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Ebanda tono (les peaux tachetées): utilisations et représentations de la faune sauvage (Gabon)

( Télécharger le fichier original )
par Florence Mazzocchetti
Université de Lettres et sciences humaines, Orléans - Master2 2005
  

Disponible en mode multipage

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    UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines

    Master 2 « Environnement, Territoires et Sociétés »

    Ebanda Tono (les peaux tachetées) :

    Utilisations et Représentations de la Faune Sauvage (tachetée)

    chez les Bakota de la région de Makokou (Gabon)

    Directeur de Recherche : Pierre GRENAND

    Maître de stage : Joseph OKOUYI OKOUYI

    Par : Florence MAZZOCCHETTI

    Année universitaire 2004-2005

    Sommaire

    Introduction

    Contexte scientifique

    Problématique

    Méthodologie

    Partie 1 : Présentation de la zone d'étude et cadres généraux de la vie Bakota

    Chap. 1 : Le contexte local

    I Généralités sur le Gabon

    II Généralités sur la région de Makokou

    Chap. 2 : Les cadres généraux de la vie Bakota

    I Le Pays Bakota

    II Vie quotidienne et culture matérielle

    III Vie sociale et organisation familiale

    IV Les croyances mystiques

    Partie 2 : Interrelations entre la faune sauvage et les Bakota

    Chap. 1 : Utilisations de la faune sauvage

    I La pharmacopée traditionnelle

    II Les animaux dans les Rites et les Cérémonies

    III L'artisanat

    IV La domestication

    V Les animaux dans la tradition orale

    Chap. 2 : Les Interdits alimentaires

    I Listes des interdits

    II Ruptures d'interdits

    Partie 3 : Analyse des données et discussion

    Chap. 1 : Conception et représentations de la faune sauvage

    I Ce que révèlent les contes...

    II La place à part des animaux tachetés

    III Unité des Bakota dans leurs relations à la faune sauvage

    Chap. 2 : Les Bakota et la Conservation

    I Gestion coutumière de la faune sauvage et ses limites

    II Utilisation des connaissances empiriques dans la conservation

    III Les préoccupations des Bakota sur le devenir de leur forêt

    IV Une limite à la gestion « participative » : la gestion inconsciente des ressources fauniques

    Conclusion

    Bibliographie

    Table des matière

    Planches photos

    Annexes

    MOTS-CLEFS

    Relations Homme / faune sauvage ; ethnozoologie ; Conservation ; Gabon ; Bakota.

    RESUME

    Cette étude donne un aperçu général des utilisations socioculturelles de la faune sauvage chez les Bakota de la région de Makokou. Le but est de compléter les données déjà existantes sur l'importance de la faune d'un point de vu alimentaire et économique, mais également, de servir dans les programmes de conservation qui souhaitent développer la gestion « participative ». L'enquête de terrain s'est déroulée pendant 3 mois auprès des populations Ikota, Mahongwé et Samaye, et financée par le CIFOR et l'IRET.

    Les résultats montrent que les utilisations socioculturelles, malgré leurs disparitions progressives, sont encore présentes chez les Bakota, particulièrement dans toutes les pratiques magico-religieuses ; l'unité du groupe passe principalement par leur identification à la Panthère.

    KEY WORDS

    Relations Men / Wild life ; ethnozoology ; conservation ; Gabon ; Bakota

    ABSTRACT

    This study gives a general view of the sociocultural uses of wildlife in the Bakota society scattered in the Makokou region. The goal is to complete datas on the food and economic wild life's importance and, also, to be used by conservation's programs which want to expand participative management. This field investigation took place during 3 monthes among Ikota, Mahongwé and Samaye population, and has been financing by the CIFOR and the IRET.

    The study's results show that sociocultural uses, despite their progressive disparition, are still alive, particulary in the magico-religious practices; the Bakota's unity is mainly the fact that the Panthere remains for all of them a symbol of identification.

    Remerciements

    Je tiens à remercier ici tous ceux qui m'ont aidé dans ce travail et en particulier :

    Mr Pierre Grenand, chercheur à l'IRD et mon directeur de recherche, pour m'avoir aidé dans la rédaction de ce mémoire ;

    Mme Françoise Grenand et Mme Florence Pinton, pour avoir accepté de faire partie de mon jury ;

    Mr Joseph Okouyi Okouyi, référant national de la station d'Ipassa-Makokou et maître de stage, pour son aide pour définir mon sujet de recherche, son soutien lors de mon séjour au Gabon et de nous avoir, à mes collègues et moi-même, trouvé des financements ;

    Le CIFOR et l'IRET-CENAREST pour leur soutien financier et logistique ; et tout particulièrement Mr Robert Nasi (CIFOR), Mr Philippe Hecketsweiler (directeur du projet de réhabilitation de la station d'Ipassa, CIFOR/IRET-CENAREST) et Mr Paul Posso (Directeur de l'IRET);

    Mr Guy Mpion alias papa Guy, gérant de la station d'Ipassa, pour nous avoir soutenu et supporté pendant ces trois mois de stage ;

    Mr Jean-François Mékomba, technicien à la station, qui fut mon compagnon lors de mes enquêtes à Makokou et dans les villages, et sans qui ce mémoire n'aurait jamais pu voir le jour ;

    Tous les techniciens de la station d'Ipassa-Makokou pour leur soutien, leur aide et leur bonne humeur ;

    Mes partenaires de galère : Marion, Jean-Bruno, Ariane, Nathalie, Federico, avec qui j'ai partagé des moments formidables et des beuveries mémorables ;

    A tous mes informateurs et tous les villageois qui ont eu la gentillesse de me recevoir et de répondre à mes questions ;

    Mes amies du Sud et ceux de ma promo qui m'ont évité une grosse déprime lors de la rédaction ;

    Et bien sur, Papa, Maman et mon chat Bambou... ça y est, maintenant, c'est promis, j'arrête les études...enfin, pendant un moment, en tout cas !

    LISTE DES ABREVATIONS

    CENAREST : Centre National de Recherche en Sciences et Technologies

    CIRAD : Coopération Internationale en Recherche Agronomique et Développement

    CITES : Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages

    menacées d'extinction

    CNPN : Conseil National des Parcs Nationaux

    ECOFAC : Ecosystèmes Forestiers d'Afrique Centrale

    EMVT : Elevage et Médecine Vétérinaire Tropicale

    FCFA : Franc de la Communauté Financière d'Afrique (100 FCFA = 0, 15 €)

    FAO: Food and Agricultural Organisation

    IDH : Indice de Développement Humain

    IRD : Institut de Recherche pour le Développement

    IRET: Institut de Recherche en Ecologie Tropicale

    MAB : Man and Biosphere

    MLA : Multidiciplinary Landscape Assessment

    ONG : Organisation Non Gouvernementale

    PIB: Produit Intérieur Brut

    PNAE : Plan National d'Action Environnementale

    UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature

    WCS: Wildlife Conservation Society

    WWF: Fond Mondial pour la Nature

    PHONETIQUE

    J'ai utilisé quelques transformations phonétiques pour la retranscription du vocabulaire Bakota. La plupart des lettres se prononcent comme en français excepté pour :

    H : fortement aspiré

    U : ou

    W : comme dans Wallaby

    Y : comme dans pied

    Introduction

    Les problèmes environnementaux globaux, et plus particulièrement celui de la baisse de la diversité biologique sur notre planète, sont devenus une préoccupation centrale pour de nombreux pays, chercheurs et ONG environnementalistes depuis plusieurs décennies. Afin d'enrailler ce phénomène, de nombreuses conventions internationales sont signées et mises en place (en tout cas en théorie) depuis le milieu du XXe siècle et le nombre de parcs nationaux n'a cessé d'augmenter. Mais, malgré tous ces efforts, la perte de biodiversité se poursuit. Dans le monde entier, des forêts sont abattues, les ressources halieutiques s'épuisent, et la diversité phytogénétique et zoogénétique est érodée.

    Cette situation est favorisée par l'augmentation de la pauvreté y compris dans les pays tropicaux pourtant riches en biodiversité. Il existe plusieurs raisons qui expliquent ce phénomène, mais la principale est sans doute le fait que la majorité des capitaux générés par l'exploitation des ressources naturelles ne sont pas réinvestis dans les pays producteurs. Les exploitants sont, pour la plupart, des compagnies internationales et les personnalités locales, qui gagnent de forts revenus de ce négoce, préfèrent placer leur argent à l'abris dans des banques à l'étranger. Ce système ne permet pas d'enrayer la montée du chômage et empêche la création de nouveaux emplois. Les populations les plus défavorisées sont donc contraintes, pour s'en sortir, de surexploiter les ressources restantes, afin de pouvoir satisfaire leurs besoins.

    Il existe diverses stratégies internationales, pour résoudre la perte de la diversité biologique, qui évoluent avec le temps, les connaissances et les modes. Dans un premier temps, il s'agissait de mettre sous cloche des espaces de nature dans le but de les garder « vierges » de toutes empreintes humaines. Dans les pays du Nord, ces espaces ont été installés dans des zones non habitées ou faiblement anthropisées, le plus souvent en montagne, mais ce ne fut pas le cas dans les colonies comme en Afrique. Là, la création des aires protégées, où, nous le rappelons, toute exploitation de l'Homme est interdite, a nécessité le déplacement de populations entières sans aucun ménagement. Il s'agissait donc d'une protection de la nature purement « conservationniste » sans prise en compte de l'élément humain. Aujourd'hui, on essaye de délimiter les parcs nationaux dans des zones non habitées mais cela ne veut pas forcément dire non exploitées ! D'où le dilemme des organismes chargés de la conservation des ressources naturelles. Dans les pays du Sud comme en Afrique et plus particulièrement chez les populations les plus pauvres, l'exploitation de la forêt et de ces ressources est une nécessité de survie. La forêt est un espace caractérisé par des multi-usages et concernant des multi-acteurs. Il n'est donc pas étonnant que de nombreux conflits éclatent entre les populations locales et les agents de la conservation et que les objectifs fixés par ces derniers ne soient pas atteints (Ville, 1998 ; Zecchini, 2000 ; Mazzocchetti, 2003).

    Bien que cette approche « conservationniste » ne soit, à l'heure actuelle, toujours pas abandonnée, à partir de 1992 au Sommet de Rio, les populations locales vont être prises en compte (en tout cas en théorie) dans la conservation et le développement durable (concept aux sens multiples et variés, mais désormais central dans les discours afférents aux questions d'environnement) : « Les populations et communautés locales autochtones et les autres collectivités locales ont un rôle à jouer dans la gestion de l'environnement et le développement, du fait de leurs connaissances du milieu, de leurs pratiques traditionnelles. Les Etats devraient reconnaîtrent leur identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder tout l'appui nécessaire et leur permettre de participer efficacement à la réalisation d'un développement durable » (principe 22 de la déclaration de Rio, ONU, 1992, cité par Chartier et Sellato, 2003).

    Aujourd'hui, il existe donc un consensus international sur la nécessité de préserver les pratiques et les usages des populations autochtones ou des peuples tribaux. Cette prise en compte de la nécessité d'incorporer l'élément Humain dans les recherches et programmes de conservation et de développement durable, est une porte ouverte aux Sciences Humaines. Car l'Homme, au travers de ces interventions sociales, économiques, politiques et culturelles dans l'utilisation de l'espace, fait partie intégrante de la combinaison écologique, au même titre que les composants physiques, chimiques et biologiques (Marchenay, 1973). Il s'agit donc d'incorporer aux programmes de conservation de l'environnement, les perspectives locales sur ces priorités (Patenaude et al, 2002), en prenant en compte leurs besoins et leurs cultures.

    On retrouve donc ici les ethnosciences en particulier l'anthropologie écologique (Levesque, 1996), l'ethnobotanique et l'ethnozoologie (Forni, 1973) pour étudier les savoirs locaux sur la Nature et les relations que ces populations entretiennent avec Elle.

    Parmi les ressources qui mobilisent la communauté internationale, nous avons, bien évidemment, la faune sauvage avec ses espèces emblématiques comme l'Eléphant ou le Gorille. Beaucoup de conventions et d'organismes comme la CITES ont été mis en place dans le but de protéger cette ressource et de contrôler son trafic. Dans un rapport de la FAO en 2001, Stéphane Doumbé-Billé fait une synthèse sur le droit international de la faune sauvage et des aires protégées, tout en y expliquant l'importance et l'implication pour l'Afrique (Doumbé-Billé, 2001). En effet, la faune africaine n'est pas seulement un objet scientifique ou esthétique ; c'est aussi une ressource très importante pour les Africains, tout particulièrement pour les populations forestières qui restent, dans leur majorité, entièrement dépendantes des ressources naturelles, que cela soit d'un point de vu alimentaire, économique ou culturel. C'est pourquoi, le lien entre la conservation de l'environnement et le développement durable des populations locales est clairement apparu dans le cas des forêts tropicales.

    Les forêts du bassin du Congo et des régions voisines, sont réputées comme ayant l'une des plus riches diversités floristique et faunique de la planète. Aussi, elles attirent beaucoup de scientifiques mais également de nombreuses ONG et organismes divers de conservation de l'environnement, soucieux de protéger ces écosystèmes exceptionnels, mais aussi, de permettre désormais le développement durable des populations forestières qui les habitent.

    Au Gabon, comme pour les autres pays d'Afrique Centrale, la conciliation de ces deux impératifs passe par la pression anthropique exercée sur les ressources naturelles par la surexploitation de la faune (chasse, pêche, trafic d'animaux vivants) et la multiplication des concessions forestières. Plusieurs études ont été menées dans cette zone du bassin du Congo, dans le but de trouver des solutions à la conservation de la faune sauvage et de son milieu naturel (Tchatat, 1998 ; White, 1998). Le résultat de ces recherches démontre la nécessité de mener des études pluridisciplinaires alliant les domaines de la Biologie et ceux des Sciences Humaines.

    Si, depuis peu, beaucoup d'études ont pris en compte l'importance alimentaire et économique de la faune, l'importance socioculturelle de cette ressource naturelle, dans les programmes de conservation et de développement durable, a souvent été occultée ou sous estimée. S'il n'y a pas de recette miracle en matière de faune sauvage comme de développement, il y a cependant un facteur de succès important, celui tout simple de prendre objectivement en compte l'Homme et sa culture. La conservation de la faune sauvage ne pourra se faire sans le bien-être de l'homme ; et ce bien-être ne peut s'épanouir hors du contexte socioculturel local (Chardonnet et al, 1995).

    C'est pourquoi, cette présente recherche porte sur les interrelations socioculturelles entre la faune sauvage et les Bakota, peuple forestier et réputé pour ses qualités de chasseur. La zone d'étude se situe au Nord-est du Gabon, zone encore peu touchée par les pressions anthropiques et où le WWF a de nombreux projets. Mon travail, je le souhaite, évitera - avec toute la modestie de rigueur - que ces programmes soient comme les schémas standard exotiques, plaqués sur des us et coutumes locaux plus que centenaires.

    I. Contexte scientifique

    Afin d'élaborer une problématique pertinente, voici un petit tour d'horizon des recherches scientifiques sur le thème des relations Homme/Milieu chez les populations forestières ainsi que celles effectuées sur le groupe ethnique Bakota.

    Importance de la viande de brousse

    Les anthropologues sont à l'origine des premiers travaux sur la faune sauvage comme ressource alimentaire, afin de quantifier son importance pour la survie matérielle et spirituelle des peuples forestiers ; ils ont été suivis par les biologistes, soucieux de connaître l'impact des prélèvements, surtout sur les espèces vulnérables.

    Depuis une dizaine d'années, de nombreuses recherches quantitatives ont été faite sur la commercialisation de la viande de brousse en Afrique Centrale, à travers l'étude de l'organisation de la filière (Bahuchet, 2000 ; Fargeot, 2004a, 2005 ; Rieu, 2004), son rôle économique (Dethier, 1995 ; Dethier et Ghiurghi, 1999) les techniques de prédation et les impacts de cette activité sur la faune sauvage (Lahm, 1993 ; Dethier, 1995). D'autres, ont également étudié la consommation des ménages en forêt et en ville (Steel, 1994 ; Ichikawa, 1996 ; Lahm, 1996 ; Koppert et al, 1996 ; Wilkie et Carpenter, 1998).

    Ces études sur la filière économique ont été réalisées d'une part grâce au projet régional Ecofac, financé par l'Union européenne, et d'autre part grâce aux grandes ONG de conservation (WWF, WCS etc.), pour comprendre précisément le lien entre exploitation forestière et chasse commerciale, point de discorde essentiel entre les tenants de la conservation de la nature et les industriels du bois.

    · Importance alimentaire : consommation et préférence alimentaire

    Pour les populations riveraines des forêts du bassin du Congo, la viande de brousse constitue 30 à 80% de l'apport en protéines (Wilkie et Carpenter, 1998).

    Le Gabon est l'un des pays africains où la consommation de viande de brousse est des plus élevée. En effet, en 1994 Steel a estimé la consommation nationale de gibier à 17 kg/personne/an, un chiffre 1,7 fois plus élevé que l'estimation de consommation de boeuf.

    Il existe également une disparité entre les zones urbaines et rurales : pour Chardonnet et al. (1995) que cela soit au Gabon, en République démocratique du Congo et en République Centrafricaine, la consommation de gibier par habitant en ville serait égale à 10% de la consommation en zone rurale.

    Les préférences alimentaires des peuples du Bassin du Congo vont pour les mammifères ongulés (toutes les espèces de céphalophes, le Chevrotain aquatique, le Potamochère) ; les petits rongeurs (Athérure, Aulacode) ; le Pangolin commun et les poissons (Lahm, 1993 ; Vanwijnsberghe, 1996).

    Tableau 1 : Consommation de viande de brousse

    Pays

    Auteurs et dates

    Moyenne nationale

    (kg/pers./an)

    Zone rurale

    (kg/pers./an)

    Gabon

    Steel (1994)

    Lahm (1993)

    17

    32

    Cameroun

    Bahuchet,Ioveva (1998)

    ND

    73

    Côte d'Ivoire

    Caspary (1999)

    8

    ND

    Congo

    Auzel (1997)

    ND

    43

    République Centrafricaine

    Chardonnet (1995)

    Diéval, Fargeot (2000)

    12

    15

    ND : données non disponibles.

    (D'après Forgeot, 2004)

    Les interdits concernent principalement les carnivores, comme c'est généralement le cas de partout dans le monde (à l'exception de l'Ours). Henri Koch (1968) explique ceci par la perception que se font les populations des animaux sauvages. D'une façon générale, les herbivores sont considérés comme étant moins dangereux, plus paisibles que les carnivores qui sont souvent des animaux nocturnes, puissant et pouvant servir à la sorcellerie. Par exemple, dans la mythologie des pygmées Baka du Cameroun, les animaux étaient des Hommes qui ont été transformé par le Dieu Komba, et dont les gens méchants et dangereux ont été métamorphosés en carnivores (Leclerc, 2001).

    Par ailleurs, que cela soit au Congo (Vanwijnsberghe, 1996), au Gabon (Lahm, 1993, 1996, 2002) ou dans l'ex-Zaïre (Pagezy, 1973), seul les animaux au pelage tacheté ou rayé (Panthère, Nandinie, les genettes et civettes, le Chat doré et l'Antilope de Bates) font l'objet de restrictions alimentaires plus ou moins strictes, les villageois assimilants les taches aux symptômes de la gale et de la lèpre. Ceci explique peut-être que ces « tabous » soient encore respectés par une majorité de personnes, alors que les autres tendent à disparaître.

    De plus, le nombre des interdits est beaucoup plus important chez les femmes que chez les hommes. Il existe deux explications à ce phénomène : la première est liée au statut généralement inférieur de la femme par rapport à l'homme qui souhaite se garder les meilleurs gibiers, c'est-à-dire les plus goûteux et savoureux ; la seconde est liée à la place centrale que tient la femme dans la procréation, acte à la fois donneur de vie mais aussi parfois, preneur de vie à cause des complications qui peuvent survenir et du taux élevé de mortalité infantile.

    · Importance économique : la filière viande de brousse

    L'un des gros soucis pour la faune sauvage d'Afrique Centrale est le commerce, en perpétuelle expansion, de la viande de brousse. En effet, la chasse est une composante importante dans l'économie domestique des populations du Bassin du Congo. Il est cependant difficile de quantifier l'impact économique car il s'agit d'un commerce informel et parfois clandestin qui n'apparaît pas dans les comptes de l'Etat. L'étude de Steel menée au Gabon (1994) sur le volume et la valeur du commerce de la viande de brousse apporte certains éléments de réponses. En définitive, la filière viande de brousse aurait représenté 1% du PIB en 1992 et 10,8% du secteur agriculture, forêt et pêche (Steel, 1994).

    Bien que le commerce de gibier, tel qu'il est pratiqué actuellement, ne soit pas un secteur totalement légal, il n'en est pas moins très organisé. Pour approvisionner les grands centres urbains, de véritables réseaux se sont mis en place. Le plus souvent, les chasseurs vendent le gibier à des revendeurs qui les transportent jusqu'à la ville où ils les revendent à des grossistes ou des vendeurs de marchés. Parfois, les chasseurs traitent directement avec les vendeurs qui peuvent les fournir en armes et en munitions. Ils peuvent également vendre directement leurs produits sur les bords des routes (Forgeot, 2004). Ces « nouveaux » chasseurs professionnalisés sont, la plupart du temps, de jeunes gens célibataires aux comportements assez individualistes. Il est également à noter que la plupart des revendeurs et des vendeurs sont des femmes (Forgeot, 2004).

    Steel (1994) a calculé les gains de chaque acteur du réseau pour le Gabon. En moyenne, les chasseurs gagnent 540 FCFA par kg de viande. Les vendeurs gagnent en moyenne 340 FCFA/kg s'ils achètent aux revendeurs et 540 FCFA/kg s'ils se fournissent directement auprès des chasseurs. Le commerce de viande de brousse génère ainsi un revenu substantiel pour les professionnels de la filière et contribue donc à l'économie des ménages et, par extension, à l'économie nationale (Binot et Cornélis, 2004).

    Les prix de vente varient selon l'espèce et le lieu d'achat car, la disponibilité du gibier et le nombre d'intermédiaires diffèrent selon les localités du Gabon (Jori, 1996 cité par Payne, 2005). Les espèces les plus chères sont les rongeurs (Athérure et Aulacode) et le Potamochère. On distingue également que les prix sont plus élevés dans les grandes villes (Libreville et Port-gentil) où la disponibilité du gibier est moindre (par rapport à Makokou, par exemple), où le pouvoir d'achat des habitants est supérieur et où la demande est forte. Seuls les petits gibiers (rongeurs et le Céphalophe bleu) sont vendus entiers, les autres étant vendu en morceaux, plus rentable pour le vendeur.

    En milieu rural, la réduction des activités économiques rémunérées, ajoutée à une demande accrue en viande de brousse, en particulier des centres urbains, a favorisé le développement d'une chasse à vocation commerciale et non de subsistance (Steel, 1994). Dans la région de Makokou, Lahm (1993) a estimé que 78% des chasseurs vendent entre 50 et 67% de leur viande. Dans cette même étude, elle a enquêté auprès de 90 ménages de la province : pour 47% d'entre eux, la viande de brousse constituait tout ou une partie des revenus du foyer. Ceci prouve qu'il s'agit d'une activité de plus en plus spécialisée, car jadis, chaque chef de famille chassait dans l'unique but de nourrir les siens.

    Photos 1 et 2 : vente de gibier sur le marché Makokou

    Sources : Joseph Okouyi (2001) et Ariane Payne (2005)

    · Importance socioculturelle :

    La consommation de viande de brousse fait partie intégrante de l'identité culturelle des peuples forestiers d'Afrique Centrale. Elle intervient dans les relations familiales et sociales. Les terroirs de chasse (zone exploitée par un chasseur, qui se l'approprie à titre officieux) sont souvent des terroirs familiaux, qui se transmettent de générations en générations (Payne, 2005). Les produits de la chasse sont traditionnellement partagés entre les différents membres de la famille et du village. Enfin, le gibier de brousse est une composante essentielle des cérémonies et rituels, que cela soit pour les villageois comme pour les citadins, ainsi que pour la pharmacopée traditionnelle et les pratiques de sorcellerie.

    Ces utilisations sont complexes et changent selon les groupes ethniques. Il y a toutefois des constantes comme la peau de la Genette qui est utilisée un peu partout que ce soit au Congo ou au Gabon. Selon la tradition, elle aurait des propriétés magiques. Elle est utilisée par les tradipracticiens pour chasser les mauvais esprits ou dans la fabrication des fétiches. On la retrouve lors des danses traditionnelles, des initiations et de la circoncision (Perrois, 1968 ; Pagezy, 1973 ; Vanwijnsberghe : 1996 ; Tchatat, 1999).

    En ce qui concerne les autres formes d'utilisations, comme l'artisanat, elles tendent à disparaître, les populations préférant les matériaux modernes. S'il y avait anciennement une utilisation des différentes parties du corps de l'animal dans la technologie traditionnelle, aujourd'hui, seules quelques peaux (principalement de céphalophes) restent utilisées pour les chaises longues et les tam-tams.

    Actuellement, la chasse est beaucoup pratiquée par les jeunes gens au chômage car le statut de chasseur leur permet non seulement, comme nous l'avons évoqué plus haut, une source de revenu mais aussi une certaine valorisation sociale (Binot et Cornélis, 2004).

    · Impact écologique :

    En Afrique de l'Ouest et Centrale, la pression de chasse représenterait une menace pour 84 espèces et sous-espèces de mammifères. Dans le bassin du Congo, le niveau de prélèvement des animaux serait 4 fois plus important que le niveau permettant une exploitation durable de la faune1(*) (CITES, 2001 ; Payne, 2005).

    Il est difficile d'évaluer avec exactitude les prélèvements de gibiers. L'estimation peut se faire soit au niveau de la consommation, mais on n'a alors pas la provenance des animaux, soit au niveau des récoltes du gibier (Wilkie et Carpenter, 1998 ; Lahm, 1996). Seuls des enquêtes de longues durées permettent d'avoir une image fiable de la situation, à la condition qu'elles se déroulent sur un périmètre restreint correspondant généralement à une zone de chasse villageoise (Grenand, 2002).

    Le développement de la chasse commerciale s'est accompagné de l'utilisation d'armes à feu (surtout du calibre 12), de pièges à câbles et de nouvelles méthodes de chasse (chasse nocturne). En conséquence, le nombre et la variété d'espèces capturées ont augmenté et la pression de la chasse autour des villages s'est accrue (Steel, 1994).

    En effet, les pièges et la chasse nocturne semblent être les méthodes les plus efficaces (Lahm, 1996). D'après les études de Lahm (1996) et de Okouyi (2001), se sont les ongulés qui connaissent la pression de chasse la plus importante avec près de 60% des prélèvements. Le Céphalophe bleu et l'Athérure sont les deux espèces les plus chassées. Suivent les primates, en particulier les espèces arboricoles (cercopithèques, mangabeys) qui sont des proies faciles pour la chasse au fusil de jour. Ces données confirme aussi que la majorité du gibier chassé est destiné à la vente.

    Tableau 2 : Espèces, nombre et destination du gibier chassé dans la région de Makokou.

    Groupe

    Nombre

    (N=254)

    % total

    Espèce la plus représentée : % total

    % vendu

    Ongulés

    146

    57,5%

    Céphalophe bleue : 37,4%

    66%

    Primates

    47

    18,5%

    Hocheur : 5,5%

    40%

    Rongeurs

    35

    13,8%

    Athérure : 11%

    63%

    Carnivores

    12

    4,7%

    Panthère : 1,6%

    67%

    Pangolins

    9

    3,5%

    Pangolin à écailles tricupsides : 3,5%

    11%

    Reptiles

    5

    2%

    Varan du Nil : 1,6%

    100%

    D'après Lahm, 1996

    Certaines espèces présentes sur les marchés font parties des animaux protégés, c'est la cas, par exemple du Pangolin géant et du Chevrotain aquatique. Quant aux espèces plus emblématiques pour la conservation comme l'Eléphant, le Gorille ou le Chimpanzé leur commerce suit des circuits parallèles que seuls les consommateurs fortunés connaissent (Okouyi, 2001).

    Dans toutes les zones de forêts tropicales, le choix du gibier suit donc de plus en plus une logique économique de rentabilité, principe totalement étranger dans la chasse de stricte subsistance. Le prix des cartouches étant élevé, les chasseurs recherchent avant tout les animaux de grande taille ou ceux à la meilleure valeur marchande comme les ongulés, les carnivores pour leurs peaux et les reptiles (Lahm, 1996). Lahm a également examiné le sexe ratio et l'âge des animaux chassés. Pour la plupart des espèces, mâles et femelles sont tués dans des proportions équivalentes. La majorité d'entre eux sont des adultes sauf pour les céphalophes bais.

    Cette sélection du gibier entraîne une forte diminution de ces populations animales qui sont généralement des frugivores indispensables au renouvellement de la forêt (Redford, 1996). De plus, d'après Wilkie et Carpenter (1998), comme les pièges ne sont pas visités tous les jours, 25% des individus piégés au collet pourrissent ou sont mangés par les animaux nécrophages.

    En résumé, toutes ces études montrent que :

    - La viande de brousse reste la première source de protéine animale pour ces populations ;

    - Le choix de la viande de brousse est à la fois économique et culturel ;

    - La chasse pour la viande peut constituer une source de revenus significative pour les familles vivant en forêt ;

    - Le commerce de gibier fait vivre des milliers de personnes en ville et en forêt ;

    - Actuellement, la consommation de viande de brousse en forêt est considérée comme « durable » par la faible densité humaine ;

    - La demande en viande de brousse de la part des consommateurs urbains, de plus en plus nombreux, a créé un marché important ;

    - Les concessions forestières facilitent l'accès à la ressource et stimulent la demande de gibier ;

    - Tout ceci a provoqué un déclin alarmant de la faune autour des zones les plus peuplées et donc une chasse non durable qui pourrait atteindre les zones isolées ;

    - Les grands mammifères à faible taux de reproduction sont les plus sensibles à la surexploitation.

    Une certaine conception du monde

    L'importance socioculturelle de la faune sauvage ne peut être abordée sans revoir au préalable quelle perception les sociétés africaines, et tout particulièrement celles vivants dans les zones forestières, ont de l'univers et de la nature qui les entoure.

    Malgré le recul des religions animistes depuis la pénétration de l'Islam, du Christianisme et du monde moderne en général, elles continuent à imprégner les consciences et bien souvent à dicter les conduites, principalement dans les zones rurales forestières (Levrat, 2003).

    Ces croyances mettent l'Homme en rapport étroit avec la nature qui est parcourue par un flux vital présent dans toutes choses (végétal, animal, minéral). Ce flux (qu'on nomme souvent, par commodité, Esprit) est immortel, se transmet et se transforme. Tout ce qui constitue l'univers est force, et tout interagit par ces forces. Pour beaucoup de peuples vivants en savane ou en forêt, la faune et la flore ne sont donc pas ressenties comme des entités distinctes du reste du monde ; ils ont une perception de leur univers qu'on qualifie de globalisante. Certains de ces esprits sont en charge des animaux sauvages et de leur distribution aux Hommes, sous certaines conditions. Ce sont eux donc les véritables gestionnaires de la faune (Levy-Luxereau, 1973 : 18 ; Massenzi, 1999 ; P. Grenand, 2002 : 147 ; Leclerc, 2001). Ainsi, le surnaturel ou le monde invisible, domaine des dieux, des esprits et des ancêtres, est lui aussi composante de l'environnement et participe à l'ordre de la nature. Les deux mondes, visible et invisible, sont en équilibre dynamiques car ces forces s'opposent les unes aux autres. Une action en violation avec les règles naturelles ou le non-respect de la volonté des Esprits-Dieux ou des Ancêtres perturbe, voir menace, l'équilibre cosmique. Mais comme cette force ou ce flux vital est universel et explique tout, il permet à l'homme d'agir sur le cosmos, de rétablir les équilibres en déplaçant ou appliquant de nouvelles forces au bon endroit, et d'influer sur les décisions des génies (Chardonnet et al, 1995). Dans cet environnement où tout agit sur tout, chaque acte a donc des conséquences qui faut prévoir, réparer ou contre lesquels il faut se protéger ; rien n'est le fruit du hasard.

    Symboles et représentations

    Tout étant uni par la force et tout ayant son correspondant dans la nature, les attributs et les comportements des animaux ont une signification dans le système de référence humain. Toutefois, comme la nature et les comportements animaliers sont interprétés de manière anthropocentrique, on ne peut attribuer des symboles uniques et valables pour tous les peuples puisque ces symboles dépendent étroitement des sociétés qui les créent (Chardonnet et al, 1995).

    Prenons l'exemple de la Panthère (ou Léopard). Cet animal est très souvent le symbole du chef, du pouvoir coutumier, que cela soit en Afrique (Vanwijnsberghe : 1996), en Asie ou en Amazonie (Jaguar) (F. Grenand : 1982 ; Levi-Strauss : 1964).

    Les Hommes-Léopards ou Hommes-Panthères relevants d'une société secrète, avaient le pouvoir de se transformer en animal et de manger moutons, cabris et même des individus ; ils sont présents un peu partout dans le Bassin du Congo et notamment chez les Bakota du Gabon. S'ils terrorisaient autrefois les populations, ce n'est plus réellement le cas aujourd'hui (Raponda-Walker/Sillans, 19832(*) ; Perrois, 1968).

    L'apparence corporelle de l'animal joue elle aussi un rôle important dans la relation entre l'homme et l'animal, principalement dans le domaine alimentaire. Certains animaux vont être conseiller et d'autres interdits à la consommation. Par exemple, chez les populations forestières, les animaux rayés ou tachetés sont généralement interdits à la consommation car ils sont soupçonnés de donner la lèpre et la gale.

    Ainsi, l'animal, avec son corps et son comportement, a une signification précise pour l'Homme. Il représente plus qu'un organisme vivant il est aussi le symbole d'un caractère, d'une qualité ou d'un défaut que l'on peut acquérir ou auquel on peut se confronter (Chardonnet et al, 1995).

    Les Bakota 

    La littérature scientifique sur les Kota est peu abondante. La plupart de la documentation concernent les reliques funéraires, statuettes de bois plaquées de cuivre qui servaient pour le culte des ancêtres (Perrois, 1969,1976 ; Delorme, 2002).

    En dehors de ces études sur l'art africain, les Bakota ont été essentiellement étudié par Louis Perrois qui analysa leurs migrations (1970 ; 1976), leur rituel de circoncision et leur organisation sociale (1968) ainsi que les rites et les croyances funéraires (1979). Certains de ces rites ont aujourd'hui disparu comme la plupart des cultes voués aux ancêtres et l'organisation sociale s'est modifiée (tendance à la monogamie et au choix du conjoint par exemple).

    Je n'ai pas trouvé d'études récentes consacrées exclusivement aux Bakota. Toutefois, j'ai pu recueillir des renseignements intéressants sur les modes de prédation, les préférences et quelques restrictions alimentaires, ainsi que les utilisations diverses de la faune sauvage chez les Kota, dans les nombreuses études sur les chasses villageoises et l'exploitation des ressources naturelles dans le Bassin du Congo (Lahm, 1993, 1996, 2002 ; Vanwijnsberghe, 1996). D'après Lahm (1993), les Kota semblent être ceux qui continuent le plus à respecter les traditions en gardant des relations fortes avec la forêt et ses habitants.

    La Panthère semble être un totem pour tous les Bakota, étant considérée comme un animal magique, capable de se transformer en homme et vice-versa (Lahm, 2002 : 74). Certains hommes ont l'animal en eux, il s'agit des hommes panthères qui font partie de la confrérie du Ngoye (Perrois, 1968). La Panthère est strictement interdite à la consommation comme tous les animaux à peaux tachetées, les Kota assimilant eux aussi les taches aux symptômes de la gale.

    Les restrictions alimentaires sont en train de disparaître petit à petit. La plupart des espèces taboues sont tuées et vendues là où elles ne le sont pas. Quant à l'utilisation de la faune dans les technologies traditionnelles, à l'heure actuelle, il s'emblerait qu'elle n'existe plus (Lahm, 1993).

    Nous venons de voir que la faune sauvage a essentiellement une valeur alimentaire et économique pour les populations forestières actuelles. Les changements parvenus dans ces sociétés depuis la colonisation des occidentaux ont profondément bouleversé les croyances et les pratiques de ces gens. Beaucoup d'utilisations dites « traditionnelles » de la faune sauvage ont aujourd'hui disparues ; pourtant, elle semble être encore présente dans les pratiques magico-religieuses.

    II. Problématique et objectif de l'étude

    Après ce bref tour d'horizon sur les relations entre la faune sauvage et les populations forestières du Bassin du Congo, quels questionnements restent en suspens ?

    Nous venons de le voir, la faune sauvage est très importante pour ces populations que cela soit d'un point de vu tant alimentaire, économique que culturel. Mais le rôle que joue le monde animal dans la culture Kota est encore mal connu. Aussi, la question générale de départ de ce mémoire sera :

    Quelles sont les interrelations socioculturelles que le groupe Bakota entretiens avec la faune sauvage ?

    Il s'agit donc, dans un premier temps, de déterminer tous les domaines où la faune sauvage est utilisée ou évoquée, les interdits alimentaires ainsi que de comprendre quelles représentations se font les différents sous-groupes Bakota du monde sauvage et de ses animaux.

    Avec ces données, il s'agira, ensuite, de déterminer :

    1) s'il y a unité ou pas dans ces interrelations entre les 3 sous-groupes Bakota3(*) 

    2) si l'analyse de ces données peut être utilisée pour un programme de gestion « participative » de la faune sauvage.

    N'ayant effectué que trois mois de stage, j'ai concentrée ma recherche sur les espèces Mammifères et tout particulièrement sur les carnivores au pelage tacheté. Ces derniers sont souvent cités dans les interdits alimentaires, les utilisations paramédicales ainsi que dans les rites et cérémonies traditionnelles des peuples forestiers de la région. Il s'agira de voir ici, si les utilisations et perceptions sont les mêmes dans le groupe Bakota et de déterminer quelle importance ces animaux ont dans leur culture. Cette étude permettra secondairement une mise à jour des connaissances sur ce groupe ethnique encore relativement mal connu.

    Le but de cette recherche en ethnozoologie est de faire un état des lieux sur les interactions Faune-Bakota dans la région de Makokou afin de donner une vision générale des utilisations et des croyances encore présentent de nos jours et de compléter ainsi les recherches sur les valeurs socio-économiques et culturelles de la faune sauvage pour les populations forestières du Bassin du Congo.

    Ceci pourra être utile pour les divers programmes de conservation de l'environnement dans la région Nord-Est du Gabon. En effet, en plus des 3 parcs nationaux, la zone est sous la « tutelle » des ONG américaines que sont le WWF et le WCS qui, après une politique d'urgence principalement basée sur la répression, souhaitent désormais mener des programmes qui permettent le développement durable des populations locales, mais aussi leur participation.

    Figure 1 : Le réseau de parcs nationaux dans le Nord du Gabon

    Source : WWF

    III. Méthodologie

    III.1 Une étude en ethnozoologie

    (Hountondji : 2001)

    A partir du XIXe siècle, l'Occident s'est rendu compte qu'en étudiant les autres cultures, il n'avait pas seulement affaire à des pratiques ou à des croyances isolées, mais bien souvent à des systèmes de croyances, des systèmes de pensée cohérents et rationnels à leur manière, qui fournissent en même temps la clé de certaines pratiques qui, sans eux, resteraient incompréhensibles. De ces systèmes de pensée on distinguera cependant ici les systèmes de connaissance. Ceux-ci ne prétendent pas seulement à la cohérence socioculturelle, mais se veulent en outre objectifs et efficients, susceptibles de fonder des techniques et des pratiques.

    L'intérêt pour ces systèmes de connaissance a donné naissance aux différentes branches de

    l'«ethnoscience». Si le terme générique n'est apparu, semble-t-il, qu'au milieu du XXe siècle, plusieurs des termes spécifiques désignant les sous-disciplines de la discipline sont plus anciens. Mieux encore, ces sous-disciplines ont été elles-mêmes pratiquées longtemps avant d'être nommées4(*).

    Au sens premier du terme, une ethnodiscipline est l'étude d'un corpus de connaissances portant sur un domaine donné et véhiculé par la tradition orale. Ainsi entend-on par ethnobotanique l'inventaire des connaissances « traditionnelles » sur les plantes, par ethnozoologie l'étude des taxinomies et autres connaissances « traditionnelles » sur les animaux. L'ethnoscience est alors comprise comme la reconstitution d'un savoir préexistant à la colonisation occidentale.

    Dans l'histoire de l'ethnoscience, on assiste depuis quelque vingt ans à une modification sensible de cette approche fondamentale. Les systèmes de connaissances endogènes sont de plus en plus étudiés non pour eux-mêmes, mais pour leur contribution possible au développement. Cet intérêt nouveau ne s'est pas démenti depuis. On a dénoncé sur tous les tons les erreurs des développeurs et autres experts internationaux qui tentaient d'imposer aux communautés paysannes du Tiers-monde des techniques agricoles, et toutes sortes de

    « paquets technologiques » mis au point en Occident mais inadaptés au milieu concerné, dans l'ignorance complète des techniques locales, souvent plus efficaces et mieux dominées par les intéressés.

    III.2 Les financements

    Si j'ai pu effectuer ce stage au Gabon, c'est grâce aux financements dont mes collègues et moi-même avons pu bénéficier. Il s'agit tout d'abord du financement, octroyé par le CIFOR, qui rentrait dans le programme du M.L.A (Multidiciplinary Landscape Assessment) une étude pluridisciplinaire du paysage qui s'est déroulée pendant un mois à Loaloa, un quartier de Makokou en bordure de la réserve d'Ipassa et du parc de l'Ivindo. Ce budget prenait en charge : la nourriture, les déplacements, le salaire des techniciens ainsi que l'hôtel à Libreville.

    Ensuite, nous avons été logés gratuitement à la station d'Ipassa-Makokou5(*) grâce à l'Institut de Recherche en Ecologie Tropicale (IRET) du Centre National de la Recherche Scientifique et Technique du Gabon (CENAREST). En plus du logement, nous avions accès à la bibliothèque et à la cantine ; de plus, l'IRET nous a également apporté un soutient logistique dès que cela était possible (transport jusqu'à Makokou, aide des techniciens de la station, matériels pour les missions).

    III.3 Organisation de la recherche et difficultés rencontrées

    III.3.1 Choix des interlocuteurs et des villages

    Dans le groupe Bakota, il existe plusieurs sous-groupes qui sont apparentés sur les plans linguistique et culturel. Les principaux groupes sont du sud au nord : les Ndumu, les Mindassa, les Bawumbu, les Ambamba, les Samaye, les Mahongwé, les Saké et les Ikota (appelés aussi Kota-kota).

    L'unité tribale des Bakota est un problème difficile qui ne semble pas être résolu, car cette unité n'est peut-être qu'une unité de résidence. Tous ces groupes ou tribus (si l'on admet que le terme de tribu doit s'attacher à l'ethnie toute entière) ont forgé des liens au cours des siècles par un voisinage constant et une solidarité linguistique qui s'opposent à la diversité d'origine des peuples immigrés qui sont arrivés depuis le XVIIIe siècle (Perrois, 1968 : 16).

    Pour ma part, j'ai choisi de m'intéresser aux Ikota, Mahongwé et Samaye de la région de Makokou. Tout d'abord, car ces groupes sont proches les uns des autres, les mariages entre ces groupes sont fréquents, et les dialectes assez proches pour qu'ils puissent facilement se comprendre. Ayant un technicien Ikota, il était important qu'il puisse comprendre mes interlocuteurs afin de pouvoir me servir d'interprète.

    Le choix des villages s'est donc fait sur plusieurs critères : selon l'appartenance à tel ou tel sous-groupe ; la présence de vieux connaisseurs des traditions et la distance par rapport à Makokou. Tous les villages d'études se trouvent sur les axes : Makokou - Mékambo et Makokou - Okondja.

    Sur la route de Mékambo, je me suis donc rendu dans les villages Mahongwé suivants : Sassamongo ; Zadindoué 2 ; Zadindoué ; Matoté ; Bangadi ; Madombo 2. Sur la route d'Okondja, je me suis rendu aux villages Ikota de Nsiété et Mbondou, et dans le village Samaye de Mbela.

    Quant aux interlocuteurs, j'ai principalement favorisé les « anciens » -femmes et hommes- qui étaient reconnus pour leur savoir traditionnel ainsi que les guérisseurs. Pour les contes, ils furent beaucoup plus hétérogènes allant de 10 ans pour le plus jeune à environ 80 ans pour le plus âgé.

    III.3.2 Déroulement de la recherche, ses outils et ses limites

    Pendant le premier mois, j'ai testé mon questionnaire6(*) chez la population Ikota de Makokou dans les quartiers : Mbolo, Bordeaux (appelé aussi Ebanda Ngoye, peau de panthère) et Ipasendjié. Mais, ma recherche, relevant de l'anthropologie culturelle, était donc basée sur des méthodes qualitatives ; la rigidité du questionnaire m'empêchait de mener à bien mes entretiens, coupant la fluidité du discours de mes interlocuteurs.

    J'ai donc décidé de mettre de côté le questionnaire qui m'a servi par la suite de « pense bête » dans mes entretiens semi-directifs, dont les principaux thèmes étaient : Les utilisations de la faune sauvage (rites et cérémonie, pharmacopée, artisanat, pratiques religieuses) ; les interdits alimentaires, la tradition orale (proverbes, contes, chants) et les connaissances empiriques.

    La collecte des données se faisait par prise de note sur un carnet, excepté pour la collecte des Contes que j'enregistrais sur un dictaphone et que nous traduisions ensuite, avec Jean-François Mékomba, à la station d'Ipassa-Makokou.

    Les deux mois suivants, j'ai effectué des allers-retours entre les villages et la station. Avec Jean-François, nous partions en « clando » (taxi brousse) pour des missions d'environ une semaine. Nous apportions avec nous 2 tentes, de la nourriture, 2 sacs de couchages avec les matelas gonflables, 2 torches, 2 gobelets et du Tabac à offrir.

    Lorsque nous arrivions au village, nous installions nos tentes chez le chef de village ou le chef de canton, quand celui-ci était présent. Ensuite, après s'être renseigné sur les personnes susceptibles de pouvoir nous répondre, nous partions à leur rencontre pour nous présenter, expliquer notre présence parmi eux et prendre des rendez-vous, s'ils le souhaitaient. Il fallait insister sur le fait que j'étais une étudiante avec peu de moyens car certains interlocuteurs désiraient de l'argent ou de l'alcool pour répondre à mes questions, ce qui était hors de mes moyens.

    La nourriture était préparée soit par les femmes de la famille du chef chez qui nous logions, soit par Jean-François et moi-même. Les repas étaient partagés avec la plupart des membres de notre « famille d'accueil », à la cuisine ou au salon.

    On se lève tôt au village, vers 6h30 - 7h00. Pendant que l'eau bout pour notre petit déjeuné, Jean-François et moi-même replions nos tentes, afin de faire de la place dans le salon du chef, ou, quand cela ne dérangeait pas, nous discutions avec les différents membres de la famille, avec qui nous partagions notre petit déjeuné (enfin, juste le café au lait, extra sucré !). Vers, 7h30 - 8h00, nous étions prêts pour nos entretiens. La plupart du temps, nous étions bien reçus car les Bakota étaient heureux que quelqu'un s'intéresse à leur culture et que les résultats de ma recherche seraient accessibles aux futur étudiants à la bibliothèque de la station d'Ipassa-Makokou (car, il n'existe malheureusement pas de bibliothèque publique à Makokou). Afin d'interroger un maximum de personnes, Jean-François et moi-même parcourions plusieurs kilomètres par jour, allant de maison en maison, voir de village en village (quand ceux-ci étaient séparés de quelques kilomètres les uns des autres). En fin d'après-midi, nous retournions à notre « camps de base » afin d'aller se laver à la rivière ou au marigot le plus proche et manger un bon repas bien mérité. Le soir, nous discutions avec les gens du village (le plus souvent autour d'un verre), ou parfois, nous enregistrions des contes dans une ambiance bien sympathique qui réunissait plusieurs générations autour du conteur. L'extinction des feux ce faisait autour de 22h00.

    Ces immersions dans les villages m'ont permis de faire également des observations intéressantes sur les modes de vie des villageois, sur les gibiers capturés (consommés ou vendus) ainsi que sur certains rites de guérison. Cela m'a également permis d'avoir de nombreuses discussions informelles avec les villageois, notamment avec ceux qui n'étaient pas forcément prévus dans mon étude. Malheureusement, mon terrain se finissant fin juin, je n'ai pas eu l'occasion d'assister à une cérémonie de circoncision qui se déroule principalement en juillet et août.

    L'enquête a surtout portée sur les Ikota et les Mahongwé. Je n'ai pu visiter qu'un seul village Samaye, ce qui m'a pourtant permis d'avoir d'autres données de comparaison.

    Lors de mes entretiens j'étais toujours accompagnée du livre de Kingdon, the Kingdon field guide to African mammals. Les illustrations m'ont permis d'identifier les animaux avec la population locale, d'avoir leurs noms vernaculaires et d'ouvrir à la discussion, car les dessins fascinaient et amusaient tout le monde, des plus jeunes aux plus âgés. Certains animaux étant rares ou bien physiquement très semblables, des doutes subsistent sur la dénomination en noms vernaculaires de certaines espèces notamment celles concernant les galagos, les loutres, les mangoustes et aussi la Genette tigrine et la Poiane africaine. De plus, un autre animal n'a pas pu être identifié, il s'agit d'ibololo souvent cité comme faisant parti des carnivores de la famille de la Panthère. Il s'agirait d'une sorte de loutre ou mangouste entièrement blanche, avec une queue palmée et qui vivrait dans des terriers proches d'un point d'eau. Aussi, je m'excuse par avance des erreurs que ces doutes ont pu causer dans ce mémoire.

    Le fait de mener ma recherche dans plusieurs villages m'a permis de tester l'unité du groupe Bakota dans ses relations avec la faune sauvage, de tirer les caractéristiques générales afin de pouvoir les comparer entres elles et de faire un état des lieux général sur les utilisations socioculturelles actuelles de la faune. Mais, malheureusement, à l'inverse, ce choix d'enquête ne permet pas l'approfondissement de certains savoirs, ni une réelle compréhension de la société Bakota. C'est le cas notamment des savoirs magico-religieux détenus par les guérisseurs, qui, pour les obtenir, nécessitent une relation de confiance qui ne s'obtient pas en quelques jours. Il m'a donc été très difficile de faire une analyse « ethnologique » approfondie des données recueillies.

    Sinon, je n'ai pas rencontré de gros problèmes lors de mes missions dans les villages. Je souhaite toutefois soulever le problème de l'alcoolisme chez toutes les populations locales dans la région de Makokou (la situation est peut-être comparable dans le reste du pays). En effet, cette attirance des gens (hommes et femmes, avec une nette prédominance masculine) envers les boissons alcoolisées, m'a posé quelques soucis lors de mes entretiens. Assez fréquemment, mes interlocuteurs étaient saouls ou bien éméchés, à tel point que parfois, j'ai dû tout simplement renoncer à l'entretien. Il est également navrant de voir certains hommes gaspiller presque tous leurs revenus dans l'alcool. Ce phénomène est sans doute révélateur d'un certain malaise social dans cette région oubliée du Gabon.

    IV. Structure du mémoire

    Afin de répondre aux questionnements suscités par notre problématique de départ sur les interrelations socioculturelles entre la faune sauvage et les Bakota, nous avons découpé ce mémoire en trois grandes parties qui se succèderont comme suit :

    - Dans la partie 1, nous ferons une présentation de la zone d'étude en décrivant les caractéristiques physiques, écologiques et humaines. Puis, nous présenterons les cadres généraux de la vie Bakota, grâce aux informations récoltées durant notre séjour, et à la bibliographie existante.

    - Dans la partie 2, il s'agira de présenter les données recueillies sur le terrain. Le premier chapitre nous montrera les diverses utilisations actuelles de la faune sauvage ainsi que leur présence dans la littérature orale. Quant au deuxième chapitre, il exposera les nombreux interdits alimentaires, qu'ils soient temporaires ou permanents.

    - Enfin, dans la partie 3, il s'agira d'analyser les données recueillies afin de comprendre qu'elles sont les représentations que se font les Bakota de la faune sauvage qui les entoure ; et, dans un deuxième chapitre, il s'agira d'ouvrir la discussion sur l'importance de ces données pour les programmes de conservation de l'environnement.

    Première Partie

    Présentation de la zone d'étude

    Et

    Cadres généraux de la vie Bakota

    Chapitre 1 : Le contexte local

    I Généralités sur le Gabon

    (République gabonaise, 1998 ; Payne, 2005)

    I.1 Localisation, Hydrologie, topologie et climat

    Le Gabon, entité nationale construite à partir du fait colonial, est situé à l'Ouest du continent Africain et sa côte Ouest est bordée par l'Océan Atlantique. Sa superficie est de 267 670 km² dont 257 670 km² de Terre ferme et 10 000 km² d'Eaux douces et saumâtres.

    Pays d'Afrique centrale, il est limité:

    · au Nord-Ouest par la Guinée Equatoriale,

    · au Nord par le Cameroun,

    · à l'Est et au Sud par le Congo.

    Tableau 3 : Les 9 provinces du Gabon

    Provinces

    Chef-lieu de province

    Estuaire

    Libreville

    Moyen Ogooué

    Lambaréné

    Ogooué Maritime

    Port-gentil

    Ngounié

    Mouila

    Nyanga

    Tchibanga

    Ogooué - Lolo

    Koulamoutou

    Haut Ogooué

    Franceville

    Ogooué Ivindo

    Makokou

    Woleu - Ntem

    Oyem

    Le système hydrographique est caractérisé par un réseau très dense qui alimente principalement l'Ogooué et ses affluents, la Nyanga, le Komo, le Ntem et quelques petits fleuves. Le bassin de l'Ogooué draine 72 % du territoire Gabonais.

    La géologie du Gabon présente trois grands ensembles géotectoniques localisés sur la bordure Nord-Ouest. Le pays est composé de plateaux et de collines, dont le point culminant se trouve à 1 025m sur le Mont Milando situé dans le massif du Chaillu. A L'ouest s'étend une plaine côtière sédimentaire.

    Les sols gabonais sont essentiellement ferralitiques avec des réserves minérales pauvres. La chaleur et l'humidité favorisent en effet l'altération des roches.

    Les critères de distinction des régimes climatiques du Gabon sont fonctions de la distribution et du rythme des précipitations. On peut ainsi distinguer trois principaux types de climats:

    le climat équatorial typique, le climat équatorial de transition de la zone centrale et le climat équatorial du sud-ouest et du littoral centre atlantique. Le climat est essentiellement tropical chaux, humide et pluvieux, avec une amplitude thermique faible tout au long de l'année. Les températures varient entre 21 et 28°C avec une moyenne de 26°C. La pluviométrie annuelle se situe entre 1500 et 3000mm.

    I.2 Population

    Le Gabon fait parti des pays les moins peuplés de la sous région de l'Afrique Centrale.

    En 2002, la population était estimée à 1,3 millions d'habitants (1 140 000 habitants au recensement de1993), ce qui correspond à une densité moyenne de 5,06 hab./km². Cette population est très inégalement répartie sur le territoire. Plus de 73 % est concentrée dans les trois principales villes du pays : la capitale Libreville (environ 419 596 hab.), la capitale économique Port-Gentil (79 225) et Franceville (31 183).

    Les principales ethnies sont : Les Fang (32%) ; les Mpongwé (15%) ; les Punu (12%) ; les Batéké ; les Bakota ; les Obamba ; les Pygmées etc.

    Comme la plupart des États d'Afrique subsaharienne, le Gabon est un pays multilingue. On compte près d'une cinquantaine de langues au Gabon, mais seul le fang, parlé par 32 % de la population constitue une langue importante, avec le mbédé (15 %) et le punu (10%).

    Les autres langues gabonaises ne sont parlées que par de toutes petites communautés, parfois tout juste 5000 locuteurs, souvent moins. La plupart des langues gabonaises appartiennent à la famille bantoue. Chacun des groupes d'origine bantoue (Fang, Bakota, Mbédé, Okandé, Myéné, Mérié) compte plusieurs variétés dialectales de sorte que les Gabonais parlent souvent entre eux le français comme langue véhiculaire. Seul le baka, parlé par les Pygmées, est une langue non bantoue ( langue nigéro-congolaise).

    Figure 2 : Distribution des langues bantoues

    Source: George Boeree

    http://www.ship.edu/~cgboeree/languagefamilies.html

    I.3 Economie

    Le PIB par habitant s'élève à 3816 euros, ce qui place le Gabon dans les pays à revenus intermédiaires. Cette relative richesse au sein du continent africain provient des nombreuses ressources naturelles du pays.

    En premier lieu, le pétrole qui est la 1ère production nationale (12,6 millions de tonnes en 2002) représente à lui seul 73% du PIB. Les rentes pétrolières ont assuré au pays un véritable boom économique dans les années 70-80. Aujourd'hui, les ressources pétrolières commencent à se tarir et le pays devra apprendre à s'en sortir sans pétrole.

    Les ressources forestières, dont le bois, occupent la deuxième place dans les recettes d'exportation du pays. Il rapporte environ 50 milliards de F CFA soit 1,8% du PIB et emplois près de 28% de la population avec plus de 10 milliards de F CFA de salaires distribués annuellement, se plaçant ainsi en tête des employeurs du secteur privé. Le Gabon est le premier producteur d'Okoumé (Aukoumea klaineana) qui représente à lui seul 75% du volume exporté en 1997. La forêt a été la première ressource exploitée au Gabon, dès le 19ème siècle. Au début des années 60, elle représentait 80 à 90% des exportations. Aujourd'hui, elles ne représentent plus que 15% du fait du poids écrasant du secteur pétrolier.

    Le 3ème secteur d'importance économique sont les ressources minières dont les principales sont le manganèse, l'uranium et le fer. En 1994, le Gabon produisait 1 436 000 tonnes de manganèse (3ème producteur mondial) et 644 tonnes d'uranium. Le pays possède aussi quelques métaux précieux comme l'or et le diamant.

    Pourtant, malgré ces ressources, le pays avait, en 1999, un indice de développement humain (IDH)7(*)de 0,617 ce qui le place au 118ème rang mondial. Dans les grandes villes, 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Il semble que le boom pétrolier n'ait pas profité à toute la population et qu'il ait défavorisé le développement de certains secteurs comme l'agriculture. En effet, en dépit des potentialités importantes du Gabon (disponibilité des terres, abondance en eau et bon ensoleillement), malgré les investissements alloués à ce secteur, l'agriculture et l'élevage reste peu développés. Ce secteur produit à peine 20% des besoins alimentaires du pays. De ce fait, le Gabon reste très dépendant de ces voisins dans le domaine alimentaire de base.

    Figure 3 : Le Gabon et ses provinces

    I.4 Diversité biologique et Parcs du Gabon 

    La diversité biologique est le terme utilisé pour décrire la totalité des organismes vivants sur terre : les plantes, les animaux, les micro-organismes et leurs gênes ainsi que les écosystèmes qu'ils génèrent.

    Situé en plein coeur de la région Guinéo-Congolaise, région qui renferme de nombreuses espèces caractéristiques et endémiques, le Gabon abrite à ce titre l'une des diversités biologiques les plus riches d'Afrique Centrale.

    I.4.1) La Flore

    La forêt gabonaise couvre environ 21,5 millions d'hectares, soit plus de 80% du territoire. Elle compte environ 6000 espèces d'arbres et elle est caractérisée par des peuplements riches en Okoumé (Aukoumea klaineana), en Ozigo et bois divers

    Il existe plusieurs types de forêts qui se distribuent comme suit :

    - forêt dense et humide : 212 380 km²

    - savane boisée et arborée : 14 230 km²

    - forêt secondaire et complexe rural : 10 080 km²

    - forêt marécageuse et mangrove : 2 080 km²

    La gamme de produits divers tel que les plantes médicinales, miel, légumes, fleurs, fruits, feuilles etc. est également en quantité abondante.

    La flore du Gabon est toujours en cours d'étude, toutefois, l'on peut affirmer, sans risque de se tromper, qu'elle est riche et abondante. En effet, depuis que l'Herbier National du Gabon existe (1983), plus de 15 000 spécimens ont été collecté, dont une dizaine d'espèces nouvelles, 1900 espèces ont été décrites dont environ 19 % sont considérées comme endémiques.

    Ces habitats regorgent, comme mentionné plus haut, d'une importante biodiversité végétale à l'exemple des Begomas dont 50 des 120 espèces recensées en Afrique sont présentes au Gabon et 16 d'entre elles sont endémique au pays. De même, 6000 espèces de plantes inférieures (algues, champignons, lichens et bryophytes) sont recensées.

    I.4.2) La faune

    La faune du Gabon est l'une des plus diversifiée et l'une des plus riche d'Afrique avec près de 150 espèces de mammifères et 650 espèces d'oiseaux. Plusieurs espèces sont soit intégralement soit partiellement protégées8(*). C'est un sanctuaire pour les primates avec 19 espèces différentes. Les cercopithèques sont bien représentés avec deux espèces endémiques au pays le Cercopithecus cephus cephodes et le Cercopithecus mona nigripes. C'est aussi un sanctuaire pour les Gorilles et les Chimpanzés dont les populations sont estimées à 35 000 et 64 000 individus.

    Parmi les carnivores indigènes, l'on trouve le Chat doré (Felis aurata), la Mangouste à long museau (Herpestes naso), la Mangouste à pattes noires (Bdeogale nigripes), la Poiane (Poiana richardson), et les loutres (Aonyx congica et Lutra maculicollis). En ce qui concerne les autres carnivores, le Léopard ou Panthère (Panthera pardus) est largement distribué. Le lion (Panthera leo) et le Lycaon (Lycaon pictus) occupaient les savanes du Sud-Est, mais ils ont vraisemblablement disparus à l'heure actuelle.

    Le Lamantin (Trichechus senegalensis) est peu commun mais il est présent au sein des lagunes et des fleuves côtiers. L'Hippopotame (Hippopotamus amphibius) suit à peu près la même distribution mais pénètre un peu plus à l'intérieur des terres par les grands fleuves.

    Le Gabon semble abriter la plus grande population d'éléphants (Loxodonta africana cyclotis) intacte d'Afrique connue avec plus de 80 000 individus dont plus de la moitié se trouve vers Minkébé au nord-est du pays.

    L'inventaire systématique des reptiles de terres et d'eau douce a été réalisé uniquement dans la réserve intégrale d'Ipassa-Makokou, où 65 espèces ont été répertoriés. Parmi elles ont compte le Varan (Varanus niloticus) et deux espèces de petits crocodiles (Crocodilus cataphractus et Ostealamus tetrapsis). Ces derniers, avec le crocodile du Nil (Crocodilus niloticus), sont largement distribués dans tout le pays. Le Gabon est également un lieu très important dans la reproduction de la Tortue Luth (Dermochelys coriacea). Une centaine d'espèces d'amphibiens ont également été répertoriées.

    De nombreuses espèces de poissons sont connues au Gabon, principalement celles de la famille des Mormydae qui a fait l'objet de recherches qui ont permis d'identifier 10 nouvelles espèces dont 4 sembleraient être endémique au pays. Ces recherches ont aussi permis de découvrir un nouveau genre de poisson dans l'Ivindo (Ivindomis).

    I.4.3) Les Parcs Nationaux

    En 2002, le président Bongo créé 13 nouveaux parcs nationaux dans son pays, sous l'impulsion des américains Mike Fay (un éco-aventurier) et Lee White (du WCS). En même temps, Mr Bongo installe le Conseil National des Parcs Nationaux (CNPN) chargé de créer l'administration ad hoc et d'instaurer un écotourisme suffisamment important pour les financer. Cet objectif est loin d'être évident, car leur surveillance et l'inventaire de leur richesse coûtera au moins 15 millions de dollars par an. Aussi, le gouvernement gabonais est aidé par des pays comme les Etats-Unis et la France, par l'Union Européenne à travers différents programmes dont ECOFAC, ainsi que par des ONG dont les principales sont le WWF et le WCS (Lewino, 2005).

    Figure 4 : Réseaux des parcs du Gabon (source : WCS)

    I.5 Cadre législatif et institutionnel

    La politique environnementale actuelle du Gabon est préventive et entre dans les prérogatives internationales d'une recherche d'équilibre entre le développement durable et le souci majeur de protéger ou préserver la Terre pour les générations futures. Pendant longtemps, comme dans beaucoup de pays, le Gabon n'accordait aucune importance particulière aux problèmes environnementaux. La prise de conscience a été progressive et débuta après la conférence de Stockholm en Suède en 1972, qui est la première manifestation mondiale relative à la protection de l'environnement. La mise en place du cadre institutionnel commence la même année avec la création de la direction de l'Environnement. D'autres mesures vont suivre tel que la mise en place du Code de l'Environnement (loi 16/93) et la loi 1/82 d'orientation en matière des Eaux et Forêts (République Gabonaise, 1998).

    La législation régissant la faune sauvage et, par extension, la chasse et le commerce de viande de brousse, est issue de la loi d'orientation en matière des Eaux et Forêts. En 2001, se sont ajoutés des décrets et des arrêtés réglementant plus précisément la détention et la commercialisation des espèces sauvages9(*). Je ne vais exposer ici que ce qui concerne la réglementation sur la chasse et la capture d'animaux sauvages.

    D'après l'article de la loi d'orientation en matière des Eaux et Forêts, « l'exercice de la chasse doit avoir pour objectif final l'exploitation rationnelle de la faune sauvage et la protection de la nature ». La loi autorise la chasse coutumière, définie par l'abattage d'animaux non protégés effectué avec des armes de fabrication locale. En dehors du droit coutumier, la chasse n'est autorisée que pour les titulaires d'un permis ou d'une licence de chasse délivrée par l'administration des Eaux et Forêts.

    La législation interdit les méthodes de chasse suivantes :

    - La poursuite, l'approche ou le tir du gibier en véhicule automobile, bateau à moteur ou aéronef ;

    - La chasse de nuit avec ou sans engins éclairants ;

    - Les battues au moyen de feu, de filet et de fosse ;

    - La chasse ou la capture au moyen de drogues, d'appâts empoisonnés, de fusils fixes ou d'explosifs.

    La période de fermeture de la chasse s'étend du 15 septembre au 15 mars. Toutefois, la chasse coutumière peut s'exercer tout au long de l'année.

    Certaines espèces vivant sur le territoire gabonais sont protégées. Deux niveaux de protection sont en vigueur :

    - les espèces intégralement protégées : leur capture, leur détention, leur commerce et leur transport sont interdits sauf dérogation accordée par le ministre des Eaux et Forêts aux personnes titulaires d'un permis scientifique de chasse, ou de capture.

    - les espèces partiellement protégées, leur chasse, leur capture, leur détention leur commerce et leur circulation fait l'objet d'une réglementation spéciale. La liste des espèces partiellement protégées figure en annexe II. Leur abattage est soumis à des quotas annuels.

    La chasse, la capture, la détention, le commerce, et le transport des espèces non protégées sont autorisés mais réglementés. Ainsi, la loi prévoit qu'il ne peut être abattu le même jour, par le même chasseur, plus de 2 animaux de la même espèce ni plus de 4 animaux d'espèces différentes. Seuls les mâles adultes peuvent être abattus, la loi sanctionne l'abattage des femelles gestantes ou suitées.

    Cependant, la mauvaise collaboration entre le ministère des Eaux et Forêts et celui de l'Intérieur fait que les dispositions de ces lois ne sont pas respectées. Cette situation rend impossible toute maîtrise de la gestion de la chasse, la protection et la conservation de la faune et la lutte anti-braconnage. De même, elle rend difficile la maîtrise de la gestion et du contrôle de la circulation des armes (Okouyi, 2001).

    II) Généralités sur la région de Makokou

    II.1 Localisation, hydrologie et climat

    La région de Makokou se situe dans la Province de l'Ogooué-Ivindo, dans le Nord-Est du Gabon, légèrement au nord de l'Equateur, à environ 500 m d'altitude, sur un vieux socle cristallin constitué de plateaux bosselés de nombreuses collines recouvertes d'une forêt dense humide sempervirente.

    Le fleuve Ivindo, affluent de l'Ogooué, est à ce niveau très large mais coupé de rapides (rapide de Loa-Loa) et de chutes importantes (chutes de Kongou et de Mingouli) qui rendent la navigation et le flottage du bois impossibles. En conséquence, la région de Makokou, sans Okoumé (Aukoumea klaineana) en amont de Kongou, est restée exempte d'exploitations forestières commerciales jusqu'en 1998.

    Le climat de Makokou, suivant un régime climatique austral, est de type équatorial pur. Il se caractérise par une pluviosité moyenne annuelle assez faible (1 700 mm), par des températures plus clémentes (température moyenne annuelle de 24°C) et une insolation plus faible que dans le Nord-Ouest du Gabon, et par 4 saisons bien marquées avec deux saisons des pluies et deux saisons sèches.

    L'humidité relative en moyenne plus élevées en saisons sèches qu'en saisons des pluies, et l'existence d'une forte nébulosité en saisons sèches, explique le maintien d'une forêt tropicale humide malgré la faiblesse des précipitations.

    II.2 Population

    D'après le recensement de 1993, c'est la province où la densité est la plus faible avec une moyenne de 1,1 habitant au km². L'Ogooué-Ivindo comptait, en 1993, 49 000 habitants et la commune de Makokou 10 000 habitants10(*). Plusieurs ethnies sont présentes à Makokou. Comme dans le reste du pays l'ethnie majoritaire est celle des Fang, suivie par les Ikota et les Kwélé. Il existe d'autres ethnies minoritaires comme les Mahongwé, les Samaye, les Sakés, les pygmées etc. et des allochtones principalement Ouest-Africains.

    Les ethnies majoritaires se regroupent par quartiers et sont, à l'origine, spécialisées dans un domaine : les Fang sont des agriculteurs et des commerçants, les Kota sont des forestiers ayant de bonnes aptitudes à la chasse et les Kwélé sont réputés pour être les meilleurs pêcheurs.

    II.3 Diversité biologique et conservation

    II.3.1) Flore et Faune

    La région de Makokou est largement recouverte par la forêt, principalement de la forêt primaire et inondable. Plus de 1200 espèces végétales y ont été répertoriées mais il faut noter l'absence d'essences comme l'Okoumé. La faune est également très riche. Les chercheurs ayant travaillé dans la réserve d'Ipassa ont recensé 128 espèces de mammifères (dont les espèces emblématiques que sont l'éléphant, le gorille, le chimpanzé), 424 espèces d'oiseaux, 65 reptiles et 47 amphibiens (Okouyi, 2001).

    II.3.2) Le Parc national de l'Ivindo, la Réserve intégrale d'Ipassa et la station de recherche

    Au sud de Makokou se trouve le parc national de l'Ivindo, créé avec les 12 autres parcs en 2002. Ce parc inclut la réserve intégrale d'Ipassa, créée en 1971 et appartenant au réseaux des réserves MAB (Man and Biosphère) de l'Unesco. C'est là que se trouve la station de recherche de l'IRET (Institut de Recherche en Ecologie Tropicale, rattachée au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche). Les activités de recherche y ont été pratiquement absentes pendant plusieurs années par manque de fond. La station a servi de base logistique pour des ONG environnementales (WWF, ECOFAC) et depuis 1998, les activités de recherche ont repris. Un projet de réhabilitation de la station financé par l'Union Européenne a été entrepris en 2002 et doit se poursuivre jusqu'en 2005 (Payne, 2005).

    Figure 5 : Parc de l'Ivindo, réserve d'Ipassa, station de recherche IRET

    (Source : FIGET)

    II.4 Activités économiques

    Au cours des 20 dernières années, malgré la raréfaction croissante des retombées formelles et informelles de la rente pétrolière, la Province de l'Ogooué-Ivindo ne s'est que légèrement désenclavée, et plus particulièrement en raison de l'avancée progressive de l'exploitation forestière vers l'Est du Gabon. A part l'exploitation forestière, peu d'industries sont présentes. Bientôt devrait commencer l'exploitation du fer dans le mont Bélinga.

    L'environnement est donc exploité à des fins commerciales et de subsistance. Les cultures vivrières (manioc, bananes plantains, piment, arachide, ananas...), la chasse et la pêche sont pratiquées par la plupart des Ogivins (habitants de la province), au moins de façon occasionnelle, pour subvenir aux besoins de la famille (Lahm, 1993).

    En effet, l'ancrage culturel de la consommation de viande de brousse et du poisson ainsi que le prix élevé des autres viandes (le boeuf se vend 3500 FCFA/kg et la cuisse de poulet, 1300 FCFA), rendent les Gabonais, et plus particulièrement les villageois, dépendants de la chasse et de la pêche pour leur besoin en protéine. La chasse se pratique à l'aide de fusils et de pièges à câble, quant à la pêche, elle se pratique de façon artisanale, en pirogue.

    L'agriculture est essentiellement basée sur une exploitation vivrière, utilisant la culture sur brûlis.

    Le taux de chômage est l'un des plus élevés du pays (qui est en moyenne de 20%). Toutefois, depuis 2001, l'exploitation commerciale des forêts du Nord-Est Gabon hors Okoumés s'accroissant de plus en plus fortement, les nouvelles activités qui en découlent directement et indirectement contribuent à maintenir localement un plus grand nombre de jeunes actifs. Nous pouvons tout de même nous alarmer sur le fait que les seuls principaux débouchés pour les jeunes soient l'exploitation (souvent abusive) des ressources naturelles à travers la chasse, la pêche et les exploitations forestières.

    Nous l'avons dit et répété, les forêts du Gabon, sont peuplées d'une diversité biologique extraordinaire, autant végétale qu'animale. Aussi, à l'instar des autres pays du bassin du Congo (Cameroun, Guinée Equatoriale, Congo, République Démocratique du Congo et République Centrafricaine), le Gabon est signataire de la convention sur la biodiversité. La particularité et la stabilité sociopolitique du pays, en fait un site privilégié pour les programmes de conservation de la biodiversité des forêts tropicales et équatoriales. C'est pourquoi, la capitale Libreville, abrite les principaux sièges d'un grand nombre d'associations et d'organismes nationaux et internationaux (WWF, WCS, UICN, ECOFAC ...) oeuvrant dans le domaine de la protection de l'environnement.

    Mais, le principal défit de ces organismes est de lier la conservation avec le développement durable et la participation des populations locales qui, comme nous venons de l'expliquer, sont fortement dépendantes des ressources naturelles de la forêt que cela soit d'un point de vu alimentaire, économique ou socioculturel. Il est donc indispensable de bien connaître leurs besoins, leurs modes de vie et leurs croyances qui les lient à leur milieu naturel afin de trouver les meilleures solutions possibles pour relever ce défit.

    Chapitre 2 : Les Cadres généraux de la vie Bakota

    Les données qui suivent sont extraites des publications de Louis Perrois (1968 et 1970) et remise à jour grâce aux données que j'ai recueillies sur le terrain lors de mon stage.

    I Le Pays Bakota

    I.1 Le Milieu Naturel

    Le pays Bakota entièrement situé en zone forestière, s'étend de Sibiti (au Congo-Brazzaville) à Mékambo (au Gabon), c'est à dire du 3e degré Sud a 1er degré Nord en latitude ; et de Lalara (sur l'Okano) à Kellé, 11e degré Est au 15e degré Ouest en longitude, soit environ 150 000 km².

    Il est constitué par un massif ferrugineux formant un plateau (d'une altitude moyenne de 500 m) qui va de Bélinga sur le fleuve Ivindo jusqu'à Mékambo sur la Djaddié. Il est traversé et bordé tant au nord qu'au sud par des vallées marécageuses : Djaddié et Djouah au nord ; Liboumba et Mouniangui au sud. Les ondulations sont faibles et seul le Mont Mbengwé, dans le massif de Boka-Boka, culmine à 1 070 m.

    L'ensemble hydrographique est relié au grand fleuve Ivindo qui se jette dans l'Ogooué en amont de Booué. Les rivières sont nombreuses et se divisent en de multiples bras qui alimentent les vastes zones marécageuses.

    Le climat est de type équatorial humide caractérisé par l'alternance entre une saison sèche et une pluvieuse. En général on divise l'année en quatre saisons :

    - fin-septembre à mi-décembre : petite saison des pluies

    - mi-décembre à mi-février : petite saison sèche : Tchingo (K) ; Ikoka (M) (annoncée par l'arrivée des cigognes).

    - mi-février à fin-mai : grande saison des pluies : Ilumbé (K) ; Intubwako (M)

    - début juin à mi-septembre : grande saison sèche : Inkola (K) ; Ehéhu (M)

    Toutefois, on constate l'existence de micro-climats qui influent sur la vie quotidienne des villageois. Par exemple, pendant la saison sèche, il fait beaucoup plus frais dans le canton de Sassamongo qu'à Makokou, les tornades y sont plus fréquentes et arrivent également plus tôt.

    I.2 Population

    Les Bakota font partis du groupe linguistique Bantou. Comme je l'ai déjà dit plus haut, la présente enquête ne prend en compte que les sous-groupes (ou tribus) du Nord, les Mahongwé, les Samaye et surtout les Ikota. J'ai laissé délibérément de côté les Saké qui se trouvent principalement entre Ovan et Boué.

    Les Mahongwé peuplent actuellement le canton Demi-Pays de Mékambo et le canton de Sassamango à 100 km à l'est de Makokou. Ces deux zones sont séparées par des groupes Ikota. Auparavant, les Mahongwé étaient sur les bords de la Liboumba. A cette époque, il n'y avait pas de discontinuité entre les différents clans.

    Les Samaye, eux, peuplent exclusivement l'extrémité Est du canton Bouéni, à mi-chemin entre Okondja et Makokou. C'est un peuple charnière entre les Bakota du Sud et ceux du Nord. Ils sont très liés aux Mahongwé qui prennent souvent femmes chez eux.

    Les Ikota, par contre, sont plus éparpillés. On les trouve sur les route de Makokou à Mékambo de part et d'autre du canton Sassamango ; au Nord de Mékambo vers le Djouah ; au début de la route du canton Bouéni (Km 1 à 40) ; près d'Ovan à 100 km à l'Est de Makokou ; près de Lalara à 180 km à l'Ouest de l'Ivindo ; puis dans la région de Lastoursville et sur la piste Lastoursville-Okondja (Perrois, 1968 : 17).

    Cette répartition des différentes ethnies Bakota est essentiellement le résultat des migrations précoloniales, causées principalement par les guerres tribales (Perrois, 1970).

    Figure 6 : Répartition des ethnies dans la région de Makokou

    Source : Joseph Okouyi Okouyi

    Bien qu'il s'agisse du groupe dominant dans la région, il est difficile de donner une approximation du nombre de population Bakota. Le Gabon fait un recensement tout les 10 ans, mais sans prendre en compte les catégories socioprofessionnelles ni l'origine ethnique. Les résultats du dernier recensement n'étant toujours pas publiés, je me réfère donc aux estimations faites par Perrois en 1961. Selon lui, à cette époque, on dénombrait 41 671 Bakota restés dans la région sur un total de 48 506 sur l'ensemble du territoire gabonais où l'on recensait une population totale de 456 300 habitants. Aujourd'hui, le Gabon compte plus de

    1 140 000 habitants (recensement 1993), on peut donc aisément supposer que la population Bakota dans la région de Makokou s'est considérablement agrandie aussi.

    II Vie Quotidienne et Culture Matérielle

    II.1 La vie au village

    Les villages Bakota ressemblent à tous les villages gabonais : des cases rectangulaires alignées des deux côtés de la route. On trouve différentes sortes de cases dont les matériaux sont souvent en adéquation avec la richesse du propriétaire. Les plus communes, la case dite « traditionnelle » est faite d'une armature en bois dont les parois sont remplies avec de la terre humide ; la toiture autrefois en fibre végétale est aujourd'hui, le plus souvent, en tôle. Les plus riches se font des maisons en planches de bois avec un soubassement en béton et les plus pauvres vivent dans des cases en tôles récupérées un peu partout.

    Les cases de même lignage sont à proximité les unes des autres mais pas très nettement séparées du reste du village11(*).

    Dès 5h30 ou 6h00, les villageois se lèvent et partent à leurs travaux sans manger, les femmes à la plantation ou au marigot, les hommes à la chasse ou au débroussage de nouvelles parcelles. Ce n'est que sur le lieu de travail qu'on se met à manger un ou deux bâtons de manioc12(*). Vers 15h ou 16h, c'est le retour au village, où dès leurs arrivées, les femmes se mettent à préparer à manger jusqu'au soir, seuls les hommes ont droit au repos. Tous le monde mange entre 17h30 et 18h30, les hommes au salon et les femmes entres elles à la cuisine.

    II.2 Une économie de subsistance

    II.2.1 Calendrier des activités

     

    J

    F

    M

    A

    M

    J

    J

    A

    S

    O

    N

    D

    Chasse

    X

    X

    X

    X

    X

    X

     
     
     

    X

    X

    X

    Pêche

     
     
     
     
     

    X

    X

    X

    X

     
     
     

    Débroussaillage

     
     
     
     
     

    X

    X

     
     
     
     
     

    Brûlis

     
     
     
     
     
     
     

    X

     
     
     
     

    Semence

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    X

    X

     

    Récolte

    X

    X

    X

    X

    X

    X

     
     
     
     
     
     

    Cueillette

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    Il est à préciser que la pêche et la chasse sont des activités qui se pratiquent tout au long de l'année. L'intensité de la prédation « chasse » chute en saison sèche car le sol est plus sec ce qui fait 1) craquer les brindilles sous les pas des chasseurs et donc fuir les animaux et 2) que les traces des animaux ne peuvent s'imprégner, le chasseur ne peut donc pas pister sa proie.

    En revanche, l'intensité de la prédation « pêche » augmente car les eaux des fleuves et rivières sont au plus bas et il y a moins de courant, ce qui rend l'activité plus simple, moins dangereuse, avec de plus grandes chances d'attraper beaucoup de poissons.

    II.2.2 L'agriculture

    S'il y a quelques décennies les plantations de caféiers et de cacaotiers étaient nombreuses, cela n'est plus le cas aujourd'hui. Avec l'effondrement des cours de ces produits en bourse et les problèmes de transport de la marchandise, les Bakota ont préféré se contenter des produits locaux pour leur consommation mais aussi pour la vente. En effet, beaucoup de produits de la région partent vers les villes surtout vers Libreville comme le manioc, les bananes, les mangues etc.

    Les plantations sont généralement le domaine des femmes, les hommes n'y allant que pour préparer les champs en abattant les gros arbres qui restent sur place. Les taillis coupés sèchent et à la fin septembre on brûle le tout, puis on prépare le champ (Kuba) en répartissant les cendres. Les femmes s'occupent du plantage, des récoltes et de l'entretien quotidien tout au long de l'année. On y cultive principalement : manioc, bananes (plusieurs variétés), maïs, igname, tarot, piment, palmier à huile, papaye, avocat, mangue et atanga (Dacryodes buttneri).

    II.2.3 L'élevage

    Les cabris (étaba), les moutons (endomba) et les poules (koko) sont laissés à eux-mêmes errant un peu partout dans le village. Leur seule utilité réelle est d'ordre social : signe de richesse et d'aisance, on les donne en cadeaux pour les fêtes et on peut en faire des sacrifices dans certains rituels. Les oeufs de poule sont également utilisés pour calmer le candidat à la circoncision si le test de la panthère (ngoye) s'est révélé positif13(*).

    II.2.4 La Chasse

    La chasse (ébwéma) est une activité très chère aux Bakota. Elle se pratique aujourd'hui seule, au fusil, avec ou sans chien ou bien au piège à câble14(*). Il y a encore peu de temps, la chasse en groupe, au filet, était pratiquée surtout avant les grandes fêtes de circoncision. Ce mode de chasse n'est actuellement plus pratiqué. C'est également le cas des pièges à fosse qu'ils installaient autour des plantations pour tuer un maximum de potamochères et de la chasse au singe (kwédjé) qui consistait à choisir un arbre fruitier, ne laisser qu'une liane comme accès aux singes et lorsque l'un d'entre eux était dessus, il suffisait de tirer sur la liane faisant ainsi tomber l'animal dans un filet préalablement installé au pied de l'arbre.

    Autrefois, les zones de chasse villageoises étaient assez étendues ; aujourd'hui, avec les concessions forestières octroyées aux différentes industries du bois, leurs limites ont été redéfinies (sans forcément le consentement des populations concernées) et circoncites à quelques kilomètres autour des villages. Lorsqu'un chasseur de l'extérieur vient, il doit demander la permission au chef du village ou du quartier, préciser l'endroit où il souhaite chasser et donner un petit morceau de gibier en retour.

    Les espèces les plus communément chassées sont : mbizi (Céphalophe de Peters), éhibo (Céphalophe bai) , héli (Céphalophe bleu), zombé (Céphalophe à front noir), mwengala (Céphalophe à ventre blanc), gomba (Athérure), ngwéya (Potamochère), zia (Singe hocheur), kaka (le Pangolin commun).

    Il y a une différence entre le gibier que l'on mange principalement au village et celui que l'on trouve en ville. En effet, certain gibier sont presque exclusivement destinés au commerce, comme le Potamochère, dont la viande, très appréciée, est l'une des plus chères.

    D'autres espèces suivent des circuits parallèles, principalement celles qui sont protégées (Okouyi, 2001)

    « Sur les marchés à Makokou, on peut trouver des singes, mais c'est surtout les antilopes, les gazelles, les porcs-épics et les sangliers (Potamochère). On voit rarement le tatou (Pangolin géant), même si c'est recherché, mais ce n'est pas possible de le vendre sur les marchés à cause des Eaux et Forêts. »

    Vieux chasseur, Makokou

    II.2.5 La Pêche

    La pêche est une activité qui était essentiellement féminine mais qui tend à se masculiniser. Les femmes pêchent avec les nasses ou les corbeilles en fibre végétale dans les rivières et les petits marigots. Il s'agit là d'une activité collective où les femmes se regroupent entres elles. Considéré presque comme un divertissement, le travail s'accompagne de chants rythmés et de longues mélopées. Ensuite, chacune rentre chez elle avec le poisson qu'elle aura pêché dans sa nasse ou sa corbeille. Chaque femme possède son coin de pêche qu'elle garde jusqu'à la mort. Après le décès de la « propriétaire », si une autre femme souhaite récupérer ce lieu, elle doit demander l'autorisation à l'esprit de la défunte en lui faisant des offrandes.

    En revanche, les hommes pêchent au filet dans les grandes rivières. Les produits de cette pêche, plus fructueuse, sont généralement destinés à la vente.

    Les poissons les plus pêchés sont : le Machoiron kouné (Chrysichthys), le Capitaine kokosso (Barbus compinei), le Yara ombézè (Schilbe grenfelli), le grand Silure issomé (Clarias jaensis), le Silure-chat (Clarias buthupogon), le Poisson-chat ingania (Parauchenoglanis punctatus), le Brochet (Hepsetus odoe) et la Carpe épété (Tilapia tholloni).

    II.2.6 La cueillette

    La meilleure époque est la saison des pluies. Ce sont les femmes et les enfants qui cherchent les produits sauvages de la forêt dont les plus communs sont : le chocolat indigène pétché (irvingia gabonensis), les noisettes kuta (Coula edulis), les feuilles de marantacée (megaphrynium sp.), les feuilles de kumu (gnetum africana), le moabi niabé (Baillonella tixisperma), les atangas sauvages insia (dacryodes buttneri), l'oignon indigène filindji (afrostyrax lepidophyllus).

    A côté de ces espèces destinées à l'alimentation, il y a aussi toutes les plantes, feuilles, racines, écorces et fleurs destinées à soigner d'une manière naturelle ou magique.

    III Vie Sociale et Organisation Familiale

    III.1 La Parenté et le Mariage

    Chaque groupe Bakota15(*) de la région de l'Ivindo se divise en un grand nombre de clan Ikaka qui sont caractérisés par des interdits alimentaires commun à tous les membres et une rigoureuse exogamie. Au niveau du village, le clan se divise en groupes familiaux nommés diyo, qui correspondrait au lignage, qui est l'unité de base du village. Le chef de clan éboto est le plus âgé de tous les chefs de lignage et joue un rôle de conciliateur et de justice, mais le plus souvent il suit les avis d'un conseil des vieillards (qui peut comporter des femmes) et ne fait que prononcer un jugement collectif sous sa responsabilité personnelle.

    La descendance est patrilinéaire chez les Ikota et les Mahongwé ; et matrilinéaire chez les Samaye, où le neveu utérin (soit le fils de la soeur d'Ego) est très important. Pourtant, chez les premiers, le neveu a tous les droits sur l'héritage et il peut, s'il le souhaite, prendre la maison de l'oncle défunt et y chasser la veuve. Peut-être est-ce une réminiscence d'un ancien système matriarcal ?

    L'exogamie entre cousins croisés et parallèles est absolue tant que la parenté est connue et l'inceste est fortement prohibé avec comme limites les femmes du père d'Ego, ses soeurs, les soeurs du père et de la mère ainsi que leurs enfants et les épouses des frères.

    Si autrefois le mariage était avant tout une alliance entre deux clans bien plus que la réunion de deux individus, de nos jours le choix du conjoint est le plus souvent libre, avec toutefois, le respect de l'exogamie clanique. Il existe deux façons de se marier : le mariage civil ou le mariage traditionnel. Les divorces ou « ruptures d'union » sont extrêmement fréquents chez les Bakota. Il n'est pas rare de trouver des hommes et des femmes mariés trois, quatre, cinq fois dans leur vie. Aussi, la plupart des mariages sont traditionnels car ils évitent les tracasseries administratives mais pas celui du remboursement de la dot.

    La séparation est souvent la décision de la femme pour diverses raisons comme le cocufiage, l'alcoolisme ou la violence du mari, son impuissance ou bien tout simplement pour rejoindre son amant.

    Ce phénomène nous montre que la liberté sexuelle est largement admise chez les Bakota. Il n'y a pas de culte de la virginité comme dans les régions musulmanes, les fiancés ont des relations sexuelles bien avant le mariage. Les enfants né hors mariages sont très bien acceptés car ils prouvent la fécondité de la jeune fille ce qui lui donne encore plus de valeur.

    III.2 Les Confréries Initiatiques

    A côté de l'organisation en clans et lignages, la société Bakota, au niveau villageois, comprend des groupes à caractère initiatique qui se manifestent par des pratiques rituelles périodiques et des danses spécifiques.

    Les confréries Bakota sont essentiellement des associations de protection magique : tous les rites tendent, en dehors de l'initiation proprement dite, à une confession des fautes relevant du domaine de la sorcellerie et de la thérapeutique qui en découle. Elles se répartissent en sociétés masculines, féminines et mixtes. Seules les cérémonies secrètes qui se déroulent en forêt sont réservées aux initiés ; au village les danses sont publiques et ont un rôle de divertissement (Perrois, 1968).

    Danses des hommes :

    Emboli (K) : danse des jeunes hommes masqués pratiquée lors des circoncisions et aussi pour vénérer les Ancêtres.

    Bwété (K) : danse des hommes initiés qui est pratiquée pour soigner un malade. Pour cela, le/les danseurs mange le bois sacré Iboga pour être en contact avec les Ancêtres.

    Mungala (K) : danse pratiquée lors de la circoncision, de la naissance des jumeaux et

    les rituels de guérison. Les seules femmes a pourvoir y assister son les jumelles et les mères de jumeaux.

    Membiri (K) : danse spéciale pour un rituel de guérison pratiquée par les initiés.

    Mobeye (K) : danse lors de la circoncision

    Bazangoye (K) : danse lors de la circoncision ou lorsque une personne est malade

    Danses des femmes :

    Bwanga (K) : lors de la naissance des jumeaux

    Magnala (K) : danse festive sans grande importance que l'on danse avant le début de la cérémonie de circoncision.

    Méloka (K) : danse contre la sorcellerie

    Isembo (K) : danse secrète pratiquée lors de la cérémonie de circoncision.

    Danses mixtes :

    Méwanwan (K) ; Mazembo (M): danse lors de la circoncision pour fatiguer le candidat

    Tchuku (K) : danse festive lors de la circoncision

    Ngwata (K): danse festive qui réunit tout le village pendant la cérémonie de circoncision.

    Beaucoup de ces danses ne sont plus pratiquées aujourd'hui ou, en tout cas, plus sous les mêmes formes qu'auparavant. Les plus pratiqués sont le Méwanwan, le Bwété, le Membiri, le Mungala16(*) et Isembo.

    IV Les Croyances mystiques

    IV.1 Zambé, le divin civilisateur !

    Dans la tradition Bakota, on trouve le Dieu Zambé, héro initial de l'humanité Bakota. Les Bakota restent toujours très vagues au sujet de la création du monde et des hommes. Un être divin, jamais nommé ni prié aurait créé le monde tel que nous le voyons aujourd'hui avec une nature redoutable peuplée d'animaux, de monstres surnaturels et un premier homme, chef de lignage appelé Zambé. Il est donc l'être primordial qui est à l'origine de tous les comportements humains bons ou mauvais, sans qu'il soit « créateur » de quoi que ce soit. Il est l'ancêtre premier, le géniteur de tous les rameaux Kota. C'est lui qui a tout appris aux Bakota, les techniques de survie et la vie dans la grande forêt tropicale (chasse, pêche, cueillette, culture, construction etc.).

    Ses aventures et celles de sa famille sont relatées dans de nombreux contes et mythes moralisateurs. Il existe deux Zambé : celui du haut ou de l'amont de la rivière (le civilisateur ?) et celui du bas ou de l'aval de la rivière (celui des contes ?). Ceci met en évidence la règle stricte d'exogamie dans les mariages. En effet, s'il n'y avait qu'un seul dieu et ses enfants, ces derniers devraient avoir recours à des relations incestueuses pour se reproduire, chose extrêmement condamnée chez les Bakota. Cela signifie que l'exogamie et donc l'inceste, sont situés au niveau du clan, donc de façon très restrictive. Dans les contes, le fils d'un Zambé veut épouser la fille de l'autre Zambé, donc l'exogamie est respectée.

    On retrouve Zambé et sa bipolarité dans d'autres ethnies du Gabon notamment chez les Mitsogho où il y a le Nzambé « qui sait » et celui « qui ne sait pas » soit le Nzambé du ciel et celui de la terre (Gollnhofer, Sallée, Sillans : 1975).

    IV.2 Sorcellerie et Devins-Guérisseurs

    La sorcellerie est, chez les Bakota, une menace constante et obsédante. Les devins-guérisseurs (nganga) sont des chasseurs de sorciers et de « médicaments » (qui peut être un poison ou un remède) qui sont craints et toujours respectés.

    Un des plus célèbre Nganga du pays Bakota est Zoaka Pascal, originaire du canton de Mékambo et initié au Congo par les Bakwélé qui sont des spécialistes dans la recherche de sorciers. Zoaka est un ancien combattant qui a sont retour au pays affirme avoir eut une illumination : une demoiselle très belle lui est apparue en songe et lui a confié le pouvoir et la mission de supprimer la sorcellerie de son pays. Ce rituel est connu sous le nom de « Mademoiselle » et connaît une expansion très rapide dans tout le pays entre 1954 et 1957 (Perrois, 1968 : 37). C'est à cette époque que la plupart des derniers spécimens d'art plastique Bakota ont disparu, brûlés ou jetés dans les rivières, car après le passage de Mademoiselle et Zoaka, toutes les fioles à poison, les objets « fétiches » et les reliques du Bwété avec les sculptures rituelles devaient être détruits. Si certaines pratiques et croyances ont supporté le joug de Zoaka, d'autres ont été rendues publiques, mises en valeur et favorisées comme le Mungala, le Ngoye et Isembwé.

    A la suite de la campagne « Mademoiselle », deux danses ont entretenu le même esprit : c'est la danse bwété (à ne pas confondre avec le culte des ancêtres) et la danse Ndjobi, vers Franceville et que l'on retrouve aussi au Congo (Goyendzi, 2001).

    Malgré tout, la sorcellerie reste très vivante et tout comportement psychologique des Bakota est conditionné par la crainte d'être envoûté, empoisonné ou de recevoir un mauvais sort. Ceci est le corrélaire presque mécanique d'une pensée immanente, percevant la nature et la culture comme un tout. Les gens ne vont pas parler de « sorciers » mais de « vampireux ». Le vampire est une personne généralement considérée comme jalouse qui a le pouvoir de se transformer en une multitude d'animaux (voir même de personnes), mais le plus souvent il se déplace en hibou (Ehukuku), la nuit pour faire du mal aux gens ou à leurs animaux domestiques. Les vampireux (Izanga) n'ont pas de signe extérieur distinctif. Ils ne se reconnaissent qu'entre eux, mais les personnes extérieures n'en savent rien. Il s'en suit alors un climat de doute et de suspicion, avec toujours le risque d'éveiller la jalousie de l'un d'entre eux. C'est pourquoi maintes précautions sont prises dans la vie quotidienne (nous verrons que c'est le cas notamment pour la pêche et la chasse) et qu'il existe de nombreux rituels et médicaments voués à la protection contre ces personnes. C'est principalement le cas lors de la naissance de jumeaux et lors de la circoncision. Ces croyances surnaturelles font que la malchance et la mort d'une personne ne sont jamais le fruit du hasard et qu'il y a toujours des origines suspectes à ces évènements.

    IV.3 Esprit, es-tu là ?

    Contrairement à d'autres ethnies des régions tropicales, les Bakota ne pensent pas que les animaux de la forêt ont un « esprit » et ils n'ont pas de divinité gardienne des animaux sauvages comme des « maîtres de brousse » connus dans de nombreuses régions d'Afrique.

    Par contre, il existe des lieux réputés comme dangereux à cause de la présence d'esprits. C'est souvent le cas des grottes (où il faut préalablement demander la permission d'y pénétrer à l'esprit présent) et de certains points d'eau (notamment vers les chutes de Kongou). Il existe une forêt où les chasseurs ne pénètrent pas. Il s'agit de la forêt Mangazima lipépa, vers Mékambo, au village de Malassa. Cette croyance se manifeste dans un mythe chanté où l'on raconte l'histoire d'un guerrier qui part à la chasse, tout seul, et qui se perd dans la forêt ; peu à peu, sous l'effet de la solitude, il régresse de état d'homme à celui d'un animal sauvage (Perrois, 1968). Depuis, il est dit que si un chasseur pénètre dans ces bois, il s'y perdra pour toujours à cause de cet esprit que l'on nomme Engumba.

    IV.4 Les nouvelles religions

    Aujourd'hui, la principale religion présente au Gabon est le Christianisme. Il existe plusieurs mouvements chrétiens : catholiques, protestants « classiques », évangéliques et d'autres sectes plus ou moins récentes. La plupart des gens sont assez croyants ce qui n'empêche pas le cumul des croyances. Croire en Dieu et en Jésus-Christ n'empêche pas de croire aux forces de la Nature et aux Vampireux. Les Bakota, comme beaucoup d'autres ethnies en Afrique, combinent les deux systèmes de croyance sans grand conflit psychologique. Il est à signaler que le phénomène sectaire, dont le but est de casser les logiques traditionnelles, semble toutefois prendre du terrain.

    Deuxième Partie

    Interrelations entre la faune sauvage

    et les Bakota

    Chapitre 1 : Utilisations de la faune sauvage

    L'utilisation de la faune sauvage chez les Bakota est, aujourd'hui, essentiellement17(*) alimentaire et économique, comme nous l'avons montré précédemment. Toutefois, certains animaux restent présents dans les différents domaines de la vie sociale et culturelle. Nous allons d'abord envisager les utilisations proprement dites de la faune dans la pharmacopée traditionnelle, dans les rites et les cérémonies ainsi que dans l'artisanat. Certains animaux sont capturés et domestiqués, principalement les primates. Les animaux sauvages sont également fortement évoqués dans la littérature orale. Afin d'illustrer notre propos, nous présenterons, par la suite, quelques exemples de contes, de proverbes et de chants Bakota.

    I La pharmacopée traditionnelle

    Les animaux de la forêt sont souvent utilisés pour soigner toutes sortes de maladies physiques ou psychosomatiques. On les utilise aussi lors de nombreux rites et cérémonies pour se protéger du mauvais sort ou « remettre la Panthère dans le ventre du patient ». C'est pourquoi, la médecine traditionnelle ne peut pas être séparée du domaine des croyances et en particulier celles qui connectent les humains à la nature.

    I.1 Les maladies physiques ou « classiques »

    Je propose de mettre dans cette catégorie les maladies liées aux parasitoses, nombreuses dans les régions tropicales comme le paludisme, les vers intestinaux, la gale etc. et les divers maux liés à l'état physiologique de la femme (grossesse, règles), les pathologies intestinales ou aux accidents musculaires.

    La population villageoise fait souvent appel aux guérisseurs traditionnels pour se soigner. Bien que la plupart des médicaments soient majoritairement fabriqués à base de plantes18(*), certains animaux continuent d'être utilisés.

    Dans la plupart des cas, il s'agit de brûler la partie du corps utilisée de l'animal, de mélanger les cendres avec des plantes et des huiles et enfin, de masser le patient avec cette décoction là où la douleur ou l'infection se trouve. D'autres décoctions peuvent également être absorbées en breuvages.

    Le tableau 4 est une synthèse des données recueillies lors de mes entretiens dans les différents villages Ikota, Mahongwé et Samaye. Beaucoup de ces « recettes » médicinales ne sont quasiment plus utilisées et les savoirs ne sont pas partagés par l'ensemble des membres des diverses communautés. Les animaux qui revenaient systématiquement sont la Civette, la Tortue et le Python.

    Tableau 4 : Animaux utilisés dans les soins de maladies « classiques »

    Animaux

    Parties du corps

    Utilités

    Précisions

    Tortue

    (Kinixis sp. et

    Testudo sp.)

    Os

    hémorroïdes

    Faire tremper dans l'eau et boire

     

    Os du pied

    Calme le foetus

    La femme enceinte amarre l'os autour de son ventre.

     

    Sang

    Dartres

    Sans précision

     

    Carapace

    Mal au dos

    On brûle, puis on fait des incisions sur le dos du patient et on le masse avec les cendres.

    Civette

    (Civettictis civetta)

    Anus+glandes odorantes

    Soulage le mal de ventre

    On brûle de tout et on masse

     

    Testicules

    Hémorroïdes

    On brûle et on mélange avec de l'huile d'amande, puis on frotte sur le ventre

    Panthère

    (Panthera pardus)

    Queue

    Soulage le mal aux reins

    On brûle, on fait des incisions et on frotte

    Nandinie

    (Nandinia binotata)

    Peau

    Soulage les piqûres d'insectes

    Sans précision

    Mangouste des marais ngagna

    (Atilax paludinosus)

    Queue

    Soulage les règles douloureuses

    Sans précision

    Mangouste à pattes noires mwédjiélé

    (Bdeogale nigripes)

    Poils

    Soigne le nourrisson

    Sans précision

    Pangolin commun

    (Phataginus tricuspis)

    Os

    Soigne le nourrisson

    On écrase l'os que l'on mélange avec du lait maternel et de l'huile d'amande

    Chevrotain

    (Hyemoschus aquaticus)

    Poils

    Soigne les brûlures

    On brûle et on mélange avec d'autres substances

    Daman

    (Dendrohyrax dorsalis)

    Crâne

    Facilite l'accouchement

    On fait tremper le crâne dans de l'eau. La mère va boire et se masser avec.

    Python

    (Python sebae)

    Graisse

    Soulage le mal de dos et les douleurs musculaires en général

    Utilisée comme un baume de massage

    Varan

    (Varanus niloticus)

    Peau

    Queue

    Soigne les rhumatismes

    Soigne le mal au dos

    Sans précision

    Sans précision

    Céphalophe à dos jaune

    (Cephalophus silvicultor)

    Poils

    Soulage des points de côtés

    Sans précision

    Colobe guéreza

    (Colobus guereza)

    Poils

    Soulage le mal aux yeux

    On brûle les poils, on incise aux sourcils et on masse avec.

    Athérure

    (Atherurus africanus)

    Estomac

    Contre la toux

    Sert également comme aphrodisiaque

    I.2 Les maladies psychosomatiques

    Il existe de nombreuses maladies psychologiques comme la paranoïa, la schizophrénie, la dépression etc. qui peuvent être traitées par les guérisseurs. Une étude approfondie en ethnomédecine serait forte intéressante à faire. Pour ma part, je propose d'insérer dans cette partie les traitements donnés aux hommes et femmes panthères ainsi qu'aux « vampireux ».

    Les Bakota ont une perception de l'individu plus complexe que la vision occidentale moderne. En effet, comme nous l'avons déjà évoqué plus haut, chaque homme et femme Bakota est composé de plusieurs éléments dont le corps (support matériel) et l'âme qui se situe dans le coeur. Mais certains d'entres eux, individus exceptionnels, ont également la Panthère ngoye et d'autres encore le vampire nommé izanga, comme les cailloux trouvés dans l'estomac des damans des arbres. Pour l'un comme pour l'autre, cela leur confère une force et des pouvoirs surnaturels comme celui de se métamorphoser en animal. Mais cette pratique peut être dangereuse pour l'individu en question, si son double ne revient pas dans son corps (dans le ventre, plus précisément), il tombera gravement malade et risque d'en mourir.

    La femme aussi peut avoir la Panthère en elle, dans ce cas, elle a de fort risque d'avoir des problèmes lors de sa grossesse et de l'accouchement. En effet, si une femme fait des fausses couches ou des enfants mort-nés, c'est qu'elle a la Panthère dans le ventre, et c'est cette dernière qui mange les foetus. Afin de résoudre ces avortements, le guérisseur va lui préparer un médicament qui permettra de calmer la Panthère et qu'elle se déplace pour laisser passer le bébé.

    Tableau 5 : Animaux utilisés dans les soins des maladies psychosomatiques

    Animaux

    Parties du corps

    Utilités

    Panthère

    (Panthera pardus)

    Os

    Sert à calmer et contrôler le jeune circoncis qui a la panthère

    Genette

    (Genetta servalina)

    Peau

    Fait rentrer la panthère et soigne les vampireux

    Civette

    (Civettictis civetta)

    Testicules

    Eviter les fausses couches aux femmes-panthères

    Daman

    (Dendrohyrax dorsalis)

    Caillaux zanga dans l'estomac

    Soigne les vampireux et leurs victimes. Pour cela, On mélange les boules de zanga avec des feuilles de brousse.

    I.3 Les sortilèges et les protections

    Les carnivores à la robe tachetée sont principalement utilisés dans les médicaments pour se protéger ou soigner d'un mauvais sort. On les utilise soit à titre individuel lorsque l'on pense avoir été victime d'un sortilège, soit lors de cérémonies et rites particuliers pour s'en protéger.

    La Panthère est assez peu utilisée chez les Bakota, seules quelques rares personnes m'ont parlé de médicament que l'on pouvait faire avec cet animal. Les plus utilisés pour la protection chez les « tachetés » sont la Genette servaline et la Civette.

    D'autres animaux sont utilisés dans la protection contre les mauvais sorts et les attaques de « vampireux » ainsi que pour les sortilèges.

    Les connaissances sur ces pratiques sont très hétérogènes et comme pour tout le reste, elles tendent à disparaître petit à petit. J'ai essayé de collecter un maximum de données sur l'utilisation des animaux dans la confection des médicaments, mais je pense qu'une étude longue et approfondie sur les Grands Maîtres guérisseurs, Nganga, serait intéressante et nécessaire pour mieux comprendre le choix de tel ou tel animal, pourquoi et comment sont-ils utilisés etc.

    Il serait également intéressant de mener une étude ethnopsychiatrique sur les maladies mentales, ou plus largement sur les troubles de la personnalité, considérées par la population comme l'intervention du surnaturel afin de délimiter la distinction entre le normal et le pathologique et d'éclairer les aspects les plus complexes de la culture Bakota.

    Aujourd'hui, la plupart des médicaments sont à base de plantes et non plus d'animaux. Ces derniers restent toutefois présents, pour un petit nombre d'entre eux, dans les médicaments de protection ou de guérison des mauvais sorts.

    Tableau 6 : Animaux utilisés dans les sortilèges et les protections

    Animaux

    Parties

    Utilités

    Précisions

    Panthère

    (Panthera pardus)

    Dents et moustache

    Protège les jumeaux à leur naissance

    Sans précisions

    Genette

    (Genetta servalina)

    Peau

    Protège les jumeaux à leur naissance

    Sans précisions

     

    Excréments

    Protège le circoncis

    Sans précisions

    Civette

    (Civettictis civetta)

    Excréments

    Donne force au circoncis

    Les crottes sont récupérées aux bords d'un marigot. Mélanger avec de l'eau et du kaolin et on frotte le candidat.

    Tortue

    (Testudo sp. et

    Carapace + os

    Protection du village lors de sa création

    Tortue + terre des 2 bouts du village + feuilles que l'on enterre.

    Kinixis sp)

    Peau

    Contre la malchance et les mauvais sorts.

    Sans précisions

    Bongo

    (Tragelaphus euryceros)

    Peau + Sang

    Protection des jumeaux

    Sans précisions

    Céphalophe bai

    (Cephalophus dorsalis)

    Cuisse arrière

    Pour que l'homme garde sa femme à la maison.

    L'homme va préparer la viande et la faire manger à la femme sans qu'elle soit au courant.

    Pangolin géant

    (Smutsia gigantea)

    Griffes

    Donné à la fin de la réclusion du circoncis pour le protéger.

    Les griffes sont pillées et mélangées à la purée de banane.

    Potamogale

    (Potamogale velox)

    Peau

    Envoûte les hommes

    La femme va se mettre la peau dans les cheveux pour attirer les hommes et éviter la jalousie du mari

    Potto de Bosman

    (Perodicticus potto edwardsi)

    Peau

    Donné à la fin de la réclusion du circoncis pour le protéger.

    Lorsque l'animal meurt, il y a un côté qui pourrie et l'autre non. On prend le côté intact.

    Loutre Ibango

    (Aonyx congica)

    Peau

    Envoûte les hommes

    Pour garder le mari à la maison

    Oryctérope

    (Orycteropus afer)

    Intestins, viscères

    Poison pour tuer les gens

    Sans précisions

    Tableau 7  : Récapitulatif  des utilisations magico religieuses et médicinales de la faune sauvage

    Animal

    Dent

    Peau

    Sexe

    Anus

    Queue

    Os

    Poils

    Crâne

    Intestin/ Viscères

    Moustache

    Autres

    Panthère

    (Panthera pardus)

    X

    X

     
     

    X

    X

    X

    X

     

    X

     

    Genette

    (Genetta servalina)

     

    X

     
     
     
     
     
     

    Boyaux

     

    Excrément

    Civette

    (Civettictis civetta)

     

    X

    X

    X

     
     
     
     
     
     

    Glandes odorantes + excréments

    Loutre ibango

    (Aonyx congica)

     

    X

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Nandinie

    (Nandinia binotata)

     

    X

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Mangouste marais

    (Atilax paludinosus)

     
     
     
     

    X

     
     
     
     
     
     

    Mangouste pattes noires

    (Bdeogale nigripes)

     
     
     
     
     
     

    X

     
     
     
     

    Tortue

    (Testudo sp. ; Kinixis sp.)

     

    X

     

    X

     

    X

     
     
     
     

    Carapace ; sang

    Galago de Garnett

    (Otolemur garnetti)

     

    X

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Daman

    (Dendrohyrax dorsalis)

     
     
     
     
     
     
     

    X

    X

     

    Excréments

    Bongo

    (Tragelaphus euryceros)

     

    X

     
     
     
     

    X

     
     
     

    Sang

    Céphalophe à dos jaune

    (Cephalophus silvicultor)

     
     
     
     
     
     

    X

     
     
     
     

    Céphalophe bai

    (Cephalophus dorsalis)

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Viande : cuisse

    Chevrotain

    (Hyemoschus aquaticus)

     
     
     
     
     
     

    X

     
     
     
     

    Potamogale

    (Potamogale velox)

     

    X

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Oryctérope

    (Orycteropus afer)

     
     
     
     
     
     
     
     

    X

     
     

    Colobe guéreza

    (Colobus guereza)

     
     
     
     
     
     

    X

     
     
     
     

    Potto de Bosman

    (Perodicticus potto edwardsi)

     

    X

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Pangolin

    (Phataginus tricuspis)

     
     
     
     
     

    X

     
     
     
     
     

    Pangolin Géant

    (Smutsia gigantea)

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Griffes

    Python

    (Python sebae)

    X

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Graisse

    Vipère

    (Bitis gabonica)

    X

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Varan

    (Varanus niloticus)

     

    X

     
     

    X

     
     
     
     
     
     

    II Les Animaux Sauvages dans les Rites et les Cérémonies

    Les animaux sauvages sont souvent présents dans les rites et les cérémonies Bakota. On les retrouve dans les médicaments dont le rôle essentiel est celui de protéger, mais aussi dans les parures et accessoires indispensables pour ces pratiques. En dehors de cette présence « physique » des animaux, ils sont également évoqués dans les danses et les chants.

    N'ayant pas eu le temps de m'intéresser profondément à l'ensemble de ces manifestations, je propose d'évoquer seulement la cérémonie de circoncision, la naissance des jumeaux ainsi que l'omniprésence de la Genette dans les rituels initiatiques et les danses.

    II.1 La Cérémonie de circoncision Satchi

    La cérémonie de circoncision reste la plus importante fête chez les Bakota, celle qui réunit le plus de monde et qui nécessite de nombreuses danses. Les circoncisions se déroulent en saison sèche de juin à septembre, lorsque les enfants n'ont pas d'école. Chaque clan et même chaque famille a ses spécificités comme pour la préparation des médicaments nécessaires au bon déroulement de la circoncision, mais les bases de la cérémonie se retrouvent partout dans les villages autour de Makokou, et dans tous les sous-groupes Bakota.

    M'intéressant aux animaux sauvages dans la coutume Kota, je n'ai pas eu le temps ni l'opportunité d'étudier en profondeur le Satchi19(*). Je me suis focalisée sur l'utilisation et l'évocation des animaux sauvages tout au long des différentes phases de la cérémonie.

    II.1.1 Les chants et danses

    Lors de la cérémonie de circoncision, beaucoup de danses et de chants sont présents et certains d'entres eux mettent en scène les animaux de la forêt. Chaque danse a ses particularités telles que ses chants, sa musique, ses parures et ses recettes magiques.

    Dans la plupart des danses, les participants ont le corps colorés de taches qui représentent les animaux de la famille de la Panthère. Chaque animal a un code de couleur :

    - Blanc et rouge ou rouge et noir pour la Panthère

    - Rouge et gris ou vert pour la Nandinie et le Chat doré

    - Noir et blanc pour la Genette

    - Noir pour la Civette

    Dans la danse Mobeye,  chaque danseur peint son corps de taches qui, selon les couleurs, représentera tel ou tel animal tacheté de la famille de la Panthère. Chaque tache a son propre chant. De plus, les peaux de tous ces animaux sont utilisées ; les danseurs les mettant autour de leur taille. Il en est de même pour la danse Bazangoye et Emboli20(*). Pour le Bwété ou Bwéti ainsi que pour le Mbiri, on n'utilise que la peau de Hindji, la Genette, que cela soit en cache sexe ou pour y déposer le bois sacré Iboga.

    De nombreux chants animent les danses tout au long de la cérémonie, dont beaucoup parlent d'animaux21(*).

    II.1.2 Le test de la Panthère 

    Intété (K) ; Inpubé (M) ; Intunga (S)

    Comme nous l'avons brièvement vu dans la présentation des Bakota, certains membres du groupe peuvent avoir le Ngoye en eux avec la possibilité de se métamorphoser. La réalité de ces hommes-panthères ne fait aucun doute dans tout le pays Bakota et la croyance dans le pouvoir de métamorphose de certains hommes est partagée par tous.

    L'origine de ce phénomène semble remonter au temps des guerres tribales, comme me l'expliquait l'un de mes interlocuteurs :

    « On a choisi la Panthère quand il y avait les guerres tribales. Pour s'en sortir, il fallait de la force, c'est pourquoi on a fait alliance avec la Panthère. Avant, certains guerriers pouvaient avoir plusieurs panthères en eux, ils s'en servaient pour gagner les guerres, mais plus maintenant. Aujourd'hui, c'est resté au fond des Bakota. On fait toujours le test de la Panthère, c'est pour la domestiquer car ça peut être dangereux. Plus c'est dur à contrôler et plus il y a de panthères dans le candidat. » Vieux Ikota

    Le test du Ngoye22(*) se passe en forêt en la seule présence des hommes23(*). Il s'agit de faire tourner le candidat autour d'un arbre Ibula (Plagiostyles africana)24(*). Au fur et à mesure que la famille fait tourner le candidat, ce dernier prend de la vitesse et si, au bout d'un moment, il s'élance en avant à travers la brousse d'un bond fantastique, c'est qu'il a le Ngoye en lui ; à l'inverse, si le candidat ne fait rien ou s'écroule à terre, c'est qu'on n'est pas en présence d'un homme-panthère.

    Si le test est positif, ce sont les hommes-panthères qui vont s'occuper de « contrôler » le candidat, qui va avoir droit à des médicaments spéciaux. Avant son retour au village, les hommes vont lui peindre la moitié du corps (de la tête aux pieds) de taches rouges et noires sur un fond blanc, qui figure la robe de la Panthère.

    Il est également à noter que le Colobe guereza est utilisé dans les accessoires. Ses poils servent à la fabrication d'une sorte de chasse mouches25(*) et sa peau à la fabrication d'un petit drapeau à deux manches tenu et secoué par le candidat.

    Quant à la Genette servaline, elle est très présente tout au long de la cérémonie. On utilise quasi exclusivement la peau (mis à part dans certains médicaments où on peut retrouver ses excréments) 1) pour y déposer les médicaments du candidat ; 2) comme « gri-gri » en forme de hochet où le guérisseur y a mis toujours des médicaments contre le mauvais sort et que le candidat gardera constamment en main en le balançant de droite à gauche ; 3) en cache sexe (ceci se fait de moins en moins chez les jeunes actuels). La Genette est également présente dans la majorité des rituels Bakota, c'est ce que nous allons voir à présent.

    Photo 3 : « Circonciseur Bakota

    en 1965 »

    On peut voir tout autour de sa taille des peaux de genettes servalines accrochées. Son corps est également peint de taches claires.

    Photo 4 : « Jeunes circoncis lors du défilé final de la cérémonie en 1965 »

    On peut voir les « chasses mouches » en poils de colobe. On aperçoit aussi une queue de Genette.

    Source : Louis Perrois (1968)

    Source : Louis Perrois (1968)

    Photo 5 : Peaux de genettes servalines

    (Village de Zadindoué)

    Source : Florence Mazzocchetti (2005)

    II.2 Les Initiations et les temples de guérison : omniprésence de la genette

    Je n'ai pas eut le temps ni les moyens d'approfondir ce domaine de recherche. Il existe de la littérature sur quelques « danses » initiatiques au Gabon dont la plus répandue est celle du Bwété ou Bwiti (Esparre, 1968 ; Gollnhofer et al, 1975), également présente chez les Bakota. Chaque « danse » possède son temple et ses guérisseurs avec chacune ses spécialités et ses médicaments.

    Dans la plupart des cas, il s'agit de rentrer en contact avec les ancêtres pour qu'ils nous disent les raisons de nos maux les plus diverses et comment les guérir. Ceci est possible grâce à l'absorption de grandes quantités d'une plante hallucinogène nommée Iboga (Tabernanthe iboga).

    Une autre constante est celle de l'utilisation de peaux de genettes en « cache sexe » pour le ou les danseurs26(*). Elle peut être aussi entourée autour de la tête du patient bodji afin de le protéger des esprits et des mauvais sorts, mais également afin de le guider dans sa visite dans l'Autre Monde.

    Au village de Mbondou (Ikota), sur la route d'Okondja, se trouve le temple Ikongonumba qui appartient à la « danse » Mbiri. Ici, le principal animal utilisé est toujours Hindji la Genette servaline. Le tradipracticien se sert de la peau de l'animal pour y déposer des petits tas de bois sacré Iboga ; la peau et d'autres parties du corps de la Genette sont utilisées également dans la fabrication de nombreux médicaments. On vient parfois de loin pour se faire soigner pour toutes sortes de maladies : « Ici, on soigne les femmes qui n'arrivent pas à avoir d'enfants, les fous et pleins d'autres maladies. » Guérisseur, Mbondou.

    La disposition des petits tas d'iboga suit des règles et des significations bien précises, mais personne n'a souhaité me les confier. Le guérisseur (Nganga ou Nima) du temple me disant : « On sait pourquoi on met là, mais on ne peut pas l'expliquer ». Il m'a quand même montré comment il disposait les tas sur la peau de Hindji (en rouge sur le dessin ci-contre): un tas sur chaque membre, un sur la tête, un sur la queue et deux sur le corps.

    II.3 La naissance des jumeaux

    Les jumeaux sont très appréciés chez les Bakota comme dans de nombreuses ethnies au Gabon. Ils sont signe de chance et de richesse et ils sont considérés comme des êtres exceptionnels à la fois plus forts mais aussi plus vulnérables car soumis à de nombreux interdits. Leur naissance s'accompagne toujours de rites de protection très précis que je n'ai malheureusement pas eu la chance de voir.

    La mère et les enfants sont placés dans une case à part spécialement construite pour l'occasion. Ils restent reclus là pendant plusieurs semaines, le temps que toute la famille ait reçu les protections nécessaires contre les mauvais sorts et les « vampireux ». L'arrivée des jumeaux s'accompagne également du rite Mungala, confrérie masculine à caractère initiatique, car les jumeaux, garçons ou filles, sont initiés d'office à leur naissance ainsi que leur mère, qui est dès lors considérée à l'égal d'un homme.

    Lors de ces rites, quelques animaux sont utilisés dans les parures et les médicaments dont le rôle est toujours la protection. La confection des médicaments est généralement gardée secrète et peut varier d'un praticien à l'autre. Dans les données que j'ai recueillies, on m'a souvent cité le Bongo Ezona, dont le sang est donné aux jumeaux, la viande de la Loutre Ibango ainsi que la Panthère Ngoye dont on tire les dents. Il semble que les autres animaux tachetés de la famille de la Panthère soient également utilisés.

    Pour les parures, à la naissance des jumeaux, le père et la mère vont mettre chacun sur la tête deux plumes rouges du Perroquet gris du Gabon Koho. La mère aura également des sortes de bretelles faites en peau d'Ibango27(*).

    III L'Artisanat

    L'artisanat n'est pas très développé chez les Bakota. L'art funéraire, avec les figures de reliquaire faites de bois plaquées de cuivre, ne se pratique quasiment plus de nos jours depuis qu'il a été aboli par le culte de Mademoiselle dans les années 60. Ces statuettes sont très recherchées par les collectionneurs d'art Africain et certaines continuent d'être fabriquées pour les touristes.

    En ce qui concerne l'utilisation des animaux dans l'artisanat Bakota, se sont essentiellement les peaux qui sont travaillées, surtout dans les villages. Autrefois, beaucoup d'animaux pouvaient servir dans l'artisanat ; les Bakota faisaient des ceintures en peaux de Loutre, des soufflets en peaux de Chat doré pour la forge etc. Mais aujourd'hui, avec la modernisation et ses matériaux, seules quelques peaux servent pour la confection de chaises longues ou de Tambours. Les peaux fines sont surtout utilisées pour les tam-tams alors que les peaux plus dures vont être utilisées pour la fabrication des chaises.

    D'autres peaux sont gardées pour décorer les murs des maisons : Civette, Panthère, Nandinie, Bongo etc.

    Il est à noter que la plupart des animaux qui sont utilisés dans l'artisanat sont le plus souvent chassés pour leur consommation (mis à part le Chat doré et la Panthère).

    Tableau 8 : Animaux utilisés dans l'artisanat

    Animaux

    Nom kota

    Parties du corps

    Utilisations

    Céphalophe à dos jaune

    Zibo

    Peaux

    Chaises

    Sitatunga

    Bodjongo

    Peaux

    Chaises, sac

    Céphalophe de Peters

    Mbizi

    Peaux

    Chaises

    Céphalophe bai

    Ehibo

    Peaux

    Chaises

    Céphalophe à ventre blanc

    Mwengala

    Peaux

    Chaises

    Céphalophe à front noir

    Zombé

    Peaux

    Tam-tam

    Bongo

    Ezona

    Peaux

    Chaises

    Céphalophe bleu

    Héli

    Peaux

    Tam-tam (Ndu), sac

    Eléphant

    Zoku

    Peaux (oreille)

    Tam-tam

    Gorille

    Djia

    Peaux

    Tam-tam (extrèmement rare)

    Varan

    Gombé

    Peaux

    Tam-tam

    Chat doré

    Lobwa

    Peaux

    Sac (ne se fait plus)

    Panthère

    Ngoye

    Dents

    Bijoux (pour la vente)

    Potamochère

    Ngwéya

    Dents

    Bijoux (rare)

    Buffle

    Ngnati

    Dents

    Bijoux (rare)

    Colobe guéreza

    Isembo

    Poils

    Chasse mouche (que l'on sort lors des circoncisions)

    Mangouste à pattes noires

    Mwédjiélé

    Queue

    Sorte de fouet qui peut être utilisé dans les danses

    IV La domestication

    Avec l'augmentation du commerce de la viande de brousse, on note une augmentation de la détention d'animaux sauvages. L'étude menée par Joseph Okouyi (2001) sur la détention d'animaux sauvages dans la région de Makokou a montré que ce sont principalement les primates qui sont détenus comme animaux de compagnie. On peut aussi trouver quelques perroquets gris du Gabon et pangolins communs. Les 7 espèces recensées lors de cette étude sont : le Hocheur, le Moustac, le Mandrill, le Mangabey à joues grises, le Colobe guéréza, le Chimpanzé et le Gorille.

    Ces animaux sont capturés lorsqu'ils sont très jeunes lors de parties de chasse où les mères sont généralement tuées. Ils sont ensuite ramenés au village où ils sont généralement bien traités et en bonne santé. Ce sont essentiellement de jeunes mâles (63%) puisque 64,28% des individus recensés étaient âgés de moins d'1 an (Okouyi, 2001). Certains de ces animaux sont revendus aux touristes ou aux hauts fonctionnaires vivants dans les centres urbains.

    Pour ma part, lors de mes missions dans les villages Bakota, il n'y a qu'à Mbondou où j'ai vu 3 primates28(*) en tant qu'animal de compagnie. Il y avait donc un Moustac, un Mandrill et un Mangabey à joues grises. Mais contrairement à l'étude d'Okouyi, ces animaux étaient tous des femelles dont les âges oscillaient entre quelques mois et 3 ans. A Zadindoué, en revanche, l'un des villageois avait capturé un Céphalophe bleu en pleine forme et sans blessure, qu'il a gardé pendant 2 ou 3 semaines avant de le vendre au meilleur prix à quelqu'un qui le voulait dans son jardin (paraît-il).

    V Les animaux dans la tradition orale

    La tradition se définit comme « ce qui d'un passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante et acceptée par ceux qui la conçoivent et qui, à leur tour, au fil des générations, la transmettent (Bonte-Izard, 2000 : 710). Mais la tradition n'est pas totalement immuable, elle s'adapte aussi aux changements de la société ce qui la liée donc à l'Histoire.

    Il existe trois façons de transmettre les savoirs du peuple :

    - L'écriture

    - L'oralité (contes, proverbes, chansons etc.)

    - L'image (peintures, dessins, documentaires télévisuels etc.)

    La société Bakota, comme les autres sociétés d'Afrique noire, est dite de « tradition orale » car la transmission des savoirs et de la tradition était principalement basée sur l'oralité jusqu'à l'arrivée des colons européens. C'est pourquoi, la parole demeure encore aujourd'hui le support culturel prioritaire et majoritaire par excellence, dans la mesure où elle exprime le patrimoine traditionnel et où elle tisse entre les générations passées et présentes ce lien de continuité et de solidarité sans lequel il n'existe ni histoire ni civilisation.

    V.1 La tradition orale africaine (Chevrier, 1986)

    La plupart des langues africaines font de subtiles distinctions entre les différents textes de la littérature orale. Pour Frobenius, la pensée africaine se divise en deux strates correspondant à deux niveaux de culture, d'un côté mythes, fables et contes liés selon lui aux sociétés initiatiques et à la magie, de l'autre, épopée et poésie lyrique exprimant l'éclosion de civilisations urbaines et la prise en compte de la dimension historique.

    L'ethnologue Léopold Senghor a élaboré quant à lui un classement des genres de la littérature africaine traditionnelle à travers ce qu'il appelle une courbe de profanisation conduisant du mythe à la fable, au conte et aux proverbes (Chevrier, 1986 : 18).

    Ces considérations typologiques n'offriraient qu'un intérêt relatif si elles ne correspondaient pas dans la réalité à des distinctions à la fois effectives et parfois malaisées à saisir. En effet, la frontière entre le mythe et le conte apparaît souvent floue comme le remarque François N'Sougan Agblemagnon29(*) à propos de la tradition Ewe, « le conte n'est pas simplement une mise en scène de l'histoire des hommes ; c'est un jeu cosmique qui reprend les grands mythes de la nature...le conte a donc pu être une manière voilée et dégradée de parler des choses sacrées, une manière de mettre les grandes vérités à la portée de tous. » (Chevrier, 1986 : 18). A l'origine, il y aurait donc le mythe, directement en prise avec les forces cosmiques et le sens de l'univers, et puis arriverait le conte qui, comme le dit Lévi-Strauss30(*) serait une sorte d'avatar, une forme dégradée et désacralisée du mythe.

    Les contes sont assez souvent émaillés de proverbes qui servent à souligner la finalité morale du conte ou bien à mettre en évidence une leçon tirée de la sagesse des anciens. Il arrive même que le conte ne soit que l'illustration et le développement d'un proverbe qui en constitue en quelque sorte l'amorce. Cette liaison étroite entre le conte et le proverbe s'explique très bien par leur origine commune, puisque tous deux participent de la volonté de définir la place de l'Homme dans la société et d'orienter son action et son existence dans un sens prescrit par la tradition.

    Quant aux chants, ils sont associés à de nombreuses activités et ponctuent tantôt des évènements de la vie quotidienne, tantôt des cérémonies et rites initiatiques, où ils fonctionnent alors à la manière d'une activité magique qui peut correspondre à ce que Baudelaire nommé une « sorcellerie évocatoire » (Chevrier, 1986 : 20).

    Que cela soit les contes, les mythes ou les légendes, il s'agit de récits hérités de la tradition, ce qui ne signifie nullement qu'ils se transmettent de façon immuable. Le narrateur puise, dans un répertoire connu depuis longtemps, la trame de son récit et lui imprime sa marque propre qui sera fonction de l'heure, du lieu, du publique et de son talent spécifique. Il s'agit donc à la fois d'une création anonyme, en ce que ces récits sont issus de la mémoire collective, et création individuelle, celle du narrateur. Ces trois formes de narration font parties de ce que Van Gennep appelle la « littérature mouvante » en opposition à la « littérature fixée » des proverbes, des dictons et chansons qui ne se modifient pas.

    Autant que nous pouvons en juger au travers des analyses que nous proposent différents témoins, spécialistes et observateurs de la tradition orale africaine, les textes qui la constituent répondent à des objectifs à la fois multiples et complexes.

    Dans un premier temps, il est opportun de rappeler qu'une bonne partie des textes traditionnels ont avant tout une fonction de divertissement et de détente. Cette fonction ludique de la littérature orale n'exclut pourtant pas d'autres finalités, au nombre desquelles Chevrier y range la fonction pédagogique, la fonction politique, la fonction initiatique et enfin la fonction fantasmatique (Chevrier, 1986).

    V.2 Les Contes

    V.2.1 Des Mythes, des Légendes ou des Contes31(*) ?

    Si le terme de conte présente, dans la littérature, des acceptations multiples et des frontières indécises, trois critères suffisent à le définir en tant que récit ethnographique : son oralité, la fixité relative de sa forme et le fait qu'il s'agisse d'un récit de fiction avouée.

    A l'inverse, les mythes sont des récits considérés comme vrai par les sociétés qui les racontent et qui mettent en scène des Dieux ou des Héros nommément cités, dans un temps passé lointain et indéfini.

    Les Légendes sont, quant à elles, des récits d'événements qui se sont réellement produits dans un temps plus ou moins long mais défini et dont les acteurs (souvent des héros de guerres) sont connus. Son encrage historique et géographique l'enracine dans la vie locale.

    Tableau 9 : Différenciations entre conte, mythe et légende

     

    Conte

    Mythe

    Légende

    Genre

    Fiction

    Vrai

    Vrai

    Parole

    Profane

    Sacré

    Profane

    Acteurs

    Hommes ; animaux ; Dieux

    Hommes ; animaux ; Dieux

    Hommes

    Temporalité

    Temps lointain et indéfini

    Temps lointain et indéfini

    Temps plus ou moins lointain et défini

    Après ces définitions qui simplifient au maximum les frontières entre ces trois formes d'expressions orales, je pense pouvoir affirmer que les récits mettant en scène les animaux sauvages que j'ai recueillis sont bien des contes car la population Bakota a conscience qu'il s'agit d'une fiction et que les animaux y sont anthropisés.

    V.2.2 Quelques contes Bakota ...

    Il existe de très nombreux contes Bakota avec à peu près tous les animaux de la forêt.

    Pour ma part, j'ai surtout essayé de récupérer des contes avec les animaux tachetés, ce qui, mis à part pour la Panthère, n'a pas été évident. En effet, les animaux les plus souvent cités dans les contes sont donc la Panthère, la Tortue et le Céphalophe bleu. Nous trouvons à peu près la même prédominance pour l'ensemble des ethnies du Gabon (Raponda-Walker, 1967).

    Il serait trop long de retranscrire tous les contes que j'ai pu recueillir lors de mon stage, mais j'ai toutefois souhaité vous en présenter quelques uns, dont l'étude nous permettra dans la prochaine partie, d'en dégager quelques éléments de réponses sur les représentations et les connaissances empiriques des Bakota sur la faune sauvage qui les entoure. Les contes qui suivent m'ont été racontés par des personnes Ikota, mais ils sont également connus, sous des formes plus ou moins identiques, par les populations Mahongwé et Samaye.

    Ces contes se déroulent dans une époque où tous les êtres de la forêt, y compris l'Homme, parlaient le même langage, ils pouvaient donc facilement communiquer entres eux.

    Ceux qui sont les plus connus par la population kota sont ceux relatant les aventures de la Panthère et de la Tortue32(*).

    Il existe plusieurs versions qui parlent toutes des ruses de la Panthère pour récupérer les meilleurs morceaux de viande du gibier chassé avec la Tortue. Mais cette dernière finie toujours par gagner grâce à sa sagesse et son intelligence. On retrouve cette relation entre la Panthère et la Tortue, avec très peu de variante, dans de nombreux contes des différentes ethnies au Gabon comme chez les BaKèlè, les BaLumbu, les BaPunu, les BaVili ou les Benga (Raponda-Walker, 1967).

    Le conte retranscrit ici, met également un troisième personnage en scène, le fils de la Tortue, qui venge son père de la Panthère. Ceci rappelle le conte Kota enregistré par Augot et Perrois33(*) également dans la région de Makokou en 1971. Dans ce conte, le fils de Kulu est un géant sanguinaire qui pourchasse Ngoye, la Panthère et son enfant pendant des années.

    Conte n°1 : La Panthère et la Tortue (Ngoye na Kulu)

    Conteur : Jean-Baptiste Ibadaya, Ikota, Mbondou

    La Panthère Ngoye et la Tortue Kulu, habitaient dans un même village. Un jour, Ngoye organise une partie de chasse au filet en faisant appel à Kulu et tous les hommes du village. Ensemble, ils tuent 10 gibiers, mais au moment du dépeçage, Ngoye décide que Kulu n'aura que les viscères et que lui se garderait la meilleure viande. Bien que la femme de Kulu se plaigne, cette scène se répéta pendant 2 ans, jusqu'au jour où elle attrapa une grossesse ...

    Le jour de l'accouchement, la soeur de Kulu arriva et installa la femme enceinte dans un lieu tranquille derrière la maison. Tout le monde pensait qu'elle allait accoucher de jumeaux34(*), alors les gens du village commençaient à apporter beaucoup de cadeaux (lances, machettes etc.). Mais en fait, il n'y avait qu'un enfant qui refusait de sortir par le vagin de sa génitrice. « Je veux sortir par les côtes ! » cria t-il. Ainsi fut fait, mais aussitôt sorti, l'enfant regarda les deux bouts du village et demanda : « Où vais-je rester ? » et Kulu répondit : « tous tes frères et soeurs habitent ici, toi aussi tu vas rester là ». Mais l'enfant refusa et alla chercher un banc sur la montagne déposé par le Dieu Zambé.

    En revenant au village, le banc s'était transformé en enclume que l'enfant planta au milieu du village, puis se tourna vers son père et dit : « J'ai déjà planté l'enclume, il me faut une maison maintenant ! Où vais-je aller dormir ? » Kulu ne répondant pas, l'enfant lui ordonna : « Demain, tu m'appelle la famille de Ngoye et tous les gens du village, nous allons organiser une partie de chasse au filet »

    Au matin, la chasse commença et les prises furent nombreuses, d'abord 10 dans un lieu et 20 à un autre. Quand vint le moment du dépeçage, le fils de Kulu proclame que Ngoye n'aura que les viscères comme il faisait à son père. Quand Ngoye rentre chez lui, ses femmes ne sont pas contentes et se plaignent. « Cet enfant qui vient de naître, c'est un dangereux » râle Ngoye qui enrage et qui décide d'aller se plaindre chez le chef du village.

    Chez le chef, Ngoye et Kulu exposent chacun leur histoire et leurs arguments, puis au bout d'un moment le chef déclare sa sentence : « Ngoye, c'est toi qui à commencé. Kulu n'est jamais venu se plaindre et toi, tu viens te plaindre ici, parce que le fils de Kulu t'as rendu la pareille ! et bien, Ngoye, tu as tord et Kulu a raison. »

    Conte n°2 : La Panthère et la Genette (Ngoye na Hindji)

    Conteur : Youta, Ikota, Makokou

    La Panthère (l'oncle) et la Genette (le neveu) habitent dans un village qu'elles ont construit.

    Un jour, la Panthère dit à son neveu :

    - « Nous voilà aujourd'hui propriétaire des lieux. Nous sommes partis de chez nos parents pour vivre ensemble, donc nous devons nous entendre et faire tout ensemble. »

    Mais, la panthère, rusée, fait tout faire à la genette : mettre les pièges, récupérer le gibier

    et chasser pour toute la famille. Au bout d'un moment, la panthère est jalouse de la genette

    qui attrape beaucoup plus de gibier dans ses pièges. Alors, l'oncle décide de tuer son neveu

    en plaçant un piège sur le territoire de chasse de ce dernier. Mais pendant la nuit, Mbimbisoli35(*),

    le génie de la forêt, vient prévenir en songe le neveu des intensions de son oncle et lui dit :

    - « Demain, va à la chasse mais prend un autre chemin que d'habitude. »

    La genette suit donc les conseils du génie et pour se venger elle place un piège pour attraper

    la panthère. Quand l'oncle arrive et s'aperçoit que sa ruse n'a pas marché, il enrage et décide

    de manger quand même les proies de son neveu. Et comme ça, elle se fait prendre elle-même

    dans un piège. A ce moment, le neveu arrive et dit :

    - « Toi, mon oncle, tu m'as pris pour construire ce village, tu m'as réduit en esclavage, et

    là, tu veux me tuer ! Comment vas-tu faire sans moi pour nourrir toute ta famille ? »

    L'Oncle reconnaît ses tords :

    - « Le sang qui coule dans tes veines est le mien, on a les mêmes taches, la seule différence c'est que moi je suis grand. Aujourd'hui, tu m'as prouvé que tu étais un homme.

    Va créer ton propre village et ta propre famille, moi je reste ici. »

    Depuis ce jour, la genette et la panthère ne vivent plus ensemble. C'est pourquoi on trouve

    la genette dans les arbres et la panthère au sol. Mais, quelquefois, l'oncle rend visite à son

    son neveu dans les arbres, où il se repose.

    Conte n° 3 : La Panthère et le Chat doré (Ngoye na Lobwa)

    Conteur : Loïc Gouwa, Ikota, Ntsiété

    Ngoye, la panthère était l'oncle de Lobwa, le chat doré. Ils vivaient dans le village de Ngoye, chacun dans sa famille. Quand la saison sèche arriva, Ngoye appela son neveu : « Demain, nous partons au campement de chasse ». Lobwa accepta, mais connaissant les humeurs de son oncle lui demanda : « Toi qui m'emmène là-bas, est-ce qu'il n'y aura pas de problème ? » et Ngoye lui répond  : « Non, il n'y aura pas de problème. Tu es mon neveu, je ne peux pas te manger ». Alors, les deux hommes demandèrent à leurs femmes de préparer le manioc et partirent. Arrivé au campement, ils s'installèrent et allumèrent un feu. Lobwa demanda ce qu'ils allaient manger pour le dîner. Ngoye lui dit de ne pas s'inquiéter et il parti tuer un céphalophe qu'il ramena au campement. Ils partagèrent le repas mais Lobwa se demanda comment son oncle avait pu tuer un gibier aussi facilement et rapidement, et il s'en méfia.

    Le lendemain matin, les deux hommes allèrent en forêt pour placer leurs pièges. Au soir venu, ils rentrèrent au camp. Ngoye avait beaucoup de gibiers et Lobwa rien. L'oncle dépeça son gibier et le fit cuire dans la marmite, mais cette fois-ci, il ne partagea pas avec son neveu qui alla se coucher le ventre vide. Et tous les jours c'était comme ça ...

    Une nuit, où Lobwa se lamentait sur son sort, Mbimbisoli, l'esprit de la forêt vint lui rendre visite et lui dit : « Pourquoi, toi, Lobwa, tu es bête comme ça ?! Viens, assis toi. Prends cette libellule et met-la dans ton oeil, prends aussi cette étoile et met-la dans l'autre. Quand Ngoye viendra te bousculer pour te demander si tu dors, tu ouvriras les yeux, ça va briller, et là il refusera de manger et il ira se coucher car il aura peur de toi pensant que tu es un sorcier. »

    Le soir suivant Lobwa fit ce que le génie lui avait dit et tout se passa comme dans les prédictions. Lobwa pu donc se remplir l'estomac pendant que Ngoye, apeuré, essayait de s'endormir.

    Le dernier jour, l'oncle et le neveu réussissent à avoir du gibier, mais Ngoye en a quand même plus que Lobwa. De retour de la chasse, ils ont faim, mais Ngoye se méfie de son neveu et à peur qu'il refasse ses tours de magie. Lobwa le rassure en lui disant que cette fois-ci, il a tué une proie. Ngoye part donc chercher du bois, mais pendant ce temps, Lobwa met tout son gibier et celui de son oncle dans un panier et s'enfuit.

    Lorsque Ngoye revient, il ne voit ni Lobwa ni son gibier. Très en colère, il part à la poursuite de son neveu. Au retour au village, il questionne sa femme et celle de Lobwa, mais personne ne l'a vu. Pendant la nuit, Lobwa rentre chez lui et raconte à sa femme ce qu'il s'était passé au campement et comme quoi il avait volé la viande de son oncle. Alors, le couple s'enfuit ailleurs pour créer leur propre village, mais dans la précipitation, ils oublièrent un de leurs enfants, que Ngoye mangea pour se venger.

    Depuis, la Panthère et le Chat Doré ne vivent plus ensemble et dès qu'ils se croisent en forêt, l'oncle se met à poursuivre son neveu.

    Conte n°4 : La Panthère et les autres animaux de la forêt

    (Ngoye na ba Tchito ba bo Djima)

    Conteur : Dominique Mabata, Ikota, Ntsiété

    En ce temps là, tous les animaux de la forêt vivaient ensemble et parlaient la même langue. Comme la chasse était devenue mauvaise, la Panthère Ngoye pris la décision de partir trouver un autre lieu plus propice et elle réunit tous les gens du village. La Tortue et Héli, les sages du village, demandent à tous de dire ce qu'ils mangent dans la forêt et que, en chemin, tous devront s'attendre.

    Tout le monde partit en emportant le feu avec eux ...

    C'est la période de fructification, et Zoku, l'éléphant dit : « Moi, en forêt, je mange les fruits qui sont à terre autour des arbres. » Comme ils arrivent devant un arbre de Moabi, la famille de l'éléphant s'arrête et mange tous les fruits pendant 1 an, alors que les autres animaux attendent.

    Quant ils repartent, c'est la période des Atanga. Le Céphalophe de Peters, Mbizi dit : « Vous devez attendre que moi et ma famille, on finisse de manger tous les atangas. » Et ils attendirent pendant 6 mois.

    Quand ils arrivèrent dans les plantations après le brûlis, le Chat doré, Lobwa, veut manger tous les charbons, ce qui prit 5 mois.

    Puis, la troupe arriva à une ancienne plantation avec de nouvelles pousses. Mbala, la Nandinie dit : « Moi, je dois attendre que les bananes mûrissent. » Alors, tous patientèrent pendant 1 an.

    Les animaux continuèrent leur voyage. Ils arrivent à une autre plantation où les bananes ont été coupées par les Hommes. Le Genette, Hindji dit : « Moi, j'attends que ces bananes mûrissent pour les manger avec ma famille. » Ce qui prit 6 mois.

    Ensuite, ils trouvent un arbre couché sur le chemin. Les animaux passèrent par dessus, mais Kulu, la Tortue dit : « Moi, je n'ai pas de patte assez grande pour passer. On doit attendre que l'arbre pourrisse et qu'il y ait des champignons que je mangerai avec ma famille. » Alors, tous restèrent là pendant 10 ans.

    Quant ils se remirent en route, il y avait plein de champignons dans toute la forêt, alors Héli, le Céphalophe bleu dit : « Moi, je mange les champignons, il faut attendre que je les mange tous. » Tous attendirent 1 an.

    Puis, un jour, ils arrivèrent à une rivière qu'ils devaient traverser. Tchéma, le singe, se propose pour faire passer le feu de l'autre côté en bondissant d'arbre en arbre. Tous le regardèrent faire et dirent : « Attention le singe ! Attention au feu ! ». Tchéma leur répondit : « Ne vous inquiétez pas ! ». Mais, ce pauvre idiot avait mis la torche dans sa bouche qui, au moment où le singe prononça ces paroles, tomba à l'eau.

    Sans le feu, les animaux décidèrent de ce séparer, mais pour punir le singe, ils lui dirent : « Toi, à chaque fois qu'un chasseur te tuera, tu passeras au feu ! ».

    C'est pourquoi, depuis, tous les animaux sont dépecés sauf les singes qu'on passe directement au feu.

    Conte n°5 : La circoncision du fils de la Panthère (Itchinda dja mwa na Ngoye)

    Conteur : Loïc Gouwa, Ikota, Ntsiété

    Un jour, l'Oryctérope (Ekundé) vient voir son amie la Tortue (Kulu) et lui demande : « Kulu, dit moi, comment fait-on pour avoir des problèmes ? ». Kulu est surprie par cette question : « Comment un grand garçon comme toi, peut me poser une telle question ? Ton père ne t'a jamais expliqué comment arrivaient les problèmes ?! »

    Dans la semaine, Ngoye la panthère organisa une cérémonie pour faire circoncire son fils et d'autres enfants de son village. Kulu était l'homme qui coupait les enfants. Comme Ekundé insistait pour accompagner Kulu, ce dernier accepta, malgré que Ekundé n'ait jamais coupé...

    Arrivé au village de la panthère, tout le monde fit la fête et l'Oryctérope bu beaucoup. Au petit matin, Kulu commença la circoncision des enfants. Il en coupa 8 puis envoya quelqu'un aller chercher Ekundé pour qu'il coupe le neuvième, qui était le fils de Ngoye.

    Quand Ekundé arriva, il pris tout en main, sexe et testicules, et coupa tout ! L'enfant mourut aussitôt, et les gens se sont mis à crier et frapper l'oryctérope. Kulu les sépara et partit en brousse pour chercher des feuilles et laver l'enfant, qui au bout d'un moment revient à la vie avec toutes les parties génitales au complet. Kulu le circoncis bien comme il faut et dit à Ekundé : « Tu vois, maintenant tu sais ce qu'est un problème ! Tout peut être un problème dans la vie : les poules, les femmes qui trompent, les chiens qui volent la viande etc. »

    Conte n°6 : La panthère et le céphalophe bleu (Ngoye na Héli)

    Conteur : Vieux Ikota, Mbondou

    En ce temps là, tous les animaux de la forêt vivaient dans le même village. Un jour, Ngoye demande à Mbizi (céphalophe de Peters) de l'accompagner chez sa belle famille. Sur le chemin, ils ramassent des noisettes36(*) qu'ils réservent comme encas pour plus tard. Quand ils arrivent à la rivière Ngoye dit à Mbizi qu'il est interdit de traverser avec un couteau « ferme les yeux, que je jette mon couteau, et je ferai de même pour toi ». Mbizi, qui ne se méfie pas, ferme les yeux, mais Ngoye, au lieu de jeter son couteau, jette une gousse d'un arbre (mongomwéba) dans la rivière. Par contre,Mbizi lui jette réellement son couteau. Après avoir traversé la rivière, ils s'assoient près d'un arbre pour manger les noisettes. Pendant que Ngoye utilise son couteau pour les ouvrir, mbizi est obligé d'utiliser ses dents. Puis, ils se remettent en route et aperçoivent un atangatier37(*). Ngoye dit à Mbizi de fermer les yeux et qu'il va cueillir des atangas pour manger. Mais quand Mbizi réouvre les yeux, Ngoye a pris toutes les noires et il ne lui laisse que celles qui ne sont pas mûres. Ensuite, Ngoye voit le soleil et dit « Mbizi, va me chercher la boule de feu pour qu'on puisse faire cuire les atangas38(*) » et Mbizi part en courant vers le soleil... En attendant, Ngoye allume un feu et fait cuire ses atangas et les mange. Mbizi revient des heures plus tard, bredouille et très fatigué. Il se couche le ventre vide.

    Le lendemain matin, ils repartent... Avant d'arriver au village, ils s'arrêtent près d'une plante. Ngoye dit à Mbizi « tu sais, je souffre des dents. Tu vois cette plante, repère la bien, si une rage de dents se déclanche, je te demanderai de revenir ici pour me la ramener. »

    Quand ils arrivent au village de la belle famille de Ngoye, tout le monde est content. Dans la soirée, on leur a préparé beaucoup à manger. Avant de se mettre à table, Ngoye, malin, prétend avoir mal aux dents et qu'il ne peut pas manger. Mbizi, bête comme il est, part chercher la plante pour Ngoye, qui en profite, pendant ce temps, pour manger toute la nourriture. A son retour, Mbizi ne trouve que les os. A la fin du repas, Ngoye demande à Mbizi d'aller jeter les feuilles39(*) derrière la maison. Mais au préalable, Ngoye y avait construit une fosse40(*) où tombe Mbizi. La belle famille arrive en courant et l'abat pour le manger.

    Fier de sa stratégie, Ngoye reproduit ce stratagème avec tous les animaux de la forêt afin d'offrir de la viande à sa belle famille et de pouvoir épouser leur fille. La dernière de ses victimes fût Héli...

    A la rivière, Héli fait semblant de fermer les yeux et voit Ngoye jeter la gousse, il en fait donc de même. Quant ils s'arrêtent manger les noisettes, les deux sortent leur couteau. Ngoye est étonné, mais ne dit rien. Arrivée au pied de l'atangatier, les deux cueillent les noires, et lorsque Ngoye envoie Héli chercher le soleil, ce dernier se cache, voit Ngoye faire le feu, et ne revient que lorsque les atangas sont cuites. Les deux mangent donc ensemble.

    Après avoir passé la plante médicinale, Héli prétend avoir la diarrhée et retourne en cachette à la plante et il prend quelques feuilles, écorces et racines, puis rejoint Ngoye en courant.

    Arrivée au village, on leur prépare des moutons, des cabris etc. Au repas, quand Ngoye prétend avoir mal aux dents, Héli lui sort les feuilles, les écorces et les racines qu'il avait cueillies, et Ngoye est de nouveau obligé de partager le repas. Quand Ngoye demande à Héli d'aller jeter les feuilles, celui-ci refuse prétextant qu'il était un invité et donc qu'il n'avait pas à faire cela. Il refuse aussi de s'installer dormir dans le logis obscur que lui proposait Ngoye. Du coup, Héli, Ngoye et sa femme s'en vont dormir dans le même lit.

    Au milieu de la nuit, Ngoye se lève pour chauffer le fer de sa lance afin de tuer héli. Mais pendant ce temps, Héli, qui ne dormait pas, change de place discrètement avec la femme de Ngoye. Quand celui-ci revient, il enfonce sa lance dans les narines de sa femme pensant qu'il s'agissait d'Héli et la malheureuse meurt. Héli se lève en sursaut et crie « Ngoye, tu viens de tuer ta femme ! ». Ngoye, pris de panique demande à Héli de se taire et de ne rien dire à sa belle famille. Mais cette dernière, réveillée par les cris de Héli arrivent en courant, voit le cadavre de leur fille et de colère tue Ngoye.

    Conte n°7 : La Panthère et le Silure (Ngoye na Issomé)

    Conteur : Roland Bokala, Ikota, Makokou

    A cette époque, tous les animaux de la forêt vivaient dans le même village. A la saison sèche, Ngoye et toute sa famille décide de partir au campement de pêche. Un matin, Ngoye capture dans ses filets un gros silure (Issomé), mais au lieu de le manger, Ngoye décide d'envoyer deux de ses enfants au village pour le vendre. Mais, Ngoye donne une consigne à ses enfants : « Si quelqu'un veut Issomé, dites lui que je ne veux pas d'argent, mais que je le mangerai à mon retour ».

    Arrivée au village, les enfants s'arrêtent à la première maison, celle de Mbizi (Céphalophe de Peters) qui leur dit : « Eh, les enfants, c'est votre père Ngoye qui a tué Issomé ? Amenez ça ici. C'est un beau poisson ! Combien votre père en veut-il ? ». Et les enfants lui répondent : « Papa n'a pas donné de prix. Il a dit que celui qui le voulait, pouvait le prendre sans donner d'argent, mais, qu'à son retour du campement, il le mangerait à son tour ». Evidemment, Mbizi refuse, et les enfants poursuivent leur chemin. La même scène se répète avec tous les habitants du village : Bodjongo (Sitatunga), Yobo (Civette), Hindji (Genette), Mbala (Nandinie), Lobwa (Chat doré), Mwendjélé (Mangouste à pattes noires), Djia (Gorille), Gnaté (Buffle).

    Puis, ils arrivent chez Kulu, la Tortue qui dit aux enfants de Ngoye : « Moi, je prends Issomé car j'ai beaucoup d'enfants à nourrir. Dite à votre père que c'est Kulu qui l'a pris. Lorsqu'il rentrera du campement, qu'il vienne directement chez moi pour me manger ».

    Il se passe 1 mois, avant que Ngoye et sa famille ne rentre du campement de pêche. A leur arrivée au village, Ngoye envoie l'un de ses fils chercher Kulu pour le ramener chez eux : « Tu lui dis que je suis fatigué et qu'il ne doit pas avoir peur ». L'enfant arrive chez Kulu : « papa t'appelle là-bas, à la maison ! », et Kulu lui répond : « Je sais. Dit à ton père que je n'ai pas peur, mais là, je pars à l'eau avec ma femme ; à mon retour j'irai voir ton père ». Le temps passe, et Ngoye ne voit toujours pas arrivée la Tortue, alors il décide d'aller directement chez elle. Kulu vient juste de sortir de l'eau avec un gros paquet41(*) qu'il met sur le feu et dit : « L'homme qui doit mourir, meurt avec le ventre bien rempli ! Je sais que tu vas me tuer, mais laisse moi manger mon paquet ». Le paquet sur le feu dégage une si bonne odeur que Ngoye, gourmand comme il est, veut à tout prix manger lui aussi : « Kulu, dit moi ce qu'il y a dans ton paquet » et Kulu lui répond : « Ah, si tu savais...Si tu manges ça, tu vas oublier tout ce que tu dois faire. Regarde, moi je n'ai pas besoin d'aller au campement ; tous les jours, dans mes pièges, j'attrape toujours de la bonne viande ».

    Ngoye est de plus en plus curieux et impatient de goûter ce mystérieux paquet...et Kulu le fait mariner : « Attend, tu verras bien ce qu'il y a dans ce paquet, pour le moment assied-toi ! » Pour accompagner le paquet, Kulu envoie, un après l'autre, tous ses enfants aller chercher le petit manioc que sa femme avait laissé dans la corbeille au dessus du fumoir. Mais, en vérité, il s'agit d'une ruse pour que toute sa famille parte se cacher en forêt. Kulu, dit la même chose à sa femme, lorsqu'elle revient de la plantation. Puis, au bout d'un moment, Kulu fait semblant de s'agacer et dit : « Bon, Ngoye, j'ai envoyé toute ma famille chercher le petit manioc, mais c'est trop long. Attends moi, je vais aller le chercher moi-même ! » Et il part rejoindre sa famille en forêt, sans, bien sûr, jamais revenir.

    Pendant ce temps, Ngoye reste là à attendre...Au bout d'un long moment, il comprend que Kulu a fuit, alors, il récupère le paquet et le ramène chez lui. Quand il l'ouvre enfin, il se rend compte qu'il s'est fait berner car il n'y a pas de viande à l'intérieur, mais seulement des noix de palme. Ngoye est furieux et il part chercher ce traître pour se venger, mais impossible d'y mettre la main dessus. De rage il dit : « D'accord, Kulu, tu as fuit, mais le jour où je te retrouve, je te ferai sortir de ta carapace et je te mangerai ! ».

    V.3 Proverbes d'animaux

    V.3.1 Définition42(*)

    Les proverbes constituent le genre le plus paradoxal de la littérature orale. C'est l'un des plus anciens, sans doute, mais aussi celui qui a le mieux résisté à l'érosion du temps. Il est investi en amont par les dictons, les lieux communs, les « expressions proverbiales » et les locutions populaires et, en aval, par les adages, les sentences et les maximes, ce qui le rend difficile à cerner. Sa forme est brève avec des inventions stylistiques telles que les métaphores, les périphrases, les antithèses, les jeux de mots, les rimes etc. Il a pour rôle de délivrer un message.

    V.3.2 Quelques proverbes Bakota ...

    D'après l'étude de Jean-louis Doucet, l'importance du monde animal dans les proverbes ou les énoncés sentencieux est beaucoup plus élevée chez les Mahongwé que pour d'autres ethnies du Gabon. En effet, l'auteur a recensé et comparé 3.757 proverbes43(*) des différentes ethnies gabonaises, et a remarqué que la part des animaux dans ces énoncés était de 59,6% chez les Mahongwé44(*), suivis par les Punu (44,2%), les Nkomi (36,7%) et les Fang (36,4%).

    Comme pour les autres langues gabonaises, les animaux intervenant le plus dans les proverbes Mahongwé sont l'éléphant, le chien, le cop (et la poule). Ces trois espèces étant présentes dans 24,2% des énoncés (Doucet, 2003).

    La liste de quelques proverbes Bakota qui suit est tirée des proverbes Mahongwé présents dans la thèse annexe de Mr Doucet et traduit en Ikota avec l'aide des techniciens de la station d'Ipassa ainsi que ceux recueillis par moi-même lors de mes enquêtes chez les Ikota et les Mahongwé.

    1) K : « Ngoye mwa bolé na magna »

    La Panthère ne pourrie jamais jusqu'aux griffes

    La vieillesse n'est pas une fatalité ; tu peux être vieux et toujours avoir des forces.

    2) K : « Ngoye, mwa bo né banda na magna »

    M : « Ngoyi ndeka bolo na niala n'ebanda »

    Les ongles et la peau de la Panthère ne pourrissent pas simultanément

    Une personne malade ou âgée ne perd pas toutes ses capacités en même temps

    3) M : « Ba Kudu badji ba huwa batchilo ba Ngoye »

    Les femmes de la Tortue deviennent les femmes de la Panthère

    Se dit lorsque quelqu'un est avare et qui se permet de tout prendre quand il est chez autrui.

    4) K : « Ngoye né Taba ba nangé élungwé éko » ou « Ngoye né Taba balandé londjié mokolo »

    La Panthère et le Cabris ne peuvent rester ensemble / La Panthère et le Cabris ne peuvent marcher ensemble.

    Un homme et une femme ne peuvent pas dormir dans un même lit sinon l'homme va bondir sur la femme.

    5) M : « Mwana a bwa o hakwa a yène itambi la Ngoye a ya itanda hangwè wa etsheke ndeka tanda hangwè, Ngoye a'hu boma angu o hakwa »

    Si un enfant qui va en forêt, voit les traces de la Panthère, il doit le dire à son père car s'il ne le fait pas, il se fera tuer par la Panthère.

    Les enfants qui ne parlent pas de leurs problèmes à leurs parents, en supportent eux-mêmes les conséquences

    6) K : « Ilambo ya potoko potoko ya buma intendé mwa héli »

    M : « Elambo ya kotoko kotoko ya bomaké intèndé mwa héli »

    Un piège mal placé tue un Céphalophe bleu adulte

    Un petit problème mal posé peut avoir de graves conséquences

    7) K : « Suaka boka Héli mébenbé mia boka Zombé su kamba aluma Ngwéya ébombu Djia kota engo o nama »

    Le Céphalophe bleu habite dans la forêt ,le Céphalophe à front noir habite près des rivières, la grosse Vipère mord le Potamochère, le Gorille mange toujours les fruits rouges et les amarres aux pied.

    Utilisé quand les enfants n'écoutent pas les conseils de leurs parents.

    8) K : « Bakakwé Zombé mbémbé tété »

    Ne pas critiquer le Céphalophe à front noir devant un arbre debout

    Il ne faut pas critiquer quelqu'un devant n'importe qui (idem avec le doigt du gorille)

    9) K : « Zombé na boka ibolo ndenga na boka kadji » ou « Zombé ni bolo ndenga na bokaya kadji »

    Le Céphalophe à front noir, pour se nourrir, va toujours à la source

    Un célibataire doit toujours aller chez sa soeur pour trouver à manger

    10) K : « Ehibo ayotché o kaza »

    M : « Ehibo a tanda étché ma yéné o inkaza »

    Le Céphalophe Bai a dit : « je vois sur ma peau »

    Il ne faut croire que ce que l'on voit

    11) K : « Ehibo a wa isa ngwa indjié iboka »

    M : « ehibo a we na ibatchieke iboko osombe »

    Le Céphalophe bai est mort en restant dans son gîte bien confortablement

    Il n'est pas bon de toujours rester au même endroit

    12) K : « Béhétché biahétché Koua, biahétché na mbépi »

    Le rire moqueur du Chimpanzé s'adresse au porteur

    Quand tu es impliqué dans une histoire, c'est à toi que les reproches ou moqueries s'adressent et pas à quelqu'un d'autre.

    13) K : « Otchizé na mwa koua dékawé mwa Djia ma kongo »

    M : « Wa lana na mwa kula, ndéka kaba ikongo na mwa Djia »

    Si tu te bats avec un jeune Chimpanzé, ne donne pas la sagaie à un jeune Gorille

    Si tu te bats avec quelqu'un, il ne faut pas donner une arme à son frère

    14) K : « Odja hani moua Djia ota imouobé »

    Si tu mange le doigt du Gorille, observe le tien

    Quand tu veux dire du mal de quelqu'un à une personne, fait attention que cette dernière ne le connaisse pas.

    15) K : « Djia bwa balongo u'tambi »

    M : « Djia wa olombo ba lépéké u'tambi »

    On a peur de la trace du Gorille méchant

    Il ne faut pas toucher aux biens des gens méchants ou agressifs

    16) K : « Kulu angoué na batoua »

    La Tortue chute (tombe) aussi

    Il faut réfléchir avant d'agir.

    17) K : « Kulu takamako ma penga mékoko nda Djia »

    La Tortue n'a pas de pied pour sauter l'arbre comme le Gorille

    Il faut se contenter des qualités que l'on a.

    18) K : « Zoku a buna oko ihidjiéké ko »

    M : « Zoku a buna ibongo na ibatchieke mwen de mwa koho »

    L'Eléphant se casse le genou en suivant l'allure du Perroquet

    Il faut faire en fonction de ses moyens

    19) K : « Eloko a téba Zoku »

    M : « Elokwè a téba Zoku »

    L'oiseau promet de s'attaquer à l'Eléphant

    Cette sentence est utilisée lorsque quelqu'un n'ose plus s'en prendre à une personne alors qu'il avait promis de le faire

    20) K : « Ngwéya, buyaka adja kuba o kongo »

    M : « Ngwéya a ya oyaka, a djaka kuba o inkongo »

    Le Potamochère qui vient d'arriver, mange la plantation en bordure

    Il ne faut pas se mêler des problèmes que l'on ne connaît pas, il faut d'abord se renseigner

    21) K : « Ngwéya apéna mélaka isi ya gwa indjésé djiaka méhombalolo »

    Le Potamochère avait manqué les cornes parce qu'il était occupé à manger la liane à tubercule.

    Les absents ont toujours tord.

    22) K : « Tadji wi kataka adja kuba o kongo »

    M : « Tadi wa ikataka mwa yongéké »

    Le serpent qui est enroulé ne grossit pas

    Quand on ne se bouge pas, on ne peut rien avoir

    23) K : « Takata Tchéma o ulétché taka obé pomi »

    Il ne faut pas regarder le singe sous la taille, il faut le regarder sauter

     Quand un étranger arrive, il faut d'abord le nourrir, ensuite la discussion peut commencer

    24) K : « Pé aluma isa djianga ango »

    M : « Pélé a lumanaka osa ba djangaka angu »

    La Vipère mort quand on la piétine

    Qui agasse trop se fait agresser

    25) K : « Olomba ilanbo sito tété mwadi singama buyabwé »

    Tu ne peux pas faire un piège en face de l'animal, sinon tu ne le captureras jamais.

     ?

    26) K : « Bokwé akwa bonéni okongo mwa kuma »

    L'escargot est monté sur le fromager.

    Quelqu'un de pauvre va solliciter une femme dans une famille riche pour être riche lui-même.

    27) K : « Oloa Angwa, oloa Pipi, oloa Hoho, étendaka obé té bwéya angoza »

    Si tu insultes la Perdrix, si tu insultes pipi45(*)i, si tu insultes le Coq, qui va te prévenir que le matin arrive ?

    Dans un village, tu ne peux pas insulter ta famille ni le chef du village, sinon personne ne pourra te conseiller.

    La Panthère et la Libellule

    La Panthère avait fait des enfants près d'un marigot. Un jour Mundendé, la Libellule en venant se rafraîchir, a mouillé les bébés panthères. Par peur de la colère de la Panthère, elle alla la voir et lui dit que c'était Ibango, la Loutre qui avait mouillé ses enfants. Quand la Panthère rencontra la loutre, elle lui demanda : « pourquoi as-tu mouillé mes enfants ? ». Ibango lui jura que ce n'était pas elle. La Panthère compris que la Libellule lui avait menti, et elle l'a mangea.

    Morale : Dans un village, il y a toujours quelqu'un qui cherche des histoires, mais on fini toujours par savoir la vérité et à punir le trouble fête.

    Le Céphalophe à front noir et le Céphalophe de Peters

    Le Céphalophe à front noir, Zombé, vit au bord de l'eau et Mbizi, le Céphalophe de Peters, vit en forêt. Un jour, Zombé demande de l'eau à Mbizi, qui lui rétorque : « Comment peux-tu me demander de l'eau à moi qui vit en forêt alors que toi tu es près de l'eau toute la journée ? »

    Métaphore utilisée lorsqu'une personne riche vient demander de l'argent à quelqu'un plus pauvre que lui.

    La Panthère et la Tortue

    M : « Ngoye aya acumé kudu na mwadi, mwadi wa kudu na moye. Yango ngoye aso na kudu té mwana adja omoye mwa mwa djobé engo loamé. Yango kudu aso na ngoye té, tanda ka mé ichté mwana adjo moye. Andé ibaka o mwaïto. »

    La Panthère est venue rendre visite à la Tortue dont la femme est enceinte. La Panthère dit que l'enfant qui est dans le ventre l'a insulté. La Tortue dit à la Panthère que si elle a entendu l'enfant l'insulter alors elle peut dire le sexe de cette enfant. Mais la Panthère en était incapable.

    Il ne faut pas écouter les rumeurs

    Beaucoup de ces expressions ou mini fables sont extraites de contes, qu'il est nécessaire de connaître si l'on veut en capturer le sens exact. Cela m'a posé quelques problèmes de retranscription car il était parfois difficile à mes interlocuteurs de me traduire l'expression littéralement, son sens se trouvant dans la narration du conte.

    Comme je l'ai dit plus haut, ceci n'est pas l'apanage exclusif des Bakota, bien au contraire. Les diverses études46(*) menées sur les traditions orales et plus particulièrement, sur les proverbes, montrent que c'est souvent le cas, dans toutes les cultures et depuis des temps très anciens47(*). En effet, dans une fable ou un conte, le récit s'achève par une formule lapidaire, qui résume l'histoire et propose une morale. Cette formule peut prendre son indépendance ; l'image surprenante qui fait son charme renvoie à une histoire connue de tous qu'il n'est plus nécessaire d'expliciter.

    V.3 Nomination des lieux et des plantes

    Le nom de certains animaux se retrouve aussi dans la désignation de plantes et de lieux. Cet axe de recherche n'était pas à proprement parler, inclus dans mon enquête. Toutefois, j'ai quand même pris note de certains exemples.

    Les lieux

    Le quartier de Bordeaux à Makokou a repris son ancien nom Ebanda ngoye, la peau de la panthère. Il existe un village Ikota sur la route d'Okondja qui se nomme Mbomo, le Python et le village Samaye où je suis allée enquêter se nomme Mbela, l'Aigle.

    Certaines zones de chasse sont nommées selon diverses caractéristiques, notamment celle de la présence de tel ou tel animal.

    Les plantes

    Certaines plantes portent le nom d'un animal. N'ayant pas effectué une étude ethnobotanique, je ne citerai ici que quelques exemples qui m'ont été gracieusement fournis par Pierre Grenand et Raymonde Mboma, qui les ont recueilli lors d'une courte mission à Zadindoué.

    · L'arbre Phileopsis discophora (Mimosacée) est nommé ézona (Bongo). Il est utilisé comme vomitif lorsque l'on a des problèmes digestifs, et par les femmes en bain de siège pour soigner la matrice.

    · L'arbre Chytranthus talbotii (Sapindacée) est nommé mabisi mangoye (testicules de Panthère). Ses fruits sont comestibles et mangés par les gorilles et les chimpanzés.

    · L'arbre Diospyros sp. (Ebénacée) est nommé nsélé ngoye (maquillage de la Panthère). Il est utilisé lorsque les femmes (femmes-phanthères ?) ont des difficultés à accoucher. Le bois est gratté et mélangé avec du padouk Pterocarpus soyauxii (Papilionacée). Le guérisseur va ensuite frotter le corps de la femme, de la poitrine jusqu'au bas ventre pour faciliter l'accouchement.

    · L'arbre Tragia sp. (Euphorbiacée) est nommé lélémi mangoye (langue de Panthère). Les feuilles de cet arbuste sont irritantes et elles ont une utilisation magique. On émince les feuilles, on rajoute du sel puis, on fait cuire en paquet sur le feu. Lorsque l'on souhaite solliciter un emprunt, on met cette préparation sur la langue, et la personne « créditeur » ne peut résister et acceptera le prêt. Ceci nous renvoie à la ruse de la Panthère souvent décrite dans les contes.

    La feuille de l'arbre Ibula (Plagiostyles africana, Euphorbiacée) est nommée bangoye (les panthères). Elle est utilisée comme pansement pour faciliter la cicatrisation du tout nouveau circoncis (Perrois, 1968).

    Quant à moi, mes interlocuteurs m'ont parlé d'une plante nommée Hindji48(*) (la Genette servaline) en référence à ses feuilles qui sont tachetées comme l'animal. Elle sert dans la confection de médicament lors de la circoncision.

    V.4 Les chants traditionnels

    Les chansons traditionnelles Bakota mettent souvent en scène les animaux de la forêt. J'ai rencontré à Nstiété un vieux chanteur aveugle, bien connu dans la région Mr Fostin Mosoko Bokoye. Il nous a fait le plaisir de nous chanter quelques chansons de son répertoire où les animaux se métamorphosent en hommes (et inversement) et dont le principal thème est l'amour sous toutes ces formes (drague, adultère, mensonge, passion etc.).

    D'autres chants, par contre, sont réservés aux rites et cérémonies coutumières et accompagnent les danses. Comme pour les proverbes, certains d'entres eux ont leur origine dans des contes, qu'il est essentiel de connaître pour comprendre tout le sens et la portée de ces chants. Ils sont généralement courts et répétitifs, en voici quelques uns.

    La chanson du Porc-épic (Athérure) Gomba : Cérémonie de circoncision

    Ngomba, béhé ba hilo Ngomba, Ayenga !

    (Nous, nous poursuivons le Gomba ! )

    Cette chanson fait partie de la danse méwanwan que l'on pratique lors de la cérémonie de circoncision, afin de fatiguer le candidat, de le mettre dans une sorte d'état second avant le moment fatidique. Hommes et femmes poursuivent le candidat et le font courir pendant un moment.

    Chant de la Gazelle (Céphalophe bleu) maligne et de la Pintade : Cérémonie de circoncision

    Héli botchengu Kanga (bis)

    Satchi wa mwana wa ngoye

    Mina bina boutchengu bwa Kanga

    Ibobo, ho ngoye abwélé bato

    (Pour la circoncision de l'enfant de la Panthère, nous dansons avec la malice de la Pintade, attention Galago49(*), la Panthère est en train de guetter sa proie)

    Cette chanson fait partie d'un conte où la Panthère organise une fête de circoncision au village et veut inviter tous les animaux de la forêt. Mais, en réalité, il s'agit d'un piège de la Panthère qui a faim et qui a l'intention de tous les tuer. Seule la Gazelle (Céphalophe bleu) comprend le stratagème et elle essaye de prévenir les autres, en particulier la Pintade kanga.

    Chant de la Genette et de la Panthère50(*) : Cérémonie de circoncision

    Hindji ma tono ma n'da Ngoye

    (La Genette a les taches comme la Panthère)

    Chant du Bongo Ezona : chanté pour la naissance des jumeaux

    Bézona bidjanga bia ya bié

    (Le troupeau de Bongo arrive)

    Ce qui ressort de ce chapitre c'est que les utilisations de la faune sauvage chez les Bakota tendent à disparaître petit à petit, en particulier pour les ustensiles de tous les jours qui ont été remplacé par des matériaux modernes. Par contre, ils sont toujours très présents dans tous les domaines qui nécessitent des pratiques magico-religieuses.

    De façon un peu grossière, les espèces animales les plus chassées pour la consommation sont peu ou pas utilisées dans les pratiques socioculturelles (à l'exception de la fabrication des chaises et des tam-tams), de plus, elles sont en majorités classées dans les espèces dites « ordinaires » sans aucune restriction de chasse. A l'inverse, les espèces communément utilisées dans les pratiques magico-religieuses sont, pour beaucoup d'entres elles, classées dans les listes des animaux intégralement et partiellement protégées. Après ce constat, il serait judicieux de revoir les priorités de conservation et les listes des animaux protégés.

    Chapitre 2 : Les Interdits Alimentaires

    Les aliments interdits concernent le plus souvent les gibiers, mais on note aussi des chenilles, poissons, escargots, fruits, tubercules et feuilles sauvages, champignons. Nous ne considérerons ici que la faune des mammifères (à l'exception de la Tortue et du Mamba noir).

    I Liste des interdits
    I.1 Les interdits selon le sexe 

    I.1.1 Les femmes 

    Les animaux faisant partie de la famille de la Panthère, c'est à dire les carnivores au pelage tacheté, sont strictement interdits à toutes les femmes. Le risque est toujours le même pour l'ensemble de ces animaux, avoir la gale ou la lèpre. Les autres animaux le plus souvent cités sont : le Céphalophe à front noir Zombé (règles abondantes) 51(*); le Céphalophe à dos jaune Zibo (rend invisible aux yeux des hommes) et tous les carnivores en général.

    Lorsqu'une femme se marie et qu'elle s'installe chez son mari, elle adopte les interdits de ce dernier tout en gardant les siens. Elle ne les perd que lorsqu'elle divorce.

    La plupart de ces interdits prennent fin lorsque la femme est ménopausée (mis à part pour les carnivores).

    I.1.2 Les Hommes 

    Il n'y a pas d'interdit spécifique lié à tous les hommes Kota. Même si la Panthère n'est généralement pas consommée, elle n'est pas formellement interdite à la consommation mise à part pour ceux qui ont la Panthère dans le ventre ou ceux appartenant à une famille de jumeaux.

    Le Céphalophe à dos jaune étant considéré comme porteur de malchance pour les mêmes raisons que chez les femmes (moins désirable pour l'autre sexe), se sont surtout les personnes âgées qui vont en manger, alors que les jeunes évitent de le faire.

    I.2 Les interdits claniques 

    Chaque clan (Ikaka) a un ou plusieurs animaux qui sont interdits de consommation et parfois (mais plus rarement) de chasser. Ces animaux sont nombreux et variés avec une prédominance pour la Panthère et aussi le Mamba noir zokugnon, qui reste dans la maison sans faire de mal aux membres de la famille.

    Mais lorsque j'ai eut des interlocuteurs faisant partis du même clan, les animaux qu'ils me citaient n'étaient pas toujours identiques. Il m'a fallu quelques temps pour me rendre compte que souvent d'autres interdits venaient s'ajouter et parfois se substituer aux interdits claniques originels. Il s'agit surtout des interdits liés aux Hommes-Panthères, à la naissance de jumeaux dans la famille ou d'autres événements marquant survenus à un membre connu de la famille (en opposition à l'Ancêtre, utilisé souvent comme un terme générique). C'est pourquoi, la Panthère et les autres membres de sa famille sont souvent cités. Les interdits familiaux prévalent et sont mieux connus que les interdits claniques.

    Toutefois, il semblerait que lors des circoncisions certains chants sont particuliers à chaque clan et certains évoquent des animaux. Je pense qu'on peut sans doute y retrouver les « totems » claniques originaux. En 1965, Louis Perrois note par exemple un chant du clan Bongoza : « Nous sommes redoutables comme la panthère, féroces comme l'aigle de la forêt ! Voyez notre candidat, le candidat du clan Bongoza ! » (Perrois, 1968 : 61). J'ai également eut des interlocuteurs du même clan qui m'ont cité comme interdits alimentaires ces deux animaux et puis d'autres, peut-être plus liés à la vie de chacun et à son lignage. Evidement, là encore, un étude plus approfondie est nécessaire pour pouvoir répondre avec certitude à ce questionnement.

    Les principales causes invoquées pour l'origine de ces interdits sont :

    - La famille, après la mort, est supposée se transformer en cet animal.

    - L'animal a aidé un ancêtre perdu en forêt pour retrouver son village.

    - L'animal était resté près du corps d'un Ancêtre mort pour le protéger.

    - L'animal ne fait pas de mal aux membres de la famille quand ceux-ci se déplacent en forêt.

    - L'animal protège le clan.

    Mais je dois avouer que la plupart du temps, les gens ne savaient pas les raisons originelles de ces interdits. Ils continuaient la pratique de ces interdits par atavisme, refaisant ce que leurs parents et grands-parents faisaient et leurs disaient de faire, sans autre explication.

    « Si je mange cet animal, je vais tomber malade et peut-être même mourir. Mais je ne connais pas les raisons, ça toujours été comme ça ; ça vient de nos ancêtres. »

    Vieux de Ntsiété

    I.3 Les interdits acquis au cours de la vie 

    I.3.1 Les jumeaux 

    Les jumeaux sont très appréciés chez les Bakota comme dans la majorité des ethnies au Gabon. Il s'agit d'un signe de chance et de richesse pour la famille, ce qui accentue les risques de jalousie et donc de mauvais sort. De nombreux interdits alimentent la vie des jumeaux et de leur famille, car ce sont des êtres exceptionnels, à la fois plus forts que les hommes ordinaires, mais aussi plus fragiles car la rupture des interdits peut leur être fatale.

    Les animaux interdits à la consommation sont ceux qui ont servi dans la préparation des médicaments (cette liste peut varier selon le guérisseur). Ceux qui sont toujours utilisés pour la protection des jumeaux sont le Bongo (ézona) car son sang est mélangé à celui des enfants qui vont ensuite le boire, la Loutre à joues blanches (Ibango) et tous les carnivores tachetés de la famille de Ngoye.

    I.3.2 Les initiés 

    Il existe plusieurs confréries ou groupes initiatiques qui se manifestent par des pratiques rituelles périodiques et des danses spécifiques (Djobi, Bwété, Membiri etc.). Lors de ces initiations, le candidat ingère le bois sacré Iboga qui, à forte dose, est un hallucinogène puissant.

    Le fait d'être initié, marque une rupture avec sa vie précédente, rupture qui se matérialise par le strict suivi de nombreux interdits sexuels (pas de relations sexuelles pendant le jour, ni lorsque la lune est dans le ciel) et alimentaires.

    Il semblerait que pour beaucoup d'initiés (quelque soit les danses) l'éléphant devienne un aliment tabou52(*). Ensuite, les autres animaux qui deviennent interdits sont le fait de l'expérience personnelle de chacun avec l'Iboga. En effet, lors de la prise du bois sacré, on place le candidat face à une bougie ou un miroir. Au bout d'un moment, le candidat va voir sa vie, ses parents défunts et des animaux défiler sous ses yeux. Les ancêtres sont là pour conseiller et soigner le candidat si nécessaire, les animaux qui lui sont apparus lui deviennent interdits à la consommation. Si l'animal ne doit pas être tué, alors les ancêtres le lui préciseront.

    I.3.3 Les médicaments 

    Lorsque l'on se fait soigner par un guérisseur (que ce soit contre une maladie ou contre un mauvais sort), si celui-ci utilise des animaux dans la composition de ses médicaments, ils deviennent interdits à la consommation pour le patient et parfois même pour toute sa famille. Si on mange quand même l'animal, l'effet du médicament s'annule ou même s'inverse, c'est à dire qu'il peut causer la mort de la personne en question.

    « Moi, je ne mange pas Ko (rat de Gambie) car on m'a fabriqué un médicament avec ça, donc maintenant je ne peux plus en manger et mes enfants non plus. »

    Chef de village, Mbondou.

    I.4 Les interdits temporaires 

    I.4.1 Les femmes enceintes 

    Lorsqu'une femme est enceinte, les interdits alimentaires deviennent très nombreux et ils sont, semble-t-il, basé sur la ressemblance de certains animaux avec les maladies ou difformités possibles.

    Chez les trois groupes étudiés, les interdits liés aux femmes enceintes sont très similaires. En plus de ceux interdits aux femmes en général, lorsqu'elles sont enceintes, elles ne peuvent plus manger de nombreuses espèces. Les animaux les plus communément cités sont : l'Antilope de Bates (épilepsie) ; le Céphalophe à ventre blanc (épilepsie, asthme) ; la Tortue (amaigrissement de l'enfant) ; le Cercopithèque pogonias (l'enfant aura une forte toux) ; le Colobe guereza (l'enfant n'aura que 4 doigts) ; le Chevrotin aquatique (l'enfant aura toujours les fesses rouges et ouvertes) ; le Pangolin commun (l'enfant va se recroqueviller dans le ventre comme l'animal et ne pourra pas sortir).

    Quand la femme est enceinte, elle ne peut pas non plus manger un animal femelle gravide, car sinon elle risque une fausse couche.

    Mais beaucoup de ces interdits sont en voie de disparition, car de moins en moins respectés par les nouvelles générations.

    « Avant, la tradition était supportée par les hommes. Mais, aujourd'hui, les jeunes femmes mangent tout et il ne se passe rien. Il n'y a plus d'interdit sauf Ngoye. »

    Vieille femme, Ntsiété

    I.4.2 Les enfants non circoncis 

    Les jeunes garçons non circoncis ont quelques interdits alimentaires :

    - Les queues de singe pour éviter que leur sexe ait une érection lors de la circoncision.

    - Le poisson électrique Ihidji, pour éviter d'avoir trop de sperme à l'âge adulte.

    - La liane ou rotin53(*) (Ancistrophilum) Kandji, pour éviter que le prépuce repousse après la circoncision.

    - La purée de maïs, pour ne pas avoir trop de sperme à l'âge adulte.

    II Rupture d'interdits

    Les interdits étant très nombreux, il existe un moyen de les contourner sans trop de danger. Lorsque l'on mange un animal susceptible d'être touché d'interdits, on en garde une partie qui servira de médicament si le besoin s'en fait sentir. Par exemple, si la mère ou le père a mangé le singe pogonias (pondé) pendant la grossesse, il/elle gardera le crâne pour soigner l'enfant en cas de crise de toux sévère.

    Les partis des animaux que l'on garde sont les os, les poils, les peaux, les becs, les griffes. En règle générale, on va prendre la partie de l'animal que l'on a gardé, on la brûle puis on la mélange avec des plantes de brousse et de l'huile d'amande. On frotte le tout sur le patient malade à des endroits du corps qui dépendent de la maladie.

    Un certain nombre d'interdits prennent fin quand l'homme et la femme sont trop âgés et ne sont plus considérés comme des « reproducteurs », c'est le cas, par exemple de Zibo et Zombé.

    Pour conclure ce chapitre, nous pouvons dire que les interdits alimentaires chez les Bakota suivent diverses règles qui sont différemment suivies selon l'âge, le sexe et le lieu de résidence. De plus, si ces interdits étaient autrefois très nombreux et, selon les informateurs, intégralement respectés, ils sont, à l'heure actuelle, en voie de disparition.

    « Autrefois, les interdits étaient strictes. Les femmes ne mangeaient pas le sanglier, pas d'antilope rouge etc. Les hommes leur interdisaient tout ce qui était bon. Mais aujourd'hui, elles mangent. »

    Vieux, Nstiété

    « Les jeunes ne s'intéressent plus à ces interdits. Ils disent que c'est les problèmes d'autrefois. C'est presque une révolution ! Mais au niveau des villages, ça tient encore... »

    Vieux, Makokou

    De plus, bien que la Panthère soit une sorte de symbole pour tous les Bakota et qu'elle soit très peu consommée par peur de la gale et de la lèpre, elle n'est pourtant pas formellement interdite à la consommation pour tous, mais seulement pour les personnes possédant l'animal en eux ainsi que pour les jumeaux et leur famille.

    Tableau 10  : Récapitulatif sur les interdits alimentaires

    Animaux

    Femmes

    Femme enceinte

    Femme
    Allaitante

    Non circoncis

    Famille de jumeaux

    H/F Panthère

    Antilope de Bates

    X

    épilepsie

    épilepsie

     
     
     

    Bongo

     

    L'enfant risque d'avoir les mêmes marques sur le corps que l'animal

     
     

    Risque de mort

     

    Céphalophe à dos jaune

    La femme ne plaira plus aux hommes

    X

    X

     
     
     

    Céphalophe à front noir

    Menstruation hémorragique

    X

    X

     
     
     

    Céphalophe à ventre blanc

     

    Risque d'avortement

    épilepsie

     
     
     

    Cercocèbe à collier blanc

     
     
     

    La queue : éviter l'érection avant la circoncision

     
     

    Cercopithèque de Brazza

     
     
     

    La queue : éviter l'érection avant la circoncision

     
     

    Cercopithèque pogonias

     

    L'enfant aura une toux aiguë

     

    La queue : éviter l'érection avant la circoncision

     
     

    Chat Doré

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Risque de mort de l'enfant

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau ou mort

    Chevrotain aquatique

     

    Les fesses de l'enfant resteront rouges et ouvertes

     
     
     
     

    Civette Africaine

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Risque de mort de l'enfant

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau ou mort

    Colobe guereza

    X

    L'enfant aura 4 doigts

    X

    La queue : éviter l'érection avant la circoncision

     
     

    Genette servaline

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Risque de mort de l'enfant

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau ou mort

    Genette tigrine

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Risque de mort de l'enfant

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau ou mort

    Hocheur

     
     
     

    La queue : éviter l'érection avant la circoncision

     
     

    Léopard

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Risque de mort de l'enfant

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau ou mort

    Animaux

    Femmes

    Femme enceinte

    Femme
    Allaitante

    Non circoncis

    Famille de jumeaux

    H/F Panthère

    Loutre à joue Blanche

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Donne la lèpre et la gale

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau

    Loutre du Congo

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Donne la lèpre et la gale

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau

    Mangouste à patte noire

    Donne la lèpre et la gale

     
     
     
     

    Maladies de peau

    Mangouste des marais

    Donne la lèpre et la gale

     
     
     
     

    Maladies de peau

    Mangouste rouge

    Donne la lèpre et la gale

     
     
     
     

    Maladies de peau

    Miopithèque de l'Ogooué

     

    L'enfant tombera malade

    L'enfant tombera malade

    La queue : éviter l'érection avant la circoncision

     
     

    Moustac

     
     
     

    La queue : éviter l'érection avant la circoncision

     
     

    Nandinie

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Risque de mort de l'enfant

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau ou mort

    Oryctérope

    Risque de mourir

    Dangereux pour l'enfant et la mère

    Dangereux pour l'enfant et la mère

     
     
     

    Pangolin commun

     

    L'enfant se repli e sur lui-même et ne peut pas sortir

     
     
     
     

    Pangolin géant

     

    L'enfant se repli e sur lui-même et ne peut pas sortir

     
     
     
     

    Poiane centrafricaine

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Risque de mort de l'enfant

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau ou mort

    Rat de Gambie

     

    L'enfant n'aura qu'une seule testicule de sortie

     
     
     
     

    Ratel

    Donne la lèpre et la gale

    Risque de mort de l'enfant

    Risque de mort de l'enfant

     

    Maladies de peau ou mort

    Maladies de peau ou mort

    Sitatunga

     

    L'enfant aura des problèmes de coups

     
     
     
     

    Tortue

     

    Enfant aura les membres courts

    L'enfant va beaucoup maigrir

     
     
     

    Varan

     

    L'enfant sera sourd

     
     
     
     

    Troisième Partie

    Analyse des données et Discussion

    Chapitre 1 : Conception et représentation de la faune sauvage

    Comment les Bakota voient, comprennent et expliquent le monde qui les entoure ? Contrairement aux peuples agriculteurs de l'Afrique de l'Ouest, les populations forestières sont quasi intégralement dépendantes des ressources naturelles de la forêt. Cette dernière est vu comme une «mère nourricière » indispensable pour leur alimentation, leur économie, leurs constructions et leurs cultures.

    Nous essayerons dans la partie qui suit de mieux comprendre la perception de la forêt, en particulier du monde animal chez les Bakota. L'analyse sera basée sur les quelques récits recueillis (dans leur totalité ou partiellement) lors de mes enquêtes de terrain et complétée par l'ensemble des données recueillies.

    I Ce que nous révèlent les contes

    Les contes ont comme principale fonction de délivrer un ou plutôt des messages sur la société qui les produits. Ici, l'animal à travers le conte, est utilisé comme agent de socialisation et joue un rôle dans l'éducation des jeunes. Car, « en Afrique comme ailleurs, les animaux des contes n'ont d'animal que le nom, les rapports qu'ils entretiennent sont ceux des hommes entres eux » (Paulme, 1974 : 569). En ce qui nous concerne, ils vont nous permettre d'avoir une idée sur :

    1) les représentations locales des animaux de la forêt,

    2) les connaissances empiriques sur ces animaux,

    3) leur classification locale et

    4) sur les évènements importants de la vie quotidienne ainsi que l'étique sociale.

    I.1 Représentations des animaux sauvages

    I.1.1 Le Statut de L'animal

    L'animal vu en tant que gibier

    L'animal est avant tout vu comme de la nourriture. D'ailleurs, dans les langues bantoues, on utilise le même terme nyama pour désigner la faune sauvage et la viande. Vanwijnsberghe (1996) nous démontre ceci à travers les comportements des chasseurs nord congolais face à leur proie. Ces derniers n'éprouvent aucun sentiment de compassion pour leurs victimes, leur brisant même les quatre membres (alors que l'animal est encore vivant) afin qu'il ne puisse se sauver et que sa chair reste fraîche jusqu'au village. Il en est de même pour les chasseurs Bakota.

    Cette vision strictement alimentaire de l'animal se retrouve dans le comportement de la Panthère, animal de référence pour tous les Bakota. En effet, tout comme le chasseur Bakota, la Panthère use de tous les stratagèmes et ruses possibles et imaginables pour capturer ses proies (conte n°6). Pas de sentiment, pas de pitié, juste de la viande, nécessaire à la survie.

    L'animal vu comme moyen d'acquérir un statut

    Autrefois, la panthère était le symbole des chefs et des grands guerriers. Pour prouver leur bravoure et leurs capacités à la chasse, les hommes faisaient des colliers avec les dents de l'animal qu'ils accrochaient à leur cou. Plus on avait de dents et plus on était respecté.

    En règle générale, les animaux qui font « front » quant ils sont attaqués donnent un statut particulier aux chasseurs qui osent les affronter. C'est le cas pour le Gorille, le Buffle, l'Eléphant et dans une moindre mesure pour la Panthère, qui n'a plus aujourd'hui la même importance qu'autrefois.

    Les animaux protégés

    Il n'y a pas chez les Bakota, de « protection », au sens occidental du terme, pour certaines espèces animales. Tous me répondaient : « Nous, avant, on n'avait pas de restriction pour la chasse, on pouvait tout chasser, même les femelles et les petits. Aujourd'hui, ce sont les Eaux et Forêts qui nous interdisent ».

    La « protection » ou l'interdit de chasse est soit le résultat d'un choix individuel  (certains chasseurs refusant par exemple de tuer et manger les chimpanzés ou les gorilles car leurs ressemblances physiques est trop proche de la notre) ; soit car l'animal est lié à la famille ou au clan comme nous l'avons vu dans le chapitre sur les interdits alimentaires.

    I.1.2 Les nuisibles et les dangereux

    De nos jours les plantations sont proches des villages contrairement à une époque plus ancienne où elles se trouvaient plus en brousse. Aussi, les attaques des plantations par les animaux sont moins fréquentes qu'auparavant, car ils fuient la pression anthropique (chasse et déboisement). C'est le cas du Potamochère, du Mandrill (qui n'est pas présent sur tout le territoire Bakota) et du Bongo. Pour les mêmes raisons, la Panthère et le Chat doré n'attaquent plus les animaux domestiques, n'étant plus guère présents autour des zones habitées.

    Par contre, l'animal qui reste toujours redoutable pour les plantations est l'Eléphant. En effet, à certaines périodes de l'année, les éléphants pénètrent dans les plantations et saccagent absolument tout, réduisant à néant les récoltes de l'année. C'est un gros problème pour les populations de toute la région qui, malgré l'interdiction de chasse officielle54(*), n'hésitent pas à abattre ceux qui pénètrent dans leurs plantations. Lors de mes séjours dans les villages, il est arrivé à deux reprises qu'un chasseur abatte un éléphant à proximité du village (sur la route d'Okondja). Dans ces cas là, toutes les familles du village se partagent la viande, chacun allant dépecer un morceau de la carcasse et ceci peu durer plusieurs jours.

    Quant aux animaux dangereux pour les Hommes, les Bakota établissent des différenciations selon le comportement agressif de l'animal :

    - Les éléphants sont beaucoup plus agressifs lorsqu'il s'agit de femelles avec leurs petits. Comme ils s'approchent des villages et détruisent les plantations, ils sont également un danger pour les femmes et les enfants ;

    - La Panthère n'attaque que lorsqu'elle est affamée, mais la plupart du temps elle reste discrète55(*) ;

    - Le Gorille est considéré comme étant plus imprévisible. L'agressivité du mâle augmente si le groupe de femelles avec leurs petits est proche ;

    - Les potamochères sont assez craints par les chasseurs car ils se déplacent en troupeaux de plusieurs dizaines d'individus, ils courent vite et les défenses des mâles sont redoutables ;

    - Le Buffle est l'un des animaux les plus dangereux et imprévisible, car il sait se montrer discret avant d'attaquer. Les chasseurs le craignent fortement ;

    - Le Ratel est considéré comme un animal très méchant, dangereux et agressif, encore plus que la Panthère56(*). Tous mes interlocuteurs m'on raconté la même histoire sur cet animal : Si une plante ou un arbuste le touche lors de sa progression en forêt, il va continuer son chemin sur environ 5 km puis il va faire demi-tour revenir à l'arbuste et l'arracher. Mais il est extrêmement rare pour un chasseur de le croiser en forêt, il peut se passer plusieurs années entre chaque rencontre.

    - La Vipère est fortement crainte car elle se confond dans les feuillages au sol et le chasseur peut facilement marcher dessus. Son venin est mortel et foudroyant.

    Tableau 11 : Liste des animaux nuisibles ou dangereux

    Animaux

    Nuisibles pour

    Athérure

    Plantation

    Aulacode

    Plantation

    Pangolin commun

    Plantation

    Potamochère

    Plantation ; Hommes

    Eléphant

    Plantation ; Hommes

    Rat de Gambie

    Plantation

    Mandrill

    Plantation

    Céphalophe bleu

    Animaux domestiques57(*) (poules)

    Céphalophe bai

    Plantation

    Sitatunga

    Plantation (feuilles de manioc)

    Bongo

    Plantation

    Buffle

    Hommes (en forêt)

    Civette

    Animaux domestiques (poules)

    Genette

    Animaux domestiques (poules)

    Nandinie

    Animaux domestiques (poules)

    Mangouste rouge

    Animaux domestiques (poules)

    Chat doré

    Animaux domestiques (poules)

    Panthère

    Animaux domestiques (poules, chiens, cabris) ; hommes (en forêt)

    Ratel

    Hommes (en forêt)

    Gorille

    Hommes (en forêt)

    Mamba noir

    Animaux domestiques (oeufs, poules)

    Python

    Hommes (en forêt)

    Vipère

    Hommes (en forêt)

    I.1.3 Les animaux dotés d'un pouvoir magique 

    Comme dans de nombreux peuples du monde entier, la nuit est source de dangers, de craintes car c'est là que les Esprits, les « vampireux » et autrefois les hommes-panthères sortent pour faire du mal.

    Les animaux qui ont des pouvoirs magiques sont donc, dans la plupart des cas, des animaux nocturnes qui sont souvent liés aux sorciers. C'est le cas du Hibou et du Daman des arbres. Pour le Hibou, il est dit que les vampireux se métamorphosent le plus souvent en cet animal pour se déplacer la nuit quant au Daman, les boules ou caillots que l'on trouve dans l'estomac portent le nom de izanga qui signifie « vampire » en Kota et qui sont utilisées dans la sorcellerie.

    Parmi les animaux nocturnes, le plus utilisé est, comme nous l'avons déjà vu, la Genette servaline. Son pouvoir est le plus puissant d'entre tous car elle a plusieurs fonctions : Elle protège des mauvais sorts et les soigne, elle calme, contrôle et soigne les vampireux et les hommes-panthères et enfin, elle guide les initiés dans le monde des Ancêtres.

    Pour les autres animaux, diurnes cette fois, nous pouvons mettre à part le Bongo et la Tortue. Pour le Bongo, il est utilisé dans la protection des jumeaux qui sont très valorisés dans la société Bakota. Il s'agit d'un animal possédant des attributs magiques spécifiques. L'un de mes interlocuteurs Ikota, m'a informé que cet animal était une sorte de diable de la forêt car il pouvait s'y transformer en homme. Malheureusement, aucune explication plus détaillée ne m'a été donnée. Dans son étude sur la chasse villageoise autour du parc d'Odzala au nord-Congo (1996), Vanwijnsberghe nous informe que pour les habitants de cette région, dont certains sont Bakota, le Bongo est, ici aussi, l'objet de croyances particulières car il est considéré comme un animal possédant un grand pouvoir de sorcellerie. Certaines parties de son corps sont également utilisées par les sorciers dans leurs pratiques « magiques ». Nous pouvons donc supposer qu'il en est de même chez les Bakota du Nord-Est Gabon.

    Quant à la Tortue (uniquement les tortues terrestres que l'on trouve en forêt) , elle est également utilisée pour se protéger des mauvais sorts et elle est synonyme de longévité.

    I.1.4 Ambivalence des caractéristiques

    A travers les contes, on se rend compte de l'ambivalence des caractéristiques de certains animaux de la forêt. Prenons l'exemple de la Tortue et de la Panthère, animaux les plus emblématiques et les plus cités dans les contes.

    Dans presque tous les contes africains d'animaux figure un personnage qui se définit par son mode d'action : la ruse. Tablant sur des défauts de caractère qu'il connaît bien (stupidité, gourmandise, vanité, lâcheté), il tournera en ridicule un adversaire qui eût dû l'écraser facilement, car lui-même est une créature insignifiante, apparemment la plus faible de toutes (Paulme, 1974). Ce personnage, appelé Décepteur, est, en ce qui nous concerne, la Tortue, quant à son adversaire désabusé, il s'agit de la Panthère.

    Commençons par la Panthère : elle est réputée pour ses capacités de bonne chasseuse (conte n° 3), pourtant, parfois d'autres animaux, supposés moins doués qu'elle, arrivent à la mettre en défaut (conte n°2), ce qui éveille sa jalousie. La Panthère est généralement la métaphore du chef puissant et jeune qui abuse de son pouvoir et de sa force physique. Elle est prête à tout pour satisfaire sa faim de viande, y compris à élaborer des stratagèmes très complexes (conte n°6). Pourtant, c'est cette même gourmandise qui la trahie le plus souvent (conte n°7).

    Quant à la Tortue, elle est le plus souvent décrite comme l'animal de la sagesse et de l'intelligence (conte n°1 et 5) qui arrive à déjouer les pièges de la Panthère (conte n°7). Elle est généralement l'allier des autres animaux de la forêt qui la respectent ; en ce point, elle est la métaphore de l'ancien. Pourtant, dans d'autres contes, que je n'ai pas retranscrit ici, elle peut être fourbe, user de son intelligence et de sa place « sociale » au sein du monde animal anthropisé, pour son profit au détriment des autres animaux. En effet, dans un conte, elle joue la comédie afin de duper et de tuer tous les animaux de la forêt ; dans un autre, elle manipule et utilise le Chat doré afin d'avoir les faveurs de la femme qu'ils convoitent tout les deux.

    Nous pouvons conclure, qu'il n'y a donc pas de réelle bipolarité distincte entre le bien et le mal dans la culture Kota contrairement à la vision Chrétienne du monde. Chaque être n'est ni totalement bon, ni totalement mauvais ; il peut être à la fois trompeur et trompé, intelligent et sot, selon qu'il sache ou non dominer ses instincts, modérer son appétit insatiable, partager avec autrui, rendre servir, prévoir (Paulme, 1974). Cette ambivalence se retrouve chez les esprits et chez les hommes-panthères.

    Le tableau qui suit est une synthèse des données recueillies (entretiens + contes), lors de l'enquête de terrain, sur les caractéristiques éthologiques et symboliques attribuées à certains animaux de la forêt par la population Bakota.

    Tableau 12 : Synthèse sur les caractéristiques des animaux sauvages

    Animaux

    Caractéristiques

    Chasse

    Eléphant

    Haute hiérarchie, roi de la forêt, force

    Difficile

    Tortue

    Sagesse, intelligence, malice

    Facile

    Panthère

    Puissance, force, brutalité, souplesse, agilité, bonne aptitude à la chasse ; gourmandise

    Difficile

    Ratel

    Dangereux, féroce, têtu

    Difficile (rare et dangereux)

    Céphalophe bleu

    Malice et intelligence

    Facile

    Buffle

    Roi des animaux à sabot

    Difficile

    Python

    Roi des serpents

    ?

    Aigle

    Roi des oiseaux

    ?

    Crocodile

    Roi des reptiles

    Relativement facile

    Bongo

    Beauté

    Facile mais devient rare

    I.2 Connaissances empiriques sur la faune

    L'observation de la faune joue un rôle fondamental dans la tradition africaine. D'une façon globale, les Bakota ont de bonnes connaissances empiriques sur la faune sauvage qui les entoure. Ces connaissances sont acquises tout au long de la vie à travers l'apprentissage (fréquentation de la forêt et des plantations) mais aussi grâce aux contes. Ces derniers peuvent fournir des éléments sur les comportements et l'alimentation des animaux.

    Dans le conte n°4, par exemple, on trouve quelques renseignements sur une partie de l'alimentation des animaux cités : l'Eléphant aime les fruits du moabi (baillonella toxisperma) ; le Céphalophe de Peters a un faible pour les atangas ; le Chat doré pour le charbon de bois ; la Nandinie et la Genette aiment les bananes et pour la Tortue et le Céphalophe bleu se sont les champignons. En se renseignant, on se rend compte que ces données sont correctes même pour la Nandinie et la Genette58(*), que l'on classe dans les carnivores, mais qui sont en vérité plus ou moins omnivores, car elles mangent aussi des fruits.

    Beaucoup de contes mettent en scène la Panthère souvent reconnue pour ses qualités de chasseuses (conte n°3), son goût prononcé pour la viande et plus particulièrement pour le gros gibier.

    A travers les contes, les populations essayent également de s'expliquer le monde et son organisation. En ce qui concerne la faune sauvage, on apprend la conception locale des regroupements ou des séparations d'espèces, pourquoi un tel vit dans les arbres et un autre, qui lui ressemble, au sol etc. C'est le cas notamment de la Panthère et de la Genette dans le conte n°2 qui explique pourquoi la Panthère vit au sol et que de tant en tant elle monte aux arbres, là où la genette vit la majeure partie de son temps. Dans d'autres contes (que je n'ai pas retranscrit) on apprend pourquoi le Gorille ne vit plus en bande avec le Chimpanzé ou pourquoi la Mangouste des marais vit près de l'eau et ne mange que du poisson et non pas de la viande. Bien sur, ce qui importe dans ces récits ce n'est pas seulement l'explication imagée donnée mais l'information finale qui s'en échappe.

    Pour ma part, lors de mes entretiens, j'ai posé quelques questions sur les connaissances empiriques que les hommes Bakota pouvaient avoir sur les animaux tachetés. Il est clair que, contrairement à la majorité des populations ouest-africaines, celles des forêts tropicales ont des connaissances plus approfondies sur la faune. Ceci s'explique sans doute par le fait que la faune est encore très présente dans cette zone tropicale du bassin du Congo. De plus, en Afrique de l'Ouest les chasseurs faisaient partis d'une caste spécifique très fermée qui empêchait que les savoirs empiriques sur la faune soient partagés par l'ensemble de la communauté.

    La plupart des hommes Bakota connaissent l'alimentation des animaux tachetés59(*), leur comportement nocturne et solitaire, les lieux où ils dorment et le nombre approximatif de bébés par portée. Ils ne savent pas les périodes de mise bas, mais ceci s'explique par le fait que dans les régions tropicales, il n'y a pas réellement de saison spécifique pour les amours, contrairement aux régions tempérées. La plupart des mammifères peuvent donc mettre bas tout au long de l'année.

    Si le caractère solitaire est connu des hommes Bakota, il se concentre sur les périodes de chasse de ces animaux. En effet, pour eux, la femelle et le mâle chassent chacun de leur côté, mais le soir, ils se retrouvent dans leur « logis » avec les enfants, or, ce n'est pas le cas dans la nature. Je pense, hormis le fait que ces animaux soient toujours en couple dans la tradition orale, qu'il s'agit là d'une vision sociale du mariage et du célibat dans la société Bakota, plus qu'une croyance en ces contes. Le célibat chez les hommes (encore plus que chez les femmes) est très mal vu et assez mal vécu, d'autant plus que ce phénomène s'accentue à cause de la flambée des coûts de la dot. Il est donc inconcevable pour eux qu'un homme puisse vivre sans femme et ceci même dans le règne animal.

    Enfin, les connaissances sur le monde qui entoure l'Homme peuvent être acquises par l'étude de l'univers animal. Ainsi, l'animal peut être l'intermédiaire entre l'Homme et la nature. Beaucoup de peuples africains ont en effet appris depuis longtemps à utiliser la faune comme source d'informations sur leur environnement. Les oiseaux sont notamment beaucoup utilisés de cette manière. Chez les Boran du nord Kenya, les cris aigus du pique-boeuf signifient qu'un gros animal est proche, quant à l'oiseau indicateur, il est un signe infaillible pour qui veut trouver du miel (Isack cité par Chardonnet et al, 1995). Chez nos Bakota, l'arrivée des cigognes60(*) annonce le début de la petite saison sèche qui précède la grande saison des pluies. Une étude plus approfondie sur ce thème serait fort intéressante, en particulier dans le domaine de la chasse.

    I.3 Classification locale de la faune sauvage

    Bien que la classification des animaux chez les Bakota ressemble à la classification occidentale linnéenne, elle n'est pas basée sur les mêmes critères. La première est essentiellement basée sur les ressemblances physiques et comportementales, ce dernier critère ne rentrant pas dans la seconde classification. Comme pour le reste, on retrouve des éléments d'explication de cette classification, dans certains contes. Je tiens à préciser que la classification qui suit n'est pas exhaustive.

    · Les animaux carnivores à griffes 

    La plupart des carnivores sont regroupés ensembles et ils font tous partie de la famille de la Panthère. Leurs caractéristiques en commun sont les griffes (critère de base) et leur alimentation à base de viande, même si les fruits et le miel interviennent parfois. Les animaux à la robe tachetée sont considérés comme étant les frères de Ngoye la Panthère, les autres étant leurs cousins.

    Famille de Ngoye : la Panthère ; les genettes servaline et tigrine ; la Poiane centrafricaine ; la Civette ; le Chat doré ; la Nandinie ; le Ratel ; les mangoustes et les loutres.

    Seule la mangouste des marais61(*) a une place à part dans cette famille, tout en en faisant partie, car elle reste près de l'eau et mange du poisson et non de la viande. Cette séparation est expliquée dans un conte.

    · Les animaux à main 

    Les singes sont tous regroupés ensembles car ils se ressemblent et ont tous des mains. Les Bakota les distinguent quand même en deux sous-groupes : le premier est celui des singes qui vivent dans les arbres avec une queue, il s'agit de la Famille de Kaku qui comprend le Hocheur ; le Mangabey à joues grises ; le Cercopithèque de Brazza ; le Cercopithèque pogonias ; le Moustac ; le Colobe guereza ; le Colobe noir62(*) ; le Miopithèque de l'Ogooué ; le second regroupe les singes vivant principalement au sol et qui ne possèdent pas de queue, il s'agit de la Famille de Djia avec le Gorille, le Chimpanzé ; le Mandrill.

    Je tiens également à signaler que certains de mes interlocuteurs m'ont parlé d'un petit singe Maïko qui se déplacerait toujours avec les chimpanzés mais je n'ai pas pu l'identifier.

    Les Galagos et les Pottos sont regroupés dans la même famille. Je n'ai pas pu identifier tous les galagos présents dans la région, mais selon mes notes, les animaux appartenant à cette famille sont : le Potto de Bosman ; les galagos de Garnett, d'Allen et mignon du sud.

    · Les animaux à sabot 

    Les petites antilopes sont regroupées dans deux familles : la Famille de Zibo avec le Céphalophe à dos jaune, le Céphalophe bai, le Céphalophe de Peters, le Céphalophe à ventre blanc, le Céphalophe à front noir et le Sitatunga ; et la Famille de Héli avec le Céphalophe bleu et l'Antilope de Bates. Les herbivores de gros port avec des cornes font partie de la Famille d'Ezona avec le Bongo et le Buffle. Une dernière famille est la Famille Ekundé avec l'Oryctérope, le Potamochère et l'Hylochère (se sont tous des fouisseurs).

    · Les pachydermes 

    Les Bakota regroupent ensemble l'Eléphant et l'Hippopotame (qu'ils nomment éléphant de rivière), dans la famille de Zoku. Ceci est dû à la grosseur de ces animaux qui ont une peau épaisse et des empreintes semblables.

    · Les reptiles 

    Chez les reptiles ont a deux familles : la Famille de Ntotché avec le Crocodile nain ; le Crocidure ; le Faux gavial et le Varan ; et la Famille des Tadji (pl. Batadji) qui regroupe tous les serpents dont les plus connus sont  le Mamba noir ; le Mamba vert ; la Vipère du Gabon et le Python.

    Les autres grandes familles d'animaux sont celles des Oiseaux Bonodji dont le chef est l'Aigle mbéla ; des chauves-souris indémé et des écureuils dont les plus communs sont l'Ecureuil nain bwandamwéli et les finisciures rayés hendé et à pattes rouge éboko.

    Il existe aussi des animaux qui ne rentrent pas dans une catégorie spécifique soit parce qu'ils peuvent vivre dans des milieux différents, soit parce qu'ils ont des caractéristiques de plusieurs catégories. C'est le cas pour la Tortue, à la fois terrestre et aquatique, du Pangolin qui a des griffes (aux pattes avant mais pas aux pattes arrières) sans être un carnivore et aussi du Daman des arbres qui vit dans les arbres sans avoir de queue, ni de main.

    Nous pouvons conclure de cette classification que les Bakota organisent le monde dans lequel ils vivent en basant leur logique classificatoire sur des connaissances approfondies des qualités biologiques et comportementales des animaux.

    I.4 Vie Quotidienne et éthique sociale

    I.4.1 Evènements importants dans la vie d'un Bakota

    La mise en situation des contes met en valeur les pratiques et les évènements importants dans la vie du Bakota. C'est pourquoi, la majorité des contes se déroulent :  

    1) lors d'une partie de chasse collective au filet, au campement ou au piége (contes n° 1, 2 , 3) 

    2) lors de partie de pêche (conte n°7)

    3) lors d'un mariage ou plus exactement lors de la dot de la future mariée (conte n°6) 

    4) lors d'une naissance (conte n°1) 

    5) lors des circoncisions (conte n°5)

    Nous remarquons que tous ces contes se situent dans un contexte traditionnel, où la modernité est absente. Nous pouvons aussi dire que les contes, et sans doute toute la littérature orale, sont à la fois vecteur mais aussi mémoire de traditions qui ont à l'heure actuelle disparu. C'est le cas par exemple de la chasse aux filets, les pièges à fosse ou encore les dots où la viande de brousse a été remplacée par l'argent.

    I.4.2 L'éthique sociale

    Les contes, comme les proverbes, sont vecteur d'une morale socialement admise par l'ensemble de la société. Comme me le disait un vieux Mahongwé de Zadindoué, « Les contes sont des enseignements qui nous disent comment nous comporter », que cela soit lors de la vie quotidienne ou lors d'événements particuliers. Ils nous permettent de mieux comprendre les problèmes que la société et la vie posent aux membres de la communauté qui les produits. Les solutions proposées à ces problèmes sont soumises au jugement des membres du clan, jugement de la société sur elle-même. Ainsi « les contes sont des témoins de l'intérieur, non des observateurs étrangers » (Lacoste-Dujardin, cité par Chardonnet et al, 1995).

    Je ne vais pas m'appesantir sur ce sujet, qui n'est pas l'objet central de ma recherche. J'ai tout de même souhaité mettre en avant la notion de partage qui semble être très importante pour les Bakota, car elle se retrouve dans à peu près tous les contes. En effet, nous voyons que dans les contes n° 1, 2, 3 et 6 le fait de ne pas partager le gibier chassé est stigmatisé. Il est mal vu qu'un chasseur chanceux ne partage pas ses proies avec les autres membres de sa communauté.

    Ceci est assez commun dans les sociétés forestières où l'égalité entre ses membres est maintenue principalement par le « nivellement » : qui cherche à changer de statut, à profiter d'une position de dominance politique ou sociale, ou à vouloir s'enrichir au détriment des autres membres de sa communauté, est très rapidement ramené, par le groupe, à un comportement plus modeste, par la critique, l'ostracisme, voire la sorcellerie.

    Chez les Baka du Sud-Est Cameroun, Christian Leclerc (2001) explique aussi cette notion de partage à travers l'étude des contes et des mythes de cette ethnie. On y découvre une ambivalente duplicité chez les Esprits qui peuplent la forêt, notamment Kosè, esprits d'approvisionnement mais aussi esprit du sorcier à l'origine de la jalousie. Kosè veut que tous soient égaux, c'est-à-dire que les ressources dont il permet l'accès soient partagées entre tous, et il n'est satisfait que lorsque toute la communauté dispose de nourriture, sans quoi la jalousie survient (Leclerc, 2001 : 295).

    Je n'ai pas connaissance d'un Esprit tel que Kosè chez les Bakota. Par contre, il existe bien le « sorcier jaloux » mais qui, là, est un homme et non un Esprit. En fait, il s'agit de sorciers malfaisants et jaloux possédant donc de bonnes connaissances en sorcellerie et qui ont le pouvoir de se métamorphoser en n'importe quel animal pour attaquer ses victimes en pleine nuit. Les Bakota nomment ces sorciers, que personne ne connaît, les « Vampireux » et c'est sur eux (ou en tout cas la peur qu'ils suscitent) que repose l'équilibre social du groupe, car bien que tous les craignent, ils sont les garants de l'équité sociale entre tous les villageois.

    II Place à part des animaux tachetés

    II.1 Le Symbolisme du Ngoye

    Le test du Ngoye n'est pas une initiation à proprement parler, au sens habituel du mot (révélation, au sein d'un groupe, d'un corpus de connaissances ésotériques par l'intermédiaire de rites de passage) car la seule connaissance que le candidat acquiert, est la réalité de sa propre personne. Il s'agit donc d'une initiation personnelle et non plus sociale : il n'y a pas de confrérie organisée d'hommes-panthères, il n'y a que des hommes-panthères isolés les uns des autres, sans aucun lien confessionnel ou sociologique. Les hommes-panthères Bakota sont donc différents de ceux que l'on retrouve dans d'autres ethnies du Gabon où là, les hommes font partis d'une société secrète qui, autrefois, commettaient des crimes rituels sous le couvert d'un déguisement. Chez les Bakota, la seule fonction sociale ou communautaire qu'ont ces individus intervient pendant la cérémonie de circoncision, lors du test du Ngoye. En effet, si le test est positif, les hommes-panthères sont indispensables car se sont les seuls à pouvoir contrôler le candidat (Perrois, 1968).

    La Panthère est une force difficilement contrôlable qui est particulièrement pénalisante pour les femmes. En effet, le Ngoye n'est pas l'apanage des seuls hommes, les femmes peuvent également l'avoir en elles. Il n'existe pas de test comme pour les hommes, mais les symptômes sont connus : nombreuses fausses couches ; enfant mort-né ; comportement excentrique ou brutal, gros appétit sexuel, capacité à attraper beaucoup de gros poissons.

    Il est formellement interdit à un homme-panthère d'épouser une femme qui possède elle aussi la Panthère car il y a de fort risque que la discorde règne dans le couple et que leurs enfants soient en danger.

    Le féticheur Zoaka Pascal a bien essayé de lutter contre le Ngoye mais en pure perte, car nous sommes en présence d'une conception fondamentale de la nature ontologique de l'homme. Pour le Bakota, il ne s'agit pas d'une croyance mystique mais d'une réalité vécue. Le Ngoye fait partit de la nature de l'homme, son essence. Aussi, on ne supprime pas plus le Ngoye que le corps ou la pensée. C'est une donnée que l'on subit et que l'on assume sans rien y pouvoir. L'homme est un composé qui comprend le corps, le coeur et l'esprit, cela pour tous les individus et seuls, quelques privilégiés, se partagent la force vitale du Ngoye mais sans que cela ne les rendent pour autant solidaires.

    Autrefois, les hommes-panthères pouvaient se métamorphoser pour chasser en forêt ou tuer personnes et animaux domestiques au village. La transformation se passait pendant la nuit, le corps dans sa forme humaine restait à dormir tandis que la Panthère sortait du coeur et ne revenait qu'à l'aube, sans que personne ne s'en aperçoive. Mais ces métamorphoses pouvaient être dangereuses car le double en forêt a toutes les qualités mais aussi les faiblesses de la vrai Panthère : si elle se blesse, s'en est fini de l'homme qui dort dans sa case.

    Le culte de « Mademoiselle » de Zoaka a tout de même réussi à amoindrir la force de la Panthère et par ricochet celle de l'ensemble des Bakota.

    Les anciennes croyances, comme le culte des ancêtres, ont depuis disparus et avec elles leurs spécialistes. Quand la Panthère sort du corps, elle ne doit pas rester dehors trop longtemps sinon le « propriétaire » risque de mourir. Mais, pour que la Panthère revienne, il faut la connaissance et les médicaments de guérisseurs particuliers qui sont devenus très rares. Tout ceci, rend le Ngoye encore moins contrôlable qu'avant.

    « Aujourd'hui, on n'a plus assez de guérisseurs. On leur donne donc (aux candidats dont le test est positif) beaucoup de médicaments pour pas que leur panthère sorte. Mais on laisse toujours un peu (de force à la panthère) pour qu'ils puissent se sauver en cas de danger. »

    Il est également à noter que les hommes-panthères de chaque clan ont un pelage différent et reconnaissable par les initiés. On voit par là que le Ngoye est moins lié à une confrérie initiatique qu'à la famille et au clan. Pour expliquer ceci, il faut remonter aux origines du pacte scellé entre les Bakota et la Panthère, c'est à dire, au temps des guerres tribales. Car, en dehors des conflits intertribaux, il y avait souvent de sérieux palabres entre villages ou entre clans, surtout au sujet des femmes. Le non payement de la dot et l'adultère étaient les causes les plus courantes de vendettas familiales (Perrois, 1968). Nous pouvons donc faire l'hypothèse que les différences de taches pouvaient peut-être servir d' « emblème » à chaque clan.

    Le Ngoye se transmet principalement par hérédité, il y a donc des clans reconnus comme ayant la Panthère (les Bongoye par exemple) et d'autres où les membres ne l'ont pas. Pour ces derniers, le Ngoye peut s'obtenir par l'absorption d'un médicament spécial, mais il ne pourra pas être transmis par voies naturelles à la descendance.

    Il existe donc des différences visibles entre une « vrai » et une « fausse » Panthère. La Panthère de l'homme est généralement de petite taille avec une queue courte et un pelage sombre. Lorsqu'elle se fait tuer, ses poils se détachent rapidement et très facilement après la mort de l'animal. De plus, il est dit que les panthères des hommes rôdent plus souvent autour des villages alors que la « vrai » reste loin en forêt.

    La manifestation extérieure de la Panthère correspond à un dédoublement de la personnalité. La plupart du temps ce phénomène est inconscient et ne conduit qu'à des rêves sans conséquences pathologiques sérieuses. Mais, quand ce rêve est suivi de la découverte d'un cadavre de Panthère avec la désignation du clan auquel il appartient, le dédoublement persiste consciemment et conduit à la mort à plus ou moins brève échéance. Ce qui nous amène à penser que la réalité du Ngoye est psychologique et ses manifestations relèvent du domaine de la psychiatrie. C'est pourquoi le symbolisme du Ngoye ne peut être élucidé du seul point de vu de l'ethnologue. Selon Louis Perrois, « il y a là quelque chose qui nous échappe, mais qui existe réellement et qui, lorsque l'on pourra le définir et l'expliquer, fournira la clef de la culture Bakota. » (Perrois, 1968 : 87).

    II.2 Le mysticisme de Hindji

    Contrairement à ce que l'on pouvait croire, la Genette servaline Hindji a un rôle magico-religieux beaucoup plus puissant que celui de la Panthère. En effet, cette dernière semble ne plus être utilisée dans les rituels et les cérémonies. Ceci peut s'expliquer en partie à travers les représentations que se fait la population locale Bakota sur cet animal. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, la Panthère a des qualités positives (bon chasseur, souplesse, puissance, beauté) mais également des caractéristiques plus négatives (gourmand, féroce, imprévisible).

    « Si nos parents avaient choisi Ngoye, le monde devait mourir car Ngoye est trop féroce. Donc ils ont choisi un autre animal qui ressemble à Ngoye. »

    Vieux Mahongwé, Bangadi.

    D'autres personnes donnent des explications beaucoup plus terre à terre expliquant que la Panthère étant dangereuse et difficile à trouver, les gens ont préféré utiliser la Genette plus commune, inoffensive et donc plus facile à chasser. De plus, lorsque l'on tue une Panthère, il y a toujours le doute de savoir s'il s'agit d'une vrai Panthère ou d'un homme métamorphosé. C'est sans doute toutes ces raisons réunies qui ont poussé les Bakota à utiliser les peaux de genettes plutôt que celles de panthères. Son utilisation peut également être un danger pour tout ceux et celles qui possèdent la Panthère en eux.

    La peau de Hindji est utilisée dans de nombreux rites et cérémonies Bakota : Membiri, Bwété, Mungala, la circoncision, pour soigner les vampireux et leurs victimes. Les « voyants » consultent ses taches qui, selon leurs formes, leurs couleurs, leurs grosseurs et leurs nombres vont avoir des significations différentes et permettre l'interprétation finale.

    Lors des danses, les peaux de la Genette sont utilisées comme cache sexe. Lors des initiations, on met les médicaments et le bois sacré (Iboga) sur la peau de la Genette, une autre peau est mise sur la tête du candidat afin de le guider et de le protéger dans son voyage dans l'autre monde.

    Cette omniprésence de la Genette en fait un animal absolument indispensable pour les Bakota. Elle est également utilisée dans beaucoup d'autres ethnies au Gabon toujours dans les rites et les cérémonies. J'ai assisté à des danses Kwélé dont la danseuse portait la peau de Genette en cache sexe par dessus le raphia et elle tenait à la main une autre peau enroulée autour d'une patte d'aigle.

    On retrouve l'utilisation de peaux de genettes dans à peu près tout le bassin du Congo. Au nord Congo, par exemple, Vanwijnsberghe (1996) a également fait la remarque que cette peau était celle qui était la plus utilisée car, selon la tradition, elle aurait des propriétés magiques. Ces utilisations sont tout à fait semblables à celles connues chez les Bakota que nous avons vu dans la partie précédente.

    Photos 6 et 7 : danseuses Kwélé

    Source : Marion Viano (2005) Source : Florence Mazzocchetti (2005)

    En fait, nous pouvons dire que les animaux au pelage tacheté ont une place à part dans la culture Bakota car ils sont encore utilisés lors des rites et des cérémonies, dont leurs présences est absolument indispensable.

    « On utilise encore tous les animaux tachetés faisant partie de la famille de la panthère. Se sont des animaux sacrés. » Vieux Ikota, Nstiété.

    Il n'en reste pas moins que c'est la Genette servaline qui a le plus de pouvoir et qui est la plus recherchée :

    « La force de hindji lors de la circoncision, c'est comme un bouclier pour protéger le circoncis pendant 24h. Toutes les forces des gabonais se retrouve dans le hindji. » Vieux Ikota, Makokou.

    Si cette peau vient à manquer, elle peut être remplacée par un autre animal tacheté de la même famille :

    « S'il manque hindji, on remplace par mbala, yobo, lobwa ou ilazi, mais il faut transformer ces peaux en hindji et leur donner sa force. Ils sont de la même famille, on peut donc utiliser ces peaux comme hindji, avec la même force. » Vieux Ikota, Makokou.

    Malheureusement, je n'ai pas pu déchiffrer le mystère de la Genette, ses pouvoirs, la signification des taches etc. La plupart des gens ordinaires ne connaissent pas non plus les raisons de cette utilisation quasi exclusive des peaux tachetées. Tout ce qu'ils savent c'est qu'elles ont un pourvoir magique particulier et très puissant. C'est pour cela, que je pense qu'il faudrait mener une étude spécifique et approfondie sur les danses et les temples de guérison diverses auprès des guérisseurs Nganga.

    III Unité des Bakota dans leurs relations à la faune sauvage

    Depuis le début de ce mémoire, nous avons toujours parlé des Bakota sans faire de distinction entre les différents sous-groupes Ikota, Mahongwé et Samaye étudiés. Si j'ai fait ce choix de ne pas constamment les distinguer, c'est que les données recueillies ont montré une relative homogénéité dans les relations que ces groupes entretiennent avec la faune sauvage qui les entoure. En effet, ces trois groupes ethniques partagent les mêmes croyances ainsi que les mêmes rites et cérémonies. Aussi, la grande majorité des animaux cités sont utilisés de la même façon avec les mêmes pouvoirs, quand ceux-ci en ont un. Les contes, proverbes et chants de la tradition orale sont quasiment identiques pour la plupart d'entres eux, et connus par ces trois ethnies. Il en va de même pour les interdits alimentaires où aucune variante significative n'a été remarquée. Enfin, la Panthère est, pour tous, l'animal symbole identitaire, la fierté du peuple Bakota, jusqu'à faire parti de l'identité profonde de certaines personnes. Aussi, on retrouve le test du Ngoye dans les cérémonies de circoncision de ces trois sous-groupes.

    Lorsque l'on examine les noms des animaux dans les trois dialectes, on se rend compte qu'ils sont soit identiques soit extrêmement proches63(*). La similitude est particulièrement pertinente entre Samaye et Mahongwé. Ces deux groupes sont en effet plus proches entres eux, qu'ils ne le sont avec les Ikota. Cette solidarité est le résultat des migrations anciennes dues aux guerres tribales car ils ont émigré ensemble pendant un moment avant de connaître les Ikota (Perrois, 1968, 1970).

    Cette unité fait que tous se réclament comme faisant parti du grand groupe Bakota. Mais, bien qu'il y ait homogénéité, cela ne veut pas dire que tous mes interlocuteurs m'ont répondu la même chose. En effet, selon le lieu de résidence (ville ou village), l'âge, le sexe, la présence ou non de certaines espèces animales dans la zone et les connaissances de chacun, les données changent, sans qu'il n'y ait de véritables liens avec l'appartenance ethnique. Il existe donc une hétérogénéité individuelle dans les savoirs et les connaissances de la tradition. Cette hétérogénéité est interne à chaque groupe et provoquée, sans doute pour une grande part, par les multiples changements apparus depuis la colonisation occidentale.

    Chapitre 2 : Les Bakota et la conservation

    Pour les Bakota, comme pour tous les peuples forestiers, les ressources naturelles de la forêt ainsi que celles tirées de l'agriculture sur brûlis sont à la base de leur survie. Tous les Bakota que j'ai rencontré, qu'ils soient Ikota, Mahongwé ou Samaye, m'ont dit la même chose, que la forêt était très importante pour eux car c'était grâce à elle qu'ils se nourrissaient et qu'ils se soignaient ; ils utilisent également ses ressources dans la construction mais aussi, dans leurs rites et leurs cérémonies.

    Hélas, de nombreux dangers pèsent sur cette forêt et ses ressources et, par ricochet, sur les populations forestières qui en dépendent. En effet, la situation depuis l'époque des guerres tribales a fortement évolué. Avec la colonisation française, puis l'instauration de l'Etat gabonais, toute l'organisation sociale des Bakota a été bouleversée du fait de l'instauration d'une hiérarchie bureaucratique et de la sédentarisation des villages tout au long des routes. La population a augmenté et le Gabon est rentré dans l'économie de marché internationale, créant de nouveaux besoins.

    De plus, comme nous l'avons expliqué dans l'introduction de ce mémoire, depuis la crise économique des années 80-90, la chasse commerciale ne cesse d'augmenter. Elle est stimulée par le taux de chômage des jeunes hommes très élevé et la forte demande urbaine en viande de brousse. Cette surexploitation provoque une diminution de la faune autour des centres urbains, ce qui pousse les chasseurs (professionnels ou traditionnels) à s'enfoncer de plus en plus loin en forêt pour trouver du gibier. Ce phénomène, qui fut concentré pendant un moment autour des grandes villes, se déplace désormais dans les régions plus reculées du pays et touche donc les zones de chasse villageoises. Par ailleurs, les zones isolées qui sont aussi celles où l'on a instauré les aires protégées, exercent un attrait puissant sur ces chasseurs.

    Tous ces changements ont fortement perturbé les rapports que les Bakota entretenaient avec leur milieu, et menace l'équilibre fragile et précaire qui s'était installé.

    Les stratagèmes actuels pour résoudre les problèmes d'environnement passent par l'intégration des populations locales aux divers projets de conservation et de développement durable. La «gestion participative» ou «cogestion des aires protégées» est une forme de partenariat permettant aux différents acteurs impliqués dans la sauvegarde de la nature de se partager les fonctions, les droits et les responsabilités à la gestion d'un territoire ou d'une gamme de ressources jouissant d'un statut de protection. Ce concept est né des échecs du passé sur la politique de conservation de la faune et de la flore des pays en voie de développement, basée sur la protection intégrale. Selon cette conception, la gestion des écosystèmes du bassin du Congo ne peut être durable que si elle se fait dans le cadre d'un partenariat impliquant toutes les parties prenantes, en particulier les populations locales afin qu'elles contribuent à la sauvegarde d'un environnement qui constitue aussi leur capital.

    Aussi, dans les lignes qui suivent, nous allons essayer de lister et d'analyser ce qui, dans ce mémoire, peut servir positivement à la conservation et d'identifier qu'elles peuvent en être les limites et les obstacles.

    I Gestion coutumière de la faune sauvage et ses limites

    La prise en compte des populations locales dans les projets doit passer par la connaissance et la mise en valeur des systèmes de gestion traditionnelle. Essayons donc de voir, ce qui, chez celle des Bakota peut être directement utilisable dans le cadre des aires protégées.

    I.1 Les Interdits alimentaires

    Les aspects symboliques de la consommation du gibier sont intéressants ; bien que leur influence sur la consommation de la viande de brousse soit relativement limitée, ils peuvent contribuer à sa consommation, comme ils peuvent aussi la limiter. Ce symbolisme, gouverné par un code strict de représentation « totémique » (objet naturel, spécialement des animaux, auxquels des familles ou des clans attribuent leurs origines, ou, en tout cas qui les lient à l'animal en question) et des « tabous » (interdits sociaux ou religieux), régularise traditionnellement la chasse en limitant le nombre de consommateurs potentiels (Angoue et al, 2000).

    Les interdits alimentaires peuvent donc être une source de restriction de la pression de chasse sur certaines espèces dans des lieux bien circoncis. De plus, parmi les espèces les plus communément concernées par les interdits, certaines sont sur la liste des animaux protégés du Gabon. C'est le cas, notamment, de la Panthère, de l'Oryctérope, du Bongo et du Chat doré, avec une mention spéciale pour l'Eléphant qui semble devenir interdit à la consommation pour la plupart des initiés.

    Toutefois, ces interdits alimentaires ne s'étendent pas forcément à l'interdit de chasse. En effet, le fait de ne pas pouvoir manger un animal, ne signifie pas qu'on ne puisse pas le tuer. L'appât du gain fait que si un chasseur a la possibilité d'abattre un animal qui lui est interdit à la consommation, il va tout de même saisir l'opportunité afin de revendre ou d'échanger la viande à d'autres qui peuvent la manger. Si l'on ajoute à cela la disparition progressive de ces interdits alimentaires, mise à jour par les enquêtes sur les préférences alimentaires, nous pouvons douter de la pertinence contemporaine de ce facteur pour les programmes de conservation.

    I.2 Mobilité de l'habitat et rotation des zones de chasse

    Une autre manière pour les villageois de réguler les espèces animales était la rotation des terrains de chasse. Tout comme la pratique de l'assolement après l'agriculture sur brûlis, les terrains de chasse épuisés étaient abandonnés pendant plusieurs années ce qui permettait aux animaux de revenir dans la zone et d'avoir le temps de se reproduire et d'augmenter leurs effectifs.

    L'abandon de ces zones de chasse pouvait aussi être involontaire lors de conflits, nombreux jusqu'au début du XXe siècle, qui opposaient soit des tribus différentes, soit des clans ou des familles. Selon Louis Perrois, ces migrations étaient assez fréquentes, tous les 3 à 5 ans (Perrois, 1970).

    Aujourd'hui, avec la sédentarisation de la population le long des routes, cette mobilité est pratiquement condamnée. De plus, la création de nouveaux parcs et l'octroi de zones de forêts aux nombreuses compagnies forestières, réduisent fortement les zones de chasse villageoises. Cette situation ne permet plus des rotations fréquentes comme avant ce qui épuise la ressource et pousse les chasseurs à s'enfoncer de plus en loin en forêt y compris dans des zones interdites. De plus, l'augmentation de l'accessibilité de la brousse, par le développement des réseaux de pistes, ouvre les meilleurs territoires de chasse à un plus grand nombre de chasseurs extérieurs au terroir qui adoptent, de ce fait, des comportements moins responsables. Il faudrait recréer - ou préserver lorsqu'elles persistent - des zones de chasse villageoises en prenant en compte les limites et les règles foncières coutumières (Grenand et Joiris, 2000 ; Jeanmart, 1998).

    I.3 Les restrictions de chasse

    I.3.1 Les lieux interdits

    Contrairement à de nombreuses populations forestières, les Bakota n'ont pas (ou en tout cas, non plus) de réelles croyances sur des Esprits qui contrôleraient tous les êtres vivants de la forêt. Il n'y a pas d'Esprit maître des ressources sauvages à qui l'on doit rendre des comptes et les chasseurs ne craignent pas que l'esprit d'un animal vienne les tourmenter pendant leur sommeil.

    Il semble qu'auparavant, il y avait plus d'Esprits qui gardaient certains lieux de la forêt principalement dans les grottes et dans certains points d'eau, où les chasseurs craignaient d'aller. Aujourd'hui, la seule forêt « tabou » est celle de mangazima lipépa aux alentours du village de Malassa, vers Mékambo, où vit l'esprit Engumba. Selon les histoires véhiculées par la tradition orale, l'esprit aurait été, au départ, un chasseur qui se serait perdu dans cette forêt puis, il se serait transformé en une sorte d'animal sauvage64(*) (Perrois, 1968). Depuis, il est dit que si un chasseur pénètre dans cette forêt, il s'y perdra pour toujours.

    Cette croyance est encore présente chez les Bakota que j'ai rencontrés, mais ma zone d'étude étant un peu éloignée de cette forêt, je ne sais si les chasseurs de la région de Mékambo évitent réellement, à l'heure actuelle, de la fréquenter. Mais si c'est le cas, il pourrait être intéressant de voir s'il n'est pas possible de faire de cette forêt une réserve de faune qui pourrait être rattachée au parc national de Mwagne.

    I.3.2 Restriction de la ponction lors de la chasse

    La croyance aux esprits ou aux forces vitales surnaturelles, fait que leurs manifestations sont considérées comme la preuve d'une perturbation de l'Univers. Pour éviter que les conséquences ne soient désastreuses pour l'Homme, a fortiori s'il en est la cause, il lui faut rétablir l'équilibre en rassurant l'esprit par des cérémonies appropriées. La chasse est une action humaine qui rompt l'harmonie de l'univers, c'est pourquoi, autrefois, elle s'accompagnait très souvent de rites de protection pour le chasseur mais aussi destinés à s'octroyer les bonnes faveurs des esprits ou à les apaiser (Chardonnet et al, 1995).

    Il en était de même chez les Bakota qui, avant de partir à la chasse, faisaient des médicaments pour se protéger des esprits et des mauvais sorts, et ils faisaient également des offrandes aux Ancêtres. Avant les grandes chasses, le chef allait derrière la maison pour sacrifier une poule sur le crâne d'un ancêtre. Puis, il criait 1, 2, 3 fois et si un oiseau, un animal ou un arbre répondait, cela voulait dire que la chasse allait être bonne.

    La plupart du temps, la chasse se pratiquait (et se pratique toujours) seule ou avec quelques membres restreints de la famille. Toutefois, deux personnes m'ont tout de même parlé de la présence, autrefois, d'un maître de brousse qui organisait les chasses collectives et décidait du nombre maximum de gibiers à abattre.

    « Avant, quand on partait dans un campement pour faire la chasse au filet, on appelait le  Ganga Wébwéma  (le maître de brousse) qui préparait les médicaments et les sacrifices, c'est lui qui organisait et préparait tout. C'est lui aussi qui décidait du nombre de prises maximum qu'on pouvait tuer » Vieux Mahongwé, Bangadi

    « Le Ganga Wébwéma, prépare les médicaments et évoque les esprits. C'est lui qui décide où on va placer les filets et combien de gibier on peut chasser pour ne pas fâcher les esprits » Chef de Canton, Mahongwé, Zadindoué

    Contrairement à beaucoup d'autres peuples de chasseurs, les Bakota que j'ai rencontrés ne m'ont pas parlé d'esprit « maître des animaux » qui serait en charge du cheptel sauvage et de sa distribution aux hommes. Ce rôle est celui des Ancêtres et c'est à eux que vont les prières et les offrandes, pour que la chasse soit bonne et qu'elle se déroule sans encombre. La crainte des représailles du monde invisible poussait au respect du gibier et à limiter la ponction à ses stricts besoins de subsistance.

    Ces chasses collectives étaient pratiquées lors de périodes de disette et avant les grandes cérémonies de circoncision, car elles permettaient la capture d'un grand nombre de gibiers en peu de temps.

    Mais ces pratiques de chasse et ces croyances aux esprits et aux ancêtres ont été abandonné depuis l'intrusion du fusil « moderne » et surtout, depuis Zoaka et son culte Mademoiselle. Aujourd'hui, la chasse est une activité très individualiste et visant à maximiser les captures ; plus aucune autorité coutumière ne peut fixer des limites à la prédation, ce rôle étant endossé par les agents des Eaux et Forêts et ceux du WWF ou WCS.

    I.4 Les « vampireux » et leur jalousie

    Un autre point positif pour la conservation se situe au niveau des croyances aux sorciers « vampireux » et de leur jalousie. En effet, pour un Bakota le malheur ne frappe jamais par hasard, il a toujours une cause mystique. Par exemple, si, en forêt, un homme meurt ou se fait charger par un animal, c'est qu'une personne lui a lancé un mauvais sort depuis le village.

    Ce sort peut venir d'un sorcier vampireux  qui agit par jalousie si un chasseur tue beaucoup de gibiers et qu'il ne le partage pas avec les autres villageois. Il en est de même pour les femmes qui pêchent beaucoup de gros poissons. Les vampireux n'aiment pas qu'une personne sorte du commun, ils n'aiment pas les réussites trop voyantes et exubérantes.

    C'est donc eux qui sont actuellement les derniers garants d'une limitation de la ponction des ressources en faune car pour éviter la jalousie du vampire, il faut soit se limiter dans la prédation, soit partager avec les autres membres de sa famille ou même des autres villageois. Tout comportement individualiste est fortement réprimandé par l'ensemble de la communauté.

    Bien sûr, comme me l'on souvent dit mes interlocuteurs, si un chasseur ne souhaite pas partager, il va ruser et cacher le « surplus » de gibier avant d'arriver au village : « Pour éviter le Vampire, si on a fait une bonne chasse et qu'on ne veut pas partager, on cache (le gibier) dans un endroit et on le dit à notre femme pour qu'elle aille le récupérer et le préparer discrètement. ». Le chasseur peut aussi dissimuler son gibier afin de le vendre aux passants sur le bord de la route, en cachette des gens du village.

    Mais ce comportement ne peut être répété indéfiniment sans que la communauté ne s'en aperçoive ; ainsi, seulement un nombre restreint de gibier peut être caché.

    Étant donné la faible fertilité des sols de forêt dense humide en Afrique et la faible productivité de

    la forêt tropicale en général, le mode de vie traditionnel des chasseurs-cueilleurs et des agriculteurs n'est viable que dans une situation de stabilité écologique, de faible densité de populations humaines et de prélèvements des ressources naturelles axés uniquement sur la consommation locale. Mais, toutes ces transformations ont rendu obsolète les gestions traditionnelles des ressources naturelles. Pourtant, en les valorisant, elles pourraient s'intégrer dans la conservation de l'environnement, car certains termes, comme  zones mises en repos  ou  lieux interdits  « parlent » à la conscience Bakota.

    II Utilisations des connaissances empiriques dans la conservation

    Dans le chapitre précédent, nous avons remarqué que les connaissances biologiques et éthologiques des Bakota sur les animaux de la forêt restent, dans l'ensemble, assez complètes. Elles constituent un autre point positif pour la conservation car elles peuvent servir à la compréhension d'éventuels plans de gestion de la faune dans la région. C'est pourquoi, elles doivent impérativement être prises en compte par les biologistes. Bien sûr, à l'inverse, si ces connaissances se perdent, leur disparition constituera un frein pour ces projets.

    Il faut donc valoriser ces connaissances et les intégrer en particulier dans les programmes scolaires. En effet, les savoirs culturels traditionnels, non enseignés dans l'école classique, peuvent être transmis aux élèves en s'appuyant sur les anciens. Il peut s'agir de la langue maternelle et donc de la tradition orale ainsi que de l'histoire des communautés. Il peut s'agir de surcroît des savoirs taxonomiques, méthodologiques ou manuels concernant le milieu naturel et, par ricochet, de toute une panoplie de savoirs techniques sur la chasse, la pêche, la cueillette etc. Cela permettra à la fois de fixer la jeunesse dans les villages et de renouer le dialogue entre les générations (F. Grenand, 2000).

    Les savoirs éthologiques et biologiques sur la faune peuvent également être mis en valeur et utilisés dans des projets de développement durable. Les chasseurs sont souvent les premières personnes convoitées par les programmes de tourisme de vision ou de chasse sportive, en servant de guide ou de pisteurs.

    III Les préoccupations des Bakota sur le devenir de leur forêt

    Comme nous l'avons souvent répété, les Bakota restent, pour la plus grande majorité, presque entièrement dépendant des ressources de la forêt. Aussi, les craintes qu'ils formulent au sujet du devenir de leur forêt montrent en fait, les préoccupations qu'ils ont sur leur propre futur.

    Pour eux, les deux principaux facteurs de la disparition des animaux sont la chasse au fusil et les exploitations forestières. Ils sont tout à fait conscients des répercussions que ces activités engendrent pour eux, comme me l'expliquait le chef de quartier Bordeaux à Makokou :

    « Ce qui fait fuir les animaux ? C'est le fusil et les engins des forestiers. Il y a trop de chasseurs, ils sont obligés d'aller jusqu'à Bélinga. Ici, autour de Makokou, il n'y a quasiment plus d'animaux et c'est interdit de chasser la nuit car c'est devenu trop dangereux, les gens se tirent dessus, il y a eu beaucoup d'accidents. »

    Ce sont à peu près les mêmes remarques qui sont faites au niveau des villages forestiers :

    « Avant, il y avait beaucoup d'animaux autour des villages, mais maintenant on a les fusils donc ils ont fuit. » Vieux Ikota, Mbondou

    Avec cette « pénurie » de gibier autour des villes et des villages de la région, il n'est pas étonnant que la réserve d'Ipassa et le parc de l'Ivindo soient fortement convoités par les chasseurs qu'ils soient professionnels ou non. C'est ce que me disait l'un de mes interlocuteurs à Makokou :

    «Tous les animaux que je vous cite ne sont plus ici. Ils sont partis à cause des chasseurs (chasse de nuit) et des forestiers. Il faut faire plus de 2 ou 3 km pour les trouver. Y a qu'à Ipassa où on peut les trouver mais c'est une réserve, donc on peut pas aller chasser là-bas. »

    Ainsi, les quelques jeunes chasseurs sur Makokou que j'ai rencontré ont plus ou moins avoué que parfois ils pénétraient dans la réserve pour aller chasser, bien qu'ils sachent les risques qu'ils encourent.

    Certains ont également la crainte de voir disparaître toute la forêt : « Ici, si ça continue, ça va devenir comme un désert car ils détruisent tous les arbres. ». Ils craignent aussi que les animaux reviennent un jour se venger :

    « Les animaux disparaissent à cause des braconniers et des forestiers. Mais, un jour, tous les animaux vont revenir pour manger nos plantations derrières les maisons car les forestiers leur enlèvent toute leur nourriture en forêt. »

    Vieux de Makokou.

    Ces craintes se retrouvent chez d'autres peuples de chasseurs dont les coutumes ont été perturbées par l'invasion coloniale et l'intrusion du fusil moderne. Les australiens Unambal ont interprété les violations des terres interdites et les massacres pur et simple des animaux, nullement justifiés par des besoins alimentaires ni disciplinés par des règles, comme l'annonce de l'apocalypse, la fin du monde (Massenzi, 1999).

    Malgré ce constat fait par la population Bakota sur les dangers menaçant les ressources naturelles de leur région, il n'y a pas de réel changement dans leurs pratiques. Car ceux qui pâtissent des inconvénients de cet appauvrissement, en font le constat, mais se contentent d'y remédier de la façon la plus simple possible : aller plus loin chercher le gibier là où il se trouve. Cette poursuite dans la voie d'une chasse « opportuniste » mais aussi extrêmement passive, entraîne la surexploitation de la faune sauvage, ce qui risque non seulement de conduire à l'extinction au niveau local de certaines espèces, mais de rendre les conditions de vie des populations encore plus dures, et de compromettre fortement le développement socio-économique de la région.

    Toutefois, peuvent-ils faire autrement ? Et si oui, comment les aider ? Le fait que les Bakota se sentent eux-mêmes en danger face à la disparition de la forêt et de ses ressources est, il me semble, un facteur très positif pouvant les amener à réfléchir sur ces problèmes et à y apporter leurs propres solutions. Car, comme le pense Vanwijnsberghe (1996), il semble dangereux de leur proposer une solution « toute faite » sortie des plus beaux manuels qui, en cas d'échec risque d'entraîner chez une population déçue, une franche opposition pour tout ce qui est conservation de la nature. C'est parfois le cas, dans la zone d'étude, ce qui provoque des conflits entre les agents de la conservation (WWF, WCS, Service des Eaux et Forêts) et la population locale.

    Evidemment, tout ceci ne pourra se faire sans le soutien financier et logistique des grandes ONG, des gouvernements nationaux et des instances internationales. Toutefois, il ne faudrait pas non plus tomber dans l'utopie du « bon sauvage », seul capable de vivre en harmonie avec la nature et de la respecter...

    IV Une limite de la gestion « participative » : la gestion inconsciente des ressources fauniques

    Depuis que les agences de conservation ont inscrit la gestion participative et le développement intégré à leur agenda, c'est-à-dire depuis le début des années 80, la plupart des projets ont adopté une perspective participative. Cette approche remet en cause les préceptes de la période conservationniste précédente en s'appuyant sur les populations locales et sur la recherche de solutions socio-économiques pour résoudre les problèmes écologiques. Mais, comme toute nouvelle approche, elle n'est pas parfaite. Joiris (2000), dans son article La gestion participative et le développement intégré des aires protégées, fait une bonne synthèse sur la faisabilité de cette approche dans le domaine de la conservation. Pour ma part, je ne vais insister que sur les dangers liés à une attente trop grande et parfois utopiste des gestions traditionnelles.

    Tout d'abord, les gestions traditionnelles que nous venons d'examiner, permettent sans doute de limiter la ponction des ressources fauniques et donc favorise la reconstitution des stocks, mais ceci est fait sans qu'il y ait de but « conscient » de la part des populations étudiées. Car, lorsque je demandais à mes interlocuteurs s'il existait des règles de gestion coutumières liées à la chasse, la réponse était toujours négative :

    « Avant, il n'y avait pas d'interdits pour la chasse, on chassait tout ce qu'on pouvait. Aujourd'hui, c'est les Eaux et Forêts qui ont mis des interdits. » Vieux Ikota, Mbondou

    Comme nous venons de le voir plus haut, que la chasse soit pratiquée seule ou qu'elle soit collective, toutes les proies étaient bonnes à capturer, y compris les femelles en gestation ou les bébés. Bien sûr, à l'époque précoloniale, la chasse centrée sur la subsistance ne causait pas de gros dégâts sur l'effectif global des différentes espèces de faune qui se reconstituait à moyen ou long terme grâce :

    1) à la faible densité de population

    2) à des techniques de chasse et des armes traditionnelles moins performantes qu'à l'heure actuelle limitant une ponction trop rapide de la ressource

    3) à leur mobilité limitant l'épuisement des ressources naturelles aux alentours du village.

    Grâces à ces règles simples, les chasseurs et leurs familles trouvaient toujours du gibier en abondance. Il leur était ainsi très difficile de concevoir qu'une espèce puisse être mise en danger de disparition à cause de la chasse. Encore aujourd'hui, certaines personnes ont la conviction que les ressources de la forêt sont inépuisables et que si, à un endroit, on ne récolte plus de gibier, c'est que les animaux sont soit devenus malins et qu'ils évitent les pièges, soit qu'ils ont fuit ailleurs, un peu plus loin.

    Cette vision de profusion des ressources naturelles conjuguées à des pratiques de chasse adaptées au contexte social, a empêché ces populations d'instaurer des règles strictes et « conscientes » de protection et de gestion des animaux de la forêt, telles que les conçoivent les Occidentaux contemporains.

    En effet, les recherches scientifiques en archéologie ont démontré que, depuis toujours, la plupart des extinctions d'espèces animales (mais aussi végétales) sur la planète sont corrélées avec l'arrivée de l'Homme sur les territoires en question. L'homme a donc depuis toujours, une certaine propension à détruire qui l'entraîne inexorablement à sa perte, à plus ou moins brève échéance. Mais, lorsque qu'il se sent physiquement en danger, il met en place des règles de gestions des ressources en créant des lieux interdits et en limitant la ponction. Moins il y a de ressources et plus les règles sont strictes et conscientes.

    Chaque peuple a trouvé des solutions adaptées à son mode de vie et à son milieu. Aujourd'hui, le défit de l'être humain est d'établir de nouvelles règles de gestion qui soient adaptées au nouveau contexte local et international ; chose, il est vrai difficile dans un monde en perpétuelle mutation, où tout va de plus en plus vite et dont les conséquences de nos actions nous paraissent de moins en moins contrôlables...

    Il ne faut donc pas miser uniquement sur la gestion traditionnelle des ressources naturelles, puisqu'elles ne sont plus guère adaptées au contexte global actuel ; cela serait dangereux et fortement néfaste pour le bon fonctionnement des futurs projets de conservation et surtout pour le devenir des populations locales.

    En conclusion de ce chapitre, il est évident que la modernisation, au sens large du terme, est un des principaux facteurs de dégradation du milieu naturel en particulier de la faune sauvage.

    L'un des faits les plus marquants de ce modernisme est sans doute l'abandon, plus ou moins net et avancé, des traditions cynégétiques qui tenaient lieu de mode de gestion. Nous l'avons vu, la chasse commerciale a pris le pas sur la chasse de stricte subsistance, car même les chasseurs villageois vendent aujourd'hui la majeure partie de leur gibier.

    L'apparition des armes à feu modernes a contribué à diminuer la crainte et le respect du chasseur traditionnel pour le grand gibier. En augmentant considérablement l'efficacité de la chasse65(*), à laquelle s'ajoute la nécessité de rentabiliser le coût des munitions, elles faussent le processus traditionnel de choix du gibier et accentuent la pression de chasse sur les espèces les plus prisées, généralement celles considérées comme les plus rentables économiquement.

    Les chasseurs extérieurs, le plus souvent venant des centres urbains, ont fortement perturbé la régulation traditionnelle. Tout d'abord, par leur ignorance de l'éthologie et de l'abondance des espèces et ensuite par leur non respect des liens cosmologiques qui unissent les populations locales aux animaux sauvages. En retour, leur modèle productiviste a fortement influencé les chasseurs locaux.

    De plus, la vision de l'univers comme un tout vivant naturel et surnaturel, n'est plus partagée par l'ensemble de la communauté Bakota. Aujourd'hui, les jeunes scolarisés affichent un certain scepticisme envers ces croyances : ceci explique, entre autre, l'abandon progressif des interdits alimentaires.

    Toutefois, certains de leurs comportements ou certains propos contradictoires laissent pourtant supposer que les idées venues de l'extérieur se superposent aux schémas culturels préexistants. Il n'en reste pas moins l'abandon rapide ou insidieux des us et coutumes cynégétiques, des cérémonies, des interdits alimentaires etc. contribue à la perte du respect du gibier. La rupture du lien fondamental entre les hommes et les animaux aura sans doute, si l'on n'y prend garde, des conséquences extrêmement dramatiques pour des populations forestières telles que les Bakota.

    Conclusion

    Pour conclure ce mémoire, reprenons, tout d'abord, les questionnements que nous nous posions au début de cette recherche. Tout d'abord, nous avons vu que les Bakota entretiennent toujours, à l'heure actuelle, des relations autres qu'alimentaires et économiques avec la faune sauvage. En effet, même si ces pratiques tendent à disparaître petit à petit, les animaux sont utilisés dans de nombreux domaines de la vie des Bakota, et singulièrement dans le domaine magico-religieux où la présence des animaux est flagrante, en particulier dans les rites et les cérémonies.

    Les utilisations que font les Bakota de la faune et les relations qu'ils entretiennent avec elle, sont similaires à la plupart des peuples Bantous du bassin du Congo (Chardonnet et al, 1995 ; Ichikawa, 1996 ; Lahm, 1996 ; Tchatat, 1999 ; Vanwijnsberghe, 1996). On retrouve, grosso modo, les mêmes interdits alimentaires au sujet des animaux tachetés, des carnivores, du Céphalophe à front noir ou de l'Antilope de Bates. Il en va de même pour les caractéristiques magiques de certains animaux comme l'Oryctérope, le Bongo et la Genette servaline.

    La présence des animaux dans la littérature orale est statistiquement plus abondante chez les Bakota que chez les autres ethnies, mais ils partagent tous de nombreux contes en commun.

    Alors, qu'est ce qui uni plus particulièrement les Bakota entres eux ? Et bien, nous l'avons vu, il s'agit de la Panthère, car tous les Bakota s'identifient à cet animal, qu'ils l'aient en eux ou pas. En effet, depuis les guerres tribales, la Panthère est devenue l'animal symbole identitaire de tous les sous-groupes Kota, une sorte de Totem ethnique et non clanique. C'est aussi pourquoi, bien que la circoncision soit pratiquée chez tous les peuples Bantous, le test du Ngoye n'est présent que chez les Bakota.

    Par contre, la Panthère n'est quasiment pas utilisée et, malgré la disparition progressive des interdits alimentaires, elle reste encore très peu consommée. Elle n'a pas non plus d'importance dans les pratiques magico-religieuses. Là, l'animal qui domine est la Genette servaline qui possède des pouvoirs magiques très puissants. Elle est indispensable car c'est elle qui est le lien entre le monde invisible des Ancêtres et celui visible des Hommes. C'est également le cas pour les autres peuples du Gabon et du bassin du Congo en général. Si elle vient à manquer, elle peut être remplacée par d'autres animaux tachetés de la même famille, après que la peau de l'animal de substitution ait subit une préparation spécifique. En définitive, les animaux tachetés ont un rôle et une importance particulière chez les Bakota, mais il s'agit de variantes appartenant à un fond culturel aux peuples forestiers de cette région du globe.

    Mais, pour mieux comprendre le rôle de ces animaux et la signification de leurs taches, une étude approfondie est nécessaire ; elle doit être menée auprès des spécialistes que sont les guérisseurs Nganga. Pour cela, l'idéal serait d'être soi-même initié à ces pratiques et aux différentes « danses » (en faisant attention de ne pas perdre l'objectivité du chercheur), et d'avoir une bonne maîtrise de la langue pour surmonter les obstacles liés à la présence d'un interprète.

    Cette étude est aussi un aperçu général sur les relations socioculturelles que les différents groupes Kota, situé dans la région de Makokou, entretiennent avec la faune sauvage. Aussi, les divers domaines cités (pharmacopée, interdits alimentaires, traditions orales, rites et cérémonies etc.) peuvent tous faire l'objet d'études plus approfondies qui permettront à la fois une meilleure compréhension de ces relations et donc de la culture Kota, mais aussi une comparaison plus objective et exhaustive entre les différents sous-groupes.

    En ce qui concerne l'utilisation de ces données sur les interrelations socioculturelles entre les Bakota et la faune sauvage, nous avons vu qu'elles peuvent s'appliquer - au moins en partie - dans différents domaines de la conservation de l'environnement et du développement durable. Les gestions traditionnelles peuvent servir de base à de nouveaux plans de gestion de la faune ; les connaissances empiriques sur l'éthologie et la biologie des animaux peuvent servir dans les programmes de tourisme de vision et de chasse sportive enfin, les traditions orales et les savoirs traditionnels peuvent servir dans la sensibilisation et l'éducation.

    Mais si le débat est toujours d'actualité, nous savons que conservation et exploitation sont intimement liées et nécessitent l'une comme l'autre de s'assurer que l'effectif minimal des animaux, nécessaire à une reproduction dynamique et au maintien des populations, soit atteint. Il faut également que les différents programmes de conservation de l'environnement prennent réellement en compte les besoins des populations locales, et que leur développement et leur bien-être deviennent une priorité. Pour cela, de gros efforts sont encore à faire car c'est toujours la vision ethnocentrique de la conservation qui domine.

    L'un des principaux défis adressé à la gestion des ressources naturelles à travers tout le bassin du Congo est le rétablissement de systèmes d'utilisation des ressources dans lesquels les populations locales conservent le contrôle de l'utilisation des terres sur base d'une éthique d'autorégulation afin de préserver les ressources qui leur sont nécessaires.

    Bien que la prise en compte des populations locales soit nécessaire dans tout programme de conservation et de développement durable, il ne faut toutefois pas tomber dans l'utopie du « bon sauvage » respectant la Nature et vivant en parfaite harmonie avec Elle.

    En effet, les pays du bassin du Congo doivent refonder une nouvelle alliance entre l'Homme et la nature et mettre en oeuvre des politiques de conservation dignes de ce nom. Mais, il est irresponsable de prétendre arriver à ce résultat par la seule gestion participative, idéalisée par beaucoup. L'implication de dirigeants énergiques, avec une conscience environnementale forte, est une condition nécessaire à la réussite de la gestion en partenariat, tout comme la mise à contribution de tous les acteurs : ceux-ci, dont les ONG, devront monter en puissance, sous la houlette de tels dirigeants.

    Ce choix n'est pas le plus facile. Mais il est de loin le plus porteur d'espoir pour l'avenir dans le contexte actuel. L'impulsion politique doit venir des leaders, la construction pratique ne peut venir que de la base, de la société elle-même.

     

    Fin

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    Table des Matières

    Sommaire.....................................................................................................................p1

    Résumé.......................................................................................................................p3

    Remerciements...............................................................................................................p4

    Liste des abréviations.......................................................................................................p5

    Phonétique....................................................................................................................p5

    Introduction................................................................................................................p6

    Contexte scientifique..............................................................................................p8

    Problématique....................................................................................................p15

    Méthodologie.................................. ..................................................................p17

    Partie 1 : Présentation de la zone d'étude et cadres généraux de la vie Bakota.................p22

    Chap. 1 : Le contexte local............................................................................................p23

    I Généralités sur le Gabon...............................................................................................p23

    I.1 Localisation, hydrologie, topologie et climat............................................................p23

    I.2 Population....................................................................................................p24

    I.3 Economie.....................................................................................................p25

    I.4 Diversité biologique et Parc du Gabon...................................................................p31

    I.5 Cadre législatif et institutionnel...........................................................................p29

    II Généralités sur la région de Makokou...............................................................................p30

    II.1 Localisation, hydrologie et climat........................................................................p30

    II.2 Population...................................................................................................p31

    II.3 Diversité biologique et conservation.....................................................................p31

    II.3.1 La flore et la faune..............................................................................p31

    II.3.2 Le parc national de l'Ivindo, la réserve intégrale d'Ipassa et la station de recherche.p31

    II.4 Activités économiques....................................................................................p32

    Chap. 2 : Les cadres généraux de la vie Bakota..................................................................p34

    I Le Pays Bakota..........................................................................................................p34

    I.1 Le milieu naturel.............................................................................................p34

    I.2 Population....................................................................................................p34

    II Vie quotidienne et culture matérielle................................................................................p36

    II.1 La vie au village............................................................................................p36

    II.2 Une économie de subsistance.............................................................................p36

    II.2.1 Calendrier des activités....................................................................... .p36

    II.2.2 L'agriculture....................................................................................p37

    II.2.3 L'élevage........................................................................................p37

    II.2.4 La chasse.........................................................................................p37

    II.2.5 La pêche.........................................................................................p38

    II.2.6 La cueillette.....................................................................................p38

    III Vie sociale et organisation familiale...............................................................................p39

    III.1 La parenté et le mariage.................................................................................p39

    III.2 Les confréries initiatiques...............................................................................p39

    IV Les croyances mystiques..............................................................................................p40

    IV.1 Zambé, le divin civilisateur !.............................................................................p40

    IV.2 Sorcellerie et divins-guérisseurs..........................................................................p41

    IV.3 Esprit, es-tu là ?.........................................................................................p42

    IV.4 Les nouvelles religions.................................................................................p42

    Partie 2 : Interrelations entre la faune sauvage et les Bakota.....................................p43

    Chap. 1 : Utilisations de la faune sauvage........................................................................p44

    I La pharmacopée traditionnelle.........................................................................................p44

    I.1 Les maladies physiques ou « classiques »................................................................p44

    I.2 Les maladies psychosomatiques...........................................................................p46

    I.3 Les sortilèges et les protections............................................................................p46

    II Les animaux dans les Rites et les Cérémonies......................................................................p49

    II.1 La cérémonie de circoncision Satchi.....................................................................p49

    II.1.1 Les chants et les danses........................................................................p49

    II.1.2 Le test de la panthère...........................................................................p50

    II.2 Les initiations et les temples de guérisons : omniprésence de la genette...........................p52

    II.3 La naissance des jumeaux.................................................................................p52

    III L'artisanat..............................................................................................................p53

    IV La domestication......................................................................................................p54

    V Les animaux dans la tradition orale..................................................................................p55

    V.1 La tradition orale africaine................................................................................p55

    V.2 Les contes...................................................................................................p56

    V.2.1 Des mythes, des légendes ou des contes ?...................................................p56

    V.2.2 Quelques contes Bakota.......................................................................p57

    V.3 Proverbes d'animaux.......................................................................................p66

    V.3.1 Définition........................................................................................p66

    V.3.2 Quelques proverbes Bakota...................................................................p66

    V.4 Nomination des lieux et des plantes.....................................................................p70

    V.5 Les chants traditionnels....................................................................................p71

    Chap. 2 : Les Interdits alimentaires.................................................................................p73

    I Listes des interdits.......................................................................................................p73

    I.1 Les interdits selon le sexe..................................................................................p73

    I.1.1 Les femmes.......................................................................................p73

    I.1.2 Les hommes......................................................................................p73

    I.2 Les interdits claniques.......................................................................................p73

    I.3 Les interdits acquis au cours de la vie....................................................................p74

    I.3.1 Les jumeaux......................................................................................p74

    I.3.2 Les initiés.........................................................................................p75

    I.3.3 Les médicaments.................................................................................p75

    I.4 Les interdits temporaires....................................................................................p75

    I.4.1 Les femmes enceintes...........................................................................p75

    I.4.2 Les enfants non circoncis.......................................................................p75

    II Ruptures d'interdits....................................................................................................p76

    Partie 3 : Analyse des données et discussion.............................................................p80

    Chap. 1 : Conception et représentations de la faune sauvage....................................................p81

    I Ce que révèlent les contes..............................................................................................p81

    I.1 Représentations des animaux sauvages...................................................................p81

    I.1.1 Le statut de l'animal.............................................................................p81

    I.1.2 Les nuisibles et les dangereux..................................................................p82

    I.1.3 Les animaux dotés d'un pouvoir magique....................................................p84

    I.1.4 Ambivalence des caractéristiques..............................................................p84

    I.2 Connaissance empirique sur la faune.....................................................................p85

    I.3 Classification locale de la faune sauvage.................................................................p87

    I.4 Vie quotidienne et éthiques sociale........................................................................p88

    I.4.1 Evènements importants dans la vie d'un Bakota............................................p88

    I.4.2 L'éthique sociale.................................................................................p89

    II La place à part des animaux tachetés................................................................................p89

    II.1 Le symbolisme du Ngoye.................................................................................p89

    II.2 Le mysticisme de Hindji...................................................................................p91

    III Unité des Bakota dans leurs relations à la faune sauvage........................................................p93

    Chap. 2 : Les Bakota et la Conservation...........................................................................p94

    I Gestion coutumière de la faune sauvage et ses limites.............................................................p95

    I.1 Les interdits alimentaires...................................................................................p95

    I.2 Mobilité de l'habitat et rotation des zones de chasse...................................................p95

    I.3 Les restrictions de chasse...................................................................................p96

    I.3.1 Les lieux interdits................................................................................p96

    I.3.2 Restriction de la ponction lors de la chasse..................................................p96

    I.4 Les « vampireux » et leur jalousie........................................................................p97

    II Utilisation des connaissances empiriques dans la conservation.................................................p98

    III Les préoccupations des Bakota sur le devenir de leur forêt......................................................p98

    IV Une limite à la gestion « participative » : la gestion inconsciente des ressources fauniques..............p100

    Conclusion..............................................................................................................p103

    Bibliographie..........................................................................................................p105

    Liste des figures........................................................................................................p113

    Liste des photographies...............................................................................................p113

    Liste des tableaux......................................................................................................p114

    Planches photos

    Village et cases Bakota..................................................................................................p I

    Gibier en vente sur le bord des routes.................................................................................p II

    Utilisations des animaux sauvages....................................................................................p III

    Domestication des primates............................................................................................p IV

    Annexes

    Annexe 1 : Liste des interlocuteurs

    Annexe 2 : Tableau de la faune sauvage en noms vernaculaires

    Annexe 3 : Questionnaire

    Annexe 4 : La station d'Ipassa-Makokou

    Annexe 5 : Listes des animaux protégés du Gabon

    Annexe 6 : Zoologie sur les carnivores tachetés

    LISTE DES FIGURES

    Figure 1 : Le réseau de parcs nationaux dans le Nord du Gabon........................................p6

    Figure 2 : Distribution des langues Bantoues..............................................................p24

    Figure 3 : Le Gabon et ses provinces.......................................................................p26

    Figure 4 : Réseaux des parcs du Gabon....................................................................p29

    Figure 5 : Parc de l'Ivindo, réserve d'Ipassa, station de recherche IRET..............................p32

    Figure 6 : Répartition des ethnies dans la région de Makokou..........................................p35

    Dessin de couverture (Panthère) recueillie sur le site : http://www.aventuresauthentiquesafricaines.com

    LISTE DES PHOTOGRAPHIES

    Photos 1 et 2 : Vente de viande de brousse sur le marché de Makokou (2001 et 2005)..............p11

    Photo 3 : Circonciseur Bakota en 1965......................................................................p51

    Photo 4 : Jeunes circoncis lors du défilé final de la cérémonie en 1965................................p51

    Photo 5 : Peaux de genettes servalines (village de Zadindoué) (2005).................................p51

    Photo 6 et 7 : Danseuses Kwélé (2005).....................................................................p92

    Planches Photos

    Village et Cases Bakota.....................................................................................pI

    Photo 1 : Village de Mbondou, Ikota (2005)

    Photo 2 : Case en tôle sur la route de la station d'Ipassa, Makokou (2005)

    Photo 3 : Case en terre, Makokou (2005)

    Gibier en vente sur le bord des routes...................................................................pII

    Photo 1 : Un Hocheur (zia) et un Céphalophe bleu (héli) en vente sur la route de

    Mékambo au village de Zadindoué (2005).

    Photo 2 : Singe en vente sur la route d'Okondja au village de Mbondou (2005).

    Utilisations des animaux sauvages......................................................................pIII

    Photo 1 : Chaise du chef en peau de Bongo (Mbondou) (2005)

    Photo 2 : Chasse mouche en poils de Colobe Guereza (Mbela) (2005)

    Photo 3 : Bretelles en peau de Loutre à joues blanches Ibango, portés par les mères de

    jumeaux (Bangali) (2005)

    Photo 4 : Tam-tam en peau d'antilope (quartier Bordeaux à Makokou) (2005)

    Domestication des primates..............................................................................pIV

    Photo 1 : Jeune femelle Moustac (2005)

    Photo 2 : Femelle Mangabey à joues grises (2005)

    Photo 3 : Jeune femelle Mandrill (2005)

    LISTE DES TABLEAUX

    Tableau 1 : Consommation de viande de brousse en Afrique Centrale................................p9

    Tableau 2 : Espèces, nombre et destination du gibier chassé dans la région de Makokou..........p12

    Tableau 3 : Les 9 provinces du Gabon.....................................................................p23

    Tableau 4 : Animaux utilisés dans les soins de maladies « classiques »...............................p45

    Tableau 5 : Animaux utilisés dans les soins des maladies psychosomatiques.........................p46

    Tableau 6 : Animaux utilisés dans les sortilèges et les protections.....................................p47

    Tableau 7 : Récapitulatif des utilisations magico religieuses et médicinales de la faune

    Sauvage...........................................................................................p48

    Tableau 8 : Animaux utilisés dans l'artisanat..............................................................p57

    Tableau 9 : Différenciations entre conte, mythe et légende...............................................p57

    Tableau 10 : Récapitulatif sur les interdits alimentaires (2 pages)......................................p78

    Tableau 11 : Liste des animaux nuisibles ou dangereux.................................................p83

    Tableau 12 : Synthèse sur les caractéristiques des animaux sauvages.................................p85

    * 1 Il faut tout de même être prudent avec ces résultats, car il s'agit souvent de généralisations alors que les densités sont hétérogènes.

    * 2 Je n'ai malheureusement pas pu me procurer ce livre ; les notes sur les Hommes-Panthères ont été récupéré sur le cite http://www.unice.fr/ILF-CNRS/ofcaf/14/H14.html

    * 3 Il existe plusieurs sous-groupes Bakota. Le choix s'est porté sur les Ikota, Mahongwé et Samaye qui se trouvent dans la région de Makokou (voir méthodologie).

    * 4 Le mot anglais « ethnoscience » n'apparaît, semble-t-il, qu'en 1950, dans la 3 e édition de l'ouvrage collectif publié sous la direction, entre autres, de George Peter Murdock, Outline of cultural materials (1re édition, 1938 ; 2 e édition, Yale, Yale University Press, 1945 ; 3e édition révisée, New Haven, Human Relations Area Files, 1950). Par contre le mot « ethnobotany » remonte à 1895, où il a été forgé par un agronome américain, J. W. Harshberger.« Ethnozoology » remonterait, semble-t-il, à 1914.

    * 5 Pour plus de renseignement sur la station d'Ipassa - Makokou, se reporter à l'annexe correspondante.

    * 6 Voir annexe

    * 7 L'IDH est un indicateur du développement humain prenant en compte l'espérance de vie à la naissance, le

    niveau d'instruction et le PIB par habitant. L'IDH est compris entre 0 et 1. Plus il est proche de 1, plus le

    niveau de développement est élevé.

    * 8 Voir annexe

    * 9 De plus amples explications sont présentées dans la thèse de Payne Ariane (2005)

    * 10 D'après le recensement de 2003, qui n'est pas encore publié et que j'ai recueilli à la mairie de Makokou, la population de la ville dépasserait aujourd'hui les 15 000 habitants.

    * 11 Voir planche photo : Cases et village Bakota

    * 12 Aliment de base pour les populations forestières.

    * 13 De plus amples explications sont données sur le test du Ngoye dans les deux prochaine parties de ce mémoire.

    * 14 Auparavant, il existait plusieurs sortes de pièges mais aujourd'hui, les Bakota utilisent seulement les pièges à pattes et à coup.

    * 15 Je ne parle ici que des groupes étudiés (Ikota ; Mahongwé et Samaye) et non des Shaké.

    * 16 Sous une forme moins violente qu'autrefois.

    * 17 Ceci est une évidence qui ressort à travers les enquêtes, mais la réalité culturelle est sans doute plus complexe.

    * 18 La phytothérapie est actuellement abordée par ma collègue Raymonde Mboma, chercheuse au CENAREST.

    * 19 Une étude détaillée de cette cérémonie a été faite par Louis Perrois en 1968.

    * 20 Les danses Mobeye, Bazangoye et Emboli ne semblent plus être pratiquées à l'heure actuelle.

    * 21 Nous verrons quelques uns d'entres eux dans la partie « les animaux dans la tradition orale ».

    * 22 Pour tous les détails sur la cérémonie de circoncision et le test de la panthère voir Louis Perrois, « La circoncision Bakota », 1968.

    * 23 Les mères de jumeaux peuvent parfois y être présentes.

    * 24 A Mbela, le village Samaye, les gens utilise un autre arbre, le moabi « Ignabé » (Baillonella toxiperma).

    * 25 Voir planche photos

    * 26 Si la peau de genette vient à manquer, on peut prendre les peaux d'Ilazi (Genette tigrine et Poiane centrafricaine). Certaines personnes m'ont également cité Lobwa le Chat doré tout en avouant que cela ne se faisait plus car l'animal se faisait rare et était beaucoup plus dur à capturer que la Genette.

    * 27 Voir planche photos

    * 28 Voir planche photo : Domestication des animaux

    * 29 Sociologie des sociétés orales d'Afrique noire, les Ewe du sud-Togo, Paris-La Haye, Mouton, 1969.

    * 30 Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958.

    * 31 Sources : Encyclopaedia Universalis tome 6, pp 451-455 ; tome 15, pp. 1036-1039.

    * 32 Les autres étant ceux relatant les aventures du Dieu Zambé et sa famille.

    * 33 AUGOT C., PERROIS L., 1971. La panthère et la Tortue. IRD Audiovisuel. 55 min

    * 34 Les jumeaux, comme dit plus haut dans ce mémoire, sont très appréciés chez les Bakota du nord comme dans de nombreuses ethnies du Gabon.

    * 35 Mbimbisoli est un géni de la forêt, il est présent uniquement dans les contes Bakota et non dans leur cosmogonie.

    * 36 Coula edulis

    * 37 Arbre fruitier (Dacryodes buttneri) très commun dans tout le Gabon.

    * 38 Les atangas ne se consomme qu'après avoir été cuites.

    * 39 Ce sont généralement de grandes feuilles de bananier qui étaient utilisées comme assiettes ou pour la cuisson « à l'étouffée » de certains plats.

    * 40 Il s'agissait d'une technique de chasse qui consistait à creuser une fosse profonde et y planter des pieux en bois. On les plaçait principalement autour des plantations pour les protéger des potamochères.

    * 41 Les paquets sont des feuilles de bananier dans lesquelles on met de la viande ou du poisson avec des condiments. On ferme le tout, puis on le met sur le feu où ça cuit à l'étouffer.

    * 42 Encyclopaedia Universalis, tome 19, p 152.

    * 43 Sources : Adam J., 1937. Extrait du folklore du Haut-Ogooué. Athropos XXXII (1-2), pp 247-270 ; Raponda-Walker, 1993. 3000 proverbes du Gabon. Les classiques africains, Versailles, 295P ; Bodinga-Bwa-Bodinga & Van Der Veen, 1995. Les proverbes EVIA et le monde animal (Gabon). L'Harmattan, 95P ; Kwenzi Mikala, 2000. Parémies d'Afrique Centrale. Edition Raponda-Walker, Libreville, 62P ; Doucet, 2003. Le monde animal joue un rôle prépondérant dans l'expression des valeurs morales chez les Mahongwé du Gabon. Thèse annexe de doctorat, faculté des sciences agronomique de Gembloux.

    * 44 Pour une moyenne de 32,3%

    * 45 Petit oiseaux non identifié.

    * 46 Encyclopeadia Universalis, tome 19, pp. 152-153.

    * 47 Et plus particulièrement dans les contes d'animaux.

    * 48 Arbre non identifié.

    * 49 Galago d'Allen.

    * 50 Ce petit psaume est très intéressant pour essayer de comprendre le mystère de la genette. Nous verrons cela dans la prochaine partie.

    * 51 On retrouve cet interdit dans d'autres ethnies au Gabon et au Congo (Vanwijnsberghe, 1996 : 134)

    * 52 Une étude spécifique sur ce thème serait sans doute utile pour aider à la protection de ces pachydermes.

    * 53 En français africain, ils nomment cette plante « asperge » et même après l'avoir coupé, elle continue à pousser.

    * 54 Espèce entièrement protégée (voir annexe).

    * 55 Dans les faits, les attaques de panthères sont extrêmement rares.

    * 56 L'animal est dit agressif et dangereux pour le chasseur lorsqu'il est pris au piège, mais il n'y a pas d'attaque de l'animal sur l'homme à proprement parler.

    * 57 Tous mes interlocuteurs m'ont dit que ce Céphalophe attaquait et mangeait les poules.

    * 58 Voir annexe

    * 59 les animaux tachetés sont : la Panthère, la Genette, la Civette, la Nandinie et le Chat doré

    * 60 Je tiens à préciser que je ne sais pas s'il s'agit de véritable cigognes ou s'il s'agit de l'appellation en français africain qui désignerait une autre espèce d'oiseau comme les aigrettes.

    * 61 Ce n'est pas le cas des loutres ibango et nyiongo qui vivent aussi près de l'eau et ont à peu près le même régime alimentaire...je ne me l'explique pas !

    * 62 Présent que vers Mékambo.

    * 63 Ce n'est pas tout à fait le cas des plantes.

    * 64 Je n'ai trouvé aucune littérature pouvant me renseigner en quel animal se serait transformé ce malheureux chasseur ; certains interlocuteurs m'ont parlé du Potamochère mais beaucoup d'autres ont nié cette transformation.

    * 65 Nous pouvons aussi rajouter, en plus de l'efficacité, la baisse du danger vis à vis des animaux sauvages, car l'arme à feu permet d'abattre l'animal depuis une plus grande distance. Paradoxalement, si le danger relatif à la traque de la faune sauvage a diminué, la sécurité de la chasse s'est tout de même dégradée. En effet, les accidents de chasse ont fortement augmenté à cause du nombre de plus en plus élevé de chasseurs en forêt qui se tirent dessus.






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