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Prévention, dépistage et prise en charge précoce du problème d'alcool en médecine générale : essai d'analyse d'un déni collectif

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par Michel Naudet
Université Paris 8 - Diplôme d'Etudes Supérieures Universitaires en Addictologie 2003
  

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Discussion et suggestions

L'analyse des difficultés évoquées par les praticiens montre que certains de ces facteurs (réticence du praticien, inutilité de la démarche, manque de temps) ont leurs effets propres et ne dépendent que peu de la formation.

A l'inverse, certaines difficultés sont des conséquences directes du manque de formation, par exemple l'absence de protocoles standard et la réticence du patient.

Si les facteurs évoqués sont indépendants de la formation, cela signifie qu'ils ne pourront pas être facilement améliorés dans l'état actuel de l'enseignement et du statut de l'alcoologie en France.

Evoquer aussi fréquemment la réticence du patient et du praticien à aborder le problème d'alcool montre que ce sujet reste encore un sujet tabou malgré l'évolution des représentations sociales de la maladie.

Une autre difficulté, évoquée par aucun des médecins de la cohorte, réside peut-être dans les propres représentations et comportements du praticien envers l'alcool : pour cette raison, certains peuvent être enclins à banaliser les consommations excessives, d'autres à les moraliser et d'autres enfin à les dénier.

Qu'est-il possible de faire, sans recourir à de grandes mesures de Santé Publique, sûrement nécessaires par ailleurs, pour améliorer le dépistage et la prise en charge précoce des patients ayant une problématique avec l'alcool ?

Nous avons vu sans aucune ambiguïté que les médecins formés en alcoologie assuraient une prise en charge plus fréquente, notamment s'ils ont suivi une formation solide et répétée. D'autre part, le fait qu'un grand nombre de praticiens semblent ne pas connaître parfaitement les protocoles de sevrage et les réseaux de soins est inquiétant.

L'effort en matière de formation de qualité doit donc naturellement être poursuivi et même accentué.

Mais jusqu'où cette formation doit-elle aller ?

Plus de la moitié des praticiens indiquent qu'une meilleure connaissance de la relation thérapeutique et de la psychopathologie du patient ayant un problème d'alcool contribuerait à améliorer la prise en charge. Mais comme nous l'avons déjà exprimé, ces domaines dépassent largement le cadre de l'alcoolisme et concernent toutes les pathologies. Il existe déjà des spécialistes supposés maîtriser ces domaines : ce sont les psychologues et les psychiatres.

Le médecin généraliste n'a pas vocation à assurer seul le suivi de tous les patients en problématique avec l'alcool.

Quand on assiste à une consultation spécialisée en alcoologie, on s'aperçoit que la partie strictement médicale de la prise en charge ne constitue pas l'essentiel. Elle est bien sûr très importante, notamment au niveau du sevrage pour prévenir toute complication neurologique, mais l'aspect psychologique de la maladie apparaît comme prédominant. Le buveur excessif a souvent une vie compliquée et beaucoup de problèmes connexes. Comme le soulignent à juste titre de nombreux généralistes, ils manquent de temps au cours des consultations pour écouter et prendre en charge ces patients.

Mais néanmoins, la quasi-totalité de la population française se rend chez son médecin généraliste au moins une fois par an. Le cabinet de ville est donc un lieu incontournable pour dépister les patients ayant un problème avec l'alcool, voire même faire de la prévention primaire. Et ceci d'autant plus que l'alcoolisme est une maladie au long cours ; depuis le premier verre jusqu'à l'installation d'une alcoolo-dépendance sévère, il s'écoule de nombreuses années pendant lesquelles le malade franchit séquentiellement plusieurs étapes réversibles par la seule abstinence ou modération.

Que faire donc pour améliorer la prise en charge ?

Nous avons vu dans la première partie que les patients avaient confiance dans leur généraliste et trouvaient légitime d'aborder le problème d'alcool avec eux. De plus, 1 patient sur 3 réduit sa consommation d'alcool suite à une observation du médecin ou à un rappel des normes de tempérance.

L'enjeu est donc important ; et c'est bien l'aspect « tabou » de la maladie (réticences du praticien et du malade, sentiment d'inutilité de la démarche) qu'il faut prendre en compte en priorité.

Le Dr Olivier Kandel (2002) rappelle à juste titre qu'en règle générale « les patients sont soucieux de leur qualité de vie et espèrent que leur médecin s'y intéresse (...) un diagnostic précoce et une prise en charge, aussi minime soit-elle, par le seul médecin, peuvent avoir un certain retentissement sur le mode de vie du patient27(*) ». Il précise également que si les alcoolo-dépendants sont facilement identifiables, il n'en est pas de même pour les buveurs à risque.

Quelques règles simples pourraient être suggérées :

1) Intégrer les habitudes de consommation d'alcool (comme pour le tabac) dans l'interrogatoire de santé des nouveaux patients et rappeler à cette occasion les normes OMS standard (tenir compte des jeunes patients dont les habitudes de consommation ont énormément évolué au cours de la dernière décennie). La loi sur le médecin référent28(*) pourra peut-être faciliter cette démarche en consacrant une première consultation rémunérée à l'exploration des antécédents et risques de santé, en dehors de toute pathologie et demande de soins spécifiques. Notons le test DETA (CAGE en Anglais) qui permet au médecin de dépister avec une bonne fiabilité les buveurs excessifs en leur posant 4 questions simples au cours de l'entretien29(*).

2) Rappeler en quelques secondes les normes de consommation à tout « patient à risque », voire même à tout buveur régulier. Il ne s'agit que de quelques mots et idées force (3 verres par jour pour les hommes, 2 pour les femmes, 1 verre de bière équivalent à 1 apéritif, etc.).

3) Devant des symptômes évoquant des comorbidités susceptibles d'être provoquées par une intoxication alcoolique, attirer systématiquement l'attention du patient sur cette éventualité.

Il semble anormal en effet qu'un médecin prescrive un traitement symptomatique pour des comorbidités peut-être dues à l'alcool (crampes des membres inférieurs, brûlures d'estomac, hypertension, troubles du sommeil, anxiété, etc.) sans évoquer avec le patient le lien possible avec une consommation excessive de boissons alcoolisées. Il ne s'agit pas là d'un problème de relation thérapeutique ou de psychopathologie, mais d'un problème purement médical dans la mesure où le meilleur traitement dans ce cas est le plus souvent la diminution ou l'arrêt de la consommation. Et nous savons, car le déni de la problématique est puissant, que peu de patients associeront spontanément certains troubles de santé à leur consommation d'alcool. Cet acte médical aurait aussi valeur de prévention secondaire et pourrait favoriser une prise de conscience chez le patient.

4) Bien informer les patients alcoolo-dépendants sur la dangerosité d'un sevrage sans contrôle médical et les interroger sur leur ingestion régulière de vitamines du groupe B (notamment sous forme de fruits, pour lesquels le buveur excessif éprouve souvent une inappétence spécifique).

5) Etre en mesure d'indiquer à tout patient qui en fera la demande les coordonnées précises d'une consultation spécialisée et, dans la mesure du possible, lui faciliter la prise de rendez-vous.

6) Privilégier le travail d'équipe, en orientant notamment le patient alcoolique vers une structure spécialisée à chaque fois que le besoin s'en fera sentir : la consultation de médecine générale n'est pas le lieu idéal pour prendre en charge la dimension psychopathologique de la maladie, ne serait-ce que par manque de temps.

7) Compte tenu de l'évolution actuelle des comportements d'alcoolisation chez les jeunes, ne pas négliger de dispenser l'information auprès des préadolescents et même auprès de leurs parents.

8) Et bien sûr, établir avec les patients à risque une relation de confiance qui permettra dans le temps de faire mûrir les prises de conscience, à l'écart de toute moralisation.

* 27 O.Kandel, 3 chiffres, 1 schéma et quelques idées pour optimiser le dépistage et la prise en charge des mésusages de l'alcool Revue du Praticien Médecine Générale. tome 16, n°587, 14/10/2002, 1408-1410p .

* 28 L'option médecin référent a été mise en place par les parties signataires de la convention des médecins généralistes en novembre 1998 (arrêté du 04/12/98 publié au J.O. du 05/12/98) afin de promouvoir la qualité des soins, leur continuité, la prévention et les actions de santé publique, l'amélioration des conditions d'accès aux soins, l'optimisation des coûts.

* 29 A titre d'information, les tests les plus couramment utilisés en Médecine, DETA et AUDIT, figurent en annexes 5 et 6

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