WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'advertainment est-il un exercice mythologique visant à  réconcilier les marques et les consommateurs ? Etude de l'opération de «contenu de marque» et de marketing viral «The Best Job In The world»

( Télécharger le fichier original )
par Bruno Fradin
Université Paris IV-Sorbonne / Celsa : Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l'Information et de la Communication - Master 2 - Stratégies de marques 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

C. Stratégie de contenu

1. Des schémas communicationnels complexes

A travers leurs recherches, les scientifiques ont produit de nombreux modèles afin d`expliquer la communication. Ayant chacun des objectifs différents, ils ont mis en avant un ou plusieurs aspects de la communication. Aucun chercheur n`a encore proposé un modèle exhaustif.

Après les fameux modèles « émetteur-canal-récepteur » de Shanon et Weaver en 1949 puis de Jakobson en 1960 qui présentaient le message de façon unidirectionnelle, les études ultérieures ont montré qu`un message est beaucoup plus complexe. Le livre « La communication, état des savoirs » présente neuf modèles différents, du plus simple au plus complexe, dont les objectifs « dépendent des préoccupations historiques et sociales ». Chaque approche ne cherche pas à définir ce qu`est la communication, mais est un outil d`analyse qui « cherche à donner une intelligibilité, c'est-à-dire un sens au phénomène ».52

D`une manière générale, les travaux apportés par l`Ecole de Palo Alto53 sous l`impulsion de D.Jackson et P. Watzlawick ont imposé la notion de systémique. La communication est dès lors perçue comme un système global où tout est communication : « on ne peut pas ne pas communiquer ». Les messages sont pluridirectionnels.

Le système se nourrit de rétroactions, d'interactions et de communion.

52 Cabin P et Dortier J.F., La communication. Editions Sciences Humaines, 2008

53 Avec l`Ecole de Palo Alto et Mental Research Institute fondé en 1958, la notion de système va apparaître grace aux recherches sur la psychothérapie. La systémique va s`imposer aux sciences de la communication, avec les notions de kinésique, de proxémie et d`homéostasie notamment.

2. Un individu qui interagit

De notre point de vue, trois facteurs principaux permettent ce glissement d`un consommateur ciblé à un individu qui interagit.

- L`usage de l`Internet généralisé dans les foyers des pays industrialisés, l`émergence d`une

génération « digital-native » connectée en permanence, la prolifération des blogs et l`omniprésence des réseaux sociaux, ont considérablement modifié les relations interpersonnelles, mais aussi le rapport à l`ordre, la hiérarchie, la détention de l`information, et « l`établissement » que les marques incarnent d`une certaine façon.

- La communication est désormais comprise - sous l`influence de l`Ecole de Palo Alto - comme un ensemble en mouvement.

- Les marques subissent l`usure de l`impact publicitaire traditionnel, malgré et à cause de ses

caractères inflationnistes, intrusifs et directifs tels que dénoncés par les mouvements « Anti-pub ».

Ces trois principaux courants ont contraint, selon nous, les marques à modifier drastiquement leur approche de la relation avec leurs consommateurs, et à s`ouvrir à la « Génération Participation ».

3. Une expérience relationnelle

a) Le don comme appât

L`Internet a créé des comportements induits. Un des principaux changements est le rapport à la propriété, au don et au dû. La diffusion numérique entraine « de façon cumulative et vertueuse une amélioration du niveau de compréhension de son environnement, au fur et à mesure de son utilisation. », ce qui fait dire à Thierry Maillet que « le lien et le bien ne s`opposent plus, mais qu`ils peuvent au contraire s`additionner ».

Ce changement modifie le sentiment de propriété qui peut s`effacer au profit du partage et de la gratuité54, comme cela s`est passé pour l`industrie de la musique. Le message des marques doit prendre en compte ce changement radical du rapport à la propriété.

En intégrant cette donne et en s`appuyant également sur la théorie du Potlatch, qui transforme le don en dû, la communication des marques peut désormais proposer une alternative au message publicitaire traditionnel qui l`enferme très souvent dans une relation transactionnelle.

b) Du message transactionnel à l`expérience émotionnelle

(1) Le produit n`est pas l`objet immédiat de communication

Les contenus créés spécifiquement ou auxquels les marques s`associent n`ont pas pour objectif premier de présenter une marque ou un produit. En cela, ils se différencient très nettement d`une publicité traditionnelle. En revanche, les contenus doivent porter en eux les valeurs et les qualités de la marque, avec comme objectif d`être perçus dans un second niveau de compréhension par les individus.

54 Middleton Chris, op. cit.

Ces dispositifs occultent l`aspect marchand des marques afin de créer un lien relationnel puissant avec les individus. Les marques forgent ainsi l`espoir d`une relation ultérieure volontaire, pérenne, plus forte et plus loyale avec leurs consommateurs. Si l`expérience est probante, il est probable que la relation se prolonge sur le mode transactionnel.

(2) L`expérience vise à provoquer une émotion

En incitant les individus à vivre des expériences émotionnelles originales et fortes, les marques et les individus s`engagent dans une nouvelle relation et créent des histoires communes.

Michel Teulière, Directeur Délégué de l`agence Aegis Média France (groupe Carat), nous livre quelques bonnes pratiques pour réussir à créer une telle expérience.

- Elle doit être extraordinaire, étonnante, amusante, porteuse de plaisir, afin de gagner l`adhésion et

l`intérêt du public

- Elle doit servir l'univers de marque, ses valeurs, sa personnalité (Look & Feel et ton de voix)

- Elle doit être perçue comme participative. Elle doit solliciter les participants et prévoir des

rebondissements pour prolonger la relation.

Ces techniques cherchent à provoquer une émotion pour « faire passer du temps actif avec la marque » et présenter, voire propager le discours de la marque. Elle s`oppose directement au GRP dont le temps est la variable d'ajustement. « La publicité n`a jamais été un contenu qui intéresse les gens. Mais autrefois on pouvait plus ou moins l`imposer. Comme aujourd`hui ce n`est plus possible, il faut faire différemment. [...] On propose une expérience prolongée».55

En ayant recours à de contenus éditoriaux d`autant plus forts qu`ils sont divertissants, les marques favorisent des « expériences susceptibles de procurer des émotions fortes et prolongées »56, avec comme objectif de construire et d`alimenter une relation d`un nouveau genre : sortir de la relation transactionnelle pure (présentation et vente de produits) et investir le registre de l'émotion.

(3) Un bénéfice immédiat, plus qu`une promesse de marque Le contenu de marque « doit être intéressant avant d`être intéressé ». Il doit en effet apporter un véritable intérêt au consommateur pour que ce dernier, tellement sollicité par ailleurs, choisisse de passer du temps avec la marque. Le livre Brand Content dénombre trois grands types de contenus : le ludo-divertissants (jeux, médias, advergame, advertainment), le pratique (services), l`info-découverte (web TV, consumer magazine). Pour être pertinents, les contenus doivent adopter une ligne éditoriale en corrélation avec les aspirations du public visé (intérêt et support) et veiller à apporter une qualité d`exécution parfaite pour être légitime à ses yeux, car ces contenus sont en compétition directe avec les acteurs « officiels ».

Le contenu doit apporter un intérêt réel et immédiat à son utilisateur, sous peine d'être décevant et de le perdre à tout jamais.

55 Bô Daniel et Quevel Mattieu, op. cit., p 146, Interview de Georges Mohammed-Cherif, Président et Directeur de Création de l`agence Buzzman.

56 Ibid., p 142

4. Un temps média choisi et partagé

Les individus ont aujourd`hui la possibilité de profiter d`une offre médiatique pléthorique qu`ils ont la capacité de choisir de « consommer » ou de ne pas consommer. Les contenus de marque permettent d`ouvrir une relation émotionnelle, fondée sur l`intérêt réciproque et la libre adhésion. L`individu passe de soumission et passivité, face à un message descendant, à adhésion et activité grâce à un contenu qui a de la valeur pour lui.

5. Une information choisie

a) Libre adhésion par affinité et intérêt

Pour Thierry Maillet, les marques sont entrées de plein pied dans une stratégie d`accueil (pull marketing), en favorisant une structure horizontale, reliée par des canaux d`information efficaces et une adhésion volontaire. La relation marque-individu abandonne l`ère du push marketing et des structures verticales pour entrer dans l`ère du pull marketing et de l`opt-in (l`adhésion pour recevoir une information), son corolaire. Pour cela les marques utilisent tout l`arsenal des outils de mise en relations tels que les flux RSS, le micro-blogging avec Twitter, les blogs de consommateurs, les blogs de marques, les web TV, les réseaux sociaux avec Facebook...

Dès lors le consommateur n'est plus une cible, mais devient un média. Le contact devient contagion.

 

b) Participation et pertinence

Dans une approche positive du crowdsourcing, nous considérons que cette technique offre deux intérêts majeurs dans la relation marques-individus :

- En écoutant les consommateurs, notamment au travers des réseaux sociaux et blog, les marques se positionnent à leur niveau. Elles découvrent des besoins, de nouvelles utilisations des produits et de nombreux insights qu`elles intègrent à leurs offres. Cela fait monter la pertinence de l`offre, améliore le bénéfice consommateur et par conséquent fait croître la valeur de la marque.

- En intégrant les savoir-faire réels des contributeurs, devenus de véritables « pro am 57», les marques améliorent la qualité leurs produits et assouvissent cette soif de participation. Les marques intègrent un processus de co-construction et les consommateurs se transforment en « consomacteur ».

En descendent de leur piédestal, les marques font preuve de modestie et d'ouverture, deux préalables à l`instauration d`une relation de confiance mutuelle qui valorise les individus et les transforme en ambassadeurs. La prise en compte des besoins réels des consommateurs fait progresser la pertinence des marques. La participation des consommateurs et l`utilisation de leurs savoir-faire fait naître un sentiment de valorisation personnelle.

Le tout provoque un attachement particulier et crée la préférence de marque aux yeux des consommateurs.

57 Professionnels-amateurs : personnes qui pratiquent une activité amateur, à un niveau équivalent à celui des professionnels et en utilisant leurs standards

c) Coopérative des savoirs

Un des grands apports de l`Internet réside dans la facilité à l`accès à l`information et à la mise en commun des savoirs. Au-delà du plaisir individuel qui pousse chacun à parler de soi dans un nouvel espace qui glorifie « l`extime » au détriment de « l`intime », chacun, qu`il soit marque, personne ou institution, créé des contenus qu`il met librement à disposition des internautes. Il est désormais plus valorisant de mettre à disposition son savoir que de le garder pour soi. C`est sur ce principe de partage d`information ouvert et gratuit que les sites Slideshares (Powerpoint) ou BrithghtTalks (webinars) ont été créés. Chacun y puise le contenu qui l`intéresse dans n`importe quel domaine.

Ce qui prime désormais avec ce changement de paradigme, ce n`est plus l`accès à la connaissance, mais la façon dont elle est interprétée, traitée et valorisée.

6. Une stratégie « valeur » à la recherche du « ROE »

Dans un monde de l`hyper offre et de l`hyper sollicitation, l`efficacité publicitaire a fini par s`éroder. Les efforts stylistiques et la prise en compte d`insights consommateurs perdent de leur efficacité. En conséquence, il devient très difficile de se différencier des concurrents et donc d`émerger. C`est pour s`extraire d`une communication enfermée dans une relation marchande d`un bien à un consommateur, que les marques ont ouvert le spectre de la relation en créant des univers plus riches, plus larges et plus intéressants pour le public. Elles ont intégré des contenus ludiques (musique, jeu, sport), pratiques (services, bons plans) et informatifs qui élargissent l`univers de la marque, ajoutent et rehaussent les valeurs de la marque et renforcent la relation entre les marques et les individus.

L`adjonction de contenu dans les dispositifs de communication offre des changements psychologiques majeurs : les marques n`envoient plus un message unidirectionnel à un groupe de consommateurs potentiels, mais entrent en relation avec des individus sur des principes de don, d`échange, d`affinités partagées et de valeurs communes. Cela permet aux marques de toucher les gens plus efficacement en leur parlant de ce qui les intéresse, les passionne et les émeut. Ces contenus permettent de dégager des imaginaires, de provoquer des émotions, de renforcer l`intérêt mutuel et de partager des affinités.

Cette stratégie « valeur » par les contenus et l'engagement des individus, participe d`une extension du domaine de la marque, qui offre une complémentarité dans la relation marque-consommateurs :

- Les messages publicitaires présentent un produit et ciblent un consommateur potentiel type, dans une démarche commerciale immédiate.

- Les contenus véhiculent les valeurs et expressions de la marque et fédèrent des communautés qui interagissent entre elles, afin d'engager une relation pérenne.

Dans cette démarche, la capacité à vivre ensemble des émotions et à partager des valeurs deviennent les indicateurs du succès de l`efficacité de la communication. Cela oblige à repenser les indicateurs de performance : au classique Return On Investment (ROI), il semble préférable de s`intéresser au Return On Engagement (ROE) 58, qui mesure l`intérêt des individus et la quantité de contenu qu`ils ont générée (user generated content).

Si les stratégies « contenu/valeur » et « message/volume » adoptent des approches différentes, il convient cependant de ne pas de les opposer, mais au contraire de les faire cohabiter en fonctions des objectifs stratégiques recherchés.59

58 Définition de ROI vs ROE sur le site http://www.scheffey.com/index.php?/integrated-marketing/article/roi-vs-roe/

59 NB : Pepsi vient tout de même de supprimer aux Etats- Unis son traditionnel spot TV du superbowl (254 millions de dollars sur les 20 dernières années) au profit d`une opération de contenu « The Pepsi Refresh project », qui sollicite les internautes sur les réseaux sociaux à proposer des projets intéressants pour la société et qui rapportera 20 million de dollars à des oeuvres de bienfaisance sélectionnés par les internautes. http://www.refresheverything.com/

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle