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Recomposition des rapports ville - campagne en Ile de France: exemple de la zone maraichère de Cergy

( Télécharger le fichier original )
par Ibrahim HESSAS
Université Paris X (nanterre) - Master I Géographie et améngement (mondialisation et dynamiques rurales comparées) 2006
  

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Troisième partie :

L'agriculture de la zone maraîchère : une activité faiblement intégrée dans
l'agglomération de Cergy pontoise.

1. Présentation de l'agriculture de la zone maraîchère de Cergy :

Parmi toutes les utilisations de la zone maraîchère, l'activité agricole demeure de loin la plus imposante. Sur la totalité de son espace, 13 exploitations agricoles pratiquent essentiellement des cultures maraîchères avec une forte présence de la plasticulture (plus de 2,5 ha de serres), le matériel agricole est géré en CUMA et l'approvisionnement en semences et divers intrants s'effectue via la coopérative agricole de Cergy.

Le mode de faire valoir pratiqué est mixte (fermage - directe) avec la prédominance du fermage compte tenu de l'état du foncier : celui - ci est très morcelé à cause du morcellement de la propriété. Ainsi 102 personnes physiques ou morales (car l'agglomération et la commune de Cergy sont aussi propriétaires de certaines parcelles) se partagent une surface d'environs 824607 m² divisée en 111 parcelles formant 63 propriétés. Ce sont de petites propriétés appartenant le plus souvent à plusieurs propriétaires : 41 d'entres elles ont moins d'un hectare (dont 19 avec moins d'un demi hectare), elles occupent une surface totale de 20,8 hectares répartie sur 48 parcelles qui appartiennent à 67 propriétaires. 10 propriétés ont des surfaces comprises entre un et deux hectares, elles représentent une surface totale de 15 hectares répartie sur 22 parcelles appartenant à 19 propriétaires. 7 propriétés ont des surfaces entre 2 et 5 hectares, elles occupent une surface totale de 24 hectares répartie sur 28 parcelles appartenant à 12 propriétaires. Enfin, 3 propriétés ont entre 6 et 9 hectares. Elles occupent une surface totale de 22,4 hectares répartie sur 12 parcelles appartenant à 4 propriétaires.

Selon le nombre de personnes par propriété, on peut distinguer cinq catégories de propriétés foncières en zone maraîchère :

Une première catégorie avec une surface totale de 372312 m² (soit 45% de la surface exploitable de la zone maraîchère) représente 29 propriétés foncières. Elle regroupe les propriétés appartenant chacune à une seule personne et concerne 29 propriétaires. La seconde est la plus importante en terme d'étendue spatiale puisqu'elle couvre une surface totale de 402387 m² (soit 49% de la surface exploitable de la zone maraîchère) et représente 27 propriétés foncières. Elle regroupe les propriétés appartenant à deux personnes chacune et concerne 54 propriétaires.

Ces deux premières catégories qui peuvent être rassemblées en un seul groupe concentrent 94% de la surface cultivable de la zone maraîchère. Un second groupe qui concerne les 6% restants rassemble les trois dernières catégories de propriétés foncières : les propriétés appartenant à trois, à quatre et à cinq personnes qui s'étendent respectivement sur 231 67m², 1 9842m² et 683 9m² (soit 3%, 2% et 1% de la surface cultivable de la zone maraîchère).

Tableau 04 : L'état du foncier agricole en zone maraîchère de Cergy (Juin 2006).

Propriétaires par propriété (nombre)

1

2

3

4

5

Propriétés (nombre)

29

27

2

2

1

Propriétaires (nombre)

29

54

6

8

5

Parcelles (nombre)

48

56

3

2

1

Propriétaires par parcelle (nombre)

0,60

0,96

2

4

5

Surface totale (m²)

372312

402387

23167

19842

6899

Surface par parcelle (m²)

7756,5

7 185,48

7722,33

9921

6899

Surface par propriétaire (m²)

12838,34

7451,61

3861,16

2480,25

1379,8

 

Source : Données cadastrales de la commune de Cergy, 2006.

La rareté de l'espace en zone maraîchère a contraint certains exploitants à rechercher d'autres emplacements plus loin pour agrandir leur SAU.

Selon que les agriculteurs cultivent ou non des parcelles en dehors de la zone maraîchère, l'organisation de leurs exploitations ainsi que leurs stratégies semblent se présentées différemment ; dès lors un critère de typologie des exploitations selon la localisation de leurs parcelles permet de distinguer deux types d'exploitations :

Le premier type « type A » regroupe les exploitations dont la totalité des parcelles cultivées est exclusivement localisée en zone maraîchère. Ce sont des exploitations de surface moyenne de 8 ha avec des parcelles qui sont soit regroupées en un seul endroit ou réparties sur plusieurs endroits de la zone. Dans ce type qui concerne près de 60% des exploitations de la zone maraîchère, les stratégies mises en oeuvre par les exploitants consistent en l'élargissement maximal de la gamme des productions à proposer aux clients. Sur ces exploitations, les parcelles de cultures sont très nombreuses mais de faible surface car l'enjeu est de cultiver pour une même période le maximum d'espèces légumières. Le mode de commercialisation utilisé est la vente sur les marchés forains, la vente à la ferme qui exige des coûts supplémentaires (mise en place d'installations pour l'accueil des clients, publicité...) ainsi que la vente à Rungis, ne sont pas pratiquées puisque les investissements sont réduits à

leur minimum et les volumes traités sont très faibles. Ces exploitations sont gérées par une seule personne (l'agriculteur) qui peut dans certains cas déléguer la gestion de la production à un agriculteur chef. Sur ces exploitations, le nombre d'ouvriers à l'hectare est le plus important avec une main d'oeuvre agricole le plus souvent salariée permanente.

Tableau 05 : La main d'oeuvre salariée sur une exploitation de 9 ha « type A ».

5

Type de contrat

Salariés

Nombre

Temps complet

Ouvriers maraîchers

2

 

1

 

1

Temps partiel

Vendeuses

1

Salariés (Total)

 
 

Source : Travail de terrain (Mai 2006)

Sur ce type d'exploitations qui sont exclusivement maraîchères, plusieurs espèces légumières coexistent durant la même période avec une rotation pratiquée à trois échelles différentes : Ces exploitations sont souvent divisées en quatre blocs de parcelles (B1, B2, B3, B4) dont seulement trois blocs participent à la rotation annuelle (B1, B2, B3), le quatrième bloc (B4) consacré à la plasticulture reste en dehors de celle-ci. La première année, le bloc (B3) est laissé au repos et les deux blocs (B1et B2) sont cultivés. L'année suivante, le bloc (B3) est mis en culture par les espèces cultivées sur le bloc (B1) qui accueil à son tour les cultures portées l'année précédente par le bloc (B2) alors que celui-ci est mis au repos durant la seconde année. C'est ainsi que chaque année, un des trois blocs est laissé au repos. Cette rotation qui s'effectue à l'échelle des blocs de parcelles n'est pas la seule sur les exploitations, des rotations sont aussi pratiquées à l'échelle des parcelles cultivées au sein de chaque bloc ; par ailleurs, deux types de rotations s'effectuent à deux échelles différentes sur le quatrième bloc (B4), la première qui se déroule entre les serres permet de ne pas cultiver successivement la même culture dans la même serre, tandis que la seconde qui s'effectue à l'intérieur de la serre permet de ne pas succéder la même culture sur la même parcelle.

Ces différentes rotations jouent un rôle capital dans l'entretien de la productivité des exploitations en zone maraîchère car elles permettent d'utiliser au maximum la surface de l'exploitation tout en protégeant la fertilité du sol avec des économies en fertilisants et en traitements.

Figure 05 : Les rotations sur une exploitation agricole de type A.

CON

AUB

B1

LAI OIG

AIL

CHO

HAR

TOM

B4

COU

HER

B2

Bloc de parcelles

RAD

HER

CAR

Parcelle au repos
Nouvellement

Labourée

B3

Entrée

Serre Clôture

Chemins d'exploitation :

Primaires

Secondaires Tertiaires

Les cultures :

Quatre niveaux de rotation :

AIL : ail

AUB : aubergine CAR : carotte CHO : chou

CON : concombre COU : courgette HAR : haricot HER : herbes LAI : laitue OIG : oignon RAD : radis TOM : tomate

Premier niveau (blocs de parcelles) Deuxième niveau (parcelles de culture) Troisième niveau (entre les serres) Quatrième niveau (dans la serre)

Source : Travail de terrain (Mai 2006)

Un deuxième type d'exploitations « type B » regroupe les exploitations ayant l'essentiel de leur surface en dehors de la zone maraîchère ; les parcelles cultivées se répartissent sur plusieurs communes différentes et les limites d'exploitations dépassent ainsi largement les limites administratives communales voire départementales. 40% des exploitations de la zone maraîchère sont concernées par cette définition, elles ont des surfaces plus importantes (45ha, 80ha...) dont seulement 8 ha en moyenne sont localisés sur la zone maraîchère avec la même organisation que celle des exploitations de type A.

Sur ces exploitations, la gestion n'est pas assurée par un seul agriculteur, la responsabilité est partagée soit avec un associé dans le cadre d'une forme sociétaire (par exemple en GAEC), soit avec la conjointe. A l'inverse des exploitations du type A, celles appartenant à ce groupe ne sont pas exclusivement maraîchères ; elles consacrent une grande partie de leur SAU aux grandes cultures et à l'arboriculture pour certaines d'entres elles. Néanmoins, leurs parcelles cultivées en zone maraîchère restent entièrement réservées au maraîchage.

Les stratégies mises en oeuvre par les exploitants ont pour objectif de fournir des produits de grande qualité (en bio par exemple) et en quantité suffisante pour la vente directe (sur les marchés forains et à la ferme) mais aussi pour le marché de gros à Rungis. Les moyens engagés sont plus importants (serres chauffées, cultures hors sol, publicité). Ces exploitations sont celles qui souffrent le plus de leur position périurbaine ; si les exploitants du type A estiment que la ville nouvelle ne leur procure ni des avantages ni des inconvénients, ceux appartenant à ce groupe n'évoquent que des points négatifs du voisinage urbain (vols, dégradations...). L'éparpillement de leurs exploitations sur plusieurs communes éloignées leur pose également des problèmes de circulation et de gestion de leur travail (temps de déplacement important entre les différentes parties de leurs exploitations).

Tableau 06 : Comparaison entre deux exemples d'exploitations (type A et type B).

Critères

Exploitations

 

Type B

Localisation des parcelles : communes (département)

Cergy (95)

Cergy (95), Osny (95),
Menucourt (95),
Andrésy (78)

Cultures
Surface
(ha)

Légumes

9

20

 

0

54

 

0

1

SAU totale (ha)

9

75

Nombre d'UTH

4,5

5

Nombre d'exploitants sur l'exploitation

1

2

Systèmes de vente

Marchés forains

Marchés forains, Rungis,
vente à la ferme

Stratégie de production mise en oeuvre

Gamme plus large +
Quantités faibles

Qualité élevée + Quantités
importantes

 

Source : Travail de terrain (Mai 2006)

Le passage d'une exploitation de type A vers un type B se fait par l'agrandissement de SAU qui nécessite en plus de la capacité économique à réaliser des investissements supplémentaires, une présence d'une ou de plusieurs autres personnes afin de partager le surplus de travail que suscite ce type d'exploitation. Le partage de la gestion de l'exploitation semble ainsi un facteur déterminant l'accession d'une exploitation vers un type B ou au contraire son reclassement en type A qui sous entend l'abondant d'une partie de sa SAU : Il est beaucoup plus difficile à un exploitant de gérer seul une exploitation de type B. Pour ce type d'exploitation, le rôle de la conjointe est déterminant ; ainsi, l'incapacité de travailler de la conjointe d'un agriculteur de type B, a contraint celui-ci à abandonner ses parcelles localisées en dehors de la zone maraîchère, puis à céder toute son exploitation agricole en anticipant son départ à la retraite. En janvier 2006, ses parcelles situées en zone maraîchère ont été reprises par un autre exploitant qui les gère en type A, l'agriculteur en question a été réintégré dans la nouvelle exploitation en tant que salarié.

L'intervention des conjointes peut être d'une façon complète pour certaines exploitations de type B : c'est le cas d'une exploitation spécialisée en bio où la femme, étant associée à son époux, effectue toutes sortes d'opérations que suscite leur mode de production (binage, désherbage manuel, récolte...) et de gestion de l'exploitation (comptabilité, calendrier

cultural, orientation des ouvriers maraîchers...) mais aussi de commercialisation puisqu'elle assure deux marchés par semaine avec l'aide de son fils.

Sur d'autres exploitations, les femmes n'effectuent pas directement des travaux aux champs, elles interviennent dans la vente notamment sur les marchés et à la ferme et/ou par des rôles de « secrétaires » pour leurs époux (comptabilité, remplissage de formulaires et déclarations...). Enfin, pour certaines exploitations, la participation de la femme à l'activité agricole est inexistante ; ce sont des cas particuliers où la conjointe est dans l'incapacité de participer à l'activité agricole suite à une maladie ou à son âge avancé.

La main d'oeuvre féminine n'est pas représentée par les seules épouses des exploitants en zone maraîchère, les filles de certains d'entres eux participent également d'une façon très active au fonctionnement des exploitations (travail administratifs, marchés...). Par ailleurs, un exploitant a engagé une vendeuse spécialement pour les marchés.

Le recours à la main d'oeuvre salariée est toutefois inévitable dans le cas des cultures maraîchères exigeantes en travail manuel, surtout lorsqu'il s'agit de faibles surfaces où la rentabilité économique ne justifie pas une moto mécanisation compte tenu des faibles volumes traités.

Dans les milieux périurbains ou urbains, la rareté d'une main d'oeuvre agricole qualifiée est un véritable handicap pour l'agriculture. A l'unanimité, tous les exploitants agricoles que j'ai rencontrés m'ont fait comprendre qu'il devient de plus en plus difficile pour eux de recruter car les citadins voient en l'agriculture un travail difficile et peu rémunérateur. Dans ces circonstances, la prolongation des heures de travail pour les ouvriers est très fréquente ; comme leurs patrons chefs d'exploitation, ces ouvriers ont souvent des journées longues avec des heurs supplémentaires qui ne sont pas touj ours bien rémunérées.

L'ampleur de cette rareté de main d'oeuvre agricole en nombre et en qualification constitue un sérieux problème pour les exploitants car non seulement ils sont obligés de fournir plus d'heures de travail sur leurs exploitations, mais aussi de consacrer plus de temps à l'orientation de leurs ouvriers qui ne sont pas souvent qualifiés pour le travail agricole. En zone maraîchère, les conséquences sont très perceptibles ; à défaut d'une main d'oeuvre abondante et qualifiée pour le travail agricole, les exploitants recrutent sans avoir le choix de sélectionner les candidats. Aujourd'hui, tous les ouvriers agricoles engagés sur les exploitations sont d'origine étrangère (essentiellement des maghrébins), habitant soit l'agglomération de Cergy Pontoise, soit la proche banlieue parisienne. En plus de leur faible qualification, des difficultés de communication exploitant - ouvriers (liées notamment à leur faible compréhension de la langue française) ne facilité pas le travail des exploitants.

Sur certaines exploitations, il existe une véritable distinction des postes de travail : deux ouvriers assurent les travaux relatifs à la production, deux autres le transport tandis que un ou deux ouvriers assurent la commercialisation sur les marchés avec l'exploitant. Sur d'autres les postes sont plus polyvalents : l'ouvrier maraîcher peut assurer le transport, et le chauffeur participe à la vente sur le marché avec le chef d'exploitation.

La vente sur les marchés forains est pratiquée par tous les agriculteurs de la zone maraîchère qui mettent en valeur leur proximité de l'important bassin de consommation de l'agglomération parisienne. Les marchés les plus privilégiés sont ceux de Paris et de la proche banlieue ; sur ces marchés, les clients sont beaucoup plus sensibles à la fraîcheur et à la qualité des produits qu'ils n'hésitent pas de rémunérer même à des prix plus élevés. La recherche d'une clientèle qui soit prête à rémunérer toujours plus les produits, est donc le critère le plus déterminant dans le choix des marchés forains pour les agriculteurs de la zone maraîchère : La distance (marché - exploitation), qui semble influencer la majorité des producteurs de l'Ile de France (IAURIF, 2004), n'intervient que peu dans le choix du marché à pratiquer. D'ailleurs, aucun de ces producteurs ne commercialise ses produits sur les marchés de Cergy ou de Pontoise malgré leur proximité immédiate.

L'IAURIF dans son Atlas rural et agricole de l'Ile de France, estime que la vente sur les marchés de détail est un débouché important pour les exploitations spécialisées de la région. Les producteurs présents sur les marchés viennent principalement des zones maraîchères et arboricoles d'Ile de France. Ils ont développé un système de production qui leur permet de proposer une large gamme de produits de saison (plus de dix voire de trente variétés de légumes ou petits fruits). Parallèlement, quelques producteurs ont une offre plus spécialisée : salades, oignons, pomme de terre. Ils disposent d'atouts indiscutables avec une offre de produits locaux frais et de saison. La vente sur les marchés est souvent considérée comme le seul moyen de valoriser une production, en particulier pour les petits producteurs qui ne sont pas concurrentiels sur le marché de gros. 25% des exploitations commercialisent leurs fruits et légumes uniquement sur les marchés (IAURIF, 2004).

En Ile de France, ils existent entre 600 et 700 marchés forains (IAURIF, 2000) dont 78 sont implantés dans Paris intra-muros (les Echos, 2005). Ce sont majoritairement de petits marchés puisque 65% ont moins de 50 forains et 35% ont moins de 20 forains (la taille moyenne régionale étant de 50 forains par marché) ce qui constitue une situation préoccupante pour la région puisque les petits marchés ont souvent du mal à se tenir (IAURIF, 2000).

Au-delà de l'avantage économique qu'ils sont susceptibles d'apporter aux agriculteurs (notamment la récupération d'une marge bénéficière nettement plus importante que celle qu'ils perçoivent en cas de vente à des intermédiaires), les marchés forains offrent également une occasion particulière pour la rencontre entre citadins et agriculteurs en Ile de France. Ces marchés acquièrent un rôle décisif dans le processus de réintégration sociale de l'agriculture puisqu'ils forment des vitrines idéales sur le monde agricole et des interfaces sociales actives avec le milieu urbain : à défaut de se rendre sur les champs, c'est dans ces marchés que les citadins peuvent nouer et entretenir d'éventuels contacts directs avec les producteurs de leur région.

La vente à la ferme, sensée contribuer à rétablir le lien avec la société urbaine, ne semble pas séduire les agriculteurs, elle n'est d'ailleurs pratiquée que par une seule exploitation gérée en GAEC dont l'essentiel de la production est vendue sur les marché d'Ile de France et à Rungis ; tous les vendredis entre 16 heure et 19 heure, les clients peuvent ainsi se rendre au siège de l'exploitation pour s'approvisionner en différents légumes produits sur place et mis à leur disposition sur des étalages placés sous un abri avec affichage des variétés et des prix des produits. Ce type de vente qui permet à l'exploitant de réaliser une marge bénéficiaire plus importante puisqu'elle lui évite les coûts des déplacements, reste stagnée malgré les efforts consentis afin d'attirer plus de clients (distribution de publicité dans les boites aux lettres, informations et fidélisation des clients), « nos clients sont majoritairement des habitués, de temps en temps on reçoit des nouveaux mais qui ne reviennent pas souvent et d 'ailleurs même les habitués se font parfois rares», affirme cet agriculteur en insistant sur le fait que ce sont majoritairement des habitants des quartiers voisins « notre problème est qu 'on arrive pas à séduire d'autres clients même si on essaye de ratisser large par nos publicités », fortement convaincu qu'il a fait tout le nécessaire pour développer ce type de vente sur son exploitation, cet agriculteur estime qu'il ne peut pas faire plus : « aujourd'hui je consacre plus de 20% de mon temps de travail pour la vente de mes produits et je ne peux pas faire plus que ça compte tenu du temps énorme de travail que je doit consacrer à la production », lorsque je l'ai interrogé à propos de ce que les clients lui réclament le plus, il m'a répondu : « les gens trouvent que le vendredi après midi ne les arrange pas, mais les autres jours j 'ai beaucoup de choses à faire, et c 'est le seul créneau dans lequel je peux me permettre cette vente ; les débuts de semaine les gens achètent moins, le samedi je fais les marchés forains, et le dimanche je me repose ». A travers le témoignage de cet agriculteur, on comprend bien que le sort de la vente à la ferme ne dépend pas uniquement de la volonté des exploitants d'adopter ou pas ce type de vente selon l'organisation de leur travail, mais tributaire aussi, et d'une

façon plus importante, des disponibilité des clients qui ne sont pas forcement en adéquation avec les créneaux horaires et les jours choisis pour réaliser cette vente. Même intéressés par l'achat direct de légumes sur les producteurs, l'inadéquation des disponibilités des clients avec celle des agriculteurs est la principale entrave au développement de la vente à la ferme, sans efforts et compromis de part et d'autre, ce type de vente ne connaîtra pas le succès qu'on attend de lui en Ile de France. Cet agriculteur que j 'ai réussi d'interviewer dans sa serre entrain d'élaguer ses concombres et dont les propos ont mûrement enrichi ma réflexion, ne voit aucune issue particulière à cette problématique, « vous savez, j 'ai 55 ans et j 'ai décidé d 'arrêter bientôt l 'activité agricole car je ne peut plus fournir d 'efforts supplémentaires pour gagner juste le SMIC !...», me confiât-il à la fin de notre entretien.

En Ile de France, la vente à la ferme demeure toutefois peu pratiquée et ne représente qu'un faible volume ; 21% des exploitants tous secteurs confondus font de la vente directe contre 15% au niveau national. Ce sont essentiellement des arboriculteurs, des horticulteurs, des pépiniéristes et des maraîchers. Ce débouché est cependant en régression par rapport à 1988, quand 29% des exploitants vendaient directement aux consommateurs. Le recul de l'agriculture spécialisée et des productions animales ainsi que le durcissement des normes sanitaires, expliquent cette baisse, même si la demande du consommateur est touj ours présente (IAURIF, 2004).

D'une façon plus originale, un agriculteur exploitant à Cergy Ham, a aménagé un local sur la place de l'indépendance à Cergy village qu'il a entièrement dédié aux produits de son exploitation, les clients qui sont essentiellement habitants du village, y trouvent légumes, oeufs, lapins, plantes en pots... etc. Il s'agit d'un système de vente directe des produits de la ferme qui s'effectue plus loin de celle-ci et plus proche des clients ; ces derniers peuvent ainsi bénéficier des avantages que leur confère l'achat direct chez le producteur sans en subir l'inconvénient du déplacement jusqu'à la ferme. Par ailleurs, ce type de vente directe s'effectuant toute la semaine (puisque le local reste ouvert du matin au soir et tous les jours), permet de pallier le problème des disponibilités des clients : ceux-ci peuvent s'y rendre pour s'approvisionner tous les jours et à tout moment de la journée.

Plus détaché encore du marché cergypontain, un agriculteur spécialisé en bio a développé un système de vente entièrement adapté à une clientèle parisienne plus aisée ; tous les samedi matin, il tient un stand sur le marché biologique des Batignolles dans le 1 7ème arrondissement de Paris. En plus des clients qui achètent occasionnellement ses légumes, les abonnés reçoivent chaque semaine un panier de légumes biologiques de saison contre un paiement mensuel. Les paniers préparés à l'avance, sont de deux dimensions « gros » et

« moyens », et les légumes sont soit produits sur son exploitation soit achetés sur d'autres agriculteurs biologiques à hauteur de 5% des quantités vendues.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus