Section II : l'histoire
de la corruption haïtienne
Parfois pour mieux comprendre un fait social il faut remonter
le temps, car l'historien grec Thucydide eu à dire que
« l'histoire est un perpétuel recommencement ». Par
conséquent, dans cette section nous allons faire un voyage dans
l'histoire de la corruption haïtienne, plus précisément, au
moment où la corruption ne fessait qu'éclore dans notre
société.
2.1) Les premières
manifestations de la corruption Haïtienne
Dès la genèse de la République
d'Haïti en 1804, il y avait beaucoup de fonctionnaires corrompus. Le
trésor public se détournait sous les yeux de l'empereur
Dessalines sans rien faire. Pire, il se livrait à distribuer
généreusement des terres aux officiers supérieurs, et
autres proches des dirigeants de l'État (Hérold, 2014, p.1 et
2).Ensuite, le 31 décembre 1806 marque le début de la corruption
institutionnalisé en Haïti avec la création du premier
Parlement. Cette institution est née d'une corruption électorale
organisée le 18 décembre 1806 par Pétion pour arriver
à la présidence. En 1811, le président Pétion
organisait une réélection arbitraire avec un Sénat
composé seulement de 5 membres. Pourtant, selon l'art 68 de la
constitution de 1806 dont il était l'un des artisans, il lui fallait les
votes de la majorité pour être élu, soit 13 voix sur 24
(Joseph, 2016).Suite à toutes ces malversations, Haïti a connu des
faits de corruption encore plus intense dans les années 1900. Des
bourgeois tels que Vilbrun Guillaume Sam, Tirésias Simon Sam,
Tancrède Auguste, Cincinnatus Leconte, ont littéralement
dilapidé le trésor public. Ceci pour construire des
résidences, acheter des voitures, et entretenir des maîtresses
etc. (Moïse, 2013).
Quelques années plus tard, des membres du gouvernement
et des fonctionnaires publics, tels que; Guy et Frantz Leroy et René
Exumé ont falsifiés des timbre pour pouvoir gagner de l'argent au
détriment du trésor public (le nouvelliste, 2018). Pour conclure,
les faits de corruption dans l'histoire de la république d'Haïti
sont nombreux. Mais qu'en est-il des procès pour corruption ?
2.2- Des procès de
corruption en Haïti
L'histoire retient deux procès de corruption en
Haïti ; celui du 1er juillet 1904, surnommé le procès des
consolidations, et du 4 novembre 1975 appelé le procès des
timbres. Nous proposons sus dessous une expose de ces procès
historique.
2.2.1- Le procès des
consolidations
Le 22 janvier 1900, l'état avait signé un
contrat pour payer ses dettes. Cet accord lui permettait de procéder
à une consolidation de ces dettes. Cependant, il y avait des rimeurs
qui faisaient croire que des fraudes et détournement massives ont
été perpétrés lors de ces transactions. Ensuite,
l'ancien chef de division au département des finances Alexandre Ilavois
avait dénoncé ces fraudes le 28 Mai 1912 dans des écrits
au journal nouvelliste.
Suite à ces dénonciations, le président
Nord Alexis a formé une commission d'enquête pour vérifier
ces propos. Selon les résultats préliminaires, les rumeurs ont
été confirmées. Des obligations de 5% d'une dette avaient
été émises frauduleusement. Le chef d'État a donc
transmit au secrétaire d'état de la justice Saint Armand, les
pièces compromettantes en l'invitant à mettre l'action publique
en mouvement contre les auteurs de ces actes de corruption
(ULCC, 2007, p.68).
En juin 1903, la justice a arrêté, l'ex ministres
du gouvernement du général Sam, vilbrun Guillaume Sam, Brutus
Saint Victor, Georges Olrich, Tirésias Simon Sam, Tancrède
Auguste, Cincinnatus Leconte..., et le 30 octobre, le président du
sénat fut arrêté en flagrant délit dans ses
fonctions (ibid., p.69).
Entre temps, la commission soumet le rapport définitif
de l'enquête qui a déterminé le total des fonds
détournés à 1.957.739, 52 dollars. Ensuite, l'instruction
de l'affaire a démarré le 28 juin, elle était conduite par
deux juges, Me LeonNau et Me Auguste Poujol. Ces magistrats ont entendu 70
témoins et l'instruction a pu prendre fin le 28 novembre 1904. Le 1 er
juillet 1904, la chambre du conseil d'instruction a émis une ordonnance
de renvoi, Roland Michel, Windsor Therlonge, Thimogène riche, Pyrrhus
Agnant, Auguste Léon..., par devant le tribunal criminel (ibid.,
p.70).
À l'ouverture de l'audience le 1 er juillet 1904, des
bateaux de guerre française et allemande ont fait pression de
bombardement pour libérer des étrangers impliqués dans les
malversations au jour même de l'assise criminelle. Mais, c'était
en vain, le commissaire PasherLespès conduisait l'accusation. La
défense était assurée par les plus grand ténors du
barreau: le bâtonnier Édouard Lespinasse, Michel Oreste, Seymour
Pradel et Luc Dominique (le national, 2019).
Le 25 décembre 1904, le tribunal a condamné la
plupart des accusés à 4 ans de prison et aux travaux
forcés. Mais, Tancrède Auguste et Cincinnatus Leconte ont eu 15
ans de prison. Vilbrun Guillaume et l'ancien Président Sam, furent
condamnés aux travaux forcés à perpétuité.
Ils étaient condamnés à perdre leurs droits civils et
politiques et à restituer les valeurs détournées en
plus des dommages-intérêts. Les accusés qui furent
acquittés sont ;Herard Roy, Pyrrhus A Guant et Lys Duvigneaud. Mais, les
condamnés n'ont pas vraiment purges leurs peines. Enfin, trois de ces
condamnés notoire ; Cincinnatus Leconte, Tancrède Auguste et
Vilbrun Guillaume aient accédé à la présidence
d'Haïti (ULCC, 2007, p.71-73).
2.2.2- Le procès des
timbres
En 1974, les autorités haïtiennes ont fait
émettre une variété de nouveaux timbres de 5 centimes
à 5 gourdes. Cependant, une entreprise mafieuse dirigée par Serge
Fourcand, ministre du commerce et de l'industrie, avait détourné
20% du revenu des timbres que l'État devrait collecter, soit plus de 23
millions de dollars. Ensuite, certains fonctionnaires avaient falsifiés
ces timbres pour les vendent sur le marché mondial. De grâce, un
collectionneur de timbres a attiré l'attention des médias sur les
faux timbres. Après vérification, le gouvernement a
été contraint de retirer les timbres de la circulation et
d'organisé un procès contre les corrompus (Jean-Mary, 2013).
Par conséquent, le ministre Serge Foucand, avait
été placé en résidence surveillée. Puis,
Frantz Leroy, Jean-Robert Leroy, Marlène Leroy, Guy Leroy, Eugène
Maximilien, André Dérose Junior, René Exumé, Fritz
Denis, ont été mis aux arrêts. Ils étaient
accusés d'avoir contrefait la signature du ministre du commerce et de
l'industrie afin de vendre les timbres. Mais, sous la complicité du
gouvernement, le consul Eugène Maximilien a fui le pays (Fleury,
2017).
À l'ouverture du procès le 4 novembre 1975, Me
Casimir semblait persuader que le ministre Fourcand était l'auteur de
l'escroquerie. Mais dans les débats particuliers qui ont eu lieu le 26
août 1975, son témoin principal Frantz Leroy, refusa de
témoigner contre Fourcand en échange de promesses de grâce
et de rémunération. En plus, le ministre de Justice,
Aurélien Jeanty, a manifestement contribué à
discréditer l'ensemble du procès (Wiener, 1981).
Chaque jour le ministre de Justice venait au procès
pour donner directement de nouvelles instructions au commissaire. Cette
mainmise sera si forte sur le processus que l'on repoussera l'heure de
l'ouverture des audiences chaque fois qu'il sera en retard. Me casimir
était donc forcé de battre en retraite, il a menacé
d'interrompre le procès pour supplément d'instruction. Mais,
finalement, le 19 septembre 1975, le conseil de la défense a
sollicité l'acquittement de Serge Fourcand « au
bénéfice du doute».
En conséquence, le 8 septembre 1975 les débats
généraux n'ont pas été très productifs pour
l'accusation (Cavé, 2019).
Le 10 septembre 1975 le tribunal a rendu un verdict qui a
libéré, Serge Fourcand, Pierre Richard Maximilien et Fritz
Denis, pour faute de preuves. Ensuite, le consul fut condamné par
contumace, puis gracié par décision de la présidence sans
n'avoir jamais été interrogé ni répondu aux
injonctions de la justice. Frantz Leroy fut condamné à 7 ans de
travaux forcés pour usage de faux, Marlène Leroy à
deux ans de prison ferme pour complicité, Guy Leroy et René
Exumé à 3 ans de travaux forcés. Enfin, tous ces
condamnés devaient verser une amende de 14000 et 30000 dollars de
dommages intérêts (Jean Leopold, 1975).
Cependant, l'histoire témoigne que les condamnés
sont sortis de prison peu de temps après. D'autres n'y ont jamais
été. Les amendes et dommages intérêts qui devraient
être payés à la Direction Générale des
impôts (DGI) pour le compte de l'Etat haïtien sont restés
impayés (le nouvelliste, 2018). En somme, tout ce procès
n'était que comédie. De part ces impunités, la corruption
s'est inséré au fil du temps dans la culture haïtienne.
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