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Effets et remise en cause des RTT en hôtellerie restauration

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par Anthony Durand
Université de Perpignan, Institut Jacques Maillot - Master 2006
  

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2) Les 39 heures comme contrainte supplémentaire d'organisation : l'exemple des petites et moyennes entreprises d'hôtellerie restauration :

Le passage aux 39 heures a été particulièrement difficile pour les PME et les TPE du secteur de l'hôtellerie restauration en particulier, car ils n'étaient pas vraiment armés pour un tel bouleversement.

Les raisons de cette situation sont multiples. Ces entreprises n'ont pas facilement accès aux conseils et experts capables de les accompagner pour préparer ce passage dans les meilleures conditions possibles, le dispositif d'appui conseil prévu par la loi Aubry n'offrant pas toujours la garantie de trouver un interlocuteur compétent.

L'organisation de la négociation a été particulièrement complexe. Le dialogue social y est généralement insuffisant, voire inexistant, freinant de ce fait les possibilités de négociation. Par ailleurs, leurs dirigeants ont du mal à connaître et à maîtriser les différents outils d'aménagement du temps de travail existants.

Ces entreprises souffrent du manque de disponibilité de l'encadrement, trop occupé par le quotidien de l'entreprise, alors que les cadres ont un rôle crucial à jouer pour accompagner la RTT. Enfin, ces entreprises ne disposent pas d'une interchangeabilité des personnes suffisante pour permettre que la réduction du temps de travail se traduise par des embauches compensatrices et ont du mal à trouver sur le marché du travail les compétences dont elles ont besoin du fait de la pénurie de main-d'oeuvre dans ce secteur d'activité.

Les lois Aubry elles-mêmes avaient pris implicitement acte de la nécessité de traiter différemment les PME et de ne pas les contraindre à passer aux 35 heures dans les mêmes conditions que les grandes entreprises. Les plus petites d'entre elles, celles employant moins de 20 salariés, ont bénéficié d'un régime particulier, marqué par un report du passage à 39 heures des modalités de négociations spécifiques pour l'obtention des allègements de cotisations sociales, et le maintien du droit existant en matière de repos compensateur.

Malgré ces adaptations, les difficultés d'application de la réduction du temps de travail aux petites entreprises expliquent que leurs dirigeants aient fait preuve d'attentisme et n'aient pas anticipé le passage aux 39 heures. 

Force est malheureusement de constater que la levée de bouclier que les 39 heures avaient provoquée dans le monde de l'hôtellerie restauration des PME lors de leur mise en oeuvre était justifiée : à quelques rares exceptions près, pour les petites et moyennes entreprises, et en tout premier lieu les plus petites d'entre elles, les 39 heures ont été un véritable séisme, bouleversant des équilibres économiques souvent fragiles et introduisant encore de la rigidité dans la gestion quotidienne

En 2003, une enquête a été réalisée sur les conditions de mise en oeuvre des 39 heures, laquelle semble significative. Ainsi, à la question : « pourquoi votre entreprise n'applique-t-elle pas les 39 heures », les entreprises hôtelières ont, à 44 %, mis en avant l'inadaptation à l'activité des entreprises.

Pourquoi ne pas appliquer les 35 heures ?

C'est trop compliqué à mettre en oeuvre en termes d'organisation

11%

C'est inadapté à l'activité de l'entreprise

44%

C'est un coût trop élevé pour l'entreprise

11%

C'est impossible de recruter pour remplacer les heures perdues

22%

Cela ne correspond pas à une demande des salariés

22%

L'entreprise préfère payer des heures supplémentaires

11%

Autres raisons

56%

Les sondés pouvant répondre à plusieurs questions

Source : Enquête SVP (Cabinet de Conseil en Management) 2003

Etude sur 142 entreprises en France, (20 Grandes entreprises, 54 PME, 68 TPE)

Concernant la réduction du temps de travail, l'enquête relève que certaines entreprises préfèrent afficher un horaire de 39 heures, et une pratique d'heures supplémentaires. Elles semblent vouloir afficher leur opposition à une loi inadaptée aux contraintes de leur secteur d'activité.

Il ressort toutefois que la quasi-totalité des entreprises hôtelière a accompli un abaissement du niveau moyen des horaires. Parmi les multiples explications figure notamment le souci de limiter les abus par peur des contrôles, de respecter la contrainte du contingent d'heures supplémentaires et enfin de tenir compte de la tendance générale des RTT et de son incidence sur la paix sociale dans l'entreprise.

Pour celles qui n'ont pas opté pour les 39 heures, l'argument majeur avancé est la menace, ressentie par leurs salariés, d'une réduction des salaires. C'est également la garantie d'augmentation future de ceux-ci, d'autant plus appréciée par les salariés qu'elle intervient dans un contexte général de modération, sinon de pur blocage, des rémunérations dans les entreprises ayant procédé aux RTT. La satisfaction de cette attente permet de conserver les salariés, en tout cas le noyau dur du personnel. L'enquête note, toutefois, que les choix qui ont été faits à un moment donné peuvent changer avec l'évolution de la conjoncture et du taux de chômage, que ce soit vers un retour aux 43 heures ou un passage aux 39 heures, dans un égal souci d'attractivité.

Concernant la complexité de la loi, l'étude relève qu'elle a été parfois rendue inaccessible aux dirigeants de PME mais aussi aux salariés. Le manque de formation juridique, l'inexpérience en matière de négociation et l'insuffisance des conseils ont contribué à ce rejet. Certains principes de base de la loi étaient méconnus, comme l'accès direct aux aides prévu dans l'accord de branche. Il s'agissait pourtant de clés pour l'accès aux aides.

En outre, le fait de négocier un accord d'entreprise a pu être perçu comme une contrainte par les dirigeants. Certaines entreprises craignaient de devoir adopter des mesures qui ne leur convenaient pas. Il en est ainsi des modalités des RTT adoptées par les entreprises passées aux 39 heures sans accord : sachant que les salariés voulaient obtenir des jours de RTT, elles n'ont pas négocié car elles estimaient que les jours qu'elles auraient dû accorder seraient devenus source de perturbation dans leur organisation et de baisse nette de production. Cette situation leur a permis dans de nombreux cas de mettre en place des RTT journalière, qui a permis de maintenir ou de limiter la baisse de production avec un effectif constant. Le rejet de la négociation permettait aussi de préserver l'avenir.

Il convient, cependant, de relativiser ce refus de négocier. En effet, étant souvent le prolongement de la structure familiale qui fut à l'origine de leur création, les petites entreprises d'hôtellerie restauration se caractérisent par une relation directe avec le personnel. L'employeur reste au contact du personnel et les relations de « donnant-donnant » sont le quotidien, tout comme la recherche de compromis sans nécessairement se référer aux règles légales.

Enfin, le motif essentiel de non-recours aux aides, y compris dans les entreprises qui remplissaient la plupart des conditions juridiques prévues par la loi tient aux incertitudes sur l'emploi. Les dirigeants préfèrent renoncer aux aides publiques plutôt que s'engager sur un niveau d'emploi qu'ils ne maîtrisent pas. Les trois lois sur les RTT avaient pourtant, comme on l'a vu, atténué progressivement cette obligation. D'ailleurs, dans l'échantillon étudié, peu de créations d'emplois ont été réalisées, que les entreprises soient ou non passées aux 39 heures.

Ecarts creusés entre entreprises de moins de 20 salariés et les autres, augmentation des tensions et du nombre de salariés mécontents, problème du contingentement des heures supplémentaires, difficultés de recrutements : la situation qui résulte aujourd'hui de la mise en place de la réduction du temps de travail dans les PME et les TPE, nombreuses en hôtellerie restauration est pour le moins préoccupante.

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