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Compatibilité du régionalisme et du multilatéralismeĀ : le cas de l'ALENA

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par Benoit ILLINGER
Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales) - Maà®trise Sciences économique Mention économie et Gestion des Entreprises 2001
  

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2.2 Vision gradualiste du libre-échange

Les accords régionaux ont pu à une époque être protectionnistes et contre les démarches multilatéralistes. Cela à été le cas en Afrique ou en Amérique latine où les accords, qui échouèrent en fin de compte, étaient conçus comme une alternative au multilatéralisme pour permettre un développement fondé sur la substitution d'importation.

Les accords préférentiels régionaux des années 1950, 1960, étaient conçus comme nous l'avons dit, comme une alternative à la libéralisation multilatérale. Dans les cas où ils servaient de « troisième voie », d'alternative au libre échange pour préserver leur stratégie de développement fondée sur la substitution d'une production nationale aux importations, les unions ont échoué. Cette orientation, menée dans un cadre régional ou non, s'est trouvée dans l'impasse car elle rencontrait des problèmes de marché intérieur insuffisant.

Mais cette époque est révolue et aujourd'hui les accords de préférences régionales ne sont plus un substitut à l'ouverture multilatérale54(*). Pour preuve, dans les années 1980, il était fréquent de voir un pays abaisser tout d'abord ses tarifs douaniers unilatéralement, puis adhérer au GATT et finalement intégrer un groupement régional. L'adhésion au GATT du Mexique, pays traditionnellement très protectionniste, a précédé son adhésion à l'ALENA. D'autres pays candidats à l'ALENA, comme le Chili, commencent par libéraliser leur commerce extérieur afin de montrer leur bonne foi espèrant ainsi gagner une place dans l'ensemble régional. Le même processus se retrouve en Europe avec les pays de l'Est qui espèrent intégrer le marché de l'union.

On peut donc penser en toute objectivité que les critiques disputées aux accords régionaux, ne sont plus valables. Car aujourd'hui c'est le fait d'avoir peur d'être exclus des échanges internationaux, comme le montre la Théorie des dominos de BALDWIN55(*), qui  poussent les PED à adhérer pour la grande majorité au principe de libre échange. En partant d'un noyau dur, un ensemble régional déjà constitué forme un nouvel ensemble régional, et peut ainsi trouver sa place au sein d'un système de régions formant désormais l'ordre international. Ceci explique donc la différence entre la régionalisation des années 1950, 1960 qui était une alternative au système bipolaire de l'époque, une « troisième voie » qui se voulait indépendante et autarcique et le régionalisme contemporain qui est bien une passerelle vers une intégration mondiale.

Pour Charles Oman56(*), le nouveau mouvement de régionalisme (néo-régionalisme opposé au régionalisme des années 1950-60) est une réponse à la mondialisation qui reste compatible avec le développement des accords multilatéraux.

Ceci s'explique pour lui, par le fait que les mouvements de régionalisation éliminent les forces d'inertie pour stimuler le libre jeu de la concurrence au sein d'une région. A son tour cette concurrence accrue entre les acteurs régionaux peut renforcer la croissance et la compétitivité de la région sur les marchés mondiaux. Dans ce sens le régionalisme conduit à l'amélioration de l'équilibre économique mondial, ce qui est également le but des démarches multilatérales.

Pour encore conforter cette position gradualiste du libre échange, Charles Oman affirme qu'en plus d'élargir les marchés, les accords économiques régionaux permettent d'étendre la coopération internationale à des domaines nouveaux et de servir de « laboratoire » aux accords multilatéraux.

En conclusion, Charles OMAN estime que la régionalisation est une étape vers la multilatéralisation ; les accords régionaux conduisent toujours vers des formes plus évoluées d'intégration car ils engendrent des marchés de plus en plus large, ils étendent la coopération internationale à des nouveaux domaines repris ensuite dans les accords multilatéraux.

Cette vision gradualiste est partagée par un grand nombre d'auteurs comme notamment Gérald Kebabdjian qui estime que comme la mondialisation rend les États dépendant les uns des autres. Ils se dirigent dans un premier temps vers la régionalisation de leur économie pour conserver un contrôle sans pour autant délaisser le multilatéralisme pour bénéficier des avantages de libre-échange à plus grande échelle.

« (...), on peut soutenir que la régionalisation est un mouvement interne à la mondialisation car c'est un mouvement qui remet en cause les quatre déterminants de l'économie nationale57(*). » En effet, lorsque l'on observe les blocs régionaux, on constate qu'ils sont accompagnés de zones monétaires qui ne laissent plus les États agir indépendamment les uns des autres, le marché n'est plus défini par les frontières physiques puisque les entreprises nationales s'intéressent d'emblée au marché régional ou mondial, les facteurs de production ne sont plus immobiles entre pays d'une région, ou du monde (le capital est presque systématiquement mobile mais la main d'oeuvre ne l'est que rarement), et enfin les règles, les normes politiques, si elles restent en grande partie définies nationalement doivent être dictées par une logique globale et non plus uniquement nationale (attirer les investisseurs étrangers, normes de qualité protectionnistes...).

Il y a donc tout d'abord une redéfinition au niveau régional mais celle-ci serait une étape pour le niveau mondial. Il semble bien que les accords régionaux soient alors des étapes vers des accords multilatéraux beaucoup plus poussés.

Il faut noter tout de même que cette vision gradualiste est critiquée dans sa forme par Christian Deblock et Dorval Brunelle58(*). Ces derniers affirment que cette pensée est réductrice dans le sens où elle réduit la portée du régionalisme à sa seule contribution au multilatéralisme commercial sans voir aucun autre domaine qu'il couvre. De plus l'approche gradualiste, en général, a le défaut d'établir les bénéfices des accords régionaux à partir d'une conception Ricardienne du commerce international. C'est à dire qu'on mesure des effets uniquement économiques et globalement pour affirmer qu'il y a un mieux être de la population (et ceci sans se demander si l'augmentation du PIB, par exemple, n'a pas bénéficié énormément à une seule personne en dégradant même, dans le cas extrême, la position d'autrui).

Cette critique ne remet cependant pas en cause la non-opposition du régionalisme et du multilatéralisme.

Pour terminer les arguments en faveur de la vision gradualiste nous citerons un rapport du CEPPI59(*) affirmant que, globalement, les estimations économétriques mettent en évidence le caractère « super-naturel » des unions régionales. Les pays membres entretiennent entre eux des relations bilatérales d'échange plus intenses que ceux que la proximité leur suggérerait. L'effet de détournement de commerce s'avère néanmoins faible par rapport aux bénéfices supposés de l'intégration régionale. De plus, en règle générale, chaque étape de la régionalisation est suivie par une étape de multilatéralisation réajustant les relations avec les pays tiers. C'est pourquoi, par cet aspect, on peut dire que régionalisme et multilatéralisme ne s'opposent pas mais s'entretiennent mutuellement.

Nous citerons nonobstant la thèse développée par Schott60(*), qui n'est pas a proprement parlé gradualiste, mais qui en tire les mêmes conclusions. Il appuie le fait que le problème des blocs économiques, abordé dans les termes de la théorie conventionnelle de l'intégration économique que nous avons vue, soit celle d'une libéralisation graduelle et fonctionnelle des échanges internationaux, ont pour objet de générer des gains en terme de bien être à travers les effets de revenu, d'efficacité et de création de commerce qui en résultent, d'augmenter le pouvoir de négociation avec les pays tiers et parfois de promouvoir la coopération politique régionale. Pour cet auteur le régionalisme n'est pas en train de remplacer le multilatéralisme ; bien au contraire le GATT et le multilatéralisme restent les options principales des pays d'Amérique du nord ou d'Asie61(*) qui considèrent toujours l'option régionaliste comme un « second best » voir un « third best ».

* 54 SIROËN J.M. (2000) Ibid.

* 55 BALDWIN R. (1993) A Domino Theory of Regionalism, NBER Working Paper, #4465, septembre. In SIROËN J.-M. (2000) La régionalisation de l'économie mondiale, Paris, La Découverte.

* 56 C. OMAN (1994) Globalisation et régionalisation : Quels enjeux pour les PED, études du centre de développement, OCDE.

* 57 KEBABDJIAN G. (1998) Analyse économique et mondialisation : six débats, Cahier du GEMDEV, n°26, juin. - Gérard Kebabdjian en parlant des quatre déterminants de l'économie nationale fait référence à la monnaie, le marché, les facteurs de production et les règles et politiques. -

* 58 DEBLOCK C. et BRUNELLE D. (2001) De l'ALE à la ZLEA : Régionalisme et sécurité économique dans les Amériques, Groupement de Recherche sur l'Intégration Continentale (GRIC), UQAM. ( http://www.unites.uqam.ca/gric/ -20/05/01- )

* 59 L. FONTAGNE (1995) Why NAFTA might Be Discriminatory, CEPII, Document de travail n°95-12.

* 60 SCHOTT (1991) Trading Bloc and the World Trading System , the world economy, vol. 14, n°1 in Christian DEBLOCK et Dorval BRUNELLE (1993) Une intégration régionale stratégique : le cas nord-américain, Études Internationales, vol. XXIV, n°3, septembre.

* 61 Schott met de côté l'Union Européenne qui pour lui va à l'encontre du multilatéralisme, mais là n'est pas notre question.

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