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Tradition et rationnalité chez Hans-Georg Gadamer


par Pierre Luhata Lokadi
Université Saint Pierre Canisius - Bachelier en Philosophie 2006
  

Disponible en mode multipage

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    FACULTE DE PHILOSOPHIE

    SAINT PIERRE CANISIUS

    KIMWENZA

    Par

    Pierre LUHATA Lokadi, sj.

    Mémoire présenté pour l'obtention

    Du Grade de Bachelier en Philosophie

    Directeur : Professeur Jean ONAOTSHO

    Mai, 2006

    Tradition et rationalité chez Hans- Georg GADAMER

    Une lecture de  Vérité et Méthode 

    A tous ceux qui ont cru au feu dévorant qui brûle dans mon coeur

    au- delà de la finitude de mon être historique

    et qui présentement se reposent auprès de la sagesse divine :

    René De Haes, Kabangu Fwamba, Henri Bonga et Nsungu Mpaka

    A vous, chers amis et professeurs,

    Je dédie ce travail.

    Remerciements

    Loin d'être personnel, ce travail a été le fruit d'un effort collectif. Plusieurs personnes ont contribué à sa réalisation. Ainsi, le devoir nous impose de faire un acte de reconnaissance envers ceux qui ont accepté volontairement de souffrir avec nous durant la gestation de ce travail. Qu'ils partagent donc avec nous la joie de sa naissance.

    Ainsi, qu'il me soit permis de mentionner les quelques influences significatives que même une mémoire défectueuse ne supprimera jamais entièrement car désormais, ces personnes vivent en moi, elles constituent une tradition pour moi.

    Mes remerciements s'adressent tout d'abord au Professeur Jean ONAOSTHO Kawende pour m'avoir introduit à la pensée de GADAMER. Qu'il trouve dans ce travail un hommage vivant à sa haute intelligence, sagesse et personnalité. Ce qu'il a gravé en moi aucun vent, si violent soit-il, ne pourra l'effacer. Que Maman Annie, Prodige, Anne et Jean-Junior soient aussi remerciés pour la générosité de leur coeur.

    Les mots de merci s'adressent aussi à tous mes professeurs de la faculté. Plus particulièrement, je pense : au professeur Paulin MANWELO pour avoir accepté de faire une critique de ma problématique ; au professeur NTIMA Nkanza pour ses innombrables remarquables et conseils. Je ne les oublierai jamais. Que le Père Johan Allary soit aussi remercié pour le soin qu'il a mis durant trois ans pour s'occuper de la santé spirituelle de mon âme.

    Merci au Frère Umba Joachim et au Père Jules Tshibamfumu. Ils savent le « pourquoi » de mes remerciements. Merci à mon Maître MUTUNDA Mwembo Pierre ; c'est lui qui m'a donné le goût de la philosophie et a initié mon esprit à affronter le débat autour des questions brûlantes de la rationalité moderne. Que ce travail soit pour lui un signe de reconnaissance.

    Je ne saurai oublier mon ami et grand frère dans la compagnie, Emmanuel BUEYA bu Makaya. Merci d'avoir activement contribué à la genèse et à l'éclaircissement de la problématique qui traverse notre travail. Soit Béni ! Aussi, que les membres de mon équipe de vie d'EMMAÜS soient remerciés particulièrement pour la vie fraternelle menée durant mes études philosophiques à Canisius.

    D'une manière spéciale, j'adresse mes remerciements à mes parents, frères, soeurs, ami(e)s et connaissances. A papa Jean LUHATA et à Maman Louise M'BI, pour le don de la vie que j'ai reçu de la part du Seigneur à travers leur médiation. Qu'ils puissent se reconnaître dans le travail de leur fils. A mes frères et soeurs : Henriette, Marie-Louise, Soeur Laurette, Benoît, Pauline, Jean-denis, Abel, Blandine et Papy ; merci pour votre soutien fraternel.

    Que tous mes ami(e)s trouvent aussi dans ce travail l'expression de ma gratitude envers eux. Je ne saurai oublier le couple ami, Peter KAWE et Viviane ASHIMBA. Que le Seigneur bénisse votre foyer !

    0. Introduction générale

    Que le titre de notre travail soit consacré à la Tradition et à la Rationalité chez Gadamer, cela est très significatif. Cette dialectique tradition- rationalité constitue, à notre sens, la problématique centrale de « Vérité et Méthode ». Une lecture approfondie de cet ouvrage nous montre avec clarté l'actualité du débat. D'une part, les partisans de la tradition humaniste et, d'autre part, les partisans de la raison à travers les nouvelles technosciences qui dominent le monde et transforment la vie sur Terre.

    En effet, l'époque moderne a connu un bouleversement extraordinaire dans le domaine de la science. C'est l'avènement de la science du « Je » ou du « Moi ». Descartes semble être le promethée de l'époque moderne. Il vole le feu de la raison pour le donner à l'agir humain. Avec lui, le primat est accordé à la res cogitans au mépris de la res extensa. Le monde extérieur n'existe pas. Seul, moi qui pense existe. Sauf le « Je » échappe au doute cartésien. Tout ce qui est non-moi est soumis au doute, il est objet d'investigation. La méthode se présente comme voie incontournable pour bien mener ses investigations. L'aufklärung viendra radicaliser la position de Descartes en faisant de la Raison la seule instance de légitimation de l'agir humain. Il faut oser penser par soi-même. Adieu l'Autorité, la tradition, les coutumes... C'est la liberté de l'homme qui est en vedette durant cette époque de l'histoire. L'impératif catégorique de Kant en est un exemple apologétique. Jean Onaostho explique bien cette période de l'histoire en ces termes :

    En effet, depuis le déclin du paradigme médiéval essentiellement onto-théologique, la philosophie moderne naissante, la Réforme et l'  « Aufklärung »(avec son corollaire de scientisme) ont jété un discrédit sur la tradition, les préjugés et l'autorité assimilés à des « idola » incompatibles avec l'idéal moderne de progrès, de liberté, d'émancipation, d'autonomie. Pour le chef de file du rationalisme (Descartes), comme pour Kant et l'ensemble des Lumières, la tradition devient pour ainsi dire, le principal obstacle épistémologique que doit vaincre tout savoir à vocation scientifique et critique1(*).

    Par ailleurs, le romantisme quant à lui, cherchera à réinstituer la tradition. Ce qui compte c'est la restauration du passé et de l'ancien. C'est l'éloge de l'ancien. Celui-ci est le centre de l'avènement du sens et de l'être. Ainsi, entre Les lumières et les romantiques il y a opposition radicale. Les lumières soutiennent la raison et les romantiques valorisent la tradition.

    Le travail de Gadamer est à situer au coeur de cette opposition. Gadamer veut concilier ces deux doctrines philosophiques. Pour lui, la raison doit aller de pair avec la tradition. Il réhabilite la tradition, les préjugés et l'autorité. Aussi, il sied de retenir qu'il y a une rationalité dans la tradition. Celle-ci repose sur la re-connaissance. Reconnaître c'est un acte de la raison.2(*) D'où, Gadamer dit que l'opposition n'est pas aussi absolue entre tradition et raison. Dans ce sens, toute herméneutique doit commencer par abolir cette opposition abstraite3(*). Par ailleurs, au coeur de ce débat se pose le problème de la fondation des sciences humaines. Quelle méthode pour les sciences humaines ?

    Ce travail s'efforce de montrer comment l'homme est un être historique et conditionné, marqué par la finitude. En réalité, l'homme est pour beaucoup le reflet de sa société. Il y a en lui quelque chose d'inobjectivable, mais pourtant vrai, qui le conditionne avant même qu'il ait la conscience de se reconnaître comme un « Je pense ». Cette chose, c'est la tradition. C'est pourquoi, l'historicité de l'individu doit être prise au sérieux. Qu'on soit scientifique, expert ou homme ordinaire, la tradition nous accompagne toujours, jusque dans nos recherches. Elle doit être un partenaire dialogal. C'est dans le dialogue avec la tradition que la possibilité d'un avenir meilleur est assurée.

    Aussi, ce travail se veut d'abord une lecture de « Vérité et Méthode ». Il s'agira pour nous d'engager un dialogue avec le texte, point par point, chapitre par chapitre en vue de dégager les grandes lignes qui orientent notre problématique à savoir, la dialectique entre Tradition et Rationalité telle qu'elle se déploie dans le livre. Ainsi, notre travail survole la totalité de « Vérité et Méthode ».

    Pour ce faire, le travail est divisé en trois chapitres. Le premier chapitre traite de la problématique de la méthode dans les sciences humaines. Dans ce chapitre, il sera question de présenter le débat autour de la fondation des sciences humaines comme science. La question majeure s'énonce de la manière suivante : « quelle méthode pour les sciences de l'esprit » ? Dans le deuxième chapitre la réflexion porte sur le dépassement de la question épistémologique sous la conduite de la phénoménologie. L'expérience de l'art nous conduit à l'expérience herméneutique. Avec la phénoménologie le mot d'ordre est lancé : « le retour aux choses mêmes ». Il s'agira de saisir l'essence des sciences humaines à travers les travaux de Husserl, Compte York et Heidegger. Enfin, le troisième chapitre, intitulé  « Tradition comme partenaire dialogal », est la matrice de notre travail. Ce chapitre montrera la relation d'intimité qui existe entre la tradition et la rationalité.

    Une conclusion générale reprendra les grandes articulations notre travail.

    CHAPITRE PREMIER :

    LES SCIENCES DE L'ESPRIT ET LE PROBLEME DE LA METHODE

    I.0. Introduction

    Les sciences de l'esprit ou sciences humaines, en allemand « Geistswissenschaften », ont porté cette dénomination au cours de l'histoire pour se distinguer des sciences de la nature. Ces dernières, marquées essentiellement par l'idée de la méthode, ont connu un succès éclatant depuis les temps modernes. L'objectivité, la systématisation, la rigueur et l'exactitude sont des exigences incontournables au sein des sciences de la nature.

    Face à la domination des sciences de la nature, les autres sciences dites « inexactes » en particulier les sciences de l'esprit, ont été poussées à réfléchir sur elles-mêmes. Beaucoup ont pensé pouvoir fonder les sciences de l'esprit en leur offrant une méthodologie propre qui garantirait leur autonomie par rapport aux sciences de la nature. Cette démarche a été une erreur car elle n'a pas permis de saisir correctement la vraie essence des sciences de l'esprit. En effet, vouloir fonder les sciences de l'esprit en se basant sur le modèle des sciences de la nature c'est en réalité, méconnaître leur essence qui se calque sur le modèle de la tradition humaniste.

    Les réflexions qui guident ce chapitre sont reparties en deux points. Le premier traite de l'idéal méthodologique des modernes. A la suite de Descartes, la méthode s'est imposée comme la seule voie qui conduit à la connaissance vraie. Cette idée s'étendra aux sciences de l'esprit. C'est ce qui peut ressortir du dialogue avec des auteurs tels que : J.S. Mill, Hermann Helmholtz, L. Von Ranke, J.G. Droysen et Dilthey. En dernier lieu, nous dirons ce que pense Gadamer de l'idée de la « Méthode ».

    I.1. Le concept de Méthode chez les modernes

    En général, on entend par « méthode », du latin « methodus », la marche rationnelle de l'esprit pour arriver à la connaissance ou à la démonstration d'une vérité. Il s'agit dans ce cas, d'une procédure qui consiste à observer les phénomènes, à en tirer des hypothèses et à vérifier les conséquences des ces hypothèses par une expérimentation au laboratoire. La méthode, c'est aussi une démarche suivie par une discipline pour l'acquisition de la connaissance et la découverte de la vérité. Elle peut être comparée à un chemin que le chercheur parcourt tout au long de don investigation et de son labeur. Ce chemin n'est pas ordinaire. Il est fait des quelques balises servant de points de repères tout au long de la recherche. André Lalande définit la « méthode » en partant de son étymologie grecque 4(*)?? qui signifie « poursuite » ( ) ; et par conséquent, effort pour atteindre une fin, une recherche, une étude.5(*)

    De toute évidence, il appert que l'idée de la méthode telle que comprise par les modernes fait allusion à une conscience consciente, à une maîtrise, mieux à une expertise de la part du chercheur. Il s'agit pour le scientifique de maîtriser son expérimentation, son observation. Nous sommes en présence d'une conscience présente, éveillée, dominatrice et donneuse de sens. Toutefois, l'on pourrait se demander : jusqu'où cette conscience serait-elle consciente ?

    Descartes semble être un des premiers philosophes à avoir donné le coup d'envoie de la nouvelle science basée sur l'idée de la « méthode ». Cela apparaît clairement dans le sous-titre qui accompagne le fameux « discours de la méthode ». En effet, nous pouvons lire : « pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences ».6(*) Descartes cherche à fonder une nouvelle science différente de la philosophie. Car selon lui, la philosophie n'a pas de fondement solide :

    ...puis, pour les autres sciences, d'autant qu'elles empruntent leurs principes de la philosophie, je jugeais qu'on ne pouvait avoir rien bâti qui fût solide sur des fondements si peu ferme, et ni l'honneur ni le gain qu'elles promettent n'étaient suffisant pour me confier à les apprendre car, je ne e sentais point, grâce à Dieu, de condition qui m'obligeât à faire un métier de la science pour le soulagement de ma fortune, et quoique je ne fisse pas profession de mépriser la gloire en cynique, je faisais néanmoins fort peu d'état de celle que je n'espérais point pouvoir acquérir qu'à faux titre.7(*)

    Sans aucun doute, la pensée de Descartes a beaucoup influencé l'époque moderne dans le domaine de la science. Cette pensée a conduit à un dualisme radical entre d'une part, le « Je », conscience autosuffisante, maître de l'univers, c'est la res congitans, et d'autre part, l'objet-monde, dépourvu de sens et d'existence réelle, c'est la res extensa. Ainsi, le monde matériel ne trouve sa consistance que dans les formules de l'entendement de l'esprit humain. L'univers est quantifiable. La nature, y compris l'être humain, devient un livre ouvert. C'est le début d'une nouvelle science basée sur la rationalité.8(*)

    Dans le souci de l'objectivité et de clarté, le monde qui nous entoure est mis en époké. Il y a rupture, une séparation entre le « Je » et le « non-Je ». Le « non-moi » est sensé subir le sens. Le vrai monde est celui créé par l'esprit humain. On ne peut pas ignorer la notion de la représentation mathématique qui réduit la réalité aux signes et formules. La réalité c'est le signe. Ainsi, tout se calcule, se planifie et se programme en vue d'atteindre l'exactitude voulue. Adieu l'heure de l'à-peu-près, de la providence.

    A côté des grandes prouesses des sciences de la nature, que représente les sciences de l'esprit sous la conduite de la philosophie ?

    Plusieurs tentatives ont été menées pour donner aux sciences de l'esprit leur identité propre c'est-à-dire une autonomie par rapport aux sciences de la nature. Les travaux réalisés par J.S. Mill, H. Helmholtz, Ranke, Droysen et Dilthey sont exemplaires.

    1.2. John Stuart Mill et la méthode inductive

    Philosophe et économiste anglais, John Stuart Mill a beaucoup contribué dans le domaine économique. Sa philosophie trouve sa source chez plusieurs auteurs. Entre autres : l'empirisme de Hume, l'Utilitarisme de Bentham, l'Associationnisme de son père James Mill et le positivisme de Comte.

    Pour ce qui concerne le débat autour des sciences de l'esprit, il est bon de savoir que la dénomination «  sciences de l'esprit » est due au traducteur de la « Logique » de Mill. Le problème de Mill était de trouver la possibilité d'une application de la logique inductive dans les « moral sciences », en allemand « Geisteswissenschaften ».9(*) Par l'induction, il faut entendre le fait de partir des faits particuliers pour aboutir à une vérité générale. Ce qui est primordial c'est la recherche de la généralité et de la régularité en vue d'aboutir aux lois stables. C'est ici que prend source en son principe, l'idéal d'une science naturelle de la société. Gadamer cite la psychologie des masses comme cas illustratif d'une science naturelle de la société.10(*)

    Cependant, cette approche de Mill pose problème. La connaissance, dans les sciences de l'esprit, ne s'acquiert pas fondamentalement selon les critères des lois. La démarche inductive des sciences de la nature ne permet pas de promouvoir l'expérience du monde social au statut de science. En effet, les sciences de l'esprit ont une approche différente de la réalité. Ici, on ne cherche pas à saisir le phénomène concret qui se présente devant nous comme un cas relevant d'une généralité. Le phénomène est saisi dans ce qu'il a de particulier. Le phénomène est saisi dans sa concrétude. Il se révèle unique et historique. Le travail ici consiste à comprendre comment tel homme, tel peuple, tel Etat, est ce qu'il est devenu et, ce qui s'était passé au fond pour qu'il soit ainsi. Voilà l'idéal des sciences de l'esprit même si certains voient en cela un prétexte pour les qualifier de « science inexacte ».11(*)

    A la suite de Mill, le physicien Helmholtz cherchera à son tour à donner aux sciences de l'esprit une place au carrefour des sciences. Au fait, il se base sur la méthode inductive de Mill pour apporter sa contribution.

    1.3. Hermann Helmholtz12(*) : l'induction logique et l'induction artistique- instinctive.

    Pour fonder les sciences de l'esprit, leur accorder une autonomie par rapport aux sciences de la nature, Helmholtz commence par distinguer deux sortes d'inductions selon qu'on est dans les sciences de la nature ou dans les sciences de l'esprit. Il y a d'une part, l'induction logique : celle-ci fonctionne comme mode d'investigation dans les sciences de la nature. Elle est liée à l'activité consciente du scientifique. Elle repose totalement sur l'usage propre que le scientifique fait de son entendement. D'autre part, il y a l'induction artistique ou instinctive. Cette dernière est propre aux sciences de l'esprit. Il s'agit d'une inférence inconsciente. L'exercice de l'induction s'accompagne d'une espèce de Tact (taktgefülh) qui implique le recours à des facultés de l'esprit qui sont d'un autre ordre faisant intervenir la mémoire et la reconnaissance d'autorités.

    Par ailleurs, on peut aussi facilement constater l'influence de la pensée de Kant dans l'« essai de fondation » de Helmholtz. Il distingue la liberté et la nature. Si la connaissance dans les sciences de la nature s'opère grâce aux lois mathématiques, l'expérience qui commande la connaissance historique est de tout autre espèce. D'où, le problème de Helmholtz consistait à montrer comment la méthode inductive est soumise dans la connaissance historique à des conditions autre que dans les sciences de la Nature. Car, la liberté est le propre de l'être humain, donc de l'histoire.

    Cependant, Gadamer fait remarquer que la distinction que fait Helmholtz au sein de l'induction n'est pas absolument logique mais plutôt psychologique.13(*) Aussi, Helmholtz est resté prisonnier de la méthode inductive de Mill. La reprise des intuitions de Kant et de Mill ne permet pas de justifier les sciences de l'esprit sinon que de les maintenir dans un sentiment d'infériorité par rapport aux sciences de la nature.14(*) C'est à « l'école historique » que reviendra le mérité d'avoir élevé les sciences de l'esprit à la conscience logique d'elle-même.

    I.4. L'école historique15(*)

    L'école historique a pour préoccupation l'histoire universelle. Cette école cherche à comprendre la totalité du contexte de l'histoire de l'humanité16(*).Selon Ranke, la tâche de l'historien consiste à rechercher une objectivité modeste et à raconter les choses «  comme elles ont véritablement été » en évitant comme les penseurs de l'Afklärung, de faire le procès du passé ou comme les romantiques de l'idéaliser. Au sujet de cette thèse de Ranke, Gadamer porte cette critique :

    La célèbre formule de Ranke sur l'élimination de l'individualité a donné une expression populaire à ce qui est une exigence de la pensée historique, à savoir la tâche que s'assigne la conscience historique de comprendre tous les témoignages d'une époque à partir de l'esprit de cette époque, de les envisager en faisant abstraction des préoccupations actuelles de notre vie présente et sans élever de prétention moralisatrice du passé qu'il s'agit du comprendre lui aussi comme un passé humain.17(*)

    Ranke se préoccupe de l'objectivation du passé qui doit se réaliser par l'effacement de l'historien. Pour lui, l'effacement est synonyme de la participation réelle18(*).

    De son côté, Droysen, « le théoricien perspicace de la méthode »19(*), adepte de l'historicisme de Ranke, historien de formation, cherche à fonder transcendentalement les sciences de l'esprit en partant de l'histoire comme centre de gravité. Dans un passage cité par Gadamer, Droysen affirme : « il n'y a guerre de domaine scientifique qui soit aussi peu que l'histoire, fondé, délimité et articulé en théorie »20(*). Pour construire son système, Droysen envisage l'existence d'un impératif catégorique de l'historien basé sur le modèle kantien qui serait alors la source vivante dont jaillirai la vie historique de l'humanité.

    Toutefois, si l'on doit à l'école historique le mérite d'avoir donné aux sciences de l'esprit la conscience logique d'elles-mêmes, n'empêche de souligner son échec dans cette démarche. En effet, l'erreur de l'école historique réside dans le fait qu'elle a voulu donner aux sciences de l'esprit une consistance pareille aux sciences de la nature.

    A la suite de Ranke et Droysen, Dilthey, auteur de « la critique de la raison historique », ne viendra que prolonger les intuitions déjà développées au sein de cette école. L'accent sera mis chez lui sur la compréhension comme méthode dans les sciences de l'esprit.

    1.5. Wilhelm Dilthey

    Dilthey21(*) reste un des esprits savants qui ont marqué l'histoire de l'humanité au 19e siècle. C'est le Kant des sciences de l'esprit. Il est préoccupé par le problème de connaissance dans les sciences de l'esprit. Influencé par la pensée de Kant, il cherche les conditions d'une connaissance scientifique possible de l'histoire. Il examine la valeur épistémologique des opératoires intellectuelles dont la combinaison permet au monde historique de « s'édifier » comme objet de connaissance. Ainsi, il procède par la critique de la raison historique. Pour Dilthey, la démarche compréhensive propre aux sciences de l'esprit et la démarche explicative des sciences de la nature ne se contredisent pas22(*). Au contraire, elles se complètent dans la connaissance historique. L'effort qu'entreprend Dilthey est, sans aucun doute, de trouver un fondement pour les sciences de l'esprit. Ce fondement est la psychologie.23(*)

    Cependant selon Gadamer, Dilthey n'est que l'interprète de l'école historique. Il ne fait que reprendre les intuitions fondamentales de Ranke et de Droysen.24(*) Dilthey est resté prisonnier de la méthode inductive des sciences de la nature et surtout de l'empirisme de la logique de Mill :

    Tout le travail, difficile, que Dilthey a consacré pendant des dizaines d'années à la fondation (grundlegung) des sciences de l'esprit, est en fait un débat ininterrompu avec l'exigence logique qui s'imposait, selon le célèbre dernier chapitre de Mill, aux sciences de l'esprit. Ce qui n'empêche pas cependant Dilthey de rester totalement sous l'emprise du modèle fourni par les sciences de la Nature, alors même qu'il veut précisément justifier l'autonomie des sciences de l'esprit25(*).

    Dilthey cherche l'objectivité dans les sciences de l'esprit. En effet, selon lui, la connaissance implique la dissolution de notre engagement dans la vie, l'acquisition d'une distance par rapport à notre histoire propre, condition nécessaire de son objectivation.26(*) Voici quelques concepts-clés qui permettent de comprendre la pensée de Dilthey. Nous avons les concepts suivants : « expérience vécue »27(*), la notion de « structure »28(*), la « solidarité des individus 29(*)», le « donné »30(*). Par ailleurs, Ranke et Droysen avaient déjà proposé des catégories historiques pour fonder les sciences de l'esprit. Parmi ces catégories nous pouvons retenir : « scènes de liberté » (Ranke), « force », « puissance », « tendance déterminante ». Derrière ces catégories nous pouvons comprendre que toute individualité est déjà façonnée par la réalité qui lui fait obstacle. Dans ce sens, l'individualité n'est pas subjectivité, mais force vivante.

    Les concepts de force, de puissance, de tendance déterminante, etc. employés par les historiens veulent tous rendre perceptible l'essence de l'être historique, en laissant entendre que l'idée ne trouve toujours qu'une représentation imparfaite dans l'histoire. Ce ne sont pas les plans et les opinions des acteurs qui représentent le sens du devenir ; ce sont au contraire les effets historiques qui font connaître les forces historiques. Ces forces qui constituent les véritables porteurs du développement de l'histoire, ne sont pas comme la subjectivité monadique de l'individu.31(*)

    Aussi, Chez Droysen, la catégorie principale est celle qu'il baptise : « puissances éthiques »32(*).

    Si l'induction est la méthode des sciences de la nature, la compréhension est propre aux sciences de l'esprit. En effet, pour Dilthey la tâche de l'herméneutique consiste à comprendre la vie à travers des expressions standardisées comme les écrits, l'art, la musique...Ainsi, la compréhension pour un historien de formation c'est de passer des expressions vécues aux impressions vécues par l'auteur33(*).

    Cette herméneutique est purement épistémologique et constitue la méthodologie générale des sciences de l'esprit. Dilthey rattache l'herméneutique à la conscience historique. Pour lui, l'herméneutique est l'élément universel de la conscience historique pour laquelle il n' y a d'autres connaissances de la vérité que celle qui consiste à comprendre les expressions et en celle-ci, la vie. C'est la vie et comme conséquences, « l'ensemble de la tradition qui deviendra pour la conscience historique 34(*)une rencontre de l'esprit avec lui-même ».35(*)

    1.6. Gadamer et le concept de la Méthode

    Beaucoup ont interprété le titre de l'ouvrage de Gadamer comme signifiant « vérité contre méthode ». Et pourtant, Gadamer ne se reconnaît pas dans cette interprétation. En effet, l'auteur de « Vérité et Méthode » n'est pas contre la méthode. Son problème c'est de montrer que si la « méthode », telle que appréhendée par les modernes, fonctionne efficacement dans les sciences de la nature, cela ne va pas de soi avec les sciences humaines. Gadamer s'explique en ces termes :

    Le concept de « méthode » dans le titre de mon livre indique déjà la distinction. Je n'ai pas - comme le prétend par exemple Betti dans un débat avec Groce et Gentile - élargi la méthode originelle de l'herméneutique théologique et juridique à d'autres disciplines, afin d'assurer par là la portée applicative nécessaire au concept de méthode. J'ai plutôt cherché à montrer que le concept de méthode est inadéquat pour décider de la légitimité des sciences humaines. 36(*)

    Gadamer soutient qu'il y a des méthodes en sciences humaines. On doit les apprendre et les appliquer. Cependant, on ne peut pas justifier les sciences humaines par le fait qu'on peut appliquer certaines méthodes à certains objets.37(*) Dans les sciences humaines la relation qui existe avec l'objet est fondamentale. Cette relation suppose la participation à la tradition.

    Ainsi, il faut rejeter l'idée de la méthode telle que comprise par les modernes pour revisiter le concept grec tel que Aristote le comprend. Une méthode qui décide avant même d'avoir pénétré la chose est une mauvaise abstraction. En effet, il revient à l'objet lui-même de déterminer la méthode de sa pénétration. La vraie méthode est celle qui laisse la chose déployer sa propre logique. Une méthode pareille rend justice aux sciences humaines.38(*) Comme nous le verrons dans le deuxième chapitre, la compréhension et l'interprétation représentent le mieux, la méthode qu'il faut pour les sciences humaines. Car elles relèvent de l'expérience générale que l'homme fait du monde.39(*) Avec la compréhension interprétative, l'objet lui-même se révèle à nous tel qu'il est véritablement.

    Voilà, ce que Gadamer pense de l'idée de la méthode. Que retenir de ce premier chapitre ?

    1.7. Conclusion partielle

    Les travaux accomplis depuis Mill jusqu'à Dilthey, pour fonder les sciences de l'esprit sont louables et méritent notre reconnaissance. Dans une période marquée par la domination des sciences de la nature, les sciences de l'esprit n'avaient qu'une place marginale, baptisées « sciences inexactes » parce que pas « de méthode ». Dilthey et ses précurseurs ont cherché à donner une méthode aux sciences de l'esprit. Cette méthode permettrait de justifier celles-ci devant le tribunal méthodologique des sciences de la nature. Les griefs adressés contre elles ne sont que des montages car, beaucoup ont méconnu leur essence.

    Contre Dilthey, Gadamer formule contre lui une critique en ces termes :

    Le conditionnement historique de la conscience ne constitue-t-il pas une limite insurmontable à l'achèvement de la conscience historique ? Hegel pensait peut-être pouvoir surmonter cette limite par la sursomption (Aufhebung) de l'histoire dans l'esprit absolu. Mais si la vie est une réalité créatrice inépuisable, comme le pense bien Dilthey, la métamorphose constante de l'ensemble significatif de l'histoire n'exclut pas la possibilité d'un savoir qui atteigne l'objectivité ? La conscience historique n'est-elle pas finalement un idéal utopique et qui se contredit lui-même ?40(*)

    Suite aux apories rencontrées chez Dilthey et les auteurs penseurs étudiés dans les lignes précédentes, Gadamer prend une autre orientation. Une nouvelle voie d'investigation ouverte par la phénoménologie. La méthode des sciences humaines doit être celle qui nous permet d'aller aux choses mêmes afin de laisser à celles-ci le pouvoir de nous adresser la parole. C'est la tâche de la compréhension.

    Le chapitre qui suit est basé sur les travaux réalisés par Heidegger à la suite de Husserl et le Comte York. Avec le tournant phénoménologique, la question n'est plus épistémologique mais plutôt ontologique.

    CHAPITRE DEUXIEME :

    Le dépassement de la question épistémologique sous la conduite de la Phénoménologie

    II. O. Introduction

    Le débat autour de la question de la fondation des sciences de l'esprit a été un débat épistémologique. Le problème fondamental consistait à rendre scientifique les sciences de l'esprit. Cependant, les différentes tentatives qui ont cherché à fonder les sciences de l'esprit suivant le modèle des sciences de la nature ont conduit aux apories. En réalité, ces tentatives n'ont fait que donner aux sciences de l'esprit une place marginale derrière les sciences exactes.

    C'est pourquoi, Gadamer propose une autre voie, celle de l'herméneutique où le phénomène de la compréhension joue un rôle important. Ici, l'analyse de l'expérience de l'oeuvre d'art est exemplaire car l'oeuvre d'art a une vérité. Cette vérité n'est pas conceptuelle comme c'est le cas dans les sciences de la nature. Au contraire, la vérité propre à l'oeuvre d'art requiert la participation qui transforme la vie de la personne qui fait l'expérience.

    Sous la conduite de la phénoménologie, les travaux de Husserl, Compte York et Heidegger poseront les lignes directrices qui doivent orienter toute recherche en sciences de l'esprit. La règle d'or c'est « le retour aux choses mêmes ».

    Ce deuxième chapitre a trois points principaux. Le premier point traite de l'ontologie de l'oeuvre d'art. L'expérience de l'oeuvre d'art renferme une vérité qui transforme la vie. Le deuxième point parle du concept de « vie » chez Husserl et son approfondissement par le Compte York. Le dernier point est consacré à Martin Heidegger et à son herméneutique de la facticité.

    II.1. L'ontologie de l'oeuvre d'art comme ouverture à l'expérience herméneutique.

    II.1.1. Gadamer et la question de la vérité de l'oeuvre d'art

    On ne peut pas commencer à parler de l'ontologie de l'oeuvre d'art avec Gadamer sans rappeler le combat qu'il a mené pour rendre justice à l'expérience de vérité propre à l'art. Avec Kant l'art est passé au crible de la raison critique. Le procès intenté contre l'esthétique va conduire à un embarras ontologique. C'est le massacre de l'oeuvre d'art. En effet, avec la conscience esthétique, l'abstraction est introduite au sein de la connaissance esthétique. Il est évident que même le domaine esthétique n'a pas été épargné par l'idée de la méthode. Voici ce que Gadamer dit à ce propos :

    La relégation de la détermination ontologique de ce qui est esthétique dans le concept d'apparence esthétique a donc pour fondement théorique que l'empire du modèle de connaissance, qui est celui des sciences de la nature, conduit à discréditer toute possibilité de connaissance qui ne relèverait pas de cette doctrine nouvelle de la méthode (« fiction », dit-on)41(*).

    Aussi, la conscience esthétique peut être comparée à l'impératif catégorique. C'est le centre d'expériences vécues, qui fournit la mesure de tout ce qui s'impose comme art. Nous sommes donc devant un sujet conscient, réfléchissant et possédant le pouvoir de réaliser la distinction esthétique et de porter sur toute chose un regard « esthétique ».42(*)Le grand crime de la distinction esthétique c'est le fait de couper l'oeuvre d'art de son milieu de vie. L'oeuvre perd son lieu et son monde pour devenir un objet d'exposition dans des musées.43(*)

    Et pourtant, l'oeuvre d'art n'a-t-il pas un message à nous livrer ? Ne nous parle-t-il pas comme un « tu » ? L'oeuvre d'art nous adresse une parole. Elle doit être considérée comme un partenaire dialogal, car elle a un message à nous livrer. L'expérience de l'art possède aussi une vérité. Son mode de connaissance est suis generis44(*). Cette vérité ne peut être épuisée définitivement au moyen des concepts. L'oeuvre d'art continuera toujours à nous parler autrement. Voilà ce qui est extraordinaire. L'expérience de l'art exige donc la compréhension. Celle-ci est un phénomène purement herméneutique.

    Pour rendre justice à l'oeuvre d'art, Gadamer pose la question de l'oubli de l'être de l'oeuvre d'art à la conscience esthétique comme Heidegger l'avait fait avec la métaphysique traditionnelle. Cette question ne porte pas sur la subjectivité de la conscience, mais elle va au- delà d'elle pour rejoindre le sphère de l'Etre. Il nous faut interroger l'Etre- même de l'oeuvre d'art.

    II.1.2. OEuvre d'art comme demeure de l'Etre

    L'oeuvre d'art a une vérité qui lui est propre. Cette vérité n'est pas méthodologique ; mais au contraire elle est une vérité herméneutique à laquelle il convient de participer.45(*) Aussi, participer à l'expérience de l'oeuvre d'art c'est accepter de se laisser transformer par elle. La vérité de l'art transforme la vie. Pour mieux comprendre cette thèse, Gadamer utilise le concept de « jeu ». Ce concept est une clé de lecture pour celui veut comprendre l'herméneutique de Gadamer. Le jeu permet de dépasser la clôture épistémologique propre à la vérité scientifique, souvent aveugle, et créer une ouverture infinie de la vérité herméneutique.

    En effet, le jeu ne remplit son but que lorsque les joueurs s'oublient dans le jeu. Le jeu absorbe la conscience de ceux qui s'y livrent. Gadamer affirme que « celui qui joue sait bien quelle chose est le jeu, il sait que ce qu'il fait n'est qu'un jeu et pourtant, il ne sait pas ce qu'il sait par là »46(*).

    Comme dans le jeu, celui qui fait l'expérience de l'oeuvre d'art se trouve métamorphoser. Le jeu a une essence qui est indépendante de la conscience de ceux qui jouent. Ainsi, les joueurs ne sont pas le sujet du jeu, mais à travers eux, c'est le jeu lui-même qui accède à la représentation (Dasterllung). Le jeu est son propre sujet. Son mode d'être n'exige pas la présence d'un sujet conscient qui puisse se comporter de manière intelligente. Même l'initiative ne relève pas des joueurs. Elle est prise par le jeu lui-même. Cela veut dire que la liberté des joueurs n'échappe pas à la puissance du jeu. Car, le jeu représente un risque pour celui qui joue. On ne joue qu'avec des possibilités limitées. Le risque du jeu c'est le défi qu'il nous lance. En effet, c'est peut-être l'autre qui va mériter.

    Finalement, jouer c'est toujours être joué. Il y a donc là une représentation. Celui qui joue représente d'une certaine manière le jeu lui-même devant les spectateurs. Cette représentation n'est pas donnée à quelqu'un. La représentation dans son essence s'adresse toujours et déjà à quelqu'un même quand la salle de spectacle est vide (même quand personne n'est présent pour écouter ou regarder)47(*).

    Par ailleurs, voici quelques notions clés qui nous permettront de bien comprendre l'ontologie de l'oeuvre d'art :

    a. La transmutation en oeuvre.

    La transmutation signifie chez Gadamer que quelque chose soit d'un coup et en totalité autre chose. Et cet autre possède un statut ontologique vrai. Par exemple, dans le théâtre l'acteur joue à l'être de l'autre. Il fait semblant. C'est la simulation et la feinte.48(*) Celui qui joue se détache de lui-même et en même temps garde son identité qui restera caché pour les spectateurs. Ainsi, la représentation nous permet de rencontrer l'oeuvre elle-même. Tout comme nous rencontrons le divin dans le culte. Le jeu ne laisse pas subsister pour personne l'identité de celui qui joue. La métamorphose est une sorte de délivrance qui nous amène à la vérité de l'Etre.

    b. La médiation totale

    La médiation totale signifie que l'élément qui sert de médiation se supprime lui-même lors de la représentation. L'oeuvre est jeu parce qu'elle n'atteint son but que chaque fois qu'elle est jouée. Ce que l'auteur joue et ce que le spectateur reconnaît est une et même chose. Ce qui est imité dans l'imitation, créé par l'écrivain, représenté par l'exécutant, reconnu par le spectateur, est la visée de l'oeuvre. C'est cela le sens de toute représentation.

    Dans les oeuvres littéraires, la médiation se fait grâce à l'interprétation. En effet, interpréter c'est recréer. La médiation par essence, est médiation totale.49(*)

    c. La temporalité esthétique

    Le propre de toute oeuvre d'art c'est d'être contemporain de tout présent. L'oeuvre d'art reste elle-même malgré les métamorphoses et les déformations que les répétitions peuvent lui infliger.50(*) Ce qui se présente comme jeu de l'art ne s'épuise pas. Il doit demeurer. Il y a un droit à la durée et la durée d'un droit.

    Nous savons bien que le droit existe dès le moment de sa proclamation. C'est la même chose avec la Parole de Dieu, lors de la proclamation de l'Evangile. La parole a pour fonction d'accomplir la médiation totale. La parole opère la médiation de la contemporanéité. Celle-ci signifie qu'une chose unique soit-elle, se présente à nous, si lointaine qu'en soi l'origine, acquiert présence dans la représentation. Bref, la contemporanéité est présence.51(*)

    d. L'exemple du tragique

    Aristote a introduit quelque chose d'important dans la conception du tragique : l'effet produit sur le spectateur.52(*) Le tragique est toujours compris comme unité historique. Le propre du tragique c'est d'être accepté. Il s'agit d'une communion : le héros accepte son destin. Le « ainsi » est chez le spectateur quelque chose qui vient l'éclairer des aveuglements dans lesquels il vit. Le tragique nous permet de prendre connaissance de notre finitude. C'est notre propre histoire qui se déroule devant nous.

    e. Y-a-t-il une représentation de la vérité dans les arts non -transitoires ?

    Par arts non- transitoires, il faut entendre tous ceux qui n'ont pas besoin d'être exécuté pour être compris. C'est le cas de la peinture, de la sculpture, de l'architecture, de la littérature...Beaucoup ont cru qu'il n'y a pas de représentation dans ces arts. Ce n'est pas vrai. Ici également l'être advient à la présence. Il y a toujours un surcroît d'être. Dans le cas de la littérature, le contenu d'un livre se donne en représentation dans l'imagination du lecteur. L'être qui était caché se révèle au lecteur. Il devient présent. Gadamer affirme que dans le déchiffrement et l'interprétation il y a un miracle qui se produit : la transformation de quelque chose d'étranger et de mort en quelque chose d'absolument coprésent et de familier.53(*) Il y a donc fusion d'horizons dans l'occasionnalité54(*) de l'oeuvre d'art. Jean Grondin dit qu'en ce sens, tous les arts sont transitoires55(*).

    Voilà, d'une manière brève quelques notions importantes qu'il faudrait retenir sur l'oeuvre d'art. Maintenant, il est temps de tirer des conséquences herméneutiques de l'ontologie de l'oeuvre d'art.

    II.1.3. L'oeuvre d'art, quelle signification herméneutique ?

    Nous avons dit plus- haut que l'expérience de l'oeuvre d'art nécessite, non pas un effort de conceptualisation, ni d'objectivation mais plutôt, la compréhension. En effet, la compréhension comme moyen nous permet d'accéder à l'expérience véritable de l'art. Elle est comme une partie de l'événement du sens, dans lequel le sens de toutes déclarations se forme et s'accomplit. La tâche fondamentale de l'herméneutique c'est l'intégration. Il ne s'agit pas de chercher à restaurer naïvement le passé comme le pensait Schleiermacher. Car, vouloir reproduire fidèlement la production de l'auteur est une illusion. De même que vouloir connaître l'état d'âme dans lequel se trouvait l'auteur pour mieux connaître son oeuvre est pur psychologisme. Dilthey est l'un de ceux qui soutienne cette deuxième thèse.

    Par contre, l'oeuvre d'art nous rejoint toujours dans notre présent pour nous adresser la parole. Pour un esprit clairvoyant, l'être de l'oeuvre d'art se présente exactement comme le Dasein chez Heidegger. Le propre du Dasein c'est d'être le berger de l'Etre. Il est l'Etre-là. Il est ek-statis. L'oeuvre d'art permet à quelque chose d'immanent de se rendre présent dans la vie de l'homme. C'est la vérité herméneutique de toute expérience de l'oeuvre d'art. Cette expérience contient une certaine vérité qui a pour télos la transformation de notre vie56(*).

    Le concept « de vie » est riche de sens. Gadamer entend l'approfondir avec Husserl et Compte York.

    II.2. Le concept de  « vie » tel que compris par Husserl et compte York.

    II. 2.1. Edmund Husserl

    Le problème de Husserl était de dépasser le dualisme cartésien entre le sujet et l'objet. Dans la construction de sa phénoménologie transcendantale, il introduit une notion importante, celle de l'intentionnalité : « toute conscience est conscience de quelque chose ». Dans l'acte de penser le sujet et l'objet sont saisis simultanément. Le mot d'ordre de l'intentionnalité est «  le retour aux choses elles-mêmes ». Il s'agit fondamentalement de laisser à la chose la capacité de pouvoir nous révéler son être, son essence. Pour Husserl, l'unité réelle des expériences vécues se réalise dans la conscience. Celle-ci représente une coordination essentielle. A ce sujet Gadamer dit ceci :

    Avec Husserl, l'opposition entre la nature et l'esprit est à réviser ; sciences humaines et sciences naturelles doivent être comprises à partir de l'intentionnalité de la vie universelle.57(*)

    Par ailleurs, on trouve aussi chez Husserl la notion de l'horizon qui n'est pas une frontière rigide, mais quelque chose qui en appelle au cheminement et invite « au-va-plus-loin ». Ainsi, tout ce qui est comme étant, est donné dans le monde et emporte avec lui l'horizon du monde.58(*)

    La suspension Husserlienne permet de découvrir l'essence de l'objet. Elle ne supprime pas la validité du monde. La mise en épokè permet de comprendre les expériences vécues particulières, les intentions cachées, anonymes, implicites de la conscience et à rendre ainsi intelligible en totalité, toute validité ontologique objective. Le monde qui est mis en époké est « un monde de la vie ». Ce monde n'est pas objectivable par la conscience, car il est lié à la subjectivité. Ce monde est donc historique59(*).

    Cependant, un problème demeure dans la phénoménologie transcendantale de Husserl. Il concerne la nature même du « Moi transcendantale » réfléchissant. Celui-ci compris comme originaire, n'a pas de sol ontologique. C'est la critique que Heidegger adresse au « Moi Transcendantal » de Husserl. En plus, le rapport avec les autres « Moi transcendantaux » est problématique. En effet, l'autre est d'abord appréhendé comme objet de perception avant de devenir ensuite, par empathie, « alter ego », un toi.

    Bref, le concept de « monde de la vie » tel que développé par Husserl est riche mais n'est pas suffisamment approfondit. Ce concept a attiré l'attention de Gadamer parce c'est à travers la vie que l'historicité de tout ce qui est vivant est rendu manifeste. C'est dans cette ligne que le Compte York et Heidegger viendront approfondir.

    II.2.2. Le comte York

    York propose de comprendre la vie comme une affirmation de soi. La vie est une unité jusque dans la division et l'articulation de soi. Le vivant est division originaire.60(*) Dans ce sens, même la conscience est à comprendre comme comportement de la vie. Ce qui caractérise fondamentalement le vivant c'est l'assimilation. Celle-ci veut dire que tout vivant se nourrit de ce qui lui est étranger ou qu'il perçoit comme étranger. Cette vérité est au coeur de la structure du vivant même.

    Le comte York jette ainsi un pont entre la phénoménologie de l'esprit de Hegel et la phénoménologie de la subjectivité transcendantale de Husserl.61(*) Aussi, il dépasse Husserl et Dilthey dans la mesure où, dit Gadamer, il ne remonte pas seulement à la vie dans une intention épistémologique mais conserve aussi la connexion métaphysique de la vie et de la conscience de soi tel qu'il avait été développé par Hegel62(*). Par conséquent, la conscience d'objet ne peut pas connaître ce qui est vivant. Ni l'effort de l'entendement qui s'exerce à pénétrer la loi des phénomènes. En effet, le vivant se présente comme quelque chose qui ne peut être saisi de l'extérieur à sa vitalité63(*).

    Telle est le sens que porte le concept de vie chez le comte York. Retenons que la prise de la dimension métaphysique de la vie est capitale car, elle sera le point de départ de l'ontologie fondamentale de Martin Heidegger.

    II.3. Martin Heidegger et l'herméneutique de la facticité.

    Avec Heidegger, la phénoménologie quitte la sphère transcendantale pour s'enraciner dans le sol existential. Heidegger entend approfondir le concept de « monde de la vie ». C'est le point de départ de sa phénoménologie existentiale. L'auteur de « l'Etre et Temps » veut comprendre l'existence humaine dans sa quotidienneté, dans ses hauts et ses bas. Cette herméneutique nouvelle s'appelle : « herméneutique de la facticité ».64(*) Le Dasein est un être dans le monde, un être au monde, un être-jeté-au-monde. Le monde dans le sens heideggérien signifie l'univers avec l'ensemble des significations que le Dasein lui confère. En effet, une pierre n'a pas de monde. L'animal a un monde. Mais, l'homme crée son monde, il le façonne. Il est l'être-là. C'est-à-dire que le Dasein a la capacité de sortir de soi et de se projeter. Le pro-jet fait intervenir trois existentiaux : la déchéance, la déréliction et la compréhension. Parmi ces trois existentiaux, seule la compréhension est le propre de l'homme parce qu'elle est une ouverture à l'avenir. La compréhension est le mode d'être du Dasein :

    La compréhension n'est pas un idéal de l'expression humaine auquel, comme Dilthey, l'esprit se résignerait en sa vieillesse ; elle n'est pas non plus comme Chez Husserl, un ultime idéal de méthode pour la philosophie qui s'opposerait à la naïveté du « vivre-au-jour-le jour », elle est, au contraire la forme d'accomplissement originaire du Dasein qui est un être-au-monde. Avant toute différenciation de la compréhension dans les diverses branches de l'intérêt pragmatique ou théorique, la compréhension est le mode d'être du dasein dans la mesure où il est « pouvoir -être » et « possibilité ».65(*)

    La compréhension n'est plus à comprendre comme une méthode des sciences historiques mais comme le caractère ontologique originaire de la vie humaine elle-même. D'où, Heidegger se propose de faire une analytique du Dasein pour éclairer sa structure de la compréhension. Cette analytique est à situer au niveau transcendantal car, la compréhension chez Heidegger a un poids ontologique66(*).

    C'est pourquoi, la question rebondit avec éclat : « qu'est-ce qui se passe quand on comprend » ?

    II.4. La structure préalable de la compréhension

    La compréhension se trouve au coeur du rapport de l'homme avec le monde, avec les autres et avec lui-même. Il y a chez Heidegger une valorisation ontologique des problèmes de la structure de la compréhension historique de l'existence humaine qui est essentiellement orientée vers le futur.

    Le problème de la structure préalable de la compréhension nous renvoie à la question de la temporalité du Dasein. Celle-ci nous renseigne que le temps est une modalité de l'être du Dasein. Le temps n'est pas une succession du passé, du présent ou futur, mais une continuité unifiée. Le passé et l'avenir sont présentifiés dans le Dasein. Ainsi, le projet dans sa dimension ek-statik constitue la capacité du Dasein à relier son passé et son avenir dans le présent. D'où, il y a comme une structure circulaire dans le pro-jet du Dasein. Effectivement, la compréhension se présente d'une manière circulaire. C'est ce que Heidegger a appelé « le cercle herméneutique »67(*).

    Dans la compréhension il y a deux structure : « la structure d'anticipation » et « la structure en tant que».

    - Par « structure d'anticipation », il faut entendre tout ce qui nous a marqué, influencé, impressionné dans le passé et qui nous permet de saisir une réalité nouvelle. Ces sont les pré-opinions qui peuvent se révèle vraies ou fausses au fur et à mesure qu'on comprend vraiment. Gadamer le dit autrement en ces termes :

    Quiconque cherche à comprendre est exposé aux erreurs suscitées par des pré-opinions qui ne résistent pas à l'épreuve des choses mêmes. Telle est la tâche constante du comprendre : donner aux esquisses justes et appropriées à la chose, qui en tant qu'esquisses sont des anticipations qui n'attendent leur confirmation que des « choses mêmes ».68(*)

    - Par ailleurs, « la structure entant que » cherche à confirmer ou à nier l'expérience du passé c'est-à-dire les pré- opinions. Cette dernière structure vient révèle le sens de l'être. Ce qu'il est véritablement. C'est la chose même. Cette structure interroge nos pré- opinions sur leur nature et leur validité69(*).

    Ces deux structures s'accompagnent toujours d'un autre phénomène herméneutique important qu'on appelle : « l'interprétation ». Celle-ci est à placer au coeur de tout mouvement du comprendre. Comprendre c'est interpréter. D'où, dans toute compréhension la structure se présente toujours de cette manière : précompréhension - compréhension - précompréhension. C'est un cercle infini. Car, on comprend toujours autrement.70(*)

    Toutefois, il sied de retenir que dans tout mouvement de compréhension il y a « appropriation »71(*). Notre passé ne nous lâchera plus, il nous suivra partout. C'est la marque de la finitude notre être historique.

    Avec la découverte de la structure préalable de la compréhension, Heidegger nous ouvre les yeux. Tout ce qui est passé n'est pas nécessairement mauvais. Par contre, il faut un dialogue pour affirmer ou infirmer la validité de son message dans notre situation présente.

    Ainsi, les préjugés, la tradition et même l'autorité doivent être compris autrement que de la manière dont ils étaient compris par les partisans de l'Aufklärung et les romantiques. La nécessité de leur rendre justice s'impose. Il faut réhabiliter l'autorité et la tradition car, elles constituent des préjugés à partir desquels advient la compréhension. Les préjugés ne sont pas dogmatiques par contre, Gadamer affirme que :

    Les préjugés qui guident ma précompréhension ne cessent pas non plus d'être mis en jeu, jusqu'à ce que je les abandonne, autre manière de les transformer. Car telle est la force infatigable de l'expérience ; en toute leçon qu'elle donne elle ne cesse pas de former une nouvelle précompréhension.

    Arrivés à ce point de notre réflexion, il est temps de nous résumer.

    II.5. Conclusion partielle

    La réflexion dans ce deuxième chapitre a été guidée par la phénoménologie. Le problème était de faire un dépassement des apories suscitées par la conscience historique. L'expérience de l'art nous a montré qu'il y a une vérité esthétique, différente de la vérité méthodologique. La vérité esthétique est participative et elle conduit à la transformation de la vie. Le concept de jeu nous a permis de mieux comprendre l'être de l'oeuvre d'art. L'expérience de l'art est plus « être que conscience ».

    La signification herméneutique de l'art nous a conduit à la phénoménologie. Avec Husserl et Compte York, le concept de vie prend une signification plus vaste que celle que lui avait conférée Dilthey. La vie est historique. Elle ne peut pas être saisie comme objet d'une conscience réfléchissante. Car, même la conscience est un comportement de la vie.

    C'est ce que Heidegger explicite avec son herméneutique de la facticité. A la différence des autre créatures, le Dasein seul a la capacité de se pro-jeter. Il est un être de capacité et de possibilité. Et cela se réalise grâce à la compréhension qui est une ouverture au futur. La compréhension est le mode d'être du Dasein. D'une manière lumineuse, Heidegger nous présente ce qui se passe quand nous comprenons. Pas de compréhension sans précompréhension.

    D'où, la réhabilitation de la tradition et des préjugés chez Gadamer. Ceci nous amènera à revisiter la tradition humaniste. Ce sera l'objet du troisième chapitre. La tradition n'est pas opposée au progrès ou à la rationalité. Au contraire, elle contribue au progrès. Ainsi, elle doit être prise comme un partenaire dialogal.

    CHAPITRE TROISIEME :

    TRADITION COMME PARTENAIRE DIALOGAL

    III. 0. Introduction

    Avec la découverte de la structure préalable de la compréhension dans l'expérience humaine en général, l'herméneutique se libère du sommeil dogmatique inoculé par l'Aufklärung. La tradition, l'autorité et les préjugés sont importants dans toute expérience humaine de compréhension. D'où, le retour à la tradition humaniste sera la voie sûre pour fonder les sciences humaines. Car, la tradition humaniste véhicule une connaissance non méthodologique comme dans les sciences de la nature, au profit d'un savoir qui tient son fondement de la tradition, de l'autorité et des préjugés. A travers la formation, le sensus communis, le jugement et le goût, la tradition humaniste nous invitera à adopter une attitude de l'ouverture à l'Universel. L'universel c'est le milieu où l'autre et moi pouvons nous reconnaître l'un dans l'autre.

    Comme le titre du chapitre l'indique, il s'agit ici fondamentalement d'instaurer un dialogue entre d'une part, la tradition et, d'autre part, la conscience réflexive de l'individu mieux, la raison. Le dialogue n'est possible que si on reconnaît que la tradition nous parle. Elle est toujours présente en nous et à travers nous. Elle caractérise la finitude de notre être historique. Au fait, la tradition est le berceau à partir duquel toute réflexion est possible.

    Aussi, dans le dialogue se place un élément fondement qui joue le rôle de médiateur dans tout effort de compréhension, c'est le langage. A travers le langage, la tradition et la rationalité peuvent enfin cohabiter ensemble.

    Ce chapitre a quatre points à développer. Le premier point est un retour à la tradition humaniste. Ceci en vue de trouve un modèle qui soit adéquat aux sciences de l'esprit. Le deuxième point traite de l'influence qu'a l'histoire sur la conscience réflexive. C'est ce que Gadamer intitule : « plus être que conscience ». Le troisième point parle du dialogue herméneutique. Ici, l'accent sera mis sur la nature d'un vrai dialogue suivant le modèle platonicien. Et enfin, le quatrième point s'énonce : le langage entre tradition et rationalité. Ce point nous montrera le lien d'intimité qui existe entre la tradition et la rationalité.

    II.1. Retour à la source : le modèle de la tradition humaniste

    L'influence de la Renaissance a été considérable sur l'Europe. L'humanisme est le fruit de cette influence. La redécouverte des lettres classiques ou plus précisément de la lecture constitue la préoccupation majeure de cette période de l'histoire humaine. Le retour à la Grèce antique remet sur la place publique la rhétorique, la poésie, la grammaire, la philosophie morale (l'Ethique), la grammaire et l'histoire. La culture humaniste se présente foncièrement comme pédagogique. La mission consiste à élever l'homme à l'humanité. Et cette élévation se réalise grâce à la formation, au sens commun, au jugement et au goût.

    III.1.1. Herder et la concept de Bildung (formation)

    Pour Herder72(*), l'être humain est un être qui est appelé à se former. C'est un être historique qui se réalise à travers le temps et l'espace. La formation humaine s'oppose à la formation naturelle. D'une part, nous avons la culture et d'autre part, nous avons la nature. La formation humaine s'identifie au concept allemand de Bildung et elle désigne la manière proprement humaine de développer les dispositions naturelles que l'on possède. La formation vise la transformation de l'homme. Elle métamorphose l'homme. Ainsi, l'homme cultivé c'est celui qui est ouvert à l'universel, c'est l'ouverture à l'autre. Il ne prétend pas tout connaître. Il est disposé à admettre les points de vue de l'autre. Il est apte au dialogue. Finalement, l'homme cultivé est humble, il n'oublie pas le savoir de son non-savoir.73(*)

    Bref, le concept de Bildung nous renvoie à la disposition intérieure de l'homme74(*). La finalité de toute culture c'est justement former ses dispositions intérieures à s'élever à l'universel. En d'autres mots, c'est former éduquer l'homme à s'ouvrir à d'autres contenus, perspectives autres et générales.

    Le sens commun nous renseignera que les dispositions intérieures d'humilité et d'ouverture aux autres nous renvoient à la morale, à la politique et à la formation de l'histoire de la société.

    III.1.2. Le sensus communis

    Le sens de ce concept a été déformé par les lumières. Descartes le premier rejette le sens commun parce que dit-il, c'est un ensemble des pseudos vérités ne reposant pas sur une fondation claire et distincte. Le doute Cartésien fait table rase des vérités de la tradition et du sens commun (bon sens). Ainsi, nous pouvons comprendre la phrase de Kant: « ose te servir de ta raison ».

    Cependant, Gadamer affirme que ce concept a été mal compris. N'y a-t-il pas une sagesse qui est véhiculée dans le sens commun ? Effectivement, le sens commun a une sagesse à nous communiquer. Il concerne surtout les vérités morales, historiques et politiques.75(*) Ces vérités constituent l'homme et ne peuvent pas être objet d'une conscience réflexive. En effet, l'histoire ne se transmet pas par des méthodes ni par des règles ou des axiomes, mais elle transmet une sagesse de Vie. C'est ce qu'on appelle « la vita memoriae ».76(*)

    Cette sagesse de vie est déjà une formation du jugement chez l'individu. Ce qui implique une bonne manière de se conduire dans la société.77(*)

    III.1.3. Le jugement

    Comme le concept de « sens commun », le concept de « jugement » a été aussi victime de la puissance dévastatrice de l'Aufklärung. Kant avec sa « critique du jugement » stipule que le jugement ne s'apprend pas parce qu'aucune démonstration conceptuelle ne régit l'application de règles. Cette conception contredît forcément ce que dit « le sensus communis ». En effet, ce concept n'est pas d'abord une faculté formelle comme le pense Kant. Au contraire, il inclut toujours un ensemble de jugement et des critères de jugement qui le déterminent dans l'ordre du contenu.78(*)

    Le jugement n'est pas une exigence, mais c'est une capacité de se solidariser moralement et civilement avec les autres. Elle vise « l'utilité commune »79(*). En ce sens, le jugement implique le goût.

    III.1.4. Le goût

    Le concept de goût n'avait rien à faire avec l'esthétique dans la tradition humaniste. Originairement, il avait un sens moral. Il signifiait un mode de connaissance ou « sens » qui ne s'apprend pas tel quel, mais qui se forme et qui est fondamentale à la vie en société et à la culture humaine. Le concept de goût fait appel aux notions de la convenance, de la mesure et de la justesse. C'est donc un savoir pratique. Le problème de l'application est au centre de ce savoir.

    Aristote nous apprend que la sagesse de vie ne s'acquiert pas grâce aux règles, mais elle se forme et se cultive. Elle ouvre l'homme à la pluralité. Et cela permet de transcender le particulier pour embrasser l'universel. C'est pourquoi il est clair que l'objet des sciences humaines c'est essentiellement l'existence morale et historique de l'homme.80(*)

    Voilà l'héritage de la tradition humaniste qui a été malheureusement enterré vif par les préjugés positivistes de l'Aufklärung. Cependant, la sagesse de vie qui est derrière cet héritage nous ouvre la voie à la compréhension de ce qu'on appelle « Tradition ». Cette réalité historique, longtemps méconnue par les lumières, reste portant présente dans notre vie de chaque jour. Elle travaille en nous et avec nous d'une manière silencieuse et sécrète. Ce travail est plus qu'  « être que conscience ».

    III.2. « Plus être que conscience »

    Cette courte phrase résume l'herméneutique de Gadamer. Voilà le message de tout « Vérité et Méthode ». C'est une vérité historique. Au coeur de la conscience réflexive de l'homme se trouve des zones d'ombres que la conscience elle-même n'est pas en mesure de saisir comme d'intention. La structure préalable de la compréhension a levé le voile à ce sujet. La pré- compréhension est condition de possibilité de toute compréhension.

    « Plus  être que conscience » se manifeste avec éclat dans le « jeu ». Celui-ci subsume la conscience des joueurs. Ces derniers savent ce qu'ils sont entrain de jouer, mais restent sous l'emprise du jeu lui-même qui les guide à travers ses règles. Dans ce sens, un bon joueur c'est celui qui représente le mieux le jeu lui-même en respectant strictement ses règles.

    Et c'est la même chose avec la tradition qui constitue le fondement de notre être historique. La tradition participe activement à la réalisation de l'homme. C'est ce que Gadamer baptise « le principe de l'histoire de l'action (ou influence)81(*). L'influence de l'histoire de l'action ne dépend pas de notre reconnaissance. Car elle porte toute réflexion consciente, elle ne peut pas être séparée d'elle pour être considérée comme un objet. Gadamer écrit :

    Il n'est donc pas nécessaire de faire de l'histoire de l'influence une nouvelle discipline auxiliaire des sciences de l'esprit, qui aurait son indépendance, mais d'apprendre à se comprendre soi-même avec plus de justesse et de reconnaître que l'action de l'influence est l'oeuvre en toute compréhension, que l'on en soit ou non expressément conscient.82(*)

    C'est pourquoi, la tâche de l'herméneutique, dit Grondin, c'est de rendre le Dasein à chaque fois individuel, accessible à lui-même, de le rappeler à lui-même et de traquer l'aliénation de soi dont il est victime.83(*) Sans aucun doute, l'histoire de l'influence agit par-delà et en deçà de la conscience que peut avoir un savant. D'où, l'humilité s'impose. Même en matières des sciences Thomas Kuhn parle des croyances scientifiques, qui relèvent plus de l'arbitraire. Car, les découvertes scientifiques sont oeuvres d'un élément arbitraire. Cet élément est souvent fruit de hasards personnels et historiques.84(*) Gadamer parle quant à lui du rôle de l'imagination dans toute découverte scientifique :

    Qu'est-ce qui rend le chercheur fécond ? Est-ce le fait qu'il ait appris des méthodes ? Non ; celui qui n'invente rien ne les a pas moins apprises. C'est l'imagination qui est le don le plus important du chercheur. Imagination ne signifie naturellement pas ici une aptitude vague à se représenter n'importe quoi. Au contraire, l'imagination a une fonction herméneutique, elle est au service du sens de ce qui est digne d'être interrogé, du pouvoir d'ouvrir les vraies questions comme ne parvient à le faire en général que celui qui domine toutes les méthodes de sa discipline.85(*)

    Par ailleurs, l'exemple de l'hérédité biologique montre aussi clairement que nous portons en nous beaucoup d'éléments du passé que nous ne pouvons justifier avec notre intelligence. Nous sommes fruits d'une longue tradition humaine. Cette tradition travaille en nous. Nous sommes travaillés par les gènes qui proviennent des plusieurs générations du passé. Nous sommes marqués par nos gènes86(*). L'arbre généalogique peut nous aider à éclairer ce problème. Donc, nous sommes portés par l'influence de la tradition qui échappera toujours à notre conscience réflexive. Surtout quand celle-ci veut considérer la tradition comme un objet. C'est la marque de la finitude de notre être historique. François Jacob parle de la mémoire de l'hérédité87(*). Les gènes conservent la tradition au sein de l'espèce. Aussi, faut-il ajouter que cette conservation se fait d'une manière intelligente. Au sujet du comportement des gènes Maddox affirme :

    Les gènes eux-mêmes ne sont pas si simples qu'il y paraît. C'est ce qu'illustre à merveille la découverte, en 1978, d'une caractéristique tout à fait inattendue de l'organisation des gènes dans les eucaryotes. Dans le chromosome circulaire unique propre aux bactéries, les gènes sont arrangés, si l'on recourt au vocabulaire anthropologique, avec beaucoup de bon sens et d'économie.88(*)

    L'homme sage c'est celui qui sait reconnaître sa situation d'être marqué par la finitude89(*). Le Dasein est pris dans la situation dans laquelle il vit. C'est un mystère qu'on ne peut pas objectiver. Gadamer nous invite à une herméneutique de la vigilance90(*). C'est exactement ce que Marcel Madila renchérit en ces propos :

    L'exigence de rendre conscience que nous sommes des « êtres-affectés-par-le-passé » ne peut être comprise que si l'on parvient à montrer qu'il existe un lien très étroit entre la « compréhension » et « la tradition ». Il faut en conclure que les critères de la traditionnalité constituent finalement les faits caractéristiques du Dasein humain lui-même. Ces critères sont : la situation herméneutique, l'horizon et la fusion d'horizons.91(*)

    On ne peut dès lors, résoudre par notre savoir, la situation dans laquelle on baigne. D'où, il faut la présence d'un autre. L'ouverture à l'autre par le dialogue, permet de mieux comprendre sa situation. L'autre a beaucoup à me dire. Nous sommes par excellence, des êtres de dialogue. Gadamer parle du « dialogue que nous sommes ».

    III.3. Le dialogue herméneutique

    Il est vrai que Gadamer est un platonicien. Il a consacré plusieurs études sur les dialogues de Platon : « Phèdre », « Philèbe », « le sophiste », « Parménide », « Phédon », « la République », « Timée » ... Son effort consiste à saisir le phénomène du dialogue dans son essence -même. Pour ce faire, il fonde sa réflexion sur la dialectique platonicienne. La dialectique telle que comprise par Platon est éthique. En d'autres termes, elle est la théorie de la possibilité du dialogue. 92(*) Pourquoi le dialogue ? Parce que l'entente objective au sein du dialogue a pour but le savoir.93(*) La philosophie n'est-elle pas un savoir dialectique ? En outre, qu'est-ce qui se passe dans le dialogue ?

    Le dialogue se présent fondamentalement comme l'être de l'oeuvre d'art. Il a son être propre et donc sa finalité. Le dialogue se réalise indépendamment de la volonté des interlocuteurs. Le dialogue comme éthique a pour but l'entente. En effet, malgré les différents points de vue que les hommes adoptent lors d'un dialogue, ceux-ci peuvent s'entendre. Ils peuvent fusionner leurs horizons respectifs94(*). Ceci implique que s'il l'on comprend l'autre il faut entrer dans son horizon. Dialoguer dès lors, c'est chercher la fusion des horizons. L'horizon n'est pas quelque choser de figer, de statique, il change à cause de la mobilité historique du Dasein. Gadamer l'exprime mieux en ces termes :

    L'horizon est au contraire quelque chose en quoi nous pénétrons progressivement et qui se déplace avec nous. Pour qui se meut, l'horizon change. De même l'horizon de passé, dont vit toute existence humaine, et qui est présent sous de tradition qui se transmet, est-il aussi toujours en mouvement.95(*)

    Ce mouvement continuel qui meut l'horizon veut dire qu'il n'y a pas de dogmatisme. L'expérience permet l'ouverture à d'autres horizons. Ici, il sied de signaler que Gadamer a une approche différente sur le concept d'  « expérience ». Son approche est différente de l'approche scientifique. Ce qui intéresse Gadamer c'est l'historicité de toute expérience.96(*) L'expérience conduit à l'Universel. Elle ouvre la voie à d'autres vérités. L'expérience sert justement à nier ou à confirmer mon horizon. Il y a donc une dialectique dans toute expérience historique humaine.97(*) Certes, un homme expérimenté n'est pas dogmatique.

    Il existe aussi des horizons historiques, car tout passé a son être propre. La tradition est un horizon historique. Le passé nous adresse toujours la parole. C'est comme les gènes dans la transmission des caractères. Ils sont un message, une parole qui provient de la tradition. Pour entre en dialogue avec la tradition il faut avant tout reconnaître son altérité. C'est ce que la conscience historique nie.

    Le dialogue est un risque pour les interlocuteurs. On ne sait pas en avance qui l'emportera. Au fait, c'est peut être l'autre qui a raison. Dans le cas du dialogue avec la tradition, c'est soit elle ou soit la conscience réflexive qui l'emportera. Toutefois, le dialogue est infini. La fusion des horizons ne signifie pas l'exclusion d'une autre possibilité de dialogue. La tension sera toujours présente dans le dialogue.98(*) Le travail de l'herméneutique est justement de dissiper cette tension.

    Par ailleurs, dans le dialogue c'est la question ou l'interrogation qui est importante. Celui qui sait poser une question peut en effet orienter le dialogue. Gadamer affirme :

    Que la question ait un sens, cela est impliqué dans son essence. Or le sens est orienté. Le sens de la question est donc la direction dans laquelle seule peut s'effectue la réponse, si elle veut être une réponse sensée et pertinente. La question situe son objet dans une perspective déterminée. L'apparition d'une question ouvre, comme par effraction, l'être que l'on interroge. En ce sens, le logos qui déploie cet être ainsi ouvert est toujours réponse. Lui-même n'a de sens que dans le sens de la question.99(*)

    Par ces phrases Gadamer veut affirmer l'antériorité de la question à toute connaissance. Les dialogues de Platon confirment cette thèse. Si Socratique savait confondre ses interlocuteurs c'est fondamentalement parce qu'il savait poser des questions. L'art de questionner c'est justement l'art de mener loin la pensée. C'est l'art de penser. Questionner c'est laisser à l'Etre la possibilité de devenir Logos. Gadamer nous raconte une scène de discussion entre Socrate et les sophistes :

    Platonicien de vieille date, j'aime tout spécialement les scènes inoubliables où Socrate discute avec les sophistes omniscients et les réduit à quia par ses questions, jusqu'à ce que n'y tenant plus ils revendiquent enfin à leur tour le rôle de questionneurs qui semble si avantageux. Et que se passe-t-il alors ? Ils ne savent pas questionner. Ils ne leur vient absolument pas une seule question à l'esprit qui mérite d'être posée et telle qu'il y ait lieu de chercher à y répondre avec persévérance.100(*)

    Si le Dasein est le demeure de l'Etre chez Heidegger c'est forcément parce qu'il questionne. D'où, la question conduit à la présence de l'Etre101(*). C'est dans ce sens que Gadamer dit que la dialectique est l'art d'avoir un vrai dialogue.102(*) Aussi, dans le vrai dialogue la logique question-réponse est capitale car, c'est elle qui dirige le dialogue. Cette logique peut être appliquée dans n'importe que jeu ou art qui nécessite le dialogue. En effet, interpréter c'est aussi dialoguer avec le texte. De même que la lecture. Le texte nous pose une question et attend notre réponse103(*). Cette dialectique accompagne la lecture du début à la fin du texte. Dans ce sens, comprendre un texte c'est lui poser une question. De même que comprendre l'opinion de l'autre c'est la comprendre comme réponse à une question.104(*)

    Par ailleurs, le dialogue soulève le problème de l'application. Nous avons dit que le dialogue a pour fin l'entente. Celle-ci conduit nécessairement à l'agir. L'application est inhérente à tout acte de compréhension. A travers l'exemple de l'herméneutique juridique et théologique, Gadamer entend montrer que le problème de l'application renvoie à l'Ethique. C'est la recherche de ce qui est Bien.² En comprenant ou en interprétant un texte nous entrons en dialogue avec lui en vue d'un engagement dans la vie concrète. L'exemple de la parole de Dieu dans l'herméneutique théologique est apologétique. L'évangile nous parle, il nous pose des questions sur notre vie de chrétiens auxquelles nous sommes tenus de répondre.

    Au -delà de cette réflexion sur le dialogue, Gadamer nous fait remarquer une chose. C'est que dans le dialogue se place un élément fondamental qui est condition des possibilités de tout dialogue vrai. C'est le langage. Celui-ci se place comme intermédiaire dans tout exercice de comprendre.

    III.4. Le Langage : entre Tradition et Rationalité.

    Beaucoup ont fait du langage un instrument ou un outil dont on peut se servir. On a réduit le langage à un simple instrument de travail qui ne sert qu'à décrire. Le positivisme logique viendra radicaliser cette thèse105(*). Malheureusement cette conception du langage est pernicieuse car elle conduit à une attitude instrumentale de la pensée vis-à-vis du langage.

    C'est pourquoi Gadamer veut saisir le phénomène du langage dans la vérité de son être même. Il prend la phénoménologie comme voie pour arriver à cette fin. Le retour aux grecs notamment à Socrate, Platon et Aristote n'a pour but que de rappeler l'oubli de l'Etre du langage par la philosophie occidentale106(*). Gadamer fait une étude approfondie des plusieurs dialogues de Platon, entre autres : Cratyle, Philibè, Sophiste, Parménide...pour saisir le rôle du langage dans l'existence humaine.

    Le langage a une dimension ontologique. Il est le lieu par excellence où l'Etre se manifeste mieux, le lieu où l'Etre se rend présent. C'est la conception grecque du Logos. Le langage est le médiateur par excellence de notre expérience au monde107(*). Le dasein comme être-jété-dans-le- monde grandit au sein du langage. Le langage nous a précédé. Il nous constitue et c'est à partir de lui que toute compréhension est possible. C'est grâce au langage que l'entente de la société est possible. C'est exactement ce que Gadamer dit en ces mots :

    Comprendre ce que quelqu'un dit, c'est, comme nous l'avons vu, s'entendre sur ce qui est en cause et non se transporter en autrui et revivre ce qu'il a vécu. Nous avons souligné que l'expérience de sens qui s'effectue de la sorte, dans la compréhension, inclut toujours une application. Nous observons à présent que ce processus tout entier est un processus langagier (sprachlich). Ce n'est pas sans raison que la problématique proprement dite de la compréhension, ainsi que la tentative de maîtriser par une technique- c'est l'objet de l'herméneutique -relèvent traditionnellement de la grammaire et de la rhétorique. Le langage est le milieu dans lequel se réalise l'entente entre les partenaires et l'accord sur la chose même.108(*)

    Aussi, le langage se comporte comme un jeu. Gadamer parle du « jeu  du langage ». Ce jeu se réalise dans l'exercice de la traduction ou de l'interprétation. En effet, il existe un dialogue continuel entre le langage du texte et celui du traducteur. Dans le cas de l'interprétation Gadamer dit que le rôle de l'interprète est déterminant car c'est lui qui participe à l'éveil du sens du texte. Sans son apport, le texte reste lettre morte. A ce sujet, Gadamer affirme :

    Or, cela signifie que les idées propres à l'interprète participent toujours, elles aussi et dès le début, au réveil du sens du texte. Ainsi, l'horizon personnel de l'interprète est déterminant, il ne l'est pas cependant, lui non plus, à la manière d'un point de vue personnel que l'on maintient ou impose, mais plutôt comme une opinion ou une possibilité que l'on fait jouer et que l'on met en jeu, et qui contribue pour sa part à une appropriation véritable de ce qui est dit dans le texte.109(*)

    Ces phrases de Gadamer révèlent le caractère langagier de la compréhension qui est la concrétisation de l'histoire de l'influence. L'historicité de la compréhension doit être prise au sérieux. Ce qui ressort du dialogue entre le texte et l'interprète n'appartient pas seulement au texte, ni à l'interprète, mais c'est quelque chose de commun entre les deux. Fruchon dit que la saisie du sens est un phénomène de pure intériorité. C'est dans et par le langage que le sens advient et qu'il s'impose comme vérité110(*). C'est pourquoi, comprendre c'est toujours articuler cette compréhension en une interprétation qui est mise en langage de sens.111(*) Avec cette thèse Gadamer montre l'intimité profonde qui existe entre penser et parler112(*). Ceci nous renvoie aux problèmes des Universaux. Quel rapport entre le monde et la langue ? Il y a une identité ontologique. C'est ainsi que Gadamer dit que l'être qui peut être compris est langue.113(*) Gadamer explique cette thèse en disant :

    Quand j'écrivais : « l'être accessible à la compréhension est langage », il fallait voir dans cette formule que ce qui est ne peut jamais être compris dans sa totalité. Il faut l'y voir, dans la mesure où tout ce qu'un langage entraîne avec soi renvoie toujours au-delà de l'énoncé lui-même.114(*)

    Cette thèse affirme l'universalité de l'herméneutique. En effet, le problème de la compréhension est universel. L'herméneutique ne cherche qu'à décrire l'expérience humaine du monde au moyen de l'élément langagier qui constitue l'essence de la tradition. C'est à travers le langage que la tradition nous est transmise. Que ça soit les coutumes, la langue, les proverbes, les contes, les mythes, les légende...Par ailleurs, Gadamer dit que le fait que l'essence de la tradition soit caractérisée par sa dimension langagière atteint sa pleine signification herméneutique lorsque cette tradition devient tradition écrite115(*). C'est dans l'écrit que repose la conscience spirituelle de la tradition.116(*) L'écriture est pure présence de l'esprit. C'est exactement c'est que Gadamer confirme en ces termes :

    Rien n'est pure trace de l'esprit au même titre que l'écriture, mais rien non plus n'est aussi dépendant de l'esprit qui comprend. Dans son déchiffrement et son interprétation se produit un miracle : la transformation de quelque chose d'étranger et de mort en quelque chose d'absolument Co-présent et de familier. Aucune autre tradition, qui du passé vient à nous, ne peut l'égaler. Les vestiges de la vie passée, les édifices en ruines, les outils, le contenu de tombes peuvent être ravagés par les tempêtes du temps qui les assaillent -mais la tradition écrite, dès qu'elle est déchiffrée et lue, est à tel point esprit pur qu'elle nous parle comme si elle était présente. C'est pourquoi la faculté de lire, la familiarité avec l'écrit, est comme un art secret, voire un charme qui nous libère et nous lie. En lui l'espace et le temps semblent abolis. Quiconque sait lire ce qui est transmis par écrit atteste et accomplit la pure présence du passé.117(*)

    Aussi, il faut signaler que le langage est toujours langage de la raison.118(*) Il y a donc une intimité profonde entre la raison (la pensée) et le langage. Car la raison n'est raison que sous forme langagière pour être comprise. Aussi, nous avons dit qu'il existe aussi une intimité entre tradition et langage. La tradition est langage, elle nous adresse la parole qui doit être interprétée et comprise. Dans ce sens, il serait judicieux de penser une intimité entre tradition et rationalité. En effet, le propre du dialogue c'est d'introduire les interlocuteurs dans l'intimité de leur être- même. L'essence de la tradition ne contredit pas celle de la raison119(*). Au contraire, ces deux réalités se meuvent dans une dialectique de question-réponse, rupture- continuité. D'où, il faut combattre l'idée selon laquelle que la tradition est l'ennemie principale de la raison. Au contraire, elle est un partenaire dialogal. Entre les deux, le contraste n'est pas absolu. C'est ce que Gadamer nous dit dans ces phrases :

    Il me semble cependant que le contraste n'est pas aussi absolu entre tradition et raison. Autant la restauration consciente de traditions ou la création consciente de nouvelles traditions sont problématiques, autant est également chargée de préjugés et jusqu'au fond d'elle-même fidèle à l'Aufklärung, la foi romantique dans les « traditions organiques » qui imposerait le silence à la raison. En réalité, la tradition ne cesse pas de porter en elle un élément qui relève de la liberté et de l'histoire même.120(*)

    III.4. Conclusion partielle

    La tradition comme partenaire dialogal doit être pris au sérieux. Beaucoup ont ignoré l'essence de la tradition. Beaucoup ont cru que la tradition est synonyme du traditionalisme. Pure illusion ! Loin de là. La tradition est ce par quoi notre présence au monde est rendue possible. Le Dasein comme être-jeté-dans-le monde est un être historique. Il se forme à travers le temps et l'espace. La tradition humaniste avait bien compris la dimension historique de l'homme. C'est pourquoi l'accent était mis sur la formation de l'homme à travers les dispositions intérieures de sens commun, du jugement et du goût. L'homme formé, cultivé n'est pas dogmatique, il est ouvert aux autres, apte au dialogue. Il sait reconnaître sa finitude.

    A travers le dialogue, le langage nous est apparu comme le médium de notre expérience du monde. C'est à partir du langage que toute compréhension est possible de même que la relation intersubjective dans la société. Le langage est donc le médiateur entre la tradition et la rationalité.

    IV. Conclusion Générale

    Notre travail a porté sur « Vérité et Méthode », livre phare de GADAMER dans lequel s'articulent les grandes lignes d'une herméneutique philosophique. Notre méthode a été analytique. La réflexion a tourné autour des trois domaines fondamentaux que développe « Vérité et Méthode » à savoir : l'oeuvre d'art, l'histoire et le langage. C'est à travers ces trois domaines que Gadamer traite de la problématique qui traverse son livre. La tradition est-elle une opposition de la rationalité ?

    Tradition et rationalité, deux concepts, deux thèmes, deux réalités souvent perçues comme contraires et contradictoires. En effet, plusieurs courants philosophiques se sont affrontés autour de ces deux réalités. Les partisans de l'Aufklärung ont réclamé la raison pour se débarrasser des préjugés considérés comme des idola. Pour eux, seule la raison peut conduire à la libération totale et effective de l'homme longtemps assujetti par la dictature de l'Autorité et de la Tradition. D'où la phrase : « ose te servir de ta raison ». Derrière l'idée de la raison se trouve cachée un élément puissant qui constitue le fondement de la science moderne : la Méthode. « En dehors de la méthode, pas de science ». Affirment les lumières.

    Les romantiques, allant en contre-courant contre les lumières, réhabilitent la tradition. Tout ce qui est ancien mérite du respect car c'est là que résident le vrai, le véritable et le durable. C'est le passé qui compte pour les romantiques. Aussi, le sentiment joue un rôle incontournable.

    L'opposition radicale introduite par les deux courants philosophique continue jusqu'aujourd'hui. Les travaux de Gadamer se situent justement au coeur de cette problématique. « Vérité et Méthode » est une tentative de conciliation de la tradition et de la rationalité au moyen du langage. Aussi, proposer une nouvelle méthode pour les sciences humaines. Une méthode non monolithique et restrictive comme celle des sciences de la nature, mais une méthode plutôt ouverte à l'expérience humaine. C'est le travail de l'herméneutique comme science par excellence de l'expérience que l'homme fait du monde.

    La démonstration de Gadamer s'articule autour de l'oeuvre d'art, de l'histoire et du langage. Ces trois domaines nous conduit à une rationalité pluraliste.

    Avec l'expérience de l'oeuvre d'art, nous découvrons une autre vérité non conceptuelle et non méthodologique. C'est une vérité de participation transformatrice. Le concept classique du jeu nous montre que la conscience réflexive n'est pas toujours maîtresse d'elle-même comme dans les sciences de la nature. Ici, c'est l'être du jeu -même qui, en se livrant en spectacle, devient présence et ainsi, subsume la conscience des joueurs. Le propre de l'expérience artistique c'est l'ouverture épistémologique. En effet, on comprend toujours autrement et mieux davantage, à chaque fois que l'on fait l'expérience de l'oeuvre d'art.

    Le deuxième domaine est celui de l'histoire. Ici les travaux de Husserl, Compte York et Heidegger constituent le chemin sûr qui conduit à la saisie de l'essence des sciences humaines. Dépassant les apories de l'école historique et de Dilthey, la phénoménologie va conduire aux choses mêmes. L'historicité de l'être humain doit être pris au sérieux. En effet, l'homme est un être historique marqué par la finitude. La vérité herméneutique de l'histoire permet de réconcilier l'homme avec lui-même et en l'aidant à se reconnaître dans l'altérité.121(*) C'est ici que la compréhension joue son rôle dans les sciences de l'esprit. Avec Heidegger, nous savons que la compréhension est le mode d'être du Dasein. Aussi, la découverte de la structure préalable de la compréhension enlève les voiles d'obscurité qui accompagnait ce phénomène humain. La compréhension n'est possible que grâce aux préjugés. De ce fait, réhabiliter les préjugés c'est aussi reconnaître la valeur de l'Autorité et de la Tradition. Après coup, le caractère historique de l'homme fait qu'il est plus être que conscience.

    Par ailleurs, dans la compréhension advient le langage qui est la condition de possibilité  de tout dialogue. C'est le troisième domaine que Gadamer développe dans la dernière partie de « Vérité et Méthode ». Loin d'être un instrument au service du Dasein, le langage constitue un élément mystérieux et intime qui porte toute son expérience d'un être-jeté-dans-le-monde. Le langage est médiateur de l'expérience herméneutique c'est-à-dire de l'expérience de la vie et du rapport aux autres. Le langage constitue une expérience originaire et fondatrice, malheureusement masquée par les modes d'expansion scientifique de la culture moderne. Il n'est pas une puissance dont nous nous rendons maître, mais un milieu qui nous forme, c'est-à-dire nous élève à l'Universel, et nous met en relation. Gadamer dit que le langage est le milieu dans lequel se réalise l'entente entre les partenaires et l'accord sur la chose -même.122(*) Finalement le langage porte la tradition et la raison. C'est dans le langage que ces deux réalités cohabitent.

    Bref, le langage permet de former : un milieu commun, véhiculer la tradition, faire coexister le passé et le présent,123(*) permettre le dialogue et la fusion des horizons, engager les interlocuteurs dans un mouvement productif (rupture- continuité, question- réponse), les oblige à trouver une langue de référence, entrer dans les processus de compréhension et réaliser l'acte de compréhension en maîtrisant l'interprétation.

    Par ailleurs, d'aucuns pourront se poser la question de savoir si nous avons refusé de porter des critiques contre « Vérité et Méthode ». Certes, ils auront peut être raison car tout travail humain est marqué par son historicité, donc ses limites. Rappelons cependant tel n'a pas été notre préoccupation centrale. Il est vrai que beaucoup ont porté contre Gadamer des critiques acerbes et pertinentes qui méritent d'être mentionnées. Entre autres, on a reproché à Gadamer le caractère dogmatique et conservateur de sa pensée. Georgia Warnke par exemple dit que le conservatisme de Gadamer trouve son écho dans certaines réflexions qu'il fait sur la synthèse des horizons.124(*) Habermas quand à lui, reproche à Gadamer d'avoir réhabiliter les préjugés, l'autorité et la tradition. Selon lui, l'autorité est aveugle et dogmatique et la tradition source de violence et de non-vérité.125(*) D'autres encore critiquent Gadamer d'étouffer la liberté humaine par le poids de la tradition.

    Durant toute sa vie, Gadamer a passé son temps à répondre à ces différents reproches. On se souviendra des débats qu'il menait avec Habermas et Derrida sur la déconstruction et la critique de l'idéologie. Il nous semble toutefois que Gadamer n'est pas contre la raison. Son souci est d'éveiller la conscience à l'antériorité de l'imparable action de l'histoire sur toute conscience critique.126(*)

    Au fait, la tradition et la rationalité constituent les deux ailes qui nous permettent de nous élever dans les cieux pour contempler la splendeur et la beauté de la vérité.

    Bibliographie

    A. Ouvrages de Hans- Georg GADAMER

    GADAMER H. G., Le problème de la conscience historique, Louvain, P.U.L., 1963, 87p.

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    C. Ouvrages des autres auteurs

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    DUTT, Carsten, Herméneutique, Esthétique, philosophie pratique, Québec, Fides, 1988, 126p.

    JACOB, François, La logique du vivant : une histoire de l'hérédité, Paris, Gallimard, 1970, 345p.

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    D. Articles des autres auteurs

    GRONDIN, J., « La fusion des horizons », in Archives de philosophie, n°68, 2005, pp.401-417

    FRUCHON P., « Herméneutique, langage et ontologie », in Archives de philosophie, n°36, 1973, pp.522-568

    OKOLO, O., B., « Les sources romantiques de la négritude », philosophie et conflit des cultures en Terre Africaine, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur émérite des F.C.K., Kinshasa, Cerdaf, 2002, pp.153-160

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    _________________, « Fondation ontologique de la rationalité dialogique : pour une rationalité pluraliste », in philosophie et conflit des cultures en Terre Africaine, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur émérite des F.C.K, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur émérite des F.C.K., Kinshasa, Cerdaf, 2002, pp.261-282.

    _________________, « Le développement comme oeuvre de la tradition », in philosophie et conflit des cultures en Terre Africaine, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur émérite des F.C.K , Kinshasa, Cerdaf, 2002, pp.161-170.

    Table de Matières

    Remerciements 2

    0. Introduction générale 3

    CHAPITRE PREMIER : 6

    LES SCIENCES DE L'ESPRIT ET LE PROBLEME DE LA METHODE 6

    I.0. Introduction 6

    I.1. Le concept de Méthode chez les modernes 7

    1.2. John Stuart Mill et la méthode inductive 9

    1.3. Hermann Helmholtz : l'induction logique et l'induction artistique- instinctive. 10

    I.4. L'école historique 11

    1.5. Wilhelm Dilthey 13

    1.6. Gadamer et le concept de la Méthode 15

    1.7. Conclusion partielle 17

    CHAPITRE DEUXIEME : 18

    Le dépassement de la question épistémologique sous la conduite de la Phénoménologie 18

    II. O. Introduction 18

    II.1. L'ontologie de l'oeuvre d'art comme ouverture à l'expérience herméneutique. 19

    II.1.1. Gadamer et la question de la vérité de l'oeuvre d'art 19

    II.1.2. OEuvre d'art comme demeure de l'Etre 20

    a. La transmutation en oeuvre. 21

    b. La médiation totale 22

    c. La temporalité esthétique 22

    d. L'exemple du tragique 23

    e. Y-a-t-il une représentation de la vérité dans les arts non -transitoires ? 23

    II.1.3. L'oeuvre d'art, quelle signification herméneutique ? 24

    II.2. Le concept de  « vie » tel que compris par Husserl et compte York. 25

    II.2.1. Edmund Husserl 25

    II.2.2. Le comte York 26

    II.3. Martin Heidegger et l'herméneutique de la facticité. 27

    II.4. La structure préalable de la compréhension 28

    II.5. Conclusion partielle 30

    CHAPITRE TROISIEME : 32

    TRADITION COMME PARTENAIRE DIALOGAL 32

    III. 0. Introduction 32

    II.1. Retour à la source : le modèle de la tradition humaniste 33

    III.1.1. Herder et la concept de Bildung (formation) 33

    III.1.2. Le sensus communis 34

    III.1.3. Le jugement 35

    III.1.4. Le goût 35

    III.2. « Plus être que conscience » 36

    III.3. Le dialogue herméneutique 39

    III.4. Le Langage : entre Tradition et Rationalité. 42

    IV. CONCLUSION GENERALE 47

    Bibliographie 52

    Table de Matières 54

    * 1 Jean Onaostho Kawende, « Herméneutique, Critique et Déconstruction. Repères d'une herméneutique de la vigilance », in Revue Philosophique de Kinshasa, Vol. XV. n° 27-28, Kinshasa, F.C.K., 2003, pp.142-143.

    * 2 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, les grandes lignes d'une herméneutique philosophique, Paris, Seuil, 1996, p.301.

    * 3 Ibid., pp. 302-304.

    * 4 André Lalande dit que chez les anciens, notamment chez Aristote, , veut souvent dire simplement «  recherche » et ce qui a été plus tard appelé méthode est quelquefois appelé ?????. (Cfr. Aristote, Physique, III, 1 ; 200b 13.) Cfr., Vocabulaire Technique et critique de la Philosophie, Paris, P.U.F, 1926, p.623.

    * 5 Ibidem, p.623.

    * 6 René Descartes, Discours de la Méthode. Pour conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Paris, Ponussielgue frères, 1879.

    * 7 Ibidem, p. 9.

    * 8 La notion de la rationalité est centrale dans toutes les sciences de la nature. Cette notion est saisie de deux manières : d'abord à travers l'idée toute formelle d'une cohérence des choix ou des préférences envisagées comme dispositions à agir, ce qui se traduit mathématiquement par des transitivités ( a ? b ; b ? c ; a ?c) ou d'absence de cycle. En second lieu, le choix rationnel est saisi à travers la construction graduelle de modèles reposant sur des hypothèses jugées convaincantes à propos de la décision humaine, généralement dans un contexte de risque ou d'incertitude.

    * 9 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode. Les grandes lignes d'une herméneutique philosophique. Paris, Seuil, 1996, p.19.

    * 10 Ibid., p.20.

    * 11 Ibidem, pp.20-21.

    * 12 Hermann Helmholtz est un savant allemand hors paire. Il n'est pas à présenter dans les sciences de la nature. Dans sa célèbre conférence inaugurale du colloque scientifique d'Innsbruck « sur le but et les progrès en science de la Nature », en 1869, F. von Humboldt dit à son sujet : « il avait réussi à dominer toutes les sciences de la nature à son époque et à pénétrer jusqu'en chacune de leurs spécialités. Helmholtz a travaillé sur la thermodynamique, l'hydrodynamique, l'électrodynamique et la théorie de l'électricité, la physique météorologique, la physiologie, la théorie de l'acoustique et l'optique physiologique. En plus, il se préoccupait aussi des problèmes esthétiques ou philosophiques. Cfr. Jean-Louis Breteau, «Hermann Helmholtz », in  encyclopédia universalis, Paris, p.279.

    * 13 Ibid., p.21.

    * 14 Ibid., p.22.

    * 15 L'expression d'  « école historique » désigne un mouvement d'abord composé des juristes Putcha, Hugo et surtout Savigny dont la conviction majeure était que le droit, les moeurs, les langues ou les constitutions politiques devaient être tenus pour des produits ou des émanations de l'esprit particulier de chaque peuple(Volksgeist). Par ailleurs, un mode d'analyse purement empirique était à l'oeuvre dans cette école, une tendance à s'absorber amoureusement dans les particularités des faits historiques, un esprit Universel d'analyse historique qui veut déterminer la valeur du fait isolé uniquement à partir de l'ensemble du développement, et, dans la théorie de la société, un esprit historique qui, pour la vie présente, cherche explication et règle dans l'étude du passé, et pour lequel en fin de compte la vie spirituelle est en tout point historique. Cfr. Dilthey, L'édification du monde historique dans les sciences de l'esprit, Paris, Cerf, 1988, p.50.

    * 16 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p.217.

    * 17 Hans Georg Gadamer, « Le problème herméneutique », in Archives de philosophie, n°3, janvier -mars 1970, p.6.

    * 18 Pour Ranke, l'effacement de soi est encore une forme de participation réelle. On ne doit pas comprendre le concept de participation de manière psychologique ou subjective, il faut plutôt le penser à partir du concept de vie qui se trouve à la base. Parce que tous les phénomènes historiques sont des manifestations de la vie universelle. C'est participer à a vie que d'y avoir part. Cfr. Vérité et Méthode, p. 232.

    * 19 Ibid., p.229.

    * 20 Ibid., p.22.

    * 21 Philosophe allemand, après avoir commencé ses études de théologie à Heidelberg, il les continue à Berlin où il s'intéresse de manière croissante à la philosophie en suivant les cours de Ranke. En 1867, il est nommé professeur à l'Université de Bâle. Il éprouvera un intérêt particulier aux travaux de Schleiermacher. Son ouvrage intitulé « introduction aux sciences de l'esprit » est un chef d'oeuvre dans lequel il se consacre sur la nature et les méthodes des sciences humaines. Il sied aussi de souligner que Dilthey fut le maître de Martin Buber. Cfr. J-C Merle, «Wilhelm Dilthey », in Encyclopédie Universelle, oeuvres philosophiques, Paris, P.U.F, pp. 1717-1721.

    * 22 Pour Dilthey, la conscience historique est une connaissance de soi. Cette connaissance est intérieure. En effet, la vie est vouée à la réflexion. Ainsi, c'est la connaissance de soi( la conscience historique) qui donne naissance à la conscience scientifique qui est extérieure. La vie est antérieure à la l'objectivation scientifique. Mais, le lien entre ces deux connaissances est une donnée originaire. Cfr. Vérité et Méthode, pp.255-256.

    * 23 Pour Dilthey la psychologie est capable d'universalisation. Elle est le point de départ de la réflexion des chacune des sciences de l'esprit. Cfr. Critique de la Raison historique, Introduction aux sciences de l'esprit. Essai de fondation de l'étude de la société et de l'histoire, Paris, Cerf, 1992, p.17.

    * 24 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p. 218.

    * 25 Ibid, p.22.

    * 26 Ibid, p.23.

    * 27 Par le concept d'  « expérience vécue » (Erlebnis), fait allusion à des contextes qui ont été vécus par un individu ou qui pourraient être vécus à nouveau par d'autres. Il n'y a chez Dilthey de sujet général, mais des individus historiques Cfr. Vérité et Méthode, p.242.

    * 28 La notion de « structure chez Dilthey peut être comprise à la lumière de la doctrine de l'intentionnalité de la conscience de Husserl. C'est donc l'analyse husserlienne qui permet à Dilthey la distinction entre une « structure » et un « ensemble causal ». La structure nous permet de comprendre l'individu dans son historicité c'est-à-dire, la structure psychique de l'individu représente une unité intelligible. Cfr., Vérité et Méthode, p.245.

    * 29 Ce concept permet de passer d u contexte de vie d'un « sujet réel » vers des « sujets logiques ». En d'autres termes, il s'agit fondamentalement du passage d'une fondation psychologique à une fondation herméneutique des sciences de l'esprit. Ici, c'est la compréhension est capitale. En effet, pour Dilthey la compréhension est compréhension d'une expression. Cfr. Vérité et Méthode, p.244.

    * 30 Cette notion doit être rattachée à l'idée de l'intentionnalité chez Husserl. Avec l'enrichissement de cette notion de « donné » (Gegebenheit), la conscience se trouve toujours déjà insérée dans une structure (ensembles), ayant son être propre dans sa visée. Cfr. Vérité et Méthode, p.245.

    * 31 Ibid, p. 226.

    * 32 Cette catégorie permet d'étudier les individus dans ce qu'ils signifient en tant que moments dans le mouvement des puissances éthiques. Le concept de puissances éthiques est central dans la pensée de Droysen par ce que c'est à partir de ce concept qu'il fonde aussi bien le mode d'être de l'histoire que la possibilité de sa connaissance historique. Cfr. Vérité et Méthode, p.233.

    * 33 Hegel fait une critique contre cette thèse de Dilthey au sujet de la compréhension. En effet, l'auteur de la « phénoménologie de l'esprit », affirme qu'une vraie compréhension engage toujours une dialectique du passé et du présent. Aussi, vouloir restaurer fidèlement le passé comme le pense Schleiermacher est une illusion. L'essence de l'esprit historique ne consiste que dans la restitution du passé, mais dans la médiation réfléchie avec la vie présente. Cfr. Vérité et Méthode, p. 188.

    * 34 La conscience historique peut être comprise à travers l'idée de l'Esprit absolu chez Hegel. Elle (la conscience) ne considère tous les phénomènes du monde humain et historique que comme des objets qui permettent à l'esprit de se connaître lui-même plus profondément. Dans la mesure où elle les comprend comme objectivations de l'esprit, elle les retraduit « dans la vitalité spirituelle dont elles procèdent.

    * 35 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p.249.

    * 36 Carsten Dutt, Herméneutique -Esthétique- Philosophie pratique, Québec, Fides, 1995, p.23.

    * 37 Ibid., p.25.

    * 38 Hans- Georg Gadamer, Le problème de la conscience historique, Louvain, P.U.L., 1936, pp.13-14

    * 39 Hans-Georg Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p.11.

    * 40 Ibid., p.251.

    * 41 Ibid., p.101.

    * 42 Ibid., p.103.

    * 43 Ibid., p. 169.

    * 44 Ce mode de connaissance est certainement différent de la connaissance sensible qui est propre aux sciences de la nature. Il n'est pas conceptuel comme l'a bien démontré Kant. Et pourtant, c'est une forme de connaissance, une médiation de vérité qu'il faudrait bien reconnaître. D'où, la notion de l'expérience doit être comprise dans un sens plus large que celui que Kant a donné. Cfr. Vérité et Méthode., p.115.

    * 45 Ibid., p.13.

    * 46 Ibid., p.20.

    * 47 Gadamer donne l'exemple du jeu des enfants. En effet, l'enfant qui se cache le visage et demande qu'on puisse le reconnaître ne joue pas pour être reconnu. Cfr., Vérité et Méthode, p. 126.

    * 48 Ibid., 129.

    * 49 Ibid., p.138

    * 50 La notion de la temporalité esthétique renvoie sans aucun doute à l'analytique du Dasein chez Heidegger.

    * 51 L'écriture représente d'une manière extraordinaire la contemporanéité. Les écrits nous parlent toujours dans le présent.

    * 52 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p. 147.

    * 53 Ibid., p.183.

    * 54 La notion de l'occasionnalité de l'oeuvre d'art veut dire selon Gadamer que la signification continue à se déterminer en son contenu à partir de l'occasion dans laquelle elle est envisagée, de sorte qu'elle contient plus qu'elle contiendrait indépendamment de cette occasion. Cfr. Vérité et Méthode, p. 162.

    * 55 Jean Grondin, Introduction à Hans -Georg Gadamer, Paris, Cerf, 1999, pp.77-83.

    * 56 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p. 187.

    * 57 Hans Georg Gadamer, op.cit., p39.

    * 58 Ibidem, p.39.

    * 59 Il y a une différence à faire entre le concept de monde tel que compris et utilisé par les scientifiques dans leurs recherches et « le monde de la vie » dans lequel baigne et les scientifiques et leurs expériences.

    * 60 Ibid., p.272.

    * 61 Ibid., pp. 274-5.

    * 62 Ibidem, p.275.

    * 63 Idid, p.273.

    * 64 Pour Gadamer, l'herméneutique de la facticité est celle qui est pleinement consciente d'être insurmontablement précédée par ce qui lui donne la possibilité même d'avoir un pro-jet, un pro-jet qui du fait même ne pourrait être qu'un pro-jet fini. Cfr. Le problème de la conscience historique, pp.46-47.

    * 65 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p.280.

    * 66 L'analytique que propose Heidegger est existentiale parce qu'elle est pensée de l'Etre au double sens. D'une part, il y a la découverte de l'Etre par le Dasein. Et d'autre part, il y a révélation de l'Etre à l'homme. Ceci veut dire que la finalité de l'analyse préalable du Dasein c'est d'ouvrir au sens de l'Etre. Ainsi, avec Heidegger, la question fondamentale n'est plus la critique des conditions de la connaissance, mais la question de l'Etre.

    * 67 Pour Gadamer, le concept de cercle herméneutique veut dire que dans le domaine de la compréhension, on ne prétend nullement déduire un terme de l'autre, de telle sorte que le vice de démonstration logique que traduit sa circularité ne signifie pas ici un vice de forme, mais constitue bien la description adéquate de la structure de la compréhension. Cfr. Hans Georg Gadamer, « Le défi herméneutique », in Revue Internationale de Philosophie, n°151, 1984, p.335.

    * 68 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p. 288.

    * 69 Ibidem, p.288.

    * 70 Ibid., p.318.

    * 71 Ibid.,p. 290.

    * 72 Humaniste allemand, Herder est l'un des plus grands critiques de Kant. Théologien de formation, il se lia d'amitié profonde avec Hamann. Enseigne à l'école du Chapitre de Riga, ville où il achève ses études et où il commence à prêcher. Il a beaucoup contribué à la réalisation de l'histoire de la littérature classique et de la culture européenne du XVIIIe siècle. Son fameux ouvrage « Beförderung der Humanität » est une apologie de la tradition humaniste. On lui doit le concept allemand de Bildung. Cfr. Encyclopédie philosophique Universelle, les oeuvres philosophiques, Paris, P.U.F., 1992, p.1197.

    * 73 Jean Grondin, Introduction à Hans Georg Gadamer, Paris, Cerf, 1999, p.45.

    * 74 Professeur Okolo pense que pour les romantiques l'idée de culture renferme l'idée de formation pour ne pas parler de transformation. La culture prend l'homme dès son enfance et le conduit vers l'âge adulte et en même temps qu'elle ouvre l'homme vers des valeurs universelles, le particularise, l'individualise. Dans ce sens, la formation donne à la culture individuelle et communautaire sa forme. Cfr. Bénoït Okolo Okonda, « les sources romantiques de la négritude », in philosophie et conflit des cultures en Terre Africaine, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur émérite des F.C.K., Kinshasa, Cerdaf, 2002, p.160.

    * 75 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p.47.

    * 76 Ibid.,p.39.

    * 77 Pour un approfondissement du concept de sensus communis dans la tradition humaniste, il est judicieux de visiter la pensée de Vico, qui, nous semble-t-il, est parmi ceux qui ont mieux compris l'importance de la tradition humaniste et se sont présentés comme avocats de cet héritage historique. Cfr. Vérité et Méthode, pp 35-47.

    * 78 Gadamer affirme que le bon sens se réalise fondamentalement dans le jugement que l'homme prononce sur ce qui est bien (Recht), et sur ce qui ne l'est pas, sur ce qui est faisable et sur ce qui ne l'est pas. Cfr. Vérité et Méthode, p.48.

    * 79 Ibidem, p.48.

    * 80 Jean Grondin, Introduction à Hans Georg Gadamer, Paris, Cerf, 1999, p.48.

    * 81 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Cerf, 1996, p.322.

    * 82 Ibid., p.323.

    * 83 Jean Grondin, op cit. p.139.

    * 84 Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972, p.19.

    * 85 Hans Georg Gadamer, « Le problème herméneutique », in Archives de philosophie, n°33, janvier- mars 1970, p.13.

    * 86 Castern Dutt, op cit. p.38.

    * 87 François Jacob, La logique du vivant : une histoire de l'hérédité, Paris, Gallimard, 1970, p.256.

    * 88John MADDOX, Ce qu'il reste à découvrir, Paris, Bayard, 2000, p.233.

    * 89 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p.323. Aussi, Gadamer dit que la Conscience de l'histoire tourne le dos à la naïveté de l'assimilation et de la comparaison en permettant à la tradition de devenir expérience et en restant ouverte à la requête de vérité que celle-ci présente. Ce n'est pas dans la certitude méthodique que la conscience herméneutique trouve son achèvement, mais dans la communauté d'expérience qui distingue de celui qui est emprisonné dans des dogmes, l'homme d'expérience. Cfr. Vérité et Méthode, p. 385.

    * 90 Au sujet de l'herméneutique de la vigilance, Jean Onaotsho a consacré une abondante littérature. Nous renvoyons le lecteur à lire son article intitulé : « Herméneutique, Critique et Déconstruction. Repères d'une herméneutique de la vigilance », in Revue Philosophique de Kinshasa, Vol. XV. n° 27-28, Kinshasa, F.C.K., 2003, p.150.

    * 91 Marcel Madila Basanguka, « Tradition, langage et jeu chez H.G. Gadamer. Une ontologie de la culture », in Revue philosophique de Kinshasa, n°32, juillet- décembre 2003, p.91.

    * 92 Hans Georg Gadamer, L'Ethique Dialectique de Platon, Interprétation phénoménologique du Philèbe, Paris, Actes du Sud, 1994, 17.

    * 93 Ibid., p.49.

    * 94 Chez Gadamer le concept d'Horizon est essentiellement lié à celui de la situation. L'horizon est le champ de vision qui comprend et inclut tout ce que l'on peut voir d'un point précis. (Cfr. Vérité et Méthode, p. 324.) Selon Grondin, la thèse de Gadamer est que l'on comprend toujours, au moins en partie, à partir de son horizon lorsqu'on cherche à comprendre quelque chose, mais sans que l'on n'en ait toujours conscience. Cfr. Jean Grondin, « La fusion des horizons, la version gadamérienne de l'adæquatio rei et intellecus », in Archives de Philosophie, n°68, 2005, p.403.

    * 95 Ibid., p.326.

    * 96 Les travaux de Thomas Kuhn sont bénéfiques pour celui qui veut approfondir ce thème. Cfr. La structures des révolutions scientifiques.

    * 97 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p.376.

    * 98 Ibid., p.328.

    * 99 Ibid., p.386.

    * 100 Hans Georg Gadamer, L'art de Comprendre, Herméneutique et tradition philosophique, Paris, Aubier, 1982, pp.13-14.

    * 101 Gadamer pense que comprendre le caractère problématique d'une chose c'est aussi la questionner et attendre d'elle une réponse. Cfr. Vérité et Méthode, p. 398.

    * 102 Ibid.,p. 390.

    * 103 Ibid., p.401.

    * 104 Ibid., p.399.

    * 105 A ce sujet Gadamer dit qu'il est inévitable que le nivellement des formes de vie à l'âge industriel agisse sur le langage. De fait, l'appauvrissement du Vocabulaire fait l'immense progrès, rapprochant la langue d'un algorithme technique. La parole authentique qui a quelque chose à dire et qui pour cette raison n'utilise pas des signes convenus mais cherche les mots à l'aide desquels on peut atteindre autrui, est une tâche humaine générale mais c'est une tâche particulière pour le théologien dont la mission est de transmettre un message écrit. Cfr. Gadamer, L'art de Comprendre. Herméneutique et tradition philosophique. Paris, Aubier, 1982, 40.

    * 106 Au sujet de l'oubli de l'Etre du langage, Pierre Fruchon dit ceci : « il y a une pensée qui n'est pas une pensée grecque et qui rend mieux justice à la réalité du langage, en sorte que, dans la pensée occidentale, l'oubli du langage ne pouvait pas devenir total. C'est la pensée Chrétienne de l'Incarnation. Cfr, Pierre Fruchon, Herméneutique, langage et ontologie. In archives de philosophie n°36, 1973, p.550.

    * 107 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p. 405.

    * 108 Ibid., pp.405-6.

    * 109 Ibid., p.

    * 110 Pierre Fruchon, « Herméneutique, langage et ontologie », in Archives de Philosophie, n°36, 1973, p.530

    * 111 Jean Grondin, Op Cit, p.182.

    * 112 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p.411

    On peut être approfondir cette étude en revisitant Platon. En effet, dans la 7e lettre de Platon, celui présentent les quatre médiations de la chose. Il y a :- le nom ou le mot (onoma) ; -l'explication ou plus exactement la définition du concept (logos) ;- l'apparence, l'image sensible, l'exemple, la figure(eidolon) ; -enfin, la connaissance. A ceux-ci, il faut ajouter un cinquième élément c'est « l'étant véritable lui-même ». Cfr. L'art de Comprendre. Herméneutique et tradition philosophique. Paris, Aubier, 1982, p.40.

    * 113 Ibid., p.500. Il faut comprendre par cette phrase que ce qui est ne peut jamais être compris dans sa totalité. Tout ce qu'un langage entraîne avec soi renvoie toujours au- de là de l'énoncé lui-même. On ne peut comprendre ce qui se dit qu'en cherchant à entendre son non-dit, c'est-à-dire la question ou la constellation de questions d'où ressort ce qui a été proféré. Les mots n'épuisent pas la réalité. Cfr. Gadamer, « Le défi herméneutique », in Revue Internationale de Philosophie, n°151, 1984, P.U.F, pp. 338-339.

    * 114 Ibid., pp.338-339.

    * 115 Idid., p.412.

    * 116 Ibid., p.413.

    * 117 Ibid., p.183.

    * 118 Ibid., p.424.

    * 119 Onaostho dit que la tradition porte la science dans son évolution. Même l'évolution de la techno- science suit la dialectique « prolongement- rupture » de l'ancien, au déjà-là. La modernité, le développement se déploient sur le fond de la tradition. Cfr. « Le développement comme oeuvre de la tradition », in philosophie et conflit des cultures en Terre Africaine, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur émérite des F.C.K , Kinshasa, Cerdaf, 2002, p. 170.

    * 120 Ibid., p. 302.

    * 121 Ibid., p.29.

    * 122 Ibid., p. 406.

    * 123 Notamment par l'écriture et l'acte de lire les textes anciens.

    * 124 Georgia Warnke, Gadamer, Herméneutique, Tradition et Raison, Bruxelles, De Boeck, 1991, p. 131.

    * 125 Jürgen Habermas, La logique des sciences sociales et autres essais, Paris, P.U.F., 1987, p.121.

    * 126 Jean Onaotsho Kamwende, « Herméneutique, Critique et Déconstruction. Repères d'une herméneutique de la vigilance », in Revue philosophique de Kinshasa n° Vol. XV. n° 27-28, 2003, p.150.






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