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Ebanda tono (les peaux tachetées): utilisations et représentations de la faune sauvage (Gabon)

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par Florence Mazzocchetti
Université de Lettres et sciences humaines, Orléans - Master2 2005
  

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Conte n°5 : La circoncision du fils de la Panthère (Itchinda dja mwa na Ngoye)

Conteur : Loïc Gouwa, Ikota, Ntsiété

Un jour, l'Oryctérope (Ekundé) vient voir son amie la Tortue (Kulu) et lui demande : « Kulu, dit moi, comment fait-on pour avoir des problèmes ? ». Kulu est surprie par cette question : « Comment un grand garçon comme toi, peut me poser une telle question ? Ton père ne t'a jamais expliqué comment arrivaient les problèmes ?! »

Dans la semaine, Ngoye la panthère organisa une cérémonie pour faire circoncire son fils et d'autres enfants de son village. Kulu était l'homme qui coupait les enfants. Comme Ekundé insistait pour accompagner Kulu, ce dernier accepta, malgré que Ekundé n'ait jamais coupé...

Arrivé au village de la panthère, tout le monde fit la fête et l'Oryctérope bu beaucoup. Au petit matin, Kulu commença la circoncision des enfants. Il en coupa 8 puis envoya quelqu'un aller chercher Ekundé pour qu'il coupe le neuvième, qui était le fils de Ngoye.

Quand Ekundé arriva, il pris tout en main, sexe et testicules, et coupa tout ! L'enfant mourut aussitôt, et les gens se sont mis à crier et frapper l'oryctérope. Kulu les sépara et partit en brousse pour chercher des feuilles et laver l'enfant, qui au bout d'un moment revient à la vie avec toutes les parties génitales au complet. Kulu le circoncis bien comme il faut et dit à Ekundé : « Tu vois, maintenant tu sais ce qu'est un problème ! Tout peut être un problème dans la vie : les poules, les femmes qui trompent, les chiens qui volent la viande etc. »

Conte n°6 : La panthère et le céphalophe bleu (Ngoye na Héli)

Conteur : Vieux Ikota, Mbondou

En ce temps là, tous les animaux de la forêt vivaient dans le même village. Un jour, Ngoye demande à Mbizi (céphalophe de Peters) de l'accompagner chez sa belle famille. Sur le chemin, ils ramassent des noisettes36(*) qu'ils réservent comme encas pour plus tard. Quand ils arrivent à la rivière Ngoye dit à Mbizi qu'il est interdit de traverser avec un couteau « ferme les yeux, que je jette mon couteau, et je ferai de même pour toi ». Mbizi, qui ne se méfie pas, ferme les yeux, mais Ngoye, au lieu de jeter son couteau, jette une gousse d'un arbre (mongomwéba) dans la rivière. Par contre,Mbizi lui jette réellement son couteau. Après avoir traversé la rivière, ils s'assoient près d'un arbre pour manger les noisettes. Pendant que Ngoye utilise son couteau pour les ouvrir, mbizi est obligé d'utiliser ses dents. Puis, ils se remettent en route et aperçoivent un atangatier37(*). Ngoye dit à Mbizi de fermer les yeux et qu'il va cueillir des atangas pour manger. Mais quand Mbizi réouvre les yeux, Ngoye a pris toutes les noires et il ne lui laisse que celles qui ne sont pas mûres. Ensuite, Ngoye voit le soleil et dit « Mbizi, va me chercher la boule de feu pour qu'on puisse faire cuire les atangas38(*) » et Mbizi part en courant vers le soleil... En attendant, Ngoye allume un feu et fait cuire ses atangas et les mange. Mbizi revient des heures plus tard, bredouille et très fatigué. Il se couche le ventre vide.

Le lendemain matin, ils repartent... Avant d'arriver au village, ils s'arrêtent près d'une plante. Ngoye dit à Mbizi « tu sais, je souffre des dents. Tu vois cette plante, repère la bien, si une rage de dents se déclanche, je te demanderai de revenir ici pour me la ramener. »

Quand ils arrivent au village de la belle famille de Ngoye, tout le monde est content. Dans la soirée, on leur a préparé beaucoup à manger. Avant de se mettre à table, Ngoye, malin, prétend avoir mal aux dents et qu'il ne peut pas manger. Mbizi, bête comme il est, part chercher la plante pour Ngoye, qui en profite, pendant ce temps, pour manger toute la nourriture. A son retour, Mbizi ne trouve que les os. A la fin du repas, Ngoye demande à Mbizi d'aller jeter les feuilles39(*) derrière la maison. Mais au préalable, Ngoye y avait construit une fosse40(*) où tombe Mbizi. La belle famille arrive en courant et l'abat pour le manger.

Fier de sa stratégie, Ngoye reproduit ce stratagème avec tous les animaux de la forêt afin d'offrir de la viande à sa belle famille et de pouvoir épouser leur fille. La dernière de ses victimes fût Héli...

A la rivière, Héli fait semblant de fermer les yeux et voit Ngoye jeter la gousse, il en fait donc de même. Quant ils s'arrêtent manger les noisettes, les deux sortent leur couteau. Ngoye est étonné, mais ne dit rien. Arrivée au pied de l'atangatier, les deux cueillent les noires, et lorsque Ngoye envoie Héli chercher le soleil, ce dernier se cache, voit Ngoye faire le feu, et ne revient que lorsque les atangas sont cuites. Les deux mangent donc ensemble.

Après avoir passé la plante médicinale, Héli prétend avoir la diarrhée et retourne en cachette à la plante et il prend quelques feuilles, écorces et racines, puis rejoint Ngoye en courant.

Arrivée au village, on leur prépare des moutons, des cabris etc. Au repas, quand Ngoye prétend avoir mal aux dents, Héli lui sort les feuilles, les écorces et les racines qu'il avait cueillies, et Ngoye est de nouveau obligé de partager le repas. Quand Ngoye demande à Héli d'aller jeter les feuilles, celui-ci refuse prétextant qu'il était un invité et donc qu'il n'avait pas à faire cela. Il refuse aussi de s'installer dormir dans le logis obscur que lui proposait Ngoye. Du coup, Héli, Ngoye et sa femme s'en vont dormir dans le même lit.

Au milieu de la nuit, Ngoye se lève pour chauffer le fer de sa lance afin de tuer héli. Mais pendant ce temps, Héli, qui ne dormait pas, change de place discrètement avec la femme de Ngoye. Quand celui-ci revient, il enfonce sa lance dans les narines de sa femme pensant qu'il s'agissait d'Héli et la malheureuse meurt. Héli se lève en sursaut et crie « Ngoye, tu viens de tuer ta femme ! ». Ngoye, pris de panique demande à Héli de se taire et de ne rien dire à sa belle famille. Mais cette dernière, réveillée par les cris de Héli arrivent en courant, voit le cadavre de leur fille et de colère tue Ngoye.

Conte n°7 : La Panthère et le Silure (Ngoye na Issomé)

Conteur : Roland Bokala, Ikota, Makokou

A cette époque, tous les animaux de la forêt vivaient dans le même village. A la saison sèche, Ngoye et toute sa famille décide de partir au campement de pêche. Un matin, Ngoye capture dans ses filets un gros silure (Issomé), mais au lieu de le manger, Ngoye décide d'envoyer deux de ses enfants au village pour le vendre. Mais, Ngoye donne une consigne à ses enfants : « Si quelqu'un veut Issomé, dites lui que je ne veux pas d'argent, mais que je le mangerai à mon retour ».

Arrivée au village, les enfants s'arrêtent à la première maison, celle de Mbizi (Céphalophe de Peters) qui leur dit : « Eh, les enfants, c'est votre père Ngoye qui a tué Issomé ? Amenez ça ici. C'est un beau poisson ! Combien votre père en veut-il ? ». Et les enfants lui répondent : « Papa n'a pas donné de prix. Il a dit que celui qui le voulait, pouvait le prendre sans donner d'argent, mais, qu'à son retour du campement, il le mangerait à son tour ». Evidemment, Mbizi refuse, et les enfants poursuivent leur chemin. La même scène se répète avec tous les habitants du village : Bodjongo (Sitatunga), Yobo (Civette), Hindji (Genette), Mbala (Nandinie), Lobwa (Chat doré), Mwendjélé (Mangouste à pattes noires), Djia (Gorille), Gnaté (Buffle).

Puis, ils arrivent chez Kulu, la Tortue qui dit aux enfants de Ngoye : « Moi, je prends Issomé car j'ai beaucoup d'enfants à nourrir. Dite à votre père que c'est Kulu qui l'a pris. Lorsqu'il rentrera du campement, qu'il vienne directement chez moi pour me manger ».

Il se passe 1 mois, avant que Ngoye et sa famille ne rentre du campement de pêche. A leur arrivée au village, Ngoye envoie l'un de ses fils chercher Kulu pour le ramener chez eux : « Tu lui dis que je suis fatigué et qu'il ne doit pas avoir peur ». L'enfant arrive chez Kulu : « papa t'appelle là-bas, à la maison ! », et Kulu lui répond : « Je sais. Dit à ton père que je n'ai pas peur, mais là, je pars à l'eau avec ma femme ; à mon retour j'irai voir ton père ». Le temps passe, et Ngoye ne voit toujours pas arrivée la Tortue, alors il décide d'aller directement chez elle. Kulu vient juste de sortir de l'eau avec un gros paquet41(*) qu'il met sur le feu et dit : « L'homme qui doit mourir, meurt avec le ventre bien rempli ! Je sais que tu vas me tuer, mais laisse moi manger mon paquet ». Le paquet sur le feu dégage une si bonne odeur que Ngoye, gourmand comme il est, veut à tout prix manger lui aussi : « Kulu, dit moi ce qu'il y a dans ton paquet » et Kulu lui répond : « Ah, si tu savais...Si tu manges ça, tu vas oublier tout ce que tu dois faire. Regarde, moi je n'ai pas besoin d'aller au campement ; tous les jours, dans mes pièges, j'attrape toujours de la bonne viande ».

Ngoye est de plus en plus curieux et impatient de goûter ce mystérieux paquet...et Kulu le fait mariner : « Attend, tu verras bien ce qu'il y a dans ce paquet, pour le moment assied-toi ! » Pour accompagner le paquet, Kulu envoie, un après l'autre, tous ses enfants aller chercher le petit manioc que sa femme avait laissé dans la corbeille au dessus du fumoir. Mais, en vérité, il s'agit d'une ruse pour que toute sa famille parte se cacher en forêt. Kulu, dit la même chose à sa femme, lorsqu'elle revient de la plantation. Puis, au bout d'un moment, Kulu fait semblant de s'agacer et dit : « Bon, Ngoye, j'ai envoyé toute ma famille chercher le petit manioc, mais c'est trop long. Attends moi, je vais aller le chercher moi-même ! » Et il part rejoindre sa famille en forêt, sans, bien sûr, jamais revenir.

Pendant ce temps, Ngoye reste là à attendre...Au bout d'un long moment, il comprend que Kulu a fuit, alors, il récupère le paquet et le ramène chez lui. Quand il l'ouvre enfin, il se rend compte qu'il s'est fait berner car il n'y a pas de viande à l'intérieur, mais seulement des noix de palme. Ngoye est furieux et il part chercher ce traître pour se venger, mais impossible d'y mettre la main dessus. De rage il dit : « D'accord, Kulu, tu as fuit, mais le jour où je te retrouve, je te ferai sortir de ta carapace et je te mangerai ! ».

V.3 Proverbes d'animaux

V.3.1 Définition42(*)

Les proverbes constituent le genre le plus paradoxal de la littérature orale. C'est l'un des plus anciens, sans doute, mais aussi celui qui a le mieux résisté à l'érosion du temps. Il est investi en amont par les dictons, les lieux communs, les « expressions proverbiales » et les locutions populaires et, en aval, par les adages, les sentences et les maximes, ce qui le rend difficile à cerner. Sa forme est brève avec des inventions stylistiques telles que les métaphores, les périphrases, les antithèses, les jeux de mots, les rimes etc. Il a pour rôle de délivrer un message.

V.3.2 Quelques proverbes Bakota ...

D'après l'étude de Jean-louis Doucet, l'importance du monde animal dans les proverbes ou les énoncés sentencieux est beaucoup plus élevée chez les Mahongwé que pour d'autres ethnies du Gabon. En effet, l'auteur a recensé et comparé 3.757 proverbes43(*) des différentes ethnies gabonaises, et a remarqué que la part des animaux dans ces énoncés était de 59,6% chez les Mahongwé44(*), suivis par les Punu (44,2%), les Nkomi (36,7%) et les Fang (36,4%).

Comme pour les autres langues gabonaises, les animaux intervenant le plus dans les proverbes Mahongwé sont l'éléphant, le chien, le cop (et la poule). Ces trois espèces étant présentes dans 24,2% des énoncés (Doucet, 2003).

La liste de quelques proverbes Bakota qui suit est tirée des proverbes Mahongwé présents dans la thèse annexe de Mr Doucet et traduit en Ikota avec l'aide des techniciens de la station d'Ipassa ainsi que ceux recueillis par moi-même lors de mes enquêtes chez les Ikota et les Mahongwé.

1) K : « Ngoye mwa bolé na magna »

La Panthère ne pourrie jamais jusqu'aux griffes

La vieillesse n'est pas une fatalité ; tu peux être vieux et toujours avoir des forces.

2) K : « Ngoye, mwa bo né banda na magna »

M : « Ngoyi ndeka bolo na niala n'ebanda »

Les ongles et la peau de la Panthère ne pourrissent pas simultanément

Une personne malade ou âgée ne perd pas toutes ses capacités en même temps

3) M : « Ba Kudu badji ba huwa batchilo ba Ngoye »

Les femmes de la Tortue deviennent les femmes de la Panthère

Se dit lorsque quelqu'un est avare et qui se permet de tout prendre quand il est chez autrui.

4) K : « Ngoye né Taba ba nangé élungwé éko » ou « Ngoye né Taba balandé londjié mokolo »

* 36 Coula edulis

* 37 Arbre fruitier (Dacryodes buttneri) très commun dans tout le Gabon.

* 38 Les atangas ne se consomme qu'après avoir été cuites.

* 39 Ce sont généralement de grandes feuilles de bananier qui étaient utilisées comme assiettes ou pour la cuisson « à l'étouffée » de certains plats.

* 40 Il s'agissait d'une technique de chasse qui consistait à creuser une fosse profonde et y planter des pieux en bois. On les plaçait principalement autour des plantations pour les protéger des potamochères.

* 41 Les paquets sont des feuilles de bananier dans lesquelles on met de la viande ou du poisson avec des condiments. On ferme le tout, puis on le met sur le feu où ça cuit à l'étouffer.

* 42 Encyclopaedia Universalis, tome 19, p 152.

* 43 Sources : Adam J., 1937. Extrait du folklore du Haut-Ogooué. Athropos XXXII (1-2), pp 247-270 ; Raponda-Walker, 1993. 3000 proverbes du Gabon. Les classiques africains, Versailles, 295P ; Bodinga-Bwa-Bodinga & Van Der Veen, 1995. Les proverbes EVIA et le monde animal (Gabon). L'Harmattan, 95P ; Kwenzi Mikala, 2000. Parémies d'Afrique Centrale. Edition Raponda-Walker, Libreville, 62P ; Doucet, 2003. Le monde animal joue un rôle prépondérant dans l'expression des valeurs morales chez les Mahongwé du Gabon. Thèse annexe de doctorat, faculté des sciences agronomique de Gembloux.

* 44 Pour une moyenne de 32,3%

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote