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Processus d'externalisation en Grande-Bretagne et privatisation de la sécurité: Quels rapports, quels enjeux ?

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par Hugues de Bonnières
Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr -  2007
  

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c) Une tâche trop ardue ?

Mettre en place une réglementation efficace du secteur privé des affaires militaires apparaît comme une véritable gageure. Tous les arguments vus ci-dessus nous amènent à penser que mettre en place une réglementation internationale, applicable et appliquée, est proprement impossible. Il ne s' agit pas ici de se montrer pessimiste ou défaitiste, mais les grands responsables de l' ordre international sont aussi les premiers fournisseurs et acheteurs de services de sécurité privée. Les Etats-Unis d'Amérique et la Grande-Bretagne, tous deux ayant un siège au Conseil de Sécurité de l' ONU en tant que membre permanent, fournissent à eux seuls plus de 80 % de la demande et de l'offre de ce marché. La Chine et la Russie ne devraient pas tarder à suivre ce chemin, le temps pour elles de s'adapter à ces nouvelles règles du jeu. Seule la France fait bande à part, par son refus catégorique de se lancer dans cette course. Cependant, si la privatisation

prend un aspect de plus en plus humanitaire, par les missions des SMP, il est très probable que la France se mette à l'heure des américains et des britanniques.

Un autre point intéressant quand à la difficulté de mettre en place une réglementation est le suivant : << Un État peut être responsable des violations du droit international humanitaire commises par une entreprise miitaire et de sécurité privée qu' il a habilité à exercer une partie de l' autorité gouvernementale, ou qui agit de facto selon ses instructions ou sous son contrôle direct >> explique Mme Emanuela-Chiara Gillard. << De plus, même si l' entreprise privée n' agit pas en tant que représentante de l'État, celui-ci a le devoir d'assurer le respect du droit international humanitaire et d'user de la << diligence voulue >>, en faisant le nécessaire pour prévenir et réprimer les violations commises par des personnes ou des entités qui opèrent sur son territoire ou à partir de celui-ci. >> Mme Gillard est conseillère juridique au département du Droit du CICR, et en s'exprimant ainsi pointe du doigt le problème manifeste d'une réglementation : comment croire que les Etats vont se mettre d'accord pour se condamner eux-mêmes ? En effet, selon Mme Gillard, la responsabilité d'une SMP se trouve chez son commanditaire, chez le donneur d' ordre. Et c' est bien là l' intérêt de certains Etats : faire faire par le biais de SMP un travail que l'on peut qualifier de sale, à la place de ses propres forces armées. Dans le scandale d'Abou Ghraib, des SMP étaient impliquées, comme AEGIS, mais leurs membres n'ont pas été jugés contrairement aux membres des forces armées américaines. Peut-on penser que les Etats vont accepter de renoncer à cette opportunité pour eux de se détacher des aspects obscurs de la guerre si facilement ? Les SMP leurs permettent de réaliser certaines choses de manière plus discrète, et les liens entre une SMP et le gouvernement d'un Etat sont moins évidents que les liens entre cet Etat et ses forces armées. Ainsi donc, l'intérêt des Etats ne réside pas nécessairement dans une réglementation trop stricte des activités des SMP, et encore moins dans un transfert de la responsabiité pénale de la SMP vers son employeur.

Mettre en place une réglementation signifierait que certaines étapes doivent être respectées avant d'aboutir à un projet valable. Il faut tout d'abord que tous les Etats acceptent de se concerter sur le sujet, car tout prouve que le phénomène est mondial, et qu' aucun Etat ne peut être seul concerné par le sujet. Ensuite, il s' agit d' entamer une réflexion sur le point de vue juridique. << Si la responsabilité civile des entreprises militaires et de sécurité privées est généralement acceptée, leur responsabilité pénale est

bien plus limitée dans la plupart des pays. La responsabilité des sociétés commerciales qui les engagent, telles que les compagnies pétrolières ou minières, peut aussi être aussi difficile à établir, spécialement dans les procédures pénales >>. Et Mme Gillard d' ajouter : << Il est parfois difficile d' intenter une action en justice contre des entreprises militaires et de sécurité privées pour des raisons pratiques. Elles peuvent avoir obtenu l'immunité de poursuite judiciaire auprès des tribunaux des pays où elles mènent leurs activités ; et il est possible que ces tribunaux locaux ne fonctionnent même pas, du fait du conflit armé. Une complication supplémentaire est qu'il peut être difficile d' intenter un procès devant les tribunaux des Etats où les entreprises sont constituées, car les violations présumées peuvent avoir été commises dans d'autres pays ; la plupart des tribunaux n'ont qu'une compétence extraterritoriale limitée. De même, continue Mme Gillard, bien que sur le plan juridique les employés de ces entreprises soient personnellement responsables des violations du droit international humanitaire, dans la pratique il peut être difficile de trouver un tribunal pénal national ayant compétence extraterritoriale pour connaître du crime allégué et la volonté politique d'exercer cette compétence. >> Le << désert juridique >> dont parle M. Paul Seger est bien présent, et véritablement au coeur du débat. Tant que ce point n'aura pas été résolu, rien ne pourra être fait. Ensuite, la tâche sera délicate car il s' agira de faire accepter par tous les Etats une définition et un statut juridique clair pour les SMP et leurs membres. Responsabiité, crime et délit, sanctions pénales, tout doit être abordé, et faire l'objet d'un consensus international. Dernière étape, la mise en place d'un organisme de contrôle et d'application des peines éventuellement décidées. Et donc nouveaux problèmes : comment accorder une compétence internationale à un tribunal national ? Peut-on envisager de créer une cour de justice spéciale pour les membres des SMP ? Faut-il juger ceux que l'on qualifie de << nouveaux mercenaires >> dans leurs pays d' origine, ou dans le pays où ils ont commis des crimes et délits ? Ici encore le débat n' est pas prêt de se terminer, et les questions qu' il soulève sont nombreuses.

En résumé, les difficultés de l'externalisation comme de la privatisation sont parfaitement mises à jour par le problème de la rentabiité, par les changements que cela implique dans le domaine de l' intangible, et par les différences que cela entraîne dans les opérations en temps de paix et en temps de guerre. Cependant, la volonté de

changement de la part d'un certain nombre d'Etats comme la Grande-Bretagne ou la Suisse montrent bien que les problèmes sont traités avec sérieux, mais la contrepartie de ceci se trouve dans les nouvelles difficultés qui surgissent : le Green Paper de 2002 s' avère être trop délicat pour être suivi d' effets. Enfin, toutes ces questions nous laissent penser que réglementer ce secteur des activités militaires privatisées n'est peut être pas la meilleure option, au regard de l'instabilité du secteur, du double-jeu des acteurs et de l'ardeur de la tâche.

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