technologies et aux sciences sociales (Massiah,2019).

    Pendant les années soixante, la pensée du développement privilégiait des durées de vingt à quarante ans, celle de l'amortissement des investissements et le temps d'une génération. L'analyse de l'évolution des sociétés s'est beaucoup enrichie au cours des trente dernières années. L'analyse marxiste, celle des modes de production et des formations sociales, des rapports sociaux et des structures sociales, s'est dégagée des rigidités et des contre sens du soviétisme. L'étude des civilisations a progressé, à partir des progrès des recherches historiques et archéologiques, notamment celles des économies mondes et des système mondes. La rupture de la décolonisation a été prolongée par l'étude de l'accumulation à l'échelle mondiale. La rupture écologique amène à élargir l'échelle du temps à la géologie et à la Nature et l'échelle de l'espace à celle de la planète dans l'articulation entre le local, le national, les grandes régions et le mondial.

    L'évolution des sociétés est représentée par des périodes de relative stabilité interrompues par des révolutions qui marquent le basculement vers une autre période. L'accent est mis sur la complexité des sociétés, définie non seulement par l'affrontement entre deux classes sociales, mais par l'articulation entre plusieurs modes de production faisant intervenir plusieurs classes sociales et des alliances de classes. L'attention a porté sur la transition qui caractérise des périodes longues et contradictoires d'une société à une autre.

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    Cette démarche qui renouvelle la notion de transition, n'est pas la conception d'une démarche progressive et réformiste ; elle inclut la nécessité de ruptures et de révolution. Le rapport entre le temps long des transitions et les ruptures des révolutions doit être précisé. La transition n'annule pas du tout le rôle des révolutions, des moments d'affrontements et d'invention qui marquent l'évolution et les rapports de forces et dans lesquels s'imposent les idées nouvelles et se définissent les nouveaux rapports sociaux.

    Les révolutions ne résument pas la transformation des sociétés. L'Histoire ne se réduit pas à une succession de « Grands Soirs » qu'il suffit de préparer ; tout deviendrait possible après et avant tout serait récupérable et même récupéré. Les historiens se sont beaucoup attachés à l'étude des transitions longues qui ont caractérisées certains grands empires et des transitions plus courtes et maîtrisées. Un exemple de ce type de transition caractérise le passage du féodalisme au capitalisme, maîtrisé par la bourgeoisie en moins de quelques siècles. Comme il est compréhensible, c'est cet exemple qui sert de référence quand on s'interroge sur les sorties du capitalisme. Car le capitalisme ne résume pas l'Histoire, il a eu un début, il aura une fin et elle n'est pas écrite.

    La relecture de la transition du féodalisme au capitalisme permet quelques réflexions. L'Histoire n'est pas écrite à l'avance, et le dépassement du capitalisme ne va pas automatiquement déboucher vers une société idéale, plus juste, plus égalitaire. Il peut très bien déboucher vers un mode de production, une société, avec des rapports inégalitaires et de domination même s'ils ne sont plus capitalistes.

    Mais il peut aussi, en fonction des luttes et des mobilisations permettre un pas vers l'émancipation. Comme on l'a vu, les rapports sociaux capitalistes existaient déjà, incomplets, dans les sociétés féodales. On peut donc faire l'hypothèse que dans les sociétés actuelles il existe déjà des rapports sociaux incomplets de dépassement du capitalisme. Ce qui donne un autre statut aux recherches d'alternatives qui peuvent préfigurer de nouveaux rapports sociaux. Comme on l'a aussi vu dans la transition du féodalisme au capitalisme, aucune des deux classes principales féodales, l'aristocratie et la paysannerie, ne l'a emporté ; ce sont deux nouvelles classes, la bourgeoisie et la classe ouvrière, nées dans le processus, qui se sont imposées comme classes principales. De nouvelles classes sont en gestation dans le dépassement du capitalisme. Pour illustrer

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    cette hypothèse, par exemple, les managers pourraient disputer aux actionnaires la direction ; à l'inverse, les précaires pourraient formaliser une nouvelle classe antagonique, un nouveau prolétariat.

    Pour caractériser la transition engagée, on peut mettre en avant l'énoncé par Gustave Massiah d'une transition sociale, écologique, démocratique et géopolitique. Une transition sociale pour une plus grande justice sociale et contre les inégalités nationales et mondiales. Une transition écologique pour une plus grande justice environnementale en « changeant le système et pas le climat ». Une transition démocratique par le refus de la confiscation des pouvoirs par des minorités et en inventant de nouvelles formes du politique. Une transition géopolitique en refusant toutes les formes de domination. La proposition de transition rappelle la nécessaire action dans le temps long ; elle n'élimine pas les indispensables accélérations que portent les révolutions.

    L'enjeu est de s'engager dans une transition vers plus d'émancipation. Il s'agit pour cela d'articuler quatre formes d'engagement, à savoir :

    · Les luttes et les mobilisations ;

    · L'élaboration et la réflexion théorique ;

    · La lutte contre l'hégémonie culturelle par la confrontation des idées et le débat public intellectuel, scientifique, artistique ;

    · La mise en oeuvre d'alternatives concrètes à la logique dominante.

    A partir de 2013, la situation internationale est, dans un très grand nombre de pays, marquée par la montée des idéologies racistes, sécuritaires et xénophobes. Elle se traduit par une double offensive : contre les migrants d'une part et par la criminalisation des mouvements sociaux et citoyens, particulièrement contre les mouvements de solidarité. La montée de ces idéologies n'annule pas les contradictions et les résistances qui sont très importantes dans toutes les sociétés. Mais, dans de nombreux pays des mouvements qui traduisent les volontés de souveraineté par des nationalismes conservateurs et des blocs d'extrême droite, voire fascisants, gagnent des majorités électorales.

    Cette évolution peut être expliquée, en partie, par l'évolution de la mondialisation. Les travaux de Branko Milanovic sur les inégalités mondiales mettent en évidence l'évolution

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    de la mondialisation et ses conséquences sur les inégalités exacerbées par les politiques d'austérité qui ont suivi la crise de 2008. Les travaux montrent le recul de l'extrême pauvreté, surtout en Asie, et l'explosion des inégalités avec le 1% des ultras riches et l'explosion de la corruption dans tous les pays. Mais, ces travaux mettent aussi en évidence le recul du pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes des pays riches et émergents. Il s'agit d'un véritable appauvrissement, d'une paupérisation relative. Cette tendance permettrait d'expliquer, en large part, le désespoir des couches populaires et moyennes, comme par exemple le mouvement des gilets jaunes. Elle peut aussi expliquer l'écoute des discours nationalistes et extrémistes, les votes pour Trump, Bolsonaro, Modi, Orban, Duterte et autres réactionnaires.

    Elle permet aussi de comprendre l'évolution autoritaire et violente du néolibéralisme : en perdant l'alliance avec les classes moyennes et certaines couches populaires qui avaient fonctionnées au temps du New Deal, le néolibéralisme, après la crise de 2008 tourne le dos à une option démocratique, même relative ; il s'engage dans une version austéritaire, mêlant l'austérité à l'autoritarisme et développe une violence d'Etat agressive.

    Par rapport aux urgences et aux dangers des remontées totalitaires qui occupent l'espace philosophique et politique, l'alliance entre les humanistes et les alternatifs radicaux est essentielle. Elle nécessite un renouvellement et une réinvention de l'humanisme, au sens d'une philosophie qui vise à l'épanouissement de la personne humaine et au respect de sa dignité. Elle rappelle l'importance et la fécondité des débats qui ont illustré, parmi d'autres, l'humanisme chrétien et la théologie de la libération, la résistance au stalinisme dans la pensée marxiste, la critique de l'universalisme occidental, les propositions pour un humanisme évolutif et écologique.

    La victoire des tendances totalitaires a été acquise au niveau des idées, des idéologies. L'extrême droite a commencé dès la fin des années 1970 son offensive contre l'égalité. En France, en lien avec des cercles aux Etats Unis, le Club de l'Horloge a mené, avec l'aide de scientifiques et d'intellectuels, une offensive pour affirmer que l'égalité n'est pas naturelle et que ce sont les inégalités qui le sont. Cette offensive a ciblé les libertés ne défendant que la liberté des entreprises et a combattu le droit international dans sa référence à la Déclaration universelle des droits humains (Massiah,2019).

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    On retrouve ainsi les explications de Gramsci sur l'importance de l'hégémonie culturelle qui permet à un système de domination de s'imposer en étant accepté par les couches sociales dominées. Dans cette bataille culturelle, la définition d'un projet, porteur d'une alternative d'émancipation, est essentiel.

    La solidarité internationale est interpellée par cette nouvelle situation. Il faut donc en rappeler les fondements et la manière de tenir compte des nouvelles conditions. Dans la mesure où la solidarité internationale concerne les rapports entre les sociétés, il faudra revenir sur la manière de comprendre le changement social et l'évolution d'une société ; il faudra aussi s'interroger sur les rapports entre des sociétés et sur les inégalités et les rapports de domination qui peuvent caractériser les rapports entre les sociétés ; il faudra enfin s'interroger sur l'évolution du système international. Les réflexions que nous avons proposé sur la pensée du développement, comme une manière de prendre en compte les changements des sociétés et de leurs rapports doivent permettre de prendre en compte la situation actuelle et son évolution par rapport aux ruptures qui ont été identifiées.

    Considérons la solidarité internationale comme une valeur, une stratégie, des pratiques et un mouvement. Partons de la solidarité internationale en tant que valeur, examinons quelle stratégie permet de la développer, prenons en compte les pratiques qui la définissent, examinons enfin les acteurs qui portent cette solidarité et considérons qu'il existe des mouvements de solidarité internationale.

    En tant que valeur, la solidarité internationale est la dimension internationale de la solidarité. Il faut donc partir de la solidarité comme valeur et de l'évolution de sa signification. La solidarité se distingue progressivement de la charité et de l'aide d'une part et de l'altruisme d'autre part. La solidarité traduit le lien entre des personnes qui se considèrent comme liées par leur appartenance commune à une communauté ou à un territoire. En cela, la solidarité internationale renforce et complète la solidarité en élargissant la communauté à l'Humanité et le territoire à la planète. La solidarité est souvent perçue dans les valeurs fondamentales comme le complément de la liberté et de l'égalité en étant plus générale que l'injonction de fraternité ou de sororité. L'actualité de ces valeurs est renforcée par les dérives dans l'explosion des inégalités, la remise en cause des libertés et le renforcement de l'égoïsme. Les sociétés sont confrontées à l'inverse de

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    la solidarité avec la folle démesure dans la possession des richesses et dans l'ivresse de la puissance (ce qu'on a appelle l'hubris).

    La solidarité, et la solidarité internationale, sont présentes dans des pratiques multiples. C'est ce qu'on a vu dans les relations de travail avec la solidarité dans les syndicats ouvriers et paysans. C'est ce qu'on a vu aussi avec le développement de l'ESS (Economie sociale et solidaire), et particulièrement avec les coopératives agricoles et ouvrières qui ont tenté d'organiser la solidarité à travers la coopération. C'est aussi le cas des mutuelles quand elles ont résisté à leur mutation dans le système bancaire. C'est le cas dans les territoires et dans l'Histoire des municipalités qui ont conservées pendant très longtemps des communs. Les pratiques de solidarité ont résisté à la marchandisation, la privatisation et l'étatisation. Elles sont à la base des propositions telles que les communs et la propriété sociale (Massiah,2019).

    La solidarité internationale a mis en avant des pratiques spécifiques. D'abord pendant la décolonisation, la solidarité internationale a pris des formes actives dans le soutien, et même la participation sous des formes diverses, aux luttes de libération nationale des peuples colonisés, et aussi aux luttes contre les racismes, les ségrégations et les discriminations. Après les indépendances, la solidarité internationale a essayé de s'engager dans la coopération, mais l'évolution des Etats décolonisés a découragé ces tentatives. Les associations de solidarité internationale ont avancé une autre proposition, théorique et pratique, avec le partenariat (Massiah,2019).

    L'hypothèse du partenariat, et son pari, c'est de parvenir à construire des relations d'égalité alors que les situations sont profondément inégales, du fait des inégalités et des dominations entre les sociétés auxquelles sont reliés les partenaires. C'est une option volontariste pour construire et inventer de la solidarité internationale en contradiction avec le marché, les puissances financières, les appareils d'Etat. Suivant les situations, ce partenariat peut être possible ou impossible, bénéficier des contradictions ou au contraire en être victime, permettre des marges de manoeuvre ou faciliter les récupérations.

    La solidarité internationale est un mouvement qui s'inscrit dans l'ensemble des mouvements sociaux et citoyens. Faisons l'hypothèse que tous les mouvements de

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    solidarité doivent prendre conscience de l'importance de la solidarité internationale comme prolongement et comme fondement de toutes les actions de solidarité. Plus généralement, la solidarité est constitutive de tous les mouvements sociaux et citoyens ; c'est dans chacun de ces mouvements que naît et que se construit le sentiment d'appartenance à des communautés de destin. Et c'est tout naturellement que se construisent les réseaux internationaux de familles de mouvements, confrontés à la mondialisation néolibérale d'une part, et d'autre part heureux de se retrouver en confiance, d'apprendre les uns des autres, de chercher des réponses, d'expérimenter des pratiques. C'est ce qu'on peut voir avec les mouvements paysans, les syndicats salariés, les mouvements pour les droits des femmes, les peuples indigènes, les mouvements d'habitants, ... Prenons l'exemple de La Via Campesina ; c'est au niveau international qu'elle a défini son programme et fait reconnaître l'importance des paysanneries. Chaque point de son programme est marqué par la solidarité et par la liaison entre le local, le national et le mondial : l'agriculture paysanne ; la biodiversité, les semences, et le refus des OGMs ; la souveraineté alimentaire et le refus de l'OMC ; la réforme agraire ; le respect des droits humains pour les communautés rurales et les militants ; les droits des femmes, des jeunes et des migrants.

    L'altermondialisme est né de la convergence des mouvements sociaux et citoyens et des réseaux internationaux de mouvement. Ils ont rendu la solidarité internationale plus visible. Les forums sociaux mondiaux ont montré cette convergence ; ils sont encore présents en tant que processus. Une nouvelle phase du mouvement altermondialiste est à inventer. La mondialité, proposée par Edouard Glissant, permettrait de dépasser l'affrontement entre nationalisme et mondialisme. La multipolarité permettrait de dépasser les contradictions toujours vivantes entre le Nord et le Sud.

    L'organisation de la continuité des échelles est à réinventer en prenant comme impératif la nécessité de la solidarité internationale. Le local implique la liaison entre les territoires et les institutions démocratiques de proximité, la redéfinition d'un municipalisme d'émancipation. Le niveau national implique la redéfinition du politique, de la représentation et de la délégation dans la démocratie, le renforcement de l'action publique et le contrôle démocratique du pouvoir d'Etat. Les grandes régions sont les espaces des politiques environnementales, géoculturelles et de la multipolarité. Le niveau

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    mondial est celui de l'urgence écologique, des institutions internationales, du droit international qui doit s'imposer par rapport au droit des affaires, de la liberté de circulation et d'installation et des droits des migrants (Massiah,2019).

    Le mouvement de solidarité internationale est formé par les mouvements sociaux et citoyens. Il met en avant le respect de la diversité des mouvements. La mise en avant de contradictions principales ne justifie pas la subordination de certains mouvements à d'autres. C'est ce que signifie l'intersectionnalité qui ne se limiterait pas aux rapports entre classes, genres et origines. L'évolution des mouvements est aussi à interroger. Dans les forums sociaux, le débat a été engagé sur l'« ONGéisation » des mouvements et la différenciation entre mouvements de mobilisations et mouvements d'influence par rapport à des pouvoirs étatiques ou d'entreprises. Cette tendance a été renforcée par les Fondations qui sont, avec leurs contradictions, les formes d'un capitalisme philanthropique. Le partenariat doit être interrogé en tant que concept et en tant que pratique. Des changements culturels considérables sont à l'oeuvre et vont marquer le mouvement de solidarité internationale. Particulièrement, les nouvelles formes générationnelles d'engagement et les changements dans le rapport individuel/collectif.

    Repenser le développement, c'est redéfinir les stratégies de changement social. Le mouvement social de solidarité international rappelle que la transformation de chaque société ne peut pas être envisagée en dehors du changement du monde. Il s'appuie sur un droit international construit autour du respect des droits fondamentaux. Il propose, en lieu et place d'une définition du développement fondée sur la croissance productiviste, une concurrence illimitée et des formes de domination, une stratégie de la transition écologique, sociale, démocratique et géopolitique.

    La démarche proposée est de partir de la stratégie des mouvements sociaux et citoyens. De proposer à tous les mouvements, et aux réseaux internationaux de mouvements, de définir leur stratégie par rapport aux changements et aux ruptures qui caractérisent la situation actuelle et de mettre en évidence la dimension internationale de ces stratégies. La nouvelle phase de l'altermondialisme pourra être définie et construite à partir des stratégies des mouvements sociaux et citoyens et de leurs réseaux internationaux (Massiah,2019).

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    Il s'agit ici d'interpeller sur la nécessité de décoloniser la pratique actuelle du développement. Il ne faut cependant pas s'y méprendre. Je n'invective et ni ne mets à l'index qui que soit. Il s'agirait plutôt de se résoudre à accepter, que la solidarité internationale telle que nous la connaissons et la pratiquons actuellement s'inscrit, malgré nous, dans le paradigme néocolonial du développement.

    La pratique de la solidarité internationale et de l'aide d'urgence se justifie dans la majorité des cas et il est important que nombre de nos concitoyens s'ouvrent au monde et partagent une considération universelle de rapports sains et raisonnés avec des populations dont ils sont éloignés et désirent si ce n'est collaborer, agir de concert avec elles. C'est justement parce que l'effort est conséquent, que les attentes relatives à l'efficacité de nos partenaires locaux doivent être équivalente.

    C'est bien de cela qu'il s'agit, surtout dans un contexte où les jeunes leaders associatifs ivoiriens et ouest africain souhaitent tourner la page d'une Afrique en retard, d'une Afrique condamnée à la dépendance et docile. S'appuyant sur une volonté panafricaniste, elle prend en exemple des Sankara, Lumumba et d'autres pour façonner leurs luttes et engagements.

    Bien que dans nos discours et nos intentions, la volonté de dépasser la pratique néocoloniale du développement domine, la réalité du terrain nous pousse bien souvent à s'adapter, à prendre en charge, en bref à « comprendre » nos partenaires.

    En prenant la voie d'une « interculturalité exigeante », dont les conséquences seraient terribles dans un premier temps, nous ferons pression sur le levier fondamental du changement de mentalités et de pratiques en Afrique de l'ouest, à savoir le politique.

    C'est en poursuivant cette voie, qui nous amène à demander plus d'excellence de nos partenaires locaux, et en se refusant à tout « afro-compatisme » qui ne fait qu'entretenir la dépendance africaine que nous pourrons « transcender » le développement.

    Et la diaspora dans tout ça ?

    Bien souvent toujours « affairé » (expression ivoirienne signifiant informé) de ce qui se passe au pays, elle contribue économiquement et oeuvre au développement de la Côte d'ivoire

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    La priorité relative aux diasporas n'est-elle pas celle de la mise en oeuvre de dispositifs permettant la participation politique massive des diasporas via le scrutins depuis l'étranger ?

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    Annexes

    Annexe 1 : Chanson de Yode et Siro « Président on dit quoi ? »

    En zouglou ça réussi toujours

    Mais gbao est mieux que drap

    On dit quoi ? Mon président on dit quoi ?

    On dit quoi ? Mon président on dit quoi ?

    Le pays devient joli oh oh

    Y a goudron partout

    Y a lumière partout

    Y a même lumière dans goudron

    Merci aux PPT, soutrali des pays pauvres

    Mais président ton peuple à faim

    On dit quoi ? Mon président on dit quoi ?

    Kone chicco chikaya (on dit quoi ? Mon président on dit quoi?)

    Les gens sont emprisonnés

    Et tu dis y a personne en prison oh

    Ce que tu n'as pas voulu hier

    Tu ne le fais pas aujourd'hui

    Parce que les mêmes causes produisent les même effets

    On dit y a pas l'argent au pays oh

    Et tu dis l'argent travaille oh

    Mais l'argent là ça travaille pour qui oh

    Là là, président c'est comment?

    Plus de 60 ethnies dans notre pays

    Aujourd'hui du rez de chaussée

    Jusqu'au dernier étage

    Du gardien jusqu'au directeur

    Si ce n'est pas les bakayokos ou bien les Coulibali seulement qui mangent

    (On dit quoi ? Mon président on dit quoi ?)

    Quand ça reste un peu

    On donne aux konan

    Aujourd'hui konan est fâché

    On achète les enfants de konan oh

    L'école est malade

    Ça ne vous dit rien

    J'ai oublié, vos enfants fréquentent ailleurs oh oh

    Le kérosène coûte cher oh

    Mais ça voyage seulement oh

    Le pays est endetté oh

    Payez vos crédits avant de partir oh

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    On ne se réconcilie pas en mettant les gens en prison

    Le pays a besoin de tous ses enfants

    Pour la vraie réconciliation oh

    Pourquoi tant de souffrance avec 2% de chômeurs

    Et bientôt une croissance à 2 chiffres

    Faisons attention à un peuple qui ne parle plus

    Parce que quand ça va chauffer

    Y a plus clôture pour sauter

    Maman bulldozer a tout cassé iohhlé

    Ce que tu n'as pas voulu hier

    Tu ne le fais pas aujourd'hui

    Parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets

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    Annexe 2 : Note d'information pout le consentement éclairé

    et je travaille pour l'organisation Tournons La Page Côte d'Ivoire (TLP-CI).

    Bonjour,

    je m'appelle

    libertés d'expression, d'association, de réunion et manifestation pacifique dans le contexte électoral Nous effectuons une enquête nationale sur les libertés publiques et les droits civiques. Les informations que nous collecterons aideront l'ensemble de la société civile à mieux cerner l'état des opinion nous sont précieuses.

    actuel. Elles seront utilisées pour écrire un rapport qui sera diffusé publiquement.

    Vous avez été sélectionné(e) pour cette enquête. Votre participation n'est absolument pas obligatoire,

    nous espérons néanmoins que vous accepterez de répondre à nos questions, votre expérience et votre

    et du rapport en découlant. Vous pouvez décider de garder l'anonymat.

    L'entretien prend généralement entre 1h et 1h30.

    Toutes les informations que vous nous donnerez serviront exclusivement dans le cadre de l'enquête

    S'il arrivait que je pose une question à laquelle vous ne voulez pas répondre, dites le moi et je passerai

    à la question suivante. Vous pouvez également interrompre l'entretien à tout moment.

    1 - j'accepte d'être interviewé(e)

    Vous pouvez me poser des questions à n'importe quel moment.

    Consentement éclairé - entourez le numéro qui convient :

    1 - je souhaite garder l'anonymat

    2 - j'accepte que mon nom soit cité dans le rapport

    2 - je n'accepte pas d'être interviewé(e)

    En cas de consentement :

    Anonymat - entourez le numéro qui convient :

    Nom et signature de l'enquêté(e) Nom et signature de l'enquêteur

    Fait à

    Le

    Page 210 sur 227

    Annexe 3 : Enquête auprès des partis politiques sur l'état de l'espace civique en Côte d'Ivoire, dans le contexte électoral

    électoral

    Objectif général : Décrire l'état des libertés et des droits des journalistes, activistes et partis

    politiques dans l'espace civique en CI et situer l'impact de la loi sur ces libertés et droits dans

    le contexte électoral.

    Objectifs spécifiques

    1 : vérifier la liberté de la presse à la lumière de la loi sur le délit de diffamation et dans le

    contexte électoral actuel.

    2 : vérifier les libertés et les droits des activistes en général et en particulier de la contexte

    électoral actuel.

    3 : vérifier l'égalité des droits et libertés entre les partis politiques, notamment entre ceux de

    l'opposition et celui au pouvoir, dans le contexte électoral.

    Méthodologie

    ? échantillonnage typique ou de choix raisonné

    Cette enquête porte sur plusieurs catégories de personnes.

    En premier lieu les journalistes qui sont le plus souvent les premiers à subir la restriction de l'espace civique. Ils sont les garants d'une bonne information de la population en vue des élections. Une presse libre et diversifiée est absolument nécessaire pour des élections véritablement démocratiques.

    Ensuite, il faut vérifier que les activistes et les communautés peuvent jouir de leurs libertés

    d'expression, d'association et de manifestation. La société civile doit pouvoir faire librement

    connaître son opinion aux autorités en place et à venir.

    Enfin, les élections présidentielles approchant, il est nécessaire de vérifier que les parties

    politiques sont tous traités sur un pied d'égalité avec celui au pouvoir. Les personnes engagées

    en politique doivent, elles aussi, pouvoir librement s'exprimer et s'associer.

    Dans le cadre de cette enquête des rencontres et entretiens avec ces différentes catégories de personnes seront effectués, afin d'avoir un tableau complet de l'état de l'espace civique en Côte d'Ivoire avant les élections de 2020. Avoir ce tableau permettrait de mener les campagnes nécessaires au respect des libertés constituant l'espace civique et ainsi assurer la bonne préparation des élections et leur bonne tenue.

    Définitions

    · Espace civique : « L'espace civique est le lieu, physique, virtuel et légal, au sein duquel les individus exercent leurs droits à la liberté d'association, d'expression et

    public, en se rassemblant dans des forums en ligne et hors ligne et en participant à la prise de décisions publique, les individus utilisent l'espace civique pour résoudre leurs problèmes et améliorer leur qualité de vie. Un espace civique robuste et protégé constitue la pierre d'angle d'une gouvernance responsable et réactive et de sociétés stables. » Civicus

    · Liberté d'association : La liberté d'association consiste en la possibilité de former ou de rejoindre un groupe pour une durée prolongée. C'est le droit de constituer, d'adhérer et de refuser d'adhérer à une association.

    · Liberté d'expression : exprimer la produit de sa pensée, par tous moyens.

    · Liberté de réunion et de manifestation : le droit d'organiser et de participer à des rassemblements pacifiques dans des locaux ou en plein air.

    Pour les partis politiques

    Objectifs : un espace civique ouvert permet un pluralisme des partis politiques. Cette enquête

    vise donc à vérifier que les droits des partis sont respectés de façon à ce qu'ils puissent prendre

    part aux élections sur un pied d'égalité avec le parti au pouvoir.

    Sur la liberté de réunion et de manifestation pacifique :

    1. - Pouvez-vous librement tenir des réunions politiques publiques ?

    2. - quels sont les moyens utilisés pour empêcher des réunions publiques ?

    3. - quels motifs juridiques sont donnés pour empêcher ces réunions publiques ?

    4. - est-ce que des personnes sont arrêtées ou poursuivies en justice à la suite de ces réunions ?

    5. - est-ce que vous organisez des manifestations (marches) ?

    6. - est-ce que vous demandez des autorisations pour faire ces manifestations ?

    7. - est-ce que vos manifestations sont réprimées violemment ?

    8. - est-ce que ces droits sont moins respectés en période

    électorale ? Sur la liberté d'expression

    9. - est-ce que vous pouvez critiquer librement la politique du gouvernement ?

    10. - pouvez-vous librement exprimer votre pensée politique ?

    11. - est-ce que vos militants peuvent librement s'exprimer ?

    12. - est-ce que vous pouvez librement vous exprimer en ligne ?

    Sur l'accès aux médias

    13. - est-ce que vous avez un accès égal à la presse que le parti au pouvoir ? Page 211 sur 227

    14. - est-ce que vous avez un accès égal aux médias d'État que le parti au pouvoir ?

    Annexe 4 : Enquête auprès des activistes sur l'état de l'espace civique en Côte d'Ivoire, dans le contexte électoral

    électoral

    Objectif général : Décrire l'état des libertés et des droits des journalistes, activistes et partis

    politiques dans l'espace civique en CI et situer l'impact de la loi sur ces libertés et droits dans le

    contexte électoral.

    Objectifs spécifiques

    1 : vérifier la liberté de la presse à la lumière de la loi sur le délit de diffamation et dans le contexte

    électoral actuel.

    2 : vérifier les libertés et les droits des activistes en général et en particulier de la contexte électoral

    actuel.

    3 : vérifier l'égalité des droits et libertés entre les partis politiques, notamment entre ceux de

    l'opposition et celui au pouvoir, dans le contexte électoral.

    Méthodologie

    ? échantillonnage typique ou de choix raisonné

    Cette enquête porte sur plusieurs catégories de personnes.

    En premier lieu les journalistes qui sont le plus souvent les premiers à subir la restriction de l'espace civique. Ils sont les garants d'une bonne information de la population en vue des élections. Une presse libre et diversifiée est absolument nécessaire pour des élections véritablement démocratiques.

    Ensuite, il faut vérifier que les activistes et les communautés peuvent jouir de leurs libertés

    d'expression, d'association et de manifestation. La société civile doit pouvoir faire librement

    connaître son opinion aux autorités en place et à venir.

    Enfin, les élections présidentielles approchant, il est nécessaire de vérifier que les parties

    politiques sont tous traités sur un pied d'égalité avec celui au pouvoir. Les personnes engagées en

    politique doivent, elles aussi, pouvoir librement s'exprimer et s'associer.

    Dans le cadre de cette enquête des rencontres et entretiens avec ces différentes catégories de personnes seront effectués, afin d'avoir un tableau complet de l'état de l'espace civique en Côte d'Ivoire avant les élections de 2020. Avoir ce tableau permettrait de mener les campagnes nécessaires au respect des libertés constituant l'espace civique et ainsi assurer la bonne préparation des élections et leur bonne tenue.

    Page 212 sur 227

    Définitions

    Page 213 sur 227

    public, en se rassemblant dans des forums en ligne et hors ligne et en participant à la prise de décisions publique, les individus utilisent l'espace civique pour résoudre leurs problèmes et améliorer leur qualité de vie. Un espace civique robuste et protégé constitue la pierre d'angle d'une gouvernance responsable et réactive et de sociétés stables. » Civicus

    · Liberté d'association : La liberté d'association consiste en la possibilité de former ou de rejoindre un groupe pour une durée prolongée. C'est le droit de constituer, d'adhérer et de refuser d'adhérer à une association.

    · Liberté d'expression : exprimer la produit de sa pensée, par tous moyens.

    · Liberté de réunion et de manifestation : le droit d'organiser et de participer à des rassemblements pacifiques dans des locaux ou en plein air.

    Pour les activistes et militants :

    Objectifs : les militants et défenseurs de droits disposent de plusieurs droits et libertés leur permettant de dénoncer les injustices : liberté d'opinion, d'expression, d'association et de réunion

    et manifestation pacifique.

    L'objectif est de mesurer de façon global le respect de ces libertés et de façon spécifique de voir

    si la période électorale modifie le comportement des autorités vis-à-vis des des organisations de

    la société civile.

    Le second objectif est de voir si les autorités utilisent la loi pour violer les droits des organisations

    et activistes ou si elles le font sans se prévaloir du droit.

    Générale

    1. Considérez-vous que les libertés d'expression, d'association et de manifestation sont

    garanties en Côte d'Ivoire ?

    1. - considérez-vous que la période électorale entraîne une restriction des

    libertés ? Sur la liberté d'association

    2. - avez-vous eu des problèmes pour vous constituez en association ?

    3. - avez-vous déclaré votre véritable objet à la préfecture ?

    4. - pensez-vous que les activités de votre associations sont surveillées par les autorités ?

    5. - les adhésions à votre association sont-elles ouvertes ? Ou avez-vous un processus de vérification des personnes afin de vous assurer qu'il n'y a pas de personnes travaillant pour les autorités parmi vous ?

    6. - avez-vous été approché par un parti politique afin de leur accorder votre soutien ? Sur la liberté d'expression

    1.

    Page 214 sur 227

    - considérez-vous que toutes les opinions peuvent être exprimées aujourd'hui en Côte d'Ivoire ?

    2. - il-y-t-il des sujet que vous ne n'abordez pas en publique de peur des représailles ?

    3. - avez-vous déjà été arrêté, menacé ou intimidé par les autorités pour une opinion que vous avez exprimée ?

    4. - avez-vous déjà été poursuivi en justice ou inquiété (phase avant le procès) pour une opinion que vous avez exprimée ?

    5. - si oui, quelle a été votre réaction ?

    6. - êtes-vous active en ligne pour exprimer votre opinion ?

    7. - avez-vous connaissance de la loi sur la cybercriminalité ?

    8. - pensez-vous que vos activités sur internet sont surveillées par les autorités ?

    9. - avez-vous déjà renoncé à poster un message sur internet de peur des représailles ?

    10. - avez-vous déjà été menacé ou harcelé en ligne ?

    11. - lorsque vous recevez des messages hostiles en lignes, quelle est votre réaction ?

    12. - pensez-vous pouvoir critiquer librement les partis politiques, notamment celui au pouvoir ?

    13. - pensez-vous pouvoir critiquer les politiques des autorités ?

    14. - pouvez-vous dénoncez les irrégularités dans le processus électoral ?

    15. - pouvez-vous librement critiquer le processus électoral ?

    16. - pouvez-vous dénoncez la corruption ?

    17. - avez-vous facilement accès aux médias ? Sur la liberté de réunion et manifestation pacifique

    24. - avez vous des difficultés à organiser des réunions publiques ? (ex. difficultés à trouver une salle, message pour inciter les gens à ne pas venir, etc)

    25. - organisez-vous des manifestations ?

    26. - si oui, est-ce que vous les déclarez au préalable ?

    27. - avez-vous déjà obtenu une autorisation de manifestation ?

    28. - avez-vous déjà été arrêté à la suite d'une manifestation ?

    29. - est-ce qu'il y a des sujets pour lesquels vous ne pouvez pas manifestez publiquement ?

    30. - est-ce que la nouvelle législation sur les manifestations vous dissuade de manifester ?

    31. - si oui, comment ?

    Annexe 5 : Enquête auprès des journaistes sur l'état de l'espace civique en Côte d'Ivoire, dans le contexte électoral

    électoral

    Objectif général : Décrire l'état des libertés et des droits des journalistes, activistes et partis

    politiques dans l'espace civique en CI et situer l'impact de la loi sur ces libertés et droits dans le

    contexte électoral.

    Objectifs spécifiques

    1 : vérifier la liberté de la presse à la lumière de la loi sur le délit de diffamation et dans le contexte

    électoral actuel.

    2 : vérifier les libertés et les droits des activistes en général et en particulier de la contexte électoral

    actuel.

    3 : vérifier l'égalité des droits et libertés entre les partis politiques, notamment entre ceux de

    l'opposition et celui au pouvoir, dans le contexte électoral.

    Méthodologie

    ? échantillonnage typique ou de choix raisonné

    Cette enquête pourrait porter sur plusieurs catégories de personnes.

    En premier lieu les journalistes qui sont le plus souvent les premiers à subir la restriction de l'espace civique. Ils sont les garants d'une bonne information de la population en vue des élections. Une presse libre et diversifiée est absolument nécessaire pour des élections véritablement démocratiques.

    Ensuite, il faut vérifier que les activistes et les communautés peuvent jouir de leurs libertés

    d'expression, d'association et de manifestation. La société civile doit pouvoir faire librement

    connaître son opinion aux autorités en place et à venir.

    Enfin, les élections présidentielles approchant, il est nécessaire de vérifier que les parties

    politiques sont tous traités sur un pied d'égalité avec celui au pouvoir. Les personnes engagées en

    politique doivent, elles aussi, pouvoir librement s'exprimer et s'associer.

    Dans le cadre de cette enquête des rencontres et entretiens avec ces différentes catégories de personnes seront effectués, afin d'avoir un tableau complet de l'état de l'espace civique en Côte d'Ivoire avant les élections de 2020. Avoir ce tableau permettrait de mener les campagnes nécessaires au respect des libertés constituant l'espace civique et ainsi assurer la bonne préparation des élections et leur bonne tenue.

    Page 215 sur 227

    Définitions

    Page 216 sur 227

    public, en se rassemblant dans des forums en ligne et hors ligne et en participant à la prise de décisions publique, les individus utilisent l'espace civique pour résoudre leurs problèmes et améliorer leur qualité de vie. Un espace civique robuste et protégé constitue la pierre d'angle d'une gouvernance responsable et réactive et de sociétés stables. » Civicus

    · Liberté d'association : La liberté d'association consiste en la possibilité de former ou de rejoindre un groupe pour une durée prolongée. C'est le droit de constituer, d'adhérer et de refuser d'adhérer à une association.

    · Liberté d'expression : exprimer la produit de sa pensée, par tous moyens.

    · Liberté de réunion et de manifestation : le droit d'organiser et de participer à des rassemblements pacifiques dans des locaux ou en plein air.

    Pour les journalistes :

    Objectifs : la loi sur le délit de diffamation permet de poursuivre facilement les journalistes. L'objectif de notre enquête est de mesurer la fréquence à laquelle la loi sur la diffamation est utilisée contre les journalistes, si elle est une menace suffisante pour que les journalistes pratiques l'auto-censure. Le second objectif est de voir si le pouvoir utilise la loi comme outil pour entraver les libertés de la presse ou si elles se passent de cela et agissent directement sans le couvert de la loi.

    Sur la diffamation

    1. - avez-vous connaissance de la loi sur la diffamation ?

    2. - comment prenez-vous en compte les exigences de cette loi dans votre travail ?

    3. - avez-vous déjà été poursuivi en diffamation ?

    4. - connaissez-vous des journalistes qui ont été poursuivi en diffamation ?

    5. - avez-vous déjà renoncé à publier un article de peur d'être poursuivie en diffamation ?

    6. - pensez-vous que la loi ivoirienne est utilisée pour censurer les

    journalistes ? Persécutions en général

    7. - avez-vous déjà été contacté de façon hostile à la suite de la publication d'un article ?

    8. - avez-vous déjà fait l'objet de menaces ou d'intimidation de la part des autorités en lien avec votre métier ?

    9. - si oui, quelles formes prenaient ces menaces ?

    10. - avez-vous déjà été arrêté sans motif ?

    11. - en cas d'intimidation, menace, etc, quelle est votre

    réponse ? État de la liberté de la presse

    Page 217 sur 227

    1. - considérez-vous que votre parole de journaliste est libre ?

    2. - pensez-vous que la liberté d'expression existe en CI ?

    3. -Y a-t-il des sujets que vous refusez d'aborder de peur d'être sanctionner par la loi ?

    4. - Y a-t-il des sujets que vous refusez d'aborder par mesure de sécurité ?

    5. - considérez-vous que le secret des sources est protégé en Côte d'Ivoire ?

    9. - avez-vous déjà fait appel à la justice ou a un organe indépendant de l'État pour voir garantir vos droits ?

    6. - considérez-vous que l'accès aux médias est équitables ?

    7. - considérez-vous que la Côte d'Ivoire dispose d'une presse libre ?

    8. - pensez-vous que la loi ivoirienne protège la liberté de la presse ?

    10. - pensez-vous que la liberté d'expression pour les journaliste est de plus en plus restreinte ?

    11. - En tant que journaliste, comment réagissez-vous face à la censure d'un de vos confrères ou d'une de vos consoeurs ?

    12. - avez-vous déjà dû payer une autorité pour faire votre métier ? Contexte des élections

    13. - pensez-vous pouvoir faire une couverture libre de la campagne électorale en 2020 ?

    25. - il y a-t-il des sujets que vous devez ou ne devez pas aborder sur les élections aux risques

    d'être sanctionné ?

    26. - pensez-vous pouvoir critiquer librement le gouvernement et les partis politiques, notamment celui aux pouvoirs, dans le contexte des élections ?

    27. - pensez-vous pouvoir critiquer les politiques des autorités ?

    28. - pouvez-vous dénoncez la corruption ?

    Page 218 sur 227

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    Table des figures

    Figure 1 : Les Objectifs du développement durable (ONU 2020) 6

    Figure 2: Typologie des acteurs de la société civile ivoirienne (UE,2010) 41

    Figure 3: Présentation de la Côte d'Ivoire (France Diplomatie,2020) 50

    Figure 4: Climat et végétation en Côte d'Ivoire ( RABET, 2020) 52

    Figure 5: Topographie de la Côte d'Ivoire (Vennetier P. et al in Atlas de la Côte d'Ivoire 1978) 54

    Figure 6 : Pédologie de Côte d'Ivoire (Vennetier P. et al in Atlas de la Côte d'Ivoire 1978) 55

    Figure 7 : Carte des ressources minérales de Côte d'Ivoire (RABET & TOBBI, 2019) 56

    Figure 8 : Carte de la répartition de la population ivoirienne sur le territoire 57

    Figure 9: Carte des densités de population par territoire en Côte d'ivoire 58

    Figure 10 : Carte de la répartition des principales aires ethnolinguistiques de la Côte d'ivoire

    (RABET,2020) 59

    Figure 11 : Les cultures de rentes ivoiriennes (RABET & TOBBI, 2020) 61

    Figure 12: L'agriculture vivrière en Côte d'Ivoire (RABET & TOBBI,2020) 62

    Figure 13 : Taux de croissance de la Côte d'ivoire depuis 2011 (Banque mondiale 2019) 64

    Figure 14 : La répartition de la population abidjanaise (RABET,2020) 66

    Figure 15: Distribution spatiale de la pauvreté dans le district d'Abidjan (RABET,2020) 67

    Figure 16 : Photo de l'équipe de Novox Côte d'ivoire (rapport d'activité No-vox ,2018) 69

    Figure 17 : Photo de l'Equipe Tournons la page Côte d'ivoire (Tournons la page, 2020) 70

    Figure 18: La situation coloniale en Afrique en 1945 (RABET,2020) 73

    Figure 19: Carte des principaux acteurs de la vie politique ivoirienne depuis 1960 85

    Figure 20: Carte de la migration ouest africaine en Côte d'ivoire (OIM,2020) 91

    Figure 21: La crise ivoirienne entre 2002 et 2007 (PARMENTIER, 2007) 106

    Figure 22: Les principales factions de la rébellion ivoirienne (BOUQUET, ) 111

    Figure 23 : Répartition des forces internationales du maintien de la paix en Côte d'ivoire 120

    Figure 24 : Photo de gombos sur un marché et préparé en sauce (wikipédia,2020) 152

    Figure 25 : modélisation du renforcement de capacités (UE, 2010) 156

    Figure 26: Performance des états africains en terme d'atteinte des ODD (ONU,2019) 179

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    Table des matières

    ABREVIATIONS 4

    SOMMAIRE 5

    INTRODUCTION 6

    CHAPITRE 1 : ETAT DE L'ART ET CONTEXTE DE L'ETUDE 14

    1.OBJET DE L'ETUDE 14

    A. La construction de la Citoyenneté en Europe et en Afrique de l'ouest 14

    B. Le cosmopolitisme et la citoyenneté mondiale 20

    C. Le développement et la solidarité internationale 25

    D. La société civile ivoirienne 33

    2. METHODOLOGIE ET CONTEXTE DE L'ETUDE 48

    A. Méthodologie d'étude 48

    B. Contexte géographique de la Côte d'Ivoire 50

    C. Contexte Socio-économique de la Côte d'Ivoire 57

    D. Contexte de la mission 66

    CHAPITRE 2 : EVOLUTION DE LA CITOYENNETE EN COTE D'IVOIRE DEPUIS 1960 73

    1.RESTRICTION DE LA CITOYENNETE DANS LA COTE D'IVOIRE D'HOUPHOUËT-BOIGNY 73

    A. L'éveil politique ivoirien et l'accès à l'indépendance 73

    B. Hégémonie politique et citoyenneté contenue : Le règne d'Houphouët-Boigny 77

    C. La fin du miracle ivoirien et l'avènement du multipartisme 83

    2. HYPERPOLITISATION DE LA CITOYENNETE IVOIRIENNE A PARTIR DES ANNEES 1990 85

    A. Succession, jeu politique et dérive sociale 85

    B. Résistance patriotique et rébellion : brutalisation de la pratique citoyenne ivoirienne 99

    C. De la complexité de l'aide internationale : La sortie de crise ivoirienne 120

    CHAPITRE 3 : L'ACTION DES OSC IVOIRIENNES DU DEVELOPPEMENT DEPUIS 2011 135

    1.ANALYSE DES ENJEUX ET LIMITES DE L'ACTION DES OSC IVOIRIENNES DU DEVELOPPEMENT 138

    A. Une activité limitée par la restriction de l'espace civique 138

    B. Les difficultés de mobilisation des OSC ivoiriennes 151

    C. Les enjeux de la professionnalisation des OSC ivoiriennes 154

    2. RECONTEXTUALISATION DE L'ACTION DES OSC EN AFRIQUE 168

    A. Comparaison avec le modèle rwandais 168

    B. Des dynamiques d'atteinte des ODD contrastées à l'échelle du continent 179

    CONCLUSION 185

    ANNEXES 207

    ANNEXE 1 : CHANSON DE YODE ET SIRO « PRESIDENT ON DIT QUOI ? » 207

    ANNEXE 2 : NOTE D'INFORMATION POUT LE CONSENTEMENT ECLAIRE 209

    ANNEXE 3 : ENQUETE AUPRES DES PARTIS POLITIQUES SUR L'ETAT DE L'ESPACE CIVIQUE EN COTE D'IVOIRE, DANS LE CONTEXTE

    ELECTORAL 210

    ANNEXE 4 : ENQUETE AUPRES DES ACTIVISTES SUR L'ETAT DE L'ESPACE CIVIQUE EN COTE D'IVOIRE, DANS LE CONTEXTE ELECTORAL 212

    ANNEXE 5 : ENQUETE AUPRES DES JOURNALISTES SUR L'ETAT DE L'ESPACE CIVIQUE EN COTE D'IVOIRE, DANS LE CONTEXTE ELECTORAL

    215

    BIBLIOGRAPHIE 218

    TABLE DES FIGURES 225

    TABLE DES MATIERES 226

    RESUME ET MOTS CLEFS 227

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    Résumé et mots clefs

    L'agenda 2030 et les objectifs du développement durable sont les principaux indicateurs des progrès réalisés en matière de développement par l'ensemble des Etats, en particulier la Côte d'ivoire.

    Si, depuis son arrivée à la tête du pays en 2011, le président Ouattara a su économiquement redynamiser le pays, l'annonce de sa candidature à un 3e mandat présidentielle est source de stupeur et d'inquiétude pour les ivoiriens, comme pour les partenaires et observateurs internationaux. Cependant contrairement au passé, la Côte d'ivoire a vu sa société civile émerger et revendiquer le droit à exercer sa vocation première qu'est le dialogue et le changement social. Par l'intermédiaire de Tournons la Page Côte d'Ivoire ; No-Vox Côte d'Ivoire ; Code 91 et des indignés, elle s'insurge contre la candidature anticonstitutionnelle du Chef de l'Etat ivoirien et la restriction de l'espace civique. Cela nous laisse craindre au retour d'une violence qui a déchiré le pays dans les années 2000. Il s'agit au cours de cette étude de s'intéresser à la notion de citoyenneté et de ce qu'elle représente au sein de la société ivoirienne afin de comprendre le rôle et l'action de la société civile ivoirienne dans le processus de changement social auquel la Côte d'ivoire aspire en arpentant la voie du développement.

    Mots-clefs :

    Citoyenneté ; développement ; la solidarité internationale ; société civile ; ivoirité






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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery