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Le NEPAD ou l'ère de la conditionnalité intériorisée

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par Julien Vlassenbroek
Université de Louvain-La-Neuve (UCL) - Diplôme d'études spécialisées en études du développement 2005
  

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5. Conclusions

Confirmant leur adhésion aux principes de l' « African Renaissance », les rédacteurs du NEPAD concluait leur oeuvre en affirmant qu'en « réalisant les promesses qui y sont contenues, le présent programme devra permettre à l'enfant africain émacié d'espérer qu'en vérité le 21ème siècle sera bel et bien le siècle de la renaissance de l'Afrique »96(*).

Cependant, l'analyse succincte que l'on vient d'en réaliser autorise à douter quelque peu du fait que ce « Nouveau Partenariat » permette réellement d'inaugurer une nouvelle ère pour le continent africain, que ce soit au niveau de sa situation propre ou en ce qui concerne ses relations avec le reste du monde.

En effet, en étudiant brièvement sa genèse, l'on a pu se rendre compte que l'on est ici en présence du fruit d'un cas idéal-typique de ce qu'on qualifie un peu pompeusement de `top down process'. Issu d'un compromis entre deux plans rédigés par des présidents cherchant à affirmer leur leadership sur le continent, le NEPAD a souffert d'une approche plus préoccupée par le consensuel que par le pragmatisme ou, pour le dire mieux, l'approche qui a prévalu lors de sa conception fut « plus diplomatique que scientifique »97(*). Pas étonnant dès lors que la plupart des observateurs académiques, quel que soit leur orientation idéologique, juge ce partenariat inapte à relever les défis qu'il s'est lui-même imposé.

Malgré le fait que ses initiateurs soient des chefs d'Etat africains, le NEPAD a, de par sa gestation ignorant superbement toute idée de consultation de la société civile mais surtout en donnant la préséance absolue aux exigences des « partenaires de développement » sur les revendications populaires endogènes désormais connues, perdu toute chance d'être accepté comme une initiative authentiquement africaine au sein des populations dont il prétend pouvoir améliorer le sort.

C'est ce qui explique que « it [ le NEPAD] has won high praise from the G8 while sparking deep anxieties among [...] the non-governmental sector »98(*).

Quand bien même il ne pâtirait pas de ce déficit de légitimité initial, son contenu, impliquant une dépendance accrue envers les pays développés et réactivant toutes les `bonnes vieilles recettes' néolibérales qui sont perçues comme ayant, sinon engendré, du moins aggravé les problèmes économiques et sociaux dont souffre le continent, ne semble pas de nature à lui permettre de réussir à rallier un soutien populaire digne de ce nom. Les oppositions farouches et les critiques acerbes émanant des représentants de la société civile africaine ne semblent en effet pas augurer des lendemains qui chantent pour ce nouveau plan.

Déficit d'authenticité, de participation dans sa confection, d'originalité dans ses prescriptions et d'audace dans ses orientations, le NEPAD ne m'apparaît pas comme le plan qui changera la donne dans le berceau du monde. Comme l'écrivait Aminata Traore, ce plan apparaît plutôt comme un mécanisme de plus qui « permet la poursuite de la mission `civilisatrice' des puissances coloniales, mais, cette fois, avec l'appui et la complicité des élites locales, qui, à leur tour, leurrent et assujettissent leurs propres peuples »99(*) car les porteurs de ce projet relèvent de cette catégorie de dirigeants qui « préfèrent se tromper de défi et engranger les dividendes de la subordination »100(*).

Devenues les courroies de transmission des desideratas de leurs bailleurs de fonds plutôt que de celles de leurs populations, les chefs d'Etat africains ont fait du NEPAD un nouvel appendice de ce que Ukiwo décrit comme la « tendance à l'extraversion » des élites africaines101(*) qui avait permis à Fanon (il y a 40 ans déjà...) de les caricaturer comme des « homme blancs dans des peaux noires »102(*).

Cependant la question de la marge de manoeuvre de ces élites africaines clouées au pilori se pose avec acuité. Car lorsqu'ils font allégeance à l'Occident, ils sont logiquement critiqués sur le plan interne et pour leur manque de volontarisme mais s'ils osent sortir des carcans que leurs imposent leurs partenaires de développement, ils se retrouvent très vite coincé par les moyens de pression infinis que ces derniers ont à disposition.

C'est conscients de l'impopularité bien compréhensible des conditionnalités imposées de l'extérieur que les dirigeants des pays développés ont poussé les leaders africains à les endosser en leur nom. Michel Camdessus, représentant la France au FMI, a lui-même déclaré que « s'il existe une conditionnalité intérieure, elle doit rendre inutiles les conditionnalités extérieures »103(*), ce que Badara Ndiaye traduit non sans pertinence par « `tropicalisez les conditionnalités connues des IFI et du G8 et nous n'y ajouterons rien d'autre' »104(*). Le NEPAD s'inscrit parfaitement dans cette logique de tentative d'appropriation par les élites politico-économique africaines des conditionnalités issues des institutions de Bretton Woods et des organisations internationales.

Si comme il le proclame, le NEPAD marque bien le passage à une ère nouvelle, ce n'est donc sans doute pas à celle de la « Renaissance Africaine » qu'il ouvre la voie mais il pourrait bien au bout du compte rester dans l'histoire comme la borne ayant scellé la transition de l'ère des conditionnalités exogènes à l'ère des conditionnalités intériorisées.

* 96 NEPAD, Section VIII, article 205.

* 97 S. D. Sy, « NEPAD : A Vision for the Global Governance ? », p. 13.

* 98 R. Herbert, « Implementing NEPAD : A Critical Assessment », op. cit., p. 12.

* 99 A. D. Traore, « L'oppression du développement », Manière de voir, n° 79 (« Résistances africaines »), février-mars 2005, p. 50.

* 100 Id., p. 51.

* 101 U. Ukiwo, « Charity begins abroad Responses to the New partnership for African Development », op. cit., sur http://www.sis.gov.eg/public/africanmag/issue15/html/study08.htm

* 102 Fanon cité in Ibid.

* 103 Cité in B. Ndiaye, « Le NEPAD : un plan d'ajustement structurel pour l'Afrique », sur http://www.sommetjohannesburg.org/institutions/nepad-liens.html;

* 104 Ibid.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon