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Louis Ferdinand Céline:une pensée médicale

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par David Labreure
Université Paris 1 panthéon sorbonne - DEA Histoire et philosophie des sciences 2005
  

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1.4 :L'IDEE DE LA MEDECINE STANDARD:LE NIHILISME THERAPEUTIQUE DE CELINE

Il reste donc à entreprendre l'étude de la médecine et de la pharmacie. L'idée d'une « médecine standard » apparaît alors: « Importance d'enlever pareillement ces maladies à la médecine et à la pharmacie commercialo-byzantine actuelles pour les ramener économiquement à une médecine sociale économique plus ou moins standardisée,simplifiée à une thérapeutique active, expéditive, contrôlable »111(*).En 1930,Céline transmet à la Société de Médecine de Paris un essai de diagnostic et de thérapeutique méthodiques en série sur certains malades en dispensaire où il donne une approche très innovante du problème de la tuberculose. Il propose en effet de procéder à un dépistage systématique de cette maladie au moyen d'un test biologique et d'effectuer ensuite un traitement systématique avec suivi et adaptation en fonction des résultats biologiques. Son exposé traduit bien les efforts de rigueur scientifique fournis par Céline ainsi qu'une certaine précocité de ses idées. Dans le mémoire pour le cours des Hautes Etudes, deux ans plus tard, les phrases sans verbe se succèdent, pointant ainsi les préoccupations essentielles de l'hygiéniste Destouches : « Oppositions entre cette façon fausse et entièrement théorique d'enseigner la médecine et les manières dont tous les praticiens pratiquent dans la vie courante (...) l'ère pastorienne est accomplie (...) »112(*).La médecine standard de Céline s'accompagne d'une critique acerbe des habitudes thérapeutiques contemporaines. Il n'hésite pas à parler de « l'empoisonnement du malade par la médecine et la pharmacie libérale »113(*) et de « toxicomanie populaire, par tolérance quasi illimitée des licences pharmaceutiques »114(*).Il reconnaît même, dans une lettre à Albert Paraz,un écrivain de ses amis,tuberculeux, quelques bienfaits à l'homéopathie : « Je ne veux pas dire de mal de l'homéopathie. C'est une hygiène »115(*).Céline a toujours été, de toute façon, un petit prescripteur. Dans sa thèse de médecine consacrée à Céline, François Balta parle d'une « vingtaine de produits »116(*) au dispensaire de Bezons en 1941, ce qui,même en temps de guerre,reste dérisoire. Il fut aussi d'un grand scepticisme pour les nouveaux médicaments. Céline respecte en matière de prescription des règles de prudence et d'économie telles qu'il les définit dans  D'un château l'autre  : « Je prescris jamais que des remèdes absolument impeccables (...) je vous vois faire avec au bas mot ,au plus juste,trois cent milliards d'économie par an ... et les malades joliment mieux ! Moins ahuris, vaniteux, empoisonnés !...je sais ce que j'affirme »117(*).Céline reste un médecin anti-potions, un médecine hostile à une médecine omnipotente, trop invasive et sûre d'elle. D'où provient cette idée chez Céline ? Probablement de l'époque où il s'intéressait, via ses recherches sur Semmelweis, à l'école de Vienne. En effet, il y eut dans l'histoire de la médecine, des phases où le progrès consista surtout à éliminer les traitements inutiles ou nuisibles. L'apparition de la médecine statistique dans les années 1830, en lieu et place de la révolution médicale anatomo-clinique imprimée par l'Ecole de Paris auparavant a conduit, selon l'historien de la médecine Shryock, à tout un « repensement » de la maladie. Les échecs thérapeutiques de la nouvelle vision de la médecine clinique lors de l'épidémie de choléra à Paris en 1832 ont prouvé l'inefficacité des médecins parisiens et contribué à l'émergence d'une nouvelle vision de la maladie où le collectif primerait avant tout : il s'agit de prescrire moins mais de prescrire mieux. C'est ainsi que, comme nous l'avons vu, Josef Skoda, un des maîtres de Semmelweis et une des gloires de la médecine viennoise au XIX è siècle, se rendit célèbre par sa méthode du « nihilisme thérapeutique » c'est-à-dire qu'il interdisait la prescription de médicaments dangereux ou, tout du moins, dont on n'était pas sûrs, à une époque où la pharmacologie expérimentale n'existait pas encore. En fait, Skoda n'était pas vraiment un nihiliste mais plutôt un sceptique, qui ne prescrivait que des médicaments à l'efficacité prouvée. Dans un autre domaine,le célèbre psychiatre Eugen Bleuler, sans aller aussi loin que Skoda, pratiqua souvent ce qu'il appelait l'"oudénothérapie".A l'instar de ces deux praticiens de renom,Céline préférait n'administrer aucun médicament d'efficacité incertaine : « Lorsqu'on n'est pas absolument certain qu'un médicament peut avoir une action favorable (ce qui est le cas une fois sur mille) le devoir est de ne prescrire que de l'eau ... et de l'hygiène...Charlatanerie 999 fois sur 1000...les malades veulent être bafouillés...On leur en donne ! »118(*).Par quelle méthode former des praticiens aptes à l'exercice d'une telle médecine standard ? En premier lieu,en instaurant au cours des deux dernières années d'études,un cours de « pratique médicale courante »,qui aura pour vocation de faire oublier aux étudiants les 9/10é des connaissances par eux précédemment acquises mais à conserver précieusement le 1/10é restant : « Irréalité naïve ou hypocrite de la médecine ou de la thérapeutique telles qu'elles sont enseignées dans les écoles de médecine »119(*).En second lieu ,imposer,en conséquence ,au jeune médecin six mois de stage chez un praticien rural ou urbain. Enfin, en mettant à la disposition du corps médical de bonnes statistiques de morbidité, permettant d'aider à l'établissement rapide d'un diagnostic et donc d'écarter ainsi « les maladies les plus coûteuses et les plus banales, celles qui sont en réalité des véritables maladies d'hygiène par leur fréquence, leur simplicité et leur curabilité, rhumatismes, bronchites, diarrhées... »120(*).Une médecine rapide, expéditive même, dans la droite lignée de la verve diagnostique d'un Skoda dans son hôpital de Vienne au milieu du XIX è siècle...

Il s'agit, en tous les cas, de prévenir, de soigner plutôt que de guérir, de contrôler ce qui peut l'être, comme cette surconsommation médicale par exemple : « Ce que je voudrais établir, c'est une médecine efficace et standardisée (...) une médecine sociale et générale »121(*).Le but de la médecine c'est de soulager le plus rapidement possible pour permettre à l'homme de travailler et de prendre un peu de plaisir. Et Céline de préconiser des tests sérologiques, régimes alimentaires, recherches de médicaments pour les affections usuelles : « en résumé, sortir de la farce des parodies et des grimaces administratives pour entrer dans l'efficacité »122(*).Efficacité : voilà le maître mot... L'image qui ressort là du docteur Destouches est celle d'un praticien moderne, américain, soucieux du résultat, ennemi du verbiage philantropo-clinique, médecin des pauvres soucieux avant tout de rentabiliser un temps limité. Sa fonction,il l'a décrite lui-même dans une communication à la Société de médecine en 1930 sur le « dépistage de la tuberculose par les tests sérologiques du Vernes Resorcine »123(*) : Vingt heures de consultation par semaine ,deux mille deux cents nouveaux malades par an avec « consultation de cinq à dix minutes par malade »124(*).L'auteur parle d' « empirisme partiel mais avoué »125(*).Le docteur Destouches pratique sa spécialité,la médecine sociale,avec tout le sérieux scientifique possible,il s'informe,il réfléchit. Les voyages aux Etats-Unis, chez Ford, sont, de ce point de vue, loin de n'être que de simples escapades : compte tenu des conditions de travail, il cherche toujours la méthode la plus pratique, le résultat maximum. Il va donc s'agir de repenser la médecine, la ramener au sujet, à la « réalité », imposer l'hygiène, éliminer l'alcool, revoir l'alimentation,avoir pour but l'assainissement des conditions de vie des populations urbaines mais aussi et surtout, soigner les malades au travail. Il faut remettre l'hygiène sur pied, soit réinterpréter toute pathologie à partir de son terrain socio-économique, assurer la santé de la main d'oeuvre nécessaire à la production industrielle.

* 111 Ibid p.195

* 112 Ibid p.196

* 113 L.F Céline, « Mémoire pour le cours des hautes études » (1932), in Cahiers Céline III, Paris, Gallimard, p.196

* 114 Ibid p.195

* 115 L.F Céline, « Lettre à Albert Paraz » (27/8/1956) in Cahiers Céline VI, Paris, Gallimard, p.412

* 116 F.Balta La vie médicale de Louis Destouches, Paris, Thèse médicale, 1977, p.59

* 117 L.F Céline, D'un Château l'autre, Paris, Folio Gallimard, 1957, p.136

* 118 L.F Céline, « Lettre à Albert Paraz » (27/8/1956), in Cahiers Céline VI, Paris, Gallimard, p.413

* 119 L.F Céline, « Mémoire pour le cours des Hautes Etudes » in Cahiers Céline III, Paris, Gallimard, p.196

* 120 Ibid p.195

* 121 L.F Céline,  « Lettre au docteur Boudreau » (1929) in Cahiers Céline III, Paris, Gallimard, p.236

* 122 L.F Céline,  « Lettre au docteur Boudreau » (1929) in Cahiers Céline III, Paris, Gallimard, p.237

* 123 L.F Céline, « Essai de diagnostic et de thérapeutique méthodiques en série sur certains malades en dispensaire » (1930) in Cahiers Céline III, Paris, Gallimard, p.172

* 124 Ibid p.171-172

* 125 Ibid p.173

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