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Apport d'une thérapie cognitive dans la prise en charge d'un patient présentant un trouble de personnalité état-limite (borderline)

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par Michel Naudet
Paris V Descartes - Diplôme Universitaire de Méthodologie en Psychothérapie - Sociothérapie 2003
  

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7.2 Relevé sémiologique

Suite à l'élaboration de cette anamnèse, j'ai procédé à un relevé sémiologique en fonction des critères cliniques du DSM IV en matière de diagnostic d'un trouble de personnalité limite :

Critères cliniques du DSM IV

Critère n° 1 : Efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés

Tout au long de ses diverses relations, Mme F. a lutté contre les abandons, fussent-ils de quelques heures, grâce à des stratégies conscientes (menaces, disputes) ou inconscientes (somatisation). Dans les cas d'abandons réels, notamment de la part de son dernier compagnon (D.), ces efforts échappaient à toute logique et les comportements associés tendaient plutôt à aggraver la situation.

Les efforts contre les abandons imaginés ont été constants toute sa vie et touchent non seulement l'objet principal mais également ceux qui ont eu une valeur investie à un moment donné dans le passé. Ils s'expriment principalement sur le mode de la jalousie : en toutes circonstances, l'évocation par l'un de ses compagnons d'une femme qui pourrait devenir un objet de désir (collègue, amie, cliente, etc.) provoque immédiatement une mise à distance et des commentaires péjoratifs.

Critère n° 2 : Mode de relations interpersonnelles instables et intenses, caractérisées par l'alternance entre les positions extrêmes d'idéalisation excessive et de dévalorisation

Lors de chaque rencontre, Mme F. est extrêmement enthousiaste envers ses nouveaux amis, cherche à leur ressembler, identifie ses projets aux leurs, adopte les mêmes goûts, les mêmes loisirs... Mais à la moindre critique ou à la moindre tentative de mise à distance, Mme F. les accable de reproches (derrière leur dos) et rompt la relation.

Ce mode de relation est clairement illustré lorsque Mme F. accélère le départ du domicile conjugal de son second mari et de sa fille très peu de temps après avoir rencontré un nouvel amant. Ce dernier incarnera l'homme idéal pendant quelques semaines ; puis, devant son hésitation à abandonner lui-même sur le champ sa famille pour venir s'installer avec Mme F., elle le tiendra personnellement responsable de son malheur et du départ de son mari.

Critère n° 3 : Perturbation de l'identité: instabilité marquée et persistante de l'image ou de la notion de soi

L'épisode de la traduction manquée est très significatif. Mme F. a toujours surévalué ses capacités professionnelles réelles, en se fiant toujours à l'image qu'elle donnait et à celle que lui renvoyaient ses collègues et responsables. Elle a toujours entretenu envers les tâches qu'on lui confiait une pensée anticipative « magique », gommant mentalement toutes les difficultés et contraintes qu'elle rencontrerait au cours de sa mission. Lorsqu'elles survenaient, ces difficultés se révélaient en général insurmontables car non prévues et mal négociées (agressivité, évitement, etc.).

Devant les échecs les plus évidents, elle n'a jamais reconnu la moindre faute personnelle, ou alors des fautes imaginaires et gratifiantes sur le fond (« ma seule erreur, c'est de m'être opposée au licenciement de X., le seul qui était valable dans cette boîte, ça n'a pas plu à la Direction »), ou qui la disculpaient définitivement (« je suis entrée trop vite dans le bureau de X., le Directeur Général, il était en train de tripoter sa secrétaire, c'était évident qu'après cela il allait m'accuser de tous les maux »).

Elle accusait systématiquement les autres, soit d'avoir fait capoter volontairement le projet pour d'obscures raisons supérieures, soit d'avoir fait preuve d'une immense incompétence qu'elle ne pouvait à elle seule compenser.

Critère n° 4 :  Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (par ex.., dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie).

Il est évident que dans la vie de Mme F. l'alcool et les médicaments psychotropes (hypnotiques et anxiolytiques) ont toujours joué un rôle important au niveau de sa thymie. Elle a également été très dépensière par le passé.

Mais on ne peut plus parler aujourd'hui d'impulsivité caractérisée dans ces domaines, car le principe de réalité (problèmes financiers ou migraine) s'est imposé au fil des années, doublé par un certain nombre de rituels qu'elle s'impose pour maîtriser sa vie.

L'auto-agressivité se situerait plutôt au niveau des échecs personnels et professionnels, tellement fréquents et répétitifs qu'ils semblent s'apparenter à de l'autodestruction.

Critère n° 5 :  Répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d'automutilations

L'idéation suicidaire est apparue assez récemment dans la vie de Mme F., en même temps que l'aggravation du syndrome dépressif. Elle n'a jamais commis de TS avérée ni d'automutilation. Elle conçoit actuellement le suicide comme un projet à terme (2 ans) qui aurait pour déclencheur l'épuisement de son capital (Mme F. ne travaille plus depuis près d'un an et elle puise dans ses économies pour vivre).

En revanche, dans les disputes avec ses compagnons ou dans ses lamentations envers l'avenir, elle évoquait souvent cette possibilité « pour échapper à toute cette m.... »

Critère n° 6 : Instabilité affective due à une réactivité marquée de l'humeur (p. ex., dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours).

Cette instabilité affective est très prononcée chez Mme F. L'état caractériel est marqué par une dysphorie de fond. L'anxiété et l'angoisse accompagnent pratiquement toute relation interpersonnelle. L'humeur est cyclothymique et peut changer en quelques secondes, suite à une réflexion jugée blessante, à des chaussures qui lui font mal ou à une averse inopinée. Les agressions verbales qui s'en suivent inévitablement sont assez stéréotypées, sous forme de reproches adressés à l'autre, rendu systématiquement responsable.

Certains sujets semblent également la préoccuper brutalement et monopoliser toute son anxiété (par exemple, concernant l'inscription de sa fille en première année d'université, elle a commencé à stimuler agressivement celle-ci chaque jour dès le mois de décembre (bien trop tôt donc) et ne s'en est plus souciée à partir de mars (le bon moment pour retirer les dossiers d'inscription).

Critère n° 7 : Sentiments chroniques de vide

Mme F. a exprimé ce sentiment de vide permanent pendant un entretien. Surtout au réveil, elle se demande toujours pourquoi elle se lève, rien dans sa journée ne l'intéresse. Elle ne lit jamais, n'écoute pas de musique. Lors de ses angoisses d'abandon, notamment quand son dernier compagnon s'absentait pour des raisons professionnelles, elle avait parfois le sentiment de ne plus vivre, que le temps était figé et que rien ne pourrait jamais plus la distraire.

Critère n° 8 : Colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (p. ex., fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées)

Chez Mme F., les crises de colère, ou tout du moins leur manifestation, ont diminué avec l'apparition des symptômes dépressifs. Néanmoins, elle semble toujours prête aux conflits interpersonnels (notamment avec ses voisins), immédiatement conduits sur le mode de la colère. Une fois énervée, elle devient incapable de se maîtriser et peut proférer les propos les plus blessants sans jamais sembler éprouver le moindre remords. Une fois la crise passée, elle n'exprime jamais aucun regret et semble réduire sa dissonance en essayant de justifier les propos qu'elle a tenus, souvent aux détriments de la plus élémentaire logique.

Dans ses années de jeunesse, elle entretenait avec ses différents compagnons des rapports basés sur la confrontation permanente et les reproches. Ses compagnons ne pouvaient pas échapper à ces relations, car elle était incapable de tolérer calmement la moindre frustration ; s'ils pouvaient faire l'effort de satisfaire toutes les exigences de Mme F., il y avait de nombreux facteurs qu'ils ne contrôlaient pas et dont la survenance était susceptible de déclencher sa colère (au restaurant par exemple où une trop longue attente entre les plats pouvait transformer un dîner d'amoureux en cauchemar). Dans ce cas Mme F. finissait toujours par diriger sa colère contre son compagnon, l'accusant par exemple de mollesse et de manque de virilité s'il refusait d'agresser violemment le serveur).

L'hypersensitivité, et notamment l'hyperacousie manifeste dont souffre Mme F. est sans aucun doute un facteur aggravant de cette dysthymie.

Au fil des ans, et notamment depuis l'apparition des premiers symptômes dépressifs, la colère se transforme peu à peu en abattement et en litanie dysphorique, mais l'agressivité reste sous-jacente et le conflit reste la solution privilégiée pour résoudre tous les problèmes interpersonnels.

Critère n° 9 : Survenue transitoire dans des situations de stress d'une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères

L'idéation persécutoire fait partie de la personnalité de Mme F. et s'exprime fortement en cas de conflit ou de stress. Elle exprime sans cesse des suppositions sur les intentions des gens, suppositions qui révèlent très souvent une grande incompréhension du fonctionnement psychique des personnes concernées.

Quand elle évoque le bruit incroyable que font les habitants de l'immeuble (fort calme au demeurant), on peut imaginer un véritable complot destiné à la faire souffrir. Il faut préciser ici encore que l'hyperacousie dont elle souffre et son seuil de tolérance très bas provoquent sans doute chez elle un vrai trouble, mais elle associe automatiquement à ces nuisances sonores une idéation persécutoire (et non pas par exemple à de simples maladresses ou à un manque de savoir-vivre).

Le tableau clinique confirme la présence d'au moins cinq des neuf symptômes décrits dans le DSM IV, condition nécessaire pour proposer le diagnostic de trouble de personnalité état-limite.

Pour confirmer ce diagnostic ou bien l'infirmer, il convient maintenant d'étudier les différentes hypothèses nosographiques concernant les nombreux symptômes et syndromes présents dans le tableau clinique.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci