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Etude de la conséquence en français contemporain: Le cas de trois oeuvres d'Emile Zola

( Télécharger le fichier original )
par Lysette Nanda
Université de Yaoundé I - DEA de langue française 2006
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I

    UNIVERSITY OF YAOUNDE I

    DÉPARTEMENT DE FRANÇAIS

    DEPARTMENT OF FRENCH

    FACULTÉ DES ARTS,

    LETTRES ET SCIENCES

    HUMAINES

    FACULTY OF ARTS, LETTERS AND SOCIAL SCIENCES

    ÉTUDE DE LA CONSÉQUENCE EN

    FRANÇAIS CONTEMPORAIN :

    LE CAS DE TROIS OEUVRES D'ÉMILE ZOLA.

    UNE PERSPECTIVE PRAGMATIQUE. LINGUISTIQUE DANS

    Mémoire pour l'obtention du Diplôme d'Etudes

    Approfondies (D.E.A) de Langue Française

    Présenté par

    Lysette NANDA

    Maître de Langue Française

    Sous la Direction de

    Germain Moïse EBA'A

    Chargé de Cours

    Année universitaire 2007/2008

    DÉDICACE

    A Marius et à Rolande, nos enfants.

    REMERCIEMENTS

    Avant toute chose, nous tenons à exprimer notre gratitude à tous ceux qui nous ont soutenue et inspirée au cours de ce travail.

    Nous remercions notre Directeur, Monsieur EBA'A Germain Moïse, pour la qualité de l'encadrement dont nous avons bénéficié notamment ses lectures attentives, ses observations perspicaces, ses conseils précieux, sa générosité et ses encouragements.

    Nous ne saurions oublier le Groupe d'Etudiants et Chercheurs en Grammaire (GRECG) dont la documentation nous a été d'un apport précieux.

    Notre gratitude s'adresse également à Madame MBOUNGUE Anne pour son assistance morale et matérielle.

    Enfin, nous tenons à exprimer notre reconnaissance à nos amis et à notre famille : en particulier à notre Soeur NGUIMBOUD Tabitha et nos enfants qui nous ont constamment encouragée et aidée dans d'innombrables tâches domestiques, concours sans lequel ce travail n'aurait pas été possible.

    A tous ceux qui ont contribué de près comme de loin à la réalisation de ce travail, nous disons simplement : merci !

    INTRODUCTION GÉNÉRALE

    1. DÉFINITION DU SUJET

    Il peut paraître superflu d'envisager une étude de l'expression de la conséquence en français car les grammaires ont déjà exploré tous les aspects de cette notion. Elles ont notamment rendu commune l'idée selon laquelle la conséquence est exprimée par des formes bien répertoriées et communément admises. Ces formes grammaticales pour l'essentiel, sont : de telle sorte que, de sorte que, en sorte que, de telle manière que, de manière que, au point que, si bien que, si...que, tellement... que, à tel point que, de peur que, jusqu'à ce que, tant que, trop... pour que, assez... pour que, sans que, à telle enseigne que, tant et si bien que, il en résulte, il s'ensuit que, ça fait que, etc. La conséquence est également exprimée dans des phrases simples par les expressions : de façon à, de manière à, au point de, assez...pour, trop...pour suivies de l'infinitif. Cependant, suivant le contexte, certaines conjonctions (et, donc) et adverbes de liaison (alors, ainsi, aussi, par conséquent, du coup, partant, par suite, en conséquence, de ce fait, par suite, etc.) peuvent exprimer la conséquence. Dans l'un ou l'autre cas, ces marqueurs ont pour rôle d'établir le lien logique entre un fait et le résultat qu'il entraîne. Les grammaires mettent de ce fait au même pied d'égalité les différents moyens d'expression de la consécution.

    Cependant, la langue subit, dans son évolution, des influences qui remettent en cause son système. Certains faits sont donc appelés à disparaître alors que de nouveaux suscitent une attention particulière par la complexité de leur application. Il faut ajouter à cela les modifications syntaxiques, morphologiques et même sémantiques qui compliquent davantage l'étude de la langue française. Sur ce point, nombre de travaux visent à rendre cette langue accessible à tous. La maîtrise de la langue par le locuteur ne se limitant plus simplement à un agencement contrôlé des différents éléments de la phrase comme le veut les grammaires, il importe aussi de prendre en compte un ensemble de paramètres énonciatif, sémantique et même pragmatique qui accompagnent chaque prise de parole. Du coup, les outils d'analyse du discours s'adaptent en mettant à la disposition des utilisateurs de la langue de nouveaux instruments efficaces, des appareils d'étude susceptibles de relever l'ensemble des paramètres qui entrent dans la production d'un discours. C'est pourquoi, Plantin (1990 :40) pense que

    [...] le langage courant n'offre pour définir la cause que des notions d'une complexité au moins égale. Pour approcher ce concept, on dispose d'une famille de termes dont le degré d'équivalence ne peut s'apprécier que contextuellement.

    Nous sommes tenté d'ajouter et selon la visée du discours.

    2. MOTIVATION

    Lors de la soutenance de mon mémoire en cycle de maîtrise, il y a deux ans, j'ai été interpellée par un membre du jury pour justifier l'emploi de la conjonction de coordination et dans une phrase. Sur le champ, j'ai réalisé que et était en attaque de phrase. Sa valeur était difficile à déterminer alors qu'il n'y avait pas de faute de construction. Voyant mon embarras, le président de jury m'a invitée à poursuivre la recherche de la valeur de et. Et c'est dans cette perspective que j'ai découvert que j'ai utilisé et, de manière intuitive, pour exprimer la conséquence. Ce qui m'a amenée à préconiser qu'il y a plusieurs formes d'expression de la conséquence que j'ai appréhendée comme une notion à la fois fonctionnelle et notionnelle.

    Sur le plan fonctionnel, la conséquence est exprimée, selon les grammaires, à travers le complément circonstanciel de conséquence (CCC). Cette forme ne représente, dans notre étude, qu'un des divers moyens susceptibles d'exprimer ce concept. Sous cette forme, elle se présente sous une étiquette globalisante de complément circonstanciel qui est apparue au Moyen-Âge. La grammaire de cette époque entrevoyait déjà l'expression du complément dans l'étude de la notion de rection. A ce sujet, Linacre commenté par Chevalier (1968 :163) parle de complémentation secondaire. Il donne l'adverbe pour exemple et déclare : les adverbes appartiennent aux verbes et servent à établir un fait ou à répondre à une question suscitée par un fait, et à exprimer le temps, la place, la manière ou tout autre circonstance par rapport à ce fait. Au XVIIème siècle, l'abbé Girard également glosé par Chevalier (op cit : 685) reconnaît que dans la phrase, chaque mot concourt à l'expression du sens bien que cela ne soit pas de la même manière ; les uns étant en régime dominant, les autres en régime assujetti, et les troisièmes en régime libre, selon la fonction qu'ils y font. Le complément circonstanciel, déjà reconnu par l'abbé Girard comme l'élément de la phrase qui est en régime libre, n'a donc pas été inventé au XIXème par la grammaire scolaire, comme le déclare Petiot (2000 : 57-58). D'ailleurs, l'auteur souligne que ce constituant existe depuis le 1er siècle avant J.C. sous un aspect plutôt rhétorique. Elle le signifie en ces termes : c'est à Quintilien qu'on doit le terme circumstantiae qui regroupe temps, lieu, personnes, choses, motif, finalité, moyen. Dans son évolution cependant, la notion subit un changement au niveau de son appellation et de la catégorie du discours qui le représente. En effet, l'auteur ajoute à la même page qu'

    en fait jusqu'à l'entrée des compléments circonstanciels dans la grammaire scolaire du XIXè siècle, c'est l'adverbe qui est la catégorie apte à exprimer la circonstance : au XVIIIè siècle, Dumarsais propose le terme de complément adverbiale, ce qui souligne son caractère périphérique par rapport au noyau propositionnel qui est un « objet grammatical »

    Toutefois, il s'agit d'une révolution sur le plan pédagogique qui est liée à la compréhension et à l'écriture du texte. Et ce changement a renforcé la classification amorcée par la grammaire antique. C'est de cette révolution que nous tenons aujourd'hui le complément circonstanciel de cause, de but, de concession, de conséquence, etc. Cet étiquetage se fonde sur le contenu de l'information que véhiculent les compléments circonstanciels.

    Pour Wagner et Pinchon (1962), Chevalier et alii (1964) et même Grevisse (1969), comme pour Leeman (1998 :58), le CCC, tout comme n'importe quel complément circonstanciel,

    complète l'idée exprimée par le verbe en indiquant les conditions, les circonstances dans lesquelles se trouve le sujet, ou s'accomplit l'action du sujet. Il indique donc la manière, le but, le lieu, la cause, etc. dans lesquels se déroule l'action du verbe.

    Pour Tomassone (2002 :181), il ne sert à rien de multiplier les désignations et d'identifier les fonctions si tout cela ne permet pas de mettre en évidence le fonctionnement des unités dans les phrases ou, ajoutons-nous, de reconnaître l'apport du sujet parlant. Quel que soit le cas, cette brève revue synchronique permet de constater que le complément circonstanciel connaît beaucoup de difficultés tant au niveau de la délimitation de ses bornes que de son fonctionnement. D'où l'intérêt de découvrir ce qu'en disent les grammaires.

    Les Le Bidois (1938 : 446) ne définissent pas la conséquence, ils reconnaissent tout de même qu'elle se dévoile dans deux propositions liées par des subordonnants qui traduisent le lien de conséquence. Brunot et Bruneau (1949 : 551) ne donnent pas non plus de définition à la notion que nous étudions. Les efforts de ces auteurs sont concentrés sur la distinction entre le but et la conséquence. Pour cela, ils déclarent  que toute proposition introduite par une conjonction de « manière » (de sorte que, de façon que, etc.) qui présente le mode de subjonctif doit donc être considérée comme une proposition de but.

    Quant à Wagner et Pinchon (1962 : 591-594), ils pensent qu'en plus du fait que le contenu des propositions subordonnées de conséquence est présenté comme la conséquence ou le résultat du contenu de la proposition qui leur sert de support, le mode varie suivant ce que veut exprimer le locuteur. Ainsi, dans une phrase complexe, le verbe de la dépendante est à l'indicatif quand on actualise la conséquence - qu'elle soit réelle ou éventuelle - et au subjonctif si la conséquence fait l'objet d'une interprétation. Dans ce cas, nous pensons qu'une étude en contexte de la conséquence serait très intéressante.

    Chevalier et alii (1964 : 149-151), partagent entièrement plutôt le point de vue de Brunot et Bruneau lorsqu'ils ajoutent que l'étude de la conséquence ne peut se faire que par opposition à la cause parce que la relation de consécution comporte deux termes comme la relation de cause. En effet, ils estiment que dans la subordination causale, on met en dépendance la cause [alors que] dans la subordination consécutive, on met en dépendance l'effet. Le mode qui exprime une attitude du sujet parlant à l'égard de son énoncé semble déterminant dans l'expression de la conséquence.

    En effet, Chuilon (1986 :81) affirme que l'emploi du subjonctif permet de présenter la conséquence comme un état à atteindre. On peut alors avoir à faire à une conséquence souhaitée, voulue, irréelle... Chuilon rejoint ainsi Wagner et Pinchon malgré la distance qui existe entre ces générations.

    La notion de conséquence présente des liens si complexes, si diversifiés, si délicats à identifier et si subtils à décrire que Grevisse et Goosse (1993 :1630) ont dit qu'il ne [leur] a pas paru nécessaire de définir [cette] catégorie qui emprunte sa dénomination à la langue ordinaire. Cette affirmation témoigne non seulement de la difficulté que les grammaires ont à donner une explication à la notion qui nous intéresse, mais aussi l'embarras qu'on éprouve lorsqu'il faut clarifier, de manière précise, les outils susceptibles d'exprimer la conséquence. Ce constat est réel, d'ailleurs Riegel et alii (1996 :516) eux aussi ne définissent pas la notion, ils reconnaissent simplement que la conséquence est subordonnée syntaxiquement et sémantiquement.

    Ainsi, la grammaire ne perçoit la conséquence qu'à travers les CCC. Elle donne donc une liste figée des outils qui introduisent la notion en jeu tout en considérant les différentes formes d'expression de la conséquence comme étant synonymes. Elle ne montre pas clairement la place du sujet parlant encore moins le sens qui sous-tend l'utilisation de chaque outil de conséquence.

    3. PROBLÉMATIQUE

    Ce travail contribue à apporter une réponse à la question centrale suivante :

    Quelles sont les différentes valeurs argumentatives des divers moyens d'expression de la conséquence ?

    Ou encore :

    Quelle est l'intention du locuteur lorsqu'il emploie, dans son énoncé, une forme particulière pour traduire la conséquence ?

    En fait, il est établi que la conséquence traduit le rapport entre un évènement et la suite logique qui en découle. Sur le plan notionnel, elle est définie par diverses formes linguistiques qui n'introduisent forcément pas le CCC, et chacune d'elles peut être dotée d'un sens spécifique et d'une motivation particulière. Ainsi les marqueurs de consécution sont devenus, dans le discours, des connecteurs discursifs ou en pragmatique des connecteurs argumentatifs. Aux marqueurs originels de conséquence se sont ajoutées d'autres formes circonstancielles. Il s'agit des conjonctions comme et, donc, des adverbes comme du coup, aussi ou de l'interjection eh bien ! etc. qui ne peuvent se comprendre que relativement à l'acte de langage qu'ils décrivent et modifient. Ce travail va donc au-delà d'un simple inventaire des différentes formes d'expression de la conséquence ; il veut apporter une réponse à la question axiale donc découlent les questions subsidiaires suivantes :

    - quelles sont, dans le discours, les valeurs spécifiques de diverses formes d'expression de la conséquence ? ;

    - quelles sont sur le plan syntaxique, les valeurs des formes d'expression de la conséquence ? ;

    - quelles relations existe-t-il entre la conséquence et les autres catégories de la causalité ?

    4. HYPOTHÈSES

    Pour répondre à ces questions, nous partirons des hypothèses ci-dessous:

    - les marques d'expression de la conséquence sont hétéroclites ;

    - les formes d'expression de la conséquence ont des valeurs spécifiques ;

    - les formes morphosyntaxiques de la conséquence dégagent des valeurs semblables à celles induites par les formes morphologiques ;

    - la conséquence a des rapports avec d'autres relations logiques.

    Par ce travail, nous envisageons de rappeler aux utilisateurs de la langue les différents moyens que la langue française met en oeuvre pour exprimer la conséquence ; focaliser leur attention sur la force de la fonction consécutive sur le plan argumentatif. Dans cette optique, nous allons décrire d'une part, les valeurs des différents marqueurs de consécution et, d'autre part, établir à l'attention des usagers de cette langue les effets de sens qu'ils produisent selon le contexte.

    5. CORPUS

    Pour vérifier ces hypothèses, nous avons choisi comme corpus trois oeuvres d'Emile Zola. Il s'agit de :

    1- La bête humaine (Lbh) qui symbolise le progrès de l'humanité et la complexité de la justice assujettie à la politique.

    2- Nana (Na), l'héroïne asservit la classe bourgeoise par la prostitution qui tourne à la folie.

    3- Germinal (Ge), un tableau de la misère des mineurs, de l'insolence des bourgeois et de la grève ratée des premiers. L'oeuvre se ferme toutefois sur une note d'espoir et de prise de conscience.

    Auteur prolixe, il a écrit dans plusieurs genres : le roman (policier, naturaliste, souvenirs comme prisonnier de guerre), l'essai, la chronique, le théâtre, etc. Quel que soit le thème abordé ou le genre, l'essentiel est de savoir, comme le déclare Tisset (2000 :62), que la narration permet de regarder comment se fait l'acte illocutoire qui la sous-tend, à qui s'adresse le discours du narrateur et quels effets perlocutoires sont produits sur l'allocutaire.

    La volumineuse oeuvre de Zola peut fournir la matière pour notre étude. En outre, Zola est un locuteur natif de la langue française, donc nous ne serons pas confrontée aux difficultés liées aux interférences linguistiques et sa fécondité nous permettra également de travailler sur un corpus homogène.

    6. CADRE THÉORIQUE

    Nous avons vu que les grammaires étudient les faits de langue dans des phrases isolées. Ce qui ne permet pas de percevoir l'impact du contexte dans une analyse du discours. En fait, pour Grawitz (1990 : 345) cité par Barry (2005 :1) toutes les recherches sur l'analyse du discours

    (...) partent néanmoins du principe que les énoncés ne se présentent pas comme des phrases ou des suites de phrases mais comme des textes. Or un texte est un mode d'organisation spécifique qu'il faut étudier comme tel en le rapportant aux conditions dans lesquelles il est produit. Considérer la structure d'un texte en le rapportant à ses conditions de production, c'est l'envisager comme discours.

    En fait, toute phrase, même si elle se résume à un sujet, un verbe et un complément, est porteuse d'un message qui la dépasse, compte tenu du contexte et de la façon dont elle est émise. Elle contient certes une information, mais elle participe simultanément à la communication, ce qui implique au moins deux personnes, et par conséquent l'intervention de celui qui émet et de celui qui reçoit. Pour Elfie (2006 :12), l'intérêt d'une approche pragmatique de la littérature tient à ce que la projection de

    la vie humaine sur la scène romanesque permet non seulement de retracer avec objectivité et distance critique la nature réciproque et relationnelle du langage, à savoir l'efficacité du discours en situation, mais elle permet aussi d'observer dans la durée, c'est-à-dire tout au long de l'itinéraire romanesque, la force illocutoire et perlocutoire des actes de parole, autrement dit les effets pragmatiques engendrés sur l'imaginaire des personnages romanesques et sur le contexte communicationnel qui leur est propre.

    Et l'apport de la théorie des actes de langage est donc de montrer que les énoncés que nous formulons ne sont pas seulement porteurs d'informations, mais qu'ils peuvent aussi désigner l'objectif du locuteur au moment où il énonce son propos. Nølke (2008 : 1) renforce la perception d'Elfie lorsqu'il note que les connecteurs pragmatiques servent à structurer le discours. Ils combinent et précisent les relations discursives qui s'établissent entre les différents segments du texte, oral ou écrit, monologal ou dialogal, et parfois même du non-dit. La pragmatique donne de ce fait les moyens d'étudier l'intention du locuteur et de parler de la cohérence du texte. A ce titre, l'approche de Moeschler et de Reboul (1992,1998) nous paraît plus appropriée. Pour ces auteurs, la phrase, à elle seule, constitue le discours qui est une succession de phrases. Dès lors, l'analyse du discours prend en compte simultanément les aspects grammatical et sémantique auxquels elle associe l'approche contextuellement. Ils (les auteurs) s'appuient par ailleurs sur la théorie de la pertinence de Speiber et Wilson. L'étude en contexte du discours se distingue fort bien de l'approche grammaticale qui étudie les phénomènes dans des phrases isolées.

    7. MÉTHODOLOGIE

    Dans la conduite de ce travail, nous avons exploité plusieurs ouvrages de grammaire et de pragmatique. Ce qui nous a permis de revisiter les études déjà faites sur la conséquence et de constituer nos occurrences sur la base d'un corpus. De ce corpus, nous avons relevé 2500 occurrences que nous avons analysées. Cette analyse a permis d'une part, de classer les occurrences suivant les types de conséquence : réelle, irréelle, éventuelle, niée, ambiguë ; de jauger la permutabilité des différents connecteurs de conséquence ; d'autre part, d'opérer un rapprochement entre certaines des formes qui expriment la conséquence et d'étudier le rapport entre la conséquence et les autres catégories de la causalité.

    8. PLAN DU TRAVAIL

    Notre étude comporte quatre chapitres. Le premier fait un état de la question sur l'approche fonctionnelle de la conséquence et débouche sur l'exposé du cadre théorique. Le deuxième chapitre présente les marqueurs morphologiques de la conséquence et leur portée argumentative. Le troisième chapitre met en lumière l'approche syntaxique de la notion en jeu notamment ses caractéristiques et ses valeurs. Le quatrième retrace les rapports entre la conséquence et les autres relations logiques.

    CHAPITRE 1

    L'APPROCHE FONCTIONNELLE

    DE LA CONSÉQUENCE

    L'approche fonctionnelle de la conséquence se préoccupe de l'étude du CCC, forme que la grammaire reconnaît comme moyen d'expression de la conséquence. Pour elle (la grammaire), le CCC, tout comme n'importe quel complément circonstanciel, est un constituant de phrase dont la présence dans la phrase est facultative. Toutefois, sa fonction est d'apporter des informations non sur les circonstances dans lesquelles se déroule l'action exprimée par le verbe, mais sur l'effet produit par le fait décrit dans la première proposition. A ce titre, il peut ne pas faire partie du noyau verbal et sa suppression est sans dégât réel sur le sens de la phrase. Pour Wagner et Pinchon (1962 : 591-594) le contenu [des] propositions subordonnées de conséquence est présenté comme la conséquence ou le résultat du contenu de la proposition qui leur sert de support. Cette définition dévoile que le rapport susceptible d'exister entre le contenu de la proposition support et celui de la subordonnée de conséquence est un rapport logique. Cependant, ce rapport est introduit, au niveau grammatical, par des outils grammaticaux. Et, selon l'une des hypothèses de ce travail, les moyens d'expression de la conséquence sont hétéroclites. Aussi allons-nous consacrer ce premier chapitre à l'étude rétrospective des différentes perceptions de la notion en grammaire. Dans cette perspective, ce chapitre a pour objectif l'identification des moyens d'expression de la conséquence à travers les théories grammaticales. Cet inventaire va nous aider à vérifier l'opérationnalité de la théorie qui nous servira d'instrument d'analyse des différentes catégories de la conséquence.

    Pour la commodité et la cohérence de notre analyse, nous allons classer les moyens d'expression de la conséquence selon les époques : époque classique et époque structurale. Cet aperçu des catégories de la conséquence va être suivi de la présentation de la pragmatique linguistique.

    1. L'approche classique du CCC

    Le complément circonstanciel de conséquence est, comme nous venons de le souligner, le résultat du procès exprimé par le verbe. Et pour exprimer ce phénomène, la grammaire traditionnelle utilise plusieurs classes de marqueurs qui se déploient essentiellement dans deux types de structures : la conséquence simple ou pure et la conséquence subordonnée.

    1.1. La conséquence simple

    La conséquence simple est celle qui est exprimée, selon les Le Bidois (1938 :445), dans les subordonnées de conséquence sans ligature. Les schèmes les plus usuels sont la juxtaposition, la coordination, l'apposition et le groupe prépositionnel.

    1.1.1. La juxtaposition

    La juxtaposition est un procédé syntaxique qui consiste à poser une proposition à côté de l'autre, les deux étant reliées par un rapport de logique ou de sens et la proposition de conséquence se plaçant toujours en fin de phrase. A ce propos, Wagner et Pinchon (1962 :19) déclarent que les termes juxtaposés sont solidaires dans un rapport d'égalité comme nous le relevons dans [1]

    1a. Oui, elle s'est enragée de n'avoir jamais rien surpris entre eux, elle

    en est morte (Lbh, p355) ;

    1b. Cependant, l'hôtel n'était pas entièrement meublé que Nana, un soir

    où elle avait prodigué à Muffat les sentiments de fidélité les plus énergiques, retint le comte Xavier de Vandeuvre, qui [...] lui faisait une cour assidue de visite et de fleur. Elle céda [...]. (Lbh, p301) ;

    1c. « Veux-tu venir, ou je te fous sur la voie comme l'autre ! » Il était

    remonté, il me poussait, brutal, fou. Et je me retrouvai dehors

    (Lbh, p 255) ;

    1d. Zoé courut chez le jardinier, qui avait fait une soupe aux choux [...].

    On eut donc une soupe aux choux avec un morceau de lard

    (Na, p 182).

    [1a] montre que la mort de Mme Dabodie est la conséquence du fait qu'elle n'a pas pu surprendre son voisin avec Mlle Guichonet, occasion que la première attendait pour troubler le foyer de la voisine qu'elle détestait. En [1b], la cour que Vandeuvres faisait à Nana a amené celle-ci à céder. Le fait qu'elle ait trompé Muffat traduit le résultat qu'espérait le comte. La relation de conséquence, non marquée dans ces phrases, peut être exprimée effectivement par un marqueur comme on peut le voir dans [1'] :

    1a'. Oui, elle s'est enragée de n'avoir jamais rien surpris entre eux, au point qu'elle en est morte ;

    1b'. Cependant, l'hôtel n'était pas entièrement meublé que Nana, un soir où elle avait prodigué à Muffat les sentiments de fidélité les plus énergiques, retint le comte Xavier de Vandeuvre, qui [...] lui faisait une cour assidue de visite et de fleur au point qu' elle céda.

    La juxtaposition est une forme que la rhétorique nomme asyndète. Elle se manifeste par l'absence de connecteur entre deux énoncés. Seule la logique permet d'établir le lien de cause à effet, donc de conséquence.

    Cependant, la notion de juxtaposition, telle que définie, pose deux problèmes essentiels. Primo, le rapport qui existe entre les deux énoncés ne semble pas être un rapport d'égalité puisque le premier énoncé appelle le second de manière inévitable dans une relation logique. Secundo, cette définition ne semble se limiter qu'aux énoncés [1a et 1b]. En effet, le Goffic (1993 :8) définit la phrase comme une séquence autonome dans laquelle un énonciateur (locuteur) met en relation deux termes, un sujet et un prédicat. Il s'agit là de la définition d'une phrase-type, c'est-à-dire un modèle de référence, la phrase canonique. Quant à la proposition, Gaillard et Colignon (2005 :146) affirment qu'on parle de proposition lorsque le noyau est un verbe conjugué à un mode personnel, [...]. Ainsi, la proposition peut avoir la dimension d'une phrase dans le cas de la phrase simple. Et dans le cas de la phrase complexe, la proposition y apparaît comme un sous-ensemble, puisque, d'une manière générale, on se sert d'une proposition pour former une phrase qui peut en compter plusieurs. Du coup, le rapport de juxtaposition s'étend au-delà de la proposition pour atteindre le cadre de la phrase ou même du texte ; et la grammaire se trouve bien limitée dans l'étude de l'expression des relations logiques comme celle de la conséquence.

    Par ailleurs, les grammairiens n'expliquent pas le vouloir dire du locuteur à l'heure où celui-ci préfère la juxtaposition comme forme d'expression de la conséquence, en lieu et place de la coordination par exemple.

    1.1.2. La coordination

    La coordination exprime l'action de lier les mots ou groupes de mots de même fonction syntaxique. Elle se manifeste par la conjonction de coordination et l'adverbe conjonctif.

    1.1.2.1. La conjonction de coordination

    Les conjonctions de coordination, traditionnellement au nombre de sept (mais, ou, et, donc, or, ni, car), assurent la coordination des éléments de la phrase. Pour Bonnard (1992 :108), elles permettent d'associer les idées sans instituer entre elles de dépendance syntaxique. Dans l'expression de la conséquence, le rapport de coordination joint deux propositions dont l'une énonce la cause et l'autre l'effet. Les marqueurs de la coordination de consécution sont donc et et. Ce rôle apparaît dans les énoncés suivants :

    2a. Tous connaissaient bien le père Quandieu, le doyen des porions de Montsou, un vieux tout blanc de peau et de poils, qui allait sur ces soixante dix ans, [...]. « Qu'est ce que vous venez fiche par ici, tas de galvaudeux ? » cria-t-il. La bande s'arrêta. Ce n'était plus un patron, c'était un camarade ; et un respect les retenait devant ce vieil ouvrier. (Ge, p. 315) ;

    2b. Il régnait là une chaleur moite, la chaleur enfermée de toute une nuit, alourdie par la bouche du calorifère, restée ouverte ; et il (M. Hennebeau) fut pris aux narines, [...] (Ge, p327) ;

    2c. [...], on égorgeait sa fille, on rasait sa maison, c'était donc vrai que ces mineurs pouvaient lui en vouloir, parce qu'il vivait en brave homme de leur travail ? (Ge, p348) ;

    [2a] décrit la manifestation de la grève ; dans leur rage à tout casser, les mineurs rencontrent un vieux mineur qui inspire le respect, le père Quandieu, chargé de garder la fosse d'une mine voisine à celle de Montsou. Et c'est justement parce qu'il est respecté pour son âge et pour sa fidélité qu'il est choisi pour assumer cette tâche. L'ordre qu'il donne représente une force morale suffisante pour empêcher les jeunes mineurs de poser leur acte de destruction. La conjonction et en gras dans l'énoncé [2a] introduit la conséquence qui, dans ce cas, ne vient pas d'un acte, mais d'un état de chose décrit dans le premier énoncé. En [2b], Hennebeau est étourdi par l'odeur que dégage le calorifère, conséquence de l'excès de parfum dans l'air de la chambre qui a abrité une nuit d'amour entre sa femme et son neveu.

    En outre, Gaillard et Colignon (2005 : 237) soulignent que la conjonction de coordination, par son sens, établit un lien logique entre les deux éléments : et (addition), ou (choix), car (explication)... Le principal lien logique que la grammaire traditionnelle reconnaît à la conjonction de coordination et étant celui d'addition, il y a lieu de se demander ce que ce mot additionne dans les exemples ci-dessus. Ce qui amène à réexaminer la relation de coordination notamment la place du coordonnant et ses valeurs lorsqu'il est connecteur discursif ou argumentatif.

    1.1.2.2. L'adverbe conjonctif

    Un adverbe est un mot invariable qui modifie ou précise le sens d'un verbe, d'un adjectif ou d'un autre adverbe. Cependant, lorsqu'on parle d'adverbe conjonctif, il s'agit d'adverbe de liaison qui joue le même rôle que la conjonction de coordination. C'est pourquoi, notent Wagner et Pinchon (1962 :424), ces adverbes servent à établir une liaison entre la proposition ou le terme de la proposition qu'ils déterminent et une proposition précédente. D'ailleurs Bonnard (1992: 108) souligne qu'ils sont diversifiés (aussi, alors, c'est pourquoi, partant, par suite, voilà pourquoi, ainsi, en conséquence, du coup, etc.). Nous avons quelques échantillons dans [3] :

    3a. Quand on s'embête chez soi, [...], on va se distraire dehors. Puisque tu ne

    m'aimes plus.[...] Alors fous-moi la paix [...]. (Lbh, p 272) ;

    3b. L'affaire était arrangée déjà avec le maître porion et l'ingénieur, qui se

    montraient très contents du jeune homme. Aussi Etienne n'eut-il qu'à

    accepter ce rapide avancement, [...]. (Ge, p.142) ; 

    3c. Pas un des hommes n'avait eu un sourire. Sans soute, reprit la vieille dame,

    et même cette personne est arrivée hier soir à la Mignotte, [...], j'ai appris ce

    matin avec le jardinier. Du coup, ces messieurs ne purent cacher une très

    réelle surprise. (Na, p 185).

    Dans chacun de ses énoncés, les marqueurs en gras mettent effectivement en relation un fait et une conséquence. L'énoncé [3a] est de Roubeaud, mari de Séverine ; c'est parce qu'elle ne l'aime plus qu'elle doit lui foutre la paix. Le problème qui se pose surtout est de savoir si ces connecteurs qui assurent tous le rôle de ligature et expriment la conséquence sont interchangeables. Si oui, leur permutation conserve-t-elle à la phrase de base la même valeur ? En clair peut-on dire en [3']

    3a*. Quand on s'embête chez soi, [...], on va se distraire dehors. Puisque tu ne m'aimes plus.[...] Du coup, fous-moi la paix  ;

    3b'. ( ?). L'affaire était arrangée déjà avec le maître porion et l'ingénieur, qui se montraient très contents du jeune homme. Alors, Etienne n'eut-il qu'à accepter ce rapide avancement, [...]. (Ge, p.142) 

    Si grammaticalement l'interchangeabilité est possible, [3b] est-il identique à [3b'] ? Qu'est-ce qui justifie l'inacceptabilité de [3a*] ? Qu'est-ce qui explique la spécificité de chaque adverbe conjonctif ? Quelle est l'intension du locuteur qui sous-tend le choix d'un connecteur de conséquence ? Ces questions qui relèvent du domaine de compétence de l'énonciation et de la pragmatique sont celles que nous nous proposons d'éclairer dans la suite de ce travail. Parmi les diverses méthodes qui expriment la conséquence simple, on relève également l'apposition.

    1.1.3. L'apposition

    L'apposition est l'action d'apposer, de placer un terme à côté d'un autre, le second désignant toujours le même être ou la même chose que le nom auquel il se rapporte. Cela est la distinction fondamentale qui existe entre l'apposition et la juxtaposition. Le terme apposé est généralement séparé du nom auquel il se rapporte par une ponctuation, en l'occurrence la virgule à l'écrit et la pause à l'oral. A propos, Tomassone (2002: 240) mentionne que l'apposition indique

    la fonction des groupes qui déterminent un nom (ou un pronom, mais en sont détachés par une pause à l'oral et par des virgule à l'écrit) ; ils sont donc extérieurs au groupe nominal auquel ils se rattachent.

    En position d'apposition, la relative et le participe présent peuvent exprimer la conséquence.

    1.1.3.1. Le participe présent

    Le participe présent est une forme verbale que les grammaires ne définissent pas véritablement. Néanmoins, Wagner et Pinchon (1962 : 320) déclarent que le groupe agent-participe, construit en position détachée, a une fonction circonstancielle, entre autres la conséquence. Toutefois, il est à noter que, dans le cas de l'expression de la conséquence, on ne peut pas parler de groupe agent-participe, car le participe n'est pas directement précédé de l'agent. Certains auteurs comme Bonnard (1992 :336) reconnaissent qu'il en existe deux formes : le participe présent et le participe passé. Le participe présent qui nous intéresse est un mode non personnel et non temporel qui, en tant que forme du verbe, implique un agent représenté par un SN. L'action de cet agent provoque une conséquence qui est traduite par le participe présent, ainsi que le présentent ces énoncés :

    4a. Peu à peu, Nana avait pris possession du public, et maintenant chaque homme la subissait. Le rut qui montait d'elle, [...], s'était épandu toujours davantage, emplissant la salle. (Na, p 54) ;

    4b. De nouveau, les averses battaient les tuiles rouges, coulaient dans les

    tonneaux, [...]. Dans chaque maison, le feu ne refroidissait pas, chargé de houille, empoisonnant la salle close. (Ge, p.167) ;

    4c. Des lueurs errantes couraient au ras du sol, des vapeurs chaudes, empoisonnant l'ordure et la sale cuisine du diable, fumaient continuellement. (Ge, p 290).

    Dans l'énoncé [4a] par exemple, c'est parce que le rut s'était épandu et non parce qu'il montait de Nana qu'il emplissait la salle. Mais, sachant que l'auteur pouvait dire par exemple en

    4a'. Peu à peu, Nana avait pris possession du public, et maintenant chaque homme la subissait. Le rut qui montait d'elle, [...], s'était épandu toujours davantage, au point d'emplir la salle.

    Il y a lieu de s'interroger sur sa visée argumentative. Est-ce pour varier et éviter la redondance ? Est-ce un souci d'esthétique ? Voilà autant de situations qui méritent d'être étayées.

    1.1.3.2. La relative détachée

    Les propositions relatives sont introduites par un pronom relatif (qui, que, etc.). Elles ont ordinairement un support qui représente leur antécédent. Il existe la relative déterminative et la relative détachée. Encore appelée relative explicative, la relative détachée suit le groupe nominal, objet de l'action décrite et source de la conséquence qu'elle exprime. La position détachée lui confère certains privilèges. Ce qui a amené Riegel et alii (1996 : 484) à reconnaître que

    La relative explicative peut aussi faire l'objet d'un commentaire particulier. Ce qui montre son indépendance vis-à-vis du reste de l'énoncé. N'ayant pas de rôle référentiel, les relatives explicatives sont disponibles pour exprimer toutes sortes de nuances circonstancielles.

    A partir de là, la relative apposée peut exprimer la conséquence comme dans les phrases suivantes:

    5a. Dehors, un vent d'orage s'était levé, soufflant de grandes poussières noires, qui aveuglaient le monde et grésillaient dans les poêles de friture. (Ge, p.152) 

    5b. Rose était désolée, elle tombait depuis un mois sur des filles

    inexpérimentées, qui la mettait dans des embarras continuels. (Na,p.418) ;

    5c. [...], après avoir essoufflé la rédaction, disloqué l'administration, elle

    (Nana) contenta un gros caprice, un jardin d'hivers dans un coin de son

    hôtel, qui emporta l'imprimerie. ( Na, p.408).

    En effet, l'énoncé [5a] nous apprend que c'est la poussière noire qui aveuglait parce que soufflée par un vent d'orage. A la suite du participe présent et de la relative détachée, la préposition est également comptée parmi les moyens d'expression de la conséquence.

    1.1.4. La préposition

    La préposition est une partie du discours qui appartient à la catégorie des mots de liaison. Elle est un mot invariable qui relie un constituant de la phrase à un mot ou à la phrase entière. Grevisse et Goosse (1993 :369) définissent la préposition comme un mot invariable qui sert ordinairement à introduire un élément qu'il relie et subordonne, par tel ou tel rapport, à un autre élément de la phrase. Pour Mauger (1968 : 329 et 400), les structures suivantes sont possibles : un nom précédé d'une préposition, un infinitif précédé d'une préposition.

    1.1.4.1. Un nom précédé d'une préposition

    Diverses prépositions sont utilisées dans la relation de conséquence. Il s'agit entre autres de : à, pour, avec, sans, jusqu'à, de façon à. Les occurrences comportant pour et avec sont de Mauger car nous n'en avons pas trouvé dans notre corpus.

    6a. Son frisson ancien le reprenait : l'aimait-il donc, était-ce donc celle-là

    qu'il pourrait aimer, [...] sans un monstrueux désir de destruction

    (Lbh, p.151) ;

    6b. Les paupières battirent, les yeux se détournèrent, dans une gêne

    subite, un malaise allant jusqu'à la souffrance (Lbh, p 82) ;

    6c. Et, quand je l'ai trouvé en bas, il m'a parlé encore, il m'a répété qu'il

    m'aimait à mourir (Lbh, p.335) ;

    6d. Pour le malheur de la France, Charles VI devint fou (Mauger,

    1968 :329)

    6e. Travailler avec profit (Mauger, 1968 :329)

    La préposition relie les termes pour les intégrer dans une construction plus vaste. En [6a], Jacques, le machiniste est hanté par un besoin permanent de tuer, surtout les femmes, à telle enseigne qu'il redoute chaque fois qu'il a un penchant pour une femme. Lorsqu'il tombe amoureux de sa cousine, l'envie de tuer surgit. La préposition sans exprime cette conséquence qui, normalement a lieu toutes les fois que le machiniste aime une fille. Mais compte tenu de la valeur négative que cache le sens de cette préposition, il y a lieu de se demander si elle introduit une conséquence ordinaire. Si nous passons aux occurrences [6a-c], une autre préoccupation naît ; en effet, sachant que la conséquence est le résultat d'un fait initial, peut-on voir dans ces énoncés une conséquence, le fait est-il réel, éventuel ou nié ? Les auteurs n'en parlent pas.

    1.1.4.2. Un infinitif précédé d'une préposition

    Cette forme est exprimée par les locutions, en sorte de, assez...pour, suffire... pour etc., suivies de l'infinitif. Elle est illustrée dans les cas de figure suivants:

    7a. De la broderie, on lui en fichera ! Est-ce que tu me crois assez bête

    pour ne pas comprendre [...] ? (Lbh, p.195) ;

    7b. Aussi n'était-il pas fâché de lui faire sentir [...] sa toute puissance,

    l'absolu pouvoir qu'il avait sur la liberté de tous, au point de changer

    d'un mot un témoin en prévenu, [...]. (Lbh, p 139) ;

    7c.Cherche, cherche ! Rien que le plaisir de voir son nez s'allonger, ça me suffirait pour prendre patience (Lbh, p.86) ;

    La question en [7a] n'appelle en réalité pas une réponse. L'auteur semble plutôt attirer l'attention sur le fait qu'il n'est en fait pas bête, dans ce cas sommes-nous en présence d'une conséquence au même titre que celle qui est manifestée en [7b] ?

    Il ressort de tout ce qui précède d'une part, que les moyens d'expression de la conséquence simple sont variés en grammaire classique : juxtaposition, coordination, syntagmes prépositionnelles, apposition, d'autre part, que le mode censé revêtir la subordonnée de consécution est l'indicatif. Il est à relever d'ores et déjà que cet aspect du sujet divise tant et si bien les auteurs que nous y reviendrons dans la suite de notre étude. Brunot et Bruneau (1949 : 551) affirment sans équivoque que le mode de la conséquence est l'indicatif, le subjonctif exprimant le but. Wagner et Pinchon (1962 : 591-594) ne partagent pas la vision de Brunot et Bruneau, encore moins celui de Chevalier et alii (1964 : 149-151). Pour les seconds, le mode varie suivant ce que veut exprimer le locuteur. Ainsi, dans une phrase complexe, le verbe de la dépendante est à l'indicatif quand on actualise la conséquence - qu'elle soit réelle ou éventuelle - et au subjonctif si la conséquence fait l'objet d'une interprétation. Dans ce débat, la vision de Chevalier et alii est plutôt proche de celle de Brunot et Bruneau, malgré la différence de génération de ces auteurs. Le mode de la conséquence, à travers les époques, est une question à controverse. La conception de Chevalier et alii est traduite par les exemples suivants :

    8a. Il a donc vécu à sa guise, sans que je me mêle en rien de son existence (Lbh, p.145) ;

    8b. Et il hochait la tête, il avait une haine de l'eau-de-vie, la haine du dernier enfant d'une race d'ivrognes, qui souffrait dans sa chaire de toute cette ascendance trempée, [...], au point que la moindre goutte en était

    devenue pour lui un poison (Lbh, p 47) ;

    8c. Vous savez que Steiner commence à avoir de Rose par-dessus la tête, aussi le mari ne le lâche-t-il plus d'une semelle, de peur qu'il ne file. (Na, p 35).

    Or, Grevisse et Gosse (1993 :565) estiment que

    les modes expriment l'attitude prise par un sujet à l'égard de l'énoncé ; ce sont les diverses manières dont ce sujet conçoit et présente l'action, selon qu'elle fait l'objet d'un énoncé pur et simple ou quelle est accompagnée d'une interprétation.

    Ainsi perçu, nous pensons que l'expression des modes dans l'énonciation est une question purement subjective. Et ce problème est l'objet d'un grand débat entre les grammairiens à travers les âges. Les effets de ce débat transparaissent, avec Grevisse et Goose, dans [9] ci-après :

    9a. Ce jour-là pourtant, [...], il était rentré se jeter sur son lit. De sorte que Séverine l'aurait attendu vainement,[...] (Lbh, p.113) ;

    9b. Ils se gâtaient ensemble, c'était lui qui l'avait jetée sur Séverine, au point que, pour l'avoir à la maison, elle l'aurait fait arrêter sur l'heure.

    (Lbh, p 141) ;

    9c. Et il y eut ainsi, en août et en septembre des nuits adorables d'une telle douceur, qu'ils se seraient laisser surprendre par le soleil, si le réveil de la gare ne les avait séparés. (Lbh, p 206).

    Il ne s'agit ni d'une question de concordance de temps comme l'estiment certaines grammaires, ni d'une règle grammaticale, mais des angles de perception. Même s'ils n'ont fait que l'évoquer, Wagner et Pinchon reconnaissent que la conséquence a des nuances : elle peut être réelle ou éventuelle, et c'est le contexte qui déterminerait cette nuance. Si l'on relève, dans chaque énoncé la présence d'un marqueur morphologique de conséquence, le conditionnel, que traduit la forme en rais des verbes, apporte à la conséquence une nuance qu'il serait intéressant d'élucider.

    Par ailleurs, la grammaire traditionnelle reconnaît aussi la subordonnée consécutive, seulement nous préférons aborder cet aspect de la notion avec l'approche structurale de la conséquence puisque la grammaire structurale explique mieux le phénomène de l'enchâssement, source de la subordination.

    2. Le CCC en grammaire structurale

    La grammaire structurale naît à la suite de la linguistique structurale qui remonte au début du XXe siècle, et dont l'ambition est de rendre compte de la structure des langues avec plus d'efficacité. Elle a de ce fait donné une nouvelle impulsion à l'activité grammaticale par l'introduction des méthodes capables de décrire le fonctionnement réel des langues. Les écoles linguistiques qui en découlent ont donné naissance à diverses tendances grammaticales. La grammaire structurale se préoccupe donc tout particulièrement de l'organisation des mots et des constituants de phrase. Elle subordonne, sans le négliger, le sens à la syntaxe. C'est dans ce sens que Onguéné Essono Ch. (2001 :132) mentionne que le structuralisme explique

    la cohésion sémantique entre les unités puisque la fonction grammaticale est consécutive à une formulation particulière de ce rapport sémantique grâce à un mode de combinaison précis des unités.

    A ce propos, il apparaît opportun de présenter successivement les démarches de la grammaire générative et transformationnelle, de la grammaire dépendancielle et de la grammaire prédicative.

    2.1. La Grammaire Générative et Transformationnelle (GGT)

    Pour Noam Chomky (1969), la syntaxe est l'étude des principes et des processus selon lesquels les phrases sont construites dans les langues particulières. La GGT tente de construire une théorie générale formalisée de la structure linguistique et d'en explorer les fondements. Son ambition est donc d'exposer un modèle syntaxique applicable à toutes les langues naturelles. Aussi l'étude syntaxique d'une langue donnée a-t-elle pour objet la construction d'une grammaire pouvant être considérée comme une sorte de mécanisme qui produit les phrases de la langue soumise à l'analyse. Chomsky fonde donc sa théorie sur trois modèles : le modèle simple basé sur la théorie de communication, le modèle de l'analyse en constituants immédiats et le modèle transformationnel. Les deux derniers modèles nous intéressent tout particulièrement.

    Le modèle syntagmatique consiste en la décomposition de la phrase en constituants immédiats. Il permet de présenter les constituants et l'ordre dans lequel ils apparaissent dans une phrase. De manière graphique, le modèle syntagmatique est représenté sous la forme d'arbres syntaxiques dont Roberge (2002 :3) présente ci-dessous une forme simplifiée :

    W : représente la phrase

    X, Y, Z : représentent les noeuds

    T, U : représentent les branches, c'est-à-dire les syntagmes qui sont une projection de la catégorie. Ce modèle est cependant adéquat aux objectifs de la description linguistique comme le constate Chomsky (1969 :15). En effet, l'auteur reconnaît que ce modèle s'applique avec lourdeur, c'est-à-dire que toute grammaire construite sur cette théorie fort complexe, [...], est non révélatrice [...], surtout qu'en décrivant la structure de la phrase en constituants immédiats, le modèle syntagmatique peut aboutir à la formation des énoncés agrammaticaux.

    Parlant du modèle transformationnel, il s'agit des opérations qui convertissent un couple en une phrase unique et pour Ruwet (1972 :173), les transformations généralisées appartiennent à deux grandes catégories qui correspondent en gros à la distinction classique entre coordination et subordination. Ruwet distingue ainsi deux types de transformation : la coordination et la subordination.

    Au sujet des compléments circonstanciels, Ruwet dit qu'ils sont dus à l'enchâssement, ils insèrent une phrase à l'intérieur d'une phrase. Il s'agit de l'enchâssement de (TQU-) où T représente l'antécédent et QU le relatif pour l'enchâssement. Cette opération convertit QU + SN en qui s'il s'agit d'un SN sujet, et en que, s'il est question d'un SN objet. Pour ce qui est des transformations circonstancielles, Le Galliot (1975 :67) affirme que la GGT introduit dans la complexité des subordinations circonstancielles, un ordre simplificateur :

    la proposition subordonnée circonstancielle correspond à l'enchâssement d'une suite E2 à la place d'un constituant SP de la suite E1, quelles que soient évidemment les nuances logiques et sémantiques qui intéressent le contenu de la proposition.

    De manière concrète cela se démontre dans les exemples ci-après :

    10a. Toutes les femmes bientôt les connurent, [...] sans que personne

    pût citer une source exacte (Na, p 426) ;

    10b. Sans doute, dans la réparation des pistons et des tiroirs, elle (la

    machine) avait perdu de son âme, ce mystérieux équilibre de vie,

    dû au hasard du montage. Il (Jacques) en souffrait. Cette

    déchéance tournait à une amertume chagrine, au point qu'il

    poursuivait ses supérieurs de plaintes déraisonnables. (Lbh, p 279) ;

    10c. [...] l'oeil aux aguets, ils inscrivaient des paris, sur un geste, sur un

    clignement de paupières, si rapidement, que des curieux, béants,

    les regardaient sans comprendre. (Na, p.345) ;

    10d. Les jours où, de colère, elle oubliait ses intérêts, elle jurait de lui

    faire une telle saleté, qu'il ne pourrait remettre les pieds chez elle.

    (Na, p.403).

    La phrase [10a] renvoie aux deux phrases sous-jacentes

    a) toutes les femmes bientôt les connurent sans SN

    b) personne put citer une source exacte

    La phrase principale (a) présente la structure SN + V+SP. Nous n'allons pas entrer en détail dans les démonstrations de la GGT. Nous soulignons tout simplement que cette grammaire n'accorde aucune place au sujet parlant ; elle ne permet pas non plus de distinguer une subordonnée causale d'une subordonnée consécutive, deux concepts qui relèvent de la sémantique. En fait, la GGT est une grammaire de phrase et non de texte, ses concepts ne peuvent par conséquent pas être opératoires pour une analyse du discours. Que dire de la théorie de Lucien Tesnière ?

    2.2. La Grammaire dépendancielle

    La théorie dépendancielle décrit les fonctions syntaxiques dans un énoncé pour indiquer le réseau de dépendance qui existe entre les éléments de cet énoncé. Ce réseau de dépendance marque la connexion, c'est-à-dire le lien susceptible d'unir les unités d'une phrase : le verbe et son sujet, le verbe et son complément par exemple. Cette grammaire se fonde sur les principaux concepts suivants: la connexion, la translation et la jonction. Tesnière (1988 :11) représente ces relations par un arbre qu'il appelle stemma. Il reconnaît que la phrase est un ensemble organisé dont les constituants sont des mots. Dans la phrase, il étudie les diverses relations à deux niveaux : une relation du premier niveau entre le prédicat et ses subordonnés (ou dépendants) et une relation du deuxième niveau avec les circonstants.

    Comme les autres circonstants, la proposition consécutive est le résultat de la translation qui est, pour Tesnière (1988 :17), le fait de transférer un mot plein d'une catégorie grammaticale dans une autre catégorie grammaticale, c'est-à-dire, transformer une espèce de mot en une autre espèce. La proposition consécutive est alors une circonstancielle transférée en adverbe de conséquence ; et dont le translatif en français est de sorte que avec les variantes à peu près synonymes de manière que, de façon que, si bien que, locutions translatives qui se construisent toutes avec l'indicatif. Par cette affirmation tranchante, l'auteur refuse les diverses nuances que peuvent apporter une étude approfondie des différents modes dans l'expression de la consécution.

    Par ailleurs, le circonstant qui traduit, comme son nom l'indique, les circonstances de l'action décrite par le prime actant, représente le SN mobile de la phrase, c'est pourquoi il n'est pas représenté dans le stemma, Tesnière reconnaît qu'il ne fait pas partie de la valence du verbe, il n'est donc pas obligatoire et peut être supprimé sans causer de dommage à la syntaxe de la phrase. Et [11a et 11a'] l'attestent bien :

    11a. Elle vaporisait si bien, qu'elle faisait en effet de grosses économies de charbon (Lbh, p.181) ;

    11a'. Elle vaporisait si bien

    11b. La mère Victoire avait dû couvrir le feu de sa poêle d'un tel poussier, que la chaleur était suffocante (Lbh, p. 56) ;

    11c. Mais le Président [...] et elle-même avait une telle distinction, que longtemps Roubaud s'était contenté de la désirer de loin (Lbh, p.58) ;

    11d. Que s'était-il passé ? tant de versions ont circulé, qu'il est difficile de le dire (Lbh, p.146).

    Toutefois, l'on remarque que la notion de structure chez Tesnière ne repose pas sur des constructions théoriques. Mais elle est conçue comme une étude appliquée, expérimentale. C'est le mérite de cette théorie qui, malheureusement ne voit dans le CCC qu'une simple fonction syntaxique. Ce faisant, elle occulte un aspect important de ce constituant de phrase. En revanche, les notions d'enchâssement et d'actant ou de valence verbale qu'introduisent les deux grammaires ouvrent la voie à la grammaire prédicative.

    2.3. L'approche prédicative de la notion de conséquence

    La grammaire prédicative, encore appelée grammaire dérivationnelle, se fixe pour objectif d'étudier le processus de formation des SN, SP et des subordonnés. Dans la terminologie de cette tendance grammaticale, Muller parle de structure prédicative. En effet, déclare Muller (1996 :6), le point de vue adopté est celui de la formation des énoncés, plutôt que celui de leur interprétation. Toutefois, compte tenu de la perception un peu singulière de la subordination par cet auteur, il s'avère nécessaire d'en parler brièvement, ce qui mène tout droit sur la conséquence en grammaire dérivationnelle.

    2.3.1. La subordination en grammaire prédicative

    La subordination est la dépendance d'une chose à l'égard d'une autre. Elle s'opère à partir de la conjonction que qui est, pense Muller (1996 :97) soit une marque de hiérarchisation marquant la dépendance du verbe ; soit une marque d'intégration morphologique faisant d'une proposition un nom. En grammaire prédicative la présence de la conjonction pronominale que est liée à celle d'un verbe à un temps fini. Pour le moment, Muller veut explorer les mécanismes de la subordination en français, pour ressortir le point commun entre les complétives, les relatives et les circonstancielles qui

    utilisent toutes, dit Muller (1996 :1), à des degrés divers une petite famille de marques caractéristiques, tel, si, quel, qui sont les vestiges en français d'un vieux système corrélatif indo-européen.

    L'auteur fait donc une étude comparative entre les structures qui sont formées par corrélation et c'est le système tel quel qui sert de fil d'Ariane à cette étude. Nous relevons les occurrences dans [12],

    12a. Estelle, depuis son mariage, ne voyait plus son père ; chez cette fille plate et insignifiante, une femme d'une volonté de fer avait brusquement paru, si absolue, que Daguenet tremblait devant elle ; [...]. (Na, p.402) ;

    12b. [...], le père avait reçu une telle secousse qu'il en fut malade d'une grosse fièvre. (Ge, p 188) ;

    12c. A Jean-Bart Catherine roulait depuis une heure déjà, poussant la berline jusqu'au relais ; et elle était trempée d'un tel flot de sueur, qu'elle s'arrêta un instant pour s'essuya la face. (Ge, p291).

    L'indéfini tel étant un caractérisateur universel, il représente les marqueurs si, tel, telle dans ces exemples. On peut rapprocher tel de T dans (TQU-) où T représente l'antécédent et QU- le relatif pour l'enchâssement comme on l'a vu avec la GGT. Dans la structure de l'énoncé, il constitue le premier des mots qui composent la locution conjonctive. Eloigné des suivants, ce premier mot est en quelque sorte lancé à l'avant-poste dans la proposition principale, et le pronom neutre quel dans la subordonnée, aussi les nomme-t-on corrélatifs. Des différents systèmes corrélés abordés par Muller, nous allons nous préoccuper de la consécutive qui est l'objet de notre étude.

    2.3.2. La consécutive en grammaire précative

    Dès le début de son étude relative à la conséquence, Muller explique qu'il ne se préoccupe que des subordonnées consécutives. En effet, l'auteur veut montrer que la conséquence est aussi une relative, que Onguéné Essono L.M (2000 :11) définit comme

    une subordonnée dont un des éléments rappelle un terme de la principale. Il s'agit de l'antécédent, entendu comme unité lexicale et sémantique et forcément reprise, en subordonnée, par un conséquent : le pronom relatif.

    Il en résulte une extension de la notion de proposition relative, surtout qu'une forme de base en tel...quel explique tous les phénomènes de subordination, y compris ceux de la consécutive. Nous n'entrerons pas dans ce grand débat. Toutefois, il convient de relever que Muller (1996 :141) distingue deux classes de consécutives syntaxiques : les consécutives quantifiées et les non quantifiées. Les premières sont introduites par les marqueurs d'intensité (si, tant, tellement, tel) et les secondes ne comportent pas de quantification, c'est le cas des locutions si bien que, de manière que, de sorte que, etc.

    Nous constatons que Muller arrive à la même conclusion que ses pairs : la conséquence s'exprime dans la subordonnée. La construction des énoncés est une mise en oeuvre progressive de la construction des schèmes de phrase, ou plus simplement la dérivation. En somme, le point de départ de la production d'un énoncé étant le besoin de communiquer, la grammaire dérivationnelle y fonde un certain nombre de principes. Sans prétention aucune de mener une étude approfondie sur les principes de la grammaire dérivationnelle nous ne pensons pas moins que leur présentation succincte est éclairante à tous les niveaux, sur la formation de l'énoncé et tout particulièrement sur la formulation de la consécutive. Ainsi dans l'expression de la conséquence, comme dans tout autre expression linguistique, le locuteur se soumet à un certain nombre de contraintes selon l'orientation qu'il donne à son discours. Il s'agit entre autres : du choix, de la motivation, du contrôle et du prédicat.

    2.3.2.1. Le choix

    Un choix est une préférence, une sélection, un triage opéré entre plusieurs alternatives. En linguistique, le choix est multiple. Il est rhétorique, énonciatif, syntaxique, sémantique voire lexical. La prise en compte de tous ces paramètres empêche de penser qu'au départ de toute construction phrastique se trouvent des règles abstraites. Cette perception fondamentale éloigne la vision de la grammaire prédicative de celle de la GGT. En fait, au début de toute production d'énoncé, existe un choix lexical ou sémantique qui doit commander l'adjonction des différents actants qui seront associés. Ce choix est tributaire des intensions du locuteur.

    2.3.2.2. La motivation

    La motivation est la visée discursive, le mobile psychologique poursuivie par un énoncé, le vouloir dire du locuteur. L'intension du locuteur peut être de convaincre, de persuader, de promettre, etc. Muller (2002 : 24) reconnaît donc à la suite d'Austin et Searle, une visée illocutoire et une visée perlocutoire.

    2.3.2.3. Le contrôle

    Contrôler, c'est examiner. Le choix des mots par le sujet parlant est lié au contrôle qu'il exerce permanemment sur son énonciation. Pour Muller (1994 :5) repris par Onguéné Essono L.M (op cit :3), il y a un contrôle permanent du sujet parlant sur son énonciation : choix des mots ou des locutions, syntaxe, corrections éventuelles, choix d'une rhétorique argumentative si nécessaire. Ce contrôle est donc à la source des différents choix qui se situent à la base de toute production de l'énoncé.

    2.3.2.4. Le prédicat en grammaire prédicative

    De manière générale, le prédicat est ce qu'on dit d'un sujet ou d'un objet. En effet, la grammaire traditionnelle faisait de la phrase une répartition bipartite : thème/prédicat, le thème étant le sujet (ce dont on parle)  et le prédicat (ce qui est dit), ceci représente le verbe et son complément. Cette définition traditionnelle connaît une revalorisation de son sens avec la grammaire structurale et précisément la grammaire prédicative. Le prédicat est désormais défini structurellement et non sémantiquement. Onguéné Essono L.M. (2000 :3) exprime dans un langage très simple cette notion.

    Le prédicat, dit-il, est une tête placée au sommet d'une hiérarchie de microstructure qu'il domine comme des valences dont il est le foyer. Chaque foyer ou valence secondaire, dépendant de ce schème premier, est lui-même susceptible de dominer de nouvelles encore, auxquelles il va servir de prédicat.

    C'est un ensemble, un schème syntaxique, un noyau prédicatif qui demande une syntaxe particulière. Le prédicat primaire, tête du syntagme est le noyau lexical qui détermine les arguments secondaires. Le verbe reste cependant l'élément principal de la structure supérieure à laquelle viennent se connecter d'autres structures prédicatives.

    Cette connexion n'est pas arbitraire. Des nombreux choix qu'opère le locuteur, celui des syntagmes qui vont occuper la position d'actants sont imposés par le verbe principal. En guise d'exemple, le verbe manger appelle deux actants, l'objet mangé et le mangeur dans Jacques mange une banane. On comprend pourquoi Muller met un accent sur le processus de formation des énoncés. La syntaxe, elle-même, n'échappe pas à ces principes.

    L'approche structuraliste, basée sur la syntaxe, s'avère donc elle aussi insuffisante. En effet, la conséquence est tout d'abord une fonction sémantique, elle ne semble pas tout à fait épanouie à travers les bornes que lui fixe  la grammaire; ce qui rend son étude fort complexe lorsqu'on passe d'une étude phrastique vers un cadre macrostructural qu'est le discours. Alors, la grammaire devient inopérante. Cependant, la perception de la grammaire prédicative, qui ouvre un pan sur la sémantique et la pragmatique, s'avère intéressante. En effet, elle reconnaît que les nombreux choix qu'opère le locuteur aboutissent à la structure syntaxique souhaitée. Pour Muller, il existe donc une corrélation entre la syntaxe, la sémantique et la pragmatique. Même si l'auteur ne s'attarde pas sur les différentes valeurs de tel quel, elle revalorise à travers ses principaux principes, les approches que la pragmatique a perçues un siècle plutôt.

    3. Le cadre théorique : la pragmatique linguistique

    Le terme pragmatique est un terme difficile à définir à cause de ses origines divers. Ceci est souligné par Blanchet (1995 :12-13) de même que Paveau et Safarti (2003 :208). En effet, affirment ces derniers, le terme pragmatique est ambigu, son domaine d'étude n'est pas spécifié à priori d'où le problème de terminologie. En effet,

    l'expression pragmatique philosophique, soulignent ces auteurs, désigne soit le fait que la pragmatique dérive historiquement de la philosophie, [...], soit les projets de refondation des grandes questions de la philosophie (connaissance, morale, politique...) à partir des acquis de la philosophie analytique, [tandis que] l'expression pragmatique linguistique désigne l'ensemble des théories élaborées, dans le cadre de la linguistique, à partir de l'intégration des concepts et perspectives de travail de la philosophie du langage ordinaire.

    Il faut entendre par langage ordinaire, la parole dans les situations concrètes de la vie de tous les jours. Cette petite mise au point terminologique permet de justifier le choix de la pragmatique linguistique comme outil de l'analyse dans le travail à faire, le matériau de travail étant un texte littéraire.

    Du grec `pragma', c'est-à-dire action, la pragmatique est une sous- discipline de la linguistique qui s'intéresse aux éléments du langage dont la signification ne peut être comprise qu'en contexte. Dans ce sens, soutiennent Charaudeau et Maingueneau (2002 :454), la pragmatique aujourd'hui désigne

    le composant qui traite des processus d'interprétation des énoncés en contexte : qu'il s'agisse de la référence des embrayeurs ou des déterminants du nom, qu'il s'agisse de la force illocutoire de l'énoncé, de sa prise en charge par le locuteur, [...], des implicites qu'il libère, des connecteurs, etc.

    Il s'agit de l'étude de l'usage du langage. Aussi, une approche pragmatique du roman, un texte mixte, alliant dialogue et récit, est-elle justifiée. Tout en étudiant l'usage que les interlocuteurs en situation de communication peuvent faire de la langue, la pragmatique se préoccupe des conditions de la communication. Cette discipline est née au XIXème siècle aux Etats-Unis mais a commencé à se développer surtout après la seconde guerre mondiale. Parlant de la motivation de la naissance de la pragmatique, Moeschler et Reboul (1998 :26) rappellent que la pragmatique d'Austin vise à

    mettre en cause un des fondements de la philosophie analytique anglo-saxonne de l'époque, selon lequel le langage a principalement pour but de décrire la réalité et toutes les phrases (mis à part les questions, les phrases impératives et les exclamations) peuvent être évaluées comme vraies ou fausses.

    En fait, Austin veut montrer que, loin d'être utilisées pour décrire la réalité, certaines phrases sont employées pour la modifier : ces phrases ne disent rien de l'état présent ou passé du monde, elles le changent ou cherchent à le changer. Aussi la pragmatique s'intéresse-t-elle au discours, d'une part, pour étudier les phénomènes de dépendances contextuelles propres aux termes indexicaux, à l'instar de ceux qui, comme je, ici ou maintenant, ont leur référence déterminée par les paramètres du contexte d'énonciation et, d'autre part, pour élaborer une théorie des inférences que l'on tire des énoncés linguistiques sur la base de nos connaissances générales sur le monde et d' hypothèses sur les intentions des locuteurs. L'aspect inférentiel est, de ce fait, significatif dans cette étude parce que la conséquence est également introduite par les conjonctions donc, alors, ainsi, aussi, par conséquent, ainsi, qui sont, dans le discours, ce que Anscombre et Ducrot (1988) appellent connecteurs argumentatifs tandis que Hybertie (1996 : 5) parlera de marqueurs de raisonnement. Comme illustrations, l'énoncé [13a] ci-dessous, représente la réaction d'une jeune prostituée (Nana). En effet, celle-ci congédie mufe, diminutif de Muffat, un vieux comte qui l'entretient habituellement. Mais, pour peu qu'il se trouve démuni, il n'a plus d'importance aux yeux de la fille. Ainsi, alors, qui traduit une relation consécutive entre P1 (tu n'as pas la monnaie) et P2 (mon petit mufe, retourne d'où tu viens,...), reprend la situation créée par l'énonciation de P1, légitime celle de P2 de même que l'acte illocutoire (l'impératif) qui renvoie mufe. Aussi, on déduit que lorsque l'homme n'a pas la monnaie, ne peut-il prétendre aux faveurs d'une prostituée.

    13a. « Je n'ai pas non plus l'optimisme de mon oncle, reprit-il. Je crains de graves désordres... Ainsi, monsieur Grégoire, je vous conseille de verrouiller la Piolaine » (Ge, p 202) ;

    13b. Hein ? tu n'as pas la monnaie.... Alors, mon petit mufe, retourne d'où tu viens, et plus vite que ça ! (Na, p.402).

    Quant à [13a], de graves désordres présuppose qu'il peut y avoir de pillages, d'où la conséquence qu'introduit ainsi, doublée d'un ordre modulé par la structure je vous conseille de...

    La pragmatique se démarque ainsi de la grammaire traditionnelle qui évacuait de ses préoccupations les sujets parlants. Toutefois, la pragmatique linguistique s'appuie sur la sémantique héritée de la grammaire traditionnelle et sur la syntaxe acquise de la grammaire moderne pour étudier l'apport du sujet parlant dans un texte. Elle s'appuie, en particulier, sur la distinction introduite par le philosophe américain Paul Grice entre le sens pour le locuteur et le sens proprement linguistique des énoncés, et en France, à peu près à la même époque, Oswald Ducrot développait des idées comparables. En s'intéressant ainsi à l'usage du langage, la pragmatique devient le complément naturel de la linguistique, qui, elle, s'intéresse au langage.

    Plusieurs théoriciens se sont intéressés à la pragmatique. Ce qui incite à évaluer ses méthodes et ses finalités. Pour y parvenir, il est nécessaire de présenter les fondements et les concepts de cet outil d'analyse du discours.

    3.1. Le fondements de la pragmatique

    Nés de la confluence de plusieurs disciplines, les concepts de la pragmatique empruntent plusieurs directions. La pragmatique est loin de se constituer en discipline autonome et unifiée car aucun consensus n'a été trouvé par les chercheurs quant à sa délimitation, ses hypothèses et même sa terminologie. Elle constitue cependant un riche carrefour interdisciplinaire pour linguistes, logiciens, sémioticiens, philosophes, psychologues et sociologues. La diversité des courants qui l'ont alimentée fonde en même temps sa richesse. Il en résulte que, déclare Barry (2005 :28), vouloir présenter une théorie générale de la pragmatique au point de tenter une synthèse s'avère très difficile. C'est pour cette raison que nous nous contenterons, ici, de donner quelques repères utiles.

    Certains entendent par pragmatique, surtout «la praxis», c'est-à-dire la tâche d'intégration du comportement langagier dans une théorie de l'action. C'est-à-dire du langage agissant, du signe linguistique ayant un pouvoir d'action. Dans cette perception se situe la philosophie pragmatique développée dès 1867-1868 et dont Charles Sanders Peirce est l'un des fondateurs. L'auteur privilégie l'étude du signe en situation et en action. A ce sujet, déclare Darras (2005 : 28) qui reprend Peirce (1932 : 113),

    un signe ou Representaman est un Premier qui entretient avec un Second, appelé son Objet, une telle véritable relation triadique qu'il est capable de déterminer un Troisième, appelé son Interprétant, pour que celui-ci assume la même réaction triadique à l'égard du dit Objet que celle entre le Signe et l'Objet. 

    Il ressort que chez l'auteur, le signe est une relation à trois termes : ce qui provoque le processus d'enchaînement, son objet, et l'effet que le signe produit ou l'interprétant. Pour Peirce, souligne Darras (2005 : 30), l'homme pense par les signes car la seule pensée que nous connaissons est la pensée des signes; mieux, elle est signe. Peirce a mis l'accent sur l'activité sémiotique de l'homme, donc l'emploi des signes. Le signe ne fonctionne donc plus dans une relation binaire comme le préconisait Saussure mais plutôt dans une relation triadique.

    Le second aspect remarquable de l'activité sémiotique de Peirce, ce sont ses classifications des variétés de signes. En effet, il distingue les signes iconiques, des signes indiciels et des signes symboliques. Il posait par là les fondements sémiotiques de la pragmatique.

    D'autres l'appréhendent dans un rapport avec la communication, voire toute espèce d'interaction entre les organismes vivants. C'est le cas de Morris (1938), qui donne de cette discipline la définition suivante reprise par Armengaud (1993 : 5) : La pragmatique est une partie de la sémiotique qui traite du rapport entre les signes et les usagers. Morris précise qu'étant donné que la plupart des signes ont pour interprètes des organismes vivants, on pourrait assigner à la pragmatique l'étude des aspects biotiques de la sémiotique. Il entend par là des phénomènes psychologiques, biologiques et sociologiques qui sont liés au fonctionnement des signes. Toujours selon Morris, la pragmatique présuppose la syntaxe et la sémantique car c'est parce qu'on envisage l'étude de la relation entre les signes d'une part, et d'autre part entre les signes et les choses qu'on appréhende les rapports qui unissent les signes aux interprètes. Avec Morris, repris par Caelen (2001 :26) la relation entre la syntaxe, la sémantique et la pragmatique est hiérarchisée. Ainsi, la sémantique étudie ce que la syntaxe a déjà assemblé et la pragmatique ajuste l'interprétation à l'usage que l'on veut faire du langage. Cette relation est irréversible, l'inverse n'est pas possible. Pour Morris, La pragmatique étudie l'utilisation du langage dans le discours et les marques spécifiques qui, dans la langue, attestent sa vocation discursive. Dans ce cas, le sens renvoie non au contenu mais à l'usage. La pragmatique recueille donc l'héritage de la linguistique de l'énonciation développée par Benveniste. Il montre que la parole ne s'analyse pas seulement en termes grammaticaux et logiques, elle s'analyse aussi en terme d'influence, de la manière d'agir sur l'autre. Par conséquent, les trois types fondamentaux de phrases à savoir l'assertion, l'interrogation et l'impératif sont trois attitudes devant le langage visant trois types de contact avec l'allocutaire. Pour Benveniste (1966 :130), ces trois modalités ne font que refléter les trois comportements fondamentaux de l'homme parlant et agissant par le discours sur l'interlocuteur. Benveniste (op cit: 242) renforce sa perception en définissant le discours comme toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l'intension d'influencer l'autre en quelque manière. Si l'effet illocutoire à des marques linguistiques, l'effet perlocutoire est post-linguistique. Néanmoins le second se sert de ces marques linguistiques pour explorer les effets secondaires de l'acte de parole sur l'interlocuteur. Il s'agit, dans l'expression de la conséquence de montrer de quelle manière l'emploi du connecteur influence l'interlocuteur dans l'énoncé [14] ci-après,

    14a. Un matin qu'il vit Foucarmont sortir de chez elle, à une heure singulière, il lui fit une scène. Du coup, elle se fâcha, fatiguée de jalousie. [...] il l'assommait avec son entêtement à ne pas comprendre les femmes ; et elle fut brutale.

    - Eh bien! oui, j'ai couché avec Foucarmont. (Na, p.401);

    Le connecteur eh bien peut traduire un agacement, une invite faite par Nana, une jeune prostituée, à son amoureux jaloux Muffat à se décider, soit à accepter des rivaux, soit à se séparer d'elle, soit aussi pour lui signifier qu'elle ne l'aime pas vraiment. L'interprétation est inférentielle, elle est déclenchée de manière conventionnelle par la présence du connecteur eh bien : il s'agit là d'une implicature conventionnelle. Nous retrouvons ici les maximes de conversation et leur exploitation. Ainsi, il existe autant d'hypothèses sur les intensions du locuteur que des connaissances générales qu'on a du monde et la pragmatique à donc pour tâche de sonder toutes les hypothèses qui sont susceptibles de motiver l'expression de la conséquence. La pragmatique linguistique définit donc le sens d'un acte de langage par sa fonction communicative, elle donne une image du sens centrée sur sa fonction énonciative. Il ressort que l'acte de parole est un acte de nature particulière, qui est l'acte d'énonciation.

    Toutefois, historiquement, selon Moeschler et Reboul (1998), on peut considérer que la pragmatique naît en 1955 à Harvard, lorsque John Austin y donne les conférences William James et introduit la notion nouvelle d'actes de langage. La pragmatique prend ainsi racine dans les travaux d'un philosophe qui s'élève contre la tradition dans laquelle il a été éduqué et selon laquelle le langage sert principalement à décrire la réalité. Austin (1970), en opposition avec cette conception vericonditionnaliste de la fonction du langage, qu'il appelle l'illusion descriptive, défend une vision beaucoup plus opérationnaliste selon laquelle le langage sert à accomplir des actes. Il fonde sa théorie du langage et de son usage sur l'examen d'énoncés de forme affirmative, à la première personne du singulier de l'indicatif présent, voix active, énoncés qui ont pour caractéristiques de ne rien décrire, et de correspondre à l'exécution d'une action.

    Austin veut montrer par là que, loin d'être utilisées pour décrire la réalité, certaines phrases sont utilisées pour la modifier. Ainsi, en même temps qu'il a un sens, le langage a une force illocutoire à laquelle, parfois, se réduit toute sa signification. Aussi reconnaît-il que le discours remplit trois fonctions :

    - une fonction propositionnelle qui représente la structure phonique, morphologique et syntaxique de l'énoncé. C'est l'acte locutoire ;

    - une fonction illocutoire : ce que l'on fait par les mots : accuser, ordonner, demander une information, etc.;

    - une fonction perlocutoire, c'est-à-dire le but visé par le discours, agir ou chercher à agir sur l'interlocuteur. L'énoncé peut susciter la peur, le silence, etc. Dans la perspective d'une approche pragmatique de la conséquence, le locuteur opère un choix, une sélection parmi la somme des formes d'expression de la conséquence et chacune d'elles peut susciter une interprétation particulière. L'originalité de l'approche pragmatique réside dans ses concepts fondamentaux qui ne relèvent ni à proprement parler de la linguistique, ni de la philosophie.

    3.2. Les concepts fondamentaux de la pragmatique

    Un concept est l'ensemble des termes qu'un auteur utilise pour fixer sa théorie. Il s'agit des termes techniques comme contexte, performance, argumentation, acte.

    3.2.1. Le concept de contexte

    Le contexte, c'est la situation concrète dans laquelle le discours est émis. Pour Eba'a (2003 :157), le contexte est perçu comme l'ensemble des principes qui déterminent la situation de communication et qui motivent la production de l'acte d'énonciation dans un discours. Avec Kerbrat-Orécchioni (2005 :72-73), on entend par contexte, d'abord le cadre extérieur au dialogue proprement dit, cadre dont les divers ingrédients ont fait l'objet de descriptions également diverses. De ces ingrédients figurent entre autres les connecteurs discursifs qui introduisent différentes nuances de discours, la conséquence comprise. Dans l'étude de ce fait, le connecteur qui l'introduit dans le discours est analysée non pas isolément, mais en tenant compte du contexte ; et pour cela, l'auteur pense que le contexte d'un élément X étant défini très largement comme ce qui entoure X et exerce une influence sur X, il comprend de nombreuses composantes, [...]. Une composante interne qui représente la relation entre les séquences d'un même discours, l'auteur parle de contexte séquentiel ou intra-interactionnel ou encore cotexte ; et pour le contexte externe, cela va de la situation, c'est-à-dire de l'environnement immédiat, à la société dans son entier. Il englobe donc tout ce qui est extérieur au langage et qui, pourtant, fait partie d'une situation d'énonciation. L'objet de la pragmatique serait de traiter des rapports les plus généraux entre l'énoncé et l'énonciation, entre les phrases et leurs contextes de production. Le contexte englobe les individus existant dans le monde réel. C'est l'identité des interlocuteurs, leur environnement physique et social, le lieu et le temps où les propos sont tenus. Aussi Maingueneau (1997:3) déclare-t-il

    qu'il y a pragmatique linguistique si l'on considère que l'utilisation du langage, son appropriation par un énonciateur s'adressant à un allocutaire dans un contexte déterminé, ne s'ajoute pas de l'extérieur à un énoncé en droit autosuffisant, mais que la structure du langage est radicalement conditionnée par le fait qu'il est mobilisé par des énoncés singuliers et produits un effet à l'intérieur d'un certain contexte, verbal ou non-verbal.

    Le langage est donc considéré dans sa force agissante à travers ses réalisations concrètes. Les interlocuteurs s'en servent pour s'influencer mutuellement dans une situation de communication.

    3.2.2. Le concept de performance

    Austin constate que dans la société, le langage ne se contente pas de décrire. Par performance donc, il faut entendre l'accomplissement de l'acte en contexte. Les énoncés performatifs sont ceux qui accomplissent des actions. A cet effet, Austin (1970 :84) précise que pour qu'il y ait énonciation performative, [...] il faut que cette énonciation effectue une action. Dans ces conditions, parler, c'est agir. L'énoncé performatif est donc un énoncé qui pose un acte, qui agit sur l'allocutaire pour modifier ses comportements. A propos, certains verbes sont appelés performatifs parce qu'ils disent ce qu'ils font, à la condition que l'énoncé soit dit à la première personne et au présent de l'indicatif. C'est le cas des verbes comme remercier, féliciter, promettre, maudire, etc. En disant je vous remercie d'être venu, le locuteur n'est ni entrain de décrire une situation, ni d'affirmer qu'il remercie, mais il pose l'acte de remercier. Cela amène Austin (1970 : 41) à relever qu'il semble clair qu'énoncer la phrase (dans les circonstances appropriées, évidemment), ce n'est ni décrire ce qu'il faut reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c'est le faire. Mais dans notre travail, les verbes comme entraîner, provoquer, inciter, suffire, résulter, etc., expriment la conséquence dans le contexte du récit. Toutefois, certains actes doivent être prononcés dans les circonstances adéquates et par des personnes appropriées.

    3.2.3. Le concept d'acte

    Il s'agit, dans le cadre de notre étude, de l'acte de langage qui est un moyen mis en oeuvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots. De ce fait, il cherche à informer, inciter, demander, convaincre, aviser, etc. son ou ses interlocuteurs par ce moyen. L'acte de langage désigne aussi l'objectif du locuteur au moment où il formule son propos. En effet, le langage ne sert ni simplement, ni seulement à représenter le réel, mais à accomplir des actes. Il en existe deux types : l'acte de langage direct et l'acte de langage indirect.

    Les actes de langage directs sont des énoncés dans lesquels le locuteur ne prend aucun détour pour exprimer son message. Parlant d'acte de langage direct, Austin (1970 : 37) pense que, pendant longtemps, les philosophes ont supposé que le but d'une affirmation ne pouvait être que de décrire un état de chose ou d'affirmer un fait, dans ce sens l'affirmation devait être soit vraie, soit fausse ; ce que rectifie l'auteur lorsqu'il fait observer :

    On est venu à voir que bon nombre de mots fort embarrassants insérés dans des affirmations apparemment descriptives ne servent pas à indiquer un caractère supplémentaire et particulièrement étrange de la réalité qui est rapportée, mais à indiquer [...] les circonstances dans lesquelles l'affirmation est faite, ou les réserves auxquelles elle est sujette ou la façon dont il faut la prendre [...].

    Donc, pour Austin, un individu s'adresse à un autre dans l'idée de faire quelque chose. On peut alors modéliser l'acte de langage comme n'importe quel autre type d' acte: il a un but (aussi appelé intention communicative), un corps (c'est-à-dire une réalisation) et un effet. Les actes de langage directs englobent les actes locutoires, illocutoires, perlocutoires.

    Quant aux actes de langage indirects, ce sont des énoncés qui disent une chose pour en signifier une autre. C'est le lieu par excellence du langage détourné. En guise d'exemple, un acte d'injonction peut se retrouver dans un acte d'interrogation et vice-versa comme l'exprime cet énoncé Peux-tu me passer du sel ? En fait cette question n'est qu'apparente ; le sens réel de l'énoncé est passe-moi du sel ! C'est une injonction. Il existe donc une différence entre la signification littérale d'un énoncé et la signification que l'on peut attribuer à son énonciation. C'est le domaine par excellence de l'implicite (ou implicature) comme les présuppositions et les sous-entendus. Pour marquer la différence entre les deux types d'actes, Riegel et alii (1996 :588) relèvent que :

    Alors que les actes de langage directs utilisent la forme linguistique associée par convention à l'acte de langage spécifique, les actes de langage indirects sont accomplis au moyen d'un énoncé contenant une forme associée conventionnement à un acte que celui qu'il vise à accomplir.

    Dans l'un ou l'autre cas, l'identification d'un acte de langage conditionne largement l'interprétation du message délivré, au-delà de la compréhension de son contenu sémantique. Par exemple, la motivation de l'énoncé J'ai appris que tu as obtenu ton diplôme peut être de féliciter son destinataire, de s'excuser d'avoir douté de sa réussite, ou simplement de l'informer du fait rapporté. Cette conception met en avant les effets que les discours exercent sur les auditeurs. A ce niveau l'attention est focalisée sur la dimension interactive et interactionnelle que toute production langagière présuppose. La pragmatique a donc deux tâches : définir les actes de langage, c'est-à-dire caractériser les traits du contexte, déterminer quelle proposition est exprimée par un énoncé donné.

    Le problème des actes de langage est de trouver les conditions nécessaires et suffisantes pour la réussite, ou simplement l'accomplissement normal d'un acte de langage.

    Les exemples ci-après expliquent bien ces propos :

    15a. - Avoue que tu as couché avec, [....]  

    - Eh bien ! oui, c'est vrai [...] (Lbh, p. )

    15b. Jamais, mon chéri, je ne t'ai dit que ma mère m'avait laissé cette

    bague. Du coup, Roubaud la dévisagea, pâlissait lui aussi (Lbh, p.67)

    15c. Le cabaretier s'était mis à marcher, en sifflant d'un air dédaigneux. [...]. Non, c'était trop bête, cette grève. Alors, pour la première fois, des paroles aigres furent échangées entre ces deux hommes, [...]. (Ge, p.172).

    Comment montrer que les connecteurs en gras introduisent une conséquence ? L'étude tiendra compte de tous les concepts opératoires qui doivent être pris en compte simultanément pour que le résultat soit probant.

    Ainsi pour les énoncés [15a-15b], on soulignera qu'il s'agit d'un dialogue entre Roubaud, le mari jaloux et sa femme Séverine. Pour comprendre la conséquence qui est introduite par les groupes de mots en gras, il faut prendre en compte, dans l'analyse de ce fragment de discours, du contexte macrostructurale, de l'identité de ces personnages, du lieu qui est ici une chambre d'auberge. C'est cette mise en commun qui permettra de justifier le fonctionnement de l'interjection eh bien (réaction de l'interlocuteur) et de l'adverbe du coup, deux catégories de discours bien différentes des subordonnants originels de la conséquence.

    La théorie des actes de langage se fonde donc sur une opposition à l'illusion descriptiviste qui veut que le langage ait pour fonction première de décrire la réalité et que les énoncés affirmatifs soient toujours vrais ou faux. Pour cette théorie au contraire, la fonction du langage est tout autant d'agir sur la réalité et de permettre à celui qui produit un énoncé d'accomplir, ce faisant, une action. Dans cette optique, les énoncés ne sont ni vrais ni faux.

    En partant de l'idée que parler, c'est d'une certaine manière, agir sur l'auditeur, la pragmatique linguistique permet de mieux observer la façon dont un orateur exerce de l'autorité sur ses auditeurs au moyen de son discours. Une étude pragmatique de l'expression de la conséquence s'avère intéressante parce qu'elle révélerait la force qu'a cette fonction dans l'argumentation.

    3.2.4. L'argumentation

    L'argumentation est l'action d'argumenter et argumenter, c'est vouloir convaincre, persuader, ou délibérer. Si argumenter consiste à soutenir ou à contester une opinion, cette tentative vise aussi dans le même temps à agir sur le destinataire en cherchant à le convaincre ou à le persuader. Cela permet d'affirmer que l'argumentation tire sa substance de la rhétorique de la Grèce antique. Pour ce faire Blanchet (1995 :9-10) constate qu'il existe le principe de réalité agissante au coeur de la pragmatique qui constitue un mode d'approche des phénomènes. Ce qui fait des premiers rhétoriciens des pragmaticiens. En effet, pour Blanchet, ils abordèrent depuis Platon et Aristote jusqu'à Sénèque, Cicéron et Quintilien un modèle classique fondé sur la connaissance des passions et des moeurs. Pour ces anciens, le discours ne s'adresse pas un être humain abstrait, amorphe, réduit à l'état de sujet partageant le code linguistique de son interlocuteur, mais à un homme réel capable de faculté de jugement. La rhétorique décrit et explique les modalités selon lesquelles un discours oral ou écrit tente d'agir sur le public. La rhétorique décrit et explique les modalités selon lesquelles un discours oral ou écrit tente d'agir sur le public. Pour Amossy (op. cit : 3), la rhétorique conçue par Aristote

    apparaît comme une parole destinée à un auditoire qu'elle tente d'influencer en lui soumettant des positions susceptibles de lui paraître raisonnable. Elle s'exerce dans tous les domaines humains où il s'agit d'adopter une opinion, de prendre une décision, et non sur la base de quelque vérité absolue nécessairement hors de portée, mais se fondant sur ce qui est plausible.

    En d'autres termes, toute étude sur l'argumentation s'interroge sur la nature des moyens que mobilise l'orateur pour persuader son auditeur. Mais avant toute chose il est utile de voir ce que pensent les théoriciens de l'argumentation.

    Pour Grice (1979) l'argumentation est définie schématiquement. Elle est perçu par l'auteur comme un ensemble des stratégies discursives d'un orateur A qui s'adresse à un auditeur B en vue de modifier, dans un sens donné, le jugement de B dans une situation S. Perelman (1977 :23) pense que par l'argumentation le locuteur veut provoquer ou accroître l'adhésion des esprits aux thèses qu'il présente. Reprenant Saint Augustin (1887 :13), Perelman note que l'auditeur ne sera persuadé que

    s'il est conduit par vos promesses et effrayé par vos menaces, s'il rejette ce que vous condamnez et embrasse ce que vous recommandez ; s'il se lamente devant ce que vous présentez comme lamentable, et se réjouisse de ce vous présentez comme réjouissant ; [...].

    En conséquence, pour parvenir à ce résultat, il faut mettre en oeuvre un ensemble de procédés discursifs que nous nous proposons d'étudier. L'approche discursive est toutefois contestée par Anscombre et Ducrot (1988 :8) pour qui un locuteur fait une argumentation lorsqu'il présente un énoncé E1 [...] destiné à en faire admettre un autre E2. La structuration de l'énoncé (E1 vers E2) passe par plusieurs types de relations selon que le locuteur sollicite ou non l'emploi d'un connecteur. Dans le premier cas, l'analyse des différents procédés de marquage et d'articulation renvoie essentiellement à l'étude de l'emploi des connecteurs argumentatifs, qui représentent dans notre étude les formes morphologiques de la conséquence. Les auteurs pensent que l'argumentation n'est pas un ensemble de stratégies verbales visant à persuader ; elle consiste donc en une relation entre un ou des arguments et une conclusion. Ainsi perçue, le terme conclusion recouvre plusieurs valeurs : conséquence, résultat, résumé, finalité, etc. De toutes les façons, ces auteurs prennent l'argumentation pour un fait de langue et non un fait de discours ; cela peut se justifier par le fait qu'ils sont les partisans de la pragmatique sémantique.

    L'argumentation est donc nécessaire, voire indispensable en pragmatique dans la mesure où elle n'utilise pas seulement des arguments logiques validés, mais aussi des procédés rhétoriques dans le but de persuader. En plus, si la pragmatique est la science qui étudie le langage en situation et en action, alors il devient évident qu'elle ne peut se passer de l'argumentation au cours de ses réflexions multiples sur les interactions conversationnelles dans leurs contextes. En effet, qu'il s'agisse d'un monologue, d'un dialogue, d'un trilogue ou d'un polylogue, la pragmatique analysera :

    - le dispositif d'énonciation qui se préoccupe de savoir qui parle ; à qui et dans quelle situation de discours ;

    - la dynamique interactionnelle qui étudie la logique et les stratégies de l'échange entre les partenaires ;

    - les données institutionnelles, sociales, historiques car toute parole est située dans un espace social dont les règles varient selon les cultures et les époques.

    Par ailleurs, une argumentation, pour être efficace, doit être organisée ; il ne suffit pas d'aligner les arguments les uns derrière les autres, et cela indéfiniment. Chaque discours a une ampleur déterminée, variable selon les circonstances. Les arguments sont présentés dans un ordre qui leur donne le plus d'efficacité, car, au fur et à mesure que le discours se déroule, l'auditoire se transforme sous son influence. En clair, dans ce fragment de discours de notre corpus,

    16. Il (Jeanlin) tenait un bloc de houille entre ses cuisses, il le débarrassait, à coups de marteau, des fragments de schistes ; et une fine poudre le noyait d'un tel flot de suie, que jamais le jeune homme ne l'aurait reconnu, [..]. (Ge, p499).

    La conséquence arrive dans un ordre effectivement chronologique. En fait, si Etienne ne voyait pas Jeanlin, c'est parce que ce dernier était noyé dans le flot de suie. L'inverse ici n'est pas possible. Argumenter ne revient donc pas à démontrer la vérité d'une assertion, ni à indiquer le caractère logiquement valide d'un raisonnement, mais il revient à donner des raisons pour telle ou telle conclusion. Ces raisons constituent autant d'arguments.

    Moeschler et alii (1985 :18) propose d'analyser le rapport entre les faits argumentatifs et les faits conversationnels. Il déclare donc que :

    Toute interaction verbale, dont le lieu de réalisation est la conversation, définit un cadre de coaction et d'argumentation. A savoir, un espace où certaines action étant engagées, ou certaines conclusions visées, les interlocuteurs sont obligés de débattre, perdre ou gagner la face, [...]. L'analyse du discours conversationnel aura donc pour objectif de mettre à jour les coactions et argumentations qui interviennent dans les interactions verbales.

    Pour atteindre donc cet objectif, l'analyse du discours combine l'aspect syntaxique et sémantique auquel elle associe l'étude des valeurs en contexte des unités linguistiques comme l'adverbe, la conjonction etc. Dans ce sens Moeschler et Reboul (1992 :37) : déclarent que

    Le traitement syntaxique précède le traitement sémantique, qui précède le traitement pragmatique. En d'autres termes la sortie de la syntaxe constitue l'entrée de la sémantique, et la sortie de la sémantique constitue l'entrée de la pragmatique. Quant à la sortie de la pragmatique, elle décrit la valeur de l'action.

    Dans l'étude de la conséquence, il se révèle que tous les concepts sont opératoires, d'ailleurs, ils sont indissociables. L'approche des auteurs nous semble plus appropriée parce qu'une telle combinaison autorise beaucoup plus de flexibilité dans la description et permet l'intégration de dimensions (syntaxiques, sémantiques) souvent séparées dans les autres approches.

    Sur le plan fonctionnel, la grammaire distingue deux principales formes d'expression de la conséquence : la conséquence simple et la conséquence subordonnée. Sur le plan notionnel au contraire, il existe plusieurs autres manières de l'exprimer. Et les connecteurs qui impliquent la conséquence n'introduisent pas toujours un CCC. Quelle soit classique ou structurale, la grammaire ne se préoccupe que de la phrase qui est le résultat de l'acte d'énonciation, sans remonter en amont de la production de l'énoncé. Elle n'exploite, en outre, que des phrases extraites des corpus éparpillés, ce qui ne peut favoriser une étude en contexte des énoncés choisis. Pour pallier ces insuffisances qu'accuse la grammaire, la pragmatique crée les conditions propices à l'étude de l'intension de l'auteur, de la visée du discours et de la cohérence du texte. Ces différentes approches de l'énoncé montrent que la parole ne s'analyse pas seulement en termes grammaticaux et logiques, mais qu'elle est aussi examinée en terme d'influence, de la manière d'agir sur l'autre. L'approche pragmatique envisage donc diverses manières pour traduire la conséquence, entre autres les moyens morphologiques dont l'étude constitue l'objet du prochain chapitre.

    CHAPITRE 2

    LES MARQUEURS MORPHOLOGIQUES

    DE CONSEQUÉNCE ET LEUR PORTÉE ARGUMENTATIVE

    Le premier chapitre a révélé que le français offre divers moyens d'expression du rapport logique de cause à conséquence. Il a aussi établi que la grammaire distingue deux principales manières pour exprimer la conséquence. Hybertie (1996 :2) met en lumière, selon les opérations de pensée relatives à l'établissement d'une relation consécutive, deux types de marqueurs couramment utilisés pour décrire ce lien logique. Il s'agit des marqueurs de consécution factuelle et de raisonnement. Ces deux types de connecteurs expriment la conséquence explicite ; l'une des deux importantes catégories de la conséquence. Quel que soit le cas, Reboul et Moeschler (1998 : 77) définissent un connecteur pragmatique comme

    une marque linguistique, appartenant à des catégories grammaticales variées (conjonctions de coordination, conjonctions de subordination, adverbes, locutions adverbiales), qui : a) articule des unités linguistiques maximales ou des unités discursives quelconques ; b) donne des instructions sur la manière de relier ces unités ; c) impose de tirer de la connexion discursive des conclusions qui ne seraient pas tirées en son absence.

    Pour appuyer les propos de ces auteurs, Nølke (2008 :1-2) affirme que les connecteurs pragmatiques précisent non seulement les relations discursives, mais aussi sont susceptibles d'introduire des structures souvent très complexes et, notamment, ils introduisent un jeu polyphonique assez subtil. Les formes d'expression introduisant la relation logique de cause à conséquence étant fort nombreux et leur utilisation délicate, ce chapitre se fixe pour objectif, d'abord, de les décrire, ensuite de dégager leurs valeurs en langue et les différents effets de sens en discours, enfin de mettre en évidence la visée discursive qui sous-tend chaque emploi. Pour y parvenir, nous irons de l'étude de la conséquence réelle à celle de la conséquence irréelle pour aboutir à l'examen de la conséquence manquée.

    1. La conséquence réelle

    Ce qui est réel est concret, palpable, évident. La conséquence réelle est donc celle qui s'est effectivement produite comme l'illustrent les énoncés ci-après :

    1a. [...], jamais les débits n'avaient eu moins de clients. Aussi Mme Rasseneur, immobile au comptoir, gardait-elle un silence irrité.

    (Ge, p380) ;

    1b. Déballée de sa couverture, elle grelottait sous cette lueur vacillante, d'une maigreur d'oiseau agonisant dans la neige, si chétive qu'on ne voyait plus que sa bosse (Ge, p379) ; 

    1c. Les mioches rentraient avec la faim, ils voulaient manger [...] et ils grognèrent, se traînèrent, finirent par écraser les pieds de leur soeur mourante, qui eut un gémissement (Ge, p378) ;

    1d. Mais Etienne, la nuit suivante désespéra de nouveau. La compagnie

    avait les reins trop forts pour qu'on les lui cassât si aisément,

    (Ge, p362).

    La conséquence réelle a cependant deux caractéristiques : la conséquence réelle attendue et la conséquence réelle inattendue.

    1.1. La conséquence réelle attendue

    Ce qui est attendu est souhaité, calculé, prévu. On parle de conséquence attendue lorsqu'elle est sollicitée. Ducrot et alii (1980 :164) parlent de conséquence voulue. C'est le cas des énoncés [2] :

    2a. Le coron des Deux-Cent-Quarante ne devait être payé que vers quatre heures. Aussi les hommes ne se pressaient-ils pas, [...]. (Ge, p.169) ;

    2b. Mais sa voix se perdit au milieu d'un tumulte si épouvantable, qu'il dut quitter de nouveau la fenêtre, [...].(Ge, p408) ;

    2c. Une cage l'attendait, on l'appelait avec colère, en la menaçant d'une amende. Alors, elle se décida, elle lui serra la main. (Ge, p498) ;

    2d. Dans les estaminets, on se fâchait tout haut, la colère séchait tellement les gosiers, que le peut d'argent touché restait sur les comptoirs. (Ge, p 177).

    Ce type de conséquence est introduit par des marqueurs de relation inférentielle et les marqueurs de conséquence factuelle.

    1.1.1. Les marqueurs de relation inférentielle

    Un marqueur, encore appelé connecteur, est un mot de liaison qui établit entre les éléments reliés une relation logique et une nuance de sens. Avec les connecteurs pragmatiques, le locuteur donne à son propos une orientation argumentative que seul le contexte permet d'évaluer. A ce sujet, Hybertie (1996 :5) parle, de marqueurs de raisonnement qu'elle définit comme ceux qui ont plus spécifiquement pour fonction de mettre en relation les différents moments d'un raisonnement, qu'il s'agisse ou non d'une inférence. Et Nølke et Olsen (2000a :47-48) de schématiser de la sorte : dans la séquence X donc Y, l'argument véhiculé par Y est présenté comme la conséquence de X, qui est trouvée par un raisonnement.

    De ce fait, inférer, c'est partir d'un fait pour en déduire les conclusions. Réboul et Moeschler (1998 : 57) perçoivent l'inférence comme un processus logique qui, à partir d'un certain nombre d'informations, connues (les prémisses), en dérive de nouvelle (la [ou les] conclusion[s]). L'inférence traduit donc une opération de pensée qui, à partir d'un fait donné dans l'expérience du locuteur, permet de déduire l'existence d'un autre fait non donné dans son expérience. Et les marqueurs de conséquence inférentielle sont les traces de cette inférence. Pour Hybertie en tout cas, les connecteurs les plus utilisés sont : donc, alors, ainsi, aussi, par conséquent.

    1.1.1.1. Le connecteur donc

    Initialement perçu par la grammaire comme l'un des sept conjonctions de coordination, le connecteur donc occupe aujourd'hui une place de choix dans la construction du discours. En effet, l'étymologie de donc est riche en informations ; cette richesse suscite des hypothèses divergentes quant à la genèse même de ce connecteur. Il est tantôt dérivé du latin dunc, tantôt de dum. Dans l'un ou l'autre cas, Hybertie (op cit : 8) tranche en définissant ce marqueur comme une particule temporelle marquant la simultanéité de deux actions qui se déroulent. Par ailleurs, l'auteur signale que cette particule a évolué, et est passée d'une simultanéité constatée à l'expression d'une causalité considérée comme existant en dehors du discours qui la représente, et sur laquelle se fonde la relation établie en discours. En guise d'exemple, dans les énoncés [3] ci-après:

    3a. Des camarades, les premiers, étaient sortis ; il n'y avait donc

    pas d'échelles cassées (Ge, p 302) ;

    3b. C'est qu'il y a d'ennuyeux, dans ces machines-là, c'est que ce

    sont toujours les mêmes femmes...Il faudrait du nouveau.

    Tachez donc d'en inviter une. (Na, p238) ;

    3c. Des éboulements menaçaient partout, les voies avaient tellement

    souffert, qu'il fallait raccommoder les boisages sur des longueurs de

    plusieurs centaines de mètres. En bas, on formait donc des équipes

    de dix hommes, chacune sous la conduite d'un porion ; (Ge, p442).

    En [3a], le connecteur donc exprime une relation de causalité entre les faits être sortis et n'avoir pas d'échelles cassées. Parlant des valeurs des connecteurs dans les énoncés, Medina (2001 :192) reconnaît que les instructions procédurales, c'est-à-dire, l'emploi en contexte des connecteurs consécutifs comme donc, en conséquence, par conséquent provoque deux types d'informations. Il déclare à cet effet :

    1) dados dos enunciados, A, B, el enlace presenta B como implicación de A (A>B) ; y 2) la relación A>B como relación de presupuesta.

    (entre deux énoncés donnés A, B, le connecteur présente B comme la déduction de A (A>B) ; et 2) la relation A>B comme la relation préconstruite).

    Ce que Medina note A>B est une relation de cause à effet, où A représente la cause (ou prémisse, origine, source, évènement) et B, l'effet ou la conclusion que l'on tire de A. Ainsi, l'énoncé [3a], présente A : Des camarades, les premiers, étaient sortis  comme origine de l'évènement énoncé en B : il n'y avait pas d'échelles cassées. La relation consécutive s'établit donc entre deux termes orientés, où l'un sert d'argument, c'est-à-dire l'acte subordonné, et l'autre la conclusion, ou acte directeur introduit par le connecteur. A propos de l'acte directeur, il s'agit de l'information essentielle qui motive l'énonciation de B. Dans le cas précis, étant dans la fosse (les mines), il est évident que si les échelles qui assurent la liaison entre le monde souterrain et l'extérieur se cassent, la sortie de la fosse est quasi impossible. En conséquence, il peut ne pas s'agir ici de donner l'information selon laquelle les camarades sont sortis, mais également de chercher à dissiper les inquiétudes de ceux qui sont encore dans la fosse et qui s'interrogent sur leur sort. Le connecteur permet alors d'établir la relation de concomitance préconstruite entre les deux faits qui sont décrits. De ce fait, on interfère la conséquence y non donnée dans l'expérience du sujet de la cause x. Le locuteur présente les arguments de sorte que la conséquence soit justifiée par l'argument de x. Ainsi, en [3a], le connecteur donc ne dit pas seulement qu'un fait x a produit ou causé un autre fait y, mais que x et y correspondent, et donc permet de légitimer la validation de y (n'avoir pas d'échelles cassées) à partir du moment où x (être sortis) est elle-même validée. La sortie des camarades de la fosse se présente comme une évidence l'assertion de il n'y a pas d'échelles cassées. L'énoncé peut être modulée de la manière suivante : x j'affirme que y. Aussi, dans la réalisation des deux mouvements argumentatifs qui donnent lieu à une relation d'implication, la vérité de y est-elle rendue incontestable, parce qu'elle est suggérée par celle de x qui est censée être déjà acceptée.

    En établissant donc une relation logique de cause à effet, le connecteur donc permet au locuteur de présenter les prémisses comme vrai et, déclare Rossari (1996 :271), de prétendre à l'objectivité que garantit le mouvement consécutif en tant que procédure argumentative. Soulignons que l'auteur parle de prétention à l'objectivité et non de certitude de l'objectivité. Il s'agit donc d'une aspiration du locuteur à la vérité de son propos. Cela justifie l'emploi de donc qui vient renforcer l'acte illocutoire d'assertion et guide le co-énonciateur dans l'inférence de y. La relation x donc y ne concerne plus la stricte causalité, l'enchaînement qu'établit le connecteur donc exprimant la logique argumentative qui impose de voir en la conclusion y l'explication de x en [3a et 3c] et sa nécessité en [3b]. Comme marqueur d'explication, donc peut être commuté par de ce fait, par conséquent, voilà pourquoi, c'est pourquoi. Dans la perspective de l'utilisation du même cadre d'analyse, que révèle l'emploi de alors ?

    1.1.1.2. Le Marqueur alors

    Le mot alors fait partie de la classe des adverbes. Un adverbe est traditionnellement défini comme un mot invariable capable d'assumer une fonction dans la phrase. Si la grammaire pense aux fonctions grammaticales, dans la structuration du discours, alors, comme bien d'autres adverbes, joue le rôle de connecteur, d'une part, par le lien qu'il établit entre deux phases d'un même énoncé et, d'autre part, par la propriété qu'il a d'impliquer une relation temporelle stable. A ce propos, souligne Nølke (1990 :15), sont considérés comme connecteurs tous les adverbes temporels qui associent à la relation temporelle une relation d'un autre type, logico-pragmatique - une relation de discours. C'est dans ce sens que l'on peut dire que le marqueur alors établit deux types de rapports généralement considérés comme ses valeurs : une valeur temporelle et une valeur consécutive.

    1.1.1.2. 1. La valeur temporelle de alors

    La valeur temporelle est historiquement perçue comme la valeur première du marqueur alors. Dans ce sens, il reprend l'expression temporelle d'une localisation et signifie à ce moment là, en ce temps là, à cette époque là, à cette heure là. Nous avons des échantillons dans les énoncés suivants :

    4a. Aussi ne se pardonnait-il pas la bêtise d'avoir dit autrefois qu'on, devait bannir la politique de la question sociale. Il (Etienne) ne savait rien alors, et depuis, il avait lu, il avait étudié. (Ge, p231) ;

    4b. Comprenez donc, elle était gamine, pas quatorze ans encore, quand je suis revenu de là-bas (prison)...Alors, tout le monde me fuyait. (Lbh, p153) ;

    4c. Il fallut que l'un des cochers leur montrât du bout de son fouet les ruines de l'ancienne abbaye de Chamont, perdues dans les arbres : [...]. Vrai, ça ne valait pas la peine de faire deux heures. Le cocher leur indiqua alors le château dont le parc commençait près de l'abbaye, [...] (Na, p199).

    Dans [4a], deux évènements qui se suivent sont relatés : le moment où Etienne avait dit qu'on devait bannir la politique de la question sociale, c'est-à-dire autrefois, et celui où il avait lu. Alors reprend de manière anaphorique, le repère temporel (autrefois) de l'énoncé antérieur pour en faire le repère temporel de l'énoncé qu'il introduit. Son emploi dans ce cas est conforme à sa valeur d'origine qui est la valeur temporelle. Il est équivalent à à cette époque là, à ce moment là. La même analyse est valable pour [4b] où alors reprend un repère temporel qui est marqué par une structure plus complexe introduite par le marqueur temporel quand (quand je suis revenu de là-bas) et qui peut vouloir dire à cette époque là. Dans ces usages, écrit Hybertie (1996 :24), il (alors) assure une concomitance stricte entre les deux états de choses décrits dans l'énoncé, c'est-à-dire les deux sont présentés comme ayant le même repère temporel, comme se présentant et se déroulant en même temps.

    Avec l'énoncé [4c], par contre, on note l'absence de tout repère temporel donné dans l'énoncé antérieur. Le repère temporel subsiste. Tout laisse penser que alors, utilisé dans ce contexte, a le même sens que ensuite. Dans ce cas, le connecteur alors reprend la situation qui valide x pour en faire le repère de y ; en d'autres termes, dans les emplois temporels, le repère qui situe l'évènement décrit dans x devient également le cadre temporel de celui décrit dans y. Dans [4c] par contre, c'est au moment où les touristes s'indignent de l'inutilité de leur voyage (x) que le cocher leur indique le château dont le parc commençait près de l'abbaye (y), raison de leur déplacement.

    Ainsi, l'emploi temporel de alors présente deux cas de figure : l'un où l'énoncé antérieur comporte un repère temporel et celui où il n'en comporte pas. Toutefois, tout en assurant une relation de succession temporelle entre les évènements dont il assure la liaison, alors dans l'énoncé [4c], présente le moment où l'inquiétude des touristes se manifeste comme celui qui pousse le cocher à montrer l'objet de curiosité (le château d'abbaye). On est donc en face de l'évolution sémantique de alors qui lui permet d'assumer pleinement son rôle de connecteur en introduisant quelquefois, dans son emploi temporel une nuance logico-sémantique de conséquence.

    1.1.1.2.2. La valeur consécutive

    Le connecteur alors, dans son emploi consécutif, exprime une relation de cause à conséquence entre deux évènements, ou entre deux énonciations : le moment de l'énonciation de x étant déterminant du moment de l'énonciation de y qui précède. Cela est illustré par des exemples ci-dessous :

    5a. Une pluie rouge rayait les ténèbres, la plaie de la gorge, [...], baillait comme une entaille faite à la hache. Alors, il ne lutta plus [...] (Lbh, p258).

    5b. Les Tuileries se scandalisaient de la conduite du chambellan, depuis qu'il s'affichait. Alors, [...], il venait de rompre. (Na, p.338) ;

    5c. - Qu'as-tu ce matin ? [...]

    - Ma mère est morte hier soir, [...]

    - Oh ! ma pauvre Flore ! il fallait s'y attendre depuis longtemps, mais c'est si dur tout de même ! Alors, elle est là, je peux la voir, [...] (Lbh, p308) ;

    5d- Ecoute donc, c'est une lettre qu'elle a dû trouver dans la poche de Fauchery, une lettre écrite à cette rosse de Fauchery par la comtesse Muffat. Et, dame ! Là-dedans, c'est clair, ça y est en plein... Alors, Rose veut envoyer la lettre au comte, pour se venger de lui et de toi. (Na, p.340)

    L'énoncé [5a] n'a pas de repère temporel dans l'énoncé antérieur. Alors qui pourtant signifie à ce moment là, n'est plus uniquement la marque d'une simultanéité réduite entre les évènements décrits dans les deux énoncés. En effet, ils n'ont pas un déroulement strictement contemporain l'un de l'autre. Ce marqueur met aussi en relation deux étapes d'un déroulement temporel et dérive vers une consécution, dans le sens d'une succession d'évènements, sans que cette succession soit simple comme c'est souvent le cas de puis et ensuite. Avec ces marqueurs, la seule relation entre les évènements est celle de se succéder dans la durée. En [5a], Roubeaud lutte avec son beau-père et rival, le premier a réussi à assassiner le second ; le décor tel que décrit dans x : Une pluie rouge rayait les ténèbres, la plaie de la gorge [...] baillait comme une entaille, à l'heure-là, la victime cessa de lutter. Le rapport logico-sémantique est celui de la conséquence. Le premier évènement provoque le second qui est le résultat du premier. Avec alors, ce résultat est même prévisible, souhaité, attendu. Pendant la lutte, Roubeaud tranche le cou de son rival pour le mettre hors de course. Ce rôle ne peut pas être assumé par puis ou ensuite comme nous le constatons dans

    5a*. Une pluie rouge rayait les ténèbres, la plaie de la gorge, démesurée, baillait comme une entaille faite à la hache. Puis/ensuite, il ne lutta plus

    Il n'y a pas seulement eu un premier évènement suivi d'un second comme semble le faire croire ces deux marqueurs, mais l'état de chose en P1 (premier énoncé) est cause de l'état de chose en P2 (deuxième énoncé). Ceci amène Hybertie (1996 :25) à noter que

    alors construit une séquence d'évènements temporellement ordonnés. Il indique que les états de choses exprimés respectivement en P1 et P2 sont ordonnés selon un ordre de succession temporelle qui est lié à un ordre logique de déroulement des faits, faisant apparaître le premier comme la condition de la réalisation du second.

    Ainsi, lorsque alors marque une relation de cause à effet entre les faits comme [5a], il peut être paraphrasé, selon Hybertie (op cit: 29), par de ce fait, en conséquence, si bien que, etc.

    Pour ce qui est de [5b], alors marque une relation de cause à effet entre des états inférentiels, donc de l'information donnée dans l'expérience du sujet parlant en P1 (Les Tuileries se scandalisaient de la conduite du chambellan), il déduit la conséquence P2 (il venait de rompre). P1 et P2 représentent deux états des choses : le premier exprime une situation, une attitude, une condition qui permet d'envisager la validation de l'état des choses dans P2. Dans le cas de l'inférence, le fait qu'un état de chose soit réalisé entraîne l'énonciation de P2 et sa validation. Il (alors) peut être paraphrasé par dans ce cas.

    En ce qui concerne l'énoncé [5c], le connecteur apparaît en situation interdiscursive, c'est-à-dire, entre deux énonciations. En effet, il est question d'un dialogue entre Flore dont la maman est décédée la veille de la conversation et son cousin Jacques qui est mécanicien du train Express. Alors est paraphrasé dans cet emploi par dans ces conditions. Il présente l'énonciation de P2 : elle est là, je peux la voir, comme découlant, de manière légitime, de l'énonciation de P1 : Ma mère est morte hier soir. Pour mieux exprimer cette relation, l'énonciation de P2 et l'acte illocutoire qu'elle réalise, affirme Hybertie (op.cit. : 31), apparaît comme la conséquence de l'énonciation au cours de laquelle P1 est présentée comme assertée. Ainsi, l'énonciation de P1 constitue les conditions qui rendent P2 énonciable, de là peut naître la glose suivante : maintenant que tu m'apprends le décès de ta mère, je peux te dire que je monte la voir. Le fait qu'il y ait eu assertion de P1 constitue la condition qui permet d'énoncer P2. D'ailleurs, en affirmant à Jacques que sa mère est morte, Flore, le locuteur de l'assertion s'attend effectivement à ce que celui-ci aille voir le corps, vu le type de lien qui existe entre eux. Cette réflexion est valable pour [5d]. L'inférence que alors introduit présente une situation prévisible que le locuteur de P1, énonce lui-même. La construction du discours ou schématisation selon Grize (1982) cité par Chanet (2001 :44) est un simulacre de l'image du monde qu'il note Im(M), c'est-à-dire que

    alors signale que l'état de la schématisation, et particulièrement l'état de Im(M), permet, aux yeux de L (locuteur), la réalisation d'une certaine action/opération discursive signalée comme une conséquence possible de cet état de Im(M).

    Le concept image du monde représente l'activité discursive de reconstruction que les interactants se font, c'est-à-dire que, chacun d'eux élabore sa propre représentation de ce qui se passe dans le discours. Mais comme c'est le locuteur qui oriente le premier la conversation, il met des indices ou des informations qui favorisent la conclusion ou la conséquence à tirer soit par lui-même, soit par l'autre. A titre d'exemple, [5c] fournit les indices de temps (ce matin et hier soir) tandis que [5d] insinue une relation sous-jacente à l'énonciation, il s'agit de la situation de rivalité qui existe entre deux femmes du monde : Rose et Nana. Ces femmes se disputent et les amants et la gloire. Alors, Rose qui vient de perdre son amant, le comte Muffat, arraché par Nana, et qui a découvert une lettre écrite à Fauchery par la comtesse Muffat, veut l'envoyer au comte pour se venger et de lui, et de sa rivale. Cette schématisation de l'histoire permet de percevoir alors, qui introduit P2, comme le signe d'une conséquence voulue. Le locuteur, qui n'est autre que le mari de Rose, donc qui maîtrise bien le drame, sait que sa femme veut expédier la lettre dans le but de se venger. Cette image du monde, bien connue du locuteur, lui permet de tirer une conclusion, surtout que alors, admet Riegel et alii (1996 :621), indique en outre que cette conclusion est prévisible.

    En conséquence, on constate que, tout en établissant un lien de cause à conséquence, alors conserve toutefois sa valeur première qui est la valeur temporelle ; en fait, dans l'enchaînement discursif, la relation temporelle est celle autour de laquelle l'énonciation d'un fait est possible, c'est-à-dire la condition ou la situation qui permet d'envisager la validation du second état de chose est tributaire du temps à partir duquel le premier évènement est validé. Néanmoins, alors présente le second fait comme prévisible alors que donc le présente comme nécessaire.

    1.1.1.3. Le Connecteur ainsi

    L'adverbe ainsi connaît plusieurs acceptions. Il sert tantôt à reprendre ce qui vient d'être dit tantôt à  introduire ce qui va être dit. Dans ce cas, il signifie: de cette manière. Il sert aussi à introduire une conclusion et entre de ce fait dans la catégorie des marqueurs de consécution au même titre que par conséquent, aussi, alors, donc. Plus précisément, Hybertie (1996 : 44) note qu'il marque une opération de repérage, soit contextuel, soit énonciatif, et indique la conformité avec ce qui vient d'être dit [ou va être dit], ou alors ce que l'on constate dans la situation d'énonciation. Cependant, nous nous attarderons sur l'étude de ainsi consécutif. Dans les emplois consécutifs, ainsi n'est pas paraphrasable par de cette manière, mais par pour cette raison comme le montrent ces énoncés :

    6a. Je n'ai pas non plus l'optimisme de mon oncle, reprit-il. Je crains de graves désordres... Ainsi, monsieur Grégoire, je vous conseille de verrouiller la Piolaine. On pourrait vous piller. (Ge, p 202) ;

    6b. Lorsque les Maheu et les autres avaient digéré trop vite leur soupe d'eau claire, ils montaient ainsi dans un demi vertige, l'extase d'une vie meilleure qui jetait les martyrs aux bêtes. (Ge, p 218) ;

    6c. Le parti le plus sage, quand on ne voulait pas se casser le nez, c'était de marcher droit, [...]. Ainsi, lui se faisait fort, s'il s'en occupait, d'amener la Compagnie à des meilleurs sentiments ; [...] (Ge, p 229) ;

    6d. Oh ! Moi, je comprends ces sentiments... Mais un coup d'oeil lui a suffit, il s'est conduit en homme du monde...Ainsi, ne t'inquiète plus, tout est fini, il va tranquilliser ta maman (Na, p.306).

    Dans [6a], il est question de la grève des mineurs ; les bourgeois sont menacés ; P1 : je crains de graves désordres et P2 : je vous conseille de verrouiller la Piolaine ont un même énonciateur qui analyse une situation et donne son point de vue. Le connecteur ainsi, en attaque du deuxième énoncé, n'établit pas qu'une connexion directe avec l'énoncé précédent comme on peut le croire ; il reprend l'état de chose décrit dans P1 pour donner une orientation à P2. Tout en structurant le discours, le connecteur ainsi crée plutôt une relation d'identification entre les termes qu'il met en relation. Le rapport de causalité n'est donc pas justifié par la présence de ce marqueur, même s'il est relevé que les évènements qu'il met en relation dans des énoncés entretiennent entre eux des rapports de cause à conséquence au niveau factuel. Son rôle ne consiste pas véritablement à introduire la conséquence d'un fait mais, surtout, nous le pensons, à présenter le jugement de l'énonciateur des faits ; jugement qui apparaît comme la preuve de l'énonciation. A ce sujet, on peut dire que l'acte illocutoire, qui est celui de conseiller, est issu de l'évaluation que le locuteur se fait de la situation d'écrite dans P1. En revanche, ce qui permet de voir la causalité entre ces deux énoncés, c'est le fait de verrouiller la Piolaine qui est la conséquence de la grève que craint Négrel, neveux de M. Hennebeau. Cette observation permet de nuancer la position de Le Bidois (1971 : 246) qui souligne que ainsi se révèle on ne plus voisin pour le sens de donc de conséquence. L'affinité sémantique qu'il y a entre les deux mots fait qu'on les unit volontiers. Pourtant, dans l'énoncé [7] ci-dessous :

    Tiens ! c'est toi, dit-il en reconnaissant la Mouquette. Aide-moi donc, il faudrait lui faire boire quelque chose. (Ge. P243).

    La Mouquette doit aider Etienne à réanimer une vieille femme qui a perdu connaissance des suites des affres de la famine. Etienne avait besoin de quelqu'un pour l'aider dans cette tâche et à ce moment arrive la Mouquette, une charbonnière que le locuteur (Etienne) connaît bien, d'où l'énonciation de [7]. D'une part, la vue de la Mouquette provoque chez Etienne un raisonnement logique du genre « j'ai besoin d'une aide et ta présence me permet de l'avoir ». L'emploi de donc lui permet de renforcer son assertion et de présenter sa conclusion comme nécessaire. Le rapport de cause à conséquence dans ce cas est un rapport de différenciation. En effet, donc ne reprend pas, comme le fait ainsi, le fait décrit en P1 d'où s'origine P2, mais c'est le contenu propositionnel de P1 qui conditionne l'inférence d'un autre fait P2 (distinct de celui de P1), qui est cependant la conséquence de P1. Le rapport de différenciation est donc une qualité inhérente à la causalité. C'est pourquoi la commutation par ainsi n'est pas possible comme on peut le constater dans [7*]

    Tiens ! c'est toi, dit-il en reconnaissant la Mouquette. Aide-moi ainsi, il faudrait lui faire boire quelque chose

    Ceci permet de tirer avec Hybertie (1996 :49) la conclusion selon laquelle le marqueur ainsi joue plus un rôle de cohésion discursive en tant que marqueur d'opération d'anaphore, en assurant la reprise de la cause ou de la raison de P2, et non celui d'un connecteur logique. Cette observation nous permet de nous interroger sur le lien entre ainsi et alors, également anaphorique.

    Comme présenté supra, alors anaphorique joue également un rôle de connecteur entre deux propositions. Il ne reprend pas, à la manière de ainsi, un élément du contenu de P1, mais la situation pour laquelle P1 est validée et qui permet d'envisager la validation de P2. Aussi alors est-il à la fois anaphore et connecteur tandis que ainsi n'est qu'un marqueur anaphorique. La valeur anaphorique de alors est disjonctive alors que celle de ainsi est assimilative. Dans la même optique, nous en venons à l'étude du connecteur aussi.

    1.1.1.4. Le marqueur aussi

    Pour le dictionnaire Latin-Français (1959 : 34, 618), aussi vient du latin aliud qui signifie autre chose et de sic : ainsi. Dans ses divers emplois, il connaît plusieurs acceptions. Il sert par exemple à indiquer la répartition d'un fait semblable ou d'une éventualité envisagée et peut signifier pareillement. En corrélation avec la conjonction que, il sert à exprimer la comparaison ou la concession selon le cas.

    Comme adverbe conjonctif, il peut permettre d'indiquer que ce qui va être annoncé représente la conséquence de ce qui vient d'être annoncé. Comme connecteur consécutif, il sert à introduire l'énonciation d'une conséquence comme nous le relevons dans les occurrences suivantes :

    8a. Comme il le disait, il fallait des vérités ; aussi voulut-il, [...], procéder à une perquisition nouvelle, [...] (Lbh. P361) ;

    8b. [...] dans notre position, nous avons besoin d'eux. Ce n'est guère adroit de refuser leurs politesses ; [..]. Aussi n'ai-je cessé de te pousser à accepter [...] (Lbh. P162) ;

    8c. Il fallait au plus vite couper le membre gangrené. Aussi, de nouveau, défilèrent dans le cabinet du juge le personnel de la gare du Havre (Lbh. p369) ;

    8d. Elle (Flore) connaissait chaque recoin du pays ; elle défiait bien dès lors les gendarmes de la prendre si on se lançait à sa poursuite. Aussi cessa-t-elle brusquement de courir, [...] (Lbh p322).

    Comme avec les autres connecteurs (donc, alors, ainsi), avec aussi, on est en présence de deux énoncés qui se suivent : P1 et P2 reliés par une relation de causalité où P1 exprime la cause et P2 l'effet. En structurant le discours, ce connecteur ne reprend ni le contenu de P1 comme donc, ni la situation temporelle comme alors. Il n'assure pas non plus une reprise comme c'est le cas de ainsi. Sa valeur anaphorique permet tout simplement de référer P2 par rapport à P1 en établissant une relation avec une valeur consécutive.

    En effet, dans [8a] par exemple, le locuteur commente la réflexion d'un vieux policer à la retraite, à qui on vient de confier les enquêtes d'une affaire criminelle dont les présumés coupables sont dans sa localité. L'énonciation de P1 : il fallait des vérités est la raison de l'énonciation de P2 : voulut-il, [...], procéder à une perquisition nouvelle. Comme indicateur de P2 par rapport à P1, le connecteur n'accomplit pas un mouvement de raisonnement au terme duquel il pose la conséquence ou la conclusion d'un énoncé. En d'autres termes, pour que aussi soit perçu comme connecteur inférentiel au même titre que donc et alors, il faut que ce connecteur exprime un raisonnement au terme duquel il pose une conclusion ou une conséquence. Il additionne par contre les informations qu'il met en relation ; c'est ce qui justifie l'inversion du sujet dans la plupart de nos occurrences. En fait, cette inversion fait intervenir un sujet clitique qui rend plus neutre l'assertion, surtout lorsqu'il est à la troisième personne. En revanche, dans l'énoncé [8b], le sujet parlant est représenté par le déictique je, donc le référent normalement est Séverine, l'épouse de tu (Roubeau), cependant, le locuteur présente les faits comme une succession de raisons qui va rendre vital l'énonciation qu'introduit aussi. Ainsi, l'énonciation de n'ai-je cessé de te pousser à accepter apparaît comme un ajout d'information à celle émise dans P1 : Ce n'est guère adroit de refuser leurs politesses.  Avec aussi, la structure argumentative des énoncés amène les évènements ou les états de chose décrits ou présentés à établir la vérité de la relation. C'est pourquoi, déclare Hybertie (1996 :57),

    grâce à une connaissance sur le monde, et plus précisément sur un état particulier du monde, on dit que le fait exprimé dans P1 entraîne le fait exprimé dans P2, que l'on ne peut poser l'un sans poser l'autre, parce que tels sont les faits, tel est l'ordre des choses. [...], l'énonciateur se soumet à l'ordre réel des faits, sans prendre en charge la relation consécutive établie, ni même l'assertion de P2 ; tout se passe ici comme si c'étaient les faits eux-mêmes qui validaient l'une et l'autre, avec pour conséquence, l'inversion du sujet, non obligatoire, [d'ailleurs].

    Toutefois, au sujet de la valeur d'adjonction du connecteur aussi, Medina (2001 :189), déclare:

    La ausencia de estos operadores origina un sentido puramente aditivo en les secuencias A, B. La presencia, en cambio, impone la interpretación de B como explicación de A. La diferencia entre ausencia y presencia representa une oposición entre une función de adición y une función de explicación.

    (l'absence de ces opérateurs est à l'origine du sens additif dans les séquences A, B (P1 et P2 dans notre étude). Leur présence, au contraire, impose l'interprétation de B comme explication de A. La différence entre absence et présence représente une opposition entre une fonction d'addition et une fonction d'explication).

    Pour Medina, on ne saurait parler d'une simple addition en ce qui concerne un connecteur. Son absence dans un énoncé permet une interprétation nettement différente de l'énoncé dont la présence est marquée. De ce fait, dans [8'] :

    8a'.Comme il le disait, il fallait des vérités ; il voulut, [...], procéder à une perquisition nouvelle, [...];

    8b'. [...] dans notre position, nous avons besoin d'eux. Ce n'est guère adroit de refuser leurs politesses ; [..]. je n'ai cessé de te pousser à accepter [...]

    8c'. Il fallait au plus vite couper le membre gangrené. Les personnels de la gare de Havre défilèrent .... ;

    8d'.Elle (Flore) connaissait chaque recoin du pays ; elle défiait bien dès lors les gendarmes de la prendre si on se lançait à sa poursuite. Elle cessa brusquement de courir.

    L'absence de aussi permet de voir en ces énoncés juxtaposés, une simple addition. Alors qu'avec la présence du connecteur, P2 apparaît comme une explication de P1. On note de ce fait que la notion d'explication dans l'expression de la conséquence n'est pas facile à détecter comme dans l'expression de la cause. En effet, Charaudeau (1992 :539) définit l'explication causale comme un mouvement de pensée qui part de A2 pour remonter à son origine, c'est-à-dire A1. A2 sert à expliquer A1 et se met en relation de subordination causale avec A1. Ainsi, l'existence de A1 représente le point de départ de A2. Cette relation est introduite par parce que et ses synonymes pour ce que, de ce que, du fait que, etc. Ces outils de subordination introduisent une cause simple et établit une relation de cause à effet dans une phrase où la base est l'effet et le complément la cause. Il se dégage un constat réel : dans l'expression de la conséquence, il n'est pas dit que tel ou tel autre connecteur exprime l'explication, on réalise qu'il faut, à chaque moment, se référer au contexte d'emploi pour tirer des valeurs qui peuvent changer d'un emploi à l'autre. D'ailleurs, Médina affirme qu'il est difficile de montrer l'existence d'un sens naturel aux connecteurs. C'est-à-dire un sens non contextuel, qui ne dépend pas de la situation du discours. Cela est la preuve que, pour une analyse pertinente des connecteurs, il faut prendre en compte le contexte d'émission du discours.

    Dans l'ensemble donc, l'on constate que les connecteurs inférentiels renforcent l'argumentation du locuteur et lui permet d'orienter la conclusion à tirer. Ainsi avec donc et aussi, la conclusion peut être explicative ou justificative ; alors quant à lui annonce une conclusion prévisible, tandis que ainsi présente le point de vue du locuteur. Toutefois, malgré ces diverses nuances liées à la visée discursive, ces connecteurs expriment également une conséquence factuelle.

    1.1.2. Les marqueurs de consécution factuelle

    Les marqueurs de conséquence factuelle sont ceux qui expriment un lien de cause à effet entre deux faits auxquels réfèrent les énoncés, et ne peuvent pas être utilisés pour marquer une inférence. Il en existe deux catégories : les marqueurs qui expriment la conséquence par l'intensité et ceux qui expriment la conséquence par la manière.

    1.1.2.1. L'expression de la conséquence par l'intensité

    Parler de l'expression de la conséquence par l'intensité revient à admettre que l'accomplissement de la conséquence est tributaire de l'atteinte d'une certaine intensité. Ce seuil est considéré comme le degré de force, de tension ou d'activité. En grammaire, il est exprimé par des adverbes d'intensité. Il désigne le degré plus ou moins haut qu'atteint une qualité, un état, un sentiment, etc. C'est pourquoi Riegel et alii (1996 :361) relèvent que dans son organisation de la réalité, le français distingue deux échelles, selon que la variation est considérée en elle-même ou en rapport avec un élément extérieur. L'approche énonciative présente les adverbes intensifs comme ceux qui montrent que l'avènement de la conséquence est conditionné par l'atteinte d'une certaine intensité. Sur le plan sémantique, Romero (2005 :2) pense que l'intensité d'un phénomène X se définit comme la différence ou l'écart entre deux états x1 et x2 relatifs à ce phénomène. Cette définition parait très abstraite ; néanmoins, nous relevons que l'écart dont parle l'auteur peut constituer à la fois un contraste (avec la comparaison par exemple) ou une quantité. C'est sur l'aspect quantitatif de l'intensité que nous nous attarderons ici. En fait, pour l'appréhender vraiment, nous revenons à la notion d'échelle déjà notée par Riegel et alii. Quel que soit le cas, un groupe de marqueurs, à savoir si...que, tant que, tellement que à un (tel) point (tel) que, à ce point, à tel point, au point que, forment les systèmes corrélant l'intensité et la consécution. Dans ce sens, Hybertie (1996 :73) reconnaît que

    l'énonciateur construit sur le prédicat de P1 une propriété différentielle, propriété qui consiste dans le fait qu'une qualité ou un processus possèdent une intensité telle qu'ils peuvent être tenus comme une cause efficiente de la conséquence représentée.

    Par ailleurs, l'élément de P1 susceptible d'être déterminé par l'intensité peut soit être un verbe, soit un adjectif, soit un autre adverbe ou même un nom. Dans ce sens, on parle d'incidence, c'est-à-dire que l'adverbe intensif apporte une précision supplémentaire au mot auquel il adjoint et on note dans les échantillons suivants :

    9a. Lorsqu'il sut qu'on le mariait enfin, Zacharie se mit à rire si fort qu'il

    en étranglait. (Ge, p.155) ;

    9b. Elle (Flore) avait tant souffert, qu'un soir, elle s'était cachée, voulant écrire à la justice. (Lbh. p.301) ;

    9c. Elle continuait, jurant, se soulageant, au milieu de la saleté du ménage, abandonné depuis si longtemps déjà, qu'une odeur insupportable s'exhalait du carreau. (Ge, p 251 ;

    9d. J'ai travaillé au fond pendant vingt tans, j'y ai sué tellement de misère et de fatigue, que je me suis juré d'obtenir des douceurs pour les pauvres bougres [...]. (Ge, p 228) ;

    9e.Elle (Séverine) devenait farouche, elle l'accusait d'avoir gâté son existence, à ce point que la vie était désormais impossible côte à côte. (Lbh p283).

    Dans [9], la relation de cause à conséquence établie par les marqueurs est présentée comme une condition déterminée par l'atteinte d'un niveau d'intensité conduisant à la réalisation du processus de cause à effet. Le processus représenté dans P1 (fort) représenté dans [9a] doit connaître un accroissement quantitatif pour permettre la réalisation de l'effet projeté dans P2 : il en étranglait. Voilà pourquoi Hybertie (1996 :75) déclare que

    la valeur propre des systèmes qui corrèlent intensité et consécution est donc d'exprimer que la relation consécutive n'est pas validée pour toute occurrence de P1, mais seulement pour une sous-classe d'occurrence du prédicat.

    [9a] exprime l'attitude de Zacharie, jeune mineur, dont l'annonce de son mariage réjouit. Toutefois, dans l'univers habituel, il est difficile de penser que le fait de rire puisse être la cause du fait que l'on s'étrangle, même la force liée au fait n'est pas suffisante pour déclencher la conséquence. Ainsi, la relation prédicative, étrangler pour avoir ri fort ne s'explique que si on adjoint à l'assertion de la qualité fort une notion d'intensité, notion qui rend compréhensible et réalisable la conséquence. Ainsi, l'emploi de l'adverbe d'intensité si se présente comme devant atteindre un certain seuil, une certaine échelle pour déclencher la conséquence. Cette analyse est valable pour tous ces adverbes. Parlant d'échelle, Romero (op cit:2) dit qu'il s'agit d'un ensemble d'éléments totalement ordonnés dont un plus petit. Les adverbes si, tellement, tant, à ce point que, etc. renforcent l'assertion de P2 et lui donnent un caractère objectif. En deçà de cette échelle que représente cette intensité, l'interprétation de ces énoncés sera différente comme il est question en [9'] :

    9a'. Lorsqu'il sut qu'on le mariait enfin, Zacharie se mit à rire fort, il en

    étranglait ;

    9b'. Elle (Flore) avait souffert, un soir, elle s'était caché, voulant écrire à la justice ;

    9c'. Elle continuait, jurant, se soulageant, au milieu de la saleté du ménage, abandonné depuis longtemps déjà, une odeur insupportable s'exhalait du carreau ;

    9d'. J'ai travaillé au fond pendant vingt tans / ans / , j'y ai sué de misère et de fatigue, je me suis juré d'obtenir des douceurs pour les pauvres bougres ;

    9e'. Elle (Séverine) devenait farouche, elle l'accusait d'avoir gâté son

    existence, la vie était désormais impossible côte à côte.

    Les énoncés sont juxtaposés. L'intensité est au degré zéro. On pourrait voir en cette disposition une addition qui favorise la description des faits. La conséquence devient ici inférentielle, car c'est par un calcul interprétatif que l'allocutaire doit la déduire. Aucune condition n'est à remplir pour que le fait conséquence se réalise ou soit validée si ce n'est celle de la relation primitive de causalité. L'absence du marqueur de l'intensité atténue la force argumentative et ôte à l'énonciation les effets pragmatiques escomptés. Pour ce faire, au sujet de la présence des adverbes intensifs dans l'énoncé, Roméro (2005 : 5) déclare qu'ils servent à introduire une conséquence qui, de par sa nature, est à même d'augmenter la force assertive que l'on veut donner à la cause, [...]. L'effet pragmatique que vise le locuteur se situe donc au niveau de cette force, qui est une condition à la réalisation de la conséquence voulue.

    1.1.2.2. L'expression de la conséquence par la manière

    Les systèmes corrélant manière et consécution sont formés des locutions dont l'un des constituants est un lexème qui évoque l'idée de manière. Il est question des locutions ci-après : d'une telle manière/façon/que, de telle manière/façon/que, de manière/façon/que, de telle sorte que, en sorte que et de sorte que. L'adverbe de manière exprime la façon dont le procès se déroule. Ces locutions contiennent toutes, les lexèmes (manière, sorte, façon) qui expriment la manière. Elles (les locutions) expriment la consécution en faisant dépendre l'avènement de la conséquence d'un mode particulier de réalisation du procès cause exprimé dans la principale P1. Cela se vérifie dans les exemples [10] :

    10a. Depuis qu'il était là, il apercevait à une fenêtre de sa maison, sur la façade en retour de sa maison, la chétive silhouette de sa femme, [...], sans doute elle regardait arriver les coups, de son air muet de pauvre être battu. Au-dessus, il y avait un hangar, placé de telle sorte que, du jardin, on pouvait y monter [...]. (Ge, p350) ;

    10b. [...], devant la crise les camarades étaient certainement montés, [...], jusque dans les tailles les plus hautes, de sorte qu'ils se trouvaient sans doute acculés au bout de quelque voie supérieure. (Ge, p458) ;

    10c. [...] la lapine courait devant les trois galopins, tirant la cuisse, déhanchant d'une façon si lamentable que jamais ils n'avaient tant ri. (Ge, p267).

    Dans [10a], le hangar était placé d'une manière spécifique, l'intention était de le faire voir afin d'y monter dès le jardin. La relation consécutive entre les deux processus exprimés respectivement dans P1et P2 n'est donc pas validable pour toute occurrence de la relation prédicative P1 il y avait un hangar. Dans ce cas, dit Hybertie (1996 :91), la relation consécutive n'est validable que pour une sous-classe d'occurrences de P1, celle qui est construite par l'opération de détermination marquée par de façon à ce QP2 sur le prédicat de P1.

    Pour ce qui est de [10b], la locution conjonctive de sorte que comme son semblable en sorte que ne corrèle pas la manière et la consécution, malgré la présence du lexème sorte. Ceci parce que ce lexème a perdu son sémantisme. Toutefois, elles mettent simplement en relation P1 et P2 en exprimant le rapport logique de causalité tout en présentant la conséquence comme un fait objectif. Il pourrait dans ce cas être commuté avec si bien que  dans [10b'] :

    [...], devant la crise, les camarades étaient certainement montés, [...], jusque dans les tailles les plus hautes, si bien qu'ils se trouvaient sans doute acculés au bout de quelque voie supérieure

    Il y existe néanmoins une nuance de sens. En effet, dans l'occurrence originale, la conséquence est présentée comme conditionnée par un mode particulier d'accumulation. En revanche, dans l'occurrence avec si bien que, c'est l'assertion de monter jusque dans les tailles les plus hautes qui est source de la conséquence. Dans l'un ou l'autre cas, le lien commun existant entre les deux connecteurs est leur aptitude à exprimer une conséquence réelle et objective. Ils sont également analysables en deux constituants. Les adverbes tellement, si, tant, et le morphème que pour la première relation ; et les morphèmes sorte et façon associés à que pour la seconde relation. L'expression de la notion de conséquence s'étend néanmoins au-delà des connecteurs inférentiels et factuels pour atteindre les mots.

    1.1.3. Les marqueurs lexicaux de conséquence

    Les marqueurs lexicaux de la conséquence sont des mots employés dans l'expression de cette notion. Il peut être question des verbes, ou même des groupes nominaux.

    1.1.3.1. Le verbe

    Un verbe est un mot qui se conjugue, c'est-à-dire qui peut se combiner avec d'autres classes grammaticales tels que le mode, le temps, la voix, la personne. Cette définition grammaticale ne laisse pas entrevoir le pouvoir que ce mot peut avoir dans l'organisation discursive. C'est le cas des verbes comme suffire, finir, achever/entraîner.

    1.1.3.1.1. Suffire

    Le verbe suffire établit que la condition est suffisante à l'accomplissement de l'action de la subordonnée. Ce qui pousse les Le Bidois (1938 :478) à affirmer que il suffit énonce que l'action est portée à un degré suffisant, on ne peut plus suffisant pour produire un certain effet. Son sémantisme exprime donc le degré au même titre que l'intensité. Et cela se constate dans les énoncés [11] ci-après :

    11a. Mais un coup d'oeil lui a suffi, il s'est conduit en homme du monde

    ( Na, p.306) ;

    11b L'Amérique, en cessant ses commandes de fer et de fonte, a porté un rude coup à nos hauts fourneaux. Tout se tient, une secousse lointaine suffit à ébranler le monde. (Ge, p 200) ;

    10b. Il examinait chaque lettre d'invitation, dévisageait les gens ; beaucoup, d'ailleurs, pénétraient sans lettre, il suffisait qu'il les connût, pour qu'on leur ouvrît la porte. (Ge, p235)

    Dans [11a], le syntagme un coup d'oeil a suffi prévoit en fait, la réalisation d'un effet, d'un résultat. Toutefois avec le verbe suffire, on a affaire parfois à une structure de corrélation où sont mis en relation un élément (suffire) avec la préposition (pour, à) ou la locution conjonctive pour que suivi de l'indicatif pour exprimer un fait réel. Dans l'énoncé [11a], le second élément est sous-entendu : un coup d'oeil a suffi pour qu'il se conduise en homme du monde. L'élément corrélé indique tout simplement l'arrivée de l'effet annoncé dans P1. Quelle que soit la structure du syntagme, c'est le sémantisme du lexème suffire qui conditionne la suite des évènements. Ce qui ne semble pas tout à fait être le cas de finir.

    1.1.3.1.2. Finir par

    Le lexème finir signifie achever, parachever. Mais ce sens ne permet pas à finir d'introduire une conclusion que s'il est corrélé à la préposition par qui introduit la conclusion d'un fait ou d'un évènement. Dans ces exemples :

    12a. Elle (la Compagnie) fut si frappée, qu'une fois encore elle sentit le besoin du silence. [...]. D'ailleurs, elle ne soupçonna pas le vrai coupable, elle finissait par croire à une armée de complices, ne pouvant admettre q'une seul homme eût trouvé l'audace et la force d'une telle besogne ; [...]. (Ge, p456) ;

    12b. Mais, quand les Grégoire furent descendus, avec les paquets, ils frappèrent vainement, ils finirent par taper à coups de poings dans la porte, sans obtenir davantage de réponse [...]. (Ge, p466) ;

    12c. Etienne racontait ses courses inutiles depuis une semaine ; il fallait donc mourir de faim ? bientôt les routes seraient pleines de mendiants. Oui, disait le vieillard, ça finirait pas (sic) mal tourner, car il n'était pas Dieu permis de jeter tant de chrétiens à la rue. (Ge, p10).

    Nous n'avons pas trouvé des études sur la locution verbale finir par. Cependant, l'environnement contextuel et l'univers référentiel permettent qu'on puisse tirer de l'étude de cette locution une conséquence. En s'appuyant sur l'énoncé [12a], dans l'univers référentiel, lorsqu'on ne parvient pas à trouver le coupable ou, si l'on a eu à se faire beaucoup d'ennemis, alors en présence d'une difficulté, comme c'est le cas dans cet exemple, il est difficile de penser à un seul individu. C'est pourquoi la Compagnie n'arrive pas à soupçonner le coupable, mais elle pense plutôt à une armée de complices, c'est-à-dire à tous les mineurs qui sont en grève, le raisonnement qu'a fait la compagnie l'a conduit à tirer cette conclusion. Or, si la conclusion d'un fait est perçue comme la décision finale, l'action de conclure apparaît aussi comme une conséquence tirée d'un raisonnement ; il n'y a donc pas de cloison étanche entre la conclusion et la conséquence. C'est en effet parce que la compagnie n'a pas pu trouver le coupable que, malgré elle, elle a conclu que les saboteurs de la fosse devaient être une armée de complices.  En [12b], les Grégoire veulent absolument offrir, par compassion, des cadeaux à la famille Maheud, ils frappent à la porte, mais vainement, c'est la rage de ne pouvoir pas accomplir leur acte qui les amène à taper à coups de poings dans la porte. En revanche, l'énoncé [12c], n'accepte pas la même analyse. De là on se demande si l'adverbe de négation pas, à la place de la préposition par, n'est pas à l'origine de cette inacceptation, et si cette impossibilité d'interpréter l'énoncé n'est pas due à sa structure agrammaticale.

    Par l'emploi de finir par, le locuteur amène l'allocutaire à tirer la conclusion qui est prévisible. Pour cela finir par est commutable par alors, pourvu que le verbe (croire) se mette à un temps qui concorde avec le verbe de P1, comme nous le voyons dans [12a'] :

    Elle (la Compagnie) fut si frappée, qu'une fois encore elle sentit le besoin du silence. [...]. D'ailleurs, elle ne soupçonna pas le vrai coupable, alors elle crut à une armée de complices, ne pouvant admettre q'une seul homme eût trouvé l'audace et la force d'une telle besogne ; [...].

    Par cette occurrence, on note qu'une étude de l'expression de la conséquence impose certaines contraintes par exemple celui du temps. Cette étude promet d'être très intéressante. Notre approche ne nous donnant pas la latitude de nous y attarder nous y reviendrons si l'opportunité nous est donnée dans le cadre d'une autre étude. D'autres verbes entrent dans la construction de la causalité. C'est le cas notamment du verbe entraîner qui signifie mener à terme, provoquer, déclencher, etc. dans l'échantillon [13] :

    Tout se tenait, le fléau soufflait de loin, une chute en entraînait une autre, les industries se culbutaient en s'écrasant, [...]. (Ge, p361).

    Le sémantisme de ce verbe est assez significatif pour permettre qu'il puisse provoquer la conséquence réelle, également introduite par le groupe prépositionnel jusqu'à + GN.

    1.1.3.2. Le groupe prépositionnel Jusqu'aux + GN

    Le groupe prépositionnel jusqu'aux + GN indique que la conséquence est manifestée dans le groupe nominal. Cette composition est reconnue par Mauger (1968 :331) et peut être vérifiée dans ces énoncés :

    14a. Même, ils élargissaient le malheur de la terre, ils feraient un jour hurler jusqu'aux chiens du désespoir [...].Ge, p338

    14b. Cette fois, elle finit Steiner, elle le rendit au pavé, sucé jusqu'aux moelles, si vidé, qu'il resta même incapable d'inventer une coquinerie nouvelle. (Na, p.408)

    Dans l'énoncé [14a], P1 : ils feraient un jour hurler la situation qui prépare P2 est hurler, verbe qui a, dans son sémantisme, la notion d'exagération, il traduit un excès de cris. C'est ce mot qui crée les conditions nécessaires à la réalisation de P2 : chiens du désespoir. Cependant, l'aspect stylistique, c'est-à-dire l'hyperbole qu'on relève dans la séquence chiens du désespoir ne permet pas, à notre humble avis, à la conséquence d'être effective, donc réelle. Le locuteur attire l'attention sur le caractère inhumain que représente la condition de mineurs. La structure prépositive telle que perçue dans ces énoncés peut être rapprochée de l'expression de la conséquence par l'intensité. Il s'avère donc que l'expression de la conséquence englobe plusieurs domaines dont une étude fouillée serait également intéressante pour la compréhension du fonctionnement de la notion à l'ordre du jour.

    1.2. La conséquence inattendue

    Quelque chose d'inattendue est accidentel, brusque, inopiné. La conséquence réelle inattendue est celle qui s'est réellement réalisée, mais dont la réalisation crée chez l'allocutaire un effet de surprise. Ducrot et alii. (1980 :165) parlent de conséquence étonnante et significative. Cette catégorie de la conséquence est introduite par les connecteurs : eh bien et du coup.

    1.2.1. Le connecteur eh bien

    Le groupe eh bien composé d'une interjection eh et d'un adverbe bien, est perçu comme une interjection par les grammaires. Pour Maingueneau (1997: 66-67), en effet, le marqueur eh bien ! se présente comme une interjection qui associe une fonction phatique (fonction qui établit ou maintient le contact avec le co-énonciateur) et une fonction argumentative. S'agissant de la fonction argumentative,

    ce marqueur, dit l'auteur, souligne théâtralement la pertinence de l'énonciation qu'il introduit contre les attentes d'un destinataire qui jugerait plus pertinente une autre énonciation. Dans ce cas, on peut proposer l'analyse suivante : 1) le locuteur réagit à une situation S, explicitée ou non, en produisant un énoncé Q introduit par eh bien ! Cet énoncé Q est présenté comme une suite inattendue de S, eu égard aux croyances prêtées au destinataire ou à un tiers. On désignera par Q' ce qui était attendu à la place de Q ; 2) le locuteur signale l'enchaînement S Q pour suggérer au destinataire une conclusion C, contraire à la conclusion attendue C'.

    Nous allons illustrer cette affirmation pour plus de clarté :

    15a. Un matin qu'il vit Foucarmont sortit de chez elle, à une heure singulière, il lui fit une scène. Du coup, elle se fâcha, fatiguée de jalousie. [...] il l'assommait avec son entêtement à ne pas comprendre les femmes ; et elle fut brutale.

    - Eh bien! oui, j'ai couché avec Foucarmont. (Na, p.401) ;

    15b. Tiens ! un seul exemple, ils voulaient tous m'épouser. Hein ? une idée propre ! Oui, mon cher, j'aurais été vingt fois comtesse ou baronne, si j'avais consenti. Eh bien ! j'ai refusé, parce que j'étais raisonnable.( Na, p.421) ;

    15c. - Rose veut envoyer la lettre au comte, pour se venger de lui et de toi.

    - Qu'est-ce que ça me fiche ! répéta Nana. C'est drôle, ça... Ah ! ça y est, avec Fauchery. Eh bien ! tant mieux, elle m'agaçait. (Na, p.340).

    S représente la situation, Q l'énoncé qu'introduit le marqueur eh bien ! [15a] est une conversation entre le comte Muffat et Nana, la prostituée. Un matin donc, en venant chez la jeune fille, Muffat surprend un autre homme en train de sortir de la chambre à coucher de Nana. La situation : Muffat manifeste la jalousie ; surtout qu'il estime qu'il est le financier de la jeune fille. La suite inattendue Q, c'est la réplique que donne Nana : j'ai couché avec Foucarmont. Alors qu'on pourrait s'attendre plutôt à une suite Q' énonçant le contraire -ne serait-ce que pour voiler la face-. Dans cet énoncé le mouvement argumentatif est clair : la description de l'attitude de Nana : elle se fâcha, fatiguée de jalousie, et elle fut brutale, souligne l'effet inattendu de Q et justifie le caractère surprenant de l'enchaînement. Le travail qu'effectue le connecteur eh bien ! sur le plan argumentatif amène Ducrot et alii (1980: 161), à relever que dans la perspective d'une théorie des actes de langage, l'interjection ne peut plus être considérée comme un phénomène marginal ou insignifiant. Elle acquiert un statut central : c'est le lieu privilégié où se marque l'interaction des individus. Cette observation peut être également valable pour du coup.

    1.2.2. Le marqueurs du coup

    Du coup est présenté par la grammaire comme un adverbe susceptible de marquer ou d'expliciter une relation de conséquence entre deux propositions, tout comme donc, alors, par conséquent, de ce fait ou aussi et surtout eh bien. Rossari et Jayez (2001) pensent que le connecteur du coup, relie deux situations s et q. Avec du coup, le schéma est à-peu-près le même qu'avec eh bien. S : situation qui engendre Q, et Q (énoncé inattendu) introduit dans S par le connecteur du coup ; P est la conclusion vers laquelle l'énonciateur oriente le co-énonciateur ; conclusion qui est implicite. En clair, cette situation se présente de la manière suivant  dans [16] :

    16a. Justement ce jour-là, comme Nana sommeillait vers deux heures, Zoé se permit de frapper à la porte de la chambre. [...] Elle (Nana) ouvrit les yeux, elle demanda :

    - Qui est-ce ? [...]

    Daguenet, forçant l'entrée, s'annonça lui-même. Du coup, elle s'accouda sur l'oreiller, [...]. (Na, p.381) ;

    16b. « [...]. Vas, montre-lui ta viande ! il n'est pas dégoûté, ton salaud de logeur ! ». Du coup, Etienne voulut gifler le camarade. (Ge, p 223) ;

    16c. Un matin qu'il vit Foucarmont sortir de chez elle, à une heure singulière, il lui fit une scène. Du coup, elle se fâcha, fatiguée de jalousie. (Na, p.401).

    [16a] décrit une situation : nana, la maîtresse de maison, prend un somme ; elle-même a laissé des consignes aux domestiques de ne pas la distraire. Ces consignes ont toutefois été enfreintes par Zoé, la femme de chambre. La situation S : zoé se permit de frapper a la porte ; Q : elle s'accouda sur l'oreiller, résultat contraire à celui attendu qui aurait pu, compte tenu des consignes de départ, être soit de réprimer Zoé, soit de renvoyer Daguenet, l'ancien amant de nana. Le connecteur du coup a donc pour rôle de relier ces situations, et de mettre en relief le caractère inattendu du résultat produit par la suite Q. C'est ce qu'expriment Rossari et Jayez (2001 : 14) en ces termes :

    Une forme sémantique X du coup Y est appropriée chaque fois qu'elle est interprétée dans un contexte tel qu'il existe une situation particulière, correspondant à un état d'information S, où la mise à jour avec Q serait normalement omise par s si le résultat de la mise à jour avec P était omis par s.

    Cependant, on constate qu'il n'est pas possible de commuter eh bien et du coup. Le connecteur eh bien introduit une réaction du co-énonciateur alors que du coup entraîne une description. Rossari et Jayez (1997 : 231-233) a déjà soulevé ce problème pour dire qu'on ne peut pas étudier un connecteur sans tenir compte de l'approche syntaxique et sémantique, deux aspects à associer obligatoirement à l'analyse pragmatique d'un connecteur, deux aspects qui permettent aussi de percevoir la spécificité de chaque marqueur. Ceci rejoint ce que pense Mossberg (2006 :32) au sujet des connecteurs pragmatiques :

    les constituants connectés peuvent être de nature différente. Ainsi, les connecteurs peuvent instaurer un lien non seulement entre des contenus propositionnels, mais aussi entre des actes de langage, entre des segments thématiques, ou avec des éléments extra-textuels ou extralinguistiques présents dans la situation énonciative, tels des connaissances et des valeurs partagées, des attitudes du locuteur ou de l'interlocuteur [...].

    L'auteur montre par là que la portée discursive d'un connecteur est très étendue. Nous l'avons déjà souligné dans l'analyse des connecteurs inférentiels. Il est de ce fait difficile de décrire les connecteurs uniquement en terme logico-sémantique sans se référer à leur fonction en contexte pragmatique. Faire donc une étude de la portée discursive, c'est-à-dire étudier les types de segments que les connecteurs relient avant de rendre compte de manière efficace de la commutation de ces connecteurs, devient un impératif.

    2. La conséquence irréelle

    L'irréel représente ce qui n'est pas effectif et ne peut même pas l'être. Il s'oppose donc au réel et au potentiel. Pour Riegel et alii (996 :318), l'énoncé qui exprime l'irréel dénote un état du monde possible mais qui est ou a déjà été annihilé par le réel. La grammaire offre une diversité de moyens d'exprimer l'irréel. Il existe aussi, sur le plan linguistique, d'autres moyens pour traduire la même notion, et qui varient suivant le contexte. On peut donc avoir : l'adverbe d'intensité, le groupe prépositionnel.

    2.1. L'adverbe

    Parmi les outils d'expression de la conséquence figurent les adverbes trop ....pour, assez ....pour. Toutefois, suivant le sens de l'adjectif sur lequel porte l'adverbe trop ou assez, la conséquence peut, dit Mauger (1968 : 331-332), être réalisable ou irréalisable. Le second cas est celui qui nous intéresse ici et dont les échantillons se trouvent dans ces exemples :

    17a. Mais Etienne, la nuit suivante désespéra de nouveau. La compagnie avait les reins trop forts pour qu'on les lui cassât si aisément, [...]. (Ge, p362) ;

    17b. Mangeons, tant pis ! ....Ils sont assez grand pour s'égarer. [...].

    (Ge, p117).

    Dans l'expérience qu'on a du monde, il est rare sinon impossible de voir un plus faible s'attaquer de manière frontale à un plus fort et à plus forte raison le vaincre. Ainsi les mineurs en grève ne pouvaient aisément ébranler la Compagnie. L'adverbe d'intensité trop indique que la qualité (forts) a atteint le degré suffisant pour que la conséquence ne soit pas réelle. On peut gloser la séquence par la compagnie avait les reins si forts qu'on ne pouvait les lui casser.... Il en va de même de [17b], l'intensité atteint par la qualité grand est suffisante pour rendre la conséquence s'égarer irréelle. Ainsi perçue la conséquence irréelle dans ces exemples sont semblables à la conséquence négative. On ne sait pas s'il en va de même avec le groupe prépositionnel.

    2.2. Le groupe prépositionnel

    La notion de conséquence irréelle est si délicate à cerner que, devant certains cas introduits par la préposition, l'interprétation n'est pas du tout aisée. Voyons les exemples suivants :

    18a. Ce pauvre diable d'ouvrier, perdu sur les routes, l'intéressait. Lorsqu'il le quitta, il dit aux autres :

    « Hein ! on pourrait être comme ça...Faut pas se plaindre, tous n'ont pas du travail à crever. » (Ge, p30)

     18b. Négrel, énervé, dit très haut au surveillant :

    « Mais faites-les donc taire ! C'est à mourir de chagrin. Nous ne les avons pas, les noms. » (Ge, p450) ;

    En définissant la conséquence réelle comme celle qui s'est effectivement déroulée, il est difficile de percevoir comme nous le dit Mauger (1968 : 329) une conséquence réelle dans ces occurrences. En effet, à crever de [18a], conséquence de la cause travail n'est pas, à notre humble avis, présentée comme effective, ou même éventuelle. Il en est de même pour [18b], à mourir conséquence de chagrin. On a tendance à prendre ces suites (à crever et à mourir) comme des locutions verbales qui expriment une figure de style, en l'occurrence l'hyperbole. Alors, le locuteur affirme-t-il que l'intensité du travail est capable de provoquer le fait crever ? Or, comme le dit Moignet (1981 : 65) l'infinitif donne une image du temps en pur accomplissement, sans rien en elle d'accompli, et que designer un verbe par sa forme d'infinitif n'est pas une convention sans fondement ; c'est utiliser, pertinement (sic), la forme qui inaugure le verbe et contient en puissance la totalité du défilé de ses formes. En somme dans le discours donc, au moment de l'énonciation, le locuteur fait de ce verbe à l'infinitif ce qu'il veut. Il peut décider de conserver la forme infinitive. Tout dépend de ce qu'il veut exprimer. C'est la raison pour laquelle les énoncés supra ne sont pas faciles à interpréter. Chaque sens est possible : l'éventualité, l'irréalité et la réalité. Autant de raisons qui ne militent pas en faveur d'une décision. L'infinitif est donc une forme mitigée qui permet au locuteur de camoufler ses pensées.

    3. La conséquence niée

    La négation est l'action de nier, de refuser. Dans la logique, l'opération de négation inverse la valeur de vérité d'une proposition. Cependant, le concept de négation n'est pas si facile à définir. D'ailleurs Muller (1991 : 16-17) fait une revue de la littérature de cette notion, il conclut qu'on ne peut définir la négation ni par l'altérité comme le disait Platon, ni par l'absence comme le veut Katz car, pense Muller,

    la négation n'est pas autre chose que ce qu'elle dit, et que la sémantique ne peut formuler qu'en recourant à elle : qu'un « énoncé n'est pas adéquat, qu'un ordre n'est pas accepté, qu'une situation n'est pas réalisée.

    Pour ce faire, la négation n'est pas une notion opératoire, c'est-à-dire qu'elle ne permet pas d'effectuer des raisonnements logiques ; dans ce cas, dit Muller, écartons tout d'abord les tentatives faites pour donner à la négation un contenu substantiel. Pour ce qui est de la conséquence manquée ou niée, Mauger (1968 : 339), affirme qu'elle désigne celle qui n'a pas eu lieu. Elle est exprimée de différentes façons : la préposition sans, la locution conjonctive sans que.

    3.1. La préposition sans

    La préposition sans traduit le manque, la privation, l'exclusion. Elle établit un rapport d'un terme à un autre. Brunot (1965 :615) repris par Hybertie (op cit.: 103) note que sans établit qu'une réalisation a eu lieu alors que l'autre ne s'est pas produit. Dans ce sens Muller (1991 :403) souligne que sans est un négatif inverse pouvant être remplacé par le gérondif ; négatif inverse parce que l'opérateur de négation inverse la valeur de vérité de ce qui est affirmé ; de ce fait le connecteur sans est un mot négatif, conclut Muller. Feigenbaum (1996), donne à sans le titre de connecteur parce qu'il établit un rapport entre les termes en y joignant une nuance de sens. Comme marqueur de conséquence manquée, sans crée deux structures : Sans + infinitif et sans + GN.

    3.1.1. Sans + infinitif

    Dans la structure sans suivi de l'infinitif, le connecteur vient nier le procès que représente l'infinitif pour les verbes qui sont favorables à la valence, c'est-à-dire qu'ils (les verbes) représentent, comme l'affirme Peirce (1965 : 278) repris par Feigenbaum (1996 :295), un évènement qui est normalement accompagné, suivi ou précédé d'un autre évènement. Nous rencontrons ces cas dans les énoncés suivants :

    19a. C'était imbécile d'avoir un si gros désir, l'un de l'autre, sans jamais se contenter. (Ge, p167) ;

    19b. Cela (l'alcool) remuait en lui tout un inconnu d'épouvante, le mal héréditaire, la longue hérédité de soûlerie, ne tolérant plus une goutte d'alcool sans tomber à la fureur homicide. (Ge, p357) ;

    19c. Maintenant, vous allez rester là cinq minutes, sans vous retourner ... nom de Dieu ! si vous vous retournez, il y aura des bêtes qui vous mangeront. (Ge, p 258).

    Dans l'énoncé [19a], l'énonciation de P1 : avoir un si gros désir prévoit une conséquence -P2 se contenter : cependant le connecteur sans établit un rapport de P1 à P2 : se contenter, affirme la fausseté de P2, c'est-à-dire l'évènement qui est normalement attendu ne se réalise pas. Pour une interprétation pragmatique, il faut recourir aux connaissances du monde. En effet, dans l'univers référentiel, lorsque deux personnes se désirent, l'action la plus attendue est de les voir contenter leur désir. Or dans le cas présent cette conséquence n'a pas eu lieu, le désir est comme suspendu. C'est dans ce sens qu'on parle de conséquence niée que Feigenbaum (1996 : 293) représenterait par le schéma suivant : « (+A) avoir (-B) se contenter) le signe (-) devant B signifie que B n'a pas été réalisée. Ainsi reconnaît l'auteur il existe une affinité sémantique entre A et B, qui est conservée hors texte. C'est cette affinité sémantique conservée hors texte qui permet de parler de conséquence niée. Cet aspect de l'analyse permet de distinguer la conséquence manquée du complément de manière.

    En effet, dans l'énoncé [19c] l'évènement aller rester là décrit dans P1, n'induit pas automatiquement l'évènement sans se retourner de P2. Le locuteur décrit la manière, c'est-à-dire l'attitude que doivent adopter les enfants. Le même phénomène est observé dans la structure avec GN.

    3.1.2. Sans + GN

    Dans la structure sans suivi du groupe nominal, le connecteur nie plutôt l'action que décrit le groupe nominal. C'est dans ce sens que ces exemples nous semblent pertinents :

    20a. Son frisson ancien le reprenait :

    L'aimait-il donc, était-ce donc celle-là qu'il pourrait aimer, [...] sans un monstrueux désir de destruction ? (Lbh, p151) ;

    20b. Les hommes, pour éviter d'aller au cabaret, dormaient la journée entière ; les femmes [...] devenaient raisonnables [...] ; et jusqu'aux bandes d'enfants qui avaient l'air de comprendre, d'une telle sagesse, qu'elles couraient pieds nus et se griffaient sans bruit. (Ge, p 202) ;

    20c. [...], nous qui vivons sans fracas, [...], qui nous contentons de vivre sainement avec ce que nous avons, en faisant la part des pauvres ! (Ge, p 216).

    Les évènements P1 : pouvoir aimer et P2 : monstrueux désir de destruction décrit dans [20a], ne permettent pas d'établir facilement un lien logique de consécution. Seulement, le contexte d'emploi de sans favorise l'interprétation de P2 comme une conséquence manquée. En fait, Jacques, l'agent dont les pensées sont indirectement exprimées par le locuteur, est issu d'une famille éthylique. Alors, lorsqu'il se trouvait en face d'une fille, il n'avait qu'une seule envie, celle de tuer. Le locuteur s'interroge si en aimant Séverine, ce serait sans conséquence : sans avoir le monstrueux désir de tuer. En revanche, dans l'exemple [20b], la séquence sans bruit est, selon notre point de vue, une séquence ambiguë qui ne peut s'interpréter que selon le contexte. En effet, si l'on s'attend au cri, après les griffes, alors on a affaire à une conséquence manquée ; par contre la même séquence peut être interprétée comme la manière si le locuteur exprime la façon de se griffer.

    3.1.3. Le connecteur Sans que

    Le connecteur sans que est composé de la préposition sans et de la conjonction que. Il est classé comme sans, parmi les connecteurs plurifonctionnels, donc équivoques. En effet, Wagner et Pichon (1962) le classent parmi les connecteurs de cause. Pendant ce temps, Mauger (1968 :339) infirme l'approche de ces auteurs en relevant que sans que induit une conséquence manquée. A ce propos, Riegel et alii (1996 : 512) relèvent que : une orientation négative unit sans que qui marque la négation d'un procès concomitant ou consécutif, tandis que Jazé Zanfack (2005 :46) reconnaît qu'avec sans que,

    le locuteur commence par admettre une idée, [...], puis énonce un contre argument qui vient modérer la vérité admise. Ainsi la relation sémantique qui existe entre la principale et la subordonnée peut être identifiée comme une conséquence inopérante ou absente.

    Toujours dans le même sens GONTSOK ASSAMA (2006 : 18) déclare que : sans que marque la cause fausse, c'est-à-dire la cause alléguée par un autrui et rejetée par le locuteur.

    Dans l'un ou l'autre cas, les échantillons qui suivent permettront de vérifier ces équivoques.

    21a. Les revendications pratiques de Rasseneur se mêlaient en lui aux violences destructrices de Souvarine ; et, quand il sortait du cabaret de l'Avantage, [...], il assistait à la régénération radicale des peuples, sans que cela dût coûter une vitre cassée ni une goutte de sang. (Ge, p.160) ;

    21b. Pendant quinze années, le ménage habita la même ville de province, sans qu'un évènement rompît la monotonie de son existence, [...]. (Ge, p 192) ;

    21c. Georges ce soir-là restait pâle, [...]. Au sortir de table, il avait entendu Philippe plaisanter avec la jeune femme ; et, maintenant, c'était Philippe, ce n'était pas lui qui se trouvait près d'elle. Toute sa poitrine se gonflait et s'éclatait, sans qu'il sût pourquoi. (Na, p.319).

    Ainsi dans [21a], P1 : il assistait à la régénération radicale des peuples, et la vérité admise qui est modérée par P2 : cela dût coûter une vitre cassée ni une goutte de sang. Ce qui arrive généralement dans une situation de grève est la casse. Le fait décrit n'est pas encore réel ni pour P1, ni pour P2. Le locuteur décrit un état mental, celui du héro (Etienne) qui a hâte de voir non seulement le déroulement de la grève, mais son issue qu'il espère heureuse. L'énonciation de [21a] n'est qu'une prolepse qui permet au lecteur de partager l'enthousiasme des mineurs et du héro. Toutefois cela permet de voir qu'il s'agit dans P2 d'une conséquence niée.

    En revanche, cette analyse n'est pas possible avec les énoncés [21b], nous avons deux situations P1 : pendant quinze années, le ménage habita la même ville de province, et P2 : un évènement rompît la monotonie de son existence. Sans que introduit ici la cause car, dans l'expérience du monde, ce qui rompt la monotonie est la cause. Or, sans que signifie que cette cause n'a pas eu lieu ; c'est pourquoi la monotonie demeure.

    La valeur d'emploi des connecteurs sans et sans que dépend du contexte d'utilisation et même de l'environnement extralinguistique. Pour ce faire, Muller note que la négation est pleine de supposition pendant que Riegel et alii parlent de polémique et Feigenbaum d'affinité sémantique conservée hors texte. Quelle que soit la terminologie, cela réside dans l'intention de l'auteur qui n'est pas clairement exprimée. Le rôle primordial des connecteurs étant de guider l'interlocuteur dans son parcours interprétatif comme le pense Gary-Prieur (1999 :17), ces deux marqueurs ne souscrivent pas à cette fonction principale puisqu'ils ne permettent pas au co-locuteur de minimiser ses efforts cognitifs.

    Ce chapitre consacré à l'étude des marqueurs morphologiques de la conséquence et à l'évaluation de leurs impacts sur le plan argumentatif a mis en lumière leur rôle d'indicateur de la conséquence explicite. Tout en exprimant la conséquence, le locuteur la présente comme une suite réelle ou objective, irréelle, manquée. Il apporte aussi d'autres précisions à la conséquence réelle qui peut être un fait attendu ou inattendu. Certains marqueurs inférentiels tout comme les marqueurs factuels introduisent la conséquence factuelle. Les marqueurs inférentiels jouent en commun le rôle de structuration du discours, mais avec une visée spécifique pour chaque connecteur. Et, l'interchangeabilité qu'on observe entre certains connecteurs n'est qu'apparente. En dehors de ces considérations générales, le fait marquant que nous avons dégagé est que le groupe prépositionnel à l'infinitif exprime une conséquence mitigée et peut permettre à l'énonciateur de dissimuler la signification exacte de son propos ; le groupe prépositionnel nominal est une tournure stylistique qui est en l'occurrence l'hyperbole. Il peut, à ce titre, être rapprochée de la forme d'expression de la conséquence par l'intensité, selon notre perception. Par ailleurs, nous considérerons la locution finir par comme un outil d'expression de la conséquence à l'instar de suffire.... pour que, achever de, entraîner etc.

    Dans la perspective, d'élucider toutes les nuances dont un connecteur pragmatique est chargé, l'allocutaire recourt à l'environnement contextuel du connecteur et à l'univers extralinguistique. L'étude de la position de ces outils de liaison dans les énoncés s'avère donc nécessaire.

    La conséquence étant une relation à la fois morphologique, syntaxique et sémantique, il est nécessaire de se pencher également sur le deuxième aspect pour voir comment se comporte cette notion sur le plan morphosyntaxique ainsi que les valeurs qu'elle dégage. C'est l'objet du prochain chapitre.

    CH APITRE 3 

    LA CONSÉQUENCE MORPHOSYNTAXIQUE : PROPRIÉTÉS ET VALEURS

    L'analyse des outils morphologiques de la conséquence nous a permis de constater deux éléments : premièrement, la classe des connecteurs pragmatiques ne forment pas une classe unique et homogène, ils forment donc une classe ouverte. Ce que Nølke (1993 : 22) a déjà relevé de même que Zufferey (2007 : 250) ; deuxièmement, les connecteurs pragmatiques introduisent la conséquence explicite avec plusieurs valeurs. Les connecteurs inférentiels qui sont à la source de la plupart de ces valeurs n'ont pas de position fixe dans les énoncés. Ce qui, d'une part, explique le caractère éventuel de leur commutation et d'autre part, met en lumière les relations qu'ils établissent entre les unités linguistique et discursive de divers niveaux. Ceci amène Plantin (2002a : 1-2) à relever que :

    Dans le discours, les énoncés succèdent aux énoncés [...] et les thèmes discursifs ou conversationnels se succèdent en fonction des intérêts, des phobies et des histoires des locuteurs, partagés ou non : un contenu qui en implique un autre, un champ sémantique qui développe son isotopie, une idée reçue qui en convoque une autre, des constructions syntaxiques qui, en parallèle ou en opposition, se complètent, des sonorités et des rythmes qui s'appellent et s'organisent en formes globales.

     Un constat se fait : la seule présence d'un connecteur dans un énoncé ne peut pas permettre de déterminer les différentes visées qui accompagnent l'utilisation d'une forme d'expression de la conséquence. L'aspect pragmatique étant marqué dans le discours par des formes liées tant à la syntaxe qu'à la morphologie, voire à la stylistique, ce chapitre se propose de se pencher sur l'aspect morphosyntaxique de la notion pour en étudier les structures qui entrent dans l'expression de la conséquence. Pour cela, nous commencerons par l'étude des structures implicites de la conséquence pour arriver à l'analyse des types et valeurs de relations de cause à effet, en passant par le rapport entre la consécution et les modalités de phrase.

    1. La conséquence implicite

    L'implicite représente ce qui est contenu dans ce qui a été exprimé, non pas en termes formels, mais de telle sorte qu'il en découle. Pour Charaudeau et Maingueneau (2002 :304), il y a implicite lorsque les énoncés représentent, en plus de leur contenu explicite, un ou plusieurs contenus implicites, qui viennent se greffer sur le précédent, et peuvent même le détourner à leur profit [...]. La conséquence implicite est donc celle qui découle de l'interprétation naturelle des énoncés. Elle se manifeste sur le plan morphosyntaxique par la juxtaposition et l'apposition.

    1.1. La juxtaposition

    La juxtaposition relève de la parataxe. Celle-ci s'applique traditionnellement à des énoncés où se trouvent couplées au moins deux constructions prédicatives, en l'absence de tout lien entre elles. Le lien causal peut être marqué par une pause forte, une pause faible ou un point virgule. C'est dans ce sens que Riegel et alii (1996 :469) déclarent :

    il y a juxtaposition lorsque la phrase complexe est formée d'une suite de deux ou plusieurs propositions qui pourraient être considérées chacune comme une phrase autonome, qui sont généralement séparées à l'oral par une pause et à l'écrit par un signe de ponctuation, mais le rapport n'est pas explicitement marqué par un mot de relation.

    Cependant, les énoncés juxtaposés sont parfois complexes, la démarche que propose Danlos (1998 :98) permet de démêler les ambiguïtés que suscite ce type de structure. On peut donc avoir affaire soit à une causalité directe, soit à une causalité indirecte. 

    1.1.1. La causalité directe

    On parle de causalité directe lorsque les éventualités impliquées sont contiguës, c'est-à-dire qu'entre les états de chose ou les évènements qui sont juxtaposés, la distance est faible entre la cause et le résultat. Parlant de causalité directe, l'auteur affirme qu'elle est une action effectuée par un agent humain H ; cette action affecte directement une entité X qui représente un humain ou un objet concret ; le résultat est le changement d'état physique pour l'entité X. Deux ans plus tard, l'auteur lui-même rectifie sa perception. Ainsi, Danlos (2000 :1) qualifie de causalité directe, celle qui est conceptuellement définie de la façon suivante : le résultat est un changement d'état physique ou matériel pour une entité X, la cause décrit une situation ayant directement causé ce changement d'état. Il reconnaît que la cause peut être un être humain ou une situation. Dans l'un ou l'autre cas, les échantillons de la relation causale directe s'observent dans [1] :

    1a. - Son frère a volé, il est en prison, dit la mère durement. (Na, p.399) ;

    1b. Luc a cogné la carafe contre l'évier. Il l'a cassée (Danlos 2000 :1).

    Dans [1a], la conséquence est introduite par la séquence il est en prison qui n'est pas reliée à la cause exprimée par la séquence son frère a volé par un outil de liaison. La cause est directe, c'est-à-dire, c'est l'action de voler qui est la cause immédiate de celle d'être en prison. Telle que la phrase est structurée, la conséquence est obtenue par inférence qui représente une interprétation naturelle de l'énoncé. Néanmoins, pour une meilleure compréhension de la relation et de l'intention de l'auteur, cet énoncé mérite d'être désambiguïsée. Pour cela, Danlos (2004 : 2-3), propose de vérifier s'il existe une relation de coréférence événementielle, c'est-à-dire le type de rapport qui existe entre l'argument de P1 et celui de P2. En clair, l'auteur veut savoir à quoi réfère le groupe nominal son frère de voler et le pronom personnel il de être en prison. En fait, l'occurrence [1a] est prononcée par la mère de Philippes, frère de Georges, ces deux enfants qui se sont entichés de Nana, la prostituée. Le GN son frère est coréférent à il et les deux arguments représentent Philippes. C'est donc Philippes qui a volé et c'est lui qui est en prison.

    Toutefois, il ne s'agit pas, pour la mère de Philippes, d'informer Nana, mais surtout de lui faire comprendre que c'est à cause d'elle que son fils est en prison. En fait Nana est une prostituée, avide d'argent, qui met sur le carreau tous ceux qui tournent autour d'elle. Et Philippes, officier de l'armée, de bonne moralité avant sa rencontre avec la jeune fille, est l'une des proies de la prostituée. Parce qu'il a voulu plaire à cette dernière, il a trempé la main dans la caisse de l'Etat, d'où la prison. Pour la maman qui connaissait bien son fils, Nana a ensorcelé son fils, elle est donc responsable de sa déchéance. En exprimant de manière directe la relation causale, le locuteur rend son argumentation cohérente et favorise également le décodage du message dans sa profondeur. C'est dans ce sens que Moeschler et alii (2006 :245) soulignent :

    Notre compréhension des relations causales entre évènements est directement liée à notre capacité à construire des chaînes causales et plus les liens entre les événements / ou les états sont proches sur une même chaîne causale, plus la relation causale est accessible et le discours interprétable.

    Ce qui n'est pas le cas pour la relation causale indirecte.

    1.1.2. La causalité indirecte

    On parle de causalité indirecte lorsque l'interprétation de l'événement décrit explicitement dans P1 ne constitue pas la cause efficiente de l'effet décrit dans P2. La cause directe est implicite. Ce type de juxtaposition ne permet pas une interprétation aisée de la causalité. Par exemple, les énoncés [2] sont ambigus :

    2a. Enfin, le président eut l'idée d'un vote par acclamation. Les bras se levèrent, [...] (Ge, p 241) ;

    2b. Entré un des premiers, il (Jeanlin) avait gambillé au travers de la cohue, enchanté de cette bagarre, cherchant ce qu'il pouvait faire de mal ; et l'idée lui était venue de tourner les robinets de décharge, pour lâcher la vapeur. Les jets partirent avec la violence d'un coup de feu [...] (Ge, p310) ;

    2c. Mais un coup d'oeil lui a suffit, il s'est conduit en homme du monde...

    (Na, p.306).

    En [2b], il n'est pas facile d'établir une relation directe entre les bras qui se lèvent et l'idée d'un vote par acclamation. Il est donc nécessaire d'inférer d'abord une cause qui est implicite dans l'énoncé. En effet, après avoir eu l'idée d'un vote par acclamation, il a fallu exposer son idée à l'assistance pour que les camarades mineurs puissent lever leurs bras pour voter. Il en est de même avec [2c] où il faut que Jeanlin concrétise son idée par exemple, en ouvrant les vannes pour que la conséquence : Les jets partirent avec la violence d'un coup de feu, puisse avoir lieu. Pour qu'il y ait une logique dans la déduction de la conséquence, il faut d'abord que le co-locuteur infère la cause. Il s'agit, pense Danlos (2000 : 2), de la forme elliptique d'une chaîne causale plus longue ; forme qui augmente la distance entre la cause et la conséquence. La maxime de quantité qui veut que le locuteur livre une quantité suffisante d'informations n'est pas respectée par ce dernier. La causalité est ici indirecte ou sous-entendue.

    Le sous-entendu représente toute information qu'un énoncé véhicule, mais dont l'extraction du contexte énonciatif est révélatrice de sens. Pour Kerbrat-Orecchioni (1986 :36), les sous-entendus regroupent

    les informations qui sont susceptibles d'êtres véhiculées par un énoncé donné mais dont l'actualisation reste tributaire de certaines particularités du contexte énonciatif. Si un locuteur dit à son interlocuteur adonné à la tabagie : Jacques a cessé de fumer, cette phrase est un sous-entendu : tu devrais cesser de fumer, toi aussi.

    Sur le plan énonciatif, l'expression de la conséquence par la cause indirecte permet au locuteur de faire une sorte d'économie dans son propos et oblige le co-énonciateur à fournir plus d'effort dans le décodage du message. Economie qui opacifie la pertinence du discours ; pertinence que Reboul et Moeschler (1998 :91), perçoivent comme une question d'équilibre entre efforts cognitifs et effets contextuels : plus l'énoncé demande d'efforts cognitifs, moins il est pertinent : plus l'énoncé produit d'effets contextuels, plus il est pertinent. Moeschler et alii (2006 :245) renforcent cette position en reconnaissant que l'augmentation de la distance sur une même chaîne causale rend la connexion moins accessible et le jugement de cohérence ou d'acceptabilité du discours négatif. Zufferey (2007 : 259-260) va plus loin pour signaler que dans l'analyse du discours, le connecteur assure juste la connexion entre deux énoncés alors dans l'analyse de la pertinence :

    Les connecteurs pragmatiques sont désormais considérés comme des marques procédurales qui ont un rôle à jouer dans le traitement des informations au niveau du système central de la pensée, donc au niveau pragmatique. Ils vont notamment servir à déterminer les effets contextuels de l'énoncé et à faciliter le traitement de l'information en minimisant les efforts cognitifs. En résumé, leur rôle n'est plus de lier des éléments mais de guider l'interprétation des énoncés en donnant des instructions sur la manière de construire le contexte et de tirer des implications contextuelles.

    Ainsi avec les connecteurs, l'effort de traitement de l'information est minimisé parce que, comme nous l'avons vu au chapitre précédent, les connecteurs indiquent les informations à connecter ainsi que les manières dont elles doivent être traitées. Malgré cela, on note tout simplement qu'il s'agit d'un choix de stratégie discursive qui se manifeste à travers la disposition des énoncés qui, d'ailleurs, n'est pas gratuite comme l'a déjà noté Eba'a (2003 :163). L'étude de la juxtaposition dans l'expression de la causalité dévoile qu'il existe entre la cause et l'effet une relation bien plus complexe que ce qu'on voit habituellement.

    Cependant en plus du contexte et de la connaissance du monde qui favorisent une inférence causale ou consécutive, leur interprétation est guidée par la prosodie et l'intonation, ce qui amène Bonnard (1992 :310) à souligner que l'intonation et la marque des deux points peuvent suffire à marquer une relation de cause. Ces points lient deux phrases : l'apodose qui constitue la partie ascendante et la protase, la partie montante ; et c'est la protase qui exprime la conséquence. Pour vérifier cela, les marques de ponctuations peuvent être remplacées par des connecteurs consécutifs comme dans ces énoncés :

    1a'. Son frère a volé si bien que / de sorte qu'il est en prison.... ;

    2c'. Mais un coup d'oeil lui a suffit, et il s'est conduit en homme du monde...

    Le constat fait montre que les connecteurs factuels semblent mieux s'intégrer dans les énoncés traduisant une causalité directe tandis que les connecteurs inférentiels semblent s'adapter aux énoncés marquant une relation inférentielle. Malgré l'intérêt que suscite cette observation, nous ne pouvons pas nous attarder sur cet aspect de peur de diluer l'objet de notre travail. Le locuteur préfère la forme paratactique parce qu'elle est proche de la conséquence inférentielle.

    Parlant de la conséquence inférentielle, nous avions vu que c'est le locuteur qui décidait de l'orientation à donner à son propos, elle est subjective. La même conclusion peut être tirée de la conséquence implicite. La juxtaposition, en effet, permet au locuteur de faire une économie de son propos. Cette économie le met à l'abri de tout jugement critique autre que celui qu'il souhaite. Et, si son propos suscite une critique, il peut toujours nier et se cacher derrière le sens littéral de son propos. C'est donc à dessein que le locuteur choisit, pour certaines énonciations, soit le connecteur inférentiel, soit la juxtaposition des énoncés ; il évite ainsi les connecteurs factuels qui donnent une certaine objectivité à son énonciation et l'expose à une éventuelle contestation. Ce cas peut être vérifié dans [1a], en effet, aux accusations de la mère de Philippes, Nana peut toujours se défendre en répliquant qu'elle n'a contraint personne ni à lui faire la cour ni à lui promettre de l'argent. En assombrissant donc son message pour échapper à toute critique du lecteur ou du co-locuteur, le locuteur donne à son interlocuteur, peut-être sans se rendre compte, les moyens de se défendre si d'aventure il se sent indexé. De toutes les façons, l'énonciateur se trouve être le meilleur bénéficiaire de la controverse autour de la notion de vérité.

    Du terme vérité on retient qu'il représente la conformité de ce qu'on dit, de ce qu'on pense avec ce qui est vrai. Il existe divers types de vérités : philosophique, scientifique, littéraire, etc. Ce dernier aspect est celui qui nous intéresse, la vérité littéraire est le sens que le récepteur a d'un texte. A ce sujet, Barthes (1966 : 56) reconnaît qu'une oeuvre est un chef-d'oeuvre

    non parce qu'elle impose un sens à des hommes différents, mais parce qu'elle suggère des sens différents à un homme unique, qui parle toujours la même langue symbolique à travers des temps multiples : l'oeuvre propose, l'homme dispose.

    Ainsi, le locuteur ou l'auteur écrit et l'allocutaire ou le lecteur interprète. Dans le même esprit, Todorov (1968 : 17) souligne que le sens du texte n'est pas unique comme la lecture linéaire d'un texte : de gauche à droite et de haut en bas, mais il est comme la lecture qui disjoint le contigu et rassemble l'éloigné, qui constitue précisément le texte en espace et non en linéarité. Le sens linéaire d'un texte est unique, mais le texte n'a pas un sens référentiel unique ; il (le texte) n'est plus la parole d'un individu, parce qu'il échappe à son contexte d'origine. La fonction symbolique de la langue donne à l'oeuvre une vie parce que la première permet à la deuxième de s'intégrer dans chaque époque, et même dans chaque contexte. Ceci peut faire croire que l'auteur donne ainsi une licence dangereuse à la surinterprétation et à la mésinterprétation, c'est-à-dire à l'exercice intempérant d'un type d'interprétation qui se croit tout permis, mais il s'agit d'une liberté consciente. Pour comprendre l'oeuvre, le récepteur doit la réinventer, mais en collaboration avec l'auteur ou l'énonciateur. Il doit exister entre eux une sorte de connivence. C'est pourquoi, pour mieux comprendre la position de Barthes, il faut aller en amont pour examiner le point de vue d'Umberto (1965 : 25). L'auteur souligne en fait que :

    ici encore, « ouverture » ne signifie pas « indétermination » de la communication, « infinies » possibilités de la forme, liberté d'interprétation. Le lecteur a simplement à sa disposition un éventail de possibilités soigneusement déterminées, et conditionnées de façon que la réaction interprétative n'échappe jamais au contrôle de l'auteur.

    Ainsi, non seulement pour l'interprétation, l'auteur laisse expressément dans le texte des indices et les vides à remplir par l'interprète pour obtenir le sens de l'énoncé, il a même l'opportunité de choisir la forme à donner à son énoncé. D'ailleurs relèvent Todorov et Bakhtine (1981 : 88), il n'y a pas de message tout fait, remis par A à B. Il se forme dans le processus de communication entre A et B. Ensuite il n'est pas transmis par l'un à l'autre, mais construit entre eux comme un pont idéologique. Si nous convenons avec Barthes qu'un texte possède plusieurs sens, il serait donc contradictoire de penser que le locuteur a plusieurs intentions. C'est pour cela qu'il est possible de dire que le sens de l'énoncé, c'est celui qu'en donne le locuteur. C'est dans ce sens que Compagnon (1999 : 4) affirme que l'oeuvre répond à la question : Quelle valeur à ce texte ? En d'autre termes : quelle signification à ce texte ? Or l'auteur dit que la signification désigne ce qui change dans la réception d'un texte, c'est le lieu de toutes les contingences qui caractérisent les différentes interprétations faites sur un livre. Ce sens, le locuteur le dissimule très bien à travers l'implicite, pour ce qui est de l'expression de la conséquence. Et, pense Compagnon (1999 :1), le travail de l'analyste consiste à vulgariser le vouloir-dire de l'écrivain, c'est-à-dire son intention claire et lucide, seul critère de validité d'une interprétation. Il est possible de nuancer la position de Compagnon, en disant qu'il ne s'agira pas de l'intension claire et lucide de l'auteur, mais d'une interprétation jugée plus proche du vouloir-dire du locuteur, tout ceci n'empêche toutefois pas Gary-Prieur (1999 :20) de reconnaître que l'interprétation peut conduire à une infinité de sens. Et Kerbrat-Orécchioni (2005 :81) de souligner que le sens ne se donne pas à voir, il doit être extrait de son enveloppe qui est la forme selon un processus complexe et tâtonnant. Pour y parvenir, les co-locuteurs tout comme l'analyste du discours doivent construire, à propos d'un segment donné une hypothèse interprétative. Etant donc conscient de la multiplicité d'interprétations que peut connaître un énoncé, le locuteur veille sur la forme de son énoncé. C'est dans ce sens que, souligne Nølke (1993 : 32-33) :

    le locuteur dispose en effet d'une gamme de moyens linguistiques pour indiquer comment il faut interpréter son texte, et, plus particulièrement, pour préciser quels sont les fils qui tissent la toile qu'est le texte. On peut inventorier ces moyens. Il s'agit notamment des anaphores, des isotopies, de la structure thématique, de la structure polyphonique.

    Autant d'éléments qui militent en faveur de l'exploration de l'autre aspect de la causalité morphosyntaxique qu'est l'apposition.

    1.2. L'apposition

    L'apposition représente généralement un terme placé à coté d'un autre et désignant la même chose que celui-ci. Ainsi perçue, la relation morphosyntaxique entre les termes juxtaposés est symétrique. Voilà pourquoi, relève Scheppers (2000 :7), les constituants impliqués appartiennent prototypiquement à la même catégorie morphosyntaxique, et sont interprétés comme ayant la même fonction par rapport à la structure matrice. Dans ce sens, deux structures sont recensées comme pouvant exprimer la conséquence : la relative apposée et le participe présent.

    1.2.1. La relative apposée

    Cette notion a déjà été abordée au premier chapitre de ce travail. Nous y revenons pour montrer l'effet pragmatique qui sous-tend l'emploi de cette forme linguistique pour exprimer la conséquence. Dans cette optique, il convient de rappeler que la valeur explicative est la valeur première attachée à la relative apposée. Cette valeur est destinée à faire comprendre le terme auquel elle est liée, c'est-à-dire son antécédent. Les valeurs circonstancielles qu'elle dégage sont secondaires. Ces valeurs peuvent relever de la cause, du but, de l'opposition de la conséquence, etc. La relative apposée est donc chronologiquement soumise à la principale. C'est ce qui fait dire à Kerbrat-Orecchioni (op cit. :175)

    lorsque deux faits sont présentés comme étant en relation de succession chronologique (ou de coexistence), on a souvent tendance à établir entre eux une relation logique de cause à conséquence ou de conséquence à cause.

    En d'autres termes, l'auteur parle du principe post hoc ergo propter hoc, qui veut dire littéralement après cela, par conséquent, après s'ajoute, ainsi donc. Nous notons cela dans [3] ci-dessous :

    3a. Le genièvre ressuscita la vieille, qui [...] mordit au pain, goulûment.

    (Ge, p 243) ;

    3b. [...], il lui sortait de la peau un charme, un tremblement de désir, qui la rendait rose et toute jeune. (Ge, p 244) ;

    3c. [...], tandis que le gros cheval jaune repartait tout seul, tirait pesamment entre les rails, sous une nouvelle bourrasque, qui lui hérissait les poils. (Ge, p9).

    Dans l'énoncé [3a], il s'agit d'une vielle femme qui a perdu connaissance, tourmentée par la famine, et qui a repris ses sens après avoir bu un peu d'alcool. Sur le plan chronologique donc, l'énoncé pose comme P1 : la genièvre ressuscita la vieille, qui explique P2 : qui [...] mordit au pain, goulûment. Pour Kerbrat-Orecchioni, il est question d'une inférence consécutive, c'est-à-dire d'une déduction, d'un calcul interprétatif que le locuteur doit établir entre le genièvre qui ressuscite une vielle femme et mordre au pain goulûment. Il lui faut situer l'énoncé dans son contexte et même faire un rapprochement avec ses connaissances des réalités du monde, qui montrent que l'alcool permet de ramener à la vie un homme qui est en voie de sombrer. On peut déceler le même rôle dans le fonctionnement du participe présent.

    1.2.2. Le participe présent

    Le participe présent, considéré comme une forme du verbe, implique un agent qui provoque une conséquence comme le présentent ces énoncés :

    4c. D'un effort suprême, Price venait de jeter Nana au poteau, battant Spirit d'une longueur de tête. (Na, p.353) ;

    4b. Ce fut comme la clameur montante d'une marée. Nana ! Nana ! Nana ! Le cri roulait, grandissait, avec une violence de tempête, emplissant peu à peu l'horizon, [...]. (Na, p.353) ;

    4c. Tout le train passa avec son roulement de foudre, coupant le souffre, balayant l'air ; [...].

    Comme nous l'avons vu avec la relative apposée, aucun signe morphologique ne marque la relation de cause à conséquence. Celle-ci est déduite, elle est inférée. La même conclusion est tirée, l'absence de connecteur consécutif marque la subjectivité du locuteur. Ceci justifie pourquoi nous avons perçu l'apposition comme l'une des formes morphosyntaxiques de la conséquence implicite.

    En guise de résumé de ce point, on peut dire que l'implicite est une forme du dire qui est ambiguë ; la valeur réelle ne peut se percevoir qu'en contexte. En choisissant l'implicite comme forme d'expression de la conséquence, le locuteur impose à l'allocutaire un surplus de travail interprétatif. Par l'implicite, l'auteur reste prudent dans son propos, c'est pourquoi nous convenons avec Maingueneau (1999 :81) que 

    souvent le passage par l'implicite permet d'atténuer la force de l'agression d'une énonciation en déchargeant partiellement l'énonciateur de l'avoir dite. Ce dernier peut toujours se réfugier derrière le sens littéral.

    Il ressort de cette observation de l'auteur que l'effort pour le décryptage de ce que le locuteur dit entre les lignes, de ces sous-entendus et ces arrière-pensées qui constituent en quelque sorte la partie immergée de son énonciation, peut même faire l'objet de contestation. Un fait réel se dégage, il se pose un problème de réception d'un texte littéraire. Ce débat est si vieux et si actuel que, pour ne pas perdre de vue l'objet de notre étude, il importe de le clore pour passer à l'étude des types et des valeurs de la relation de cause à effet.

    2. Les types et les valeurs de la relation de cause à effet

    L'étude des types et des valeurs de la relation de cause à effet consiste, d'une part, à préciser la nature des éléments ou des syntagmes que le discours met en oeuvre pour introduire la conséquence, et, d'autre part, à veiller sur la portée de ces éléments sur l'expression de la causalité. Dans nos occurrences, nous avons relevé que ce type de relation se capitalise dans les constructions détachées et les autres formes linguistiques.

    2.1. Les constructions détachées

    Les constructions détachées sont des constructions dont la place est libre, qui sont séparées du reste de la phrase par une virgule, qui ont, généralement, une relation de coréférence avec le sujet de la phrase et qui forment une valeur prédicative. C'est dans ce sens que Havu (2002 :1) souligne que les constructions détachées sont considérées par de nombreux linguistes comme des appositions puisqu'elles

    forment une prédication seconde apportant une information supplémentaire au terme support qui constitue une composante de la prédication première ; (ii) sont relativement mobiles et peuvent occuper la place initiale, (iii) [peuvent] être placées après leur support ; (iv) sont séparées du reste de la phrase, le plus souvent par une virgule, mais aussi par deux points, des tirets, des parenthèses, ou simplement par une pause, dans le discours oral [...].

    Par ailleurs, dans la construction détachée, l'élément apposé ne joue pas un rôle semblable à celui de l'épithète qui complète un nom, mais il introduit plutôt dans l'énoncé, une nouvelle structure prédicative en créant les circonstances ou les conditions du déroulement de l'action du verbe. A propos, pense Tomassone (2002 :241), les constructions détachées ont toutes un même rôle en ce qui concerne l'apport d'information dans l'énoncé : elles introduisent une nouvelle information nouvelle, [...].Toutefois, dans l'expression de la relation causale, certaines structures détachées, peuvent présenter des relations asymétriques, avec un support clos sur le plan morphosyntaxique, mais qui sont d'un apport prédicatif significatif tel que le démontre ces exemples :

    5a. Effrayée devant le malaise général, la Compagnie, en diminuant son extraction et en affamant ses mineurs, s'était fatalement trouvée, dès la fin de décembre, sans un morceau de charbon sur le carreau de ses fosses. (Ge, p360) ;

    5b. Furieux, il (Chaval) descendit, [...]. (Ge, p295) ;

    5c. Cecile, toute rose de santé, heureuse de respirer l'air si pur, s'égayait, plaisantait, [...].(Ge, p465).

    Il n'est pas question dans [5] de relation de symétrie, encore moins de duplication. Qu'il soit intra ou extraphrastique, l'adjectif qualificatif mis en apposition en [5b et c] ou la participiale apposée en [5a] fonctionnent comme des structures indépendantes par rapport à leur contexte. La valeur circonstancielle qu'a l'élément apposé vient de sa prédicativité. Dans [5b], furieux ne duplique pas il (Chaval), mais l'adjectif apposé est une structure libre, il est donc indépendant. Le sens que dégage ce prédicat est celui de l'explication. L'adjectif qualificatif furieux explique le comportement ou l'attitude de l'agent du fait décrit dans P2. L'énoncé peut donc être glosé ainsi qu'il suit : parce qu'il était furieux, il descendit... Furieux constitue à lui seul une phrase. Aussi Scheppers (2002 :6) souligne que : est prédicatif tout constituant morphosyntaxique dont la structure sémantique prévoit, de par le noeud supérieur de sa représentation sémantique, une position libre.

    De ce fait, les mots en position de détachement constituent des structures prédicatives et leurs apports prédicatifs ne s'interprètent pas comme des reformulations de leurs supports, mais comme des apports structurellement indépendants par rapport à leur contexte. C'est pourquoi, explique Délechelle (2004 :129),

    De part sa position initiale, l'identification et donc la construction de la valeur référentielle du terme source, fonde la relation prédicative, puisque c'est en tant que qu'occurrence de la notion repère que le terme source est mis en rapport avec le prédicat.

    La structure apposée forme une prédication seconde apportant une information supplémentaire au terme support qui constitue une composante de la prédication première. Du coup, la définition de l'apposition mérite d'être revue ; en fait si les constructions détachées peuvent être des appositions, il peut ne pas exister entre le terme apposé et le terme source une relation de symétrie ou d'identité, ce que montrent les occurrences [5]. Dans tous les cas, les constructions détachées sont de natures diverses : un groupe nominal, un adjectif, un adverbe, une conjonction.

    2.1.1. L'adjectif apposé

    L'adjectif qualificatif peut être épithète, attribut ou apposé. En position détachée, le participe passé en emploi adjectival a valeur de complément circonstanciel de cause. Mais, comme la cause précède généralement la conséquence, il n'est pas étonnant que la valeur causale soit teintée d'idée de succession temporelle. C'est le lieu de le vérifier dans [6]

    6a. Effrayé, il l'avait retenue sur son coeur. (Ge, p488) ;

    6b. Catherine, résignée, avait appuyé contre la veine sa tête endolorie, [...]. (Ge, p483) ;

    6c. Dès le premier voyage, Catherine, effrayée, revint en disant qu'il n'y avait plus personne au plan incliné. (Ge, p442) ;

    6d. Au jour, M. Hennebeau anxieux attendait Négrel.

    « Eh bien, quoi ? » demanda-t-il.

    Mais l'ingénieur, étranglé, ne parlait point. (Ge, p448).

    L'interprétation tient compte des critères morphosyntaxique (ce sont des propositions participes) et des critères sémantiques (absence des liens de marque logique explicite avec la principale). Tout en exprimant la cause, les adjectifs apposés décrivent un état qui explique ou justifie l'évènement décrit dans la conséquence. Dans [6a'], le locuteur fait comprendre ceci:

    Etant effrayé / parce qu'il (Etienne) était effrayé, il l'avait retenu sur son coeur.

    Ainsi il se dégage que lorsque la construction détachée contient une valeur causale, il doit exister une relation de causalité entre elle et le contenu de la proposition principale. Cependant, cette relation de causalité est implicite et, selon Havu (2002 :394), elle dépend pour une grande partie de l'interprétation subjective du lecteur et de sa vision du monde. En fait, dans une culture où par exemple un amoureux sert sa petite amie sur son coeur lorsqu'il est effrayé, l'interprétation de la construction détachée est causale et celle de la principale est consécutive, cela explique bien la structure de [6a'].

    Sur le plan pragmatique, par l'adjectif détaché, le locuteur oriente le co-énonciateur afin qu'il puisse identifier les paramètres nécessaires à un ancrage discursif adéquat du contenu de la proposition qui suit. Il fournit une information qui doit être validée telle quelle, pour ensuite pouvoir affirmer la proposition qui suit. Cela dit, elle peut exprimer, comme on peut le constater dans les exemples susmentionnés des informations nouvelles pour l'interlocuteur (qui ne sont pas introduites préalablement dans le contexte antérieur du discours, et dont l'interlocuteur peut ne pas être au courant). Nous parlons des informations nouvelles, parce qu'il est difficile de dire ou de prévoir que, chaque fois que le fait décrit par la participiale se produit ou se produira, la même conséquence se produit ou se produira. Cette attitude morale est une information nouvelle que le locuteur vient d'introduire dans le discours, et qui décrit le comportement d'un personnage. En plus de l'information, le locuteur restreint l'univers du discours, en d'autres termes, rien ne prouve que le personnage d'Etienne n'a ce comportement que lorsqu'il est effrayé. En clair, en commutant le lexème effrayé par les lexèmes du même paradigme (effaré, inquiet, troublé, etc.), on est pas certain d'avoir les mêmes effets.

    Dans tous les cas nous pensons que l'orientation que donne le locuteur vise à faire admettre au co-locuteur qu'il n'y a que cette circonstance qui produit la conséquence énoncée. Il limite le domaine de validité de l'information qui suit. Par ailleurs, Havu (op cit.) fait observer qu'avec la valeur causale, la construction détachée peut être glosée par comme.

    2.1.2. Le connecteur comme 

    Les grammaires scolaires tiennent comme pour une conjonction assurant la subordination des propositions circonstancielles de comparaison. Au sujet de comme, Le Goffic (1993 :484) pense qu'il est adverbe de phrase. Selon Bonnard (1992 :165), comme est une conjonction de subordination à côté de quand, si, que et les composés de que. Pour distinguer les conjonctions de leurs homonymes, Bonnard (op.cit.) note que la conjonction marque le début d'une proposition subordonnée à l'intérieur de laquelle il n'assume aucune fonction. Pour l'auteur les quatre conjonctions sus-citées se trouvent être homonymes de mots appartenant à d'autres classes grammaticales (quand adverbe interrogatif, comme et si adverbes exclamatif, que pronom relatif ou interrogatif) ; il convient d'ajouter que la conjonction comme, à l'intérieur de la même classe grammaticale, sert aussi à exprimer d'autres circonstances. En début de phrase, elle présente deux effets de sens particuliers : la valeur temporelle et la valeur causale. C'est ce second aspect qui fait l'objet de notre préoccupation. Et nous le démontrons dans les occurrences [7] :

    7a. Comme il n'y avait pas de bancs autour du bal, Catherine, après chaque danse, se reposait à la table de son père. (Ge, p.153) ;

    7b. Comme il faisait très beau, elle renvoya sa voiture [...]. (Na, p.313) ;

    7c. Puisque le bon Dieu était mort, la justice allait assurer le bonheur

    des hommes, en faisant régner l'égalité et la fraternité. (Ge, p.164) ;

    7d. Mais, puisque tu ne peux souffrir personne à ton côté, j'agirai

    désormais tout seul... (Ge, p 232).

    Dans sa valeur causale, le connecteur comme permet de justifier ce que l'on vient de dire. La conjonction comme est employée quand la cause est connue. Il a alors une valeur logique et se met toujours en début de phrase. La valeur causale de comme, pense Gontsok Assama (2006 :63), implique une certaine solidarité entre les faits, parce que la relation entre le premier et le fait principal est une relation de suite naturelle, de prolongement. En fait, en [7a], la subordonnée en comme : il n'y avait pas de bancs autour du bal. Il s'agit de la description qui justifie l'état de chose exprimé par la séquence : Catherine se reposait à la table de son père. Nous faisons la même lecture avec l'adjectif en position détachée, d'ailleurs Havu (op cit. 390-392), reprenant Combettes (1998 :42,46) repartit les constructions détachée en deux catégories principales : celles qui sont uniquement descriptives et qui correspondent surtout à une proposition relative, et celles qui ont des valeurs circonstancielles. Pour départager ces deux valeurs, l'interprétation doit être linguistique, contextuelle, voire même extralinguistique. L'auteur relève sept valeurs circonstancielles : temporelle, causale, conditionnelle, concessive, restriction (en tant que X, quant à sa carrière comme X), opposition (qu'il s'agisse de X ou d'Y), ajout (en plus d'être). Qu'il soit donc adjectif apposé ou conjonction en construction détachée, Havu (op cit : 395) note que,

    Dans les cas où la construction détachée peut avoir une valeur causale sans nuance temporelle d'antériorité, elle décrit un état inhérent ou un état transitoire de longue durée qui forme un arrière-plan à l'action décrite dans la phrase principale.

    Il ajoute que c'est le cas de comme, parce que et puisque dans [7c et d], pourvu qu'il y ait possibilité de paraphraser les constructions étudiées par une subordonnée contenant le verbe être. Ainsi, [7b et c] devient en [7b' et c'] :

    7b'. Le temps étant très beau, elle renvoya sa voiture [...]. (Na, p.313) ;

    7c'. Le bon Dieu étant mort, la justice allait assurer la bonheur des

    hommes, ...

    A notre humble avis, l'emploi de ces connecteurs en attaque de phrase, permet au locuteur d'orienter la conséquence à tirer par le co-locuteur puisque la subordonnée annonce et entraîne le fait principal comme un engrenage. Toutefois, le connecteur quand semble connaître une autre lecture.

    2.1.3. Le connecteur quand/lorsque

    Quand et lorsque sont deux connecteurs qui occupent une place de choix dans le système des connecteurs temporels. Pekba-Anderson et Pekba (2007 :50) souligne :

    Etant particulièrement fréquents aussi bien à l'écrit qu'à l'oral, quand et lorsque se caractérisent par une grande richesse sémantique intrinsèque qui fait d'eux les connecteurs les plus polyfonctionnels parmi les connecteurs de la simultanéité.

    De fait, leur sens général de base : au moment où, dans le temps que, à l'époque où, permet à ces connecteurs d'exprimer toutes une palette de relations temporelles, allant de la relation de simultanéité à la relation d'antériorité. Nous n'avons pas d'occurrence avec le marqueur lorsque extraphrastique. Toutefois, pour illustrer le fonctionnement de ces deux connecteurs, nous allons nous servir des exemples ci-après :

    8a. Quand elle le vit bouleversé, elle tâcha de se retenir. (Na, p.389) ;

    8b. Quand on a une gueule comme la tienne, on paie les femmes qui veulent bien vous tolérer... (Na, p.402) ;

    8c. Quand ni sa femme ni son neveu ne l'animaient du bruit de leur existence, la maison semblait vide. [...]. (Ge, p325).

    La relation qui existe entre la subordonnée détachée et la principale est, selon Pekba-Anderson et Pekba (op cit. : 62), une relation de coïncidence-antériorité, qui consiste à construire pour le discours [8a], une première représentation mentale, le voir bouleversé, puis un deuxième, tâcher de se retenir. Le deuxième évènement n'étant validé qu'à la suite de la validation de l'évènement subordonnée. Dans cette relation, ce n'est pas l'évènement décrit dans la principale qui conditionne la réalisation de l'évènement décrit dans la subordonnée, mais l'inverse. L'élément décrit dans la subordonnée est nécessaire pour que soit validée l'élément décrit dans la principale. C'est ce que dit Saussure (2003 :209) que cite Pekba-Anderson et Pekba (op cit. : 66), si ß ne peut être le cas sans que á soit la cause de ß, alors la relation causale est nécessaire. Pour le locuteur, il ne s'agit pas de mettre l'accent sur la nuance de cause qui se dégage du discours ; en spécifiant que l'évènement P1 (quand + elle le vit bouleversé), est la raison de l'existence de P2 (elle tâcha de se retenir), l'énonciateur privilégie l'aspect temporel : c'est à un moment précis décrit par quand ou lorsque que s'est produit l'événement x qui a occasionné un autre évènement y. La coïncidence en [8a] est telle que le lecteur ou le co-locuteur, n'est pas certain qu'après ou avant ce moment, il y aurait eu le même effet. Cependant, il faut relever que les rapports associatifs que les évènements entretiennent entre eux sont plus déterminants dans la relation de causalité entre P1 et P2. C'est pourquoi, notent les auteurs, son rôle (du connecteur temporel quand ou lorsque) consiste à fournir la direction temporelle nécessaire permettant de générer les représentations mentales des évènements. On peut discuter ce point de vue en arguant que les temps verbaux jouent le même rôle, mais nous avons vu que le connecteur donne la force à l'argumentation. Ce qu'expliquent Pekba-Anderson et Pekba (op. cit. 52) en ces termes l'ordre des énoncés, les temps verbaux et les informations conceptuelles déclenchent des traits faibles. En revanche, les connecteurs et les informations contextuelles portent des traits forts. Ceci nous autorise à nous éloigner un peu de Havu pour qui les structures détachées sont classées parmi les implicites.

    En effet, si la remarque de Havu est pertinente pour ce qui est de l'adjectif apposé, nous pensons par contre que le connecteur, qu'il soit temporel ou logique ne donne plus de voir la conséquence comme un fait implicite parce que ce connecteur donne à l'énonciation de la cause une force assertive qui rend évidente la conséquence.

    Malgré ces quelques points d'appui et les analyses effectuées au cours de ce travail, nous constatons que l'interprétation des constructions détachées n'est pas évidente, parce qu'elle demande non seulement des compétences linguistiques, mais aussi des compétences extralinguistiques. Cette évidence est notée par Havu (op. cit.) en ces termes :

    Ces constructions ressemblent un peu aux oeuvres d'art : on peut soit les appréhender sans comprendre exactement ce que l'artiste a voulu dire, soit les paraphraser sans savoir vraiment si l'artiste aurait été du même avis.

    Comme nous l'avons déjà souligné avec les structures implicites, les constructions détachées sans connecteur sont également des formes équivoques d'expression de la conséquence ; les formes avec connecteurs sont quant à elles proches de l'inférence avec des connecteurs inférentiels. On déduit donc que l'auteur utilise les constructions détachées pour exprimer une situation discutable, donc l'objectivité n'est pas établie. Les formes morphosyntaxique d'expression de la conséquence étant tout aussi variées, il est nécessaire de voir ce que réservent les autres structures linguistiques que nous avons recensées.

    2.2. Les autres formes linguistiques

    Ce que nous désignons sous l'appellation autres formes linguistiques ici comprend un ensemble de structures morphosyntaxiques qui expriment les nuances de la conséquence. Il s'agit de l'aspect, de la modalité, de l'hypothèse, du verbe de connaissance et de la double corrélation.

    2.2.1. L'aspect

    D'une manière générale, un verbe auxiliaire est celui qui porte les marques de temps, de personnes, de mode, d'aspect, alors que le verbe principal, celui qui sélectionne le sujet et les compléments, est affecté d'une désinence de participe passé. Petiot (2000 :169) perçoit l'aspect comme la façon dont le « procès du verbe » est envisagé. L'aspect concerne donc la manière dont se développe le procès dans le temps. Il existe des catégories aspectuelles qui sont inscrit dans la morphologie verbale. En français, ces catégories sont à la source de l'opposition entre forme la simple et la forme composée qui s'interprètent en termes d'accompli qui est l'antonyme de l'inaccompli. Dans certains cas, la morphologie du verbe ne permet pas de traduire tous les détails et les nuances liés aux différents aspects du déroulement d'un procès. Pour remédier à cette faiblesse, la langue a donc recours aux moyens lexicaux pour apporter ces détails et ces nuances. Les verbes qui permettent d'apporter ces nuances sont appelés les auxiliaires d'aspect. Ceux-ci entrent dans la sous-catégorie d'auxiliaire d'aspect que Bronckard (1985 :150) définit comme sous-catégorie d'auxiliaire indiquant un moment du déroulement de l'action. Comme échantillons d'auxiliaires d'aspect on a : achever de, commencer à, finir par, etc. Cette sous-catégorie d'auxiliaires n'est pas limitative puisque ces auxiliaires d'aspect s'observent mieux dans la syntaxe des énoncés :

    9a. Une cage bientôt fut hors d'usage, défoncée, ne glissant plus entre les guides, rompus sans doute. L'autre frottait tellement, que le câble allait casser, bien sûr. (Ge, p445) ;

    9b. Furieux, il (Chaval) descendit, il courut avec sa lampe si violemment qu'il faillit buter dans le corps de la herscheuse [...]. (Ge, p295) ;

    9c. On approchait du niveau, la pluie battait si fort qu'elle menaçait d'éteindre les lampes. (Ge, p302).

    Dans [9a], le verbe de P1 (frottait) est à l'imparfait, et P2 a pour structure : le câble allait casser. La périphrase Aller + infinitif traduit l'aspect, il s'agit du caractère de l'action considérée dans son développement, l'angle particulier sous lequel le déroulement de cette action est envisagé, l'indication de la phase à laquelle elle est dans son déroulement. La périphrase présente la phase antérieure à l'accomplissement du procès. Il se situe dans un futur plus ou moins lointain. Dans l'exemple [9a], malgré la présence du marqueur tellement que, qui exprime en fait la conséquence réelle, la consécutive est présentée par le locuteur comme un fait en voie d'être accomplie. Malgré la présence de l'adverbe bien sûr dans P2, avec le sens de sûrement, les énoncés ne laissent pas envisager la conséquence comme réelle. Cette forme de périphrase est notée dans l'ensemble de ces énoncés : faillit buter en [9b] et menaçait d'étendre en [9c]. Aucune de ces expressions ne présente l'action comme accomplie, malgré la présence des marqueurs de conséquence factuelle dans chaque énoncé. Or, dans l'expression de la conséquence, la validation de la relation de cause à effet est essentiellement liée à celle de la validation du fait cause. On note donc que les fantaisies du discours nous amènent à constater que la validation du fait cause n'est toujours pas la garantie de la validité du fait conséquence. Du coup, on se pose la question de savoir si le locuteur a voulu présenter une conséquence inaccomplie ou manquée. Au même moment que l'auteur affirme que l'état de chose décrit en P1 a atteint une certaine intensité : intensité qui normalement doit rendre la réalisation de la conséquence réelle, il module son dire par l'emploi des formes verbales qui brisent la logique du discours. Ce qui pose une autre difficulté au niveau didactique : la conséquence étant décrite comme le résultat d'un fait, c'est-à-dire une suite logique qui découle de l'état de chose précédemment présenté, peut-on encore parler de conséquence dans ces conditions ? ou faudrait-il revoir la définition du terme conséquence ?

    2.2.2. La modalité

    Dans la communication, le locuteur peut s'adresser à quelqu'un de différentes manières, selon la façon dont il veut agir sur lui. Il s'agit de la relation de l'énonciateur à l'énoncé. Il y a donc dans l'énoncé deux éléments : ce qui est dit, le contenu propositionnel, et la modalité qui est la position du locuteur par rapport à ce contenu. En effet, la présence de l'émetteur dans son énoncé ne se voit pas qu'à travers l'utilisation des pronoms liés à cet émetteur (je, nous, mon, notre...). Il peut aussi exprimer sa subjectivité en indiquant, par des indices, ses sentiments ou son avis par rapport à ce qu'il dit. On appelle modalisation l'ensemble de ces indices qui peuvent être des verbes modaux, des adverbes, etc. Au sujet des modalités d'énoncé, Riegel et alii (1996 :579) déclarent qu'elles renvoient au sujet de l'énonciation en marquant son attitude vis-à-vis du contenu de l'énoncé. [...] Elles expriment la manière dont l'énonciateur apprécie le contenu de l'énoncé. Il peut donc s'agir du doute, de la certitude, du souhait. La modalisation s'apprécie mieux en contexte et cette notion englobe diverses perceptions que Meunier (1974 :8) cité par Vion (2007 :194), ressort ainsi :

    le terme modalité est saturé d'interprétations qui ressortissent, explicitement ou non, selon les linguistiques qui l'utilisent, de la logique, de la sémantique, de la psychologie, de la syntaxe, de la pragmatique ou de la théorie de l'énonciation.

    Le subjonctif fait partie des différents moyens d'expression de la modalité, et aussi de ce que la tradition grammaticale appelle mode. Elle en distingue quatre : l'indicatif, le conditionnel, l'impératif et le subjonctif. Ces différents modes traduisent, chacun à sa manière, des nuances de sens. Voilà pourquoi Grevisse et Gosse (1993 :565) reconnaissent qu'ils

    expriment l'attitude prise par un sujet à l'égard de l'énoncé ; ce sont les diverses manières dont ce sujet conçoit et présente l'action, selon qu'elle fait l'objet d'un énoncé pur et simple ou quelle est accompagnée d'une interprétation.

    Ainsi, la modalisation n'est pas un fait innocent. En contexte, la conséquence éventuelle se manifeste sous différentes formes : de sorte que + sans doute et pouvoir + verbe.

    2.2.2.1. La conjonction De sorte que + sans doute

    L'adverbe sans doute est composé de la préposition sans et du morphème doute, marque de l'incertitude. Avec l'adjonction de la préposition, l'adverbe marque traditionnellement l'absence de doute, c'est-à-dire la certitude. Cependant, dans certains emplois, on est en présence de l'éventualité comme il est question dans [10] :

    10. [...], devant la crise les camarades étaient certainement montés, [...], jusque dans les tailles les plus hautes, de sorte qu'ils se trouvaient sans doute acculés au bout de quelque voie supérieure. (Ge, p458).

    Dans cet énoncé, le mode du verbe conjugué est l'indicatif, mode du réel. Mais l'environnement contextuel comporte des indices qui empêchent l'état de chose décrit dans P1 : devant la crise les camarades étaient certainement montés, de rendre effective la conséquence dans P2 : ils se trouvaient sans doute acculés au bout de quelque voie supérieure. L'adverbe de modalité sans doute dans P2, reconstruit son repère à partir de certainement de P1. Sans doute renforce l'incertitude déjà manifestée par le locuteur par l'emploi de certainement. Garde Tamine (1998 : 71) parle des marqueurs de la modalité déontique, celle qui est relative à la valeur de vérité de la proposition. Vion (2007 :201) va plus loin pour reconnaître que l'effet du modalisateur certainement, en dépit de son sens littéral, va provoquer un brouillage sémantique conduisant l'énoncé à comporter, tout au plus, une modalité de forte probabilité. Malgré la présence d'un marqueur de consécution (de sorte que), les adverbes d'énonciation (certainement et sans doute) modalisent la conséquence et laissent transparaître l'hésitation, le doute qui animent le locuteur au moment de son énonciation. Dans ce sens Maingueneau (1996 : 45) souligne que le locuteur

    situe son énoncé par rapport au vrai et au faux, au possible et à l'impossible, au nécessaire et au contingent, au permis et au défendu, il manifeste en termes de vouloir, de souhait... sa distance à l'égard de la réalisation du procès.

    Ainsi le locuteur porte des jugements, des appréciations sur ce procès à l'aide de ces deux adverbes ; dans ce sens ils peuvent commuter avec les adverbes probablement, peut-être, etc. Ils supposent une rupture entre l'énoncé et la situation d'énonciation, c'est-à-dire que le locuteur prend un recul par rapport à ce qu'il énonce. Ce qui amène Vion (op cit. : 203) à dire au sujet du modalisateur sans doute, qu'il contribue à établir une distanciation vis-à-vis des énoncés. Cette distanciation est provoquée par le dédoublement énonciatif du locuteur et par le caractère réflexif du commentaire. Ainsi, mentionne l'auteur, l'image d'un sujet dédoublé qui prend de la distance par rapport à son dire provoque une opacité du sens de l'énoncé qui peut aller, dans le cas présent, jusqu'à une relative incertitude et à l'existence du doute. Cette affirmation conforte notre point de vue selon lequel en modulant son énonciation, le locuteur se met à l'abri de toute contradiction par l'interlocuteur, on peut penser qu'il agit ainsi par prudence puisque l'opacification peut lui conférer une certaine autoprotection ; surtout que ce qui est éventuel est hypothétique, douteux, incertain, aléatoire. La conséquence éventuelle est celle dont certaines conditions doivent être remplies pour qu'elle ait lieu. C'est donc en fonction du contexte et parfois de l'intonation que le co-énonciateur peut reconstruire un sens.

    2.2.2.2. La conjonction Si...que + un verbe d'opinion

    Le verbe croire, verbe de connaissance ou d'opinion selon Le Goffic (1993 : 251) permet d'éprouver une sensation. Dans l'occurrence suivante,

    11. [...] et elle voyait clair, de grandes tâches jaunes volaient devant ses yeux, si larges, qu'elle se croyait dehors, près du canal. (Ge, p487) ;

    Catherine est affaiblie par la dureté du travail d'extraction des mines. Ce qu'elle ressent est une hallucination parce qu'elle s'est évanouie. Mais avant cela, lorsqu'elle a senti le malaise, elle éprouvait déjà le besoin de se retrouver près du canal où l'air est plus vivable. Le modalisateur qu'est le verbe croire confirme que l'on est loin de la réalité et même du potentiel. Cette notion vient contrer l'intensité pourtant atteinte par la qualité large pour rendre la conséquence réelle. Aussi, on se rend compte qu'il n'est pas toujours évident de détecter les intensions du locuteur, il y a de ce fait encore du chemin à faire pour rendre cette étude complète.

    2.2.3. L'hypothèse

    Le système hypothétique en français peut exprimer la condition ou l'éventualité ; et la conjonction si est l'élément qui sert à introduire les phrases dans ce système. Il existe plusieurs moyens d'exprimer l'hypothèse  par exemple la juxtaposition d'énoncés au conditionnel, au présent ou à l'imparfait. De toutes les façons Cohen (1965 : 53) déclare que

    dans les phrases hypothétiques à deux propositions jointes, l'une des

    deux seulement exprime la condition avec un caractère plus ou moins

    positif ou éventuel, l'autre peut exprimer ou non l'éventualité dans le

    résultat de la condition exprimée.

    Pour ce qui est de la conjonction si, Culioli et alii (1987 :112-114) en distinguent sept emplois: si standard, si déductif, si explicatif, si austinien, si concessif, si adversatif, si dialectique. Pour ces auteurs, une telle représentativité suppose un principe général de déformation inhérent au fonctionnement du langage. Ces auteurs soulignent par là l'aisance avec laquelle le discours manipule les éléments que la langue met à sa disposition. La démarche est que les auteurs travaillent à contexte constant, c'est-à-dire que la structure contextuelle retenue est MARQUEUR + PROTASE + APODOSE : si p, q. Ils affirment eux-mêmes que certains contextes sont exclus de l'étude, sans toutefois spécifier lesquels. Cependant, dans cette structure P représente la subordonnée introduite par si pour marquer la condition à laquelle est soumise la réalisation d'une action ou pour exprimer son éventualité. Dans ce cas, affirment Niquet et alii (1989 :231), les locutions à la condition que peut être remplacée par si pour la subordonnée conditionnelle, tandis que au cas où le remplace dans l'expression de l'éventualité.

    Sur le plan discursif et parlant du système si... alors, il pourrait donc être glosé, souligne Hybertie (op cit.: 35) par au cas où P1 serait vraie, dans ce cas, P2 peut être validée. De manière concrète [12a'], glose de [12a] serait : au cas où tu ne la lâches pas, alors je t'étrangle.  Etienne et Chaval se disputent une fille ; ce dernier choque son rival en forçant la fille à l'embrasser en sa présence, d'où l'énonciation de [12a]. La validité de P1 est simplement envisagée, elle est éventuelle, ce qui rend également éventuelle la validité de P2. Alors reprend le repère fictif construit par si de P1 : si tu ne la lâches pas, pour en faire le repère de P2. Le locuteur pose P1 sans se prononcer sur sa validité. Cette nuance de sens peut être liée à la position de la protase comme c'est le cas dans [13a-c] ci-dessous :

    12a. Mais Etienne, les lèvres blanches, criait :

    « Si tu ne la lâches pas, alors je t'étrangle ». (Ge, p480) ;

    12b. Et vous rentrerez ensuite tout droit, et si Bébert touche à Lydie, [...], je vous ficherai des claques. ( Ge, p 258 ) ;

    12c. Mais il lui faisait trop peur. Si elle montait devant lui tout le temps, il la brutaliserait. (Ge, p299) ;

    D'une manière générale, P1 pose un cadre dans lequel une autre proposition peut être validée. Avec la locution au cas où, on est dans le domaine de la supposition qui consiste, dit Ducrot (1972 :167), à demander à l'auditeur d'accepter pour un temps une certaine proposition p qui devient provisoirement le cadre du discours, et notamment de la proposition principale q. Cependant, dans leur étude sur alors, Culioli et alii (1987 : 24) reconnaissent la structure si p alors q avec la possibilité que le connecteur alors ne soit pas marqué comme dans [12b et c]. Les auteurs reconnaissent, par ailleurs, que si n'admet la combinaison avec alors que dans des utilisations spécifiques : si standard, si déductif, si explicatif. Il est à souligner en passant que le si standard peut selon l'emploi, devenir déductif ou explicatif. Alors est, comme le disent Culioli et alii (op.cit.26-28), le marqueur d'une double opération de connexion et de disjonction entre le repère construit par la protase et celui construit par l'apodose. Connexion parce qu'il joint deux énoncés liés par une relation logique de cause à effet et disjonction parce qu'il signifie que l'état de chose décrit dans P1 présage ce qui va se passer dans P2, l'évènement de P2 étant toutefois distinct de celui de P1. Mais la conjonction si vient empêcher la réalisation effective de la conséquence, et la présente comme éventuelle. Alors se pose la question de savoir si la locution si...alors autorise encore une inférence. Toutefois, à l'issue de nos investigations sur alors, il apparaît que l'emploi de ce marqueur permet d'interpréter une situation comme prévisible. Cette connaissance que l'on a du monde et la position de la protase favorisent l'interprétation de P2 comme conséquence éventuelle, possible de P1.

    Dans [12c], nous avons affaire au conditionnel qui exprime des faits dont la réalisation dépend de certaines conditions. C'est aussi le mode du verbe exprimant une possibilité contingente, une affirmation atténuée, un souhait. Ce qui mène Bonnard (1992 :194-195) à relever le contraste qui existe entre le conditionnel, l'indicatif et le subjonctif. A ce sujet, l'auteur écrit l'indicatif énonce un fait en le donnant pour réel. Le subjonctif énonce un fait sans considérer sa réalité. Le conditionnel énonce un fait en le donnant pour imaginaire. N'ayant pas eu d'occurrence dans notre corpus, nous avons emprunté l'occurrence ci-après à l'auteur :

    13. Tu serais un lion et je t'aurais blessé d'une flèche. (Bonnard, 1992 : 194)

    Dans cette phrase, par l'emploi du conditionnel au lieu de l'indicatif, le locuteur affirme qu'il ne donne pas pour vrai le fait qu'il exprime ; il demande qu'on l'imagine, qu'on le suppose vrai pendant un certain temps ; le fait est fictif, c'est-à-dire imaginaire : le verbe serais exprime un état présent imaginaire. Le verbe aurais blessé exprime une action passée imaginaire. Conclusion, quand le fait est imaginé dans le présent ou le passé, dit Bonnard (op cit), il apparaît très nettement comme irréel, puisqu'il est démenti par la réalité. La valeur spécifique du conditionnel est donc de créer une situation imaginaire. La conjonction de coordination et, compris parmi les connecteurs inférentiels de conséquence, infère ici une conséquence imaginaire, donc irréelle.

    2.2.4. La double corrélation

    La corrélation en syntaxe représente le rapport qui existe entre deux propositions. Deux termes sont dits corrélatifs d'une manière générale quand ils sont entre eux dans un rapport de dépendance ; plus spécialement on appelle corrélatif celui qui est l'antécédent du second dit relatif : tellement par rapport à que. Pour Stage (2005 :1), c'est une construction binaire dont les deux parties (A+B) sont unies comme les doigts de la main ou des soeurs siamoises. Ainsi, la construction est composée de deux séquences P1 et P2 solidaires et exprime une relation causale. Cependant la définition de Stage s'applique mieux aux structures juxtaposées. Dans les exemples que nous étudions, le rapport qui unit les deux énoncés est marqué par les morphèmes de corrélation qui, dans certains emplois, sont doublés soit en « tel », soit en « quel ».

    Dans le système corrélatif en effet, l'indéfini tel représente, selon Muller (1996 :1), une petite famille de marques caractéristiques tel, si, quel, qui sont les vestiges en français d'un vieux système corrélatif indo-européen. Cette petite famille de marques constitue l'antécédent de la conjonction que comme il est question dans :

    14a. Les galeries d'approche ne s'étaient heureusement pas éboulées, à la suite du coup de grisou ; seulement, l'air y brûlait, si lourd et si vicié qu'il avait fallu installer d'autres ventilateurs. (Ge, p464) ;

    14b. Maintenant, c'était en lui un tel calme, une guérison si complète de ses doutes, qu'il s'entêtait, en homme sauvé par hasard. (Ge, p438) ;

    14c. Leur fille adorée, cette fille désirée si longtemps, comblée ensuite de tous leurs biens, qu'il allait regarder dormir sur la pointe des pieds, qu'ils ne trouvaient jamais assez bien nourrie, jamais assez grasse ! (Ge, p470).

    Dans [14a], l'antécédent tel est de même nature. Il s'agit de l'adverbe d'intensité si, alors que dans [14b] tel est de nature différente. Ces deux marqueurs font partie des marqueurs factuels de la conséquence. Marqueurs qui expriment, une conséquence objective. Or, l'énonciation est la production d'un énoncé avec tout ce que cela comporte notamment l'intention de l'auteur, la production d'un énoncé résultant de plusieurs éléments comme le dit Muller (2002 :23-27) : la motivation, le contrôle, les choix syntaxiques, rhétoriques, sémantiques et lexicaux. Alors, si le système à corrélation simple traduit une conséquence objective, devons-nous tirer la même conclusion avec le système complexe de double corrélation tel que le montre [14] ? Le locuteur cherche-t-il à montrer que l'intensité d'un seul fait n'est pas suffisante pour produire la conséquence réelle ? Quelle est la motivation du locuteur dans le choix de cette syntaxe complexe ?

    3. La relation entre la conséquence et les modalités de phrase

    Nous avons déjà parlé de modalisation à la section 2 de ce chapitre. Nous avons constaté que le connecteur donc, en plus de la conséquence inférentielle, s'allie aux modalités de phrase pour exprimer la conséquence. S'agissant des modalités d' énonciation ou modalités de phrase, il en existe quatre types et toute phrase appartient au moins à l'une de ces modalités : la phrase déclarative, la phrase exclamative, la phrase interrogative et la phrase impérative (ou injonctive). C'est pourquoi cette étude ne retrace que la place de ce connecteur avec les types de phrase.

    3.1. Donc marquant une interrogation

    L'interrogation est une des modalités d'énonciation qui correspond à une attitude énonciative non thétique parce que le locuteur demande une information ou une validation, et un acte de langage qui est celui de la question. Il existe une interrogation totale et une interrogation partielle. Dans tous les cas, Le Goffic (op.cit. : 106) pense que

    Dans l'interrogation, le locuteur, parcourant la classe de toutes les valeurs possibles (dans le domaine des substances, du temps, du lieu, de la manière, etc.) remet à son interlocuteur la tâche indispensable et urgente de choisir la bonne valeur, celle pour laquelle le prédicat (ou le reste du prédicat) est valide.

    Pour ce qui est de la conséquence les exemples relatifs à l'interrogation ci-dessous l'illustrent à suffisance :

    15a. - C'est moi que tu vas épouser...Je viens pour ça.

    - Hein ? comment ? toi aussi ! cria-t-elle, c'est donc un mal de

    famille ? [...].(Na, p395) ;

    15b. Puis quand Maheu y eut enfermé leurs sabots, leurs bas, ainsi que le paquet d'Etienne, il s'impatienta brusquement :

    - Que fait-il donc, cette rosse de Chaval ? (Ge, p32)

    15c. Etienne l'avait laissé parler, la parole coupée par l'indignation. Puis, il cria : « Nom de Dieu ! tu n'as donc pas de sang dans les veines ? » (Ge, p229)

    En [15a], donc est incident à une interrogation totale. En effet, le fait que dans une même famille, le grand frère et le petit frère demandent en mariage une même fille, relève de la folie. C'est ce que Nana se dit et donc fait entendre la question comme une demande de confirmation de la conséquence ou de la conclusion que la jeune prostituée tire des données contextuelles. De ce fait Hybertie (1996 :19) souligne qu'avec l'interrogation totale, les interrogations comportant donc ne sont pas de vraies interrogations, elles s'apparentent, du point de vue du sens, à une demande de confirmation d'une déduction faite par l'énonciateur à partir des données contextuelles ou situationnelles. L'effet de sens est dans ce cas aussi similaire à l'assertion. L'auteur a recours à autrui pour fournir une validation à la conséquence qu'il pressent pourtant. Sur le plan pragmatique, on peut penser que c'est par pudeur et délicatesse que l'émetteur ne le dit pas lui-même. Venue de quelqu'un d'autre, la conséquence est adoucie tout comme si l'énonciateur avait utilisé les adverbes peut-être, sans doute ou l'implicite.

    S'agissant de l'occurrence [15b], les mineurs ont pour habitude de descendre dans la fosse en équipe, et Chaval fait partie de celle que dirige Maheu. Un matin, Chaval est arrivé plus tôt et est descendu sans attendre les autres membres de son équipe. Ceux-ci sont arrivés après et Maheu s'indigne de ne pas voir ce membre de son équipe, ils l'attendent pensant à un retard de Chaval d'où l'énonciation de [15b]. Il s'agit d'une interrogation partielle qui porte sur le terme Chaval qui forme le sujet de l'énoncé. Comme nous l'avons vu avec l'intensité, quoi a plusieurs sous-classes d'occurrences possibles : Chaval est-il en train de dormir, de déjeuner, d'arriver ? Ce sont là les occurrences possibles, qui échappent cependant au locuteur. Celui-ci fait donc appel à autrui pour donner à quoi un contenu pertinent. C'est dans ce sens que

    l'énonciateur, précise Hybertie (op cit), parcourt toute la classe des occurrences dont [quoi] est le représentant, et dans l'impossibilité qu'il a d'en sélectionner une susceptible d'instancier la place (), [dans Chaval fait ()], il a recours au co-énonciateur pour l'attribution d'une valeur stable au parcours.

    La fonction de donc est de présenter le recours à l'autre pour procurer un aboutissement à ce parcours, comme conséquence de ce parcours jusque-là sans issue. Le locuteur évite un risque, celui de se tromper et d'être accusé ; il laisse par conséquent le soin à l'autre de prendre ce risque et d'endosser la responsabilité. On se demande toujours si on a affaire à une conséquence accomplie ou non.

    3.2. Donc marquant une injonction

    L'injonction est l'action d'enjoindre, c'est un commandement, un ordre qui peut se manifester dans le mode impératif, elle est donc la valeur fondamentale de la phrase impérative. Elle présente un état de chose à accomplir en mettant sa réalisation à la charge du co-locuteur. Voilà pourquoi Riegel et alii (1996 :388) déclarent que le type impératif ou injonctif est associé habituellement à un acte d'intimation ou d'injonction. L'ordre ou le commandement est bien évidemment intimé non pas à soi mais à son vis-à-vis.

    16a. Taisez-vous donc, nom de Dieu !, V'là les gendarmes. (Ge, p 240).

    16b. « Vous voulez cinq centimes, et j'accorde que la besogne les vaut. Seulement, je ne puis pas vous les donner. Si je vous les donnais, je serais simplement fichu...Comprenez donc qu'il faut que je vive, moi d'abord, pour que vous viviez. » (Ge, p286) ;

    16b. « Ecoute, dit la Maheude à son homme, puisque tu vas à Montsou pour la paie, rapporte-moi donc une livre de café et un kilo de sucre. » (Ge, p168).

    A l'impératif, l'énoncé présente une opération de parcours sur deux représentations que Hybertie (op cit :21) désigne par P et P'. L'auteur définit P comme la relation prédicative de l'énoncé positif, et P' la relation prédicative munie de sa valeur négative. En effet, lorsque l'énonciateur intime un ordre au co-énonciateur, le premier se représente l'idée que le second n'a pas l'intention de le faire par lui-même (P'), soit parce qu'il n'est pas conscient de ce qu'il doit faire, soit parce qu'il ne veut pas le faire. Dans les énoncés [16a], l'ordre se présente donc comme état de chose visé par le locuteur et construit comme à valider par le co-locuteur. Cette validation passe par l'obéissance à cet ordre. Lorsque le locuteur (M. Deneulin, patron d'une mine) dit dans [16b], comprenez donc que....., il part d'un constat, celui selon lequel les mineurs ne sont par eux-mêmes conscients qu'il faut d'abord que le patron vive à travers la vie de la mine, pour qu'ils (les mineurs) puissent survivre. En fait si ceux-ci comprenaient cela, ils n'allaient pas exiger une augmentation au moment ou le patron réfléchit sur comment payer les dettes contactées pour aménager les fosses. Et l'emploi de donc, pense l'auteur, a pour effet de construire le co-locuteur en support de la représentation P', et de présenter l'énonciation de l'ordre comme la conséquence du fait que le locuteur prête au co-locuteur la représentation de P'. Le connecteur donc vient en appui de l'énonciation de P et la présente comme nécessaire ; ce faisant, le locuteur aide, ou encourage le co-émetteur à tirer la conséquence voulue par l'énonciateur ; le co-énonciateur devient par là le complice (bon gré mal gré) de l'émetteur parce qu'il entre dans le jeux de ce dernier.

    3.3. Donc associé à une intonation exclamative

    L'exclamation est une forme d'expression pouvant exprimer la joie, l'admiration, la surprise. Il s'agit d'exprimer un haut degré. Toutefois soulignent Riegel et alii (op cit :388), le type exclamatif ne manifeste que la subjectivité du locuteur et réalise la fonction expressive du langage. L'exclamation se distingue de l'assertion parce que le deuxième type décrit un état de chose susceptible d'être niée, tandis que l'autre présente une réaction émotive du locuteur. Les énoncés [17] représentent un échantillon de ces états :

    17a. Zacharie, qui arrivait avec Philomène, bouscula Etienne, comme celui-ci sortait. Et il ricana, méchamment.

    « Tiens ! il engraisse, ça nourrit donc la peau des autres ! »(Ge,p424) ;

    17b. L'idée qu'il rencontrerait là-haut, ceux de Montsou, s'il sortait, lui engourdissait les jambes. Elle était donc venue, cette bande qu'il croyait aux mains des gendarmes ! (Ge, p298) ;

    17c. Eh quoi ! il (Chaval) avait juré avec eux, la veille, et on le trouvait au fond, en compagnie des autres ? C'était donc pour se foutre du monde ! (Ge, p311).

    Dans [17a], il est question de Zacharie, le jeune Maheu, qui constate l'échec de la grève. Et, puisque c'est Etienne qui en est l'instigateur, il est devenu la risée de tous, et est sujet aux attaques à tous les niveaux. Dans ce scénario, Zacharie a trouvé Etienne qui loge chez les Maheud où règne une misère absolue. L'exclamation dans l'ensemble de ces énoncés traduit plus l'expression de la surprise teintée de mépris dans [17a]. En effet, Zacharie est surpris de constater qu'Etienne a encore le courage de se faire loger et nourrir par ses parents après l'échec de la grève. Il part d'un fait exprimé dans P1 : il engraisse, apparemment Etienne se porte bien, le jeune Maheud en déduit que la grève le nourrit et le connecteur donc, comme nous l'avons vu précédemment, renforce l'effet de la surprise. Par contre, dans l'assertion de P2 : elle est donc venue,... La vérité est que Chaval n'espérait pas voir la bande de mineurs en grève. Il les avait trahis aux gendarmes, en traître, il était donc convaincu qu'il ne serait pas inquiété, les grévistes étant supposés être aux mains des forces de l'ordre. Entre P (l'effet de surprise que produit la vérité) et P' (l'état de non inquiétude que procure le fait de savoir que les mineurs sont aux mains des forces de l'ordre) le connecteur donc produit un effet de renforcement qui rend l'indignation que tire le locuteur inévitable ; et c'est l'évidence de cette conclusion qui produit l'indignation que traduit le point d'exclamation. D'ailleurs, pense Maingueneau (1999 :59), dans l'exclamation le co-énonciateur n'est pas appelé à répondre ; il est pris à témoin de l'expression d'un affect.

    3.4. Les adverbes d'intensité si, tellement, tant associés à une

    intonation exclamative

    Associée à l'intensité, la description de l'énoncé exclamative se décline légèrement de celle associée au connecteur donc. Nous n'en avons pas trouvé beaucoup d'occurrences dans notre corpus. Nous l'étayons néanmoins par l'énoncé [18]

    « Partons », dit Mme Hennebeau, en se dirigeant vers sa voiture.

    Jeanne et Lucie s'écrièrent. Comment, si vite ! Et le dessin qui n'était pas fini ! (Ge, p466).

    Il y a prédication d'une propriété sur l'adverbe vite, le degré de l'intensité si est le résultat comme le dit Hybertie (op cit :22) d'une opération de parcours sur tous les degrés envisageables d'une propriété sans qu'on puisse s'arrêter à un seul, c'est cette incapacité de déterminer un degré, donc une limite, qui fonde la valeur de l'exclamation.

    Dans l'énoncé [18], la séquence comment, si vite ! vient en réaction à l'impératif partons. En effet, les Hennebeau sont allés visiter la fosse qui s'est écroulée sous la force de l'inondation ; leurs filles aiment dessiner, elles se sont mises à faire un schéma des lieux, mais l'horreur qu'elles ont de la fosse en décrépitude pousse leur mère à abréger leur séjour, d'où l'énonciation de [18]. L'intensité si qui précède l'adverbe de mouvement vite traduit que sur l'échelle du degré, l'intensité a atteint un niveau qui surprend le co-locuteur. En effet, la visite est courte et ne permet pas au co-locuteur de réaliser entièrement son programme. Pour cela, Hybertie (op cit. :120) signale que faute de repère externe, toutes les valeurs sont envisageables, de même d'ailleurs que toutes les conséquences sont également envisageables. La séquence si vite ! apparaît, dans cet énoncé, comme la conséquence qui est définie parmi les conséquences envisagées.

    Il ressort de cette étude des valeurs des propriétés morphosyntaxiques de la conséquence que le locuteur exploite l'implicite et les constructions détachées pour exprimer la conséquence ambiguë, la pensée du locuteur est donc opaque pour l'allocutaire et subtile pour l'énonciateur. La modulation de l'énonciation par les signes modaux laisse transparaître plusieurs nuances de la conséquence : conséquence éventuelle, irréelle. Ces formes se manifestent à travers l'aspect, l'hypothèse, la modalité. Certaines constructions détachées et même l'interrogation totale sont également rapprochées de l'implicite par leurs valeurs argumentatives. Pour ce qui est du système corrélatif, il ne permet pas de dégager clairement les motivations de son utilisation.

    En somme, un constat se dégage : l'expression de la conséquence touche divers niveaux : grammatical, stylistique, linguistique et extralinguistique, et les outils morphologiques qui l'introduisent sont également polyvalents, ce qui nous convie à étudier l'analogie entre la conséquence et d'autres relations de discours.

    CHAPITRE 4 

    LA CONSÉQUENCE ET LES AUTRES RÉLATIONS LOGIQUES

    La conséquence, rappelons-le, exprime une relation logique entre un fait et son résultat ou son effet. Pour Plantin (1990 :40, 214), on parle de conséquence lorsque l'évènement A est « cause » de l'évènement effet, conséquence B ; A produit B ; B se produit «  à cause » de A. il s'agit donc d'une relation de cohérence établie entre deux ou plusieurs évènements. Au sujet de la cohérence, elle est comprise comme une liaison logique, un rapport d'idées qui s'accordent entre elles ; une absence de contradiction. Cependant, la cohérence des textes est un phénomène bien plus complexe que ne laisse entrevoir cette définition. Toujours parlant de la cohérence, Reboul et Moeschler (1998 : 59) soulignent que

    la cohérence est la propriété définitoire du discours comme la grammaticalité est la propriété définitoire de la phrase, [...] la cohérence se définit par le respect de l'ensemble de règles régissant l'organisation discursive des unités du discours dans une langue donnée.

    La relation de cohérence est diversement perçue par les auteurs. Elle peut être établie implicitement, par inférence, ou par le contexte. Mais elle peut aussi être signalée explicitement par la présence d'un connecteur. Chaque relation logique est marquée en outre par plusieurs types de marqueurs qui sont d'usage plurifonctionnel. Dans l'étude de la conséquence, nous nous sommes rendue compte qu'il existe des formes linguistiques exprimant, en plus de la conséquence, la comparaison, le but et même la concession. C'est pourquoi ce chapitre se propose de faire une étude comparative entre la conséquence et ces autres catégories de la causalité. Dans cette perspective, nous envisageons de partir de l'étude du rapport entre la conséquence et la finalité pour aboutir à celle de la conséquence et la concession en passant par celle de la conséquence et de la comparaison.

    1. La relation consécution et finalité

    Encore appelée but, la finalité représente un objectif ou un résultat qu'on veut atteindre. Ainsi, Descourbes et alii (1993 :187) soutiennent ce que pense Popin (1993 : 122) de la notion de but. En effet, pour ce dernier, les finales marquent le but, qui fait l'objet d'une visée et d'une intention du sujet, si bien qu'elles sont modalisées au subjonctif, porteur de valeurs potentielles. La finalité est, en outre, exprimée par de nombreuses locutions qui traduisent également la conséquence. Il s'agit de : d'une manière telle que, d'une façon telle que, de telle manière que, de telle façon que, de manière telle que, de façon telle que, de manière que, de façon que, de telle sorte que, de sorte et en sorte que. Ainsi les deux relations en question se rejoignent dans la pratique linguistique par certains connecteurs et par le mode, deux aspects communs dont l'étude gagne à être menée simultanément.

    1.1. Les locutions conjonctives

    A propos des locutions conjonctives, nombre de grammairiens entre autres, Wagner et Pinchon (1962 :592), Chevalier et alii (1964), Riegel et alii (1996 :516), voient en ces locutions des marqueurs originels de la conséquence. Ainsi, pour Brunot (1965 :849), cité par Hybertie (op cit : 104) ces locutions constituent une adaptation à la finalité de locutions marquant d'autres rapports, et sont employées chaque fois que le but à atteindre est considéré comme devant être atteint, si l'action ou l'état prend un certain caractère. Il se dégage que les locutions qui se construisent avec des mots (façon, manière, sorte) qui comportent dans leur sémantisme l'idée de manière, peuvent exprimer aussi bien la conséquence que la finalité. Toutefois, il s'avère que cette proximité de la finalité avec la conséquence constitue une véritable source de confusions. Par ailleurs, si les locutions conjonctives qui expriment et la conséquence et le but comportent dans leur sémantisme l'idée de manière, il est évident qu'il faudrait montrer, d'une part, le lien entre la finalité et la conséquence, et voir, d'autre part, ce qui rassemble la manière, la consécution et le but.

    Tout comme la conséquence, la finalité fait partie de la catégorie de la causalité. La finalité est inscrite au nombre des faits qui sont provoqués par un autre fait appelé cause ; il existe donc un lien causal entre la cause et la finalité. A ce propos, déclare Hybertie (op cit : 104),

    selon la représentation commune, dans le monde physique, tout fait qui advient est produit par un autre fait, l'un est cause et l'autre conséquence. Dans le monde humain, raison et volonté font que certaines actions sont produites en vue d'une fin, qu'elles sont des motifs ou des raisons, [...].

    Cette explication de l'auteur fait ressortir un point essentiel : il existe un rapport étroit entre, d'une part, la cause, et d'autre part, la conséquence et la finalité. Au sujet de la terminologie cause finale, elle exprime la cause qui a trait à l'acte volontaire, c'est-à-dire à l'humain ; elle s'oppose donc à la cause efficiente, qui représente celle qui provoque, c'est-à-dire celle qui constitue la source de la conséquence. Ainsi cause finale, but et fin sont diverses dénominations d'une seule et même réalité ; la cause finale étant la finalité pour laquelle une action est posée tels que le soulignent ces énoncés :

    1a. Nous comprenons qu'il n'y a pas d'amélioration possible pour nous, tant que les choses iront comme elles vont, et c'est même à cause de ça que les ouvrier finiront [...], par s'arranger de façon à ce qu'elles aillent autrement. (Ge, p213) ;

    1b. Le vieux, c'était le grand-père, Bonnemort, qui, travaillant la nuit, se couchait au jour, de sorte que le lit ne se refroidissait pas. (Ge, p20).

    Dans ces énoncés, le rapport entre les propositions est effectivement marqué par les locutions qui traduisent à la fois la consécution et le but. Les locutions de façon à ce que et de manière à ce que sont des variantes de de façon que et de manière que. Pour Brunot (1965 : 849) encore mentionné par Hybertie (op. cit.) les locutions marquant la manière interviennent donc dans l'expression des intensions. L'effet de sens que construit le subjonctif fait de la subordonnée non une conséquence simple, mais une conséquence intensionnelle. Pour cela, pense Cohen (1965 :56), il (le subjonctif) peut aussi marquer de manière autonome une nuance d'éventualité et donc avoir une valeur modale. Le subjonctif fait donc partie des différents moyens d'expression de la modalité, et aussi de ce que la tradition grammaticale appelle mode. Elle en distingue quatre : l'indicatif, le conditionnel, l'impératif et le subjonctif. Ces différents modes traduisent, chacun à sa manière, des nuances de sens.

    Ainsi, dans [1a], l'état de chose représenté par la subordonnée est présenté non pas comme une simple conséquence mais comme une conséquence intentionnelle. Le subjonctif modal exprimant l'attitude prise par un sujet à l'égard de l'énoncé, il est évident qu'il permet de construire un point de vue subjectif, distinguant ainsi la conséquence visée de la conséquence factuelle. En clair, la cause finale étant le but pour lequel une action est entreprise, elle peut aussi être perçue, non plus d'un point de vue antérieur à sa réalisation, c'est-à-dire, comme motif ou mobile, raison pour laquelle une action est produite, mais d'un point de vue postérieur à sa réalisation, autrement dit comme effet escompté. Ainsi, dans [1a], le pronom nous et le mot ouvriers renvoient à une seule réalité, et la situation qui est décrite en P1 : il n'y a pas d'amélioration possible pour nous, tant que les choses iront comme elles vont, est la cause de l'action future décrite dans P2 : les ouvriers finiront [...], par s'arranger de façon à ce qu'elles aillent autrement. P2 constitue la conséquence voulue, intentionnelle, souhaitée par les ouvriers ; et P1,  la cause efficiente. Le point de vue présenté dans [1a] est donc celui de l'agent (ouvriers). L'emploi du futur ne change rien à la conséquence qui est présentée comme une certitude à venir, comme validable, une possibilité envisagée dans le futur. Ici, le subjonctif permet de présenter l'agent du procès de P1 comme le support de visée, c'est-à-dire la source de l'intentionnalité inhérente tant à la réalisation du processus cause qu'à celui de la conséquence. Il s'avère donc que seul le subjonctif permet d'établir la différence entre la conséquence voulue et la conséquence factuelle. Quel que soit le moment où les processus cause et conséquence sont réalisés, l'état de chose décrite dans P2 par le subjonctif, est présenté comme n'étant pas atteint, mais comme visé. L'emploi du subjonctif le présente comme non actualisé par rapport à un moment choisi comme repère, celui de la réalisation intentionnelle du processus cause. En d'autres termes, le procès de P2 est vu en fonction de celui de P1, et antérieurement à une réalisation qui produirait ses effets : P2 est perçu comme ce pourquoi le processus de P1 est enclenché. Le but participe ainsi de deux formes de causalité : à l'intentionnalité s'ajoute la cause efficiente qui est la causalité inscrite dans les faits. Ceci parce que, note Hybertie (op cit :105),

    la volonté humaine serait vaine et son action inefficace si elle ne se subordonnait pas à la causalité factuelle. Elle est, si elle veut aboutir, obligée de se soumettre à l'ordre du monde ; autrement dit la conséquence voulue ne peut être réalisée que moyennant des conditions d'ordre physique.

    En effet, la conséquence visée n'aurait pas de sens ou n'existerait pas si, par exemple, P1 était : il y a une amélioration possible ou en vue. Le fait que la finalité s'inscrive d'abord dans la causalité factuelle justifie que certaines locutions puissent servir aussi bien à exprimer la finalité que la conséquence.

    Dans l'énoncé [1b], le mode est l'indicatif, mode de l'actualisé, il représente celui de la relation consécutive. En effet, exprimées à l'indicatif, la cause et la conséquence sont posées comme atteintes. L'énonciateur décrit les faits qu'il observe de l'extérieur et les présente avec objectivité. En narratologie, on parlerait de narrateur extradiégétique qui, comme le pense Tisset (2000 :185), est la position du narrateur quand il est en dehors de l'univers de fiction. Le niveau extradiégétique correspond à la position standard du narrateur. Cette position lui permet d'exercer sa fonction essentielle qui est celle de narrer. Comme narrateur, il est absent de l'histoire qu'il raconte. Il n'est pas mis en scène par l'auteur ; il est donc extra-diégétique : hors de la diégèse. Hybertie (op cit) renforce cette perception en reconnaissant que la relation cause-conséquence, à l'indicatif, présente les faits comme si le locuteur embrassait d'un seul regard la chaîne de causalités. Pour décrire en fait, avec tant de détails et d'assurance les habitudes de la famille Maheud, l'énonciateur doit nécessairement être un narrateur omniscient. Ainsi, P1 : Le vieux [...] se couchait au jour entraîne P2 : le lit ne se refroidissait pas. P1 est la cause et P2 la conséquence. L'emploi de l'indicatif permet de présenter les faits avec objectivité ; et parlant de la conséquence factuelle, nous avons vu que l'emploi des connecteurs factuels donnait au phénomène de causalité un caractère objectif. Ce constat se renforce d'autant plus qu'en [1b'] :

    Le vieux, [...], se couchait au jour, de sorte que le lit ne se refroidît pas.

    On aurait affaire à une finale parce que la conséquence qui, avec l'indicatif était présentée comme objective, a subi un effet d'intentionnalité avec le sémantisme du subjonctif. Ainsi, la différence entre la conséquence et la finalité induite par la différence entre le mode indicatif et le mode subjonctif, correspond donc, pour Hybertie (op cit. : 107) à un choix différent du point de vue à partir duquel le monde est représenté. En conséquence, deux différences fondamentales distinguent la conséquence de la finale : premièrement, le point de vue est celui de l'énonciateur dans l'expression de la conséquence, et celui de l'agent du procès de P1 dans l'expression du but ; deuxièmement, pendant que la finalité exprimée par le subjonctif se révèle être subjective, la consécution, à l'indicatif présente les faits objectivement, un peu comme si la relation consécutive relevait, elle, du déterminisme, pour qui tout dans le monde arrive nécessairement selon la loi de cause à effet. Le mérite du narrateur est tout simplement de les présenter tels qu'ils sont, sans état d'âme.

    Cependant, le subjonctif modal censé établir la différence entre la conséquence et la finale, parce qu'exprimant l'intention du locuteur, c'est-à-dire sa subjectivité vis-à-vis de son énoncé, soulève quand même un problème. En effet, si on considère la visée comme la direction de la vue vers un but, celle de l'énonciateur, il y a lieu de se demander dans quelle catégorie l'exemple [2] doit être classé :

    [...], sur la voie de Dieppe en réparation, stationnait un train en ballast, que son ami Ozil venait d'y aiguiller ; et, dans une illumination subite, elle trouva, arrêta un plan ; empêcher simplement l'aiguilleur de remettre l'aiguille sur la voie du Havre, de sorte que, l'express irait se briser contre le train de ballast. (Lbh, p303).

    L'évènement décrit dans cette séquence est celui de l'agent (Catherine). Celle-ci est rongée par la jalousie, elle aime en effet Jacques, le cheminot qui en aime une autre. Catherine envisage donc de commettre un crime, elle veut dévier le train de Jacques des rails dans l'intention de tuer le couple qui voyage ensemble. Le conditionnel apparaît dans la subordonnée et la principale est à l'infinitif, mode de l'action en puissance, et comme le dit Moignet (1981 :65) la forme qui inaugure le verbe et contient en puissance la totalité du défilé de ses formes. Rien ne dit donc que l'action ne sera pas effectuée, dans ce cas, elle est soutenue par une intention, celle de tuer. Par ailleurs, la visée décrite dans l'énoncé est bien celle de l'agent du procès. Alors, où devons-nous classer la subordonnée, dans la consécution hypothétique ou la finalité hypothétique ?

    Par ailleurs, on peut voir dans les subordonnées en [3a et b], des finales à cause de la présence de pour que et du subjonctif. Pourtant, des indices phrastiques permettent d'interpréter P2 comme des conséquences.

    3a. Mais un mot de lui a suffi, pour que toute la vie du travail reprenne. (Ge, p285) ;

    3b. L'idée qu'il suffisait d'un regard, entre les planches de cette porte disjointe, pour qu'on les massacrât, la glaçait. (Ge, p334).

    En effet, [3a] est formé de deux séquences : P1 : mais un mot de lui a suffi et P2 : toute la vie du travail reprenne. P1 et P2 sont reliées par la locution pour que, laquelle exprime aussi la finalité. Toutefois dans ce contexte, il se note que certaines conditions doivent être remplies pour que la conséquence ait lieu. Dans la séquence

    il a suffi, souligne Diffo (2005 :58), il y a une prévision à la réalisation d'un effet, d'un résultat. Il a suffi est une condition suffisante à l'accomplissement de l'action de la subordonnée.

    Ainsi, l'énoncé [3a], exprime la conséquence malgré la présence au sein de l'énoncé du subjonctif. Il ressort que pour départager les deux types de relation logique, il faut s'appuyer sur la relation qui lie les faits décrits. Dans la conséquence, la séquence P1 aboutit à l'accomplissement de la séquence P2 alors que dans la finalité, on envisage un fait à partir d'un fait premier, celui de P1.

    1.2. La consécution, la finalité et la manière

    Le terme manière exprime une façon d'être, d'agir. Nous n'étudions pas ici la manière en tant que constituant de phrase qui exprime cette fonction ; nous en parlons parce que le sémantisme des locutions qui énoncent la finalité et la conséquence exprime également la manière comme nous l'avons déjà signalé. Cela se vérifie dans les échantillons ci-après :

    4a. Alors, avec son vilebrequin, il desserra les vis des équerres, de façon à ce qu'une dernière poussée pût les arracher toutes. (Ge, p435) ;

    4b. Catherine avait échappé à la surveillance du gardien ce soir-là et s'était avancée au milieu du tunnel, en tenant la gauche, d'une manière telle que tout train arrivant de face pût passer à sa droite [...] ; (Lbh, p302) ;

    4c. Dix minutes plus tard, il (Jacques) était en route pour la Croix-de-Maufras, après avoir enjambé cette fenêtre, sans être vu, en ayant bien soin de repousser les volets [...], de façon qu'il pût rentrer par là, secrètement. (Lbh, p342).

    4d. Quand les interrogatoires furent terminés, l'affaire était jugée, tellement le président les avait menés avec adresse de façon que Roubaud et Cabuche, [...], parussent s'être livrés eux-mêmes. (Lbh, p372) ;

    Dans [4a], ce n'est pas le fait de desserrer les vis des équerres qui peut permettre à une poussée de les arracher, mais une façon spécifique, particulière de les dévisser. La relation consécutive entre les deux processus exprimés respectivement dans P1et P2  n'est donc pas validable pour toute occurrence de la relation prédicative P1 il desserra les vis des équerres. Il a desserré les vis avec une intention spécifique ; laquelle le pousse à procéder d'une manière spéciale, tout dépend ici de la qualité, c'est-à-dire du soin que l'agent de l'action décrite dans P1 met dans le fait décrit. Le but visé se traduit linguistiquement par le subjonctif. Dans l'énoncé [4b], ce qui caractérise le déplacement de Catherine dans le tunnel se fonde sur la manière dont ce déplacement s'effectue. De cela dépend l'aboutissement de la visée. Son mouvement s'effectue d'une manière particulière, celle qui permet que la raison finale, à savoir que tout train arrivant en face puisse passer à sa droite, soit atteinte. C'est dans ce sens qu'Hybertie (op cit : 109) mentionne que

    si la propriété différentielle est présentée comme celle qui permet à la visée d'aboutir, elle suppose la mise en oeuvre d'un mode particulier d'agir qui permette effectivement d'atteindre la fin visée.

    En outre, l'intentionnalité de la conséquence suppose forcément l'intentionnalité de la cause. Il faut agir d'une certaine manière pour obtenir l'effet visé. Si Catherine veut que tout train qui arrive en face passe à sa droite, alors, il lui faut marcher d'une certaine manière. Il en est de même pour [4b et 4c], si Jacques ne veut pas être vu à son retour, il doit repousser les volets d'une certaine manière. Nous constatons que, de tous les marqueurs de consécution, seuls ceux qui sont susceptibles de corréler manière et consécution sont communs à l'expression du but et à celle de la conséquence. En commutant [4c] en fait par si bien que, et afin que nous obtenons,

    4c*. Dix minutes plus tard, il (Jacques) était en route pour la Croix-de-Maufras, après avoir enjambé cette fenêtre, sans être vu, en ayant bien soin de repousser les volets [...] si bien qu'il pouvait rentrer par là, secrètement ;

    4c'. Dix minutes plus tard, il (Jacques) était en route pour la Croix-de-Maufras, après avoir enjambé cette fenêtre, sans être vu, en ayant bien soin de repousser les volets [...] afin qu'il pût rentrer par là, secrètement.

    Nous avons vu dans l'étude de la consécution factuelle que le marqueur si bien que introduit une conséquence pure. Or, le procès décrit dans P1 : en ayant bien soin de repousser les volets, est susceptible de connaître différents modes de réalisation et dont la conséquence exprimée en P2 n'en est qu'un aspect. C'est pourquoi la commutation avec si bien que n'est pas possible. En effet, dans l'environnement contextuel de la locution si bien que, on note la structure en ayant bien soin de ... et secrètement qui induisent l'objectif de l'agent de l'acte décrit dans l'énoncé. C'est dans ce sens que nous nous disons que la commutation avec afin que est possible. Tout le dispositif discursif que nous avons relevé ne présente qu'un ensemble des moyens spéciaux mis en oeuvre par l'agent pour atteindre son but ; afin que qui exprime également l'intentionnalité, énonce que, puisque le processus réalisé l'est en vue d'une conséquence, cela exige obligatoirement que l'on mette en oeuvre un mode particulier d'agir. Aussi, la possibilité d'un enchaînement comme [4c'] ne peut-elle être expliquée qu'à partir des affinités entre manière et consécution. Et Hybertie (op. cit : 112) de dire, l'expression de la finalité véhicule en même temps l'expression d'une manière, pour le processus cause, d'être réalisé. L'auteur renchérit plus loin et à la même page,

    des faits de cet ordre manifestent l'affinité étroite existant entre manière et finalité, et cette affinité permet de comprendre que les locutions corrélant manière et consécution puissent aussi servir à exprimer la finalité.

    En revanche, dans les systèmes corrélatifs, Hybertie (1996 :112) ne pense pas que toutes les expressions corrélées soient capables d'exprimer la finalité. C'est le cas avec les expressions corrélant intensité et consécution. Dans les exemples suivants empruntés à l'auteur :

    5a. Il a crié à tel point qu'il l'a réveillé ;

    5b. Il a crié tellement qu'il l'a réveillé ;

    5c. Il a crié de manière à le réveiller.

    Nous avons vu au chapitre deux que l'intensité est une question de quantité, d'échelle, de degré. Nous voyons ici que la manière relève de la façon de faire ou d'être, donc de la qualité. Mettre en oeuvre un processus d'augmentation quantitative pour produire l'effet voulu, c'est agir d'une certaine façon, c'est accorder au fait cause la qualité suffisante pour produire la conséquence voulue. Pour l'auteur, le but n'est exprimé que dans [5c] qui comporte la locution de manière à, expression de la finalité. Cependant, nous pensons que tout dépendant de l'interprétation et de la situation de l'énonciation qui peut varier d'une lecture à une autre, la situation contextuelle étant d'un apport très précieux dans l'interprétation d'un énoncé. En guise d'exemple, si le locuteur en [5a] porte une accusation sur il pour expliquer que c'est l'intensité de ses cris qui est à l'origine du réveil du bébé, et qu'il l'a fait dans ce but (celui de faire du mal en réveillant l'enfant), P2 introduit par à tel point que cache l'intention de l'agent du cri : celle d'atteindre un degré de cris capable de réveiller l'enfant qui dort ; vue sous cet angle, l'intensité peu induire une finalité. Les énoncés [5a et b] sont donc ambivalents. Si l'intention n'est pas linguistiquement marquée, l'effet pragmatique est donc capable de favoriser l'interprétation d'une notion.

    En définitive, il apparaît que la conséquence et le but sont proches aussi bien au niveau factuel que par leur expression linguistique. Et que la différence entre ces deux notions ne se situe qu'au niveau de la visée qui sous-tend l'expression de la finalité et qui se traduit linguistiquement par la présence, dans P2 du subjonctif, mode du possible, du virtuel et marque de la subjectivité. Pour ce qui est de la visée, elle dépend de l'agent de l'action décrite dans P1. On en vient à dire que la finalité se manifeste par certaines locutions et que, dire que le subjonctif est la seule façon d'exprimer la finalité avec les connecteurs afin que et pour que, etc. constitue une vision réductrice de la question. Pour une meilleure lecture de la notion de but, l'analyste du discours gagne à prendre en compte l'aspect pragmatique. Là, on verrait que les locutions exprimant l'intensité peuvent également traduire le but. Toutefois, la prise en compte de certains éléments contextuels est aussi nécessaire pour éviter des cas d'ambiguïté.

    2. Le rapport consécution et comparaison

    Faire une comparaison, c'est rapprocher un fait d'un autre pour en souligner soit la ressemblance soit la différence. Dans ce sens, déclarent Niquet et alii (1989 :316) la comparaison est un procédé par lequel on rapproche, au moyen d'une construction grammaticale, deux éléments pour les comparer, c'est-à-dire pour en établir un rapport. La relation de comparaison comporte deux termes reliés par un outil comparatif, qui peut être une préposition, une conjonction de subordination, un adjectif, un adverbe, un verbe... Et dans l'étude de la conséquence, il s'est trouvé que des locutions conjonctives si ... que, tant ....que et tel... que peuvent, dans certains emplois, exprimer la comparaison.

    2.1. Le cas de si et de tant comparatif

    La conjonction si peut, dans certains emplois, corréler intensité et comparaison comme nous le voyons dans [6] :

    6a. Les regards de sa tante ne sont pas si pressants que le jeune homme l'imagine. (Ge, p204) ;

    6b. La paie de quinzaine était justement tombée la veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même à la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas été si gras ni si tendre. (Ge, p144) ;

    6c. La lapine courait devant les trois galopins, tirant la cuisse, déhanchant d'une si lamentable façon que jamais ils n'avaient tant ri. (Ge, p267) ;

    Dans l'énoncé [6a], l'intensité est incidente à un adjectif, mot qui exprime une qualité qui est ici attribuée au regard de la tante. Le locuteur affirme que la détermination de l'intensité de cette qualité n'a pas atteint, sur l'échelle des différentes valeurs de cette qualité, le degré suffisant pour permettre la validation de l'état de chose décrite par l'énoncé. Cependant, cette interprétation peut être valable tant pour la conséquence que pour la comparaison. En effet le mode verbal de la consécutive négative est le subjonctif, ainsi dans l'énoncé [6a], le verbe imaginer étant un verbe du premier groupe, il y a homophonie entre les verbes du premier groupe à l'indicatif et au subjonctif, ce qui constitue un facteur réel susceptible de brouiller l'interprétation des énoncés produits.

    Pour interpréter la comparative, on a recours à une assertion de la relation prédicative les regards-être-pressants, et négation du degré attribué à la qualité représentée. En d'autres termes, la négation porte sur l'intensité de la qualité (pressants), le locuteur reconnaît que sur l'échelle des différentes valeurs de cette qualité, l'intensité atteinte par cette propriété ne peut permettre la validation de P2. La mesure de l'intensité se fait à la dimension de la comparaison. Aussi Hybertie (op cit : 116) souligne-t-elle que l'intensité niée est déterminée soit par un repérage avec la subordonnée, lorsqu'elle est réalisée (Les regards de sa tante ne sont pas si pressants que le jeune homme l'imagine), soit par repérage avec un discours antérieur, ce qui correspond à la glose : Les regards de sa tante ne sont pas pressants comme on dit qu'ils sont pressants. L'intensité n'a pas atteint le degré susceptible de favoriser ce qu'on dit. Le système comparatif négatif connaît donc le même circuit descriptif que le système consécutif.

    Sur le plan discursif, la comparaison tout comme la consécutive se situe du coté de la co-énonciation. En fait, l'énonciation de [6a] ne peut être possible que dans des contextes mettant en jeu la co-énonciation, c'est-à-dire que l'assertion de les regards de sa tante ne sont pas si pressants apparaît comme une négation de la relation prédicative validée par le co-locuteur : les regards de sa tante sont pressants et le locuteur réagit en disant pas si pressant que... Par ailleurs, une autre ambiguïté se situe au niveau de l'absence de réalisation de la subordonnée comme le montre [6b et c]. En fait, ces énoncés peuvent connaître chacun une réalisation soit par une subordonnée consécutive, soit par une subordonnée comparative ; tout se passe comme si le soin était laissé au co-énonciateur de la déterminer. Si on se rappelle que les locutions qui corrèlent intensité et consécution attestent que la relation consécutive est validée pour une sous-classe d'occurrences de P1, sous-classe dont dépend l'avènement de la conséquence, il y a lieu de se demander si l'avènement d'aucune relation n'est établi parce qu'aucune sous-classe d'occurrences de P1 n'est validée. En disant le lapin n'avait pas été si gras ni si tendre, le locuteur reconnaît que le lapin est gras, seulement c'est l'intensité incidente à la qualité prédiquée qui est niée, seulement on ne sait à quoi aboutit cette négation. Toutes les valeurs sont envisageables tant pour la conséquence que pour la comparaison, c'est là la source de l'équivoque. Reléguées désormais à la compétence de l'interprétation, c'est-à-dire du co-locuteur, les séquences suivantes sont possibles :

    6b'. La paie de quinzaine était justement tombée la veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même à la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas été si gras ni si tendre qu'aujourd'hui ;

    6b''. La paie de quinzaine était justement tombée la veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même à la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas été si gras ni si tendre que ça.

    Cette analyse est valable pour [6c] avec l'adverbe d'intensité tant. Avec l'adverbe çà, il y a encore ambiguïté sur la nature de ce mot. Que se passe-t-il avec la locution tel...que ?

    2.2. La locution tel...que comparatif

    D'un point de vue syntaxique, la locution conjonctive tel...que est analysable en deux morphèmes : le morphème tel et la conjonction que. Hors système corrélé, le lexème tel a deux valeurs. Il est soit adjectif, soit pronom. Comme pronom, il désigne quelqu'un de façon indéterminée, d'où l'appellation traditionnelle pronom indéfini que lui attribue la grammaire ; et comme adjectif qualificatif, il exprime l'indétermination. C'est cet aspect qui nous intéresse dans notre étude. Le nom est présenté par tel dans sa valeur la plus générale, ce qui le rapproche de l'article indéfini un toutefois avec une nuance : il donne un semblant d'identité au nom. Comme tout adjectif qualificatif, le lexème tel participe à la construction de la valeur référentielle du nom auquel il est incident, c'est-à-dire qu'il désigne une qualité liée au substantif, sans pourtant préciser la nature de cette qualité. C'est pour cela que Chevalier et alii (1964 :278) disent qu'il fonctionne comme un proadjecif qualificatif. Dans le cas de tel, l'opération de détermination référentielle ne peut se faire qu'au moyen des marques ou repères qui sont soit contextuel, soit énonciatif.

    En repérage contextuel, le morphème tel peut référer soit au contexte antérieur, soit au contexte postérieur comme il est question dans [7] :

    7a. Un jour, après lui avoir promis formellement dix mille francs, il avait osé se présenter les mains vides, à l'heure convenue. Un tel manque de parole, tant de gentillesses perdues, la jetèrent dans une rage de grossièretés. Elle était toute blanche. (Na, p.402).

    7b. Jamais un tel gala n'avait mis en l'air la grande maison patriarcale et

    cossue. (Ge, p426).

    Il ne construit aucune valeur référentielle du nom manque de [7a]. Avec tel, l'indétermination est moins forte ; dans l'énoncé susmentionné, tout se passe comme s'il y avait une sélection de la valeur référentielle du nom auquel tel est incident. Il s'agit d'un manque particulier, unique, parmi tous les manques possibles, cependant tel ne détermine pas avec netteté l'occurrence, qui est appropriée, du nom. Dans l'énoncé [7a], tel renvoie à la promesse de donner de l'argent à Nana, promesse faite par Muffa, son amant. Dans cet emploi, tel signifie un tel N (des N) de cette nature. L'étymologie de tel est révélatrice, selon le dictionnaire Latin-Français (1959 :667), tel vient du latin talis signifiant de cette manière, de cette nature, de cette qualité, de ce genre, il traduit, selon l'expression de Hybertie (op cit),

    un type d'opération d'anaphore particulier qui entraîne que prédéterminant + tel + N signifie : un N ou des N du genre, de la nature de ceux dont il a été question antérieurement, de ceux qui ont été antérieurement déterminés.

    En glosant l'énoncé [7a], on pourrait avoir à peu près ceci : un manque de parole de la nature de celui que connaît Nana / ayant les mêmes caractéristiques que celui que Nana connaît... La combinatoire de un tel ne peut cependant pas être commutée par le démonstratif ce parce que ce denier exige, pour une bonne interprétation, un recours à l'univers extralinguistique.

    En repérage énonciatif, l'instruction attachée à l'emploi de tel mérite qu'on se réfère à la situation d'énonciation pour avoir la référence du nom comme dans cet énoncé emprunté à Hybertie (op cit : 66) :

    8. Avec un tel chapeau, t'as bonne mine

    Tel suivi de que peut aussi être employé pour marquer la conséquence, le rapport ou la ressemblance de deux choses que l'on compare ensemble. Si cette locution nous intéresse dans cette étude, c'est parce que comme le déclare Hybertie, les opérations que traduit tel...que sont corrélatives de la valeur générale de tel.

    Dans le cas de la conséquence, la relation entre tel s'établit avec la proposition consécutive comme il est question dans [9] :

    9a. Les porions ne suffisaient pas au raccommodage, les bois cassaient de toutes les parts, [...]. Bientôt les désastres étaient tels, qu'il devait nécessiter de long mois de réparation, avant que l'abattage pût être repris. ( Ge, p 245) ;

    9b. A cette minute, la confusion devint telle, qu'il se produisit un de ces faits d'affolement qui restent inexplicable. (Ge, p344) ;

    9c. C'était, cette fois, une course de cinq grands kilomètres. Un élan tel les (sic) charriait, qu'ils ne sentaient pas la fatigue atroce, leurs pieds brisés et meurtris. (Ge, p318) ;

    9d. Dès le premier voyage, Catherine, effrayée, revint en disant qu'il n'y avait plus personne au plan incliné. Le saisissement n'était pas tel, que les dix hommes l'avait cru, [...]. (Ge, p443).

    Pour supposer la valeur référentielle de tel, il faut attendre l'accomplissement de la conséquence. Ainsi [9a], par exemple, peut être paraphrasé de la manière suivante : les désastres étaient tellement lourds / accentués qu'il devait nécessiter de long mois de réparation ... Nous parlons de supposer parce que, selon l'opération de parcours dont nous parlons depuis dans notre étude, tel construit une sous-classe d'occurrences du nom, sous-classe qui peut être réduite à un ou plusieurs éléments, dont, affirme Hybertie (op cit :67), le trait définitoire est de posséder la propriété qui permette l'avènement de la conséquence exprimée par la consécutive. On note que le choix d'un élément du paradigme de l'adjectif n'est possible qu'à travers l'expression de la conséquence. En d'autres termes, parmi les désastres, il y en a qui ont la propriété qui fait qu'on mette de long mois de réparation. Mais avec la structure un + N + tel de l'occurrence [9c], la détermination de tel devient difficile, même avec la réalisation de la conséquence. Avec N intercalé entre un et tel, il devient pénible de dire à quoi tel est incident. De là une interrogation pèse sur la grammaticalité ou l'acceptabilité d'une telle construction.

    Parlant maintenant de la comparaison avec tel, nous avons la même description qu'avec si et tant. En glosant [9d], on obtient : ... Le saisissement n'était pas tel, que les dix hommes croyaient que le saisissement était / le saisissement n'était pas tel, que les dix hommes le disaient. La détermination de la propriété du nom auquel réfère tel dans le contexte reste indéterminée parce que cela relève du préconstruit. C'est également ce que souligne Hybertie (op cit : 115) lorsqu'elle déclare :

    on peut remarquer que lorsque si et tant forment un système comparatif, le verbe de P2 est toujours soit un verbe de parler, soit un verbe de penser, [...]. Il s'agit donc toujours d'une représentation relevant du préconstruit.

    Le préconstruit renvoie à ce qui est construit ou conçu avant l'acte d'énonciation. Pour Charaudeau et Maingueneau (2002 : 464),

    le préconstruit peut être approché comme la trace, dans l'énoncé, d'un discours antérieur ; il s'oppose donc à ce qui est construit au moment de l'énonciation. Un sentiment d'évidence s'attache au préconstruit parce qu'il a été « déjà dit » et qu'on a oublié qui en était l'énonciateur.

    Les verbes de parole ou de pensée sont les indices qui déclenchent cet effet discursif. En effet, dire, penser, imaginer, croire, présumer, etc. font partie des verbes dont parlent Hybertie et en guise d'exemple, pour qu'un locuteur énonce un fait comme celui-ci : Même à la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas été si gras ni si tendre qu'on l'eût pensé, il faut au préalable que lui ou le co-locuteur ait conçu que le lapin était gras ou tendre. Ceci est valable pour les énoncés avec tant et tel également. Et avec l'adverbe de négation, le locuteur nie ce qui a été d'abord conçu par autrui. C'est sans doute pour cela qu'on note que leur emploi en système corrélé est exclusivement réduit à des contextes mettant en jeu la co-énonciation comme c'est le cas des situations spécifiques suivantes :

    6b'''. [...], le lapin avait-il été si gras et si tendre qu'on l'avait pensé ?

    6c'. [...], avaient-ils tant ri qu'ils le prétendaient ?

    9d'. [...] Le saisissement était-il tel, que les dix hommes l'avait cru ?

    Dans la consécutive tout comme dans la comparative, l'introduction de la négation dans P1 ne produit pas la négation pure et simple de la propriété sur laquelle porte la détermination du niveau d'intensité, mais seulement la négation de l'intensité déterminée par le repère supposé nécessaire. En effet, dans l'énoncé le lapin n'avait pas été si gras ni si tendre qu'on l'avait pensé, qu'on eût à avaler sans mâcher, le locuteur nie le degré d'intensité déterminé par la représentation que l'on prête au co-énonciateur. Linguistiquement, cette représentation peut prendre soit la forme d'une consécutive, qu'on eût à avaler sans mâcher, soit la forme d'une comparative : qu'on l'avait pensé, sans nier la propriété être gras ou être tendre. Quant à l'interrogation, le locuteur laisse le soin au co-locuteur de trancher soit pour affirmer, soit pour infirmer. Dans [6c'], il s'agit d'une interrogation totale, l'unique type d'interrogation susceptible de fonctionner avec l'intensité.

    En outre, nous constatons que dans le cas de la conséquence, si le degré d'intensité est nié et ne peut entraîner la conséquence, il est toutefois possible que cette conséquence puisse être possible pour peu que l'intensité atteint une échelle pouvant rendre la conséquence effective ; ce qui n'est pas le cas avec la comparaison puisque ce qui est nié c'est l'assertion du degré d'intensité produite par le co-énonciateur.

    3. La relation consécution et concession

    Le terme concession exprime, d'une part, l'action d'accorder, de concéder quelque chose, et d'autre part, l'abandon, le désistement, le renoncement. Pour Popin (1993 : 120), la relation de concession développe un fait réel, fonctionnant comme une cause qui n'entraîne pas les conséquences qu'elle devrait avoir, il s'agit pour l'auteur d'une cause dévalorisée, d'où l'emploi du subjonctif. Quant à Descourbes et alii (1999 :204), la concession et l'opposition se confondent si bien qu'on les regroupe habituellement sous le terme d'opposition. Quelle que soit la nature du discours, nous convenons avec Dassi (2005 : 7) que la concession va s'apprécier comme une relation sémantique interpropositionnelle ou interséquentielle ; la séquence étant, de part son étendue, égale ou supérieure à la phrase achevée. Il existe cependant plusieurs types de relation concessive introduite par certains outils linguistiques plurifonctionnels comme, si....que, sans que, sans, si qui introduisent également la conséquence. Pour Oualid (2005 :74), ces connecteurs sont à l'origine de la concession négative, la concession hypothétique et la concession argumentative.

    3.1. La concession négative

    Dans la concessive négative, le connecteur exprime l'exclusion ou la négation du procès concomitant. Le terme concomitant ici n'a pas, à notre humble avis, le sens de simultané, c'est-à-dire d'un fait qui se produit en même temps que l'autre mais dans le sens de se suivre immédiatement. La nuance réside au niveau de l'écart ou du temps mis par P2 pour se réaliser. La concessive négative se construit avec les connecteurs sans que et sans qui marquent, comme nous l'avons déjà vu, l'absence de cause, de conséquence et maintenant de concession. Mais Riegel et alii (1996 :512), notent que si sans que exprime la négation d'une relation concomitante ou consécutive, c'est non que qui énonce une relation de cause niée ou manquée. L'essentiel est de savoir ce qui motive ou ce qui spécifie chaque emploi de ce connecteur. Les énoncés ci-après permettront de mieux analyser la concessive négative.

    10a. [...], en six mois, elle eut chez son couturier une note de cent vingt mille francs. Sans qu'elle eût augmenté son train, [...].(Na, p387) ;

    10b. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, sans que le roux ardent de ses cheveux frisés eût pali. (Lbh, p56) ;

    10c. Debout, Maheu parlait, sans qu'on pût distinguer un seul mot.

    (Ge, p240) ;

    10d. Les parents étaient là, et il gardait en outre pour elle un sentiment d'amitié et de rancune, qui l'empêchait de la traiter en fille qu'on désire, au milieu des abandons de leur vie devenue commune, à la toilette, aux repas, pendant le travail, sans que rien d'eux ne leur restât secret, [...].(Ge, p158).

    En [10a], en fait, la note du couturier qui s'élève devrait être la conséquence réelle de l'augmentation du train de vie de Nana ; l'emploi de sans que causale exprime plutôt une cause qui n'a pas eu lieu comme l'aurait exigé la logique. Dans le monde référentiel en fait, pour que la note soit élevée, il faut qu'il y ait eu plus de commandes de marchandises ou tout autre fait, générateur de dépenses. Or l'énoncé exprime que P1 n'est pas le motif qui détermine P2, ce que traduit le connecteur sans que P2. En toute logique, rien ne justifie plus P1, car la relation qui est censée l'induire est rejetée, ce qu'exprime bien la locution non que,

    10a'. [...], en six mois, elle eut chez son couturier une note de cent vingt mille francs. Non qu'elle eût augmenté son train, [...]

    On est dans l'expression de la logique contraire ou de la cause inverse ; la cause n'est pas valorisée parce qu'elle n'a pas abouti, il s'agit d'une fausse cause. Le subjonctif, ordinairement mode de la virtualité, vient renforcer ce trait négatif de la cause. Et les Le Bidois (1935 : 463) de dire

    la causale amenée par non que ou ce n'est pas que est au subjonctif. Ces locutions supposent en effet une intervention de la sensibilité : le locuteur ne se contente pas de nier la causalité, plus ou moins énergiquement, il nie ou conteste la réalité même du fait, et ce nisus de la pensée s'exprime alors par le mode de l'énergie psychologique. Dès que reparaît la locution parce que, le mode de l'expression logique reparaît en même temps. Et l'indicatif s'impose même quand parce que est suivi de non. L'esprit ne proteste plus, il se borne à expliquer, tranquillement, que la cause énoncée n'est pas vraie.

    Sur le plan argumentatif, le locuteur veut montrer que la justification au fait asserté se trouve ailleurs. Et ceci peut être implicite ou présenté dans le contexte et laisser à l'appréciation du lecteur. Dans le cas de [10a], en effet, la cause réelle de la note élevée (cent vingt mille francs) se trouve dans cet énoncé :

    11. [...] Julien exigeait des remises chez les fournisseurs, les vitriers ne remettaient pas un carreau de trente sous, sans qu'il en fît ajouter vingt pour lui [...]. (Na, p.387).

    On peut donc comprendre que c'est parce que Julien, le cuisinier, surfacturait les livraisons ou les réfections que la note était élevée. Dans ces conditions, [10a'] peut être complété tout naturellement par [11] : en six mois, elle eut chez son couturier une note de cent vingt mille francs. Non qu'elle eût augmenté son train, [...], mais parce que Julien exigeait des remises chez les fournisseurs, les vitriers ne remettaient pas un carreau de trente sous, sans qu'il en fît ajouter vingt pour lui. On constate tout simplement que sans que causal est moins contraignant, le locuteur s'en remet aux connaissances encyclopédiques et épistémiques du co-locuteur. En d'autres termes, avec sans que, la justification n'est pas nécessaire pour que le sens de l'énoncé soit complet ; l'explication est implicite. Le locuteur ne veut prendre aucun risque, en fournissant une explication qui peut être contestée. Il laisse au co-locuteur la charge de la chercher ou de la formuler.

    En revanche, dans [10b], l'expérience montre que plus l'homme avance en âge, plus son aspect physique change. C'est ainsi que les rides peuvent apparaître, les cheveux grisonnent. Avec l'emploi de sans que concessif le sémantisme de la négation que contient la locution lui permet de nier le résultat logiquement attendue ; par là le locuteur dédit la relation argumentative. En outre, pour lever l'ambiguïté que provoque l'emploi de sans que, on peut le commuter, dans l'expression de la concession, par alors que ne pas, comme le signale Muller (1991 : 403), avec une modification au niveau du temps verbal de la subordonnée :

    10b'. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, alors que le roux ardent de ses cheveux frisés n'avait pas pâli.

    10b''. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, bien que / quoique le roux ardent de ses cheveux frisés n'eût (pas) pâli.

    L'adverbe de négation permet d'établir que la conclusion attendue n'a pas été tirée. La commutation avec le marqueur bien que associé à l'adverbe de négation ne pas, montre que la concession négative fait partie de la concession logique qui est introduite par bien que. Relation logique que Morel (1996 : 6-7) perçoit comme une vision préétablie de la relation entre les éléments mis en présence, ou du moins un accord tacite entre les locuteurs sur cette relation. Ce qui se vérifie bien avec la relation décrite dans l'énoncé [10b]. En effet, entre A/B1 : la quarantaine approchait et B / non B : le roux ardent de ses cheveux frisés eût pali. Le connecteur vient nier la conséquence qui aurait dû normalement avoir lieu. La relation normale, sous-jacente, était de voir les cheveux porter le poids de l'âge. Le recours à la concession dit Morel (op cit) permet donc au locuteur d'imposer la relation implicite qui lie les deux énoncés en présence. En permutant sans que par non que dans [10b], l'énoncé n'est plus recevable comme on le constate :

    10b*. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, non que le roux ardent de ses cheveux frisés eût pâli.

    10b'''. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, non parce que le roux ardent de ses cheveux frisés avait pâli, mais....

    La cause manquée introduite par le connecteur non que est inadaptée dans cet emploi ; ce n'est en effet pas, parce que P2 : le roux ardent de ses cheveux frisés ne pâlissait pas que l'effet dans P1 : la quarantaine approchait a eu lieu. L'inacceptabilité de cet énoncé vient, nous le pensons, du fait que la cause qui devait même être suivie de l'effet n'est pas logique ; avec l'emploi de la locution conjonctive non que, l'on s'attend toujours à une justification qui vient pallier celle qui est récusée par non que, comme nous l'avons vu avec [10a et 11]. Nous pouvons déduire que sans que dans [10b] introduit une conséquence manquée.

    La même analyse est valable pour [10c], il est en effet incompréhensible, dans le monde référentiel, que l'on puisse parler sans qu'aucun mot ne soit distingué. Sur le plan dialectique, on parle non seulement pour que les mots soient distingués, mais surtout pour se faire comprendre. Par le connecteur sans que, le locuteur admet qu'il existe un obstacle ou une opposition à la réalisation d'un fait, sans que cette opposition annule la réalité du fait exprimé. Cependant, en remplaçant sans que par un connecteur factuel de conséquence suivie de la négation, comme c'est le cas dans [10c' et c''] :

    10c'. Debout, Maheu parlait de manière qu'on ne pût (pas) distinguer un

    seul mot ;

    10c''. Debout, Maheu parlait bien que/quoiqu'on ne pût (pas) distinguer

    un seul mot.

    on constate une altération du premier sens. La subordonnée exprime déjà le but ou la conséquence voulue dans [10c'], bien que le fait de départ soit le même. Il s'agit dans ce cas, non plus de montrer que le fait présenté n'a pas connu l'issue souhaitée, mais de montrer que la visée de départ, c'est-à-dire la façon de parler ou encore la qualité associé au parler de l'agent du fait décrit était d'empêcher la fin d'avoir lieu, donc cette intention était déjà conçue par l'agent du procès décrit dans P1. Pour ce faire, notent les Le Bidois ( 1935 : 463)

    la conséquentielle, peut selon les cas, impliquer elle aussi une intension (ou une tension) vers un résultat recherché ou n'impliquer au contraire qu'une conséquence où la volonté n'a aucune part, et qui dépend seulement de la nature des faits. Aussi le mode de la conséquentielle est-il fonction de la pensée : le subjonctif, quant le résultat est voulu, intentionnel, l'indicatif, quand aucune idée de finalité ne se mêle à l'idée de conséquence.

    Quelle que soit la désignation : conséquence voulue ou but, le problème ne se pose pas au niveau de la terminologie pour le moment, on constate tout simplement que la concession en sans que est plus proche de la conséquence que de la cause, c'est ce qui se dégage avec l'énoncé [10c'']. Le même énoncé exprime la concession pure, le subjonctif ici étant le mode de la concession, il ne s'agit nullement d'une quelconque visée. Cette commutation est possible parce que nous pensons que l'agent de l'évènement décrit dans P1 étant un humain, il peut manifester une volonté comme dans [9c'] alors que [9c''] apparaît comme une description objective des faits.

    En revanche, la commutation de sans que par la locution conjonctive comme c'est le cas dans [10b'*]

    Il ne veillait point, la quarantaine approchait, de sorte que le roux ardent de ses cheveux frisés ne pâlissait pas.

    Rend l'énoncé inacceptable parce que, logiquement on ne voit pas le rapport direct entre le fait décrit en P1 : la quarantaine approchait et celui de P2 le roux ardent de ses cheveux ne palissait pas. Donc sans que dans cet usage n'exprime pas une conséquence nié, mais une concession pure comme le démontre la permutation avec les connecteurs, bien que /quoique dans [10b'']. Nous dégageons de cette analyse un constat réel : la locution conjonctive sans que est l'unique connecteur capable d'exprimer toutes ces trois notions : cause, conséquence et concession. Pour une interprétation cohérente du texte donc la cohésion est faite par le connecteur sans que, le co-énonciateur tout comme le lecteur s'approprie le texte et, grâce à sa culture générale et à ses connaissances scientifiques, il sait à quel moment interpréter les marqueurs sans que ou sans comme pour exprimer une nuance de la causalité. C'est pourquoi Rossari et Jayez (1997 :233) affirment que les emplois des connecteurs peuvent être déterminés soit à partir d'un noyau sémantique dont on essaie de les dériver, soit à partir d'un système de contraintes mutuellement indépendantes. Ces auteurs reconnaissent explicitement que l'étude des connecteurs de conséquence requiert la combinaison de plusieurs approches : syntaxique, sémantique et pragmatique. Le danger que nous pressentons réside justement au niveau de cette interprétation qui a une connotation subjective, Nølke (1993 : 36) Aussi la cohérence peut-elle être diversement appréciée selon qu'on est auteur, lecteur, ou analyste du discours. En d'autres termes, il appert que les connecteurs sans que et sans, connecteurs suspects comme nous venons de le constater, sont employés à dessein par le locuteur. Ils lui permettent, tout comme l'implicite de brouiller ses pensées et de prévenir des interprétations osées.

    Par ailleurs, Oualid (2005 :74) relève que lorsque les sujets sont coréférentiels, sans que cède sa place au connecteur sans qui est suivi de l'infinitif. Pour Morel (1996 :87), il existe deux types de construction infinitive avec sans : avec le premier type, le groupe prépositionnel est antéposé au sujet de la proposition principale et est paraphrasable par une subordonnée introduite par bien que ou par même si ; le deuxième type présente un groupe prépositionnel postposé à la principale  où le sens de la relation concessive est variable. Dans ce cas, la paraphrase dépend de la nuance concessive qui se dégage de l'interprétation de l'énoncé. Si l'on est en face d'une concession logique, c'est la première proposition qui est paraphrasable par une subordonnée, ou le groupe prépositionnel lui-même dans le cas d'une concession rectificative. Cependant l'auteur souligne qu'il est parfois impossible de trancher.

    Nous n'avons toutefois pas d'occurrence du premier type dans notre corpus ; par contre l'énoncé [12] nous permet d'illustrer notre propos pour ce qui est du deuxième type :  

    [...], la Régie n'osant plus faire la sourde oreille, deux des régisseurs avaient daigné venir pour une enquête, mais d'un air de regret, sans paraître s'inquiéter du dénouement [...]. (Ge, p362).

    L'énoncé présente l'attitude de la Régie, instance dirigeante des Compagnies minières. Depuis la grève des mineurs, elle ne s'était gênée ni pour trouver une solution à la grève ni pour mener les enquêtes  puisqu'elle avait la ferme conviction qu'elle aurait encore le dessus. Cependant, ce mouvement d'humeur perdure et la Régie se voit obligée de se remuer, ne serait-ce que pour la forme. En toute logique, les régisseurs devaient prendre cela au sérieux, et s'inquiéter de la tournure persistante que prend la grève. Ce qui transparaît donc lorsqu'on paraphrase la première proposition par la subordonnée comme suit :

    12'. [...] bien que deux des régisseurs eurent daigné venir pour une

    enquête, [...], ils ne paraissaient pas s'inquiéter du dénouement ;

    12*. La Régie n'osant plus faire la sourde oreille, deux des régisseurs avaient daigné venir pour une enquête, mais d'un air de regret, de façon à ne pas paraître s'inquiéter du dénouement.

    Selon la grille d'approche de l'auteur, cette concession est logique. La locution conjonctive unit deux propositions et cette association selon Morel (op cit : 24)

    marque doublement le fait que l'énonciateur n'est pas à l'origine du jugement énoncé dans la subordonnée, mais qu'il y apporte malgré tout son assentiment, en tant qu'argument destiné à faire ressortir la thèse qu'il va soutenir dans la proposition principale qui suit.

    Ainsi les deux propositions sont le fruit d'une seule énonciation. Mais la concessive est présentée comme ayant fait l'objet d'une assertion préalable par un autre énonciateur, assertion à laquelle l'énonciateur principal souscrit puisque la subordonnée garde le même support énonciatif que la principale. Sans toutefois revenir sur la valeur de l'infinitif qui a déjà fait l'objet d'une analyse au chapitre II, nous rappelons tout de même qu'il permet de ne présenter du procès qu'une image virtuelle sans l'actualiser. Combiner à la préposition négative sans, le groupe prépositionnel exprime une concession négative, tout comme sans que, et la concessive négative est celle qui démontre que la logique n'est pas respectée.

    3.2. La concession hypothétique

    Au sujet du système hypothétique, nous avons vu que c'est la conjonction si qui permet d'introduire les propositions dans ce système. Le conditionnel ayant pour valeur principale de créer une situation imaginaire à laquelle le locuteur traduit son adhésion, et comme dit Oualid (2005 :79), qu'il donne comme faisant partie de son actualité vécue, [avec le conditionnel] le repère du procès se présente dans une actualité décalée par rapport au moment de l'énonciation. Ainsi dans l'énoncé suivant :

    13. [...], si les usines rouvraient une à une, l'état de guerre n'en restait pas moins déclaré, [...]. (Ge, p501).

    L'énonciation de [13] explique la fin de la grève, une fin plus apparente que réelle. Les mineurs ont perdu puisque leurs revendications n'ont pas été satisfaites. La réouverture des usines devait en fait être la victoire du patronat et par conséquent plus d'état de guerre. Or, par l'emploi de la concession, le locuteur est précisément entrain d'affirmer que P1 : les usines rouvraient une à une, n'a pas connu l'implication attendue, mais plutôt une non P2 : l'état de guerre restait déclaré. Cette négation est déclinée dans P2 par l'emploi de la locution ne ...pas moins qui, non seulement exprime la négation du fait, rend également l'implication fausse. Comme marqueur de concession argumentative, Morel (op cit : 35) dit que si peut prendre la valeur de il est vrai que. La concession hypothétique n'est donc qu'une nuance de la concession argumentative. Nuance qui est également rendue par l'adverbe d'intensité si. Nous n'avons trouvé aucune occurrence dans notre corpus, néanmoins nous empruntons un exemple à Oualid (op cit) :

    14a. Ce jour-là, il y eut une tempête si rude dans l'hôtel, que tous les domestiques baissaient le nez, [...]. (Na, p.310).

    14b. Si intelligent soit-il, il risque de ne pas réussir (Oualid, op cit ).

    L'énoncé [14a] représente le système consécutif, système dans lequel l`adverbe d'intensité si est incident à l'adjectif rude. L'intensité étant une question d'échelle, le locuteur montre que, sur le parcours que représentent les différentes valeurs de l'adjectif, l'adverbe d'intensité si permet à l'adjectif d'atteindre un degré d'intensité indéterminé, mais suffisant, pour la réalisation de la conséquence. Parlant de parcours Hybertie (op cit : 138) énonce qu'il constitue une opération consistant

    à parcourir la classe de toutes les occurrences d'une notion, sans pourvoir / vouloir s'arrêter à une seule, ce qui signifie qu'il est impossible d'attribuer une valeur référentielle stable à un terme de l'énoncé.

    Le parcours est une opération abstraite qui se fait sur la classe des occurrences de la notion, dans le cas présent de l'adjectif. Pour ce qui est de l'énoncé [14b], la séquence introduite par si concessif explique que l'opération de parcours opérée sur la classe de la notion (intelligent), bien que tendant toujours vers le haut degré sur l'échelle d'intensité ne permet pas, comme le dit Morel (op cit : 103), de limiter l'accroissement quantitatif. Ainsi dans le système concessif, l'intensité est privée du repère qui, dans le système consécutif favorise la réalisation de la conséquence. C'est dans ce sens que la concession présente une conséquence niée.

    Du reste, la relation concessive révèle qu'il n'y a pas toujours de rapport étroit entre les idées présentées dans un texte si l'on le considère d'un point de vue purement logique, dans ce cas, pour que la cohérence d'un texte se maintienne, dit Mossberg (2006 :26), on s'aperçoit que le lecteur semble accepter un grand nombre de contradictions et de confusions sans que sa conception de la cohérence du texte soit perturbée. Cependant la concession biculturelle semble plus facile à concilier comme le montre Dassi (2005 :2) que la conciliation entre deux propositions qui se repoussent en discours.

    En percevant en fait la concession comme un mouvement argumentatif en deux temps où le locuteur premièrement reconnaît la validité d'un argument, pour ensuite émettre un contre-argument qui vient en restreindre la portée ou le détruire, Morel (op cit :5) met en valeur l'essentiel de la relation sémantique qui unit la principale à la subordonnée. En choisissant de présenter quelque chose comme inattendu par rapport à autre chose, la relation concessive apparaît, nous semble-t-il, comme une relation d'abord objective. L'énoncé est présenté comme une description, on a l'impression que le locuteur observe et décrit les faits sans s'impliquer, le regard est extérieur. En clair, dans l'énoncé [14b], la conclusion implicite : l'état de guerre n'est pas déclaré suscitée par l'état de chose décrit en P1 : les usines rouvraient une à une, repose sur une certaine conception de la norme. Il est donc objectivement logique qu'on infère que les usines ne rouvrent pas quand l'état de guerre est déclaré (conclusion niée par la concession). Mais l'emploi du connecteur (ne....pas moins) se révèle ici être comme étant l'élément qui introduit la griffe personnelle du locuteur, c'est-à-dire l'orientation qu'il donne à son énoncé. C'est l'introduction de ce connecteur qui rend, à notre humble avis, la relation de concession subjective.

    En somme, la distinction qui existe entre la conséquence et la finalité lorsque ces relations empruntent les mêmes marques linguistiques se situe au niveau du mode : l'indicatif pour la conséquence et le subjonctif pour le but.

    Pour nous il ne s'agit que d'un simple problème d'interprétation, la conséquence avec l'intensité étant aussi capable d'exprimer le but pour peu qu'on mette en valeur l'aspect pragmatique.

    Pour ce qui est de la conséquence et de la comparaison, les outils linguistiques communs présentent la conséquence comme niée avec la possibilité de voir la conséquence se réaliser, si l'intensité exprimée par tant, si ou tel atteint un certain seuil, ce qui n'est pas le cas avec la comparaison. En ce qui concerne le rapport conséquence - concession, l'intensité de la concessive bien que tendant vers un degré paroxystique, présente toujours la conséquence comme manquée, alors que avec la conséquence l'intensité la plus élevée conduit inévitablement à la réalisation de la relation. En dehors de ces conclusions d'ordre général, nous sommes parvenue à ce résultat singulier : les connecteurs sans que et sans sont les seuls capables d'exprimer à la fois la conséquence, la cause et la concession.

    Sur le plan argumentatif, cette aptitude permet qu'on les regarde comme les connecteurs subjectifs avec les mêmes valeurs argumentatives que celles que dégage l'implicite dans l'expression de la conséquence.

    CONCLUSION GÉNÉRALE

    Au terme de ce travail portant sur les différentes marques d'expression de la conséquence et sur leurs valeurs argumentatives, il ressort de manière générale, que lorsqu'on parle, on ne décrit pas seulement la réalité, on exprime aussi ses opinions profondes. La langue foisonne de moyens explicites et implicites pour exprimer directement ou indirectement le point de vue du locuteur. L'utilisation de ces procédés d'expression repose principalement sur les convictions et les attentes du locuteur par rapport aux évènements décrits. La plupart des expressions langagières sont donc empreintes d'une certaine subjectivité.

    L'objectif de ce travail est de rechercher les motivations qui sous-tendent les divers moyens dont se sert un locuteur pour exprimer la conséquence, établir les rapports entre chaque marqueur et la raison de son emploi et relever, s'il y a lieu, les difficultés inhérentes à l'utilisation de ces différentes formes d'expression de la conséquence.

    Le premier chapitre repose sur la vérification de l'hypothèse selon laquelle les marques d'expression de la conséquence constituent un vaste éventail. Dans la perspective de cette analyse, nous avons fait une étude rétrospective de la notion de conséquence de la grammaire classique à la grammaire structurale. A travers le fonctionnement du CCC, il s'est avéré que la grammaire ne reconnaît que deux principales formes d'expression de la conséquence : la conséquence simple et la conséquence subordonnée. Ce chapitre nous a enfin donné l'opportunité de présenter la pragmatique linguistique, grille d'approche que nous avons choisie pour éclairer la problématique. L'inventaire des moyens d'expression de la conséquence nous a permis de réaliser qu'il existe une multiplicité de marques qui traduisent la conséquence. Nous les avons classées en deux groupes selon leur nature : les marqueurs morphologiques et les marqueurs morphosyntaxiques.

    Au deuxième chapitre, l'hypothèse à vérifier énonce que les différents connecteurs de conséquence ont des valeurs spécifiques. La vérification de cette hypothèse a nécessité la classification des outils morphologiques de la conséquence en trois sous-catégories : les connecteurs inférentiels, les connecteurs factuels et les marqueurs lexicaux. Les connecteurs inférentiels sont en nombre illimité et leur liste reste ouverte. Le contexte est la condition idéale de leur observation ; ils présentent la conséquence qui relève de la subjectivité du locuteur. L'interchangeabilité qu'on note entre ces connecteurs est, pour certains, apparente. Ainsi, pour une commutation efficace des connecteurs inférentiels, il est nécessaire qu'une étude approfondie des types d'arguments qu'ils relient soit faite pour regrouper les connecteurs par affinité. Les marqueurs factuels de conséquence ne présentent pas cette difficulté parce qu'ils introduisent la conséquence objective. Les marqueurs lexicaux se découvrent à travers le sémantisme du mot qui entraîne la conséquence. Les constats majeurs que nous avons dégagés sont :

    - le connecteur, quelle que soit sa nature exprime la conséquence explicite et renforce l'argumentation du locuteur en lui permettant d'orienter la conclusion à tirer ;

    - l'émetteur, par des outils morphologiques, montre une conséquence comme réelle avec une nuance d'attendue ou d'inattendue, irréelle, manquée ;

    - la structure prépositive avec l'infinitif présente une conséquence ambiguë tandis qu'avec le groupe nominale, la conséquence s'assimile à l'hyperbole.

    La conséquence étant une relation qui allie à la fois la morphologie et la syntaxe, nos investigations se sont étendues à l'approche morphosyntaxique.

    L'hypothèse du chapitre trois énonce que les formes morphosyntaxiques de la conséquence recouvrent des valeurs semblables à celles induites par les formes morphologiques. Pour la vérifier, il nous a fallu recenser les moyens que la syntaxe exploite pour exprimer la conséquence : l'implicite, les types de relation de cause à effet. L'implicite se manifeste à travers deux structures à savoir la juxtaposition et l'apposition. Ces deux formes et les structures détachées, avec ou sans connecteurs, introduisent la conséquence inférentielle tout comme les marqueurs inférentiels. Il ressort dans l'ensemble les résultats suivants :

    - le choix syntaxique et lexical est tributaire de la motivation du locuteur ;

    - l'implicite présente la conséquence comme ambiguë, la pensée du locuteur est opaque pour l'allocutaire et précautionneuse pour l'énonciateur ;

    - la modulation de l'énonciation par les signes modaux permet à l'énonciateur de présenter la conséquence comme éventuelle, irréelle ou équivoque.

    Cette hypothèse n'est pas entièrement validée. Sa vérification est entravée par la distinction qui est faite entre la conséquence irréelle et la conséquence manquée. Les outils morphologiques qui introduisent la relation de cause à effet sont polyfonctionnels. Ils engagent donc plusieurs catégories de la causalité.

    Le quatrième chapitre s'est préoccupé de vérifier l'hypothèse qui reconnaît des rapports entre la conséquence et les autres catégories de la causalité. Aussi les investigations ont-elles porté sur les rapports conséquence-finalité, conséquence-comparaison et conséquence-concession.

    Pour ce qui est du rapport conséquence-finalité, nous l'avons examiné en deux points : étude des locutions conjonctives d'une part et analyse de la relation qui unit la conséquence, la manière et le but d'autre part. Il en est résulté que la différence entre la finalité et la conséquence ne se situe qu'au niveau de la visée qui sous-tend l'expression de la finalité et qui se traduit linguistiquement par la présence, dans P2 du subjonctif, mode du possible, du virtuel et marque de la subjectivité. La visée dans la conséquence dépend du locuteur alors qu'elle dépend de l'agent de l'action décrite dans P1 pour le but.

    En ce qui concerne le rapport entre la conséquence et la comparaison, nous avons organisé son examen en deux phases : d'abord la comparaison par les adverbes si et tant, et ensuite par l'adjectif tel. L'adjectif tel connaît la même description que les adverbes si et tant. Il s'ensuit que la négation porte sur l'intensité de la propriété à laquelle elle est incidente. Ce qui met en lumière les résultats suivants :

    - la comparaison est niée parce que l'intensité n'a pas atteint le degré suffisant pour permettre sa réalisation ;

    - les outils linguistiques communs présentent la conséquence et la comparaison comme niée avec la possibilité, si l'intensité atteint un certain seuil, de voir la conséquence se réaliser, ce qui n'est pas le cas avec la comparaison ;

    - seuls certains types de phrase (la négation, l'interrogation) partagent les mêmes outils linguistiques pour exprimer la conséquence et la comparaison.

    Quant au rapport entre la conséquence et la concession, son étude a permis de dégager les connecteurs sans, sans que et si qui introduisent deux valeurs de la concessive : la concessive négative et la concessive hypothétique. La concessive négative est favorisée par les deux premiers connecteurs. La commutation de sans que par bien que ... ne pas nous a conduit à classer cette nuance de la concession comme une concession logique. Avec la concession hypothétique, l'intensité de la concessive, bien que tendant vers un degré plus élevé, présente toujours la concession comme manquée, alors que avec la conséquence, l'intensité présente la relation comme réalisée. En dehors de ces conclusions d'ordre général, nous sommes parvenue à ces résultats spécifiques :

    - Les connecteurs sans que et sans sont les seuls capables d'exprimer à la fois la conséquence, la cause et la concession. Sur le plan argumentatif, cette aptitude permet qu'on les regarde comme les connecteurs subjectifs avec les mêmes valeurs argumentatives que celles que dégagent l'implicite et l'inférence dans l'expression de la conséquence.

    - L'expression de la conséquence touche divers niveaux : grammatical, stylistique, linguistique et extralinguistique. Nous comprenons pourquoi les grammaires hésitent encore tant à se prononcer, de manière claire et précise, sur ce fait de langue.

    - L'étude de la locution finir par nous a amené à constater qu'elle exprime, dans son emploi consécutif, une conséquence prévisible et qu'elle est même commutable par le connecteur alors. C'est dans ce sens qu'il nous paraît opportun qu'elle soit intégrée parmi les outils d'expression de la conséquence au même titre que les locutions suffire... pour que, achever de et les lexèmes entraîner, provoquer, etc.

    Dans la perspective d'approfondir les conclusions de ce travail, une étude systématique des types d'arguments que lie un connecteur s'avère nécessaire pour clarifier les conditions que chacun d'eux doit remplir pour rendre possible la commutation. Par ailleurs, la diversité des marqueurs de conséquence en français incite à envisager une étude constrastive des marqueurs de conséquence dans nos langues nationales.

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    28- RIEGEL, M. et alii., (1996) Grammaire Méthodique du Français, Paris, PUF.

    29- RUWET, N., (1972) héorie syntaxique et syntaxe du français, Paris, Seuil.

    30- TESNIÈRE, L., (1988) Eléments de Syntaxe Structurale, Paris, Klincksieck.

    31- TOMASSONE, R., (2002) Pour enseigner la grammaire, Paris, Delgrave.

    32- WAGNER, R-L. et PINCHON, J., (1962) Grammaire du français classique

    et moderne, Paris, Hachette.

    3 - ÉTUDES SPÉCIALISÉES

    33- AMOSSY, R., (2000) L'argumentation dans le discours, Paris, Nathan.

    34- ANSCOMBRE, J.-C. et DUCROT, O., (1988) L'argumentation dans la langue,

    Paris, Mardaga.

    35- ARMENGAUD, F., (1993) La Pragmatique, Paris, PUF. Coll. Que sais-je ?

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    36- AUSTIN, J.-L., (1970) Quand dire, c'est faire, Paris Seuil.

    37- BARTHES, R., (1966) Critique et Vérité, Paris, Seuil.

    38- BENVENISTE, E., (1966) Problème de linguistique générale, t.1. Paris, Gallimard.

    39- BLANCHET, Ph., (1995) La Pragmatique d'Austin à Goffman, coll. Référence, Paris,

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    40- BRONCKARD, J.-P. et alii., (1985) Le fonctionnement des discours, un modèle

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    Laporte, C.Leclève, M. Piot et M. Silbeztein (éds), Syntaxe, Lexique et

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    51- FEIGENBAUM, S., (1996) « Les marqueurs de consécution : propriétés

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    53 - HYBERTIE, Ch., (1996) La conséquence en français, Coll. L'essentiel de

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    55- KERBRAT-ORECCHIONI, C., (1986) L'implicite, Paris, Armand Colin.

    56- MAINGUENEAU, D., (1996) Aborder la linguistique, Paris, Seuil.

    57- MAINGUENEAU, D., (1997) La pragmatique pour le discours littéraire, Paris,

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    58- MEDINA, R.-G., (2001) « Los enlaces así pues, consecuentemente,

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    59- MOESCHLER, J. et alii., (2006) « Le raisonnement causal : de la pragmatique du

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    60- MOESCHLER, J. et alii., (1985) L'articulation du discours en français, Berne,

    Peter Lang.

    61- MOESCHLER, J. et REBOUL, A., (1992) La pragmatique aujourd'hui, Paris, Seuil.

    62- MOREL, M.-A., (1996) La concession en français, Coll. L'essentiel de français,

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    63- NØLKE, H., (1993) Le regard du locuteur, Paris, Kimé.

    64- NØLKE, H., (1990) « Les adverbiaux contextuels : problèmes de classification »

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    65- NØLKE, H. et OLSEN, M., (2000) « Polyphonie : théorie et terminologie », in

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    Roskilde, Danemark, p. 45-171.

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    Yaoundé I, vol. 1, n°1. pp 130-143.

    67- PAVEAU, M.-A et SAFARTI, G.-E., (2003) Les grandes théories de la linguistique :

    De la grammaire comparée à la pragmatique, Paris, Armand Colin.

    68- PERELMAN, Ch., (1977) L'empire rhétorique. Rhétorique et argumentation,

    Paris, PUF.

    69- PLANTIN, Ch., (2002a) « Forme logique et forme clichée des lieux

    argumentatifs » in Bordas E (éd.), Clichés & clichages. Mélanges offerts à

    Anne-Marie Perrin-Naffakh, Poitiers : La Licorne, n°30.

    70- PLANTIN, Ch., (1990) Essais sur l'argumentation, Paris, Kimé.

    71- REBOUL, A. et MOESCHLER, J., (1998) Pragmatique du discours. De

    l'interprétation de l'énoncé à l'interprétation du discours. Coll. U. Paris,

    Armand Colin.

    72- ROSSARI, C., (1996) « Les marqueurs de consécution : propriétés communes et

    distinctives à la lumière de donc, de ce fait et il en résulte » in Claude

    Muller (éd.) : Dépendance et intégration syntaxique, subordination,

    coordination, connexion. Tübingen : Niemeyer, pp 271-283.

    73- ROSSARI, C. et JAYEZ, J., (2001) « Du coup et les connecteurs de conséquence

    dans une perspective dynamique », in John Benjamens publishing

    Compagny, Linguisticae Investigationes, Vol.23, n°2.

    74- ROSSARI, C. et JAYEZ, J., (1997) « Connecteurs de conséquence et portée

    Sémantique » in Cahier de linguistique française, n°19, pp 233-266.

    75- TISSET, C., (2000) Analyse linguistique de la narration, Coll. Linguistique,

    Paris, SEDES.

    76- TODOROV, T., (1968) Qu'est-ce que le structuralisme ? 2. Poétique, Paris, Seuil.

    77- TODOROV, T. et BAKHTINE, M., (1981) Le principe dialogique, coll. Poétique, Paris,

    Seuil.

    78- UMBERTO, E., (1965) L''Oeuvre ouverte, Coll. Points, Paris, Seuil

    79- VION, R., (2007) « Dimensions énonciative, discursive et dialogique de la

    modalisation » in Estudos lingüisticos, vol.8, n°15, pp193-224.

    80- ZUFFEREY, S., (2007) « Une analyse des connecteurs pragmatiques fondée sur

    la théorie de la pertinence et son application auTALN (traitement

    automatique des langues naturelles) » in Cahier de linguistique française,

    n°25, pp. 258-272.

    4. THÈSE et MÉMOIRES

    81- DIFFO, H., (2005) L'expression de la cause et de la conséquence : une étude

    morphosyntaxique à partir de Le pauvre christ de Bomba et Remember

    Ruben de Mongo Beti, Mémoire de DEA, FALSH, U.Y.I.

    82- GONTSOK ASSAMA, M., (2006) L'expression de la cause en français

    contemporain, Mémoire de Maîtrise, FALSH, U.Y.I.

    83- JAZE ZANFACK, L.-A., (2005) Étude de la Concession dans la Condition

    humain  d'André Malraux, Mémoire de Maîtrise, FALSH, U.Y.I.

    84- MOSSBERG, M., (2006) La relation de concession : Étude contrastive de

    quelques connecteurs concessifs français et suédois, Thèse de Doctorat

    Ph. D., Växjö University Press.

    5. DICTIONNAIRES SPÉCIALISÉS

    85- GABRIEL, A., (1959) Dictionnaire Latin-Français, Coll. Portefeuille, Paris, Hatier.

    86- GARY-PRIEUR, M.-N., (1999) Les termes clés de la linguistique, Coll. Lettres,

    Paris, Seuil.

    87- CHARAUDEAU, P. et MAINGUENEAU, D., (2002) Dictionnaire d'analyse du

    discours, Paris, Seuil.

    6. WEBOGRAPHIE

    88- BARRY, A. O., (2005) « Les outils théoriques en analyse de discours », LASELDI,

    Université de Franche-Comté - Besançon (MSH) in URL laseldi.univ-fcomte.fr

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    89- COMPAGNON, A., (1999) « Qu'est-ce qu'un auteur ? 11. L'illusion de l'intention »

    in URL : http://www.fabula.org/compagnon/auteur11.php.

    90- DARRAS, B., (2005) Images et sémantique : sémiotique pragmatique et cognitive in

    URL : http : //www.univ-paris1.fr/IMG/pdf/529_images.

    91- DASSI, E., (2005) De l'attribut et de la concession comme supports du

    biculturalisme in URL: http://www.inst.at/trans/15Nr /07_1 /dassi15.htm.

    92- DELECHELLE, G., (2004) Causalité et phrase complexe, prédication et

    circonstances concomitantes, in URL : http ://www.cercles.com. pp. 121-

    142.

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    Departemento de Filologia España III, Universidad Complutense, Madrid,

    España). www.ucm.es/info/circulo.

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    95- ONGUENE ESSONO, L.M., (2000) La subordination en grammaire prédicative : la

    proposition relative en français in URL : http://www.cm. Refer. Org/rec/

    linguis/onguene.htm

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    97- PEKBA-ANDERSON, T. et PEKBA, E.-P., (2007) « Les Connecteurs Temporels de

    simultanéité : Description de quand/lorsque coïncidence-antériorité » In

    Revue électronique internationale de sciences du language, Sudlangues,

    N°7 in URL : http://www.sudlangues.sn.

    98- ROBERGES, Y., (2002) Une brève introduction aux concepts de la syntaxe

    générative, Université de Toronto URL : http ://www.chass. utoronto. ca.french/ling/equipe/roberges

    99- ROMERO, Cl., (2005) L'expression de l'intensité par la conséquence ou la cause,

    Vol. 3, n°2. In URL: http://www.edel.univ-poitiers.fr/corela/document. php?id=753.

    100- SCHEPPERS, F., (2000) Thème, apposition, prédication seconde : une

    approche ultra-lexicaliste et ultra-sémantique in URL : http://www.ucm.es/ info/circulo/n°9/ scheppers /htm, Vrije, Universiteit Brussel, pp. 1-16.

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    corrélatives, CBS Copenhague in http://www.ruc.dk/cuid/ publikationer/ publikationer/XVI-SRK-Pub/JUS/JUS06-Stage/

    TABLE DES MATIÈRES

    DÉDICACE II

    REMERCIEMENTS III

    INTRODUCTION GÉNÉRALE I

    1. DÉFINITION DU SUJET 1

    2. MOTIVATION 2

    3. PROBLÉMATIQUE 5

    4. HYPOTHÈSES 6

    5. CORPUS 7

    6. CADRE THÉORIQUE 8

    7. MÉTHODOLOGIE 9

    8. PLAN DU TRAVAIL 9

    CHAPITRE 1 : L'APPROCHE FONCTIONNELLE DE LA CONSÉQUENCE 10

    1. L'approche classique du CCC 11

    1.1. La conséquence simple 11

    1.1.1. La juxtaposition 11

    1.1.2. La coordination 13

    1.1.2.1. La conjonction de coordination 13

    1.1.2.2. L'adverbe conjonctif 14

    1.1.3. L'apposition 15

    1.1.3.1. Le participe présent 16

    1.1.3.2. La relative détachée 17

    1.1.4. La préposition 17

    1.1.4.1. Un nom précédé d'une préposition 18

    1.1.4.2. Un infinitif précédé d'une préposition 19

    2. Le CCC en grammaire structurale 21

    2.1. La Grammaire Générative et Transformationnelle (GGT) 21

    2.2. La Grammaire dépendancielle 24

    2.3. L'approche prédicative de la notion de conséquence 25

    2.3.1. La subordination en grammaire prédicative 25

    2.3.2. La consécutive en grammaire précative 27

    2.3.2.1. Le choix 28

    2.3.2.2. La motivation 28

    2.3.2.3. Le contrôle 28

    2.3.2.4. Le prédicat en grammaire prédicative 28

    3. Le cadre théorique : la pragmatique linguistique 30

    3.1. Le fondements de la pragmatique 32

    3.2. Les concepts fondamentaux de la pragmatique 36

    3.2.1. Le concept de contexte 36

    3.2.2. Le concept de performance 37

    3.2.3. Le concept d'acte 38

    3.2.4. L'argumentation 41

    CHAPITRE 2 : LES MARQUEURS MORPHOLOGIQUES DE CONSEQUÉNCE ET LEUR PORTÉE ARGUMENTATIVE 46

    1. La conséquence réelle 47

    1.1. La conséquence réelle attendue 47

    1.1.1. Les marqueurs de relation inférentielle 48

    1.1.1.1. Le connecteur donc 48

    1.1.1.2. Le Marqueur alors 51

    1.1.1.2. 1. La valeur temporelle de alors 51

    1.1.1.2.2. La valeur consécutive 53

    1.1.1.3. Le Connecteur ainsi 56

    1.1.1.4. Le marqueur aussi 59

    1.1.2. Les marqueurs de consécution factuelle 62

    1.1.2.1. L'expression de la conséquence par l'intensité 62

    1.1.2.2. L'expression de la conséquence par la manière 65

    1.1.3. Les marqueurs lexicaux de conséquence 67

    1.1.3.1. Le verbe 67

    1.1.3.1.1. Suffire 67

    1.1.3.1.2. Finir par 68

    1.1.3.2. Le groupe prépositionnel Jusqu'aux + GN 69

    1.2. La conséquence inattendue 70

    1.2.1. Le connecteur eh bien 70

    1.2.2. Le marqueurs du coup 72

    2. La conséquence irréelle 73

    2.1. L'adverbe 74

    2.2. Le groupe prépositionnel 74

    3. La conséquence niée 75

    3.1. La préposition sans 76

    3.1.1. Sans + infinitif 76

    3.1.2. Sans + GN 77

    3.1.3. Le connecteur Sans que 78

    CH APITRE 3 : LA CONSÉQUENCE MORPHOSYNTAXIQUE : PROPRIÉTÉS ET VALEURS I

    1. La conséquence implicite 83

    1.1. La juxtaposition 83

    1.1.1. La causalité directe 83

    1.1.2. La causalité indirecte 85

    1.2. L'apposition 91

    1.2.1. La relative apposée 91

    1.2.2. Le participe présent 92

    2. Les types et les valeurs de la relation de cause à effet 93

    2.1. Les constructions détachées 93

    2.1.1. L'adjectif apposé 95

    2.1.2. Le connecteur comme 97

    2.1.3. Le connecteur quand/lorsque 99

    2.2. Les autres formes linguistiques 101

    2.2.1. L'aspect 101

    2.2.2. La modalité 103

    2.2.2.1. La conjonction De sorte que + sans doute 104

    2.2.2.2. La conjonction Si...que + un verbe d'opinion 106

    2.2.3. L'hypothèse 106

    2.2.4. La double corrélation 109

    3. La relation entre la conséquence et les modalités de phrase 111

    3.1. Donc marquant une interrogation 111

    3.2. Donc marquant une injonction 113

    3.3. Donc associé à une intonation exclamative 114

    3.4. Les adverbes d'intensité si, tellement, tant associés à une 115

    CHAPITRE 4 : LA CONSÉQUENCE ET LES AUTRES RÉLATIONS LOGIQUES I

    1. La relation consécution et finalité 118

    1.1. Les locutions conjonctives 118

    1.2. La consécution, la finalité et la manière 124

    2. Le rapport consécution et comparaison 127

    2.1. Le cas de si et de tant comparatif 128

    2.2. La locution tel...que comparatif 130

    3. La relation consécution et concession 134

    3.1. La concession négative 135

    3.2. La concession hypothétique 142

    CONCLUSION GÉNÉRALE I

    BIBLIOGRAPHIE 151

    TABLE DES MATIÈRES I






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon