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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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II.2. L'expansion du savoir médical

Pourquoi l'ouverture se fit à ce moment précis ? Selon Galien, Hippocrate aurait décidé d'ouvrir à des étrangers son enseignement car le nombre des membres de la famille pouvant perpétuer le savoir médical devenait trop petit191(*). Il est possible que, suite à l'extinction de la branche des Asclépiades de Rhodes, Hippocrate souhaita prévenir cet évènement afin que la transmission du savoir médical ne soit pas interrompue192(*).

De tous les disciples étrangers qui suivirent l'enseignement d'Hippocrate, c'est Polybe, son gendre, qui en resta le plus proche193(*). D'autres, tel que Syennésis194(*) attestèrent de la réputation d'Hippocrate.

On examinera en premier lieu les caractéristiques des écoles de médecine en général, puis en étudiera l'école de Cnide pour terminer avec celle de Cos.

II.2.1. Les caractéristiques générales des écoles médicales

Pourquoi parler d'école ? Le nombre de disciple en justifiait l'utilisation.195(*) A l'époque classique, le terme école désignait un centre localisé dans une cité où un maître, dans le cadre d'une tradition familiale, dispensait son enseignement à ses fils et ses disciples196(*). Les écoles sont attachées à un lieu géographique. Le corpus nous permet de préciser certains aspects de leur vies. Sur le plan intellectuel, l'individu associait son effort de recherche à celui du groupe197(*).

Une telle communauté impliquait une solidarité sur le plan social et humain. Ceci est réaffirmé par le serment :

« Je jure par Apollon médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin, de remplir, selon ma capacité et mon jugement, ce serment et ce contrat ; de considérer d'abord mon maître en cet art à l'égal de mes propres parents ; de mettre à sa disposition des subsides et, s'il est dans le besoin, de lui transmettre une part de mes biens ; de considérer sa descendance à l'égal de mes frères, et de leur enseigner cet art, s'ils désirent l'apprendre, sans salaire ni contrat ; de transmettre les préceptes, les leçons orales et le reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par un contrat et un serment, suivant la loi médicale, mais à nul autre. »

L'autre aspect qui se dégageait concernant les écoles dans le corpus était la scientificité de l'organisation de celles-ci. Ce n'était pas en vue de promouvoir et de défendre une conception de l'homme, de la santé, de la médecine, que ces hommes se réunissaient de père en fils, ce souci vint plus tard. Leur but était d'étudier ensemble le moyen de guérir en utilisant l'expérience des Anciens et en se fondant sur une observation directe et la plus large possible. Aussi ne constate-t-on jamais la présence d'école rivale originaire du même lieu198(*).

Quel était l'idéal de ces écoles ? Montrer que guérir était un art véritable capable de s'enseigner et dont les résultats étaient valables. Ceci s'explique par les conditions du moment. Au Vème siècle, en Grèce, les techniques s'épanouissent. Etre un technicien, c'était être capable d'une certaine excellence, posséder un savoir faire commandé par la raison. C'était ce savoir que revendiquait les médecins199(*).

Deux écoles se distinguaient : Cos et Cnide.

Chaque école avait ses traditions propres200(*). Dans chacune, la transmission de l'art était locale et familiale. Chacune a eu ses personnalités, Hippocrate pour Cos, Euryphon201(*) pour Cnide. Par contre, il n'est pas certain que l'organisation de l'enseignement ait été similaire202(*). A Cnide, la production littéraire comportait des ouvrages collectifs tels que Sentences cnidiennes. L'équivalent ne semble pas exister à Cos203(*).

Il est possible qu'il y ait eu concurrence entre les deux écoles. Galien nous en donne le témoignage,

« Ceux qui ont reproché à Hippocrate de réduire la luxation de l'articulation de la hanche, en arguant que l'os ressortait aussitôt, sont en premier Ctésias de Cnide, son parent_de fait lui-même appartenait à la famille des Asclepiades_, et à la suite de Ctésias certains autres aussi. »

mais la considère de bon aloi204(*).

La question des centres a divisé les experts. Certains se sont interrogés sur l'existence des deux écoles. Au même moment, on découvre, à Delphes, une inscription sur les Asclépiades de Cos et de Cnide. Par conséquent,certains concluent qu'il existe une association entre les deux écoles, et qu'il n'y avait donc pas d'écoles distinctes205(*). D'autres ont considérés que l'école de Cos était une association professionnelle de médecins. Toutefois, selon Jacques Jouanna, ces thèses reflètent une confusion entre le plan familial et le plan professionnel. Le développement qui suit s'inspire de l'ouvrage de René Taton, La médecine ancienne et médiévale.

II.2.2. La tendance empirique : l'école de Cnide

C'est la plus ancienne (ces écrits sont antérieurs à celle de Cos) et la plus célèbre206(*). Elle présente des formes d'expérience et de pensée moins élaborée encore proche de la connaissance vulgaire. Et pourtant, la qualité des différentes observations, la hardiesse de certaines opérations frappent : Cnide est à l'origine de l'auscultation. Ceci montre une qualité d'observation que la tradition médicale ultérieure, loin de développer, ne sut pas toujours conserver puisque la pratique de l'auscultation est restée oubliée pendant deux mille ans.

Les traités rattachés à Cnide montrent une grande précision. Des dispositifs expérimentaux sont systématiquement proposés pour illustrer les idées émises. La rigueur de la preuve fait cependant défaut puisqu'il ne s'agit habituellement que d'analogies grossières207(*). Toutefois, le souci de trouver des points des références concrets et de penser par soi-même sans recourir aux dieux est remarquable. La variété d'aspect de la recherche cnidienne ainsi que la qualité des résultats atteints apparaissent manifestes.

Mais de graves insuffisances demeurent, notamment dans les descriptions, et les auteurs ne dégagent pas une véritable pensée médicale.

L'autre particularité de Cnide réside dans sa médication. On retrouve une grande multiplicité de formules pour constituer des remèdes et de préparations servant à établir expérimentalement un pronostic208(*). Toutefois, les remèdes se groupent autour d'un petit nombre de types.

En réalité, la masse de connaissance est constituée, non par l'observation personnelle et directe mais par l'apport d'une longue série de génération. Toutes les expériences ayant réussi plus ou moins ont été retenues, que le succès soit dû à une raison médicale ou à une heureuse coïncidence. On est proche d'un savoir encore empirique209(*) ; c'est en tâtonnant que le médecin le plus savant utilisera tel remède plutôt que tel autre. «Donne et expérimente » revient plusieurs fois. Cette phrase montre que l'on en est encore aux coups de sonde préliminaires, dont l'emploi est justifié par l'obligation de tenter quelque chose pour secourir le malade. On est encore au stade préscientifique mais les médecins de Cnide ne paraissent pas sentir le besoin de le dépasser. Même les tentatives d'explication expérimentale n'aboutissent à aucun résultat positif, quelque soit l'intérêt que ces tentatives présentent par elles-mêmes. L'échec de l'école de Cnide est liée au manque de liaison entre la pensée et l'expérience. Quand le médecin devient théoricien, sa pensée vagabonde et il reste empirique sur le plan de l'expérience. Cet empirisme foncier se manifeste jusque dans les interventions actives auprès des malades. Elles sont souvent hardies mais également brutales (pour les affection cérébrales, rhumatismales, ils préconisent comme traitement l'ivresse).

II.2.3. La tendance rationnelle : l'école de Cos

L'apport de l'Ecole de Cos est tel qu'il a paru nécessaire, à la différence de Cnide, d'opérer des sous-parties. On verra, en premier lieu, le rôle de l'observation, puis l'importance que revêt les sens dans cette école, le rôle de la réflexion qui aboutit à l'apparition de l'esprit scientifique pour finir sur le rayonnement de cette école grâce au départ d'Hippocrate pour la Thessalie.

II.2.3.1. L'observation valable

Avec Cnide, on sent encore le poids d'une tradition acceptée, alourdie d'apports variés et médiocre, on reste dans le vestibule de la science.

L'école de Cos a aussi un très long passé d'observation, et atteindra un niveau bien supérieur dans les attitudes couramment prises. Hostile avec vivacité à toute spéculation étrangère, soucieuse de bien connaître les faits, c'est avec Cos que se fait la véritable promotion de l'expérience. Elle était utilisée depuis longtemps mais une manière rationnelle de conduire l'observation n'avait pas encore été découverte ni pratiquée par un ensemble d'hommes animés du même esprit.

II.2.3.2. La promotion des sens

Face à un malade, le médecin doit considérer ce qu'il est possible de voir toucher, entendre, ce qui est accessible par l'intermédiaire de la vue et du toucher, l'ouïe, le nez, la langue, la pensée considérée comme naturelle, partie intégrante de l' expérience et non surajoutée à elle.

Il semble qu'il n'y ait pas de classement par catégorie de maladie comme à Cnide, mais un compte rendu direct d'observation personnelle. Nul médecine ne fut jamais plus reliée à une expérience directe et vivante. Toutefois, selon René Taton, cette observation est commode. En fait, la sensation est importante car elle est la mesure à laquelle il faut avoir recours dans les cas complexes, elle est un guide que rien ne peut remplacer car ce ne sont pas les calculs qui disent s'il faut ou non prescrire un bain. De plus, quand on ne disposait pas d'instrument pour connaître l'état du corps du patient, l'attention aux nuances de la connaissance sensible était nécessaire. Mais pour cela, le débutant recevait en accompagnant le praticien expérimenté une éducation spéciale qui, toutefois, ne supprimait pas tous les risques d'erreurs. La sensation les renseignait sur les signes distinctifs et les moments décisifs de la maladie. Toutefois, elle ne se sépare pas dans la perspective de Cos, d'un usage élevé de la raison.

Avec Cnide, on observait les détails particuliers mais on aboutissait à des classifications arbitraires car le détail saisissant était recherché pour lui-même. A Cos, il s'agit de la connaissance d'un fait ordinairement difficile à percevoir qui ne prend de sens que par rapport à une pensée médicale.

II.2.3.3. Rôle de la réflexion

Dans les récits hippocratique, il est demandé de bien réfléchir sur les faits, d'observer l'action des patients et leur réaction. Cette intelligence des gestes est si importante qu'elle est demandée à des simples aides opérateurs.

Le pronostic hippocratique est une pensée complexe se rapportant au devenir de la maladie et tenant compte d'une grand nombre de signes différents et changeants. La direction du traitement dans un maladie aiguë ne consiste pas en l'application automatique de règles rigides. L'important pour le médecin est de pratiquer uen médecine souple et intellectuelle avec quelques principes nés d'une réflexion sur l'expérience. Parce qu'elle est liée à l'expérience mobile, la pensée du médecin ne peut se reposer dans une sécurité paresseuse.

Ici apparaît l'art médical qui suppose une attitude positive et rigoureuse sans se conformer toujours aux normes d'une certitude purement scientifique.

II.2.3.4. Apparition de l'esprit scientifique

On comprend pourquoi une médecine commandée par cette esprit possède une valeur scientifique et peut même atteindre, grâce à une largeur de ses horizons, à une sagesse d'un ordre encore supérieur. Au sens rigoureux du terme, les découvertes positives ne sont pas toujours facile à préciser car ces hommes étaient des cliniciens et le domaine de la maladie est plus ou moins mobile, impossible à fixer absolument. Au contraire, la qualité de l'esprit scientifique qui apparaît dans ces textes suscite l'admiration. Cette qualité se manifeste à propos de l'établissement des faits.

On trouve ici le souci de se soumettre aux faits mais l'esprit critique doit s'exercer sur soi pour se prémunir contre les causes des erreurs. Ceci est rare dans l'Antiquité et entraîne chez les médecins de Cos une modestie constante. Ils ont toujours à l'esprit la grandeur de l'art, la difficulté d'un jugement droit. Pour cela, il rejette tous ce qui est ostentatoire : pour atteindre un but médical il faut utiliser les moyens les plus sobres ce qui leur fait refuser les grandes théories de la philosophie ambiante. Une règle doit diriger leurs actions : ne pas nuire.

II.2.3.5. L'impact du départ d'Hippocrate pour la Thessalie210(*)

L'arrivée d'Hippocrate en Grèce continentale a dû favoriser la diffusion de la médecine de Cos. En effet, en Thessalie, Hippocrate a dû former d'autres élèves211(*). La vie de médecin itinérant lui permis d'enrichir les observations cliniques. Les Epidémies en sont un bon exemple. Elles nous permettent de connaître l'influence des facteurs propres à chaque cité sur la santé des habitants que cela concerne les vents, la qualité des eaux, la nature du sol et le régime des habitants. Sans cette partie de la vie d'Hippocrate, un traité tel que Airs, Eaux, Lieux n'aurait certainement pas été réalisé212(*).

A Cos, le départ d'Hippocrate, ne porta pas un coup d'arrêt à l'école. La continuité fut assuré par Polybe, son gendre. Ainsi, l'enseignement d'Hippocrate continua d'être dispensé. Jusqu'à l'époque hellénistique, l'école jouissait encore d'un certain prestige.Les cités continuèrent à faire appel aux médecins de cette île pour occuper la charge de médecin public213(*).

Après deux mille cinq cent ans la doctrine hippocratique garde un intérêt historique et actuel. Même si elle n'exprime pas toute la réalité médicale, elle attire l'attention sur des idées qui restent fondées, elle peut servir à interpréter un certain nombre de fait. En comparaison, d'autres doctrines qui ont fleuri en ce domaine apparaissent comme des bizarreries de l'esprit humain. C'est avec Hippocrate que la médecine grecque apparaît sous sa vraie grandeur. Il refusait la spéculation pure. L'organisme est un ensemble complexe et un, la vraie sagesse consiste à aider l'activité naturelle, on est pas médecin si on est pas attentif à la vie du malade. De plus, la médecine exigeait, pour eux, un savoir universel, une forme élevée de culture214(*).

Au IVème siècle, les grandes écoles perdent de leur cohésion. Des praticiens de haute valeur tel que Dioclès de Caryste, qui n'appartient à aucune école, apparaissent. Il est considéré comme le second Hippocrate. Une page se tourne. Les anciennes familles méditerranéennes disparaissent avec ce qu'elles représentaient pour les membres d'exigences sur le plan de la discipline intellectuelle et la rigueur morale. Des groupes d'un type nouveau surgiront, des écoles au sens moderne se substitueront à une communauté vivante et souple.215(*) L'école de Cos perd sa primauté au moment où les cités grecques laissent la place aux royaumes hellénistiques et à leurs capitales, Alexandrie et Pergame.216(*)

Les savoir enseignés dans ces écoles, ont, au Vème siècle, été l'occasion de débat. S'érigeant en art, la médecine a dû faire face à ces détracteurs et élaborer sa technè.

* 191 Ibid., p 74.

* 192 Ibid.

* 193 Histoire de la pensée médicale en Occident, op.cit.

* 194 Syennésis était originaire de Chypre, situé à l'est de Cos.

* 195 Histoire de la pensée médicale en Occident, loc. cit.

* 196René Taton, loc. cit.

* 197 Histoire de la pensée médicale en Occident, loc. cit.

* 198René Taton, loc. cit.

* 199 René Taton, loc. cit.

* 200 Histoire de la pensée médicale en Occident, loc. cit.

* 201 Ibid.

* 202 Ibid.

* 203 Ibid.

* 204 Ibid.

* 205 Ibid.

* 206 René Taton, loc. cit.

* 207 L'expérience des vases communicants prétend éclairer l'existence de l'équilibre vital entre les humeurs.

* 208 Maladie III, dernière division.

* 209 Empirisme : méthode que se fondent uniquement sur l'expérience.

* 210 Jacques Jouanna,, Hippocrate, op. cit. p 80.

* 211 Ibid.

* 212 Ibid.

* 213 personnage nommé par la cité à la charge de médecin de la cité.

* 214 René Taton, loc. cit.

* 215 René Taton, loc. cit.

* 216 Jacques Jouanna, Hippocrate, pp 84-85.

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