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Louis Ferdinand Céline:une pensée médicale

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par David Labreure
Université Paris 1 panthéon sorbonne - DEA Histoire et philosophie des sciences 2005
  

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I: LES DEBUTS MEDICAUX DE LOUIS DESTOUCHES : 1917/1924

1.1 : LA VOCATION MEDICALE DE LOUIS DESTOUCHES:

La médecine est une activité que l'on embrasse par vocation ; elle est une institutionnalisation de valeurs altruistes, un service social et technique qui confère autorité et responsabilité .Céline a, depuis sa lointaine enfance, ressenti ce besoin d'aller vers la souffrance des hommes : « Ma vocation c'était la médecine...Tout petit, je rêvais d'être médecin, de soigner les gens...Vers 5 ans je crois bien ».3(*) Céline, à Meudon, à la fin de sa vie, malgré le manque de clientèle au cabinet et sa santé défaillante,met l'accent sur son activité médicale: « C'est médecin que je suis (...), rien qu'un médecin tout à fait ordinaire de banlieue. »4(*).Malgré le temps, les voyages, le succès littéraire et les épreuves, Céline demeure médecin et ne cesse de le répéter : « Non je ne suis pas écrivain, c'est médecin que je suis, c'est ce dont je suis le plus fier »5(*).L'écrivain n'a ainsi jamais manqué de souligner les différences entre l'acte d'écrire et le pouvoir de donner ou de maintenir en vie : « C'est que la vocation littéraire, je l'avais pas du tout. Je considérais le métier littéraire comme une chose tout à fait grossière, prétentieuse, imbécile (...) alors que j'ai toujours eu la vocation médicale...Oh, profonde... »6(*).C'est donc d'abord d'un profond désir intérieur que semble être né le choix de la médecine chez Céline.

On retrouve effectivement très tôt les traces de cette envie : lorsqu'il est surveillant de plantation au Cameroun, en 1916, il écrit ainsi à son amie Suzanne Saintu : « A part cela je tâche de faire bien (...), je soigne le plus de nègres possibles, quoique que je ne sois pas bien persuadé de leur être utile »7(*).A cette époque, ses préoccupations hygiénistes ultérieures sont déjà en germe. Il fait ainsi quelques petites études scientifiques,  « pour (se) convaincre de visu de la nocivité de ces alcools (...) sur les singes »8(*).Cette préoccupation, on la retrouve aussi dans ses correspondances ultérieures, Céline n'omettant jamais de prodiguer à son destinataire un conseil médical ou d'hygiène. Ainsi à Simone Saintu, en 1917 : « N'omettez point de brûler cette lettre, elle doit contenir des billions de microbes »9(*), ou à sa femme Lucette, trente ans plus tard, qu'il couvre de recommandations depuis sa geôle danoise : « (...) Mange surtout. Il le faut. Ne pas manger déprime atrocement, plus de force pour combattre (...) Il faut que tu pèses et vite 58 kilos. C'est la balance qui bat la tuberculose, pas la prière ni les mots »10(*) , ou encore à son ami A.Parraz, atteint de la tuberculose qu'il assiste de ses conseils, surveillant régulièrement ses examens et son traitement.

Une composante essentielle de la vocation médicale de Céline est l'admiration pour le geste technique, au sens véritable de techné, du médecin. La médecine, pour lui, sera avant tout un art qui vise à changer l'état indésirable et négatif qu'est la maladie. Il s'agit d'un savoir acquis, certes, mais requérant avant tout une compétence technique spécifique. Cette fascination, Céline l'avoue bien volontiers dans un entretien avec Jean Guenot, en 1960 : « J'avais une admiration énorme pour les médecins (...) c'est la médecine qui me passionnait (...) Je voyais un type, moi, qui guérissait, qui faisait des choses étonnantes avec un corps qui n'arrive pas à marcher. Je trouvais ça, absolument... un magicien... »11(*).Le médecin était un homme qui faisait des choses stupéfiantes avec les corps malades :il apparaît aux yeux du jeune Destouches comme celui qui est capable de tous les miracles, il peut réparer, ouvrir, fermer les corps, et donne l'image d'un véritable sur-homme, voire un saint. Accent particulièrement mystique de l'écrivain qui souligne la haute opinion qu'il s'est faite,très tôt , de son métier et à quel niveau il a voulu hausser l'exercice de sa profession pour revêtir ,le plus souvent possible,le rôle d'intervenant magique qui ,d'un geste ou d'un mot ,peut rendre la santé. Voilà qui aidera l'étudiant en médecine Destouches qui se souviendra de ces impressions au moment de choisir le sujet de sa thèse en 1924... Céline s'amuse à déceler une rougeole, éprouve une satisfaction dans la guérison d'une varicelle. C'est, naturellement, une question de tempérament : « Quand j'ai pratiqué la médecine, il y a trente cinq ans maintenant, ça me faisait plaisir de guérir un rhume de cerveau (...) de m'amuser avec une rougeole (...) j'étais soigneur de tempérament »12(*).Mais l'essentiel de la vocation médicale n'est pas là. Céline dépasse ce geste technique dont il n'accepte que du bout des lèvres la rémunération, comme il le rappelle dans D'un Château l'autre : « Rien à me reprocher ! Seulement un petit truc...que je demande jamais d'argent ; je peux pas tendre la main »13(*).Pour Céline il s'agit d'un appel beaucoup plus profond qui l'engage à répondre à la misère de l'homme : « La souffrance de l'homme (...) si il souffre il va être encore plus méchant qu'il n'est d'habitude (...) c'est pas la peine (...) qu'il aille bien quoi... »14(*) ; Un acte médical que l'on ferait payer serait une sorte de trahison de celui ci, gratuit par essence. Céline l'a bien montré dans le Voyage au bout de la nuit : « La médecine c'est ingrat. Quand on se fait honorer par les riches on a l'air d'un larbin, par les pauvres on a tout du voleur »15(*).Céline semble avoir toujours été disponible et patient pour ceux qui l'approchaient. Il est toujours resté réceptif à la misère concrète, celle de sa clientèle médicale, mais aussi de ses amis, de ses proches. La vocation médicale n'exclut personne. La souffrance, la maladie, la blessure sont suffisantes pour intéresser le médecin : « Je trouverai un soir Madame Jacob en plein cancer envahissant du ligament large (...), je suis le charitable en personne ! Même envers le plus pire rageur haineux...le plus pustuleux, tétanique »16(*) ou encore : « Je varierai pas d'un iota...mon style, ma façon...je suis le samaritain en personne...samaritain des cloportes...je peux pas m'empêcher de les aider »17(*). Son désintéressement semble total comme le constate le chirurgien Thailhefer que Céline a côtoyé au dispensaire de Clichy : « De tous les médecins qui travaillaient au dispensaire de Clichy, il était le seul qui n'utilisait pas ses heures de liberté à faire de la clientèle. Il continuait à soigner les indigents »18(*).L'attitude de Céline en tant que médecin ne semble toutefois pas aussi clair qu'il n'y paraît et si cette vocation semble bien réelle,et bien sincère ,nous allons voir que dans la pratique,le docteur Destouches fut un bien étrange médecin...

* 3 L.F Céline, entretien avec Claude Bonnefoy (1961) Cahiers Céline II, Paris, Gallimard, p .207

* 4 L.F Céline,propos tenus au Sundby Hospital (1946) rapportés par le Dr Knud Lundbaeck in L'année Céline 95 Du Lérot, IMEC éditions, p.59

* 5 Ibid. p.59

* 6 L.F Céline, Entretien avec J.Guénot et J.Darribehaude in Cahiers Céline II, Paris, Gallimard, p.177

* 7 L.F Céline, Lettre à Simone Saintu (1916) in Cahiers Céline II, Paris, Gallimard, p.207

* 8 L.F Céline, Lettre à Simone Saintu (12/10/1916) in Cahiers Céline IV, Paris, Gallimard p.117

* 9 L.F Céline, Lettre à Simone Saintu (1/1/1917) in Cahiers Céline IV, Paris, Gallimard p.170

* 10 L.F Céline, Lettre à sa femme (août 1946), in François Gibault, Cavalier de l'apocalypse, Paris, éditions du cherche midi, p.107

* 11 L.F Céline, entretien avec Jean Guénot (1960) in Cahiers Céline II, Paris, Gallimard, p.159

* 12 L.F Céline, Entretien radiophonique avec L.Pauwels, in Cahiers Céline II, Paris, Gallimard p.135

* 13 L.F Céline, D'un Château l'autre, Paris, Folio Gallimard, 1957, p.17

* 14 L.F Céline, Entretien radiophonique avec L.Pauwels (1960) in Anthologie Céline sous la direction de Paul Chambrillon

* 15 L.F Céline, Voyage au bout de la nuit, Paris, Folio Gallimard, 1932 p.264

* 16 L.F.Céline, D'un Château l'autre, Paris, Folio Gallimard, 1957 p.99

* 17 Ibid.p.63

* 18 Pr Tailhefer, cité par P.Monnier dans Les Cahiers de l'Herne, Paris, Editions de l'Herne, 1972, p.265

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