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Michel Foucault ,Psychiatrie et médecine

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par David Labreure
Université Paris 1 panthéon sorbonne - Ma??trise 2004
  

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CONCLUSION GENERALE :

On ne peut pas parler de « système » foucaldien, à propos de la médecine et de la psychiatrie, dans le sens d'une véritable cohérence interne de l'oeuvre.Foucault a sans cesse réévalué, enrichi ou même parfois totalement repris ses analyses sur le sujet. Chaque ouvrage, voire chaque article, semble, en effet, avoir sa propre méthodologie, ses nouveaux concepts, son angle d'analyse. Une chose, toutefois, semble assurer une certaine forme d'unité, sinon de ressemblance entre tous ces écrits : les analyses de la modernité  chez Foucault découlent d'une histoire des sciences humaines ; c'est l'étude du langage qui prime et, en son sein, les régimes de signes qui, à chaque époque, commandent ce qui est visible et ce qui est dit. Il semble ainsi possible de trouver dans les textes de Foucault sur le pouvoir, écrits dans les années 1970, la question, déjà en germe dans les premiers écrits et notamment Maladie mentale et personnalité, portant sur la manière dont les normes définissent, à une époque donnée, les individus et leurs discours. Ainsi, de l'étude sur le passage de la folie à la maladie mentale (dans Histoire de la folie à l'âge classique),jusqu'à la notion de bio-politique en tant que mode de régulation de la vie (exposée lors des conférences de Rio en 1974),en passant par l'archéologie du regard médical (dans Naissance de la clinique) et par l'imposition des techniques de disciplines corporelles (dans les cours sur le pouvoir psychiatrique),on assiste bien avec Foucault à la mise en place d'une pensée politique de la médicalisation,même si,bien entendu,elle ne s'y résume pas. Comme le notent assez justement Daniel Delanöe et Pierre Aïach dans leur ouvrage L'ère de la médicalisation,ce qui domine dans la pensée de Foucault,c'est aussi « la question du contrôle social,et,spécifiquement,de la surveillance autour,par exemple,de la figure du panoptique ».Ce contrôle s'effectue à deux niveaux :d'une part au niveau de l'individu,avec un contrôle sur le corps (contrôle mettant en jeu la notion de microphysique du pouvoir) ,mais aussi au niveau de la population par le biais de l'Etat. Un dénominateur commun à toute la pensée de Foucault sur la médecine est donc la question de l'individu par rapport à la totalité : Naissance de la clinique nous montrait comment la médecine des singularités,des particularités individuelles s'insérait dans des « séries » pathologiques,les cours de 1974 comment s'exercent sur nous ces micro-pouvoirs quotidiens,comme la psychiatrie. Dés la fin des années 50 on peut dire,sans trop se tromper, que Foucault entend mettre en oeuvre une nouvelle pratique de l'Histoire des sciences, discontinuiste,qui ne serait pas basée sur de quelconques normes mais qui s'interrogerait plutôt sur la manière dont les sciences interfèrent ou s'insèrent dans des structures sociales et politiques.

Les progrès des techniques médicales au cours de ces trente dernières années tendent vers une certaine maîtrise du vivant, repoussant toujours plus loin ce que l'homme peut connaître : cette « biologisation » de la médecine actuelle aurait mérité un prolongement dans l'oeuvre de Foucault comme le note Christiane Sinding dans l'ouvrage de Luce Giard, Michel Foucault, lire l'oeuvre. La médecine n'est plus seulement une science de la guérison, mais elle est une science qui prédit, qui pronostique. Elle est devenue « une science du devenir de l'individu »196(*).Qu'aurait donc pensé Foucault de la médecine actuelle ? Sa présence n'aurait-elle pas été intéressante pour apporter un éclairage sur les bouleversements que l'apparition et le développement du SIDA, notamment, ont fait naître ? Dans un article du Magazine littéraire datant de 1994, le célèbre médecin Jean-Paul Escande souligne que « la médecine, depuis 10 ans (...) a vécu par axe de référence au SIDA »197(*) . Escande rajoute, fort justement : « Lui (Foucault), extérieur au système et cherchant à le comprendre, aurait pu, pour l'opinion, éclairer et aider à comprendre comment on était passé de la médecine de l'espoir à la médecine de l'attente »198(*).Les années 80/90 ont totalement bouleversé la perception, les pratiques et les discours médicaux pour les médecins comme pour les patients. Quels axes de réflexion Foucault aurait il dégagés ? En tous les cas, le fait que l'on puisse s'interroger sur l'impact qu'auraient eu les idées d'un homme qui n'était pas médecin lui même, sur une discipline aussi difficile à cerner pour les profanes, montre à quel point sa pensée a marqué la profession. Même chose pour la psychiatrie : la crise actuelle du domaine psychothérapeutique, la difficulté qu'a cette branche ô combien particulière de la médecine à clarifier son statut, symbolisée notamment par les remous autour de la loi Accoyer/Mattei d'octobre 2003, tendrait à donner raison à Foucault ... La « folie » est ,à l'heure actuelle, plus médicalisée encore qu'à l'époque où Foucault écrivait Histoire de la folie : multiplication des psychotropes, des anti-dépresseurs (la dépression est même parfois surnommée le « mal du siècle »...), sectorisation de la psychiatrie... Tant que le psychiatre ne saura pas s'il doit soigner la maladie mentale ou prendre en charge la santé mentale de la société, la psychiatrie oscillera entre thérapeutique et instance de pouvoir. Autant de mesures et d'évolutions allant dans le sens d'une médicalisation et d'une psychiatrisation accrue dans nos sociétés , la constante de la notion de médicalisation étant que le pouvoir disciplinaire ou politique s'exerce sur des objets qui n'étaient pas,jusqu'alors , considérés comme relevant de cette forme de pouvoir ,comme le corps, omniprésent dans la pensée de Foucault,ou encore la vie elle-même : « Le pouvoir politique ,avant même d'agir sur l'idéologie,la conscience des personnes , s'exerce de façon beaucoup plus physique sur leurs corps ;la manière dont on leur impose des gestes,des attitudes ,des usages,des répartitions dans l'espace (...) Cette distribution physique,spatiale des gens appartient me semble t-il à une technologie politique du corps »199(*).

Comment sortir de cette médicalisation et de cette psychiatrisation, de cette emprise du pouvoir sur nos corps ? Il serait pourtant vain d'attendre de Foucault une quelconque réponse à cette question... Nous pensons d'ailleurs que ce serait faire un contresens que de demander à l'auteur de l'Histoire de la folie et de Naissance de la clinique des prescriptions sur une juste politique de la santé. Etudier les conditions de l'histoire d'un discours psychiatrique, s'interroger sur ce qui a rendu possible l'hôpital, dépister les stratégies de pouvoir masquées sous de prétendus progrès moraux de l'humanité, n'a pas pour fin de porter des jugements de valeurs : Foucault nous invite plutôt à un engagement à de petites luttes quotidiennes et à l'interpellation de nos évidences, de nos postulats, de nos opinions admises, de nos habitudes, de nos manières de penser ou façons de faire.

* 196 Christiane Sinding, article « La méthode de la clinique » in Luce Giard, Foucault Lire l'oeuvre, Jérôme Million, Grenoble, 1992 p.80.

* 197 Jean-Paul Escande, article « Appel à Foucault » in Le Magazine Littéraire,n°325,Octobre 1994,p.49

* 198 Ibid.p.49.

* 199 Michel Foucault, « Prisons et asiles dans le mécanisme du pouvoir », entretien avec M .D'Eramo in Dits et Ecrits, Quatro-Gallimard, Paris, 1994, p.1391.

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