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Dynamiques citoyennes et acteurs de développement en Afrique. L’exemple de la société civile ivoirienne.


par Hervé Rabet
Université Bordeaux Montaigne - Master II études interdisciplinaires des dynamiques africaines 2020
  

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B. Les difficultés de mobilisation des OSC ivoiriennes

Dans le cas d'une Côte d'ivoire qui sort d'un conflit civil qui l'a paralysé une décennie, la tentation de mesurer les « progrès » de la pacification et de la réconciliation en mettant en exergue les principales causes qui empêchent d'y parvenir pleinement est grande.

Nous sommes pourtant avertis de la futilité d'une telle entreprise que Richard Banégas qualifie de normative et téléologique. Elle néglige trop souvent l'historicité des conjonctures de la crise ivoirienne et la complexité des situations de violence, qui ont produit tout autant qu'elles ont détruit de la relation sociale et du dialogue politique.

En Côte d'Ivoire, ces longues années de rébellion et de « résistance patriotique » ont provoqué un bouleversement majeur des modalités d'action politique et citoyenne. On peut résumer ce bouleversement par un double processus. Tout d'abord la militarisation des luttes politiques autour des enjeux de la citoyenneté qui consacre le rôle des Hommes en armes comme « faiseurs de rois » au plus fort de la crise. Viens ensuite le phénomène de « milicianisation » de l'État et de la société qui fait du contrôle de la rue, la principale variable de l'accès au pouvoir et levier privilégié de décision politique.

Désormais, pour être crédible dans la vie politique et citoyenne il faut désormais que les acteurs démontrent de leur capacité à mobiliser les citoyens et à « tenir le pavé », fut-ce par une violence armée que chaque ivoirien redoute. À l'instar des loubards et « vieux pères » du ghetto, chacun doit constituer son « gbonhi » (sa bande, son groupe ou sa famille en « nouchi », l'argot des faubourgs d'Abidjan) pour faire entendre sa voix ou se voir reconnaître dans la société (Banégas,2010). Mais avec l'explosion associative et le début de la mise en oeuvre de projets de développement la notion de « gbonhi associatif » se révèle. Mais, la consistance et la survie d'un « gbonhi associatif », au-delà de l'amitié et des valeurs que partagent bien souvent ses membres, dépend indéniablement de la capacité de celui-ci à permettre à ses membres de « bouffer ».

Pardonnez mon langage qui peut paraître familier mais il est essentiel de le maintenir en l'état dans la mesure où il constitue un élément de langage partagé, accepté et inhérent aux actions de développement menées en Côte d'ivoire.

Cette métaphore nous permet d'introduire le prochain objet d'étude qu'est la pratique du perdiem. Notion nécessitant d'être comprise par toute personne désirant contribuer

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durablement au développement en Afrique. L'engagement associatif ivoirien plus qu'une opportunité sociale de contribuer, ou économique de gagner de l'argent constitue véritablement une opportunité physiologique, celle de manger.

Le gombo, la clef de voûte du développement en Côte d'ivoire

Figure 25 : Photo de gombos sur un marché et préparés en sauce (wikipédia,2020)

Le gombo est un petit légume vert rugueux cueilli sur une plante du même nom. Ecrasé, ce légume produit une pâte gluante qui sert comme ingrédient de soupe, très succulent et très prisé dans certaines sociétés africaines. On dit souvent que la caractéristique gluante du gombo favorise la déglutition de l'aliment avec lequel sa soupe est accompagnée, ce qui facilite la digestion (Gnonzion,2012).

Par un processus linguistique de créativité lexicale, mais par changement de sens, le gombo, aliment dont la caractéristique gluante favorise et adouci la déglutition et la digestion, est arrivé à symboliser toute ressource financière parallèle et acquise en dehors du salaire officiel. Tout comme le gombo au sens propre, à savoir le légume vert, favorise la déglutition et la digestion, le gombo au sens figuré, à savoir la somme d'argent acquise « sous la table », en dehors du salaire officiel, « arrondie » les fins de mois.

Compte tenu de la paupérisation généralisée et des salaires sensiblement bas dans les administrations publiques, la course aux « gombos » semble être croissante au fil des années, depuis la période des ajustements structuraux de la Banque Mondiale, et peut-être même avant, jusqu'à aujourd'hui (Gnonzion,2012). Appliqués au domaine des actions de développement, les gombos sont des sommes acquises par des participants à une action mise en oeuvre dans le cadre d'un projet.

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Du gombo au perdiem.

Si l'attrait du gombo n'est plus une valeur publiquement assumable, le perdiem, qui désigne une compensation financière donnée à une personne pour une collaboration, une disponibilité ou tout autre service, s'est démocratisé. C'est ainsi qu'on donnera des perdiems à chacun des conférenciers qu'on invite pour un colloque ou des participants à un atelier, un focus groupe etc.

Ce phénomène n'est pas propre aux seuls bénéficiaires d'actions ni aux bénéficiaires finaux des projets. Lors des stages ou séminaires internationaux organisés par des associations partenaires, par exemple, on prévoit des perdiems pour les participants provenant souvent des organisations locales de deuxième niveau, afin de les aider à faire face aux besoins (nourriture, transport, logement) que leur déplacement aura suscité (Gnonzion,2012).

Jusqu'à maintenant, et bien que le perdiem soit soldé de manière tout à fait transparente, il n'échappe pas au tabou originel de son essence à savoir la rétribution monétaire d'une action qui devrait être issue des logiques altruistes, volontaristes et non de la logique pécuniaire. Il est donc très fréquent que l'usage d'une périphérie sémantique qu'est « le paiement du transport » ne soit utilisé par un participant au moment de son départ (Gnonzion,2012).

Finalement, malgré le processus de réconciliation et la reprise économique, les Ivoriens ne sont toujours pas parvenu, à l'étape de leur Histoire où l'intérêt et l'action collective désintéressée constituent le socle de leur engagement. Ainsi, la capacité d'une structure à rétribuer l'engagement des personnes à leur cause, constitue une valeur socle de l'engagement des ivoiriens.

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C. Les enjeux de la professionnalisation des OSC ivoiriennes Le renforcement des capacités et le transfert de compétences

Le renforcement de capacités doit être considéré et conçu comme un processus qui vise à faciliter la consolidation, conjointement avec les acteurs, de leurs capacités pour leur permettre d'évoluer et s'adapter aux nouvelles exigences du contexte afin de jouer le rôle qui leur appartient dans un schéma/modèle de partenariat, dans la mesure où il se focalise sur trois dimensions :

· La dimension du renforcement des compétences individuelles où les questions liées au leadership stratégique sont également traitées ;

· La dimension de l'organisation avec une attention particulière aux aspects de l'identité, ainsi que les critères d'efficacité et d'efficience ;

· La dimension du renforcement relationnel et du contexte où les questions primordiales sont celles du développement de compétences et de capacités pour la collaboration avec d'autres acteurs et l'élaboration d'un cadre juridique et institutionnel adapté aux besoins des organisations et aux exigences en matière de participation à la gestion des politiques publiques. L'environnement est conçu ainsi non seulement comme un facteur conditionnant (de manière positive ou négative) les possibilités de renforcement institutionnel des acteurs, mais aussi comme élément que l'on peut aspirer à transformer.

Cette définition opérationnelle se fonde sur certains principes de base de l'analyse des acteurs au cours de l'exercice de mapping réalisés par Maurizio Floridi et Stefano Verdecchia, à savoir :

· Le développement de capacités est une affaire de dynamisation de l'apprentissage plutôt que de transfert de connaissances. La question de l'appropriation est alors si ce n'est centrale, fondamentale ;

· Le point de départ du renforcement des capacités est de construire sur ce qui existe déjà ;

·

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Le renforcement des capacités doit viser l'apprentissage durable et reconnaître que les solutions types n'existent pas. Chaque initiative doit être considérée dans son contexte et conçue en fonction des besoins spécifiques.

· Il convient de faire la différence entre l'appui aux organisations de la société civile (dont le but principal est celui de développer leurs capacités) et l'appui à travers/via les organisations de la société civile (approche selon laquelle les bailleurs appuient les activités mises en oeuvre par les OSC dans plusieurs domaines : prestation de services, actions de gouvernance, d'éducation civique et plaidoyer, etc.)

De ces principes se décline une série de conditions requises pour l'aide en matière de renforcement de capacités ;

· Toute initiative doit être fondée sur une analyse de la situation actuelle. Le personnel des OSC doit être impliqué dans ces analyses, car il est responsable du changement créé, et pour cela il doit reconnaître ses propres besoins. Le développement des capacités est donc orienté par la demande ;

· Les objectifs et méthodes varient en fonction de chaque environnement considéré, et chaque dimension (individuelle, organisationnelle et institutionnelle) ;

· Le développement des capacités ne consiste pas à envoyer une assistance technique, il consiste à libérer le potentiel déjà existant

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De la modélisation du renforcement de capacités

Figure 26 : modélisation du renforcement de capacités (UE, 2010)

Comme on peut le constater, ce modèle de renforcement de capacités se base sur trois niveaux : le niveau du renforcement des compétences individuelles où les questions liées au leadership stratégique sont également traitées ; le niveau de l'organisation avec une attention particulière aux aspects de l'identité ainsi que les critères d'efficacité et d'efficience ; et le niveau du renforcement institutionnel ou du secteur où la question primordiale est celle du développement de compétences et des capacités pour la collaboration avec les autres organisations agissant dans le même secteur.

Nous allons maintenant mettre en avant les nécessités prioritaires en termes de renforcement de capacités des organisations de base ainsi que de deuxième et troisième niveau selon le modèle que nous venons de vous présenter.

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Axes prioritaires de renforcement des capacités des Organisations de base

Les organisations de bases sont très souvent situées en milieu rural ou dans les quartiers défavorisés des zones urbaines. Ses membres, paysans pour la plupart, ne disposent très souvent que d'un faible niveau d'instruction. De ce fait la préparation des membres des organisations de base (OB) aux activités réalisés (atelier, focus groupe etc.) est faible. Bien souvent la finalité d'une organisation de base n'est pas unanime et des divergences existent parmi ses membres pour diverses raisons (rivalité foncière, conflit interpersonnel sous-jacent, etc.). Le respect des textes et règlements nécessaire au bon fonctionnement associatif n'est pas permis dans la mesure où ils ne sont pas régulièrement consultés.

Le problème intrinsèque des organisations de bases est le défaut d'instruction et d'éducation civique de leurs membres. La plupart d'entre eux, dont l'instruction ne dépasse pas le premier cycle ne disposent la plupart du temps ni du temps, ni des compétences nécessaires à la pratique du développement local tel qu'il est fait actuellement. Sans une politique éducative nationale plus forte ou complétée par une éducation citoyenne préalable à l'exercice associatif, les membres des organisations de bases ne pourront être force de proposition. Aussi peut-on penser à d'autres moyens de communication et de capitalisation de l'information innovants et nécessaire à la mémoire et à l'accumulation d'expériences collectives. Cependant, la mise en oeuvre d'un processus de réflexion de ce type nécessite la participation d'organisations de deuxième niveau dont ce n'est pas la priorité.

L'identification et la cartographie des organisations de bases demeurent imprécises dans la mesure où l'existence d'un groupe, plus que l'origine de sa création et sa vocation est considéré comme une fin en soi par les acteurs de niveau supérieur. Du fait du manque de compétences et du manque d'informations relatives aux subventions associatives, les organisations de bases ont des capacités financières limitées et une forte dépendance aux organisations de niveau supérieur, interface principale des bailleurs.

La corruption généralisée présente dans le pays depuis son fondement n'épargne pas la sphère associative. Celle-ci démocratisée par la célèbre maxime d'Houphouët-Boigny qui dit « qu'on ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille des arachides ». Très appréciée

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des ivoiriens, l'arachide grillé, présente à chaque coin de rue est la plupart du temps vendue par des femmes dioulas. Par cette métaphore qui admet que la tentation du grilleur d'arachide de consommer une part de sa propre production est légitime, et que sa prédation est acceptable, F.Houphouët-Boigny a démocratisé la corruption généralisée ivoirienne. Une conséquence directe de ce phénomène pour les associations est très souvent relative à un défaut de gestion. Celui-ci peut mener à une absence de démocratie et de participation au sein du groupement voir à des détournements de ressources matérielles et financières (Floridi et Verdecchia,2010).

La faible instruction des membres des organisations des bases ne permet pas la capitalisation autonome de leurs actions. Cela ne permet pas l'accumulation d'expérience nécessaire à l'autonomie de ces OB et les rend d'autant plus tributaires des organisations de deuxième niveau avec lesquelles elles collaborent.

D'autres problématiques plus logistiques concernent l'absence de matériel, sa vétusté s'il est présent, sa difficulté d'approvisionnement et de présences des partenaires en raison d'axes de circulation en mauvais état.

La dissymétrie de compétences et de visibilité entre les organisations de base et les ONG présentes pour l'ensemble à Abidjan, mène à une logique de coopération « Top down » (descendante) des organisations de second niveau. La plupart du temps celles-ci imposent des projets plus « bankable » que nécessaires et souhaités par les organisations qui n'ont pas le luxe du refus. Les organisations de second niveau en charge de la capitalisation et de la veille informative et pécuniaire des organisations de base sont cependant occupées par leurs propres activités et ne s'investissent pas outre l'obtention d'un financement dédié.

En l'état, les organisations de base n'ont que très peu de chances de transcender leur condition de bénéficiaire pour parvenir à devenir des parties prenantes actives de leur développement. Le renforcement de compétences organisationnelles doit alors mener à l'évolution de ces organisations de base en organisation de second niveau mais les contraintes individuelles constituent le principal frein à cette évolution. La mise à disposition de « micro-fonds associatif » à destination de groupes plus nucléaires au sein des espaces ruraux peut être une piste de réflexion pour permettre aux bénéficiaires de

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se familiariser à la gestion financière dans le cadre de projet. Le renforcement de la capacité d'innovation organisationnelle reste cependant la priorité. Le modèle de l'organisation de base ne semble pas être une formule adéquate à l'autonomisation de ses membres et des citoyens ruraux. Il faut donc requestionner ce modèle avec des acteurs locaux dont le modèle actuel de développement local n'est pas en adéquation avec leur désir de changement.

Sur le plan sectoriel, l'ensemble des organisations de bases sont holistiquement considérées. Cette représentation est la conséquence de l'existence des organisations de deuxième niveau, interfaces entre les problématiques locales et les fonds nationaux et internationaux. En l'absence d'une décentralisation opérationnelle et efficace, ces organisations ne bénéficient très souvent, ni de fonds locaux ni de l'aval des autorités politiques locales, qui ne perçoivent les OSC qu'à travers la menace politique qu'elles représentent.

L'accélération du processus de décentralisation apparaît comme la condition sine qua non de l'efficacité durable, pérenne et visible de l'action des organisations de bases.

Axe prioritaire de renforcement des capacités des organisations de deuxième niveau

Les organisations de deuxième niveau telles que No-vox Côte d'ivoire sont souvent confrontées à des problèmes structuraux relatifs aux ressources humaines. Le personnel, y est souvent intermittent selon les financements disponibles pour la mise en oeuvre de projets. Bien que la majorité des membres de ces organisations soit instruite et éduquée, elle ne bénéficie pas d'une formation spécifique à la mise en oeuvre de projet. Seuls quelques leaders associatifs ont une connaissance globale du contexte et des enjeux posés par les actions de leurs associations. Dans le cadre des associations de défenses des droits humains, certains acteurs associatifs se constituent en véritables « activistes » politique.

Les organisations de deuxième niveau pour être pleinement efficace ont un besoin conséquent de personnel qualifié. La mise en oeuvre du cycle de projet de la conception à l'évaluation, ainsi que la recherche de financement et le montage de projets nécessitent des compétences professionnelles. La technocratisation internationale associative a vu les

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différents outils nécessaires à l'obtention de financement évoluer et se complexifier pour les profanes du développement.

Dans la majorité des cas de coopérations entre des organisations de deuxième niveau et des partenaires associatifs internationaux, les OSC ivoiriennes abordent la posture d'une organisation de base. Cette attitude apparait comme celle d'un complexe. Ce complexe, consiste en une intériorisation des désaccords et des ressentiments et en une infériorisation des compétences et des connaissances des acteurs associatifs ivoirien. Cette situation induite par la logique de nécessité pécuniaire qui se rapporte aux projets et aux partenariats, mène à un décalage subtil entre les coopérants qui créé un sentiment amer en fin de projet. La faute souvent à une incompréhension « qu'on évitera une prochaine fois ! »

Lorsque deux chargés de projet de développement (durable) et de solidarité internationale ivoiriens et français sont en partenariat sur un projet, ce sont bien deux mondes qui entrent en collision. Les chargés de projet en France, disposent d'une spécialisation (communication, projets agricoles, droits humains, etc.) mais ont en commun de comprendre et de maitriser un ensemble d'outils indispensables à toutes mises en oeuvre de cycle de projet. Dans la plupart des OSC ivoiriennes de deuxième niveau, la gestion de projet est assurée par les principaux leaders de la structure. Ils ont divers profils, des militants qui par leurs forces de mobilisation sont parvenu à obtenir un partenariat international aux jeunes diplômés en sciences sociales dans l'attente d'une insertion professionnelle. Au coeur de cette relation partenariale « égalitaire » l'équité est bien à remettre en question. La maitrise des outils et du vocable des appels à projets s'avère être un véritable blocage pour des acteurs ivoiriens ne parvenant pas à faire comprendre les subtilités ou « réalités » d'un terrain dont le concepteur principal du projet est éloigné. Il apparait donc impératif de mettre en oeuvre des dispositifs concernant la création de plus de formations en gestion de projet de développement et de solidarité internationale permettant aux gestionnaires de projets présent au sein des OSC ivoiriennes de pouvoir disposer des mêmes capacités que leurs homologues internationaux. En revanche, si de nombreux ivoiriens sont formés à la gestion de projet en Solidarité Internationale et en Développement Durable, il faut qu'une solution politique soit apportée concernant leur employabilité. Cela serait bénéfique car les

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acteurs associatifs disposeraient d'une sécurité financière qui leur permettrait d'être consacrés aux actions des OSC. Ils auraient également plus de recul sur ce qu'ils veulent faire et non ce qu'ils doivent faire pour obtenir des financements. Cela pourrait contribuer à l'affaiblissement de la « dérive généraliste » des OSC ivoiriennes. De plus, bénéficier d'une part plus importante de personnels du développement qualifiés aurait une incidence sur le complexe évoqué précédemment. C'est seulement formé et confiant que le chargé de projet ivoirien parviendra à mettre en oeuvre des actions autant efficaces sur le plan de la logistique que de la symbolique.

Il existe une fracture entre les OSC de deuxième niveau, en termes d'approche et de vision (développement/urgence ; Politique/bien commun etc.), mais également avec les organisations de base. Le manque de temps d'investissement possible et de capacité de planification met en péril la propension des structures à s'interroger sur leurs valeurs et missions, leurs visions du futur et leurs positionnements stratégiques. Les organisations évoluent souvent sans direction claire, selon les opportunités du contexte, dictées par les politiques des bailleurs de fonds et par le contexte dominant qui est celui de l'humanitaire. La question du leadership efficace se pose à différents niveaux, en raison de l'inexpérience de certains dirigeants d'OSC. Les structures de gouvernance interne ne fonctionnent pas toujours selon des règles démocratiques et souvent les conflits qui en découlent peuvent paralyser les activités ordinaires. Les OSC de deuxième niveau sont confrontées à une situation presque généralisée de « précarité » en termes de ressources matériels disponibles. Exception faite de quelques structures, il n'y a pas de systèmes « professionnels » de gestion visant l'efficacité et l'efficience des activités.

Trop souvent, les OSC sont fortement personnalisées, sans une vraie délégation de pouvoir et sans un vrai partage de responsabilités. Les procédures sont rarement explicitées et les manuels pour la gestion des ressources financières, matérielles et humaines sont encore une exception. « La dérive généraliste des OSC ivoiriennes » entraine un faible niveau de spécialisation de celles-ci. Un bon nombre d'organisations dites « de lutte contre la pauvreté » n'ont pas de périmètre d'action défini et change de mission selon les diverses opportunités de financement offertes par les bailleurs de fonds, notamment dans l'humanitaire.

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En définitive on peut remarquer la faible capacitée d'innovation organisationnelle des OSC de deuxième niveau, notamment en matière d'approches participatives visant à se structurer et à accompagner les acteurs à la base. Encore une fois il s'agit d'un défaut de formation mais cette fois-ci des leaders associatifs dont la position acquise par un engagement exemplaire et de longue durée souffre de la concurrence des compétences de membres qui peuvent parfois constituer une « menace ».

La position de leader associatif est la plus délicate à tenir sur l'échiquier du développement ivoirien. Si la légitimité nécessaire à la fonction s'est obtenue à travers la lutte, elle le fut au prix de l'acquisition des compétences nécessaires à la gestion de l'association dont ils ont la charge. Les phénomènes d'instrumentalisation politique et de « mercenariat » associatif ont eu pour conséquences de développer la partition des taches données par un leader aux membres. Si dans le cas d'une association possédant des salariés, chacun est assigné à une tâche et peut bénéficier du soutien éventuel des autres membres de la structure, dans le cas d'une OSC ivoirienne de deuxième niveau le leader confit des morceaux de tâche à certains membres disponibles. La responsabilité finale lui revient toujours et il ne peut blâmer tout manquement à l'exécution des taches sous peine de perdre ses membres en raison de « l'absence de respect et de considération » envers leur engagement. De plus, le leadership est souvent effectué à titre bénévole et ne permet pas aux leaders de vivre de leur engagement. La formation et la professionnalisation de ces leaders associatifs est plus que jamais nécessaire car sans celle-ci la structuration et la gestion de ces OSC de deuxième niveau ne permettra la mise en oeuvre de cycles de développement vertueux.

D'un point de vue sectoriel, les principales carences des OSC de deuxième niveau concernent le manque de capacités des leaders à créer un dynamique de confiance et d'unité au sein de leurs structures. La segmentation de l'information est un enjeu vital dans un contexte où l'action associative peut être motif d'intimidations et de sanctions pénales. On observe également que l'absence d'un code de conduite ou d'une charte déontologique coercitive ne permet pas aux structures de s'appuyer sur un texte pour arbitrer les conflits et sanctionner ses membres, ce qui peut susciter le sentiment chez les membres, d'une justice arbitraire du leader.

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On peut également souligner l'absence d'espaces effectifs suffisamment participatifs pour échapper au phénomène des « dictateurs éclairés » et promouvoir les échanges et la concertation. Un défaut de transparence du leadership au sein des structures a pour conséquence la faible circulation de l'information favorisant la présence de litiges entre membres.

Axe prioritaire de renforcement des capacités des Organisation de troisième niveau

Les OSC de troisième niveau sont constituées par des structures telles que les coalitions associatives, les fédérations ou encore les réseaux associatifs dont le leadership est assuré par d'anciens leaders d'OSC de deuxième niveau. Ces leaders sont par ailleurs encore actifs parmi les OSC de deuxième niveau. Les compétences techniques requises pour le dialogue avec le gouvernement et les bailleurs de fonds sur les stratégies de développement sont exclusivement mis à la disposition de la prestation de services et de la recherche de financements pour les organisations membres. Ces organisations ont une organisation et une gouvernance similaire aux OSC de deuxième niveau reposant essentiellement sur la personnalisation du pouvoir par le leader.

Sur le plan organisationnel, l'absence d'une vision partagée des stratégies de développement à mettre en oeuvre pour l'avenir du pays et d'une mission claire pour ces organisations a pour conséquence la précipitation de celles-ci privilégiant l'urgence humanitaire au détriment d'actions de développement pour la recherche de financements.

Ces organisations disposant pour la majorité de ressources humaines, matérielles et financières similaires aux OSC de deuxième niveau, en viennent également à en adopter les mêmes logiques de fonctionnement. Elles s'écartent ainsi de leur fonction première de plateforme au service de ses membres. De ce fait la distance entre les « élites associatives » et les membres à la base augmente.

Si les OSC de troisième niveau permettent le partage d'informations et la rencontre entre ses membres, elle ne garantit pourtant pas leur unité. Souvent les organisations membres des organisations faîtières se perçoivent comme des concurrents aux financements internationaux et à l'accès aux réseaux de partenaires et de bailleurs.

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Le manque d'expérience de travail en réseau et de maitrise des méthodes et outils adaptés aux besoins ne facilite pas la mise en oeuvre des projets.

La faible existence d'un quatrième niveau d'OSC ne permet aux leaders associatifs de bénéficier de « personnalités-pont » qui permettraient de faciliter la coopération entre les services de l'Etat et les citoyens engagés. En définitive les leaders des associations de troisième niveau devraient avoir pour mission la seule représentation de ses membres. Or l'absence d'institutions de quatrième niveau légitime au dialogue avec les ministères et les grandes institutions internationales ainsi que de l'autonomisation des organisations de base et OSC de deuxième niveau ne permet pas aux organisations de troisième niveau d'effectuer leur rôle de plateforme dédiée aux membres et d'interface avec les acteurs institutionnels ivoirien.

C'est principalement sur les aspects présentés ci-dessus que devra être mis la priorité des actions de renforcement des capacités des acteurs de la société civile et leurs partenaires afin de faire progresser la qualité générale des actions de développement en Côte d'ivoire.

La décentralisation

Il est indéniable que la société civile ivoirienne a un rôle primordial à jouer dans la construction et la gestion de l'espace public et civique, et ce aux différents échelons : national, régional et communal.

Dans ce contexte, la décentralisation représente une grande opportunité pour le pays d'intégrer la société civile dans ce processus grâce à la contribution qu'elle pourrait offrir non seulement pour que le dispositif puisse être efficace mais de manière plus générale pour l'instauration d'un véritable Etat de droit.

La décentralisation pour être achevée et efficiente nécessite un changement de mentalités et d'approches dans la gestion de l'espace public qui est avant tout lieu de rencontre et de dialogue politique, notamment au niveau local. On peut dès lors affirmer que le processus d'appropriation de la part des populations et des forces vives et actives, de la société civile dans le territoire est un laboratoire formidable, d'une part, pour apprendre à considérer

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la chose publique comme une affaire universelle, et d'autre part comme un facteur d'accélération du processus de production du leadership au sein de la société civile.

Bien évidemment, il s'agit de faire en sorte que les différents acteurs participent à la gestion de cet espace au travers de la production de règles et modes de fonctionnement propres à la démocratie communales selon une logique relationnelle élus-électeurs qui est avant tout politique. Et ensuite il faudra passer par une étape qui consiste à construire tout d'abord une nouvelle identité de l'espace délimitée par le dispositif de la décentralisation, où chaque acteur sera appelé à jouer le rôle qui lui est propre, ce qui comporte un exercice de redéfinition des relations économiques, sociales et culturelles, et dans un deuxième temps à gérer ce nouvel espace.

Dans ce cadre, il revient à la société civile et à ses organisations de base ainsi que celles vouées à l'appui et l'accompagnement d'autres , le rôle de dépasser la logique purement administrative du dispositif de la décentralisation pour être un acteur actif et pour remplir de contenus pertinents les plans locaux de développement selon l'exercice de la responsabilité sociale et de l'intérêt collectif et dans une logique de co-gouvernance.

La gestion de l'espace local, la création de son identité et la démocratie locale ne peuvent pas se faire par décret ministériel mais bien au travers de la mobilisation et de la canalisation de l'énergie sociale dans la solution des problèmes du territoire local et dans l'élimination des contraintes qui entravent le développement social et économique.

Pour ce faire, les organisations de la société civile doivent promouvoir le dialogue social et politique avec tous les autres acteurs (administration et secteur privé) en exerçant leurs droits et devoirs, ce qui est à la base de la notion de citoyenneté.

En effet, à travers la décentralisation la vie publique du pays s'enrichit d'une arène dans laquelle les différents acteurs locaux peuvent se rencontrer pour définir leur propre avenir au travers de la définition de politiques et stratégies pour atteindre le développement durable de leur propre territoire.

Le processus de décentralisation amène l'ensemble des acteurs concernés à se poser des questions par rapport au développement local. Ces questionnements se justifient au regard de la volonté affichée des communes d'accéder à des financements publics et à des investissements privés.

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Dans un tel contexte, les collectivités locales ont intérêt à élaborer un plan de développement et à inscrire leurs actions dans le cadre de la réalisation de ce plan qui devient un cadre de référence pour les acteurs concernés et un cadre de négociation pour les intervenants externes. Finalement le développement local devient « un processus d'enrichissement économique, social et culturel de la commune ».

La localité, doit donc impulser le processus de décentralisation et veiller à une meilleure coordination du développement au sein de son territoire. La commune peut devenir ainsi le moteur du développement communal à condition que tous les acteurs locaux y soient impliqués.

Cette conditionnalité est directement liée à la question de la fiscalité : les populations d'une commune s'attendent à recevoir des services de leur municipalité. Mais elles ont également le devoir de contribuer aux recettes des communes à travers le paiement des taxes et impôts. Les organes des municipalités ont donc intérêt à répondre aux besoins et aspirations de leurs populations pour respecter leurs promesses électorales d'une part et pour respecter une prescription légale vis à vis de la tutelle. Dans ces conditions, la commune doit élaborer son plan de développement communal.

L'élaboration de ce plan de développement locale relève de la responsabilité de la commune. En principe, l'élaboration de ce plan doit commencer et s'achever par une décision du conseil municipal. Mais pour que ce plan puisse répondre aux besoins et aspirations des populations, ces communes doivent associer l'ensemble des acteurs concernés.

Les acteurs, formels ou informels, de la société civile sont des partenaires fondamentaux des communes en matière de développement local vu qu'ils ont un ancrage social et une connaissance approfondie de leur territoire. La commune a donc intérêt à exploiter ce potentiel de développement en encourageant la participation mais aussi en les responsabilisant dans la mise en oeuvre de plans communaux de développement (principe de subsidiarité) (Floridi et Verdecchia,2010).

Enfin, la décentralisation représente une des portes d'entrée pour tenter de briser le cercle vicieux de la « sortie de la crise » et commencer à inventer le futur. Bien

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évidemment en passant par la notion clef de citoyenneté dans le contexte qui lui est le plus adéquat : la gestion de l'espace public.

En définitive l'ensemble des défis auxquelles fait face la société civile ivoirienne ne seront surmontable que si les leaders politiques ivoiriens parviennent à fédérer l'ensemble des ivoiriens et à proposer un cadre politique, législatif et technique propice à une action efficiente de la société civile.

Nous allons maintenant nous intéresser à la stratégie mise en oeuvre par le Rwanda pour l'action de sa société civile en matière de développement.

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2. Recontextualisation de l'action des OSC en Afrique

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway