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Impact de l'arrimage du Franc CFA à l'Euro sur la balance commerciale : le cas du Cameroun

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par Francis Yannick ZAMBO ZAMBO
Institut sous-régional de statistique et d'économie appliquée de Yaoundé - Ingénieur statisticien 2006
  

Disponible en mode multipage

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INSTITUT SOUS-REGIONAL DE STATISTIQUE ET D'ECONOMIE APPLIQUEE

(ISSEA)

ORGANISATION INTERNATIONALE

B.P. : 294 YAOUNDE

(REPUBLIQUE DU CAMEROUN)

Tél.  (237) 222 01 34 Fax : (237) 222 95 21

Juin 2006

COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE

(CEMAC)

Impact de l'arrimage du Franc CFA à l'Euro sur la balance commerciale : le cas du Cameroun

Mémoire de fin de formation en vue de l'obtention du diplôme de :

Ingénieur d'Application de la Statistique

Option : Economie

Rédigé et présenté par :

Francis Yannick ZAMBO ZAMBO

Elève Ingénieur d'Application de la Statistique 4ème Année,

Soutenu publiquement le 13 juin 2006 devant le Jury composé de :

Docteur Dieudonné BONDOMA Président du Jury

M. Barnabé NANA Assesseur

M. Marcel OPOUMBA Directeur de Mémoire

DEDICACE

A mon père, Francis Zambo Zambo.

REMERCIEMENTS

Nos remerciements s'adressent :

v A Monsieur Marcel OPOUMBA, Directeur de ce mémoire, pour l'entière disponibilité, le suivi permanent et toute la confiance qu'il nous a témoigné lors des travaux de recherche.

v Au Docteur Dieudonné KINKIELELE, Directeur des Etudes de l'ISSEA qui, au cours de nos années de formation, n'a ménagé aucun effort pour nous inculquer les valeurs de rigueur, de travail et de discipline. C'est aussi l'occasion pour nous de lui adresser nos sincères remerciements pour l'oreille attentive et le soutien qu'il nous a très souvent prêtés pendant toute notre scolarité à l'ISSEA.

v A l'ensemble de tous nos camarades et amis, pour la parfaite collaboration dont ils ont fait montre afin que notre passage à l'ISSEA se fasse dans un esprit de solidarité et de compréhension mutuelle. Nos remerciements s'adressent particulièrement à : Augusto ROKU GAETJENS, Loudine BESSONG à BEYECK, Max Arnold OUAKA et Blaise EHOWE NGUEM.

v A Madame Nathalie NGUEMBA, professeur de Français, pour la relecture.

v A notre mère, Gisèle ZAMBO, pour le soutien moral dont nous avons toujours bénéficié de sa part.

v A Cécile ZAMBO, notre confidente, pour l'assistance qu'elle nous a toujours accordée.

v A notre grande soeur, Marylin et à son époux, Bernard BEKOLO pour l'indéfectible assistance qu'ils ont toujours su nous apporter.

v A tous les membres de notre famille, en particulier notre grand frère, Firmin ZAMBO, nos petites soeurs Carelle ZAMBO et Danielle BETSY, et notre neveu Franck ZAMBO pour l'aide apportée au moment de la rédaction de ce mémoire.

v Et à tous ceux qui nous ont apporté directement ou indirectement leur aide pendant nos années de formation.

TABLE DES MATIERES

DEDICACE I

REMERCIEMENTS II

TABLE DES MATIERES III

ABREVIATIONS VI

AVANT PROPOS VII

RESUME VIII

INTRODUCTION GENERALE 1

Ire PARTIE: CONNAISSANCES GENERALES SUR LA ZONE FRANC

ET FONDEMENTS THEORIQUES DE L'ETUDE. 5

CHAPITRE I : LES PAYS AFRICAINS DE LA ZONE FRANC ET L'ANCRAGE

DU FRANC CFA A L'EURO 6

I- LES DIFFÉRENTS ACCORDS DE COOPÉRATION AU SEIN DE LA

ZONE FRANC 7

I.1 Naissance et parité du Franc CFA 7

I.2 Institutions de la zone Franc africaine : le cas de la CEMAC 8

I.3 Mécanismes de fonctionnement de la zone Franc africaine 9

I.3.1 Les comptes d'opération 10

I.3.2 Convertibilité externe des monnaies 10

I.3.3 La politique monétaire 11

II. LA ZONE FRANC AFRICAINE ET L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'EURO 12

II.1 Contexte de l'entrée en vigueur de l'Euro 12

II.2 Reconnaissance juridique de la zone franc 14

II.3 Zone franc et mutations structurelles liées à l'arrimage : 15

II.4 Rattachement technique du Franc CFA à l'Euro 16

III. LE CAMEROUN DANS LA ZONE FRANC 17

III.1 Quelques généralités sur le Cameroun 17

III.2 Place du Cameroun dans la zone Franc 18

CHAPITRE II : PRESENTATION DES THEORIES ET

MODELES ECONOMIQUES 20

I - LA THÉORIE DU MULTIPLICATEUR DU COMMERCE EXTÉRIEUR 20

I.1 Relations du modèle : 21

I.2 Le multiplicateur du commerce extérieur 22

II- LA THÉORIE DES ÉLASTICITÉS 23

II.1 Hypothèses et modèle des élasticités critiques 24

II.1.1 Hypothèses du modèle: 24

II.1.2 Le théorème des élasticités critiques 24

II.1.3 Les limites du théorème des élasticités critiques 28

III. LA THÉORIE DE L'ABSORPTION 29

III.1 Modèle de la théorie de l'absorption 29

III.2 L'absorption : synthèse des théories du multiplicateur du

commerce extérieur et des élasticités 31

IV. Le modèle de Mundell-Fleming : les déterminants des exportations et des

importations. 32

IIe PARTIE: CONSEQUENCES DE L'ARRIMAGE EURO-FRANC CFA 35

CHAPITRE III : LE COMMERCE EXTERIEUR DU CAMEROUN ET LES

DETERMINANTS DU SOLDE COMMERCIAL. 36

I. LES CARACTERISTIQUES DES EXPORTATIONS DU CAMEROUN 36

I.1 Les principaux produits exportés 36

I.2 Les cours internationaux des produits exportés 38

I.3 L'orientation géographique des exportations 38

II- LES IMPORTATIONS ET LES TERMES DE L'ÉCHANGE 39

II.1 Les produits importés 39

II.2 Les termes de l'échange 41

III- CONCEPTION DU MODÈLE ÉCONOMÉTRIQUE 42

III.1 Le modèle économique de base 42

III.2 Les ajustements apportés au modèle de base : ajout de la variable 

«  prix effectifs » et « prix effectifs des importations » 42

III.3 Déduction de la balance commerciale 44

III.4 Quelques précisions 45

IV - DISPOSITIONS PRATIQUES ET OBTENTION DES RÉSULTATS

DU MODÈLE 45

IV.1 Dispositions pratiques 45

IV.2 Obtention des résultats du modèle économétrique 46

IV.2.1 Le modèle des exportations 47

IV.2.1.1 Les premiers résultats du modèle des exportations __________________________ 47

IV.2.1.2 Le modèle des exportations retenu _______________________________________ 48

IV.2.2.3 L'équation du modèle des exportations ___________________________________ 49

IV.2.2 Les importations 50

IV.2.2.1 Les premiers résultats du modèle des importations __________________________ 50

IV.2.2.2 Le module des importations retenu _______________________________________ 51

IV.2.2.3 L'équation du modèle des importations ___________________________________ 51

IV.2.3 Le modèle économétrique de la balance commerciale du Cameroun 52

IV.2.3.2 Interprétation des résultats du modèle et poids du TCER dans la variabilité

du solde commercial _________________________________________________________ 52

CHAPITRE IV : LA BALANCE COMMERCIALE ET L'ANCRAGE

DU FRANC CFA A L'EURO 54

I. COMPÉTITIVITÉ DU CAMEROUN ET ARRIMAGE DU

FRANC CFA À L'EURO 54

I.1 Compétitivité et évolution du TCER 54

I.1.1 Analyse de l'évolution du TCER 55

I.1.2 Ancrage du Franc CFA à l'Euro et appréciation du TCER 56

I.2 Le TCER et les élasticités critiques à l'exportation 59

I.3 Arrimage du FCFA à l'Euro et Parts de marché 60

II. ARRIMAGE DU FRANC CFA ET DEMANDE À L'IMPORTATION 64

II.1 Arrimage et importations en valeur 65

II.2 Mise en évidence des conséquences de l'arrimage du Franc CFA

sur les prix à l'importation : le cas du Nigeria 66

II.3 Arrimage du Franc CFA et demande d'importations en quantité 68

II.4 Arrimage du Franc CFA à l'Euro et solde commercial 72

II.4.1 Evolution de la balance commerciale du Cameroun 73

II.4.2 Conditions de Marshall-Lerner 73

II.4.2.1 Les élasticités critiques de la demande d'importation _________________________ 74

II.4.2.2Vérification des conditions de Marshall-Lerner 74

CONCLUSION 78

LEXIQUE i

ANNEXES v

TABLES DES TABLEAUX, GRAPHIQUES ET FIGURES vii

BIBLIOGRAPHIE ix

ABREVIATIONS

Ø BCE : Banque Centrale Européenne ;

Ø BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale ;

Ø BCEAO : Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest ;

Ø Cf. : confère ;

Ø CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale ;

Ø FMI : Fonds Monétaire International ;

Ø G.E : Guinée Equatoriale.

Ø PAZF : Pays Africains Membres de la Zone Franc ;

Ø PPA : Parité de Pouvoir d'Achat ;

Ø RDM : Reste du monde

Ø Resp. : Respectivement

Ø TCEN : Taux de Change Effectif Nominal ;

Ø TCER : Taux de Change Effectif Réel ;

Ø TCN : Taux de Change nominal ;

Ø UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine ;

Ø UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine ;

Ø USD : United States Dollar.

AVANT PROPOS

La fin de formation à l'Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée est sanctionnée, pour le cycle Ingénieur, par le diplôme d'Ingénieur d'Application de la Statistique. Dans le but de juger de l'efficience de ladite formation, les dispositions académiques astreignent chaque élève-sortant à présenter les résultats d'un thème de recherche de son choix, condition sine qua none à la délivrance du diplôme sanctionnant la fin des quatre années d'étude de ce cycle. Cette présentation a pour but de tester la capacité des étudiants sortants à mettre en application les connaissances dispensées au sein de l'école, d'autant plus que ces derniers vont définitivement faire partie du monde professionnel.

Afin de satisfaire à cette exigence, nous avons choisi d'orienter notre thème de mémoire sur l'un des évènements les plus marquants de l'avenir de la Zone Franc au cours de la dernière décennie, à savoir l'arrimage du Franc CFA à l'Euro. Plus spécifiquement, le thème qui aura retenu notre attention et sur lequel nous allons nous appesantir porte sur l'«Impact de l'arrimage du Franc CFA à l'Euro sur la balance commerciale : le cas du Cameroun ». C'est un sujet qui a été au centre de plusieurs débats controversés et relatifs aux retombées économiques auxquelles il fallait s'attendre suite à cette nouvelle mutation.

Le présent mémoire est une approche des conséquences sur le solde commercial pour les années ayant immédiatement suivi cet évènement. Notre espoir est que vous puissiez y trouver des réponses aux éventuelles questions que vous vous posez relativement à ce thème.

RESUME

Depuis sa naissance à la première moitié du vingtième siècle, la zone Franc a souvent été confrontée à certains chocs comme les indépendances politiques ou encore la dévaluation du Franc CFA. Mais, sa survivance est surtout due à la faculté d'adaptation dont elle a fait montre. Elle a toujours initié des réformes en adéquation avec les nouvelles exigences du monde. Cependant, la plupart de ces réformes ont toujours été au centre de plusieurs controverses fondées sur les conséquences probables qu'elles entraîneraient.

Le récent arrimage du Franc CFA à l'Euro, en tant qu'évènement majeur de la zone depuis une décennie, n'a pas constitué une exception. Bien avant sa mise en application, les débats étaient déjà ouverts quant aux éventuels impacts qu'il entraînerait sur les économies de la zone dont le Cameroun. La question se posait, entre autre, en ce qui concerne la balance commerciale de ce pays car certaines théories économiques traitent de la dépendance du solde commercial vis-à-vis de la monnaie.

Il s'agit de la théorie des élasticités critiques de Johan qui conditionne les variations du solde commercial relativement à celles du taux de change à la vérification des conditions de Marshall-Lerner. La théorie de Mundell-Fleming, quant à elle, donne des indications sur les déterminants des exportations et des importations d'un pays. Ce sont ces deux théories, combinées aux statistiques du commerce extérieur du Cameroun, qui ont servi de cadre de référence sur les conséquences que l'arrimage du Franc CFA à l'Euro au cours des années ultérieures à cet évènement.

Plus précisément, le modèle de Mundell-Fleming a permis d'élaborer un modèle économétrique qui a surtout donné une idée sur les agrégats économiques qui conditionnent l'évolution du solde commercial ainsi que sur l'intensité d'influence que chacun de ces derniers exerce sur lui. Il est apparu que c'est le TCER qui le conditionne le plus mais en corrélation négative.

La théorie des élasticités critiques a servi de tirer les conclusions sur les conséquences que l'ancrage a eues sur les exportations et les importations dans un premier temps. La grandeur qui a été choisie comme liant l'arrimage à ces deux dernières est le TCER. En effet, sa valeur combine en même temps les prix relatifs des biens échangeables et le TCEN dont les variations traduisent celles du Franc CFA relativement aux autres devises. C'est pour cela que ce sont les effets du TCEN sur les exportations et les importations qui ont été choisis pour traduire les impacts de l'arrimage sur ces deux composantes du solde commercial. Plus loin, il a été démontré, à l'aide des caractéristiques statistiques de liaison, qu'il existe un lien fort entre le TCER et le TCEN pour les années avant et après arrimage. Cela a amené, par extension, à considérer le TCER comme un indicateur des effets de l'ancrage sur les exportations et les importations au même titre que le TCEN.

Pour combiner les effets du TCER sur les ventes et les achats internationaux et avoir ainsi ceux sur la balance commerciale, ce sont les conditions de Marshall-Lerner qui ont été étudiées pour chaque année. Des explications étaient aussi fournies conformément à la conjoncture à laquelle le Cameroun faisait face pendant une année spécifique.

Les résultats des analyses ont révélé que pour les exportations, de 1999 à 2002, l'ancrage du Franc CFA à l'Euro a eu un impact sur les années 2000 et 2002 avec une influence plus prononcée en 2000. Au cours de cette dernière année, tout tend à faire comprendre que la chute du TCER a entraîné des gains de compétitivité sur les marchés internationaux. En 2002, c'est le phénomène inverse qui s'est observé mais avec l'influence d'autres facteurs externes à l'arrimage comme la baisse de la production de certains produits de vente.

Pour les importations, l'arrimage a eu un impact certain sur les évolutions des prix en CFA des biens importés. Ces prix étaient à la baisse pour les monnaies qui étaient moins fortes que l'Euro. Pour celles dont la valeur était au dessus de celle de l'Euro, les hausses des prix des produits observées dans ces pays étaient plus élevées en CFA tandis que leurs baisses étaient ressenties de façon moindre. L'arrimage a aussi conditionné le volume des importations pour les années 1999 et 2002.

Enfin, pour la balance commerciale, les analyses montrent que malgré les importations, l'arrimage n'a eu un effet significatif que pour l'année 2000 au cours de laquelle les conditions de Marshall-Lerner ont été vérifiées. L'avènement de l'Euro a permis une appréciation du solde commercial en cette année. Quant à 1999, 2001 et 2002, s'il y a eu un impact de l'arrimage sur le solde commercial, il était certainement plus limité qu'en 2000.

INTRODUCTION GENERALE

Contexte de l'étude

A l'instar de la plupart des zones monétaires, la zone Franc a fait son apparition au cours de la période coloniale. Mais sa particularité tient du fait qu'elle est l'une des rares zones ayant survécu, depuis lors, aux mutations qui ont affecté ses environnements politique et économique. Cependant, il est indéniable que si les soubresauts qui ont ponctué son évolution dans le temps n'ont pas entraîné sa dissolution, ils l'ont fortement ébranlé d'au moins deux manières :

Ø D'un point de vue politique, les indépendances ont entraîné un désir d'émancipation politico-économique chez les pays membres dont certains se sont affranchis de la « tutelle » de la métropole (la France), diminuant ainsi les effectifs de l'édifice.

Ø Dans le domaine économique, la zone Franc a fait preuve d'une grande capacité d'adaptation en ce sens que pour sa pérennisation, elle a presque toujours intégré en son sein les exigences qui ont caractérisé le monde à un moment ou à un autre. « Elle est un édifice évolutif né d'une construction empirique. Elle a connu de nombreux avatars (au sens de métamorphose)1(*) ». A ce sujet trois exemples peuvent l'illustrer :

· Pour éviter l'éclatement de la zone au lendemain des indépendances, l'organisation unilatérale, qui avait été mise en place par la France, a été substituée par un régime contractuel dont la discipline visait, entre autres, la défense des intérêts économiques communs entre la métropole et ses désormais partenaires.

· L'évolution de l'économie mondiale vers la globalisation s'est caractérisée par la constitution de grands pôles économiques ayant abouti à des regroupements sous-régionaux d'intégration (UDEAC et UMOA qui ont été transformées en CEMAC et UEMOA par la suite).

· L'exigence de compétitivité à l'exportation, due aux mutations du commerce international et de surcroît renforcée au courant des années 90 par la montée des économies asiatiques, est l'une des causes de la dévaluation de 50% du Franc CFA par rapport au Franc français en 1994.

Ces réformes majeures, entreprises afin d'adapter la zone Franc aux nouvelles donnes de l'économie mondiale ont toujours été au centre de nombreuses polémiques. En effet, dans le groupe formé de décideurs et d'économistes, les interrogations se sont toujours portées sur le bien fondé du maintien de la zone, sur la pertinence des mesures ainsi prises pour la rendre plus moderne et sur son devenir quant aux différents défis qui semblaient se profiler à l'horizon.

Plus récemment, lesdites interrogations ont été ravivées à l'occasion du dernier choc en date, celui-ci ayant directement interpellé toute la zone sur les instruments qui constituent le socle même de son organisation structurel. Il s'agissait de l'avènement de l'Euro comme monnaie unique pour les pays membres l'ayant adopté dès le 1er Janvier 1999 avec une phase transitoire de trois ans. Alors, les questions ayant été posées par toutes les parties prenantes de la zone et même hors zone ont été de plusieurs ordres : fallait-il assurer la continuité de la zone en arrimant le Franc CFA à l'Euro (le statu quo) ? Ou alors fallait-il restructurer la zone et rompre les accords de coopération avec la France ? Ou encore fallait-il tout simplement faire éclater la zone pour restaurer à chaque Etat sa souveraineté monétaire (l'éclatement) ?

Problématique

Notre mémoire ne va plus s'appesantir sur ces dernières interrogations car au vu de la situation actuelle, c'est l'option du statu quo qui a été choisie par les décideurs. Cet ouvrage va plutôt s'atteler à présenter certaines conséquences de la décision d'ancrer le Franc CFA à la monnaie unique européenne. C'est un travail ex post qui est fait après un moyen terme car il repose sur des données économiques collectées pendant les années ayant immédiatement suivi l'arrimage du CFA à l'Euro.

C'est aussi une étude restrictive tant dans le fond que dans l'espace. Dans le fond parce qu'elle n'analysera pas toute la pléthore d'aspects économiques susceptibles d'être influencés par l'arrimage, mais se limitera essentiellement à son impact sur la balance commerciale. Quant à l'espace, des quinze pays que compte la zone Franc africaine, c'est sur le Cameroun que va se porter notre essai.

L'on esquissera donc une sorte de bilan de l'impact de cet arrimage sur le solde commercial depuis six ans. En effet, le Cameroun a comme partenaires commerciaux les pays de l'Union Européenne (plus de 60% des exportations pour près de 42% des importations en 2000) ayant ou non l'Euro comme monnaie commune et les pays hors zone (Etats -Unis, Chine, Taiwan, Nigeria, Japon).

Objectifs de l'étude

Prenant appui sur le Cameroun, il sera question pour nous de :

- Vérifier si l'arrimage du Franc CFA a eu un impact sur les exportations. Ce sera l'occasion de voir si l'Euro fort a entraîné une appréciation du taux de change effectif réel (TCER) via le taux de change effectif nominal (TCEN). Dans ce cas, nous verrons si cette appréciation a entraîné une baisse de la compétitivité du Cameroun ou pas.

- Analyser les retombées économiques de l'arrimage sur les importations. L'impact des fluctuations de l'Euro sur le niveau des prix (libellés en Franc CFA) des produits importés sera abordé. En effet, l'appréciation de la monnaie européenne par rapport aux autres devises devrait entraîner la chute en Franc CFA des prix des produits d'importation. A l'inverse, une dépréciation est susceptible de se solder par leur hausse qui rendrait les importations plus coûteuses. L'aspect « quantité » des importations sera aussi étudié car l'augmentation du TCER peut accroître leur volume suite à la baisse des prix libellés en Franc CFA ;

- Juger, enfin, des effets de l'arrimage sur la balance commerciale proprement dite en combinant les résultats obtenus sur les importations, les exportations et les résultats théoriques auxquels on devrait s'attendre sur la balance commerciale suite aux fluctuations du taux de change à la hausse ou à la baisse.

Plan de l'étude

Tous ces aspects de la question trouveront des clarifications à travers les analyses ultérieures qui seront divisées en deux grandes parties. Dans la première (cadre théorique) , nous présenterons les modèles et théories en rapport avec les différentes approches de la balance commerciale. La seconde partie mettra en évidence les résultats obtenus depuis l'ancrage du CFA à l'Euro en observant et en analysant l'impact, sur la balance commerciale, des variables prises en compte dans les modèles théoriques.

Une telle analyse nécessite que l'on définisse les concepts qui seront les plus utilisés tout au long de notre étude et dont la maîtrise est d'une importance avérée. Cette préoccupation trouve une solution dans le lexique proposé dans ce travail.

Ire PARTIE 

CONNAISSANCES GENERALES SUR LA ZONE FRANC ET FONDEMENTS THEORIQUES DE L'ETUDE.

Le but de cette partie est d'une part de cerner l'évolution de l'économie du Cameroun pour mieux comprendre l'avènement de l'arrimage du Franc CFA à l'Euro. D'autre part, nous clarifierons les fondements théoriques pris pour références dans nos analyses pratiques.

En d'autres termes, il sera question de donner une idée générale sur la zone Franc à travers son historique, ses mécanismes de fonctionnement et le contexte de l'entrée en vigueur de l'Euro. Ensuite, nous présenterons quelques théories économiques visant à expliquer les variations de la balance commerciale.

CHAPITRE I : LES PAYS AFRICAINS DE LA ZONE FRANC ET L'ANCRAGE DU FRANC CFA A L'EURO

La zone Franc est véritablement institutionnalisée en Septembre 1939, date à laquelle la France adopte le contrôle de change qu'elle généralisera quelques mois plus tard aux territoires d'outre-mer (décrets d'Août et Septembre 1939 pour le territoire métropolitain et décret de Février 1940 concernant l'extension du contrôle de change à l'outre-mer).

En Afrique sub-saharienne, la zone Franc est constituée de deux espaces d'intégration sous régionales et des Comores. Les deux espaces sont : la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) et l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). La zone Franc africaine est un ensemble géographique de quinze pays ayant le Franc CFA comme monnaie commune, exception faite des Comores qui utilisent le Franc comorien.

La carte suivante est une représentation de la zone Franc africaine sous sa forme actuelle :

Graphique 1. Zone franc africaine

Source :www.icicemac.com

Du point de vue monétaire, le fonctionnement de chacune de ces trois zones économiques s'appuie sur des institutions spécifiquement organisées. Parmi celles-ci, figurent en bonne place les instituts d'émission dont la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) pour la CEMAC, la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et la Banque Centrale des Comores. Ces instituts d'émission sont liés par le mécanisme des comptes d'opération à la France qui assure la garantie internationale du Franc CFA.

Ce chapitre présente les différents accords qui régissent la coopération au sein de la zone ; il donne un aperçu de l'entrée en vigueur de l'Euro et de la place du Cameroun au sein de la zone.

I- LES DIFFÉRENTS ACCORDS DE COOPÉRATION AU SEIN DE LA ZONE FRANC

I.1 Naissance et parité du Franc CFA

Le cheminement historique de la zone Franc a été marqué par la naissance de deux types d'unités monétaires : le Franc CFA avec pour signification le Franc des Colonies Françaises d'Afrique et le Franc CFP ou Franc des Colonies Françaises du Pacifique.

C'est plus précisément le 26 Décembre 1945 que le Franc CFA naît. En même temps, la France signe les accords de Bretton woods relatifs au système de l'étalon-or et procède de ce fait à la première déclaration de parité de sa monnaie au Fonds Monétaire International. Cette déclaration de parité dévalue le Franc de deux façons différentes : la dévaluation est plus prononcée en métropole car pendant la guerre, la hausse des prix avait été plus importante en France métropolitaine que dans le reste des colonies.

Ainsi, en Décembre 1945, le Franc français se définit par rapport au Dollar selon la parité :

1 $ =119,50 FF.

La parité entre le Franc CFA et le Franc français a été marquée par quatre dates :

- le 26 Décembre 1945, pour des raisons déjà évoquées relatives à une poussée inflationniste plus prononcée en métropole plus que dans les colonies :

1 Franc CFA = 1,70 Franc français ;

- le 17 Octobre 1948, le Franc français est à nouveau dévalué et l'on note :

1 Franc CFA = 2,00 Francs français ;

Cette dévaluation s'accompagne d'une distinction entre le CFA d'Afrique Centrale qui devient le Franc de la Coopération financière en Afrique Centrale et le CFA d'Afrique de l'Ouest qui devient le Franc de la Communauté Financière d'Afrique de l'Ouest ;

- en 1958, un nouveau Franc français est instauré. C'était l'introduction du Franc lourd qui donné:

1 Franc CFA = 0,02 Franc français ;

- le 12 Janvier 1994, officiellement pour aider les pays membres de la zone Franc Afrique à résoudre les problèmes économiques liés à leurs balances de paiement en accroissant leur compétitivité internationale tout en essayant de diminuer la valeur des importations, le Franc CFA est dévalué de 50% vis-à-vis du Franc français et la nouvelle parité est fixée à :

1 Franc CFA = 0,01 Franc français.

Notre étude portera sur le Cameroun qui est membre de la CEMAC.A ce titre, il a aussi été influencé par les mutations sus-évoquées. Il est donc nécessaire d'étudier le fonctionnement institutionnel du bloc d'appartenance du Cameroun (CEMAC) au sein de la zone Franc.

I.2 Institutions de la zone Franc africaine : le cas de la CEMAC

Dans la CEMAC, les institutions monétaires sont telles que la participation des Chefs d'Etat dans l'adoption des politiques monétaires se fait indirectement par les ministres des finances de chaque Etat. La France y est aussi représentée dans certaines instances de prise de décision.

Le fonctionnement institutionnel de la CEMAC (en terme monétaire) peut être schématisé ainsi qu'il suit :

Graphique 2. Institutions de la zone CEMAC

UNION MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE (UMAC)

BANQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE CENTRALE

Conseil d'administration

(13 administrateurs dont 3 Français, 4 Camerounais, 2 Gabonais, 1 Centrafricain, 1 Congolais, 1 Guinéen, et 1 Tchadien).

Gouverneur (nommé à l'unanimité du conseil d'administration sur proposition gabonaise).

Vice gouverneur (nommé à l'unanimité du conseil d'administration sur proposition congolaise

Secrétaire général (nommé à l'unanimité sur proposition tchadienne).

6 Directions nationales.

6 comités monétaires nationaux (les administrateurs + 3 personnalités nommées par le gouvernement).

8 directions centrales, administration générale, crédit, études et documentation, analyse monétaire, inspection, opérations et relations financières extérieures, comptabilité et contrôle des banques.

Collège des censeurs

(3 censeurs dont 1 Camerounais, 1 Gabonais et 1 Français chargés de contrôler les comptes de la BEAC, la régularité ses opérations et l'exécution du budget)

Comité monétaire mixte

(Ministres des finances des 6 pays africains et de la France)

Comité monétaire

(Ministres des Finances des 6 pays africains)

Agences

Gouvernement de la BEAC

I.3 Mécanismes de fonctionnement de la zone Franc africaine

Ces mécanismes concernent les comptes d'opération, la convertibilité externe des monnaies et la politique monétaire.

I.3.1 Les comptes d'opération

Chacun des instituts d'émission possède un compte courant auprès du trésor public français : ce sont les comptes d'opérations qui ont certaines règles de fonctionnement :

- Chaque Banque centrale verse au crédit de son compte au moins 65% des avoirs extérieurs officiels des pays membres. En contrepartie, la France assure la garantie internationale du Franc CFA en lui accordant une convertibilité libre et sans limite. Le trésor français fournit ainsi, à parité fixe, les Euros nécessaires aux paiements internationaux.

- Des mesures ont été prises pour mettre les comptes d'opération à l'abri des déficits. En effet, ils peuvent en théorie devenir débiteurs si les montants sont illimités par exemple. Pour en arriver là, les Banques centrales doivent d'abord utiliser toutes les autres ressources issues des avoirs extérieurs tels le rapatriement des devises détenues par les différentes banques nationales. Des clauses statutaires ont même été prises à cet effet tant par la BEAC que par la BCEAO.

- Quand bien même les comptes d'opération seraient déficitaires - comme ce fut le cas pour l'UEMOA de 1980 jusqu'au milieu des années 90 et pour la CEMAC de 1987 jusqu'au milieu des années 90 également - la garantie de convertibilité de la France se mettrait alors en marche. Ce dernier aspect permet de mettre les économies de la zone Franc à l'abri des ruptures d'approvisionnement en devises qui sont susceptibles de bloquer les importations des biens et services par suite d'un manque de devises étrangères comme cela s'est fait observer dans certains pays hors zone.

I.3.2 Convertibilité externe des monnaies

De façon pratique, les monnaies de la zone sont convertibles en devises étrangères par l'intermédiaire du marché de change de Paris. Les opérations de change y relatives reposent sur la parité fixe entre le Franc CFA et l'Euro. Ainsi, tout détenteur de franc CFA peut avoir la quantité de devises étrangères équivalente sans que les problèmes liés à son taux de convertibilité, à sa garantie internationale ou encore à son acceptation en tant que monnaie se posent. Cependant, il a été observé que la convertibilité entre les Francs CFA de la CEMAC et ceux de la BCEAO a quand même été remise en cause ces dernières années par des décisions spécifiques des deux banques centrales que sont la BEAC et la BCEAO de ne plus racheter leurs billets se retrouvant en dehors de leurs zones d'émission respectives.

I.3.3 La politique monétaire

La politique monétaire est sous- tendue par quatre principes qui sont :

- La discipline monétaire commune : elle constitue un ensemble de règles dont l'objectif est de mettre les Etats membres à l'abri de l'inflation. C'est ainsi que le recours au financement des déficits budgétaires par la planche à billet est soumis à des règles limitant les montants maximaux des décaissements pour l'ensemble des Etats.

- La solidarité monétaire : elle se manifeste, pour chaque zone, à travers l'utilisation d'une monnaie commune qui suppose l'application des mêmes règles relatives à sa circulation et à son émission dans chacun des Etats membres. Ladite solidarité provient aussi de l'harmonisation des réglementations en matière de distribution des crédits (même taux d'escompte de la Banque Centrale), de l'application des mêmes règles issues des mêmes organes centraux de prise de décision (comité monétaire pour la BEAC par exemple), de la mise en commun des avoirs extérieurs et du libre transfert des ressources qui devrait s'effectuer entre les pays de la zone.

- Le caractère individuel des Etats : Il se matérialise par le fait que chaque Etat membre est doté d'une personnalité monétaire internationale dans la mesure où il adhère individuellement au FMI. De plus, les différentes Banques centrales enregistrent de manière distincte les opérations concernant chaque Etat de leur zone d'émission. Enfin, des comités monétaires nationaux ont été mis en place dans le souci de mettre les politiques initiées par chacune des Banques centrales et les réalités économiques de chaque Etat membre en parfaite adéquation.

- Le rôle de la France dans le mécanisme monétaire : la France, en tant que garante des monnaies des pays membres, participe à la définition des règles de gestion monétaire. Elle s'assure aussi que les règles qui ont été édictées par tous sont respectées et que la création monétaire dans les deux zones ne comporte pas de danger. Pour ce faire, la France dispose d'un droit de veto pour certaines décisions relatives à la modification des statuts des Banques centrales et à la non application des mesures pourtant contenues dans les statuts et devant prendre effet en certaines circonstances.

Les institutions de la zone Franc ainsi que ses mécanismes de fonctionnement ont le mérite de s'adapter à la plupart des chocs qui ébranlent l'ensemble des pays membres (changements de parité entre les monnaies, entrées ou sorties de membres). Les textes organisationnels ont jusqu'ici constitué un cadre de référence donnant les lignes de conduite à suivre face à des situations nouvelles ou récurrentes. Mais, la zone Franc avait-elle aussi bien préparée le rattachement de sa monnaie à l'Euro?

II. La zone Franc africaine et l'entrée en vigueur de l'Euro

II.1 Contexte de l'entrée en vigueur de l'Euro

L'entrée en vigueur de l'Euro s'est caractérisée par des inquiétudes et des débats sur l'avenir du Franc CFA. En effet, l'introduction de la nouvelle monnaie unique européenne était synonyme de disparition à court terme du Franc français sur lequel repose le fondement des relations entre la France et ses autres partenaires de la zone Franc d'une part ; et les taux de change entre le Franc CFA et les autres devises extérieures d'autre part.

Les débats qui ont précédé l'arrimage du CFA à l'Euro étaient controversés, opposant les économistes favorables et ceux hostiles à cet ancrage. En effet, tous les deux camps s'employaient à démontrer la pertinence de leurs idées. Les propositions allaient du maintien de la zone à son éclatement sensé redonner la souveraineté monétaire aux pays membres. D'autres parties prenantes étaient pour une modification des mécanismes de fonctionnement de celle-ci.

Le maintien de la zone ou statu quo

Beaucoup d'arguments favorables au statu quo ont été développés :

- un bilan de la zone qui a révélé qu'elle se portait bien car les comptes d'opération s'étaient fortement améliorés, la fuite des capitaux s'était atténuée et la plupart des banques avaient renoué avec la liquidité2(*) ;

- avec l'élimination des coûts de transaction entre les monnaies, l'économie des devises pour les transactions régionales, la coordination des politiques économiques, l'existence d'une discipline monétaire limitant l'inflation et la crédibilité vis-à-vis de l'extérieur, les zones monétaires refaisaient surface (zone Euro par exemple)3(*) ;

- une ouverture accrue des marchés européens consécutive à un gain de stabilité dans la gestion des transactions commerciales internationales en raison de la limitation du risque de change ;

- un pouvoir d'achat international rehaussé et soutenu par un Euro fort. Celui-ci permettrait de rendre les importations dans les pays hors zone Euro moins coûteuses surtout si celles-ci sont financées par les devises provenant des ventes d'exportation dans la zone Euro.

L'éclatement de la zone

Un autre argumentaire était cependant défavorable au statu quo et préconisait plutôt l'éclatement de la zone pour plusieurs raisons dont certaines étaient :

- Le développement de l'esprit de facilité, peu compatible avec celui qu'exige un véritable développement4(*) ;

- Les avantages potentiels de la zone se sont souvent transformés en inconvénients : par exemple, la fixité de change avait conduit à une perte de compétitivité significative depuis 1986. Aussi, la liberté des transferts a favorisé la fuite des capitaux qui s'est accentuée par anticipation de la dévaluation5(*) ;

- Le statu quo ne réglera pas à terme les problèmes ayant conduit à la dévaluation comme l'appréciation du CFA vis-à-vis des autres monnaies non européennes notamment le Dollar ; la déconnexion de la monnaie des conditions réelles de l'économie6(*) ;

- La domination et l'extraversion des économies membres, du fait que la France exerce un haut degré de contrôle sur ces économies7(*).

A coté des débats qui ont surtout été animés par les économistes, un sentiment d'inquiétude régnait plutôt chez les décideurs politiques dont la quasi-totalité avaient déjà divulgué leur position officielle. Cela a permis non seulement de constater leur passivité face à la situation, mais aussi de constater qu'ils étaient favorables au statu quo. Dès lors, leur préoccupation résidait surtout sur la position de la France et de ses partenaires européens quant à leur engagement ou non de pérenniser la zone Franc et la monnaie CFA. Très tôt, leurs inquiétudes ont été dissipées car depuis 1992, la France ne cessait de répéter qu'il y a une compatibilité entre les mécanismes de fonctionnement de la zone Franc et l'organisation monétaire de l'Union européenne.

II.2 Reconnaissance juridique de la zone franc

Le centre d'intérêt ici est la problématique de la légitimité (vis à vis des accords de l'Union européenne) des relations que la France continue d'entretenir avec la zone franc africaine. Ce sont implicitement les questions de la reconnaissance du CFA et de son statut dans les mécanismes de fonctionnement de la zone Euro qui sont abordées.

Après avoir manifesté sa volonté d'assurer la pérennité de la zone Franc, la France, qui appartenait à une nouvelle zone monétaire (zone Euro) devait s'assurer que le rôle de garantie et de surveillance du respect des accords qu'elle comptait continuer à jouer était en conformité avec la réglementation qu'elle avait établie avec ses partenaires européens. Pour ce faire, l'article 109 du traité de Maastricht a servi de cadre de référence.

Dans un premier temps, les autorités françaises, rassurant les PAZF affirmaient que : « Rien ne change. La relation entre la France et les pays de la zone Franc ne change pas et continue à être gérée par la France comme avant. La parité sera chiffrée en Euro mais les mécanismes demeurent les mêmes qu'avant8(*) ». En effet, la France avait fondé son argumentaire juridique sur le 5e paragraphe de l'article 109 qui précise que «les Etats membres peuvent négocier et conclure des accords internationaux ou accords de coopération budgétaire ». La France voulait donc faire percevoir les conventions avec les PAZF comme des accords relevant du domaine budgétaire et non monétaire. Cela traduisait que l'ancrage du CFA à l'Euro allait se dérouler sans grande implication des institutions de l'Union Européenne.

Par la suite, à la demande de la Commission européenne et d'autres partenaires européens, la France a soumis à l'appréciation de ces derniers les accords de coopération de la zone franc, conformément au 3e paragraphe de l'article 109 qui stipule : « ..., au cas où les accords sur des questions se rapportant au régime monétaire ou de change doivent faire l'objet de négociations entre la Communauté et un ou plusieurs Etats ou organisations internationales, le conseil, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la commission et après consultation de la BCE, décide des arrangements relatifs aux négociations et à la conclusion de ces accords. Ces arrangements doivent assurer que la communauté exprime une position unique.... ». Ainsi, le 6 Juillet 1998, le Conseil des ministres de l'Union Européenne a abouti à un accord relatif à la zone Franc. Cet accord prévoyait que les mécanismes de fonctionnement de la zone restaient inchangés. Mais force est de constater qu'il y a certaines conventions qui ont été modifiées.

II.3 Zone franc et mutations structurelles liées à l'arrimage :

Les transformations engendrées par l'ancrage sont inhérentes à l'introduction de l'Union Européenne comme nouvelle partie prenante. Les rôles ont été redistribués entre les PAZF de la CEMAC et de l'UEMOA, la France et l'Union Européenne ainsi qu'il suit :

Ø A travers le Conseil des ministres, la Commission et la BCE, l'Union Européenne a « compétence totale ou pouvoirs les plus étendus sur la gestion des accords et en particulier tout changement sur la portée et la nature de ceux-ci. Les décisions sont prises par le Conseil sur recommandation de la Commission après avis de la BCE 9(*)».

Ø De par le ministère de l'économie et des finances et sa Banque centrale, la France a « responsabilité de mise en oeuvre des accords, avec obligation d'information régulière aux organes de l'U.E. Pouvoirs de négocier et de décider des modifications n'ayant aucune incidence sur la portée et la nature des accords avec obligation d'information préalable10(*) ».

Ø Les Comores, la CEMAC et l'UEMOA : « chacune des Unions (CEMAC et UEMOA) et les Comores disposent des pouvoirs les plus étendus notamment pour toute renégociation des accords qui soient le plus compatibles avec leurs options de développement économique et social11(*) ».

Par conséquent, la substitution du Franc français par l'Euro dans les accords cambiaires, la pérennisation de la zone avec information permanente de l'UE, la compétence reconnue de cette dernière dans la modification des accords de fonctionnement constituent, de façon globale, les principaux changements qui ont affecté la zone franc africaine suite à l'avènement l'Euro.

II.4 Rattachement technique du Franc CFA à l'Euro

Il s'agit de présenter la façon dont le taux de change du Franc CFA par rapport à l'Euro a été fixé lors du processus d'arrimage.

La détermination s'est faite par l'intermédiaire du Franc français. L'Euro ayant cours légal dès le 1er Janvier 1999 dans les pays membres de la zone, le taux de change nominal du Franc français (par rapport à la nouvelle monnaie unique) qui a été retenu est celui donnée par les marchés de change le 31 Décembre 1998. Il était de 1 Euro = 6,55597 Franc français. C'est de cette parité qu'a été déduite mécaniquement celle du Franc CFA relativement à l'Euro.

En effet, connaissant la parité fixe entre le CFA et le Franc français, la parité Euro/ Franc CFA a été obtenue arithmétiquement comme suit :

1 Euro = 6,55957 Francs français

et 1 Euro = 6,55957 * 100 Francs CFA

1 Franc français = 100 Franc CFA = 655,957 Francs CFA.

Le Cameroun étant le pays sur lequel va se porter notre étude, il est important d'en donner une idée générale afin de mieux cerner sa place dans la zone Franc et d'analyser ensuite l'impact que l'ancrage du Franc CFA a eu sur son économie.

III. Le Cameroun dans la zone Franc

III.1 Quelques généralités sur le Cameroun

Le Cameroun est un pays situé en Afrique centrale avec 475 442 km2 de superficie. En 2004, le rapport annuel des pays de la zone franc estimait sa population, formée de 150 ethnies environ, à un peu plus de 16 millions d'habitants. Cette population est presque équitablement répartie entre les villes et les campagnes, car la part de la population urbaine est de 50,6%. Les principales villes sont Yaoundé la capitale politique, Douala la capitale économique, Bafoussam, Garoua, Maroua.

D'un point de vue économique, en 2005, le PIB aux coûts des facteurs était de 8239,2 milliards de francs CFA avec la répartition suivante : 50,1% pour le secteur tertiaire, 29,7% pour le secteur secondaire et 20,2% pour le secteur primaire. Ce dernier occupe encore près de la moitié de la population active. La même année, le PIB par tête était de 984 USD soit environ 527 425 Francs CFA.

Pour ce qui est des indicateurs sociaux, le rapport mondial sur le développement humain 2005 faisait état de 45,8 ans d'espérance de vie à la naissance, 9,5% de taux de mortalité infantile et près de 70% de taux d'alphabétisation des adultes. La population en deçà du seuil de pauvreté, c'est-à-dire vivant avec moins d'un dollar par jour, était de 17,1% et 55 USD soit environ 29 480 Francs CFA représentaient le niveau de l'aide publique au développement. Sur les 177 pays classés, il occupait le 148e rang pour l'indicateur de développement humain.

Enfin, le Cameroun a conclu des accords internationaux relevant des domaines économique, politique et culturel. C'est ainsi qu'il est membre de l'Organisation Intergouvernementale de la Francophonie, du Commonwealth, de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC), de la CEMAC et de la BEAC.

III.2 Place du Cameroun dans la zone Franc

Le Cameroun est un pays de la zone Franc dont le bloc d'appartenance est la Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC). Le pays y joue un rôle démographique, économique et institutionnel de premier plan.

Graphique 3 : Poids démographique du Cameroun dans la CEMAC

En 2005, la population du Cameroun représentait 49% de toute la population de la zone.

Source : www.izf.net

Graphique 4 : Poids économique du Cameroun dans la CEMAC

E En 2005, le pays détenait à lui seul 40% de tout le PIB de toute la sous région, suivi en cela par le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Tchad, le Congo et la Centrafrique.

.

Source : www.izf.net

Graphique 5 : Place du Cameroun dans la répartition de la masse monétaire dans la CEMAC

oute la sous-région.

Du point de vue monétaire, l'importance du Cameroun dans la CEMAC n'est pas tout aussi négligeable. Le pays représentait 39% de toute la masse monétaire en circulation dans la sous-région.

Source : www.izf.net

Dans le cadre institutionnel, le Cameroun abrite le siège de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC), celui de la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC) et d'autres institutions spécialisées comme l'Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée, l'Organisation pour la Coordination de la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale (OCEAC), etc.

Après ces présentations générales de la zone Franc et du contexte de l'arrimage, appesantissons nous sur les théories qui abordent explicitement ou tacitement les conséquences auxquelles on devrait s'attendre.

CHAPITRE II : PRESENTATION DES THEORIES ET MODELES ECONOMIQUES

Ce chapitre a une double importance. Il présente les théories et modèles économiques en rapport avec les échanges commerciaux d'un pays. Ces théories nous permettront également de nous rendre compte non seulement de l'intensité d'influence que chacune des variables des modèles pourrait exercer sur le commerce extérieur, mais aussi des effets que l'arrimage d'une monnaie sur une autre entraînerait sur ces mêmes variables.

Aussi, la plupart des raisonnements et résultats expérimentaux des chapitres ultérieurs seront la mise en pratique des concepts ici présentés. On les appliquera tels que conçus par leurs auteurs ou alors après reformulation pour les rendre plus adaptés au cas spécifique qui est le notre.

Cinq approches théoriques sur le solde commercial auront retenu notre attention. Il s'agit notamment de :

- l'approche revenu du commerce extérieur à travers la théorie du multiplicateur du commerce extérieur ;

- l'approche prix au travers du taux de change, c'est-à-dire la théorie des élasticités de Johan Robinson ;

- la théorie de l'absorption qui est une synthèse des approches prix et revenu ;

- le modèle de Mundell-Fleming ;

Les modèles économiques présentés par la suite émanent du livre « Economie internationale » de Mucchielli (pp 116 à 136) dont les références sont en bibliographie.

I - La théorie du multiplicateur du commerce extérieur

C'est la théorie keynésienne du commerce extérieur ou approche revenu. Elle a fait son apparition pendant la période 1938-1941. Cette période a coïncidé avec la prise en compte nouvelle du commerce extérieur et donc des conséquences qu'il allait entraîner sur le multiplicateur jusque là habituel (1/s). « En effet, si les importations sont fonction du revenu national, il s'en suit que la propension marginale à importer doit apparaître dans le multiplicateur, qui devient, de ce fait, différent de celui d'une économie fermée » (Mucchielli, 1990).

Avant de présenter le multiplicateur proprement dit, examinons d'abord les relations du modèle de base ayant conduit à sa détermination.

I.1 Relations du modèle :

Les variables et relations du modèle sont les suivantes :

Ø La consommation : C = cY + C0 avec c = propension marginale à consommer et 0<c<1 ; C0 = consommation incompressible.

Ø L'investissement : I = I est une variable exogène ;

Ø Les importations : M = mY + M0 avec m = propension marginale à importer avec 0<m<1 et M0 = importation autonome ;

Ø Les exportations : X = X qui sont une variable exogène ;

Ø La balance commerciale : B = X - M ;

Ø Le revenu national Y ;

Ø L'épargne : S = Y - C ;

Ø La relation de l'équilibre global (ressources et emplois) du modèle s'écrit :

Y + M = C + I + X (1)

Ou Y - C - I = X - M (2)

D'où S - I = X - M = B. (3)

L'équation (3) montre qu'en économie ouverte, le solde commercial s'assimile à l'écart entre l'épargne domestique et l'investissement. Par conséquent, selon cette théorie, si l'on est dans un pays donné, pour que la balance commerciale soit excédentaire, il faut et il suffit que l'épargne soit plus élevée que l'investissement. Si ce n'est pas le cas, le solde commercial sera déficitaire.

I.2 Le multiplicateur du commerce extérieur

Supposons que l'investissement (qui est autonome ici) s'accroisse. Cet accroissement, au vu de l'équation (2), va induire, toute chose étant égale par ailleurs, une augmentation du

revenu plus ou moins proportionnel à l'accroissement ?I de l'investissement. C'est cette proportion qui équivaut au multiplicateur en économie ouverte.

Cela se traduit dans les équations par :

(2) Y - C - I = X - M.

En remplaçant chaque variable qui peut l'être par sa valeur, la relation (2) devient :

Y - (cY + C0) - I = X - (mY + M0)

Y(1- c + m) = X + I + C0 - M0.

On en déduit :

Or, (1- c) = s = propension marginale à épargner.

D'où

Pour trouver la variation du revenu induite par la variation de l'investissement, différencions ainsi qu'il suit :

Le multiplicateur en économie ouverte est donc :

La variation de la balance commerciale qu'implique la variation du revenu est :

Comme X et M0 sont autonomes, alors .

Ainsi,

Donc :

 . Or

On conclut qu'en économie ouverte, une augmentation du revenu consécutive à un accroissement de l'investissement entraîne une détérioration de la balance commerciale d'une proportion de de la variation de cet investissement.

Il serait insuffisant que, dans des analyses relatives aux variations du solde commercial, nous omettions le facteur prix à travers le taux de change. C'est l'intérêt de la théorie des élasticités dont le développement est subséquent.

II- La théorie des élasticités

Avant la théorie des élasticités, c'était seulement l'évolution des variables non financières (biens et services) qui comptait pour expliquer les variations du solde commercial. Par la suite, il a été nécessaire d'introduire la variable prix dont l'une des manifestations s'opérait à travers le taux de change. C'est alors qu'est apparue la théorie des élasticités qui a été développée par Johan Robinson (1937).

Cette approche tente de trouver les conditions pour lesquelles une modification du taux de change peut affecter la balance des paiements et par ricochet la balance commerciale.

Avant de traiter de ces conditions, présentons d'abord le modèle de base préalable.

II.1 Hypothèses et modèle des élasticités critiques

II.1.1 Hypothèses du modèle:

Le modèle des élasticités comporte quatre hypothèses fondamentales :

- Seules, les élasticités de la demande des produits par rapport au prix sont prises en compte.

- La balance commerciale est supposée être en équilibre avant que l'on ne procède à un ajustement quelconque du taux de change ;

- L'on ne tient pas en considération les effets monétaires de la variation du taux de change.

- Les élasticités des offres d'exportation, d'importation, des biens étrangers concurrençant les produits nationaux, des biens nationaux concurrençant les produits étrangers, sont par hypothèse infinies. Cela signifie que si l'on prend par exemple les prix des importations des biens étrangers concurrencés par les produits nationaux, ces derniers ne changent pas en dépit d'une baisse de la demande du pays de référence ; de même, les prix à l'exportation des biens nationaux restent identiques malgré une augmentation de la demande étrangère.

II.1.2 Le théorème des élasticités critiques

Dans la théorie des élasticités, la balance commerciale est représentée par :

B = X - e M

Où X = exportations en monnaie nationale ;

M = importations en monnaie étrangère ;

e = taux de change c'est-à-dire nombre d'unités de monnaie nationale que vaut une unité de monnaie étrangère ;

e M = importations converties en monnaie nationale.

En différenciant la balance commerciale par le taux de change, l'on obtient :

(4)

Comme une hypothèse de départ stipule que la balance commerciale est en équilibre avant l'ajustement du taux de change, on peut écrire . Alors l'équation (4) devient :

(5)

De cette équation, l'on déduit les élasticités de la demande par rapport au prix qui sont de deux ordres :

Ø L'élasticité de la demande d'exportations, notée (Ex) est telle que :

Ex =

On constate que Ex est positive si la dépréciation de la monnaie domestique (c'est-à-dire de>0) vis-à-vis des devises étrangères implique une amélioration des exportations (c'est-à-dire dX>0).

En effet, s'il y a dépréciation ou dévaluation de la monnaie nationale, alors > 0 et comme Ex =., alors Ex>0 si et seulement si >0.

Ø L'élasticité prix de la demande d'importations notée Em est donnée par :

Em =

Em est positive si la dépréciation de la monnaie entraîne une baisse des importations c'est-à-dire si dM<0.

En effet, par analogie au cas précédent, s'il y a dépréciation ou dévaluation de la monnaie nationale, alors > 0 et donc comme Em = - . alors Em > 0 si et seulement si - > 0 et donc < 0.

En revenant à la balance commerciale (B), celle-ci selon l'une des hypothèses du modèle, est équilibrée avant un ajustement de la monnaie nationale. En remplaçant les élasticités par leur notation dans l'équation (5), l'on obtient la relation :

0 si , c'est-à-dire Ex + Em >1 .

Cas où l'équilibre initial n'est pas réalisé

Si l'équilibre initial n'est pas réalisé, alors on reprend l'équation (4) obtenue avant l'hypothèse d'équilibre :

(4)

(6)

D'où si l'équilibre n'est pas initialement réalisé, alors si , c'est-à-dire .

Enoncé du résultat général

Pour que les variations du taux de change aient des conséquences sur la balance commerciale si cette dernière était initialement en équilibre, il faut que la somme des élasticités critiques à l'exportation et à l'importation soit supérieure à 1 : c'est le théorème des élasticités critiques ou condition de Marshall-Lerner.

Si la balance commerciale n'est pas en équilibre avant l'ajustement du taux de change, alors la balance commerciale s'améliore suite à une dévaluation ou une dépréciation du taux de change si la somme des élasticités prix à l'exportation et à l'importation est supérieure à 1 avec une élasticité à l'exportation pondérée par le rapport des exportations sur les importations en monnaie nationale ().

Ces conclusions peuvent se généraliser dans tous les cas où il y a modification du taux de change, c'est-à-dire qu'il y ait dépréciation (resp. dévaluation) ou appréciation (resp. réévaluation) d'une devise.

Ainsi, dans le cas d'une appréciation ou d'une réévaluation d'une monnaie, la balance commerciale ne sera sensiblement modifiée que si les conditions de Marshall-Lerner sont respectées, tant pour un équilibre initial supposé que pour un déséquilibre initial constaté. Si ces conditions sont vérifiées, une appréciation de la monnaie nationale est susceptible d'affecter le solde commercial ainsi qu'il suit :

Ø Une appréciation du taux de change de la monnaie nationale impliquera une hausse du prix en devise étrangère des exportations, ce qui est susceptible de décourager ces dernières et d'avoir un impact négatif sur le solde commercial.

Ø Par contre, l'appréciation du taux de change de la monnaie nationale rendra les devises étrangères moins chères et par ricochet les prix des biens importés. Cela peut encourager les importations et détériorer ainsi le solde commercial.

«La surévaluation de la monnaie est en effet une subvention à la consommation de produits importés et un impôt sur la production nationale ».12(*)

II.1.3 Les limites du théorème des élasticités critiques

Quelques limites découlent des hypothèses de départ.

Ø Les élasticités des différentes offres peuvent ne pas être infinies. Dans le contexte d'une dévaluation ou d'une dépréciation, c'est en particulier très souvent le cas où l'augmentation de la demande étrangère des produits domestiques se traduit par un accroissement des prix nationaux. Cette hausse des prix peut, à son tour compenser la baisse du taux de change pour laisser les prix en devises étrangères inchangés.

Ø De même, les conditions de Marshall-Lerner sont tributaires du fait que la balance commerciale est supposée en équilibre initialement c'est-à-dire avant tout ajustement du taux de change. Cela est rarement le cas dans la quasi-totalité des pays du monde.

Ø Le modèle se fonde exclusivement sur les élasticités de la demande des produits par rapport aux prix. Il omet ainsi le facteur qualité dont dépend aussi la demande de produits. En effet, la demande est également fonction du label, du respect des normes de qualité, de l'accès aux circuits internationaux et donc du marketing international, de la réputation, etc.

Ø La courbe en J : il est à noter que lorsque les conditions de Marshall-Lerner sont vérifiées, le retour à l'équilibre de la balance commerciale n'est pas toujours immédiat. Il existe un décalage entre le moment où une dévaluation est effectuée et celui où la balance commerciale s'améliore. En effet, une dévaluation est bénéfique pour la prime d'exportation positive (renchérissement de la monnaie nationale en monnaie étrangère) qu'elle engendre, les gains des parts de marchés attendus et pour les importations qu'elle est supposée amoindrir. Or, certains de ces effets, à cause de certaines rigidités, peuvent mettre un certain temps avant de se modifier dans le sens attendu.

Cela peut par exemple s'expliquer par le fait que les gains de parts de marchés peuvent ne pas être immédiats à cause des habitudes d'achat chez les importateurs qui ont leurs fournisseurs traditionnels, des problèmes de normes chez les pays dévaluateurs qui, n'ayant pas toujours des produits de qualité prisée peuvent engager des réformes y relatives pouvant prendre un certain temps. Parallèlement, les importations en valeur peuvent connaître une augmentation immédiate due à la baisse de la valeur de la monnaie nationale.

Par conséquent, dans un premier temps, une dévaluation peut se caractériser par une relative constance ou une baisse des exportations, celle-ci étant combinée par un accroissement des importations en valeur. La mise en commun de ces deux phénomènes aboutit à une dégradation de la balance commerciale au lendemain d'une dévaluation. Si les conditions de Marshall-Lerner sont vérifiées, cette dégradation est remplacée par une amélioration après que les mécanismes liés au solde commercial aient eu le temps de s'ajuster au changement de parité. La balance commerciale décrit ainsi une courbe qui décroît dans un premier temps avant de s'accroître : d'où le nom de la courbe en J.

Ayant déjà traité des approches « revenu » et prix du solde commercial de façon distincte, il serait intéressant de faire une synthèse des deux approches à travers la théorie de l'absorption.

III. LA THÉORIE DE L'ABSORPTION

Comme dit précédemment, la théorie de l'absorption est une synthèse des approches « revenu » et « prix » de la balance commerciale. En effet, avant qu'Alexander13(*) ne la développe en 1958, les deux approches étaient appliquées de façon distincte pour le même objectif d'ajustement du solde commercial.

III.1 Modèle de la théorie de l'absorption

Dans la théorie d'absorption, les variables sont :

Ø X : exportations;

Ø M : importations;

Ø Y : revenu national ou production totale de biens ;

Ø B : balance commerciale et B = X - M ;

Ø A : absorption domestique.

Dans une économie où le marché des biens est en équilibre, la production des biens non exportés est égale à l'utilisation des biens non importés.

Cela se traduit par :

B = (exportations + production des biens non exportés) - (importations + utilisation des biens non importés).

Or, (exportations + production des biens non exportés) = Y = production totale de biens ou revenu national ;

(Importations + utilisation des biens non importés) = quantité totale des produits utilisés dans l'économie = Consommation + Investissement + dépenses gouvernementales = A.

Ainsi, la balance commerciale peut se réécrire sous la forme :

B = Y - A.

Le constat est que selon cette théorie, la balance commerciale peut s'améliorer si le revenu national s'accroît plus rapidement que l'absorption ou si l'absorption diminue plus vite que le revenu.

Du point de vue du prix, une dépréciation de la monnaie nationale entraînerait une demande plus prononcée des produits locaux (les biens importés coûtant plus chers qu'avant la dépréciation) au détriment des produits importés. Cela peut ne pas réduire les dépenses d'absorption qui ne subissent alors qu'une modification d'allocation liée à l'origine domestique ou étrangère des produits achetés.

Par contre l'absorption peut baisser de par une conjoncture interne ayant affecté les prix comme l'inflation par exemple. En effet, s'il y a inflation, le pouvoir d'achat des consommateurs va être érodé pour baisser leur capacité d'absorption.

III.2 L'absorption : synthèse des théories du multiplicateur du commerce extérieur et des élasticités

Dans cette approche, les équations du modèle sont données conformément à la remarque selon laquelle le revenu est la somme des exportations et des biens non exportés.

Y = E(Y) + B (Y, e) avec E(y) étant l'absorption.

et

B = X(e) - e.M (e, Y)

Selon Mucchielli, les répercutions d'une variation du taux de change sur le revenu ou sur le solde commercial sont déterminées par les formules :

.

Sous l'hypothèse d'équilibre initial,

D'où (7)

Pour la balance commerciale, l'on obtient :

(8)

Les équations (7) et (8) amènent à conclure que :

Ø Si le théorème des élasticités critiques est vérifié, la différenciation montre qu'une dépréciation de la monnaie domestique se traduit par une amélioration du solde commercial, car les termes du produit qui constituent sa variation sont tous non négatifs ;

Ø Dans le cas d'une dépréciation, en ajoutant l'effet revenu sur l'effet prix,, l'amélioration du solde commercial s'atténue par rapport à l'amélioration constatée quand les prix seuls étaient pris en compte. Cela s'explique par la démonstration suivante :

s < 1 < .

En incluant l'effet revenu, la dévaluation s'accompagne d'une demande accrue des produits domestiques au détriment des produits étrangers. Ce nouvel intérêt accordé aux biens domestiques va augmenter le revenu national, ce qui est susceptible d'accroître à nouveau les importations. Ce nouvel accroissement des importations va donc atténuer l'amélioration initiale de la balance commerciale par l'intermédiaire du multiplicateur (s.).

A ce stade de la présentation, aucun des modèles économiques ne s'attarde de façon spécifique sur les déterminants des exportations et des importations qui sont pourtant les deux éléments constitutifs de la balance commerciale. Le modèle de Mundell-Fleming qui suit va s'attarder sur ce sujet.

IV. Le modèle de Mundell-Fleming : les déterminants des exportations et des importations.

C'est un modèle qui a été conçu en 1962 par Mundell avec pour objectif de faire des analyses sur la façon dont l'équilibre extérieur et celui sur le marché du travail peuvent tous deux être atteints en utilisant des politiques économique et monétaire adéquates. Dans ce cas de figure, l'équilibre externe cesse de ne considérer que la balance commerciale, mais il combine cette dernière avec la balance des capitaux.

Pour les besoins de notre étude, du modèle de Mundell-Fleming, nous n'utiliserons que la partie consacrée au solde commercial, notamment en ce qui concerne les déterminants des exportations et des importations.

Ø Les déterminants des exportations (X) d'un pays sont :

- Le niveau d'activité du reste du monde (RDM) qui peut être illustré par le produit intérieur brut du RDM noté Y' ;

- Le taux de change effectif réel car les acheteurs étrangers doivent comparer les prix des biens et services achetés à l'étranger aux prix domestiques des mêmes biens et services. Donc, les exportations dépendent aussi du rapport des prix internes et externes et par conséquent du taux de change effectif réel noté TCER. Aussi, plus les prix internes augmentent, plus la demande en produits domestiques de l'étranger peut diminuer. Sous un autre aspect, si le TCEN augmente, le TCER peut aussi croître et ralentir la demande étrangère, car il faut débourser plus d'unités monétaires étrangères pour une unité de monnaie nationale.

En conclusion, les exportations sont une fonction décroissante du TCER.

Ainsi, on peut écrire : X = X ( Y', TCER) avec TCER = e.P/ P'. P et P' représentent

respectivement le niveau des prix domestiques et des prix étrangers ; e est le taux de

change au certain c'est-à-dire le nombre d'unités monétaires étrangères pour une unité de monnaie nationale.

Ø Les déterminants des importations (M) d'un pays sont :

- Le niveau d'activité domestique représenté par le PIB domestique et noté Y. En effet, plus le niveau d'activité domestique est élevé, plus l'économie a besoin d'importer pour faire face à l'accroissement de la demande interne. Le niveau d'activité interne est par conséquent corrélé positivement aux importations.

- Le TCER : en effet, plus les prix à l'extérieur augmentent relativement aux prix intérieurs, plus le TCER diminue et la demande d'importation aussi. Les importations sont donc une fonction croissante du TCER.

On peut donc écrire : M = M(Y, TCER).

Ø La balance commerciale est donnée par : B = ( e.P).X - P M.

Avec dB/de >0 dans le cas d'une dépréciation (e diminue et est au certain) ou alors dB/de <0 pour une appréciation (e augmente). Ces deux dernières relations impliquent que les conditions de Marshall-Lerner soient vérifiées.

Les connaissances générales sur la zone Franc étant données ainsi que les différentes approches théoriques relatives à notre étude, il serait intéressant d'appliquer ces connaissances au cas du Cameroun à travers le cadre pratique de ce travail.

IIe PARTIE

CONSEQUENCES DE L'ARRIMAGE EURO-FRANC CFA

Il s'agira d'opérer des choix parmi les théories économiques présentées précédemment afin de les appliquer au cas du Cameroun. L'utilisation d'une théorie plutôt que d'une autre est fonction du contexte de l'économie camerounaise et des objectifs poursuivis. Cette partie a pour finalité de dégager l'impact de l'arrimage du CFA à l'Euro sur la balance commerciale du Cameroun moyennant la première partie.

Pour y parvenir, les caractéristiques du commerce extérieur du pays d'étude seront présentées avant de s'appesantir sur les conséquences de l'arrimage proprement dites.

CHAPITRE III : LE COMMERCE EXTERIEUR DU CAMEROUN ET LES DETERMINANTS DU SOLDE COMMERCIAL.

Le troisième chapitre a pour but de donner une idée générale sur le commerce extérieur du Cameroun par la présentation des paramètres qui le constituent. Il sera notamment question de présenter les principaux produits commerciaux, l'évolution de leurs cours sur les marchés internationaux et l'orientation géographique des échanges.

A travers la conception d'un modèle économétrique, nous déterminerons de façon explicite les facteurs explicatifs du solde commercial, ainsi que le degré d'influence que la variabilité de chacun de ces facteurs exerce sur ce dernier (le solde commercial).

Il ne s'agit donc pas encore de faire une étude comparative entre les périodes anté et post-arrimage .Cette partie sera abordée plus tard.

Mais, notons déjà que tous les tableaux et graphiques présents par la suite sont réalisés par l'auteur avec les données issues de l'Institut National de la Statistique principalement.

I. Les CARACTERISTIQUES DES exportations DU CAMEROUN

I.1 Les principaux produits exportés

Le Cameroun étant un pays dont la structure des exportations est caractérisée par une prédominance des produits primaires, ceux-ci représentent depuis plusieurs années un peu plus de 80% des recettes d'exportations. Le graphique qui suit est une représentation de l'évolution de la structure des exportations entre produits primaires et produits manufacturés.

Graphique 6 : Structure des exportations

Depuis plus d'une décennie, les exportations du Cameroun n'ont quasiment pas changé de structure ; la valeur des exportations des produits du secteur secondaire a rarement dépassé les 15% de la valeur globale. Subséquemment, la balance commerciale est fortement tributaire des chocs externes. Source : INS

Une étude approfondie permet de dégager les principaux produits de vente du cameroun.

Tableau 1 : Principaux produits d'exportation

Année

2004

Libellés

Q (en tonne)

V (en million de FCFA)

Bananes fraîches

279 475

37 388

Café arabica

5 064

5 839

Café robusta

45 624

32 344

Cacao brut en fèves

158 037

113 248

Pâte de cacao

15 216

17 752

Ciment

15 006

1 007

Huiles brutes de pétrole

4 915 003

537 373

Caoutchouc brut

39 457

20 677

Bois brut (grumes)

148 066

13 770

Bois sciés

684 804

176 165

Coton brut

93 821

73 146

Aluminium brut

63 090

45 348

Total des principaux produits d'exportation

6 462 663

1 074 057

Total général des exportations

7 077 630

1 264 257

Source : INS

Ainsi, hormis le ciment et le bois scié qui sont des produits du secteur secondaire, les autres principaux produits (en valeur) sont essentiellement des produits primaires avec en tête les huiles brutes de pétrole.

I.2 Les cours internationaux des produits exportés

Graphique 7: Evolution des cours internationaux des principaux produits exportés.

Les cours des matières premières sont très instables. De 1985 à 1993, la tendance d'évolution était à la baisse. Cela serait le fait l'utilisation par les pays importateurs des produits de substitution fabriqués en laboratoire, d'un excédent d'offre par rapport à la demande, etc. En 1994, les cours des principaux produits de base se sont caractérisés par une montée qui a coïncidé avec la dévaluation du Franc CFA. Source : INS

Graphique 8: Evolution des cours mondiaux du pétrole.

L L Les cours mondiaux du pétrole sont aussi instables, mais moins dispersés que ceux des produits ci-dessus. Ils évoluent en dents de scie.

A contrario des autres produits, l'évolution des prix internationaux du pétrole a plutôt connu une baisse en 1994.

Source : INS

I.3 L'orientation géographique des exportations

Le Cameroun a pour principaux pays-clients l'Espagne, l'Italie, la France, les pays bas, la Belgique, les USA, la Chine, Taiwan, le Gabon, la Guinée équatoriale, et l'Afrique du Sud. Ces pays représentaient à eux seuls dans l'ensemble plus de 81% des exportations du Cameroun en 2003, près de 79% en 2004 et un peu plus de 76% en 2005.

Graphique 9 : Répartition en % des exportations du Cameroun entre ses principaux clients

Source : INS

II- Les importations et les termes de l'échange

II.1 Les produits importés

Les importations du Cameroun sont assez variées et permettent la satisfaction d'un grand nombre de besoins domestiques. La demande vers l'extérieur est principalement constituée des biens d'équipement industriel (machines, appareils mécaniques et électriques, etc.) et agricoles (tracteurs), des demi-produits, de la consommation intermédiaire des entreprises, et de la consommation des ménages.

Graphique 10: Evolution des importations par noyaux d'utilisation.

Au cours des dernières années, on a noté une supériorité en valeur des importations pour la consommation des entreprises. Cela est la preuve de l'importance grandissante des importations industrielles par rapport aux importations pour la consommation des ménages, malgré que ces dernières demeurent tout aussi élevées.

Source : INS

II.2 Les termes de l'échange

Graphique 11: Evolution des termes de l'échange

L'évolution des termes de l'échange (base 1993) du Cameroun a une tendance baissière depuis 1994. Ces termes sont même défavorables depuis 1995. Comme ils sont calculés en divisant l'indice des prix des biens exportés par l'indice des prix des biens importés, le fait qu'ils soient défavorables traduit que les prix des biens exportés augmentent globalement moins vite que les prix des biens importés. Il faut donc dépenser, par rapport à l'année de base (1993), plus de

Source : INS

ressources financières issues des exportations pour acquérir le même panier de biens importés.

Après avoir présenté les faits stylisés des échanges commerciaux du Cameroun, il est aussi utile de traiter de l'intensité d'influence qu'exercerait chaque facteur explicatif du solde commercial sur ce dernier. A cet effet, il sera question pour la suite, de constituer un modèle économétrique qui permettra de déterminer les indicateurs d'élasticité du facteur expliqué (solde commercial) par rapport aux variables explicatives ou exogènes. Chaque indicateur sera lié à un facteur exogène et établira le pourcentage de variation du solde commercial suite à une variation de 1% de la variable explicative représentée.

Le taux de change étant l'un des facteurs dont dépend la balance commerciale14(*), on pourra ainsi faire une première estimation des répercutions attendues de l'arrimage du CFA à l'Euro dans le cas spécifique du Cameroun. Le modèle pourra aussi être utilisé à des fins de prévisions de la valeur du solde commercial compte tenu des variables exogènes et plus particulièrement du taux de change.

III- Conception du modèle économétrique

III.1 Le modèle économique de base

Le modèle économétrique qui sera conçu n'est pas ex nihilo. Il trouve ses fondements dans le modèle de Mundell-Fleming notamment en ce qui concerne les facteurs explicatifs des exportations d'une part et des importations d'autre part.

C'est donc les mêmes variables exogènes15(*) qui seront pris en compte, avec cependant, le souci de mieux adapter le modèle de Mundell-Fleming aux réalités de bon nombre de pays en voie de développement comme le Cameroun.

III.2 Les ajustements apportés au modèle de base : ajout de la variable «  prix effectifs » et « prix effectifs des importations »

Les ajustements concernent tant les importations que les exportations. C'est en effet l'ajout de variables qui n'apparaissent pas dans le modèle économique de base et qui pourraient donner des explications supplémentaires quant aux variations du solde commercial du Cameroun.

Ajustements liés aux exportations : ajout de la variable «  prix effectifs » et d'une constante.

Les prix effectifs

Le travail est effectué avec les exportations en valeur qui sont données par les statistiques du commerce extérieur. Jusque-là, le PIB du RDM et le TCER sont les seules variables explicatives à prendre en compte selon le modèle de base.

L'évolution du PIB du RDM traduit l'évolution de la conjoncture mondiale. Plus cette dernière est favorable, plus les partenaires commerciaux ont besoin de plus de produits input pour augmenter le niveau de production afin de faire face à un éventuel accroissement de la demande mondiale consécutive à la hausse des revenus. La conjoncture mondiale conditionne donc, stricto census, le volume de biens demandés par l'extérieur.

Quant au TCER, il est certes un indicateur de compétitivité prix, mais il permet surtout aux partenaires commerciaux d'effectuer des arbitrages sur les régions du monde dans lesquels ils peuvent acheter des produits à des coûts inférieurs à ceux pratiqués chez eux ou tout simplement chez les pays qui présentent les coûts les plus avantageux. Le TCER conditionne ainsi le choix du pays comme partenaire à l'importation du RDM moyennant le niveau des prix relatifs combiné au taux de change nominal.

Vu sous cet aspect, le TCER ainsi que le PIB du RDM traduisent in fine le degré de sollicitation des produits d'un pays et donc leur demande en volume. Or, la valeur au sens de son calcul arithmétique n'est pas que fonction du volume mais elle dépend aussi des prix pratiqués par le pays domestique. C'est la raison pour laquelle, comme variable explicative supplémentaire des importations, il sera pris en compte les prix effectifs des produits exportés. Ces prix seront notés P.

La constante

Par observation de ses pays de vente, le Cameroun a depuis plus de 20 ans les mêmes pays clients. Il s'agit de la France, des Pays-bas, de l'Espagne, de l'Italie et dans une certaine mesure les Etats-Unis, la Belgique et le Gabon. Ces pays sont donc les clients traditionnels du Cameroun à travers les habitudes, les préférences, certains accords préférentiels comme ceux de la banane camerounaise conclus avec l'Union Européenne ; des accords de quotas, etc. Cela fait que ces pays importent toujours les produits du Cameroun quelle que soit l'évolution du TCER ou de leur PIB surtout que ce dernier n'est pas forcément corrélé aux importations faites à partir d'un pays donné comme le Cameroun 16(*). Il existerait donc une partie des exportations indépendantes des variables explicatives citées plus haut. Ce fait sera traduit dans notre modèle par l'introduction d'une constante C.

L'équation des exportations

Soit P les prix effectifs et C la constante. Alors, en première analyse17(*), l'équation des exportations donne :

X = X(Y', TCER, P) = x1 * Y' + x2 * TCER + x3 * P + C

x3 est l'indicateur d'élasticité des exportations par rapport aux prix. Si les prix abordés de cette manière sont significatifs selon les résultats du modèle, l'on devrait s'attendre à ce que x3>0 car l'appréciation des prix à l'exportation est susceptible de rehausser la valeur de ces dernières.

Ajustements liés aux importations : ajout de la variable «  prix effectifs des importations »

Pour les mêmes raisons que celles des exportations et avec le même principe de calcul, il sera introduit une nouvelle variable explicative des importations appelée prix effectifs des importations notés Pm.

En première analyse, l'équation des importations donne :

M = M(Y, TCER) = m1*Y + m2 *TCER + m3*Pm

Les indicateurs d'élasticité m1 et m2 devraient être de signe positif pour des raisons déjà évoquées dans le modèle de Mundell Fleming. Quant à m3, on s'attend à ce que son signe soit positif ; en effet, plus les produits d'importation sont onéreux, plus la valeur (et non en quantité) de ces importations sont susceptibles de s'accroître.

III.3 Déduction de la balance commerciale

La balance commerciale devrait donner :

X - M = x1*Y' + x2 * TCER + x3 * P + C - m1 * Y - m2 * TCER- m3*Pm. D'où :

X - M = (x2 - m2) TCER + ( x1*Y' - m1*Y) + x3*P - m3*Pm + C.

III.4 Quelques précisions

Il est à noter que le modèle économétrique pourra être révélateur du fait que certaines variables, pourtant citées dans le modèle de Mundell-Fleming ajusté, ne soient pas significatives dans le cas du Cameroun. Si tel est le cas, lesdites variables seront supprimées de l'équation du modèle pour ne considérer que les variables explicatives significatives. Ces éventuelles suppressions se feront donc après obtention des résultats du modèle tels que donnés par le logiciel Eviews.

IV - Dispositions pratiques et obtention des résultats du modèle

IV.1 Dispositions pratiques

Elles concernent les variables effectivement choisies pour représenter celles du modèle de base ajusté. En effet, certaines variables peuvent, soit avoir plusieurs interprétations selon les cas, soit alors être collectées de façon irrégulière ou même être quasi inexistantes. Il sera question d'opérer des choix pour trouver leurs représentants.

Les variables d'exportations

Ø Le niveau d'activité du reste du monde : il sera pris comme le PIB global des 10 premiers partenaires commerciaux du Cameroun année par année. En effet, ces derniers constituent à quelques exceptions près plus de 80% de la valeur des exportations depuis 1984 (cf. annexe, tableau 1).

Ø Les prix effectifs annuels : ce sera la somme des prix effectifs annuels des principaux produits d'exportation18(*) du Cameroun, chaque prix étant affecté du poids que sa valeur annuelle représente par rapport à la valeur globale des exportations (cf. annexe, tableau 2). Il est à noter que les prix élémentaires de chaque produit sont calculés en faisant le rapport de la valeur annuelle des exportations de chaque produit et des quantités exportées.

Ø Les TCER : c'est ceux donnés par l' « International Financial Statistics Yearbook » du FMI (cf. annexe tableau 3).

Les variables d'importations

Ø Le niveau d'activité domestique : c'est le PIB du Cameroun année par année (cf. annexe, tableau).

Ø Le TCER : il est sus mentionné car c'est le même que celui pris pour les exportations.

Ø Les prix effectifs des importations : ce sera la somme des prix étrangers annuels des principaux produits d'importations du Cameroun, chaque prix étant affecté du poids que sa valeur annuelle représente par rapport à la valeur globale des importations. Comme pour les exportations, les prix élémentaires de chaque produit sont calculés en faisant le rapport de la valeur annuelle des importations de chaque produit et des quantités importées.

IV.2 Obtention des résultats du modèle économétrique

Les résultats du modèle économétrique seront présentés tant pour les exportations que pour les importations. Ces derniers sont donnés par Eviews dans lequel seront introduites les valeurs des variables explicatives contenues dans la plupart des tableaux en annexe.

NB : Pour réduire la volatilité entre les valeurs des différentes variables et les écarts d'échelles entre celles-ci19(*), les valeurs des variables qui seront prises en compte seront sous leurs formes logarithmiques.

IV.2.1 Le modèle des exportations

IV.2.1.1 Les premiers résultats du modèle des exportations

Ce sont les résultats issus du modèle qui prend en considération toutes les variables indiquées dans le modèle de base ajusté. Notons déjà que pour la rubrique « variable » :

- C est la constante d'exportation ;

- PIBRDM est le PIB des principaux partenaires commerciaux du Cameroun ;

- P représente les cours pondérés et effectifs de l'ensemble des produits de vente du Cameroun pour chaque année.

- TCER est le taux de change effectif réel par an.

Le tableau ci-après illustre lesdits résultats tels que donnés par le logiciel Eviews.

Tableau 2 : Les premiers résultats du modèle des exportations.

Variables

Coefficients

Prob.

C

30. 4038

0.0000

LOG(PIBRDM)

0.0065

0.8988

LOG(P)

0.2516

0.0477

LOG(TCER)

-1.119

0.0035

R2

0.7873

Durbin-Watson stat

0.5181

Source : d'après nos calculs

Appréciation du modèle

- Le R2 : c'est le coefficient de détermination. Il permet de voir si l'association entre les variables explicatives et la variable expliquée est bonne. Aussi un R2 faible (moins de 0,2 selon l'INSEE) laisse penser que certaines variables explicatives n'ont pas été prises en compte par le modèle. En définitive, plus R2 est proche de 1, plus l'association est parfaite entre les variables exogènes et endogène et plus les variables explicatives choisies tendent à suffire pour rendre compte de l'évolution de la variable expliquée.

Dans le modèle, R2 = 0.7873 qui est relativement proche de 1. L'association et l'information apportée par les variables explicatives sont donc bonnes.

- Le Durbin-Watson Stat : c'est la statistique de Durbin Watson. Elle rend compte de l'auto-corellation des erreurs. En effet, pour un modèle donné, la statistique de Durbin Watson a deux valeurs lues sur une table : une borne supérieure et une borne inférieure. Ces dernières tiennent compte du nombre d'observations (les années) et du nombre de variables explicatives. Si la statistique obtenue est plus élevée que la borne supérieure, alors les erreurs ne sont pas autocorellées. Or, jusqu'au niveau où le nombre de variables explicatives est inférieur ou égal à 4, la borne supérieure est inférieure à 2. A ce niveau donc, les erreurs ne sont pas autocorellées si la statistique est supérieure ou égale à 2. Si la statistique est moins élevée que la borne inférieure, alors les résultats du modèle auraient quelques biais.

Dans le modèle, Durbin-Watson Stat = 0.5181. La borne supérieure est égale à 1,68>0.5181. Les erreurs sont autocorellées.

- Prob : c'est la significativité des variables explicatives. Il s'agit de voir si une variable prise comme exogène est effectivement lié à la variable expliquée. Pour le cas présent, le seuil de significativité est fixée à 5% dans le logiciel c'est-à-dire une variable est significative si Prob<0,05.

On se rend compte que toutes les variables sont significatives à l'exception du niveau

d'activité du RDM désigné par PIBRDM. La constante est aussi significative.

- Les coefficients : ce sont les coefficients qui sont affectés à chaque variable explicative dans l'équation du modèle.

IV.2.1.2. Le modèle des exportations retenu

Les changements par rapport au premier modèle

Le principal changement est la suppression de la variable PIBRDM. Cette dernière n'est pas significative pour des raisons déjà évoquées.

Les résultats du modèle économétrique final

Tableau 3: Les données du modèle final des exportations.

Variables

Coefficients

Prob.

C

3029

0.0000

LOG(P)

0.2546

0.0325

LOG(TCER)

-1.1357

0.0016

R2

0.8171

Durbin-Watson stat

2.0742

Source : d'après nos calculs

- R2 est de 81,71%. Ainsi, l'association entre les variables explicatives et expliquées est satisfaisante. Elle s'est améliorée par rapport au résultat précédent qui tenait en compte le PIB des pays partenaires.

- Durbin Watson stat = 2,0742>2 et il n'existe que deux variables exogènes. D'où les erreurs ne sont pas autocorellées.

- Prob : Pour toutes les variables, Prob<0,05. Le TCER et les cours moyens pondérés sont tous deux significatifs.

- Le signe des coefficients :

· Le TCER : le signe du coefficient du TCER est négatif. Ce qui correspond aux attentes sus mentionnées20(*) qui présentent les exportations comme une fonction décroissante du TCER.

· Les prix annuels aux exportations (P) : P a aussi un signe positif comme attendu.

IV.2.1.3. L'équation du modèle des exportations

Avec les coefficients, l'équation du modèle est :

X = 0,2546* L0G(P) -1,1357 * LOG(TCER) + 30,6917

IV.2.2 Les importations

IV.2.2.1 Les premiers résultats du modèle des importations

Ils sont donnés par le logiciel et récapitulés ainsi qu'il suit :

Tableau 4: Les résultats du modèle des importations.

Variables

Coefficients

Prob.

LOG(PIB)

0.132662

0.0000

LOG(TCER)

1.17E+09

0.0172

LOG(Pm)

-0,0338

0,8604

R2

0.7240

Durbin-Watson stat

0.8686

Source : d'après nos calculs

Appréciation du modèle des importations

- R2 : il est de plus de 72%. L'association entre la variable explicative et la variable expliquée est satisfaisante. De plus, le TCER et le PIB domestique contribuent à hauteur de plus de 72% à l'explication des importations.

- Prob. : le seuil étant de 5%, Prob est inférieur à 0,05 pour toutes les variables exogènes à l'exception des prix des importations (Pm). Ces derniers seront donc supprimés du modèle définif des importations.

- Le Durbin Watson stat = 0,8686. Dans ce cas, la borne supérieure est de 1,68. Les erreurs sont autocorellées.

- Les coefficients des variables explicatives ont des signes conformes aux attentes (Cf. Modèle de Mundell Fleming pages 31 à 32). Les signes sont tous positifs pour traduire que les importations sont une fonction croissante du TCER et du PIB interne.

IV.2.2.2 Le modèle des importations retenu

Les changements par rapport au premier modèle des importations

Le principal changement est la suppression de la variable Pm. Cette dernière n'est pas significative.

Les résultats du modèle des importations final

Tableau 5: Résultats du modèle des importations final.

Variables

Coefficients

Prob.

LOG(PIB)

0.8764

0.0000

LOG(TCER)

0.3736

0.0094

R2

0.7234

Durbin-Watson stat

0.8550

Source : d'après nos calculs

- R2 : il est toujours de plus de 72% traduisant la bonne association entre la variable explicative et la variable expliquée est satisfaisante et fait que le TCER et le PIB domestique contribuent à hauteur de plus de 72% à l'explication des importations.

- Prob. : toutes les variables prises en compte ont un Prob. inférieur au seuil de 5% . Elles sont toutes significatives.

- Le Durbin Watson stat = 0,8550. Dans ce cas, la borne supérieure est de 1,53. La statistique de Durbin Watson biaise quelque peu les résultats.

- Les signes des coefficients des variables explicatives restent ceux attendus théoriquement.(Cf. Modèle de Mundell Fleming pages 31 à 32).

IV.2.2.3 L'équation du modèle des importations

Moyennant les coefficients, l'équation des importations est donnée par :

M = 0.8764 *LOG( PIB) + 0.3747 * LOG(TCER)

IV.2.3 Le modèle économétrique de la balance commerciale du Cameroun

IV.2.3.1 Ecriture du modèle

En notant B la balance commerciale, on a :

B = X - M

= (-1,1357-0.3747) *LOG(TCER) + 0,2546 *LOG( P) -0.8764 * LOG(PIB) +30,6917

B = (-1.5104).LOG (TCER) + 0,2546 *LOG(P) - 0.8764 * LOG(PIB) + 30,6917

IV.2.3.2 Interprétation des résultats du modèle et poids du TCER dans la variabilité du solde commercial :

Ø Le TCER : la balance commerciale est en corrélation négative avec le TCER. Elle en est une fonction décroissante. Ainsi, toute chose étant égale par ailleurs, lorsque le TCER augmente de 10%, la balance commerciale varie environ de -15,10%. S'il se déprécie du même pourcentage, le solde commercial est susceptible de s'améliorer de 15,10%.

Ø Les cours effectifs des produits camerounais sur les marchés internationaux : la balance commerciale est une fonction croissante de (P). Selon l'équation du modèle, lorsque les prix varient de 10%, la balance commerciale varie de 2,54% dans le même sens.

Ø Le PIB domestique : il est en corrélation négative avec la balance commerciale. Lorsqu'il augmente de 10%, il faudrait s'attendre à ce que la balance commerciale diminue d'environ 8,76%.

Le signe est négatif ici car le PIB domestique stimule les importations. En effet, l'augmentation du PIB traduit l'accroissement du revenu national qui peut à son tour accroître la demande interne. Cette dernière, pour être satisfaite, nécessite que les entreprises locales, très dépendantes techniquement et technologiquement de l'extérieur importent des inputs et/ou des équipements supplémentaires. Il faudrait aussi mentionner la non existence des substituts à l'importation (les produits manufacturiers comme certains produits pharmaceutiques, les appareils électriques et mécaniques, etc.) qui fait que les agents économiques soient contraints d'adresser leur demande à l'extérieur. « L'effet imitation qui affecte la consommation des détenteurs de hauts revenus »21(*) doit aussi être pris en compte. Ceux-ci, avec les facilités qu'apporte la libre convertibilité du Franc CFA, ont souvent une consommation tournée vers les produits extérieurs (réputés de meilleure qualité) au détriment des produits locaux.

Ø La constante : elle est positive et vaut 30,69 dans l'équation logarithmique.

En conclusion, pour le Cameroun, de toutes les variables explicatives, c'est la variabilité du TCER qui conditionne le plus la variabilité de la balance commerciale. Mais cela reste une conclusion générale de longue période qui ne tient pas en compte les spécificités de chaque année. Il reste donc à savoir comment les variations du TCER ont affecté la balance commerciale suite à l'avènement de l'arrimage du CFA à l'Euro.

CHAPITRE IV : LA BALANCE COMMERCIALE ET L'ANCRAGE DU FRANC CFA A L'EURO

Ce chapitre permet de passer en revue tous les aspects de la question concernant les conséquences de l'arrimage sur le solde commercial.

Plus précisément, la méthode d'étude sera le plus souvent comparative en ce sens qu'elle permettra de déceler les différences observées entre les périodes antérieure et ultérieure à l'arrimage. Pour chaque changement ainsi observé, nous essayerons de voir dans quelle mesure ces derniers peuvent être liés à l'avènement de l'arrimage du franc CFA à l'Euro. Un autre aspect de nos analyses consistera à ne pas comparer uniquement les deux périodes mais aussi à expliquer les évolutions des variables prises en compte dans les années après arrimage sans toutefois se référer aux années antérieures.

Toutes les informations et données relatives aux différents taux de change nominaux seront issues de la Banque de France ou du World Statistics Indicator de la Banque mondiale (parution de 2003).

Aussi, tous les schémas et graphiques sont réalisés par l'auteur sur la base des données issues des deux sources précédentes, des Annuaires Statistiques du Cameroun éditions 2000 et 2004.

I. COMPÉTITIVITÉ DU CAMEROUN ET ARRIMAGE DU FRANC CFA À L'EURO

La compétitivité est analysée en terme d'évolution du TCER et de gain ou de perte des parts de marchés.

I.1 Compétitivité et évolution du TCER

Comme déjà mentionné, le TCER est un indicateur de compétitivité ; il permet aux pays partenaires d'effectuer des comparaisons entre les coûts pratiqués dans un pays A et ceux appliqués dans des pays tiers qui commercialisent la (ou les) même (s) denrée (s) que A. On comprend que dans le cadre général, plus il s'accroît, plus les exportations peuvent diminuer et plus le pays perd en compétitivité. Cela a aussi été démontré pour le Cameroun.22(*)

Il est donc intéressant de nous rendre compte de l'évolution du TCER entre les périodes antérieure et ultérieure à l'arrimage.

I.1.1 Analyse de l'évolution du TCER

Graphique 12: Variations annuelles du TCER (base 100=1995)

Le graphique ci-contre est une illustration de la variation annuelle du TCER avant et après l'ancrage du Franc CFA à l'Euro. Il illustre le fait que le Cameroun connaissait déjà une perte de compétitivité avant l'ancrage du Franc CFA à l'Euro car sur les quatre années précédant 1999, il n'y a que 1997 qui a connu un regain de compétitivité traduit par une appréciation du TCER. Pour les quatre années antérieures à l'arrimage, la croissance du TCER s'est faite avec un taux de croissance de 3,8% en moyenne annuelle. Source : Banque de France.

Pendant les quatre années qui ont suivi l'arrimage, à l'exception notable de l'année 2000 où le TCER a baissé de plus de 11%, le Cameroun continue de perdre en compétitivité de façon régulière. C'est cette dernière qui maintient la croissance moyenne de la période à un taux de - 0,64% faisant penser qu'il y a eu un regain de compétitivité globale sur les quatre années ayant suivi l'arrimage par rapport aux quatre années l'ayant précédé.

Le TCER étant une variable qui ne dépend pas seulement du taux de change, quelle est donc la proportion de la hausse du TCER à attribuer au TCEN et donc à l'arrimage du Franc CFA à l'Euro ?

I.1.2 Ancrage du Franc CFA à l'Euro et appréciation du TCER

L'indicateur qui lie le TCER à la monnaie est le TCEN. C'est surtout ce dernier qui traduit les variations de la monnaie sur le TCER. Ainsi, avant de lier la hausse du TCER au phénomène d'arrimage du Franc CFA à l'Euro, il faudrait avoir l'évolution du TCEN du Franc CFA par rapport à une devise étrangère autre que l'Euro.

Graphique 13 : Evolution du taux de change au certain du Franc CFA par rapport au USD.

Le taux de change du Franc CFA par rapport au Dollar américain avait tendance à croître avant l'année de l'arrimage (1999). Cette hausse commence à ralentir entre 2000 et 2001. A partir de cette dernière année, le taux de change à l'incertain entre le

Source : d'après nos calculs

Dollar et le Franc CFA commence à baisser, faisant ainsi apprécier le Franc CFA par rapport au Dollar. Cette appréciation est induite par celle de l'Euro par rapport au Dollar.

Le TCER combinant en même temps le taux de change nominal et les prix relatifs, il serait bon de savoir si l'appréciation du taux de change nominal du Franc CFA par rapport au Dollar a entraîné celle du TCER. En d'autre terme, vérifions si l'appréciation observée du TCER du Franc CFA pendant les années ultérieures à l'ancrage est lié à l'avènement de l'Euro.

P

Pour cela observons les évolutions comparatives du TCEN et du TCER en variations annuelles.

Graphique 14 : Evolutions comparées du TCER et du TCEN

En première analyse, il ressort que le TCER du Cameroun est globalement en corrélation positive avec le taux de change nominal de 1995 à 2002.

Source : World Statistics Indicators, 2003

Pour rendre cette étude plus approfondie, établissons les degrés de liaison entre le TCER et le TCEN pour les périodes avant et après arrimage. Les deux indicateurs qui seront utilisés sont des indicateurs statistiques de liaison. Il s'agit :

- du coefficient de corrélation pour juger du degré de liaison entre le TCER et le TCEN ;

- et du coefficient de détermination qui rendra compte de la part de la variabilité du TCER à imputer au TCEN.

A cet effet, considérons le tableau suivant qui donne les variations annuelles du taux de change au certain du Dollar par rapport au Franc CFA et celles du TCER :

Tableau 6 : Evolutions comparées des variations annuelles du TCER et du TCN

Années

Variations du TCER

Variations du TCEN

1995

0,134

0,101

1996

0,015

-0,025

1997

-0,047

-0,141

1998

0,051

-0,011

1999

0,043

-0,044

2000

-0,116

-0,156

2001

0,031

-0,030

2002

0,016

0,049

Source : d'après nos calculs

Dans le tableau précédent, la période avant arrimage présente deux années pendant lesquelles le TCER et le TCN évoluent en sens contraires. Il s'agit de 1996 et 1998. Il en est de même pour l'après arrimage où les deux taux évoluent inversement en 1999 et 2002.

Pour tirer les conclusions relatives aux liaisons entre les deux taux au cours des deux périodes, une étude plus approfondie mérite d'être faite.

Le tableau suivant, élaborée sur la base du précédent permet de déduire les résultats ci-après :

Tableau 7: Caractéristiques de liaison du TCER et du TCN

Périodes

Coefficients de corrélation

Coefficients de détermination

Avant l'arrimage

0,973

0,986

Après l'arrimage

0,635

0,797

Source : d'après nos calculs

Commentaires

Ø Avant l'arrimage, les caractéristiques de liaison sont plus significatives qu'après. Ainsi, avant 1999, il existe une liaison plus forte entre le TCER et le TCEN car le coefficient de corrélation est de plus de 97%.

Aussi, les variations du TCN expliquent celles du TCER à près de 99% car le coefficient de détermination est de 98,6%.

Ø Après l'arrimage, la liaison entre le TCN et le TCER, bien que restant élevée, s'atténue. Elle chute de 97,3% à 63,5%.

Enfin, les variations du TCN expliquent encore de façon importante celles du TCER. C'est ainsi que nous pouvons affirmer que l'appréciation régulière que connaît le TCER du Cameroun après l'arrimage du Franc CFA à l'Euro est expliquée à près de 80% par les variations du TCN qui sont une conséquence de l'ancrage du Franc CFA à l'Euro.

La perte globale de compétitivité observée depuis 1999 est à mettre en grande partie au compte de l'appréciation du TCN du FCFA via celui de l'Euro par rapport au Dollar. Nous pouvons par extension conclure que l'ancrage du Franc CFA à l'Euro aurait renforcé la perte de compétitivité que le Cameroun connaissait déjà avant l'ancrage.

Cependant, la compétitivité s'observe ex post à travers la perte, le maintien ou le gain des parts de marché. Pour que le TCER ait une influence sur l'évolution des parts de marché, il faut que certaines conditions soient respectées notamment celles des élasticités de Johan Robinson. Faisons donc une autre étude approfondie qui nous permettra non seulement de savoir si l'appréciation du TCER après l'ancrage a eu un impact substantiel sur les parts de marché mais aussi si ces dernières ont cru, stagné ou diminué.

I.2 Le TCER et les élasticités critiques à l'exportation

Il sera calculé les élasticités des demandes d'exportation par rapport aux prix dans le cas du Cameroun. Cela se fera afin de voir le degré de sensibilité des variations de la demande d'exportation par rapport au TCER.

Selon le théorème de Johan Robinson, l'élasticité critique de la demande d'exportation, notée Ex est calculée ainsi qu'il suit :

Ex = 23(*) avec e = taux de change à l'incertain de la monnaie nationale ;

de = variation de e pour la période donnée ;

X = exportations en monnaie nationale ;

dX = variation de X pour la période d'étude.

Les calculs seront effectués pour les années après arrimage uniquement.

Tableau 8: Elasticités critiques à l'exportation

Années

e/de

dX/X

Ex

1999

23,913100

-0,000340

-0,008129

2000

7,395071

0,244835

1,810571

2001

34,803457

-0,018020

-0,627162

2002

-19,333768

-0,023176

0,448073

2003

-4,935384

0,049563

-0,244613

Source : d'après nos calculs

C'est l'année 2000 qui s'est le plus caractérisée par une élasticité relativement forte de la demande d'exportation aux prix. Pour les autres années, la demande d'exportation se révèle être peu élastique aux prix.

I.3 Arrimage du FCFA à l'Euro et Parts de marché

L'examen portera sur l'évolution des parts de marchés internationaux avant et après l'ancrage du Franc CFA à l'Euro.

L'analyse des variations des parts de marché peut poser certaines difficultés d'ordre pratique. L'une d'elle étant d'effectuer les différentes observations soit en quantité de produits vendus, soit en fonction de la valeur des ventes. L'étude s'effectuera en volume car une étude en valeur peut masquer le recul ou une stagnation de la demande réelle dans les périodes d'inflation. De plus avec les valeurs, les analyses seront aussi biaisées par les cours mondiaux souvent très instables24(*). Aussi, c'est l'accroissement des quantités demandées qui témoigne véritablement de l'appréciation des produits locaux que ce soit en terme de prix ou en terme de qualité

Graphique 15: Variations annuelles des exportations en volume.

Avant l'ancrage de 1999, les produits camerounais gagnaient des parts de marchés sans cesse croissantes. Cela s'est traduit par une croissance en moyenne annuelle de 9,78% de 1994 en 1998. De 1999 à 2003, trois années se sont caractérisées par une baisse des exportations en volume dont 1999, 2001 et 2002. Cela a fait chuté la croissance des parts de marché à 0,44% en moyenne annuelle.

Source : d'après nos calculs

Les années post arrimage se sont donc caractérisées, pour la plupart, par une chute des ventes en volume traduisant ainsi des pertes des parts de marchés internationaux. Bien que ces pertes se soient produites après l'arrimage, il serait superficiel de les expliquer, de prime abord, par l'appréciation du TCER qui a globalement caractérisé les années qui ont suivi. Un examen année par année s'impose pour attribuer ou non la baisse de compétitivité au taux de change et donc à l'ancrage.

Mais avant cette étude annuelle, notons que les données chiffrées ainsi que les informations qui seront utilisées pour permettre de comprendre les causes ayant abouti à la baisse des exportations en volume pour une année spécifique sont issues, sauf indication contraire, des « Annuaires Statistiques du Cameroun », éditions 2000 et 2004.

- L'année 1999 : la baisse des exportations en volume a surtout été marquée par celle de trois des principaux produits à savoir le caoutchouc brut, les bois et ouvrages en bois et l'huile de palme brute et raffinée. Les deux premiers ont fortement contribué à tirer les exportations en volume vers le bas avec une chute de près de 365000 tonnes entre 1998 et 1999. Par ailleurs, ils ont connu une baisse de la production nationale entre 1998 et 1999. Quant à l'huile de palme ses exportations en volume ont baissé alors que la production nationale a évolué.

Mais, la plus grande part de la baisse étant expliquée par la chute des exportations du caoutchouc et des bois et ouvrages en bois, nous pouvons conclure a priori que la baisse des parts de marché en 1999 a globalement résulté d'une baisse de la production de certains produits. L'incidence de la perte de compétitivité que devait induire l'appréciation du TCER a eu une influence plus amoindrie car en 1999, la demande d'exportation était très peu élastique aux variations du taux de change25(*).

- L'année 2001 : la baisse globale des exportations a principalement résulté de celle de l'huile brute de pétrole, du bois brut et du café respectivement de près de 400 000 tonnes, 200 000 tonnes et 18000 tonnes. Les deux premiers produits ont connu une chute de la production en 2000 du fait du tarissement progressif des puits de pétrole camerounais et de la volonté de l'Etat de promouvoir la transformation locale du bois. La production du café a aussi chuté au cours de la même période.

Au vu du poids de ces trois produits dans la baisse des exportations en volume, la perte des parts de marché peut être attribuée à la chute de la production interne en 2001 et non à l'appréciation du TCER induite par l'ancrage du Franc CFA à l'Euro. Cela est d'autant plus plausible car en 2001, l'élasticité de la demande d'exportation au taux de change à l'incertain est négative. Elle est par conséquent positive au taux de change au certain (le taux de change au certain est l'inverse du taux de change à l'incertain. Les deux évoluent donc en sens contraire) à base duquel est élaboré le TCER utilisé ici. Cela traduit donc que les exportations et le TCER évoluent dans le même sens. Or durant cette période, le TCER a augmenté et si l'ancrage avait eu un impact considérable sur la demande d'exportation, cette dernière aurait diminué au lieu d'augmenter.

- L'année 2002 : les parts de marché ont chuté principalement suite à la baisse des exportations de l'aluminium (près de 20000 tonnes), de la banane fraîche (près de 20000 tonnes) et des bois et ouvrages en bois (de près de plus de 100000 m3). Tous ces produits, à l'exception de la banane fraîche, se sont caractérisés par un ralentissement de la production nationale au cours de la même période. Ce ralentissement s'explique par les mêmes raisons que celles évoquées en 2001 pour les bois et ouvrages en bois. Quant à l'aluminium, sa baisse est due aux perturbations que la crise d'approvisionnement en énergie électrique que le Cameroun a connu à partir de 2002.

Le bois scié et l'aluminium étant les deux principaux produits qui ont tiré les exportations en volume vers le bas, nous pouvons conclure une fois de plus c'est la baisse de la production nationale du Cameroun pour certains produits qui a été à l'origine des pertes des parts de marché. La raison n'était pas en grande partie liée à l'avènement de l'Euro via l'ancrage du CFA car, l'élasticité de la demande d'exportation par rapport au taux de change n'est que de l'ordre de 0,44.

Cependant, deux années se sont caractérisées par des gains de parts de marché. Il s'agit de 2000 et 2003.

- L'année 2000 : la chute des exportations en volume a été enregistrée pour l'huile brute de pétrole, les bois et ouvrages en bois et le cacao en fève de près de 600 000 tonnes, 100 000 tonnes et 30 000 tonnes respectivement.

Mais, ces chutes n'ont pas suffi à faire baisser de façon globale les parts de marché du Cameroun. En effet, il y a eu une montée substantielle des exportations en volume des carburants et lubrifiants de près de 530000 tonnes, des huiles de palme brutes et raffinées de près de 6000 tonnes, etc. Aussi, la compétitivité par le TCER devrait être prise en compte car en 2000, l'élasticité de la demande d'exportation par rapport au taux de change est positive et assez forte. Ainsi, elle est négative au taux de change au certain et dans notre cas, puisque ce dernier a baissé, il fallait s'attendre à un accroissement de la demande d'exportation. Ainsi, avec la baisse du TCER de 11,6%, 2000 est une année où le regain de compétitivité peut aussi être lié au TCN et donc à l'ancrage du Franc CFA à l'Euro.

- L'année 2003 : les exportations en volume se sont accrues de près de 5% à la faveur de la hausse des exportations en volume de près de 750 000 tonnes pour les bananes fraîches,, plus de 200 000 tonnes pour les carburants et lubrifiants et autour de 11 000 tonnes pour l'aluminium brut.

Le TCER, pourtant à la hausse, n'a pas eu d'impact significatif sur la compétitivité d'autant plus que l'élasticité indique que pendant cette année, le TCER au certain et la demande d'exportation ont évolué dans le même sens. Cela aurait été le contraire si l'arrimage avait conditionné l'évolution de la demande d'exportation.

Mais, l'évolution des exportations ne conditionnant pas à elle seule celle de la balance commerciale, il est tout aussi important de nous attarder sur une étude des importations liée au phénomène d'arrimage.

II. ARRIMAGE DU FRANC CFA ET DEMANDE À L'IMPORTATION

Le phénomène d'arrimage peut avoir au moins deux conséquences principales sur les importations :

- Pour les valeurs : il peut les rendre plus ou moins coûteuses. En effet, si la monnaie véhiculaire s'apprécie, cela est susceptible de baisser la valeur des importations car il y aura un renchérissement de la monnaie nationale en monnaie étrangère. En revanche, une dépréciation de la monnaie nationale par rapport à celle des pays fournisseurs peut entraîner une hausse en devise nationale des produits d'importation.

- Pour les volumes : ils peuvent augmenter ou diminuer car si la monnaie véhiculaire se déprécie, les prix des importations peuvent augmenter au point de faire baisser les quantités demandées. Mais, si elle s'apprécie, les prix des produits en monnaie nationale peuvent chuter et faire augmenter la demande surtout si celle-ci est élastique au prix.

II.1 Arrimage et importations en valeur

Graphique 16: Evolutions de la variation des importations en quantité et en valeur

L L Le graphique montre que la quantité et la valeur des importations n'évoluent pas dans le même sens. Cela ne peut s'expliquer que par les fluctuations de prix qui dépendent de l'évolution des taux de change et des prix réels pratiqués dans les pays fournisseurs.

Source : d'après nos calculs

On peut avoir un élément de réponse sur ce qui a été à l'origine de la variation des prix en considérant l'évolution du TCER relativement aux importations en valeur telle que montrée par le graphique 17. Ce dernier, combiné au précédent nous fait aboutir aux conclusions annuelles suivantes :

Graphique 17: Evolutions comparées des variations du TCER et des importations.

- En 1999, le TCER et les importations ont évolué en sens contraires. Ainsi, la chute des importations en valeur relativement aux quantités peut s'expliquer par une appréciation du TCER ne serait ce que partiellement. En effet, la hausse du taux de change par rapport aux devises des pays fournisseurs entraîne un renchérissement de la monnaie nationale en monnaie

Source : d'après nos calculs

étrangère. Ce renchérissement aurait provoqué la baisse des prix en Franc CFA des produits importés.

- En 2000, les importations en volume et en valeur ont toutes deux crues mais avec un taux plus élevé pour les importations en valeur. Ainsi donc, la baisse du TCER n'a pas suffit à faire baisser les importations malgré la hausse des prix en CFA qu'elle a induite chez les pays vis-à-vis desquels l'Euro s'est déprécié.

- En 2001, les quantités et les valeurs ont subi une augmentation qui, comme en 2000, était plus accentuée pour les valeurs que pour les quantités. Au cours de cette année, la hausse du TCER devait entraîner une baisse du prix des exportations en Franc CFA. Mais la hausse des quantités de près de 25% n'a pu être absorbé par la baisse des prix qu'a provoqué l'appréciation du TCER.

- En 2002, les importations en quantité et en valeur ont toutes deux chutées. Le TCER qui s'est apprécié a certainement contribué à baisser les prix en Franc CFA des importations. C'est cela, combiné à la chute des volumes, qui accentué la chute des importations en valeur.

Pour mieux appréhender les conséquences de ces variations du TCER sur les importations, étudions deux cas pratiques qui seront la mise en évidence du phénomène prix sus évoqué des fluctuations du Franc CFA induites par celles de l'Euro.

II.2 Mise en évidence des conséquences de l'arrimage du Franc CFA sur les prix à l'importation : le cas du Nigeria

Graphique 18: Evolution du taux de change de l'Euro par rapport au Dollar

L La valeur de l'Euro a toujours été proche de celle du Dollar, la différence n'ayant

jamais dépassé 20 centimes quand la valeur de l'Euro était en deçà de celle du Dollar entre 2000 et 2002. Cela fait de l'Euro une monnaie forte qui devrait entraîner avec elle le Franc CFA.

Source : Banque de France

La conséquence doit être la baisse des prix des importations faites hors zone. En effet, la force de l'Euro aboutirait au renchérissement de la valeur du Franc CFA lors de sa conversion en d'autres devises des pays partenaires hors zone. Si les importations sont relativement rigides en volume, l'on devrait aboutir à leur baisse en valeur qui contribuerait à l'appréciation du solde commercial.

La mise en évidence de ce phénomène devrait se faire pour les principaux fournisseurs du Cameroun hors zone Euro qui sont les Etats-Unis, le Nigeria, la Chine, Taiwan et le Japon. Mais, pour des raisons relatives à la disponibilité des données, seuls le cas du Nigeria sera abordé.

Notre étude se fera sur les produits que le Cameroun a demandés avant et après l'arrimage. Il s'agit des hydrocarbures.

Graphique 19 : Evolutions comparées des variations des prix des produits d'importations du Cameroun en provenance du Nigeria

Pour voir si le fort taux de change de l'Euro a contribué à baisser les prix à l'importation du Cameroun par rapport au Nigeria, observons le graphique suivant qui donne une évolution comparée du taux de croissance des prix des hydrocarbures en Naïra et en FCFA :

.

Si les taux de change bilatéraux entre les monnaies étaient fixes, il n'y aurait pas de différence au niveau du taux de croissance de prix. En effet, la variation de prix la plus prononcée indique la dépréciation de la monnaie de référence.

Ainsi, avant 1999, on note une baisse des prix pour les deux années antérieures. Cette baisse s'accompagne, au vu du graphique, par une dépréciation du Franc CFA par rapport au Naïra.

Source : INS

En 1999 c'est-à-dire à la faveur de l'arrimage du Franc CFA à l'Euro, la hausse des prix des hydrocarbures exportés en direction du Cameroun par le Nigeria a été de près de 80%. Cette importante hausse en Naïra n'a été que de 15,25% en Franc CFA. En effet, l'introduction de l'Euro dont la valeur en 1999 été plus élevée que celle du Dollar américain a entraîné l'appréciation du Franc CFA par rapport au Naïra26(*).

L'ancrage du Franc CFA à l'Euro a donc permis d'atténuer, de façon substantielle, la hausse des prix des importations en provenance du Nigeria en 1999 de plus de 60%27(*).

En 2000, l'Euro s'est déprécié relativement au Naïra. Cela a renforcé la croissance des prix des importations en Franc CFA (55%) relativement à la croissance observé en Naïra (53%).

En 2001 et 2002, l'Euro s'est apprécié relativement au Naïra et a induit une chute plus prononcée des prix en Franc CFA des importations en 2001 et une hausse plus atténuée de ces mêmes prix en 2002.

II.3 Arrimage du Franc CFA et demande d'importations en quantité

Afin de vérifier si l'arrimage a eu un impact sur les importations en volume, commençons par observer l'évolution des variations des importations en quantité et celles du TCER.

Graphique 20 : Evolutions comparées des variations des importations en volume et du TCER.

1998

1999

2000

2001

2002

Source : d'après nos calculs.

Le graphique 18 témoigne de la difficulté de trouver un sens de variation des importations relativement au TCER car les deux quantités varient tantôt dans le même sens, tantôt en sens contraires.

Pour évaluer les conséquences du TCER sur les importations en quantité, nous utiliserons les élasticités critiques des importations. Celles-ci rendront compte du degré de sensibilité des importations en quantités par rapport au taux de change année par année. Nous allons calculer celles avec les quantités qui rendent directement compte de la sensibilité des importations en volume relativement aux taux de change. Le tableau suivant en est une récapitulation année par année :

Tableau 9 : Elasticités de la demande d'importation en quantité par rapport aux prix

Années

TCER/dTCER

dM/M

Em

1998

20,0469

0,0377

0,7568

1999

24,7498

0,0597

1,4768

2000

-8,2337

0,1448

-1,1923

2001

31,4248

-0,0765

-2,4056

2002

62,8756

0,0845

5,3099

Source : d'après nos calculs.

Faisons une étude année par année :

- L'année 1999 : le graphique 18 montre que les importations en volume et le TCER évoluent dans le même sens. Ils ont cru. L'une des remarques à faire est qu'entre 1998 et 1999, la valeur des importations a diminué alors que les quantités ont augmenté. Les quantités importés n'ont augmenté que pour trois types de produits : les demi-produits, les produits énergétiques et lubrifiants, et les produits bruts d'origine animale ou végétale. Une analyse plus détaillée des importations du Cameroun permet de se rendre compte que ces trois denrées commerciales ont vu leur prix au kilogramme baissé de près de 30 FCFA pour les produits bruts d'origine animale, 21 FCFA pour les demi-produits et 50 FCFA pour les énergies et lubrifiants.

Cette baisse des prix au Franc CFA a certainement facilité l'augmentation des importations en quantité. Or, c'est la hausse du TCER du Cameroun qui a contribué à la baisse des prix des biens importés libellés en Franc CFA. On peut donc affirmer que l'arrimage qui induit des variations du TCER a encouragé l'accroissement des importations en volume.

La véracité de ces observations est renforcée de façon globale par le tableau 10 qui montre que l'élasticité de la demande d'importation en quantité par rapport au TCER était de plus de 1,47. Elle traduit ainsi une sensibilité relativement forte de la variation de la demande d'importation en volume relativement à la variation du TCER. Ces variations s'effectuent surtout de par l'arrimage du CFA à l'Euro.

- L'année 2000 : en 2000, les importations en volume ont augmenté relativement à l'année 1999 alors que le TCER a baissé. On s'attendait normalement à ce que les importations baissent, les prix en Franc CFA ayant connu une hausse par rapport à ceux libellés en devises des pays fournisseurs. Une étude approfondie des importations fait remarquer que sur les dix types de produits qu'importe le Cameroun, six ont vu leurs importations en volume augmentées tandis que quatre ont connu une baisse. Les prix ne sont pas toujours en corrélation négative avec les quantités car pour le type de produits matériel de transport par exemple, on note une augmentation des quantités malgré la hausse des prix qui sont passés de 1593 FCFA pour 1999 à plus de 2045FCFA. Cela est dû à la forte dépendance du secteur transport vis-à-vis de l'extérieur qui fournit la plupart des matériaux de cette branche. Aussi, ce contexte pousse à analyser la sensibilité des quantités par rapport aux prix de façon globale par le calcul de l'élasticité de la demande d'importation en quantité relativement aux prix. En 2000, l'élasticité était de -1,1923. Cela impliquait que le TCER et les importations avaient une tendance assez prononcée à évoluer inversement. Cet état de choses est contraire aux attentes théoriques. L'arrimage aurait donc eu un impact limité sur les importations en quantité en 2000.

- L'année 2001 : au cours de cette année, les quantités ont baissé alors que le TCER a connu une augmentation. Sur les dix types de produits importés, les quantités se sont accrues pour sept produits alors qu'elles n'ont baissées que pour trois. Ces trois derniers sont les produits d'alimentation dont les prix sont passés de 251 à 258 FCFA, les produits énergétiques de 254 à 284 FCFA et les demi-produits de 144 FCFA à 180 FCFA. Cette hausse des prix, qui est susceptible de diminuer la demande d'importation, n'a pas été compensée par la hausse du TCER. Les produits qui ont été marqués par une augmentation des importations ont connu des fortunes diverses quant aux variations de leurs prix. Ainsi les prix de certains ont baissé en adéquation avec la hausse du TCER. IL s'agit notamment du matériel de transport, des équipements agricoles, des équipements industriels et des produits de consommation des ménages. Enfin, les importations en quantité se sont accrues pour certains produits malgré la hausse des prix. C'est le cas des produits bruts d'origine animale ou végétale qui sont indispensables pour certains secteurs comme l'agriculture (achat des engrais par exemple). On s'attend donc à ce que leur demande soit très peu élastique aux variations de prix.

De façon globale donc, l'arrimage du Franc CFA a eu un impact plus limité sur les importations en volume car malgré la hausse du TCER, la demande en quantité vers les pays fournisseurs a baissé. Cela est aussi vérifié par l'élasticité dont la valeur « -2,4 » montre que la divergence d'évolution des importations en quantité et du TCER était relativement forte alors que s'il y aurait eu un effet « arrimage », la corrélation serait positive.

- L'année 2002 : C'est l'année pour laquelle l'élasticité (5,31) indique la plus forte sensibilité entre des variations des importations en volume relativement aux variations du TCER. Malgré la baisse des importations de certains produits comme ceux d'alimentation, d'énergie, les produits bruts d'origine minérale et les demi-produits, les importations se sont globalement accrues corrélativement au TCER. Les attentes théoriques ont donc été satisfaites. On peut donc conclure, a priori, que l'arrimage du Franc CFA à l'Euro aurait eu un impact significatif sur les importations en volume en 2002.

On peut donc conclure que l'arrimage a eu un impact mitigé sur les importations. En effet, à certaines années, les analyses tirées de certaines observations et corroborées par les attentes théoriques laissent penser qu'elle a eu une incidence certaine sur la demande d'importation. C'est le cas des années 1999 et 2002. Elle a eu un impact plus limité en 2001 et en 2000.

Mais après les études faites sur les exportations et les importations, quelles ont été les conséquences de l'arrimage sur la balance commerciale prise globalement ?

II.4 Arrimage du Franc CFA à l'Euro et solde commercial

La balance commerciale n'est pas une variable réelle en tant que telle car elle n'est que la résultante des évolutions des exportations et des importations au cours d'une année donnée. Les analyses y relatives qui seront faites par la suite prendront souvent pour référence ces deux composantes.

Aussi, rappelons déjà que les impacts des variations des exportations et des importations sur la balance commerciale peuvent être combinés avec le théorème des élasticités critiques de Johan Robinson28(*). Pour vérifier que l'arrimage du Franc CFA à l'Euro a eu un impact sur le solde commercial, nous prendrons encore pour instrument le TCER auquel seront associés les conditions de Marshall-Lerner. C'est après avoir jugé si ces conditions ont été satisfaites que nous évaluerons l'influence de l'arrimage du Franc CFA sur le solde commercial pendant une année donnée.

Mais avant, attardons nous d'abord sur l'évolution du solde commercial du Cameroun.

II.4.1 Evolution de la balance commerciale du Cameroun

Graphique 21 : Evolution de la balance commerciale du Cameroun

.

Source : INS

Ce graphique témoigne du fait que l'évolution de la balance commerciale du Cameroun était globalement plus satisfaisante avant l'arrimage du Franc CFA à l'Euro. En effet, toutes les quatre années avant l'arrimage, avaient une balance commerciale excédentaire. Le cumul de Cet excédent au cours de ces quatre années s'élevait à 898,127 milliards de FCFA pour un

solde de 224,531 milliards en moyenne annuelle. Symétriquement, pendant les quatre premières années qui ont suivi l'arrimage, deux ont eu un solde commercial négatif. Le cumul des valeurs du solde était de 283,017 milliards de FCFA soit une chute de 615,110 milliards. Une chute a aussi été enregistrée pour la balance commerciale en moyenne annuelle car celle post arrimage était de 70,754 milliards et donc bien en deçà des 224,531 milliards des quatre années précédentes.

Mais, avant d'attribuer cette dépréciation globale du solde commercial à l'arrimage, faisons une étude plus approfondie qui déterminera si cela n'est pas plutôt le fait d'autres réalités économiques.

II.4.2 Conditions de Marshall-Lerner

Les élasticités de la demande d'exportation ayant déjà été calculées, pour déduire l'indicateur de Marshall-Lerner, nous ne calculerons au préalable les élasticités de la demande d'importation en valeur.

II.4.2.1 Les élasticités critiques de la demande d'importation

Selon le même théorème, l'élasticité critique de la demande d'importation est donnée par :

Em = M = importations en devise étrangère qui sera le dollar ici ;

dM = variation des importations ;

Les calculs sont effectués de 1999 à 2003 :

Tableau 10: Elasticités critiques aux importations.

Années

e/de

dM/M

Em

1999

23,9131

0,0040

-0,0950

2000

7,3951

0,1087

-0,8039

2001

34,8035

0,2002

-6,9688

2002

-19,3338

0,0077

0,1485

2003

-4,9354

0,1351

0,6667

Source : d'après nos calculs

Pour les importations, c'est 2001 qui a eu la plus forte élasticité en valeur absolue relativement aux importations tandis que 1999 a eu l'indicateur d'élasticité le moins élevé.

II.4.2.2Vérification des conditions de Marshall-Lerner

Notons déjà que pour toutes les années prises en compte, la balance commerciale du Cameroun n'est pas équilibre. Par suite, la valeur de l'indicateur de Marshall-Lerner qui sera calculée pour chaque année est donnée par la grandeur L = qui est utilisée si l'hypothèse d'équilibre de la balance commerciale n'est pas réalisée29(*) comme nous pouvons l'observer sur le graphique 20. Le tableau récapitulatif des valeurs de L donne :

Tableau 11 : Indicateurs du théorème des élasticités critiques.

Années

X/eM

Ex

Em

(X/eM).Ex

L

1999

1,21263

-0,00813

-0,09504

-0,00986

-0,1049

2000

1,24026

1,81057

-0,80392

2,24557

1,4417

2001

0,94482

-0,62716

-6,96876

-0,59256

-7,5613

2002

0,96749

0,44807

0,14848

0,43350

0,5820

2003

1,05324

-0,24461

0,66667

-0,25764

0,4090

Source : d'après nos calculs

Commentaire

Pour que les variations du taux de change aient effectivement une incidence sur la balance commerciale, il faut au préalable avoir l'inégalité  L>1. Selon notre étude, la condition de Marshall-Lerner n'a été vérifiée qu'en l'an 2000 car L = 1,44165 >1. Cette année s'est caractérisée par une baisse du TCER qui devait se traduire dans les faits par un regain de compétitivité qui ne peut s'observer qu'ex post par des gains ou des conservations de parts de marchés.

De prime abord, la balance commerciale devrait s'améliorer suite à une dépréciation de la monnaie tandis qu'on attendrait l'effet contraire si la monnaie s'apprécie.

Comparons donc d'abord les évolutions de la variation du TCER et de la balance commerciale.

Le graphique qui suit donne l'évolution des variations du solde commercial et du TCER.

Graphique 22: Evolutions comparées des variations du solde commercial et du TCER

Il ressort de ce graphique que l'évolution du solde commercial relativement au TCER ne s'effectue pas dans un sens déterminé. Ainsi, pour la période suivant l'arrimage, on a deux années pendant lesquelles les deux variables évoluent dans le même sens et celles où elles évoluent en sens contraire. Par conséquent, les attentes théoriques sont vérifiées pour 2000 et 2001

Source : d'après nos calculs

uniquement. Essayons d'apporter une explication à ce phénomène tout en jugeant si le TCER a réellement eu un impact sur la balance commerciale pour les années où le cheminement théorique est vérifié.

- L'année 1999 : cette année se caractérise par une appréciation de la balance commerciale ainsi que celle du TCER. Notons déjà que les deux études similaires faites sur les exportations et les importations révélaient déjà qu'au courant de cette année, les élasticités de la balance commerciale étaient très faibles. Elles traduisaient de ce fait la faible sensibilité de la variation des exportations et des importations aux variations du TCER.

De plus, les résultats obtenus sont quelque peu à l'opposé des attentes théoriques qui devaient se réaliser si le TCER aurait eu un impact sur le solde commercial. En effet, une hausse du TCER devrait entraîner une dépréciation de la balance commerciale avec le découragement des exportations désormais plus coûteuses en devises étrangères et la stimulation des importations suite à la baisse des prix en CFA des denrées commerciales importées.

Terminons notre analyse avec l'indicateur de la théorie des élasticités critiques. Les conditions de Marshall-Lerner n'étaient pas vérifiées car L = -0,10490 < 1. Par conséquent, la variation du TCER ne pouvait pas avoir un impact significatif sur le solde commercial. C'est donc la raison pour laquelle la décroissance du solde commercial attendue suite à l'appréciation du TCER n'a pas eu lieu.

- L'année 2000 : En 2000, la balance commerciale s'est appréciée tandis que la chute du TCER était constatée. Les cheminements théoriques ont donc été vérifiés.

De surcroît, les études antérieures sur les exportations traduisaient, pour cette année, une forte sensibilité des variations de cette variable par rapport au TCER.

En plus, 2000 est la seule année où les conditions de Marshall-Lerner sont vérifiées. On peut donc conclure que l'arrimage aurait eu un impact certain sur la balance commerciale en 2000.

- L'année 2001 : Au cours de cette année également, les cheminements théoriques se sont vérifiés car l'appréciation du TCER a coïncidé avec une dépréciation du solde commercial. Cet état de choses serait difficile à attribuer à l'arrimage car les conditions de Marshall-Lerner étaient loin d'être vérifiées, L étant tel que : L= -7,5613 qui est l'indicateur le plus faible sur l'ensemble de la période.

- L'année 2002 : elle ne traduit pas les attentes théoriques car les variations du TCER et du solde commercial évoluent dans le même sens. Cela est en partie dû à la relative faiblesse des élasticités de la demande d'exportation pendant l'année considérée. Ainsi, les variations des exportations se sont révélées être peu sensibles aux fluctuations du TCER.

En plus, L=0,40903 <1. Ce qui fait que les conditions de Marshall-Lerner n'étaient pas vérifiées. On peut donc conclure que pour cette année, si l'arrimage du Franc CFA à l'Euro a eu un impact sur le solde commercial, cet impact était forcément très limité.

CONCLUSION

Au terme de notre étude, il ressort des différentes analyses qui ont été faites sur les exportations, les importations et la balance commerciale proprement dite que l'arrimage du Franc CFA à l'Euro a eu, depuis lors, un impact mitigé sur chacune de ces variables. En effet, les éléments d'analyses30(*) qui nous ont permis de tirer certaines conclusions ainsi que les théories économiques ayant servi de cadre de référence ont démontré que l'arrimage avait eu un bilan contrasté et relatif aux spécificités de chaque année. Ainsi,

Ø Pour les exportations, la période ultérieure à l'arrimage a été marquée par une baisse globale de la compétitivité du Cameroun que la période directement antérieure n'avait pas connu. Bien qu'à l'exception notable de l'an 2000, les autres années aient été caractérisé par une appréciation du TCER, il est difficile d'attribuer cet état de choses à l'avènement de l'arrimage seul, car des indicateurs techniques témoignaient d'une influence limitée du TCER et donc de l'arrimage sur l'évolution des parts de marché. Aussi, il a été difficile d'isoler l'effet arrimage car ce dernier a coïncidé avec d'autres facteurs qui expliquent tout aussi bien la chute des parts de marchés internationaux à l'instar de la baisse de la production domestique pour certains principaux produits.

Eu égard à toutes ces considérations, les instruments techniques d'analyse qui ont été les nôtres, combinés à certaines considérations d'ordre pratique, semblent tous convergés vers le fait qu'entre 1999 et 2002, c'est en 2000 que l'arrimage du FCFA à l'Euro a eu un impact certain sur les gains de parts de marchés ayant été observés. Pour les trois autres années, les mêmes instruments d'analyse portent à croître que l'influence de l'arrimage sur la compétitivité a été très limitée.

Ø Pour les importations, les variations du TCER induites par les fluctuations de l'Euro ont eu au courant de chaque année une influence considérable sur les prix à l'importation libellés en Franc CFA. Cela a été mis en exergue pour le cas des Etats-Unis et surtout du Nigéria dont la monnaie s'est fortement dépréciée relativement au Franc CFA du fait de l'arrimage. L'on a ainsi assisté à une hausse des prix du principal produit d'importation du Cameroun d'une valeur de près de 80% en Naira contre seulement 15,25% en FCFA. L'effet prix du TCN et donc de l'arrimage a trouvé sa pleine expression ici. Cet état de choses n'a pas été qu'avantageux car à cause d'une dépréciation continue du Franc CFA face au Dollar américain jusqu'en 2001, les augmentations des prix en dollar des biens importés depuis les Etats-Unis ont toujours été revues à la hausse en Franc CFA tandis que les baisses ont toujours été amoindries.

L'arrimage a également eu un impact sur les importations en quantité. En effet, pour les années 1999 et 2002, l'on a noté une concordance des évolutions du TCER et des quantités importées suite à la baisse des prix en FCFA des produits importés ; cette dernière faisant suite à l'appréciation du TCER. De plus, les élasticités de la demande en volume par rapport au TCER étaient relativement élevées au cours de ces années. Deux années, cependant se sont caractérisées par des observations inverses de celles attendues. Il s'agit de 2000 et 2001 où les élasticités indiquaient une variation en sens contraires des TCER et des importations en quantité à cause d'une demande d'importation inélastique au TCER. Celle-ci était due à la forte dépendance de certains secteurs comme l'agriculture quant aux importations des produits (achat d'engrais ou de produits buts d'origine animale) qui leurs sont indispensables.

Ø Pour le solde commercial, les résultats ont démontré que de 1999 à 2002, le théorème de Marshall-Lerner n'a été vérifié que pour une seule année qui est l'an 2000. Aussi, les évolutions tant des exportations que des importations montraient une sensibilité forte entre les variations des exportations et des importations et celles du TCER. Pendant cette année donc, l'on peut affirmer que l'arrimage du CFA à l'Euro, à travers la baisse du TCER, a entraîné une appréciation de la balance commerciale. Quant aux autres années, si l'arrimage a eu une incidence sur le solde commercial, celle-ci était plus limitée qu'en 2000.

Mais, notre étude a révélé une hausse permanente du TCER au gré surtout de l'appréciation de l'Euro vis-à-vis des devises étrangères. Alors, cela n'a- t-il pas pour conséquence l'éloignement continu du Franc CFA de sa valeur d'équilibre31(*) ? Si cela est vérifié, n'aboutirons nous pas à terme à une autre dévaluation du Franc CFA ?

LEXIQUE

Ø Balance des paiements: document présentant dans un cadre comptable toutes les opérations effectuées pendant une période (trimestre, année) entre les résidents d'une économie nationale et les non résidents.

Ø Balance commerciale : récapitulation des importations (FAB) et exportations (FAB) de marchandises faisant apparaître le solde commercial c'est-à-dire la différence entre les exportations et les importations. La balance commerciale est excédentaire lorsque son solde est positif.

Ø Pays d'achat : pays de résidence du vendeur de la marchandise.

Ø Pays de vente : pays de résidence de l'acheteur de la marchandise.

Ø Compétitivité à l'exportation d'un pays : aptitude d'un pays à faire face à la concurrence internationale en conservant ses parts de marchés internationaux ou en conquérant de nouvelles parts. Elle se mesure ex post par l'observation de l'évolution des parts de marché.

Ø Elasticité : sensibilité d'une variable X à une variable Y, mesurée par le rapport de la variation relative de X à celle de Y (approximation acceptable pour une faible variation de Y, la définition relative de l'élasticité faisant référence à des dérivées).

Ø Price takers : dans le contexte d'un marché de concurrence pure et parfaite, ce sont les agents économiques qui sont preneurs de prix c'est-à-dire que les prix s'imposent à eux. Autrement dit, le producteur peut vendre autant qu'il le souhaite au prix du marché sans que celui-ci ne baisse et le consommateur acheter autant qu'il le désire sans que le prix n'augmente.

Pour le commerce extérieur et relativement à un produit donné, les price takers représentent les pays exportateurs ou importateurs dont les prix de vente et d'achat internationaux s'imposent à eux en ce sens qu'ils ne peuvent pas influencer leur évolution soit en raison de l'atomicité des marchés, soit alors en raison de la faiblesse de leur niveau d'offre ou de demande sur lesdits marchés.

Ø Zone monétaire : ensemble de pays généralement regroupés autour d'un pays central et dont les monnaies sont convertibles entre elles à taux fixes et les réserves de change mises en commun.

Ø Parité des pouvoirs d'achat : c'est un concept qui a deux applications :

- il a été utilisé par Gustav Cassel en 1918 comme théorie de détermination du taux de change moyennant la loi du prix unique. Cette loi stipule qu'en l'absence des coûts de transaction, les prix des biens et services sont identiques entre pays au taux de change près c'est-à-dire :

P' = E * P avec P' = prix d'un panier de biens échangeables dans le pays A ;

P = prix du même panier de biens dans le pays B ;

E = taux de change au certain de la monnaie du pays B par rapport à celle du pays A.

Cette version de la théorie de la parité des pouvoirs (PPA) d'achat est appelée PPA absolue. Elle a montré certaines limites notamment dues aux coûts de transaction parfois considérables qui accompagnent souvent les échanges et à l'existence des biens et services non échangeables qui ne sont pas pris en compte.

- Ensuite, elle permet de faire les comparaisons inter nationales sur les niveaux de vie entre différents Etats en évitant les problèmes posés par les taux de change et par le fait que la structure des prix relatifs n'est pas la même partout.

Ø Taux de change d'une monnaie : prix auxquels s'échange une monnaie nationale relativement aux autres sur les marchés de change.

Parmi les taux de change, on distingue entre autres le taux de change effectif nominal (TCEN), le taux de change effectif réel (TCER) et le taux de change d'équilibre.

- Le TCEN : c'est la moyenne des indices du taux de change de la monnaie d'un pays, cette moyenne étant exprimée dans les monnaies des différents pays avec lesquels il est économiquement en relation et étant pondérée par le poids respectif des pays partenaires dans ces échanges. Ainsi :

Avec Tin = nombre d'unités de devises du pays par unité de monnaie nationale à l'époque n, et Ti0, le même prix à l'année de base. Wi = poids relatif du pays étranger i dans les échanges du pays considéré en moyenne sur la période.

Avec Tin = nombre d'unités de devises du pays i par unité de monnaie nationale à l'époque n, et Ti0, le même prix à l'année de base. Wi = poids relatif du pays étranger i dans les échanges du pays considéré en moyenne sur la période.

TCEN =.

- Le TCER : c'est un indicateur de compétitivité obtenu en corrigeant le TCEN par le rapport entre l'indice des prix intérieurs et la moyenne des indices des prix externes. D'où :

Avec Pc = indice des prix à la consommation dans le pays. Pce = moyenne des indices de prix à la consommations dans les pays étrangers.

Avec Pc = indice des prix à la consommation dans le pays. Pce = moyenne des indices de prix à la consommations dans les pays étrangers.

Avec Pc = indice des prix à la consommation dans le pays. Pce = moyenne des indices de prix à la consommations dans les pays étrangers.

TCER = TCEN *

- Le taux de change d'équilibre entre deux monnaies : c'est le taux de change auquel le prix d'un ensemble de biens exprimés dans ces deux monnaies s'équilibre. Selon l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le taux de change d'équilibre est donné par la notion de parité de pouvoir d'achat (PPA).

Ø Monnaie forte : monnaie qui a un taux de change au certain élevé relativement à celui des autres monnaies.

Ø Monnaie sous-évaluée : monnaie dont la valeur nominale sur les marchés de change est en deçà de sa parité économique par rapport à une autre monnaie. Comme l'a affirmé Nicolas Hartog à propos de la sous-évaluation : « Elle entraîne une augmentation du prix des importations qui peut avoir un effet inflationniste pour l'économie. Elle baisse aussi artificiellement le prix des biens exportés, ce qui stimule leur compétitivité, pour autant que l'inflation interne reste maîtrisée ».

Ø Monnaie surévaluée : monnaie dont la valeur nominale sur les marchés de change est au dessus de sa parité économique par rapport à une autre monnaie. A l'inverse de la sous-évaluation, elle peut entraîner une baisse des prix à l'importation et une hausse des prix des biens exportés qui peut faire perdre en compétitivité prix à l'exportation.

Ø Arrimage d'une monnaie sur une autre : une monnaie est arrimée sur une autre lorsqu'elle est en régime de change fixe avec cette dernière qui lui apporte de par des accords de convertibilité la garantie internationale nécessaire aux opérations de change avec les autres monnaies.

ANNEXES

Tableau 1 : Les 10 premiers partenaires commerciaux du Cameroun à l'exportation en 2002

Les 10 premiers clients

PIB en FCFA

Espagne

4,53476E+14

Italie

3,08335E+14

France

1,056E+15

Pays-bas

8,73761E+14

Etats-Unis

7,20972E+15

Chine

8,7911E+14

Tchad

1,39008E+12

Belgique

1,63039E+14

Inde

3,54252E+14

Allemagne

1,3777E+15

Source : Institut National de la Statistique.

Tableau 2 : moyennes pondérées des cours effectifs des produits camerounais en FCFA

Années

Moyennes pondérées des cours effectifs des produits camerounais en FCFA par kg

1994

3594,88

1995

3509,86

1996

3740,79

1997

4733,76

1998

2570,48

1999

3198,14

2000

8585,44

2001

9131,85

2002

8255,82

2003

8885,46

Source : d'après nos calculs

Tableau 3 : TCER annuels base 100=1995

Années

TCER

1993

135,1

1994

86,6

1995

100

1996

101,5

1997

96,9

1998

102,1

1999

106,7

2000

95,6

2001

98,7

2002

100,3

Source : International Financial Statistics

TABLES DES TABLEAUX, GRAPHIQUES

ET FIGURES

N° Tableaux et titres

Pages

Tableau 1 : Principaux produits d'exportation

37

Tableau 2 : Les premiers résultats du modèle des exportations

47

Tableau 3 : Les données du modèle final des exportations

49

Tableau 4 : Les résultats du modèle des importations.

50

Tableau 5 : Les résultats du modèle des importations final.

51

Tableau 6 : Evolutions comparées des variations annuelles du TCER et du TCN

58

Tableau 7 : Caractéristiques de liaison du TCER et du TCN

58

Tableau 8 : Elasticités critiques à l'exportation

60

Tableau 9 : Elasticités de la demande d'importation en quantité par rapport aux prix

69

Tableau 10 : Elasticités critiques aux importations

74

Tableau 11 : Indicateurs du théorème des élasticités critiques

75

N° et titres de graphiques

Pages

Graphique 1. Zone franc africaine

6

Graphique 2. Institutions de la zone CEMAC

9

Graphique 3 : Poids économique du Cameroun dans la CEMAC

18

Graphique 4 : Structure des exportations

18

Graphique 5 : Place du Cameroun dans la répartition de la masse monétaire dans la CEMAC

19

Graphique 6 : Structure des exportations

37

Graphique 7 : Evolution des cours internationaux des différents produits exportés.

38

Graphique 8 : Evolution des cours mondiaux du pétrole

38

Graphique 9 : Répartition en % des exportations du Cameroun entre ses différents clients

39

Graphique 10 : Evolution des importations par noyau d'utilisation

40

Graphique 11 : Evolutions des termes de l'échange

41

Graphique 12 : Variations annuelles du TCER (base 100=1995)

55

Graphique 13 : Evolutions du taux de change au certain du franc Cfa par rapport au USD

56

Graphique 14 : Evolutions comparées du TCER et du TCEN

57

Graphique 15 : Variations annuelles des exportations en volume

61

Graphique 16 : Evolutions de la variation des exportations en quantité et en valeur

65

Graphique 17 : Evolutions comparées, variation du TCER et des importations

65

Graphique 18 : Evolution du taux de change de l'Euro par rapport au Dollars

66

Graphique 19 : Evolutions comparées des variations des prix des produits

d'importations du Cameroun en provenance du Nigeria

67

Graphique 20 : Evolutions comparées des variations des importations en volume et du TCER

68

Graphique 21 : Evolution de la balance commerciale du Cameroun

73

Graphique 22: Evolutions comparées des variations du solde commercial et du TCER

77

BIBLIOGRAPHIE

- BABISSKANA Thomas et ABISSANA Onana (2003), Les débats économiques du Cameroun et d'Afrique, Edition L'harmattan, Paris

- - BEITONE Alain et BASSONNI Marc (1999), Problèmes monétaires internationaux, Edition Armand Colin, Paris.

- DELAGE Alain et MASSIERA Alain (1994), Le Franc CFA : Bilan et perspectives, Edition L'harmattan, Paris

- GENEREUX Jacques (1996), Economie politique, Edition Hachette, Paris.

- HAMMOUDA Hakim B.et KASSE Moustapha (2001), L'avenir de la Zone Franc, Edition Karthala et Codesria, Paris.

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- Institut National de la Statistique du Cameroun (2004), Annuaire Statistique 2004, Yaoundé.

- MUCCHIELLI Jean-Louis (1990), Economie internationale, Edition Dalloz, Paris.

- Ministère de l'Economie et des Finances (2004), Loi des finances 2005, Yaoundé, Décembre 2004.

- PLIHON Dominique (1998), Les taux de change, 3ème éd., Edition La découverte, Paris.

- www.icicemac.com.

- www.izf.net.

* 1 Philippe HUGON, La zone franc à l'heure de l'Euro, page 7

* 2 Philippe HUGON, La zone franc à l'heure de l'Euro, P.242

* 3 Philippe HUGON, La zone franc à l'heure de l'Euro, P.242

* 4 Albert ONDO OSSA dans L'avenir de la zone franc, 2001, P. 289

* 5 Philippe HUGON, La zone franc à l'heure de l'Euro, 1999, P.242

* 6 Philippe HUGON, La zone franc à l'heure de l'Euro, 1999, P.243

* 7 Albert ONDO OSSA dans L'avenir de la zone franc, 2001, P. 289

* 8 Dominique Strauss-kahn, ministre français de l'Economie et des Finances lors de la réunion des ministres de l'Economie et des Finances des PAZF en 1998 à Paris

* 9 Babissakana, Les débats économiques du Cameroun et d'Afrique, 2003, page 53.

* 10 Babissakana, Les débats économiques du Cameroun et d'Afrique, 2003, page 53

* 11 Babissakana, Les débats économiques du Cameroun et d'Afrique, 2003, page 53.

* 12 Nicolas Hartog, « L'Euro fort plutôt que l'Euro surévalué », extrait de l'information agricole, Mars 2001

* 13 « Economie Internationale », page 132.

* 14 Voir Chapitre II, le modèle de Mundell-Fleming, pp 31 à 32.

* 15 Voir Le modèle de Mundell Fleming, pp31 à 32.

* 16 En effet, le PIB d'un pays peut augmenter ou baisser et induire plutôt la hausse ou la baisse des importations en provenance d'un autre fournisseur qui n'est pas forcément le Cameroun.

* 17 Voir l'explication de « en première analyse » au titre III.4 du Chapitre III.

* 18 Voir les principaux produits d'exportation au tableau 1, page 37.

* 19 Par exemple, le TCER est de l'ordre des centaines tandis que les importations, les exportations sont de l'ordre des milliardièmes.

* 20 Voir modèle de Mundell-Fleming, page 31.

* 21 Alain Delage ou Alain Massiera dans « Le franc CFA, Bilan et Perspectives », p.114.

* 22 Voir dans « L'équation du modèle des exportations », page 47.

* 23 Confère Chapitre II, page 24.

* 24 Voir Graphique 5, page 36.

* 25 Voir le tableau 7, page 56

* 26 D'après des calculs qui ont pour base le CD-ROM de la Banque mondiale, parution 2003, entre 1998 et 1999, on est passé de 1Naira=29,96 FCFA à 1 Naïra = 6,67 FCFA.

* 27 La hausse a été de 79% en Naïra et de 15,25% en CFA. La marge absorbée par l'arrimage est donc de : 79%-15,25%=63,75%.

* 28 Voir Chapitre II, pp 23 à 26.

* 29 Confère Chapitre II, page 25.

* 30 Ces éléments étaient les exportations en volume pour les études de la compétitivité, les élasticités critiques des exportations et des importations pour se rendre compte du degré de sensibilité de ces deux dernières quant aux variations du TCER, et l'indicateur L de Marshall-Lerner qui permettait de se prononcer sur l'effectivité de l'influence du TCER sur le solde commercial, etc.

* 31 Cette valeur d'équilibre n'est pas fixée arbitrairement mais elle résulte des fondamentaux de la détermination du taux de change que sont le solde commercial, le taux d'intérêt et l'inflation.






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand