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La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC

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par Apollin KOAGNE ZOUAPET
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010
  

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B- La prise en compte des exigences d'une bonne administration de la justice

Le concept de bonne administration de la justice est difficile à définir264(*). Il n'est appréhendé qu'à partir des éléments qui le composent : égalité des parties à l'instance, protection des droits du défendeur et du demandeur, des tiers ainsi que la protection de la situation qui fait l'objet du litige. Sur ce point, la pratique de la CJC est loin d'être celle que décrit le professeur Mouangue Kobila : « à la différence du juge communautaire européen qui s'inspire du droit international, des droits nationaux et de la logique, le juge communautaire en zone CEMAC s'est jusqu'ici exclusivement inspiré de la logique265(*) ». Ce jugement nous semble un peu sévère car la Cour de N'djamena conformément à l'article 28 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire, veille au déroulement loyal de la procédure en intégrant le procès équitable aux principes généraux du droit communautaire (1) et une absence de sanction d'abus de procédure (2).

1- Le procès équitable comme principe général du droit communautaire.

La CJCE l'a systématisé dans son arrêt ERT du 18 juin 1991 :

« Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. A cet effet, la Cour s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les Etats membres ont coopéré ou adhéré ».

Dans son arrêt, la juridiction communautaire européenne rappelle que les particuliers bénéficient d'une protection juridictionnelle effective des droits qu'ils tirent de l'ordre juridique communautaire. Ce droit à la protection fait partie des principes généraux de droit découlant des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres. Elle indique également que le traité comporte un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de légalité des actes des institutions, en le confiant au juge communautaire266(*). Les droits fondamentaux forment donc un élément de la légalité communautaire même si les instruments internationaux qui les énoncent ne sont pas incorporés directement dans l'ordre juridique communautaire et ne lient pas, comme tels, la Communauté. Sans être allé aussi loin dans sa jurisprudence, la CJC « statue en tenant compte du droit positif communautaire et les principes généraux de droit communs aux Etats membres » comme le prescrit l'article 28 de la Convention CJC.

Tous les Etats membres étant parties aux principaux instruments internationaux régionaux de promotion et de protection des droits de l'homme, la Cour devrait les intégrer à son raisonnement en particulier les règles du procès équitable. Relativement aux règles de recevabilité des recours, cela implique pour le juge de N'djamena de les aménager conformément au droit à la justice, c'est-à-dire permettre à toute personne qui y a un intérêt légitime et qui présente la qualité éventuellement requise d'accéder à son prétoire pour qu'il statue sur ses prétentions. Le juge communautaire intègre de façon rassurante cette problématique à sa démarche comme le notent le docteur Edouard Gnimpieba Tounang et madame Zulandice Zankia à propos de l'affaire Gozzo Samuel c/ CEBEVIRHA :

« Cette jurisprudence rassure également l'observateur et les justiciables quant à la capacité du juge de la CEMAC à garantir leurs droits, dans un environnement marqué par le souci constant des autorités sous-régionales à protéger radicalement les finances communautaires, bien souvent au détriment des intérêts des justiciables. Enfin, la jurisprudence Gozzo confirme l'indépendance du juge de la CEMAC et sa capacité à protéger les justiciables devient progressivement une réalité dans notre région, et porte la marque d'une nouvelle ère en zone CEMAC : le choix de faire du droit communautaire le principal instrument du mouvement d'intégration, porteur d'une certaine sécurité juridique pour tous les acteurs de cette aventure commune 267(*)».

Tout en restant réservé sur cette indépendance du juge de la CEMAC268(*), l'on ne peut nier une véritable volonté du juge de libéraliser le droit communautaire en se montrant patient avec les justiciables même dans des hypothèses où on aurait pu déceler des abus.

2- L'absence de sanction d'abus de procédure.

Le juge de N'djamena marque sa volonté d'ouvrir son prétoire non seulement en s'abstenant de sanctionner d'éventuels abus du droit d'ester en justice, mais aussi en admettant le plus largement possible l'intervention des tiers.

Visées par des dispositions spéciales, l'irrecevabilité des procédures abusives est admise selon le professeur Carlo Santulli, même sans texte et relève des principes généraux du procès international. Toutefois, et c'est le cas devant la CJC, si la jurisprudence admet l'hypothèse, en revanche elle n'en fait à peu près jamais application269(*). En effet, la juridiction communautaire n'évoque, ni même n'envisage, l'argument du caractère abusif des actions sous l'angle de la multiplication des procédures ; même pas comme c'est le cas devant certaines juridictions internationales, face à l'accumulation de demandes identiques et de demandes jugées « futiles » 270(*). Pourtant la patience du juge communautaire de la CEMAC aurait pu être mise à rude épreuve dans le long feuilleton judiciaire qu'a constitué l'affaire Tasha Loweh Lawrence où le requérant a usé de quasiment tous les incidents de procédure admissibles devant la Chambre judiciaire : requête aux fins de sursis à exécution et désignation d'un administrateur judiciaire, requête en référé, recours en récusation du président de la Chambre, exception d'irrecevabilité d'intervention forcée, requête en intervention forcée aux fins de déclaration de jugement commun, recours en annulation, recours en interprétation et en rectification, recours en révision, recours en indemnisation ; soit plus d'une douzaine de décisions en tant que demandeur. Loin de se montrer agacé et de sanctionner ce qui aurait pu pour certains recours apparaitre comme abusifs, le juge de N'djamena a toujours accueilli ces multiples demandes et les a examinées, de façon peut-être contestable, mais certaine. L'abus n'est ainsi reconnu ni en raison d'un acharnement procédural, ni d'un comportement contradictoire.

Cette disponibilité du juge de la CEMAC à accueillir les justiciables s'illustre également par la large admission devant son prétoire des interventions forcées ou volontaires. Pratiquement toujours, la CJC a accueilli favorablement les requêtes en intervention. Cette action du juge en faveur d'un éclairage et de la protection des tiers participe assurément de la recherche d'une bonne administration de la justice.

Dans l'affaire Tasha L. Lawrence c/ Amity Bank dont l'objet portait sur l'intervention d'irrecevabilité de l'intervention forcée décidée par le juge rapporteur, la partie défenderesse contestait une telle intervention sur la base de l'article 72 des Règles de procédure qui n'admet l'intervention provoquée qu'à la seule initiative des parties. En effet, aucune disposition des textes n'autorise, ni ne fait obligation à la CJC d'informer les tiers susceptibles d'avoir un intérêt dans un litige pour lequel elle est saisie. La Cour va justifier la démarche du juge rapporteur en affirmant que : « Le principe de contradiction impose qu'une personne intéressée soit appelée à l'instance lorsque l'issue de la procédure est susceptible d'emporter effet sur ses droits271(*) ». La Cour adopte donc une démarche visant à protéger les droits des justiciables dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Cette attitude du juge communautaire qui ne se contente pas de laisser à la charge des tiers l'obligation de s'informer des procédures devant la CJC, mais qui au contraire va au devant d'eux, peut s'avérer nécessaire dans un contexte marqué par une méconnaissance du droit communautaire. Le seul regret que l'on peut avoir est que la Cour ne fasse pas toujours preuve d'une telle hardiesse, mais se montre parfois par trop prudente.

* 264 Tekebeng Op. Cit. p.32.

* 265 Mouangue Kobila Op. Cit. p.49.

* 266 A.P. Weber « Les conditions dans lesquelles un particulier peut demander l'annulation d'un règlement communautaire », disponible sur http://www.libres.org/francais/dossiers/concurrence/concurrence_weber_p20.htm (consultation le 03 février 2010).

* 267 « Revue de jurisprudence communautaire », Juridis périodique, N° 75, juillet-août-septembre 2008, p.38.

* 268 Voir infra paragraphe II, A.

* 269 Santulli Op. Cit. p.261.

* 270 TAOIT, 11 octobre 1966, jugement N° 17, Jurado c/ OIT.

* 271 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 004/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16 mai 2002.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius